Rapport général n° 115 (2022-2023) de Mme Sylvie VERMEILLET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 novembre 2022
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L'ESSENTIEL
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AVANT-PROPOS
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PREMIÈRE PARTIE :
LA MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE » ET LA PERSPECTIVE D'UNE RÉFORME DES RETRAITES
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I. UNE MAQUETTE BUDGÉTAIRE QUI NE COUVRE PAS
LA TOTALITÉ DE L'EFFORT DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES RÉGIMES
SPÉCIAUX
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II. UNE PRÉSENTATION INSUFFISANTE DES ENJEUX
DE LA RÉFORME À VENIR DES RÉGIMES SPÉCIAUX
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A. UNE PROGRESSION DES DÉPENSES DE
L'ÉTAT À MIEUX DOCUMENTER
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B. UNE DÉPENDANCE AU FINANCEMENT PUBLIC ET
AUX COMPENSATIONS DÉMOGRAPHIQUES
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C. DEUX RÉGIMES COUVERTS PAR LA MISSION
SERAIENT À DES DEGRÉS DIVERS CONCERNÉS PAR UNE SUPPRESSION
DES RÉGIMES SPÉCIAUX
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A. UNE PROGRESSION DES DÉPENSES DE
L'ÉTAT À MIEUX DOCUMENTER
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I. UNE MAQUETTE BUDGÉTAIRE QUI NE COUVRE PAS
LA TOTALITÉ DE L'EFFORT DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES RÉGIMES
SPÉCIAUX
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DEUXIÈME PARTIE
LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS » : UN COÛT INÉVITABLEMENT CROISSANT POUR L'ÉTAT ?
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I. UNE PROGRESSION CONSÉQUENTE DES
DÉPENSES EN 2023 QUI NE SERA PAS COMPENSÉE PAR CELLE DES
RECETTES
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II. UN DÉSÉQUILIBRE APPELÉ
À S'AGGRAVER
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I. UNE PROGRESSION CONSÉQUENTE DES
DÉPENSES EN 2023 QUI NE SERA PAS COMPENSÉE PAR CELLE DES
RECETTES
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EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 115 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022 |
RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 , |
Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général,
Sénateur
LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
(seconde partie de la loi de finances)
RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE
|
Rapporteure spéciale : Mme Sylvie VERMEILLET |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean- Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel. |
Voir les numéros : Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26 Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023) |
L'ESSENTIEL
L'ensemble des pensions servies par les régimes de retraite de base ont atteint 246,3 milliards d'euros en 2021 (+ 1,8 % par rapport à 2020). Ce montant devrait être majoré de 4,6 % en 2022 pour atteindre 257,5 milliards d'euros. Les seules pensions de la fonction publique d'État, visées par le CAS « Pensions » représentaient en 2021, 23 % des prestations servies par les régimes de base. Celles des régimes spéciaux - dont certains sont intégrés au sein de la mission « Régimes et sociaux de retraite » - représentaient 6 % desdites prestations.
Répartition des prestations de retraites entre
les différents régimes de base
en 2021
Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2022
Le CAS comme la mission « Régimes sociaux et de retraites » ne représentent pas la totalité des canaux de financement de l'État vers les régimes d'assurance-vieillesse. Les impôts et taxes affectées à la protection sociale (ITAF) constituent également une source de financement. Au total, 23,4 % des dépenses publiques ont ainsi été fléchées vers les dépenses de retraite en 2021 (24,8 % en 2020).
L'examen du projet de loi de finances 2023 s'inscrit dans un contexte de dégradation annoncée des comptes du système des retraites. Les excédents enregistrés (900 millions d'euros en 2021) ou attendus (3,2 milliards d'euros en 2022) devraient rester des épiphénomènes, l'exercice 2023 devant constituer la première étape d'une dégradation appelée à se poursuivre jusqu'en 2032. Les dépenses de retraite brutes représentaient ainsi 13,8 % du PIB en 2021 1 ( * ) . Elles devraient se stabiliser à cet étiage jusqu'en 2027, avant d'atteindre plus de 14 % en 2032. Cette dégradation rend indispensable une réforme.
L'augmentation de l'âge obligatoire de départ (AOD) constitue aujourd'hui la piste privilégiée par le Gouvernement. 8 à 9 milliards d'euros d'économies sont ainsi attendues à l'issue du quinquennat. Ce montant demeure insuffisamment documenté. Il convient par ailleurs de ne pas mésestimer les effets pervers des mesures d'augmentation de l'âge de départ, le Conseil d'orientation des retraites rappelant que le coût d'une progression de l'AOD de deux ans pourrait induire une majoration des dépenses de prestations sociales (hors chômage et retraite) de 3,6 milliards d'euros.
Appelée à entrer en vigueur en juillet 2023 , la future réforme devrait aboutir a minima à une majoration des cotisations perçues par les régimes couverts par la mission et le CAS voire à une moindre dépense, compte-tenu d'éventuels reports de départs en retraite. II est donc possible de s'interroger sur la sincérité de la prévision budgétaire contenue dans les documents transmis dans le cadre du présent projet de loi de finances.
I. LA MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE » ET LA PERSPECTIVE D'UNE RÉFORME DES RETRAITES
Le présent projet de loi de finances prévoit, pour la mission, une dotation s'élevant à 6,14 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), soit une progression de 2,9 % à périmètre constant par rapport à la loi de finances pour 2022. Cette progression rompt avec la tendance baissière observée jusqu'alors. L'effet en année pleine de la revalorisation des pensions de 4 % au 1 er juillet dernier peut expliquer cet écart, même si la rapporteure spéciale note que ce facteur semble inégalement pris en compte dans la prévision budgétaire.
Évolution des crédits de la mission
« Régimes sociaux et de retraite »
par
programme
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
L'augmentation attendue des dépenses de certains régimes (RATP, SNCF) devrait, à moyen terme, conforter cette trajectoire haussière. Le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027 table, ainsi, sur une progression des crédits de 200 millions d'euros sur la période d'ici à 2025.
Évolution des subventions de l'État
accordées aux régimes des marins,
de la RATP et de la SNCF
entre 2022 et 2023
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Les crédits versés aux fins de paiement des pensions sont, quoi qu'il en soit difficilement modifiables à court terme. Reste la question des coûts de gestion, les indicateurs de performance insistant sur leur nécessaire diminution. Force est de constater que les objectifs ne sont qu'imparfaitement atteints.
A. UNE MAQUETTE BUDGÉTAIRE QUI NE COUVRE PAS LA TOTALITÉ DE L'EFFORT DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES RÉGIMES SPÉCIAUX
La mission « Régimes sociaux de retraite » du budget général est structurée autour de trois programmes recensant les subventions versées par l'État à plusieurs régimes spéciaux. Elle ne reflète cependant qu'imparfaitement la réalité de l'action de l'État en faveur des régimes spéciaux de retraite en France. Elle ne vise pas ainsi tous les régimes spéciaux pour lesquels l'État verse une subvention d'équilibre, à l'image des caisses de retraites de l'Opéra de Paris ou de la Comédie française. Le régime de retraite de la branche des industries électriques et gazières (IEG), le régime des non-salariés agricoles, le régime des retraites des avocats (CNBF) et celui des clercs et des employés de notaire sont, quant à eux, directement financés au moyen de taxes affectées. Dans ces conditions, la maquette budgétaire ne permet pas de disposer d'une approche complète et cohérente des régimes spéciaux bénéficiant de financements publics , ce qui contraste avec le souhait affiché par le Gouvernement lors de la présentation du projet de loi portant réforme des retraites en 2020 de simplifier l'architecture du système des retraites en France et de clarifier son rôle dans le financement des régimes spéciaux.
