B. MALGRÉ UNE MODIFICATION RÉCENTE DU CADRE JURIDIQUE APPLICABLE, LA NÉCESSITÉ DE PALLIER DES DIFFICULTÉS PERSISTANTES EN MATIÈRE D'ACCUEIL
1. Une amélioration récente du cadre juridique applicable
Bien que renforcé par ces modifications successives, le cadre juridique applicable à l'accueil des gens du voyage faisait montre d'insuffisances. Dans un rapport d'octobre 2010, le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) dressait « un bilan en demi-teinte » de la réalisation des schémas départementaux 11 ( * ) . Il notait ainsi qu'au 31 décembre 2009, seules 48 % des places en aires permanentes d'accueil prévues par les schémas départementaux avaient été créées et que 26 % des places prévues en aires de grand passage avaient été réalisées. Le même rapport relevait que 45 schémas départementaux étaient réalisés à moins de 50 %. La Cour des comptes effectuait, dans son rapport public thématique de 2012 précité, un constat similaire, notant qu'au 31 décembre 2010, « seules 52 % des places prévues en aires d'accueil (21 540 places réparties entre 919 aires d'accueil) et 29,4 % des aires de grand passage (103 aires) avaient été réalisées ».
Par ailleurs, les élus se trouvaient sur le terrain face à des difficultés qu'ils considéraient souvent comme des injustices. Le transfert au président d'EPCI, lorsque ce dernier dispose de la compétence, des pouvoirs de police du stationnement des résidences mobiles, conduisait à l'incompréhension de certains maires, dont la commune respectait les obligations du schéma départemental sans pouvoir interdire le stationnement des résidences mobiles en-dehors de l'aire d'accueil. De même, l'efficacité de la procédure d'évacuation forcée par le préfet, après mise en demeure non suivie d'effet, semblait insuffisante aux élus locaux.
Afin de répondre à ces difficultés, deux propositions de loi d'initiative sénatoriale 12 ( * ) ont formulé de premières pistes de solution, concrétisées dans la loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018 relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites . Procédant à trois aménagements du cadre juridique applicable, cette loi a en premier lieu clarifié le rôle respectif de l'État, des communes et des EPCI , d'une part, en précisant, au sein des EPCI compétents, les obligations incombant aux communes et celles incombant à l'EPCI et, d'autre part, en prévoyant un mode de coopération ad hoc entre préfet de région, préfet de département, président d'EPCI et maire de la commune d'accueil pour les groupes de plus de cent-cinquante résidences mobiles. En second lieu, cette loi a modernisé et clarifié les procédures d'évacuation des stationnements illicites en définissant les cas dans lesquels ces procédures trouvent à s'appliquer. Enfin, elle a doublé les sanctions pénales pour l'occupation par des gens du voyage de terrains sans titre en la punissant d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende.
2. Des difficultés persistantes appelant à des ajustements
Malgré cette modification récente du cadre juridique applicable, des difficultés persistantes, déjà soulignées par des travaux sénatoriaux, appellent à des ajustements que la présente proposition de loi s'efforce de prévoir.
Sur le terrain, la gestion des aires d'accueil semble perfectible . La charge de l'accueil paraît inégalement répartie entre les communes et EPCI concernés, qui ne sont au demeurant pas toujours en mesure d'anticiper les déplacements de gens du voyage. Les stationnements illicites continuent également de soulever des difficultés. Les élus locaux constatent par exemple qu'il est insuffisamment fait recours à la procédure d'évacuation d'office prévue par le législateur. Un nouveau renforcement, impliquant davantage les préfets de département, semble donc souhaitable.
Par ailleurs, le Sénat a déjà adopté plusieurs dispositifs - au cours de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité et la citoyenneté, de l'examen conjoint des propositions de loi dites « Carle » et « Hervé » ou d'autres textes - qui, faute d'avoir été retenus à l'issue de la navette parlementaire, ne figurent pas dans la loi. À titre d'exemple, la procédure de consignation de fonds pour les communes et EPCI n'ayant pas rempli leurs obligations perdure alors qu'elle semble, pour les collectivités concernées, inutilement contraignante et vexatoire. La comptabilisation des aires d'accueil de gens du voyage au sein des quotas de logements sociaux, déjà votée à deux reprises par le Sénat, constitue également une mesure de soutien aux élus locaux face aux difficultés qu'ils rencontrent.
* 11 Rapport n° 007449-01, Les aires d'accueil des gens du voyage , conseil général de l'environnement et du développement durable, Patrick Laporte, octobre 2010.
* 12 Les propositions de loi n° 557 (2016-2017) tendant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d'accueil des gens du voyage , présentée par Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues, et n° 680 (2016-2017) visant à renforcer et rendre plus effectives les sanctions en cas d'installations illégales en réunion sur un terrain public ou privé , présentée par Loïc Hervé et plusieurs de ses collègues.