II. LA POSITION DE LA COMMISSION : AFFIRMER LA NÉCESSITÉ DE MESURES EFFICACES ET PROTECTRICES DES LIBERTÉS
Au regard des enjeux pour la sécurité de nos concitoyens et le fonctionnement des services de renseignement que porte ce projet de loi, la commission a souhaité que la discussion du texte soit conduite à son terme et ne pas rester sur le constat d'échec de la commission mixte paritaire.
La commission a soutenu la pérennisation des mesures administratives de lutte contre le terrorisme et les quelques ajustements qui leurs sont apportés tel l'élargissement proposé de la mesure de fermeture administrative des lieux de culte aux « locaux annexes » afin de faire face aux stratégies de contournement parfois observées, ou la possibilité de saisir des supports informatiques lorsque, à l'occasion d'une visite domiciliaire, la personne fait obstacle à l'accès aux données informatiques concernées ou à leur copie. Ces ajustements reprennent des recommandations formulées par la commission elle-même à l'occasion de ses travaux d'évaluation de la loi SILT. À son initiative, le Sénat les avait d'ailleurs adoptés dès octobre 2020 et l'on ne peut que regretter le délai de neuf mois qui s'est écoulé depuis.
La question des modalités de suivi des personnes condamnées pour des actes de terrorisme sortant de détention est plus complexe. Elle repose sur un constat partagé : les dispositifs existants ne permettent pas d'assurer un suivi satisfaisant de ces individus, qui représentent pourtant une menace majeure pour notre société.
La divergence porte sur les moyens d'assurer ce suivi de manière efficace et juridiquement solide. Face à l'alternative posée entre la solution du Gouvernement et de l'Assemblée nationale et celle du Sénat, la commission des lois a souhaité continuer à oeuvrer dans l'esprit de compromis qui avait été celui des rapporteurs préalablement à la commission mixte paritaire.
S'agissant de l' article 3 , au regard des interrogations fortes qui demeurent quant à la constitutionnalité de la mesure, elle a à nouveau supprimé l'extension à vingt-quatre mois des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance lorsqu'elles sont prononcées dans les six mois à compter de l'élargissement d'une personne condamnée pour des actes de terrorisme à une peine de prison d'une durée supérieure à cinq ans (ou à trois ans lorsque l'infraction a été commise en état de récidive légale) - amendement COM-13 des rapporteurs.
À l' article 5 , la commission a rétabli une mesure judiciaire de sûreté qui ait une dimension d'ensemble ( amendement COM-14 des rapporteurs).
Les mesures de suivi judiciaire présentent plusieurs avantages :
- prononcées par un juge, elles offrent des possibilités de surveillance plus longue et potentiellement plus contraignante ;
- elles présentent des garanties plus importantes pour les individus concernés, car elles sont prononcées à l'issue d'une procédure contradictoire ;
- elles permettent d'associer aux mesures de surveillance des mesures sociales visant à favoriser la réinsertion de la personne.
La commission a donc modifié l'article 5 pour prévoir la possibilité de prononcer tant des mesures de surveillance que des mesures de réinsertion . Cependant, afin d'assurer la bonne articulation entre mesures judiciaires et mesures administratives, la rédaction proposée prévoit que lorsque la mesure de sûreté comprend des obligations qui sont similaires à celles prononcées dans le cadre des MICAS, les premières ne peuvent prendre effet que lorsque les secondes sont levées .