B. UNE PRÉSENTATION INSUFFISANTE DES ENJEUX DE LA RÉFORME À VENIR DES RÉGIMES SPÉCIAUX
Le rapport budgétaire n'a pas à évaluer la pertinence du choix opéré à l'époque de la création de ces régimes de privilégier la garantie d'un accès bonifié à l'assurance-vieillesse au détriment d'avantages salariaux, il peut néanmoins interroger le périmètre du soutien de la solidarité nationale au financement de droits spécifiques. Il fera, en ce sens, oeuvre utile en vue d'étayer le souhait du législateur, manifesté à plusieurs reprises ces dernières années, de rapprocher les règles des régimes spéciaux et de la fonction publique de celles du régime général.
Les incidences du déséquilibre démographique et des avantages spécifiques sur la situation financière des régimes spéciaux demeurent cependant insuffisamment documentées , Seule une estimation des dispositifs explicites a été réalisée, en 2016. Cette estimation exclut l'effet de bonification de durée d'assurance ou la prise en compte des six derniers mois de salaire comme base de calcul de la pension. Elle aboutit à un coût prévisionnel de 3,76 milliards d'euros en 2020 pour quatre régimes - SNCF, Mines, RATP, Marins - visés par la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Pour mémoire, la subvention d'équilibre versée par l'État à ces quatre caisses dans le présent projet de loi de finances a atteint 5,93 milliards d'euros en 2020. Le montant des cotisations perçues par la SNCF, l'ENIM ou le régime des mines est ainsi inférieur à celui des dispositifs explicites servis par ces caisses. Il est à peine supérieur s'agissant de la RATP.
C. UNE DÉPENDANCE MARQUÉE AU FINANCEMENT PUBLIC
Pour les quatre plus gros régimes spéciaux subventionnés (SNCF, RATP, Mines et Marins) par la mission « Régimes sociaux et de retraite », le besoin de financement actualisé à horizon 2050 s'élève à 185,74 milliards d'euros. Cet indicateur permet de mesurer le montant des crédits qu'il faudrait placer aujourd'hui pour couvrir les besoins de financement futurs.
Le financement public représente aujourd'hui entre 61,5 % (Caisse de la RATP) et 82 % (Caisse des mines) des principaux régimes des retraites visés par la mission. A ces financements publics, s'ajoutent ceux versés par les autres régimes obligatoires au titre de la compensation démographique (seul le régime de la RATP est contributeur net).
Recettes des principaux régimes de retraites visés par la mission en 2022
(en millions d'euros)
CPRP SNCF |
CRP RATP |
ENIM |
Mines |
|
Subvention d'équilibre |
3 450 |
811 |
792 2 ( * ) |
925 |
Cotisations |
1 915 |
506 |
135 |
6 |
Compensation démographique |
75 |
- 24 |
78 |
193 |
Autres recettes |
0,4 |
1,2 |
8 |
5 |
Compensation CNAV - AGIRC/ARRCO |
56,8 |
- |
- |
- |
Total recettes |
5 498 |
1 318 |
1 012 |
1 129 |
Part de la subvention dans les ressources de la Caisse |
62,7 % |
61,5 % |
78 % |
82 % |
Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire
D. LA SUPPRESSION DES RÉGIMES SPÉCIAUX EST-ELLE POSSIBLE ?
La réforme des retraites annoncée par le Gouvernement prévoit une réforme des régimes spéciaux. Celle-ci ne devrait concerner la mission « Régimes sociaux et de retraite » que pour les deux seuls régimes encore ouverts : celui de la RATP et celui des marins. Le symbole que constitue une suppression des régimes spéciaux résiste mal à l'examen de la situation de chacun de ces deux régimes, qu'il convient de traiter différemment.
L'ouverture à la concurrence rend inéluctable la fermeture du régime de la RATP . Au regard des données disponibles en matière d'espérance de vie des retraités de la RATP et des conditions de travail des agents d'autres sociétés de transports collectifs, la question de la pénibilité ne peut constituer la raison d'un maintien du régime spécial de la RATP. Pour mémoire, la subvention d'équilibre au régime versée par l'État a progressé de 33 % depuis 2013.
À l'inverse les questions de compétitivité de la flotte et la prise en compte de la pénibilité rendent illusoire un alignement complet du régime des marins sur le droit commun. Une réforme paramétrique est néanmoins envisageable (réforme de la grille des métiers, prise en compte du temps de mer effectif).
II. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS » : UN COÛT INÉVITABLEMENT CROISSANT POUR L'ÉTAT ?
Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » a été créé en 2006 afin de retracer les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires gérés par l'État. Il est composé de trois programmes :
- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » , qui regroupe l'essentiel des crédits du CAS ;
- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » qui finance les dépenses du Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels d'État (FSPOEIE) ;
- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » .
A. UNE AUGMENTATION DES CHARGES DU COMPTE DE 5,33 % ATTENDUE EN 2023
Le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances s'élève à 64,36 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), soit une progression de 5,33 % par rapport aux montants ouverts en loi de finances initiale pour 2022. Cette majoration rompt avec les progressions relatives observées au sein des dernières lois de finances. L'impact de la revalorisation des pensions de 4 % au 1 er juillet dernier n'est pas anodin : il est estimé en en 2023 à 2 799,7 millions d'euros.
Évolution des crédits du CAS Pensions
par programme depuis 2019
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Compte-tenu de cette nouvelle augmentation, la progression des charges du CAS depuis 2007 avoisine désormais 38,5 %. Cette trajectoire haussière est confirmée dans le cadre du projet de loi de finances. Les dépenses du CAS devraient ainsi augmenter de 5,2 % en 2024 puis 3,4 % en 2025.
Montant des dépenses du CAS Pensions depuis 2007
( en millions d'euros )
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Aux termes de l'article 21-II de la loi organique n°2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, un compte d'affectation spéciale (CAS) doit être équilibré à tout instant. Le montant prévisionnel des recettes est établi à 63,54 milliards d'euros en 2023, ce qui reste cependant insuffisant pour parvenir à équilibrer le CAS. Le projet de loi de finances prévoit ainsi un solde négatif de 789,4 millions d'euros en 2023.
B. UNE PROGRESSION DES DÉPENSES INÉLUCTABLE ?
La progression des crédits dédiés aux pensions civiles et militaires de retraite en 2023 devrait conduire à renforcer le poids de ces dépenses au sein du budget de l'État . Depuis la création du CAS en 2006, la croissance moyenne des dépenses de pensions (+ 2,8 % entre 2006 et 2019) est en effet largement supérieure à celle du budget général dans son intégralité (+ 1,6 % entre 2006 et 2019). La part du budget de l'État consacrée aux pensions de retraites s'élevait ainsi à 10,3 % en 2021 (11,2 % en 2020).
Si la revalorisation des pensions au 1 er juillet 2022 était destinée à rattraper pour partie la hausse rapide des prix, force est de constater que les dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l'État comme celles des ouvriers d'État avaient, auparavant progressé plus rapidement que les prix à la consommation. Ainsi, le rythme de progression de la pension moyenne servie aux fonctionnaires civils et militaires (+ 2,1 % par an depuis 1990) comme celui des effectifs de pensionnés (+ 1,6 % par an depuis 1990) est supérieur à celui de l'inflation depuis cette date.
