C. UNE POLITIQUE D'INCLUSION À LA SOUTENABILITÉ BUDGÉTAIRE EN QUESTION
1. Une scolarisation des élèves en situation de handicap en progression constante au cours des dernières années
Depuis la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005, qui garantit à tous le droit à une scolarisation en milieu ordinaire, dès lors qu'elle est possible, le nombre d'élèves en situation de handicap concernés a cru de manière continue.
Scolarisation des élèves en situation de handicap entre 2006 et 2020
(en milliers)
Source : commission des finances d'après la DEPP
En dix ans, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est passé de 126 000 dans le premier degré et 76 000 dans le second degré à respectivement 200 000 et 184 000, soit une hausse de 58,7 % des effectifs dans le primaire et près de 150 % dans le secondaire.
Pour les seuls élèves scolarisés en unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS), après la hausse des effectifs observée en 2021 (+ 2,3 % soit 1 200 élèves de plus), le nombre d'élèves en ULIS devrait augmenter régulièrement à chaque rentrée (+ 2,0 points chaque année jusqu'en 2026) pour atteindre 59 900 élèves à la rentrée 2026.
À la rentrée 2022, plus de 430 000 élèves en situation de handicap sont attendus dans les écoles et établissements publics et privés sous contrat . Le nombre d'élèves bénéficiant d'un dispositif ULIS est estimé à plus de 117 000.
2. Près de quatre milliards d'euros sont désormais consacrés à l'école inclusive
Les crédits consacrés à « l'école inclusive », c'est-à-dire la scolarisation des élèves en situation de handicap, sont en très nette hausse sur l'ensemble des dernières années. Au cours du dernier quinquennat, ces crédits ont augmenté de 116 % et 11 % entre 2022 et 2023. La hausse de moyen terme ne peut qu'interroger, dans la mesure où, au cours des dix dernières années, les moyens consacrés à la scolarisation de handicap ont cru de plus de 300 %.
Évolution des crédits de l'action 03 -
scolarisation des élèves
en situation de handicap sur le
programme 230
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
En PLF 2023, la participation du ministère en faveur du handicap s'élèvera à plus de 3,8 milliards d'euros, soit une augmentation de 81 % depuis 2017. Elle s'élevait en LFI 2022, à plus de 3,6 milliards d'euros.
Comme indiqué sur le tableau ci-dessous, la quasi-totalité de ces dépenses couvrent la rémunération des personnels dédiés, dont plus des deux tiers pour les seuls accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).
Crédits dédiés à l'école inclusive en PLF 2023
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances
3. Un renforcement continu des moyens humains qui ne peut qu'interroger
a) Un nombre d'AESH qui a été multiplié par cinq depuis 2015
Les moyens humains consacrés à l'école inclusive ont été fortement renforcés essentiellement au travers du recrutement de nombreux AESH dont le statut a été créé en 2014. Les AESH interviennent désormais auprès de l'ensemble des élèves bénéficiant d'une prescription d'aide humaine, notamment dans le cadre des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL).
L'effectif total d'AESH s'élève à 123 874 personnes, dont 56 965 rémunérées sur le titre 2 de l'État et 66 909 hors titre 2 . Cela correspond à près de 83 000 ETPT. 4 000 ETP supplémentaires ont été créés à la rentrée 2021, autant en 2022 et autant devraient l'être en 2023. Depuis 2017, le nombre d'AESH a augmenté de 55 %.
Évolution du nombre d'AESH depuis 2015
(en ETP)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Les AESH sont des emplois très féminisés et souvent exercés à temps partiel. Il était donc indispensable de mettre en place une politique de dé-précarisation et de professionnalisation des AESH , notamment au travers de la généralisation du recrutement de ces personnels en contrat de droit public de trois ans, renouvelable une fois, avant signature d'un contrat à durée indéterminée (CDI) pour les AESH ayant plus de 6 ans d'ancienneté. La totalité des AESH sera gérée sur le titre 2 d'ici 2025. Plus de 25 000 ETP d'AESH seront ainsi basculés du HT2 vers le T2 dès 2023, soit 8 565 ETPT.
