ANALYSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 161 « SÉCURITÉ CIVILE »

1. Une augmentation des crédits résultant principalement d'une mesure de périmètre et du renouvellement du marché de maintenance des aéronefs

La dotation inscrite en PLF pour 2022 s'élève à 678,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 568,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP) , contre respectivement 413,4 et 518,7 millions d'euros ouverts en LFI 2021.

Évolution des crédits de paiement du programme par action

(en millions d'euros)

Nom de l'action

AE 2021 (LFI)

CP 2021 (LFI)

AE 2022 (PLF)

CP 2022 (PLF)

Variation AE 2022/2021

Variation CP 2022/2021

11 - Prévention et gestion de crises

34,599

35,625

35,484

37,727

2,6 %

5,9 %

12 - Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

237,468

341,366

490,934

378,425

106,7 %

10,9 %

13 - Soutien aux acteurs de la sécurité civile

130,552

130,959

140,851

141,255

7,9 %

7,9 %

14 - Fonctionnement, soutien et logistique

10,821

10,821

11,223

11,223

3,7 %

3,7 %

Total

413,440

518,771

678,492

568,63

64,1 %

9,6 %

Source : documents budgétaires

Les mesures de transfert pour le PLF 2022 indiquées dans le projet annuel de performance (PAP) sont marginales . Aucun transfert n'est ainsi prévu en titre 2, tandis que les dépenses hors titre 2 seront affectées par un transfert global de +396 540 euros en AE et en CP, se traduisant notamment par la réintégration au sein des moyens nationaux de sécurité civile des 450 000 euros de dépenses de matériel et de radio, transférées dans le PLF 2020 au programme 216.

Il est toutefois surprenant que la réintégration au programme 161 des dépenses de maintenance des aéronefs et des sirènes d'alerte en provenance de la mission « Plan de relance », pour un montant total de 39,5 millions d'euros, dont l'impact sur le périmètre du programme est significatif, n'ait pas été identifiée dans le PAP comme une mesure de transfert.

a) Une augmentation des crédits de paiement qui s'explique en grande partie par une mesure de périmètre

L'augmentation du montant des CP de 50 millions (+ 9,6 %) entre la LFI 2021 et la programmation budgétaire pour 2022 est principalement portée par la hausse des dépenses de fonctionnement.

Celles-ci s'élèvent en effet à 154,5 millions contre 105,2 millions en 2021 . Cette augmentation des dépenses du titre 3 de 46,7 % est principalement portée par la réintégration au sein du programme 161 de 39,5 millions d'euros de crédits affectés en 2021 à la mission « Plan de relance ». Ces crédits regroupent 37,3 millions de CP de maintien en condition opérationnelle (MCO) de la flotte d'avions, ainsi que 2,2 millions d'euros correspondant au MCO des sirènes du système d'alerte et d'information des populations (SAIP ). Cette hausse des CP doit donc être nuancée dans la mesure où elle résulte majoritairement d'une mesure de périmètre et non d'une réelle augmentation des dépenses.

La hausse des dépenses de fonctionnement est également portée par le paiement d'une avance dans le cadre du renouvellement du marché de MCO d'avions avec le constructeur Sabena Technics , pour un montant estimé à 5,186 millions d'euros de CP . Ces dépenses de maintenance connaissent par ailleurs une tendance naturelle à la hausse , en raison du vieillissement de la flotte aérienne, mais aussi, de l'intégration récente au sein de la flotte de nouveaux avions Dash 8.

La programmation pour 2022 est également marquée par une augmentation substantielle des dépenses d'intervention. Elle s'explique par la hausse de 9,4 millions des crédits accordés à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) , qui atteint un total de 96,2 millions d'euros .