La rapporteure spéciale rappelle qu'un certain nombre de leviers ont été déjà utilisés pour tempérer cette évolution, qu'il s'agisse de l'allongement de la durée de cotisation ou du report de l'âge de liquidation. Une des options pourrait consister en une modification des règles de liquidation de la pension, en ciblant principalement son mode de calcul sur le salaire des six derniers mois d'activité. Cet axe de travail a cependant été écarté par le Gouvernement dans le cadre de la concertation menée sur le projet de réforme à venir. Dans le même temps, la revalorisation pour partie légitime des carrières au sein de la fonction publique (enseignants, magistrats) devrait contribuer à renforcer la progression des dépenses à moyen terme. L'ensemble de ces mesures catégorielles reste cependant insuffisamment documenté s'agissant de leurs conséquences sur le CAS Pensions.
La progression des dépenses enregistrée ces dernières années a pour corollaire une montée en puissance des coûts de gestion du régime des pensions civiles et militaires de retraite. Le projet annuel de performances table cependant sur une diminution de ce coût à partir de 2023. Celui-ci devrait atteindre 76,95 millions d'euros pour les seuls Service des retraites de l'État et Centres de gestion retraites déconcentrés, contre 83,25 millions d'euros en 2022. En intégrant les coûts de gestion au sein des ministères employeurs, le coût de gestion global atteindrait 78,80 millions d'euros en 2023, contre 86,77 millions d'euros l'année précédente.
C. VERS UNE RÉÉVALUATION DU FINANCEMENT DE L'ÉTAT ?
Le besoin de financement actualisé du régime s'élevait à 92 milliards d'euros à l'horizon 2070. Le calcul de cet indicateur suppose que les taux de contribution employeur n'augmentent pas sur la période, ce qui peut apparaître en contradiction avec l'obligation organique d'équilibre du compte d'affectation spéciale.
Le montant du besoin de financement actualisé reste largement supérieur au solde cumulé du CAS depuis sa création et devrait s'élever, dans ces conditions en 2023, à 8,5 milliards d'euros, soit 1,5 mois de prestations. Indicateur comptable, cet excédent technique ne constitue cependant pas des réserves et est reversé au budget de l'État. Il ne se traduit pas, en effet, par une immobilisation de trésorerie sur un compte de l'État. Il n'ouvre pas droit, en outre, à la consommation de crédits budgétaires supplémentaires par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale. Il n'existe pas, dans ces conditions, de réserves destinées à faire face à la progression attendue des dépenses.
Évolution du solde cumulé du CAS Pensions depuis 2006
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
L'insuffisance des recettes en vue d'équilibrer le compte pose la question du taux de la contribution employeur. Les taux de contribution n'ont plus évolué depuis 2014. En 2022, le taux moyen de contribution employeur au CAS Pensions s'établit à 86,7 %. La direction du budget estime aujourd'hui qu'il n'est pas, pour autant, souhaitable de modifier, par à-coups, le niveau des taux de contribution au CAS Pensions et de répondre de la sorte à la dégradation du solde à venir.
La perspective d'un solde cumulé négatif en 2025 devrait inévitablement aboutir à une remontée des taux de contribution. Un changement de méthode pourrait être opportun, aux taux de contribution employeurs actuels succéderait un taux de cotisation patronale doublé d'une subvention d'équilibre dédiée au CAS Pensions, à l'image de ce qui est opéré au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Un tel dispositif permettrait de faciliter la comparaison des données entre les retraites du régime général et celles versées par l'État, avec les précautions d'usage habituelles (différence d'assiette de cotisation notamment).
La dégradation doit également inciter à s'interroger sur la pertinence de la notion de solde technique, qui relève avant tout de la fiction comptable. Cet outil ne permet pas de faire face aux aléas (crise sanitaire, inflation) auxquels peut faire face le régime des retraites de la fonction publique d'Etat.
La réévaluation inévitable des taux et l'amélioration attendue à cette occasion du solde du CAS doivent déboucher sur la création de véritables réserves, appelées à être gérées par le Fonds de réserve des retraites (FRR). L'affectation de ces excédents au FRR permettrait de pouvoir bénéficier des bons résultats de celui-ci en matière de valorisation des actifs. La performance annualisée de l'actif du FRR s'élève en effet à 4,7 % depuis 2010.
Réunie le mercredi 2 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».
Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision. Elle a décidé de proposer également au Sénat l'adoption, sans modification, des articles additionnels 50 et 51.
L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, la rapporteure spéciale avait reçu 90 % des réponses à son questionnaire budgétaire sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et 90 % des réponses à son questionnaire budgétaire relatif au compte d'affectation spéciale « Pensions ».
AVANT-PROPOS
L'ensemble des pensions servies par les régimes de retraite de base ont atteint 246,3 milliards d'euros en 2021 (+ 1,8 % par rapport à 2020). Ce montant devrait être majoré de 4,6 % en 2022 pour atteindre 257,5 milliards d'euros, dans un contexte marqué notamment par l'accélération de l'inflation et la revalorisation anticipée des prestations au 1 er juillet dernier.
Les dépenses brutes (avant prélèvements sociaux) du système de retraite représentaient, quant à elles, 345,1 milliards d'euros en 2021, dont 298,5 milliards d'euros dédiés aux seules pensions de droit direct. Les dépenses nettes s'élevaient à 321,1 milliards d'euros.
Les seules pensions de la fonction publique d'État, visées par le CAS « Pensions » représentaient en 2021, 23 % des prestations servies par les régimes de base. Celles des régimes spéciaux - dont certains sont intégrés au sein de la mission « Régimes et sociaux de retraite » - représentaient 6 % desdites prestations.
Répartition des prestations de retraites entre
les différents régimes
de base en 2021
Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2022
Le CAS comme la mission « Régimes sociaux et de retraites » ne représentent pas la totalité des canaux de financement de l'État vers les régimes d'assurance-vieillesse. Les impôts et taxes affectées à la protection sociale (ITAF) 2 constituent également une source de financement. Au total, 23,4 % des dépenses publiques ont ainsi été fléchées vers les dépenses de retraite en 2021 (24,8 % en 2020). La dépense publique en faveur des retraites rapportée au PIB est plus élevée que dans la plupart des pays de l'OCDE.
Part des dépenses publiques en faveur des retraites dans le PIB en 2017 3 ( * )
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données annexées au rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites de septembre 2022
L'examen du projet de loi de finances 2023 s'inscrit dans un contexte de dégradation annoncée des comptes du système des retraites.
L'équilibre des régimes de retraite relevé en 2021 et 2022 par le Conseil d'orientation des retraites (COR) dans son rapport annuel présenté le 15 septembre dernier reste provisoire. Les excédents enregistrés (900 millions d'euros en 2021) ou attendus (3,2 milliards d'euros en 2022) devraient rester des épiphénomènes, l'exercice 2023 devant constituer la première étape d'une dégradation appelée à se poursuivre jusqu'en 2032. Un retour à l'équilibre est désormais attendu au mieux au milieu de la décennie 2030, en ne retenant pas la convention de calcul actuelle. En maintenant celle-ci, le retour à l'équilibre est reporté au mitan de la décennie 2050.
Les projections du COR reposent sur plusieurs hypothèses de long terme :
- une baisse de l`indicateur conjoncturel de fécondité ;
- une stabilisation du solde migratoire ;
- une progression modérée de l'espérance de vie à 60/65 ans ;
- une augmentation mesurée de la population active jusqu'en 2040 ;
- une croissance annuelle de la productivité comprise entre 0,7 % et 1,6 % ;
- un taux de chômage compris entre 4,5 % et 10 %.