Évolution du nombre d'AESH entre 2022 et 2023
(en ETPT)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Sur les deux années 2021 et 2022, sans compter les hausses du point de la fonction publique , 56 millions d'euros ont été mobilisés par le ministère pour améliorer la rémunération des AESH . La revalorisation des AESH avec une grille indiciaire permettant une progression automatique tous les trois ans représentait ainsi 20,7 millions d'euros en 2021 et 24 millions d'euros en 2022.
La création d'un quasi statut a ainsi procuré une hausse moyenne de rémunération de 612 euros bruts par an et par ETP. À cette revalorisation s'ajoutent 180 euros bruts par an et par agent au titre du remboursement des cotisations de protection sociale complémentaire. En 2023, l'indemnité de sujétions d'exercice en éducation prioritaire sera étendue aux AESH.
En parallèle de la hausse du nombre d'AESH, le nombre d'enseignants spécialisés pour la scolarisation d'élèves en situation de handicap a également largement augmenté.
Évolution du nombre de postes d'enseignants
spécialisés
dans le domaine du handicap depuis
2017
(en ETP)
rentrée 2017 |
rentrée 2018 |
rentrée 2019 |
rentrée 2020 |
rentrée 2021 |
|
Postes spécialisés dans le domaine du handicap au sein du MEN |
11 975 |
12 460 |
13 079 |
13 547 |
14 263 |
Postes spécialisés dans le domaine du handicap hors MEN |
6 806 |
6 961 |
7 148 |
7 219 |
7 499 |
Total postes spécialisés dans le domaine du handicap |
18 781 |
19 421 |
20 226 |
20 766 |
21 762 |
Source : DGESCO
b) Une soutenabilité à long terme qui nécessite de revoir le modèle de prescription
La particularité de la gestion de la scolarisation des élèves en situation de handicap est que l'Éducation nationale, en administration centrale comme dans les rectorats, n'a pas de visibilité sur les effectifs, dans la mesure où le nombre d'élèves scolarisés dépend de l'évolution des notifications effectuées par les maisons départementales des personnes handicapées .
Le processus de notification
Les parents de l'enfant en situation de handicap font une
demande
d'accompagnement auprès de la MDPH. La famille peut
également être informée par le chef d'établissement
ou le directeur d'école de la nécessité de mesures
compensatoires dans le cadre d'un plan personnalisé de scolarisation. En
l'absence de réaction de la part de la famille dans un délai de 4
mois, la MDPH est tenue d'engager un dialogue avec la famille.
Pour une première demande d'aménagement, la famille doit prendre contact avec l'équipe pédagogique afin que celle-ci élabore le guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (GEVA-sco). Ce guide précise la situation scolaire de l'élève et ses possibles besoins de compensation. Il comprend notamment les observations des enseignants sur l'élève.
L'équipe pluridisciplinaire d'évaluation (EPE) au sein de la MDPH évalue les besoins de compensation et élabore le parcours personnel de scolarisation (PPS). Il le transmet pour avis à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées qui prend la décision et émet la notification MDPH.
Source : Bilan des mesures éducatives du quinquennat , rapport d'information de Mme Annick BILLON, M. Max BRISSON et Mme Marie-Pierre MONIER, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, n° 543 (2021-2022) ; février 2022.
Cela entraîne une déconnexion entre le prescripteur et le payeur qui n'est pas soutenable à long terme . Dans certaines MDPH, la hausse de prescriptions à la rentrée 2022 par rapport à l'année précédente a pu atteindre 25 % . Sans remettre en cause les besoins importants concernant un grand nombre d'enfants, dont la présence en classe doit être garantie, les informations transmises au rapporteur spécial indiquent que certaines MDPH ont parfois une définition très large du handicap. Si la compensation des inégalités sociales et familiales constitue en soi un objectif louable, il n'est pas certain que la prescription d'un adulte dédié aux élèves les plus en difficulté socialement soit une solution durable .
En tout état de cause, il serait indispensable de consolider un référentiel national concernant les prescriptions d'aide humaine.