B. LES CRÉDITS DE LA MISSION SONT LOIN DE RENDRE COMPTE DE L'EFFORT PUBLIC CONSACRÉ À LA RECONNAISSANCE DE LA NATION ENVERS SES ANCIENS COMBATTANTS

Il convient de compléter le paysage suggéré par les crédits de la mission par la mention de deux circuits de financement complémentaires, constitués, l'un, par des dépenses rattachables aux actions financées par la mission mais prises en charge par d'autres missions budgétaires, l'autre, par des transferts effectués au profit des anciens combattants et victimes de guerre à travers les dépenses fiscales correspondant aux divers avantages fiscaux qui leur sont réservés.

Les informations budgétaires communiquées par les ministères ont connu une régression considérable ces dernières années dès lors que les documents annexés aux projets de loi de finances ne comportent plus d'indication permettant d'apprécier les moyens totaux des politiques publiques rattachées à une mission budgétaire, mais qui peuvent bénéficier d'autres concours que ceux spécifiés par une mission particulière. L'amélioration de l'information sur les dépenses mobilisées par chacune des politiques publiques financées à travers le budget de l'État a été au coeur de la loi organique sur les lois de finances de 2001. De ce point de vue, la suppression des tableaux récapitulant les coûts budgétaires complets d'une politique donnée constitue un recul regrettable qu'il convient d'inverser au plus tôt.

Cette demande réitérée déjà un assez grand nombre de fois est restée sans suite, ce qu'il convient de déplorer, très vivement.

1. Des dépenses effectives supérieures aux dépenses directes et insuffisamment recensées

En ce qui concerne les crédits « déversés » par d'autres missions budgétaires, ils correspondent principalement aux dépenses de personnel acquittées par le ministère de la défense pour organiser la journée défense et citoyenneté (JDC) et le service militaire volontaire (SMV).

Cependant, il faut également tenir compte de la contribution relative au financement du service militaire volontaire issue de la mission « Défense » et de l'apport de la mission « Culture » résultant de la mise en place d'une Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 au sein du ministère de la culture à partir de juin 2019, création dont le rattachement administratif peut toujours être discuté mais qui est fidèle aux recommandations formulées par le rapporteur spécial dans son rapport consacré à l'action de réparation des spoliations antisémites.

Il faudrait également pouvoir apprécier le poids des efforts réalisés par les collectivités territoriales, notamment dans le cadre de la JDC et du SMV mais aussi au regard des actions de mémoire.

En tout état de cause, l'attrition de l'information budgétaire ne permet plus d'envisager finement les coûts complets des actions publiques financées par la mission.

Le rapporteur spécial recommande donc de revenir à un état plus satisfaisant de l'information budgétaire en reprenant la présentation des crédits complets consacrés aux actions publiques financées par les programmes budgétaires.

2. Les transferts publics au profit des anciens combattants passent de plus en plus par des dépenses fiscales et sociales non retracées dans les crédits de la mission

Quant aux transferts réalisés au bénéfice des anciens combattants à travers les régimes fiscaux dérogatoires qui leur reconnaissent des avantages particuliers, ils sont évalués par le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement à 740 millions d'euros, soit 33,9 % des dépenses budgétaires de la mission, une proportion en hausse par rapport à l'an dernier (31,3 %).

Dans ces conditions, l'effort public consolidé consacré aux différents objectifs poursuivis par la mission doit a minima être relevé d'un peu plus d'un tiers par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale.

Ces dépenses fiscales et sociales demeurent toutefois mal recensées, ce qui conduit à sous-estimer les transferts en faveur de certains anciens combattants. Tout d'abord, les documents budgétaires ne restituent pas les dépenses sociales, alors que celles-ci représentent bien des transferts publics au bénéfice des anciens combattants. Par ailleurs, concernant les dépenses fiscales en faveur des anciens combattants, leur recensement par la documentation budgétaire continue d'être incomplet, contrairement au recensement effectué par la Cour des comptes (voir encadré infra ).

Le rapporteur spécial recommande donc de procéder à une revue des aménagements des prélèvements obligatoires en faveur des anciens combattants afin d'en assurer un compte rendu et une estimation exhaustifs dans les annexes aux documents budgétaires.

Exemples de dépenses fiscales et sociales
non mentionnées par les documents budgétaires selon la Cour des comptes

L'impôt sur le revenu (IR) :

- l'exonération d'impôt sur le revenu des PMI reversées aux ayants droit des militaires et anciens combattants décédés, en vertu des dispositions du CPMIVG ;

- pour le programme 158, les indemnités versées aux ayants droit des victimes de spoliation qui sont exonérées d'IR.

Les droits de mutation : l'exonération dont bénéficie le capital versé aux victimes de spoliations qui serait soumis au droit d'enregistrement (programme 158).

Les droits de succession :

- la transmission du capital de la rente mutualiste, lorsqu'il a été opté pour le régime réservé viagèrement, se fait hors droit de succession dans la limite de la fiscalité actuelle ;

- pour les ayants droit des victimes de spoliations, les indemnités versées postérieurement au décès du bénéficiaire ne constituent pas un patrimoine taxable.

Les prélèvements sociaux :

- les PMI, la retraite du combattant, la retraite mutualiste des anciens combattants (dans la mesure où elle bénéficie de la majoration de l'État) et les allocations de reconnaissance servies aux anciens membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie et leurs veuves sont exonérées de CSG et de CRDS. Le coût de ces avantages est difficile à évaluer en raison des modulations susceptibles d'intervenir ;

- les sommes perçues par les orphelins des victimes de la barbarie, les orphelins des victimes d'actes d'antisémitisme pendant la Seconde guerre mondiale et par les victimes de spoliations ne sont pas soumis à prélèvements sociaux.

Bien que ces deux exonérations ne relèvent pas de la loi de finances initiale stricto sensu, et ne doivent pas figurer dans le RAP à ce titre, mais du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les montants correspondants viennent augmenter le coût global de cette politique. Ils pourraient donc être mentionnés dans les documents budgétaires pour porter à la connaissance de la représentation nationale le coût de cette politique.

Source : Cour des comptes

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page