La part des dépenses de retraite dans le produit intérieur brut (PIB) constitue l'autre indicateur à même d'évaluer la soutenabilité du système. Il exprime en effet le niveau des prélèvements à opérer sur la richesse produite par les actifs afin d'assurer l'équilibre des différents régimes. Les dépenses de retraite brutes représentaient ainsi 13,8 % du PIB en 2021 4 ( * ) . Elles devraient se stabiliser à cet étiage jusqu'en 2027, avant d'atteindre plus de 14 % en 2032 : 14,2 % si la croissance annuelle de la productivité est de 1,6 % ou 14,7 % si la progression de la productivité est limitée à 0 ,7 % par an. La progression relevée tient pour l'essentiel au régime général et aux régimes complémentaires.
Évolution prévisionnelle de la part des dépenses de retraites dans le PIB réparties par régime de retraite 5 ( * )
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données annexées au rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites de septembre 2022
Une stabilisation à ce niveau voire une décrue significative, selon l'hypothèse retenue, est enregistrée ensuite jusqu'en 2070. Deux éléments justifient une telle évolution : le décalage de l'âge de départ en retraite induit par les réformes passées et la diminution du niveau de vie des retraités. Le niveau de vie moyen des retraités représentait 101,5 % de celui de l'ensemble de la population en 2019. Ce ratio serait compris entre 75,5 % et 87,2 % en 2070, le niveau dépendant là encore de la croissance de la productivité.
À court-terme, le COR ne considère pas que la dégradation attendue illustre une « dynamique non-contrôlée des dépenses ». Reste qu'elle apparaît en contradiction avec l'impératif de maîtrise de la dépense publique mis en avant par le Gouvernement dans le cadre du programme de stabilité et que la rapporteure spéciale partage. La croissance des dépenses publiques y est en effet limitée à 0,6 % sur la période 2022-2027. Or les dépenses de retraite, qui représentent le quart desdites dépenses publiques, devraient progresser de 1,8 % sur la même période.
Le projet de loi de finances 2023 devrait précéder une réforme paramétrique
La dégradation des comptes rend aujourd'hui indispensable une réforme.
Moins ambitieuse que celle qui visait, lors du précédent quinquennat, à instaurer un système universel des retraites in fine peu lisible, la réforme des retraites devrait se limiter à une dimension paramétrique, en jouant principalement sur deux critères :
- une majoration de l'âge légal d'ouverture des droits (AOD), actuellement fixé à 62 ans. Celui-ci pourrait être porté à 65 ans d'ici 2031, via une progression de quatre mois par an ;
- l'accélération de la majoration de la durée de cotisation prévue par la réforme dite Touraine 6 ( * ) adoptée en 2014. La réforme dite Touraine prévoit pour les personnes nées en 1973 ou après que la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une retraite sans décote, augmente progressivement d'un trimestre tous les trois ans, entre 2020 et 2035, pour atteindre 43 ans (172 trimestres). La progression de la durée d'assurance requise conduit inévitablement à un report des départs et donc à une progression de l'âge de départ effectif.
Durées d'assurance mise en place par la réforme Touraine
Générations |
Durée d'assurance requise |
1958, 1959, 1960 |
41 ans et trois trimestres (167 trimestres) |
1961, 1962, 1963 |
42 ans (168 trimestres) |
1964, 1965, 1966 |
42 ans et 1 trimestre (169 trimestres) |
1967, 1968, 1969 |
42 ans et 2 trimestres (170 trimestres) |
1970, 1971, 1972 |
42 ans et 3 trimestres (171 trimestres) |
1973 et suivantes |
43 ans (172 trimestres) |
Source : commission des finances du Sénat
En jouant sur les paramètres, le Gouvernement écarte la mise en place d'une taxe redistributive pour financer les régimes des retraites. La rapporteure spéciale reconnaît, comme le Comité de suivi des retraites (CSR), que la montée en puissance des avantages non-contributifs comme des allègements de cotisations sur les bas salaires a d'ores et déjà fragilisé le lien entre cotisations et prestations. La mise en place d'un nouveau prélèvement conduirait à s'éloigner du principe fondamental du système actuel selon lequel le droit à retraite est un retour proportionné sur les cotisations qu'on a versées dans le passé.
La rapporteure spéciale rejoint également les réserves du CSR s'agissant de deux axes de réforme : la baisse du niveau des pensions et la majoration des cotisations. Ceux-ci présentent en effet deux risques :
- le supplément de prélèvement induit pour les cotisants une baisse de leurs revenus ;
- la progression des cotisations contribuerait à un renchérissement du coût du travail : l'État pourrait alors être amené à compenser un peu plus les bas salaires ce qui induit un effort budgétaire supplémentaire. Le but recherché par la réforme des retraites ne serait alors pas atteint.
Une réforme paramétrique à accompagner
L'augmentation de l'âge de départ comme l'allongement de la durée de cotisation peuvent être combinés.
Il convient de rappeler à ce stade que l'âge requis pour permettre d'équilibrer le régime dépend de la convention d'équilibre choisie :
- la convention EEC (effort de l'État constant) où la contribution de l'État au système de retraite s'exprime en part de PIB quelle que soit l'évolution des subventions d'équilibre versées aux régimes visés par le CAS « Pensions » et la mission « Régimes sociaux et de retraite » ;
- la convention EPR (équilibre permanent des régimes) qui prévoit un équilibre, année après année, l'État se bornant à verser les subventions d'équilibre et à pérenniser les autres impôts et taxes actuellement affectés au reste du système de retraite, sans mettre en place de transferts supplémentaires au profit des autres régimes.
Aux termes de la convention EPR actuellement retenue, le retour à l'équilibre n'est permis que par une progression de l'âge moyen de départ à 64 ans dès 2030, celui-ci devant atteindre 66,5 ans d'ici à 2060.
L'augmentation de l'âge de départ pose question au regard de la faible progression de l'espérance de vie. Il en résulterait mécaniquement une moindre durée de retraite. Le CSR a ainsi relevé par le passé que les gains d'espérance de vie sont devenus moins systématiques, sa progression marquant le pas pour les générations nées entre 1941 et 1955. Si elle a repris pour les générations suivantes, son ralentissement est néanmoins tendanciel, des reculs ponctuels étant même observés. Comme le rappelle le Comité de suivi des retraites (CSR) dans son avis de septembre 2022, un allongement de la durée d'activité pénaliserait les populations à plus faible pension qui sont aussi, en général, ceux dont l'espérance de vie est la plus courte et dont les conditions de travail sont les moins propices au maintien dans l'activité. Dans ces conditions, une attention particulière doit être portée à la question de la pénibilité. Il n'est dès lors pas étonnant que le Gouvernement annonce, dans le cadre des discussions à venir, la mise en place d'un dispositif carrières longues, la prise en compte de la pénibilité et la prévention de l'usure au travail.
La majoration de l'âge légal interroge ensuite sur l'activité en tant que telle, compte-tenu du faible emploi des plus de 50 ans. Un risque de report de l'effort sur l'assurance-chômage et, dans une moindre mesure sur les dispositifs de pré-retraite n'est pas à écarter. La mission sur le maintien en emploi des seniors dont les conclusions ont été rendues publiques en janvier 2020 7 ( * ) avait relevé que les hypothèses sur lesquelles travaille l'INSEE qui tendent à corréler augmentation du taux d'activité des seniors et recul de l'âge de départ en retraite restent entourées d'une marge d'incertitude et ne garantissent pas un accroissement du taux d'emploi des séniors.