La contribution de l'État au budget de la BSPP

L'article L. 2512-18 code général des collectivités territoriales indique que les recettes et dépenses de la BSPP sont inscrites au budget spécial de la Préfecture de police. L'article L. 2512-19 de ce même code prévoit notamment une contribution de l'État au budget de fonctionnement de la BSPP, égale à 25% des dépenses suivantes, inscrites au budget spécial :

« - Rémunération des militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, y compris l'alimentation des militaires pendant la durée légale du service ;

- Frais d'habillement, de déplacement, de transport et de mission (...) ;

- Dépenses du service d'instruction et de santé ;

- Entretien, réparation, acquisition et installation du matériel de lutte contre l'incendie, du matériel de transport et du matériel de transmission. »

La hausse des crédits accordés à la BSPP au titre de l'année 2022 est donc due à un « rebasage » de cette subvention. Selon la DGSCGC, les modalités spécifiques d'interventions auxquelles la BSPP est confrontée ont en effet nécessité un plan de modernisation susceptible de générer une augmentation pérenne des coûts de fonctionnement de la brigade.

Évolution des crédits de paiement entre 2016 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

La baisse des dépenses d'investissement, qui sont passées de 105 millions d'euros de CP en LFI 2021 à 95,6 millions d'euros de CP en 2022 , s'explique essentiellement par l'avancée de l'exécution de la commande de 6 nouveaux avions Dash 8 Q 400 MR, amorcée en 2018. Cette commande avait nécessité l'utilisation de 80,5 millions d'euros de CP en 2021 pour le paiement du solde des troisième et quatrième Dash, ainsi que l'acompte du cinquième, qui sera livré en 2022. La poursuite de cette commande d'avions nécessite l'engagement de 66,2 millions d'euros de CP dans la programmation budgétaire pour 2022.

Échéancier actualisé d'acquisition d'avions Dash Q 400 multi-rôles

(en millions d'euros)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

TOTAL

Commande

6

6

Livraison

1

1

2 1 ( * )

1

1

6

AE

-

322,06

1,62

2,33

6,72

15,81

14,74

363,28

CP

-

34,35

64,17

66,09

79,29

66,2

53,18

363,28

Source : réponses au questionnaire budgétaire

b) La hausse des autorisations d'engagement est portée par la reconduction des marchés de MCO

La hausse de plus de 297 % des AE s'explique en grande partie par la hausse des dépenses de fonctionnement de l'action 12 « Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux ».

Cette hausse s'explique par la reconduction pour 5 ans du principal marché de maintien en MCO des hélicoptères, pour un montant de 184,3 millions d'euros d'AE . Ce montant comprend notamment la prise en compte future, par voie d'avenant, de la livraison des 7 ème et 8 ème Dash 8 multi-rôles.

Par ailleurs, les AE associées aux dépenses de MCO des avions ont été réintégrées depuis la mission « Plan de relance » vers le programme 161, pour un montant de 37,3 millions d'euros .

L'augmentation des AE est également portée, dans une moindre mesure, par l'augmentation des dépenses d'investissement résultant de l'affermissement de la deuxième tranche conditionnelle du marché de modernisation de l'avionique des hélicoptères EC145, pour un montant estimé à 8,4 millions d'euros .

Évolution des autorisations d'engagement entre 2016 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

2. Une relative stabilité des dépenses de personnel

Les dépenses de personnel pour l'année 2022 devraient légèrement augmenter, pour être portées à hauteur de 190,4 millions d'euros, contre 189,4 millions d'euros en 2021 (+ 0,52 %).

Évolution des dépenses de personnel entre 2021 et 2022

(en euros)

(en euros) Crédits de titre 2

2021 - LFI

2022 - PLF

dont CAS Pensions

53 769 517

53 729 654

Total hors CAS pensions

135 637 656

136 663 251

Total titre 2

189 407 173

190 392 905

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

Hors contribution au CAS « Pensions », la hausse des dépenses de titre 2 s'élève à 1 million de CP, et s'explique d'une part par une évolution des principales données de construction de la budgétisation (coûts moyens, taux de GVT et mesures catégorielles) et d'autre part par les mesures nouvelles de l'année 2021. En effet, certaines mesures non-identifiées lors de la LFI 2021 sont venues impacter à la hausse la budgétisation :

- plusieurs indemnisations des heures supplémentaires des personnels police en 2020 et 2021 ;

- la mise en oeuvre de la nouvelle politique de rémunération des personnels militaires dès 2021 ;

- la révision de la grille indiciaire des personnels navigants contractuels du groupement hélicoptères et du groupement avions de la sécurité civile en 2022 ;

- le financement de la protection sociale complémentaire en 2022.

Il convient par ailleurs de noter que le schéma d'emplois est resté stable en 2022.