Obligations susceptibles d'être
imposées :
comparatif entre les MICAS, la rédaction
initiale de l'article 5, la rédaction du Sénat
et la
rédaction de nouvelle lecture
Obligations |
MICAS |
Rédaction initiale de l'article 5 |
Rédaction retenue par le Sénat de l'article 5 |
Rédaction adoptée par la commission en nouvelle lecture |
Accompagnement socio-judiciaire |
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Répondre aux convocations
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X |
X |
X |
|
Recevoir les visites du service pénitentiaire
d'insertion et de probation et lui communiquer les renseignements ou documents
de nature à permettre le contrôle de ses moyens d'existence et de
l'exécution de ses obligations
|
X |
X |
X |
|
Respecter les conditions
|
X |
X |
X |
|
Emploi |
||||
Prévenir le service pénitentiaire d'insertion et
de probation
|
X |
X |
||
Obtenir l'autorisation préalable du juge de
l'application des peines
|
X |
X
|
||
Exercer une activité professionnelle ou suivre un
enseignement ou une formation professionnelle
|
X |
X |
X |
|
Ne pas se livrer à l'activité dans l'exercice ou
à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été
commise ou ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel
avec des mineurs
|
X |
X |
X |
|
Résidence |
||||
Prévenir le service pénitentiaire d'insertion et
de probation
|
X |
X |
||
Obtenir l'autorisation préalable
|
X |
X
|
||
Établir sa résidence en un lieu
déterminé
|
X |
X
|
X
|
|
Contrôle des déplacements |
||||
Informer préalablement
|
X |
X |
||
Obtenir l'autorisation préalable
|
X
|
X
|
||
Faire l'objet d'un placement
|
X |
|||
Obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie (pointage) |
X |
|||
Interdire à la personne de se déplacer à l'extérieur d'un certain périmètre géographique (assignation à résidence) ou d'accéder à certains lieux |
X |
|||
Interdictions de paraître ou de fréquenter certains lieux |
||||
S'abstenir de paraître en tout lieu, toute
catégorie de lieux ou toute zone spécialement
désignés
|
X |
X
|
X
|
|
Contrôle des fréquentations des personnes |
||||
Ne pas fréquenter certains condamnés, notamment
les auteurs ou complices de l'infraction
|
X |
X
|
||
S'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes, dont
la victime, ou certaines catégories de personnes, et notamment des
mineurs, à l'exception,
|
X |
X
|
||
Interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes dont
il existe des raisons sérieuses de penser
|
X |
|||
Autres interdictions |
||||
Ne pas détenir
|
X |
X |
Source : commission des lois du Sénat
La commission a également, à l'article 2, rétablit sa caractérisation plus précise des locaux annexes au lieu de culte qu'il sera possible de fermer s'il existe des raisons sérieuses de penser qu'ils seraient utilisés pour faire échec à l'exécution de la mesure de fermeture du lieu de culte ( amendement COM-12 des rapporteurs). Il s'agirait des locaux gérés, exploités ou financés, directement ou indirectement, par une personne physique ou morale gestionnaire du lieu de culte dont la fermeture a été prononcée, qui accueillent habituellement des réunions publiques. Dans une perspective de conciliation avec l'Assemblée nationale, elle a cependant supprimé la mention de l'accueil habituel de réunions publiques. Étant entendu que les mesures de police administrative ne peuvent concerner des lieux privés, cette mention semble satisfaite.
Dans le même esprit, la commission des lois a accepté l'extension souhaitée par l'Assemblée nationale de l'expérimentation de la captation des données de communication satellitaire aux services de renseignement du second cercle. Elle a par contre considéré, à l'article 13, que les incertitudes tant techniques que, surtout, juridiques liées à l'atteinte aux libertés que représente la possibilité d'utiliser les URL parmi les données traitées par algorithme imposent de rendre cette extension expérimentale ( amendements COM-8 de Jean-Yves Leconte et COM-15 des rapporteurs).
À l'article 15, la commission des lois a rétabli la précision qu'elle avait introduite en première lecture afin que les catégories de données conservées par les opérateurs dans le cadre de leur obligation de conservation permanente - c'est-à-dire les données relatives à l'identité de l'abonné, ses coordonnées de contact et de paiement, et les adresses IP - restent accessibles aux autorités judiciaires dans le cadre des procédures de réquisitions habituelles, hors procédure d'injonction de conservation rapide ( amendement COM-16 des rapporteurs). Celle-ci ne serait nécessaire, conformément à l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne du 6 octobre 2020, que pour accéder aux données de connexion les plus sensibles, conservées sur injonction du Premier ministre .
La commission a par ailleurs adopté les amendements de clarification rédactionnelle COM-11 et COM-17 des rapporteurs , aux articles 1 er bis et 15. Elle a également adopté l' amendement COM-1 de Jean-Yves Leconte qui rétablit l'inscription à l'article 1 er bis d'une réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel concernant le caractère non discriminatoire des vérifications opérées dans le cadre des périmètres de protection.
*
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La commission a adopté texte ainsi modifié.
Le projet de loi sera examiné en nouvelle
lecture en séance publique
le mercredi 21 juillet 2021.