Activité des séniors en France en décembre 2021
50-54 ans |
55-59 ans |
60-64 ans |
65-69 ans |
55-64 ans |
|
Population totale (en milliers) |
4 453 |
4 275 |
4 032 |
3 822 |
8 440 |
Taux d'activité |
87,9 |
79,9 |
38,2 |
9,1 |
59,7 |
Taux d'emploi |
83,3 |
75,1 |
35,5 |
8,6 |
53,8 |
Taux de chômage |
5,2 |
6,0 |
6,9 |
5,1 |
6,3 |
Cumul emploi retraites |
- |
2,0 |
12,6 |
53,7 |
5,2 |
Part du halo autour du chômage 8 ( * ) |
3,5 |
3,5 |
2,4 |
1,1 |
2,9 |
Taux d'emploi UE 27 |
NR |
72,9 |
45,3 |
NR |
59,6 |
Source : commission des finances du Sénat d'après la DARES, Les séniors et le marché du travail en décembre 2021, avril 2022
Même s'il est en très nette hausse depuis 2003, il convient de rappeler à ce stade que le taux d'emploi des 55-64 ans - 53,8 % - reste inférieur à la moyenne européenne, établie à 59,6 % au sein de l'Union européenne et à 60,8 % au sein de la zone euro. Le décrochage est particulièrement patent pour la classe d'âge 60-64 ans.
La Cour des comptes avait, en outre noté, en octobre 2019 9 ( * ) , que le nombre de demandeurs d'emploi de plus de 50 ans avait fortement augmenté depuis 2008 en raison de l'augmentation des effectifs des générations en âge de travailler, de la crise économique de 2008, de la transformation accélérée des métiers mais aussi du recul de l'âge de départ en retraite. Le nombre de chômeurs de 50 ans et plus a ainsi été multiplié par deux depuis 2008, soit une hausse largement supérieure à celle du nombre de chômeurs âgés de 15 à 24 ans (+ 11 %) et de 25 à 49 ans (+ 26 %) sur la même période. Le critère d'âge apparaît nettement discriminant pour le retour à l'emploi. Les périodes de chômage sont, par ailleurs, particulièrement longues pour les séniors : 673 jours en moyenne contre 388 jours pour l'ensemble des demandeurs d'emploi. La Cour des comptes relevait ainsi que les entreprises n'avaient pas pleinement répercuté le recul de l'âge de départ en retraite sur la gestion de leurs effectifs. Le chômage et l'inactivité jouent ainsi un rôle de transition entre l'emploi et la retraite . Deux études de l'INSEE 10 ( * ) et de l'UNEDIC 11 ( * ) sur la réforme des retraites de 2010 soulignent également que l'accroissement de l'emploi lié au relèvement des âges légaux ne saurait occulter une progression du chômage pour cette classe d'âge.
Là encore, le Gouvernement annonce vouloir intégrer dans la concertation les sujets d'aménagement de fin de carrière et de transition entre l'emploi et la retraite. La question de l'emploi des seniors et de la lutte contre la discrimination dont ils peuvent être victimes serait également au coeur des discussions.
Le risque d'une réforme coûteuse
Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle a indiqué que la réforme des retraites pourrait induire « 8 à 9 milliards d'euros d'économies au bout du quinquennat ». La rapporteure spéciale relève que cette économie demeure insuffisamment documentée. Le Haut conseil des finances publiques le note d'ailleurs dans son avis sur le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027.
Cette économie dépend surtout des mesures mises en place pour accompagner les dispositions paramétriques : prise en compte de la pénibilité, promotion de l'emploi des seniors etc. Elle sera également tributaire du coût de la suppression annoncée des régimes spéciaux - la fermeture du régime des retraites de la SNCF a ainsi induit 4,1 milliards d'euros de mesures d'accompagnement sur la période 2011-2020 - et de celui de la revalorisation de la pension minimale à 1 100 euros pour les carrières complètes.
Il convient également de ne pas mésestimer les effets pervers des mesures d'augmentation de l'âge de départ. Comme le rappelle le COR dans son rapport de juin 2022, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DRESS) a estimé, en se fondant sur des données datant de 2019, que le coût d'une progression de l'AOD de deux ans pourrait induire une majoration des dépenses de prestations sociales (hors chômage et retraite) de 3,6 milliards d'euros, soit 0,14 point de PIB. Cette progression serait concentrée sur les personnes de 62 et 63 ans. Elle se décomposerait de la façon suivante :
- 1,8 milliard d'euros liés à l'augmentation du nombre de pensions d'invalidité (160 000) ;
- 970 millions d'euros au titre des indemnités journalières de la sécurité sociale ;
- 830 millions d'euros de dépenses de solidarité supplémentaires.
À cette somme s'ajoute une progression attendue des dépenses d'allocation de retour à l'emploi (ARE) et d'allocation de retour à l'emploi formation (AREF) de l'ordre de 1,3 milliard d'euros. Au total le COR estime à 0,2 point de PIB le coût d'une progression de l'AOD de deux ans.
Ce coût reste, d'après la direction générale du Trésor, à relativiser au regard de la progression attendue dans le même temps des cotisations (+ 0,7 point de PIB dont 0,1 au titre des cotisations retraite) et de la baisse des dépenses de retraite (- 0,4 point de PIB). L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) est, selon le COR, plus circonspect sur ces effets positifs, insistant notamment sur les risques d'effets de substitution au détriment, notamment, de l'emploi des jeunes. Ainsi là où la direction générale du Trésor indique au COR un gain potentiel de 390 000 emplois en cas de décalage de l'AOD de deux ans au rythme d'un trimestre par an, l'OFCE limite cette création nette à 60 000 emplois, une baisse du PIB de 0,1 point et une progression de la capacité de financement des administrations publiques de 0,1 point.
Une réforme attendue qui invalide la prévision budgétaire ?
Le Gouvernement table aujourd'hui sur une entrée en vigueur de la réforme en juillet 2023. La dernière réforme paramétrique avait concerné les régimes spéciaux encore ouverts recensés au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et les régimes retracés au sein du compte d'affectation spéciale « Pensions ». La suppression annoncée des régimes spéciaux devrait, en outre, concerner au premier chef la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
Dans ces conditions, il est possible de s'interroger sur la sincérité de la prévision budgétaire contenue dans les documents transmis dans le cadre du présent projet de loi de finances. La réforme devrait en effet aboutir a minima à une majoration des cotisations perçues par ces régimes voire à une moindre dépense, compte-tenu d'éventuels reports de départs en retraite.
PREMIÈRE
PARTIE :
LA MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE
RETRAITE » ET LA PERSPECTIVE D'UNE RÉFORME DES
RETRAITES
Trois programmes structurent la mission « Régimes sociaux de retraite » du budget général. Ils recensent chacun les subventions versées par l'État à certains régimes spéciaux. La mission ne couvre pas les régimes de la fonction publique d'État, intégrés au compte d'affectation spéciale « Pensions » (cf infra ).
Le programme 195 « Régimes de retraites des mines, de la SEITA et divers » regroupe les dotations attribuées :
- au fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines ;
- au régime de retraite de la SEITA ;
- à la Caisse des retraites des régimes ferroviaires d'outre-mer ;
- au régime des personnels de l'ORTF.
Le programme 197 « Régimes de retraites et de sécurité sociale des marins » est spécifiquement dédié aux métiers de cette filière. Il contribue au financement pour moitié de l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM), établissement public administratif placé sous la tutelle des ministères chargés de la mer, du budget et de la sécurité sociale en charge de la couverture des risques maladie et vieillesse. La subvention versée au titre du programme 197 concourt au financement du risque vieillesse et des dispositifs d'action sociale en lien avec le risque vieillesse. 1 % de cette somme est destiné au financement de la subvention pour charge de service public de l'ENIM.
Le programme 198 « Régimes sociaux et de retraites des transports terrestres » concerne principalement les régimes de la SNCF et de la RATP. Il vise également le complément de pension des conducteurs routiers, les pensions des anciens agents des chemins de fer d'Afrique du Nord et d'outre-mer et les pensions de certains agents des chemins de fer secondaires (Caisse autonome mutuelle de retraite - CAMR).