3. Un manque de lisibilité de l'effort financier consacré à la sécurité civile, résultant de la dispersion des crédits au sein de multiples programmes
a) Pour la deuxième année consécutive, le programme 161 ne contribue que minoritairement aux dépenses bénéficiant à la sécurité civile

En raison de son caractère interministériel, la politique de sécurité civile fait l'objet d'un document de politique transversale , annexé chaque année au projet de loi de finances, et retrace l'ensemble des crédits nationaux qui y sont dévolus. S'il permet d'en avoir une visibilité globale, il consiste surtout en une agrégation des crédits de chaque action liée à la sécurité civile, qui ne rend donc pas compte d'une mise en oeuvre « réelle » d'une politique publique coordonnée au niveau interministériel.

Ainsi, dix autres programmes contribuent à la politique publique de sécurité civile, pour un montant total de près d'1,3 milliard d'euros en 2022 . Pour la deuxième année consécutive, les crédits du programme 161 représentent moins de la moitié des dépenses consacrées à la politique de sécurité civile, bien que leur part augmente légèrement par rapport à 2021, à hauteur de 43,8 %.

Évolution des crédits affectés à la sécurité civile

(en millions d'euros)

Crédits de paiement

LFI 2015

LFI 2016

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI+LFR 2020

LFI 2021

PLF 2022

Programme 161

433,2

448,6

507,7

515,1

537,1

519,5

546,9

520,4

568,6

Montant consolidé - tous programmes confondus

883,9

894,4

946,5

979,5

1 024,3

975,1

1 013,2

1 196,9

1 297

Part du programme 161

49 %

50,2 %

53,6 %

52,6 %

52,4 %

53,3 %

54 %

43,5 %

43,8 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents de politique transversale relatifs à la sécurité civile)

b) Un manque de lisibilité des crédits affectés à la sécurité civile, malgré une réintégration bienvenue de certaines dépenses en provenance de la mission « Plan de relance » vers leur programme d'origine

Il convient toutefois de saluer le fait que, conformément à la recommandation formulée par le rapporteur spécial dans le cadre des discussions sur le PLF 2021, le document de politique transversale fait cette année mention des crédits inscrits dans la mission « Plan de relance ».

Cette mission, qui consacrait en LFI 2021 près de 37,5 millions d'euros à la politique de sécurité civile, n'y contribuera plus qu'à hauteur de 9,5 millions d'euros en 2022 selon le document de politique transversale . Cela s'explique en grande partie par la réintégration de plusieurs dépenses au sein de leur programme d'origine, telles que les MCO d'avions et des sirènes du SAIP, réintégrées au programme 161. L'imputation de ces crédits au plan de relance en 2021 avait suscité le scepticisme du rapporteur spécial, dans la mesure où les MCO, considérées comme des dépenses de fonctionnement et non d'investissement, ne s'inscrivent pas dans une démarche de relance de l'économie.

Les réponses au questionnaire budgétaire, ainsi que le projet annuel de performance (PAP) de la mission « Plan de relance », permettent d'identifier ces crédits. Environ 3,96 millions sont imputés au programme 362 « Écologie », pour financer la rénovation énergétique de certains bâtiments de la DGSCS et verdir son parc automobile. Selon le document de politique transversale, le programme 363 « compétitivité » contribue également à hauteur de 5,9 millions d'euros de CP à la politique de sécurité civile pour financer la mise en oeuvre du dispositif FR-Alert (anciennement 112 inversé) et le paiement des restes à payer pour des hélicoptères de type H145-D3 commandés en 2020.

La dispersion des informations entre le PAP du programme 161, le document de politique transversale de la sécurité civile et le PAP de la mission « plan de relance » peut nuire à la lisibilité des crédits alloués à la sécurité civile, voire aboutir à certaines incohérences. À titre d'exemple, si le document de politique transversale indique que le programme 363 contribue à hauteur de 5,9 millions d'euros à la politique de sécurité civile, le PAP de la mission « Plan de relance » indique que ce même programme finance à hauteur de 8 millions d'euros le projet FR-Alert, nouveau système d'alerte mobile de la sécurité civile.


* 1 Un avion a été livré en mars 2021, tandis qu'un deuxième est attendu pour novembre.

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