Seuls deux régimes couverts par la mission sont encore ouverts : ceux des marins et de la RATP.
Le programme 198 concentre près de 70 % des crédits de la mission.
Répartition des crédits de la mission
« Régimes sociaux et de retraite »
par
programme
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Le présent projet de loi de finances prévoit, pour la mission, une dotation s'élevant à 6,14 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Ce montant est en légère augmentation - + 0,6 % - par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 à périmètre courant. En prenant en compte la mesure de périmètre visant le programme 198, dont une partie des crédits sont transférés vers le programme 203 « Infrastructures et service de transports », rattaché à la mission « Transports », l'augmentation est plus conséquente : + 2,9 %. Cette progression rompt avec la tendance baissière observée jusqu'alors. L'augmentation attendue des dépenses de certains régimes (RATP, SNCF) devrait, à moyen terme, conforter cette trajectoire haussière.
Évolution des crédits de paiement de la
mission « Régimes sociaux et de retraite »
par
programme à périmètre courant
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
Le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027 table, ainsi, sur une progression des crédits de 200 millions d'euros sur la période d'ici à 2025.
Plafonds de crédits alloués à la
mission « Régimes sociaux et de retraite »
entre
2023 et 2025
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027
L'augmentation des crédits attendue en 2023 est uniquement portée par le programme 198 « Régimes sociaux de retraite des transports terrestres ». Les crédits dédiés au régime de la SNCF et à celui de la RATP traduisent ainsi une montée en charge des prestations. La baisse des crédits dédiés à l'action 05 du même programme tient pour l'essentiel à une mesure de périmètre (cf infra ).
Évolution des crédits de paiement de la mission « Régimes sociaux et de retraite »
(en euros)
LFI 2022 |
PLF 2023 |
Évolution |
|
Programme 195 : Régimes de retraites des mines, de la SEITA et divers |
1 095 812 475 |
1 056 304 524 |
- 3,61 % |
Action 01 : Versement au fonds spécial de retraite de la caisse autonome de sécurité sociale dans les mines |
964 682 750 |
925 032 362 |
- 4,11 % |
Action 02 : Régime de retraite de la SEITA |
130 110 219 |
130 421 498 |
+ 0,24 % |
Action 04 : Caisse des retraites des régies ferroviaires d'outre-mer |
929 506 |
769 784 |
- 17,18 % |
Action 07 : Versements liés à la liquidation de l'ORTF |
90 000 |
80 880 |
- 10,13 % |
Programme 197 : Régime de retraite et de sécurité sociale des marins |
802 009 370 |
802 009 370 |
- |
Action 01 : Régime de retraite et de sécurité sociale des marins |
802 009 370 |
802 009 370 |
- |
Programme 198 : Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres |
4 204 530 026 |
4 278 605 877 |
+ 1,76 % |
Action 03 : Régime de retraite du personnel de la SNCF |
3 286 360 169 |
3 450 066 342 |
+ 4,98 % |
Action 04 - Régime de retraite du personnel de la RATP |
753 800 000 |
810 663 500 |
+ 7,54 % |
Acton 05 - Autres régimes |
164 369 587 |
17 876 035 |
- 89,12 % |
Total |
6 102 351 871 |
6 136 919 771 |
+ 0,57 % |
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
La rapporteure spéciale s'interroge sur la pertinence de la mise en place d'une réserve de précaution (4 % des crédits votés) s'agissant de dépenses de « quasi-guichet », qui offrent peu de possibilité de redéploiements. Prévue par l'article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, la réserve de précaution rend indisponible, dès le début de la gestion, une fraction des crédits ouverts en lois de finances, elle constitue pour le Gouvernement une enveloppe de crédits plus facilement mobilisables pour faire face aux aléas survenant en cours de gestion. Ces évènements semblent plus circonscrits s'agissant de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
I. UNE MAQUETTE BUDGÉTAIRE QUI NE COUVRE PAS LA TOTALITÉ DE L'EFFORT DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES RÉGIMES SPÉCIAUX
A. PLUSIEURS RÉGIMES SPÉCIAUX NE SONT PAS RETRACÉS DANS LA MISSION
La mission « Régimes sociaux et de retraite » ne couvre pas l'ensemble des régimes spéciaux de retraite pour lesquels l'État verse une subvention d'équilibre. Les dotations accordées aux caisses de retraites de l'Opéra de Paris ou de la Comédie française sont ainsi retracées au sein du programme 131 « Création », rattaché à la mission « Culture ».
Le régime de retraite de la branche des industries électriques et gazières (IEG), le régime des non-salariés agricoles, le régime de retraite des avocats (CNBF) et celui des clercs et des employés de notaire sont, quant à eux, financés au moyen de taxes affectées . Ces dépenses fiscales ne sont pas non plus recensées au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
Financements de l'État en 2021 en direction des
régimes spéciaux non visés
par la mission
« Régimes sociaux et de retraite »
Régime |
Subvention d'équilibre (en millions d'euros) |
Taxe affectée (en millions d'euros) |
Dépenses (en millions d'euros) |
Cotisants (en milliers) |
Bénéficiaires (en milliers) |
Régime de base des non-salariés agricoles |
2 909 (39,9 % du droit de consommation sur les alcools, droit sur la circulation des vins, cotisation sur les alcools de plus de 18°, droit de circulation sur les bières, droit de consommation sur les produits intermédiaires) |
7 044 |
445,5 |
1 254,5 |
|
Salariés de la branche des industries électriques et gazières (IEG) |
- |
1 721 (contribution tarifaire d'acheminement - CTA) |
8 059 |
135,4 |
179,9 |
Régime des clercs et employés de notaires |
- |
414 (taxe sur les émoluments) |
886 |
62,8 |
79,2 |
Régime complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles |
316 (13,81 % du droit de consommation sur les alcools) |
917 |
445,3 |
659,4 |
|
Régime des avocats |
- |
5 (droits de plaidoiries) |
364 |
73,1 |
19,7 |
Régime des agents de l'Opéra national de Paris |
18 |
- |
31 |
2 |
1,8 |
Régime des agents de la Comédie française |
4 |
- |
6 |
0,35 |
0,45 |
Total |
22 |
5 365 |
17 307 |
1 164,5 |
2 194,9 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
La maquette budgétaire ne permet pas, dans ces conditions, de disposer d'une approche complète des régimes spéciaux financés par l'État.
La rapporteure spéciale rappelle le souhait qu'elle a exprimé, en juillet dernier à l'occasion de la publication des conclusions de sa mission de contrôle sur les régimes de la RATP et des marins, que soit renforcée la lisibilité de l'action de l'État à l'égard des régimes spéciaux de retraite encore ouverts 12 ( * ) . À cette fin, il serait opportun de regrouper au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite » l'ensemble desdits régimes financés par une subvention d'équilibre de l'État (RATP, Marins, Opéra de Paris, Comédie française) et d'y recenser la dépense fiscale affectée à d'autres régimes (régime de retraite de la branche des industries électriques et gazières (IEG), régime des non-salariés agricoles, régime de retraite des avocats (CNBF) et régime des clercs et des employés de notaire).
B. UN AJUSTEMENT BIENVENU DE LA MAQUETTE BUDGÉTAIRE
Le programme 198 « Régimes sociaux et de retraites des transports terrestres », principalement dédié aux régimes de la SNCF et de la RATP, comprenait jusqu'en loi de finances pour 2022 le financement du congé de fin d'activité (CFA) des chauffeurs-routiers. 143,3 millions d'euros (AE=CP) étaient ainsi prévus en loi de finances pour 2022.
La logique de ce dispositif diffère pourtant de celle d'un régime spécial de retraites. Le CFA permet, en effet aux conducteurs routiers du transport pour compte d'autrui de bénéficier, pendant cinq ans au maximum, d'une cessation anticipée d'activité. Celle-ci intervient préalablement à leur départ en retraite, sous différentes conditions, en particulier l'ancienneté dans le métier (30 ans en transport de voyageurs, 26 en transport de marchandises et 20 ans en transport de fonds et valeurs) et l'atteinte de l'âge requis minimal requis (57 ans ou 55 ans dans le cas du dispositif des carrières longues dans le transport de voyageurs). L'État participe au financement des allocations de congé de fin d'activité versées aux personnes âgées de 59,5 ans à 62 ans, à hauteur de 80 % du montant de l'allocation de congé de fin d'activité et de 100 % des cotisations d'assurance maladie et d'assurance volontaire vieillesse. L'État participe également, dans les mêmes conditions, au financement des allocations versées aux personnes âgées de 57,5 ans à 60 ans dès lors qu'ils bénéficient du régime des carrières longues.
La commission des finances du Sénat, comme la Cour des comptes, s'est étonnée à plusieurs reprises de l'intégration de ce dispositif au sein du programme 198. La rapporteure spéciale militait pour un transfert du CFA au sein du programme 203 « Infrastructures et service de transports », rattaché à la mission « Transports ». Le présent projet de loi de finances répond enfin à cette demande, le programme 198 étant majoré de 152,2 millions d'euros (AE=CP).
La rapporteure spéciale note également le transfert du pilotage du programme 198, jusque-là attribué à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer à la direction du budget. Si celle-ci a indiqué qu'il ne fallait pas y voir un signal en vue d'une fermeture prochaine du régime de la RATP, il convient de relever que le programme 197 dédié aux marins, dont le régime semble moins concerné à ce stade par une réforme éventuelle des régimes spéciaux, reste, quant à lui, sous la tutelle de la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture.
Régimes couverts par la mission - Principales caractéristiques en 2023
Caisse |
Nombre de cotisants |
Nombres de pensionnés (prévisionnel) |
Pensions versées (en euros) |
Subvention de l'État (en euros) |
Programme 195 - Régimes de retraite des mines de la SEITA et divers |
||||
Régime des retraites des mines |
878 |
193 000 |
1 144 690 |
925 032 632 |
Régime des retraites de la SEITA |
- |
6 284 (en 2022) |
139 900 000 |
130 421 498 |
Office de
|
- |
34
|
70 000
|
80 880 |
Caisse de retraites des régies ferroviaires d'outre-mer (CRRFOM) |
- |
39 |
736 893 |
769 784 |
Programme 197 - Régime de retraite et de sécurité sociale des marins |
||||
Régime des retraites des marins (régime ouvert) |
25 328 |
102 914 |
1 015 700 |
802 009 |
Programme 198 - Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres |
||||
Régime des retraites de la SNCF |
114 840 |
233 354 |
5 471 500 000 |
3 450 066 342 |
Régime des retraites de la RATP (régime ouvert) |
42 444 |
52 257 |
1 292 700 000 |
810 663 500 |
Chemins de fer d'Afrique du Nord et du Niger -Méditerranée |
- |
2 554 |
NR |
16 200 000 |
Transports urbains tunisiens et marocains |
- |
50 |
NR |
165 142,47 |
Réseau franco-éthiopien |
- |
3 |
NR |
26 837,53 |
Anciens agents des chemins de fer secondaires d'intérêt local |
- |
48 |
NR |
9 006 |
Complément de retraite des conducteurs routiers |
794 |
NR |
1 475 049 |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
C. LA QUESTION DE L'INFLATION
Les documents budgétaires conduisent à comparer l'évolution de la trajectoire de la mission par rapport à celle adoptée en loi de finances initiale en 2022.
Cette référence reste cependant relative, compte-tenu des ajustements opérés par la première loi de finances rectificative pour 2022 13 ( * ) . Celle-ci tient compte de la revalorisation de 4 % des pensions de retraite et d'invalidité de base à compter du 1 er juillet 2022 prévue par la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat 14 ( * ) . Elle prévoit ainsi une majoration des crédits dédiés à la mission de 177,6 millions d'euros (+ 2 % par rapport à la dotation initialement prévue).
Crédits prévus en 2022 pour les
programmes de la mission
« Régimes sociaux et de
retraite »
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La rapporteure spéciale rappelle que la question de l'inflation était déjà prégnante lors de l'élaboration de la loi de finances pour 2022 , le Gouvernement déposant au cours des débats un amendement destiné à majorer les crédits de la mission afin d'intégrer le versement d'une indemnité inflation aux personnes disposant d'un revenu inférieur à 2 000 euros bruts mensuels. Le montant des crédits supplémentaires ainsi adoptés s'élevaient à 44,3 millions d'euros (AE=CP). Cette somme était répartie de la façon suivante :
- 17,4 millions au programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers » ;
- 10,7 millions d'euros au programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » ;
- 16,2 millions d'euros au programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres ».
La rapporteure spéciale note que le projet annuel de performances et les réponses au questionnaire budgétaire ne tiennent qu'imparfaitement compte de la question de l'inflation. Elle relève ainsi que, d'après ces documents, s'agissant du régime de la RATP et celui de la SNCF, les prévisions pour 2022 et suivantes sur les perspectives financières du régime spécial de retraite intègrent les taux prévisionnels d'inflation au 31 décembre 2021 et le taux de revalorisation des pensions communiqué par la direction du budget en janvier 2022. Celui-ci a alors été établi à 2,7 %, soit une réévaluation inférieure à la progression de l'inflation et à la compensation mise en place. Ce décalage fragilise de fait la pertinence des chiffres transmis, tant au sujet des prestations que des coûts de gestion.
D. DES COÛTS DE GESTION DIFFICILEMENT RÉDUCTIBLES
Les coûts de gestion constituent une variable d'ajustement. Les indicateurs mis en place dans les projets annuels de performance ont pour principale ambition de les diminuer. Force est de constater que les objectifs ne sont qu'imparfaitement atteints.
La progression de ces coûts peut s'entendre s'agissant de petits régimes fermés ou nécessitant des reconstitutions de carrière parfois complexes, à l'image du régime des marins. L'absence de diminution au sein des régimes des retraites de la RATP ou de la SNCF pose, en revanche, question.
Le cas est particulièrement patent s'agissant du coût unitaire d'une primo-liquidation de pension de retraite. Celui-ci rapporte les frais de personnels liés au processus d'une liquidation de pension au nombre de dossiers de droit direct et de droit dérivé dans l'année. La plupart des régimes s'avèrent incapables de tenir les objectifs fixés par les indicateurs contenus dans le projet annuel de performance.
Coût unitaire d'une primo liquidation de pension de retraite
(en euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
Cette progression est également observable s'agissant des dépenses de gestion pour 100 euros de prestations servies.
Dépenses de gestion pour 100 euros de prestations versées
(en euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
II. UNE PRÉSENTATION INSUFFISANTE DES ENJEUX DE LA RÉFORME À VENIR DES RÉGIMES SPÉCIAUX
Si le rapport budgétaire n'a pas à évaluer la pertinence du choix opéré à l'époque de la création de ces régimes de privilégier la garantie d'un accès bonifié à l'assurance-vieillesse au détriment d'avantages salariaux, il peut néanmoins interroger sur le périmètre du soutien de la solidarité nationale au financement de droits spécifiques. Il fera, en ce sens, oeuvre utile en vue d'étayer le souhait du législateur manifesté à plusieurs reprises ces dernières années de rapprocher les règles des régimes spéciaux et de la fonction publique de celles du régime général.
A. UNE PROGRESSION DES DÉPENSES DE L'ÉTAT À MIEUX DOCUMENTER
1. Déséquilibre démographique et avantages spécifiques constituent des caractéristiques communes aux principaux régimes spéciaux couverts par la mission
La progression modérée des crédits dédiés à la mission « Régimes sociaux et de retraite » dans le présent projet de loi de finances doit être relativisée à l'aune de la situation de trois de ces principaux régimes : les régimes ouverts de la RATP et des marins d'un côté et celui, désormais fermé de la SNCF.
Évolution des subventions de l'État
accordées aux régimes des marins,
de la RATP et de la SNCF
entre 2022 et 2023
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
L'augmentation - immédiate (RATP, SNCF) ou attendue (Marins) du coût pour l'État de ces régimes tient tout à la fois à un ratio démographique défavorable et à la permanence d'avantages spécifiques coûteux et insuffisamment financés par les cotisations. Compte-tenu de cette insuffisance, la diminution en valeur absolue du financement de l'État ne saurait présumer d'un désengagement à court-moyen terme.
Le déséquilibre démographique est, bien évidemment, accentué dans les régimes fermés qui voient leur population de cotisants décroître, à l'image des régimes du programme 195 mais aussi de celui de la SNCF. La loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire a, en effet, transformé le régime de retraites de la SNCF en un régime fermé, matérialisé par l'arrêt des recrutements sous statut au 1 er janvier 2020 15 ( * ) . Cette fermeture induit à terme, une attrition des volumes de cotisations et, par conséquent, une augmentation du besoin de financement du régime. Celle-ci est cependant atténuée par la mise en place, en loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 16 ( * ) , d'une compensation entre les régimes de droit commun auxquels seront désormais affiliés les nouveaux salariés recrutés par le groupe SNCF, en l'espèce la CNAV et l'Agirc-Arrco, et la CPRP SNCF 17 ( * ) .
Évolution du ratio démographique des régimes de retraite de la SNCF, de la RATP et des marins depuis 2015 18 ( * )
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
|
SNCF |
0,67 |
0,66 |
0,65 |
0,64 |
0,63 |
0,60 |
0,58 |
RATP |
0,88 |
0,86 |
0,85 |
0,84 |
0,84 |
0,85 |
0,85 |
Marins |
0,27 |
0,27 |
0,26 |
0,26 |
0,27 |
0,26 |
0,24 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les différents régimes spéciaux ouverts financés par la mission se caractérisent, par ailleurs, par des âges d'ouverture des droits à retraite plus précoces que 62 ans pour la grande majorité des agents affiliés. Ces âges précoces sont associés à des bonifications de durée. En outre, les durées d'assurance de référence de ces régimes sont plus faibles que les autres régimes, même si elles convergent désormais toutes vers la durée harmonisée de 172 trimestres. Comme au sein de la fonction publique, la liquidation s'effectue, par ailleurs, sur une base de rémunération limitée aux trois dernières années (marins) voire six derniers mois (RATP, SNCF) de salaire.
La plupart des avantages spécifiques ne donnent pas lieu à une majoration de cotisation destinée à financer les droits spécifiques au régime (taux dit T2).
Le taux de cotisation patronale aux régimes spéciaux est en effet en principe composé :
- d'une première partie (T1), qui équivaut aux cotisations qui devraient être versées si les salariés relevaient des dispositions de droit commun ;
- d'une seconde partie (T2), destinée à financer les droits spécifiques aux régimes spéciaux (départ anticipé, bonification, majoration de pension au moment de la liquidation).
Cette solution n'a été retenue, au sein de la mission « Régime sociaux et de retraite », que pour le régime de retraite des personnels de la SNCF Pour la RATP, cette position serait justifiée par le fait que les droits spécifiques du régime des retraites de la RATP seraient moins importants que ceux mis en place au sein du régime spécial des salariés de la SNCF. Par ailleurs, le décret du 26 décembre 2005 19 ( * ) relatif aux conventions financières entre l'État et la RATP prévoit que jusqu'à 45 000 emplois sous statut, les droits sont couverts par l'État, à charge pour l'entreprise de contribuer au-delà de ce seuil, qui n'a jamais été atteint.
2. Le coût des avantages spécifiques reste difficile à appréhender
Les incidences du déséquilibre démographique et des avantages spécifiques sur la situation financière des régimes spéciaux demeurent cependant insuffisamment documentées dans les documents budgétaires transmis.
La rapporteure spéciale avait déjà noté lors du précédent exercice que dans une réponse au questionnaire budgétaire, la direction du budget indique qu'aucune analyse des déséquilibres de chacun des régimes subventionnés n'ait été effectuée en faisant ressortir la situation démographique et les effets des avantages spécifiques. Cette étude nécessiterait, en effet, « des développements informatiques coûteux et de nombreuses hypothèses pour mesurer a posteriori, dans les pensions déjà liquidées, ce qui pourrait être désormais assimilé à un avantage spécifique au régime ».
La rapporteur spéciale note, en outre, s'agissant des avantages spécifiques, le coût de ceux ne sont pas isolés au sein des Caisses. Ainsi, la CPRP SNCF ne distingue pas la partie équivalente aux régimes de droit commun et la partie afférente aux spécificités. Le taux T2 censé les financer reste un instrument de mesure limité, en raison de son caractère forfaitaire.
La difficulté à disposer de données fiables limite la portée de l'examen des crédits de la mission, faute de pouvoir évaluer précisément la part des avantages spécifiques actuellement financée par le budget de l'État. La rapporteure spéciale rappelle que si la solidarité nationale doit permettre de pallier le déséquilibre démographique de ces régimes, son rôle dans le financement d'avantages dérogatoires au droit commun reste à préciser voire à réévaluer. Plus largement, en l'absence d'information précise, il apparaît illusoire de pouvoir mener à bien une réforme des régimes spéciaux équilibrée.
A ce stade, seule une estimation des dispositifs explicites a été réalisée, en 2016, par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère des solidarités et de la santé 20 ( * ) . Les dispositifs explicites regroupent essentiellement les avantages familiaux, les départs anticipés et les minima de pension. La bonification de durée d'assurance ou la prise en compte des six derniers mois de salaire comme base de calcul de la pension ne sont pas intégrés dans ce champ. Cette évaluation, aboutit à un coût prévisionnel de 3,76 milliards d'euros en 2020 pour quatre régimes - SNCF, Mines, RATP, Marins - visés par la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Le coût des dispositifs explicites serait relativement stable en 2025 pour atteindre 3,73 milliards d'euros.
Estimation du coût des dispositifs «
explicites » de solidarité au sein des régimes des retraites
de la SNCF, de la RATP, des mines et des marins
en 2016, en 2020 et en
2025
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Pour mémoire, la subvention d'équilibre versée par l'État à ces quatre caisses a atteint 5,93 milliards d'euros en 2020. La subvention d'équilibre couvrait donc à 63,4 % les avantages explicites servis par ces régimes. Le montant des cotisations perçues par la SNCF, l'ENIM ou le régime des mines est par ailleurs inférieur à celui des dispositifs explicites servis par ces caisses. Il est à peine supérieur s'agissant de la RATP.
Cotisations perçues et coûts de dispositifs explicites en 2020 au sein des régimes des retraites de la SNCF, de la RATP, des mines et des marins
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
B. UNE DÉPENDANCE AU FINANCEMENT PUBLIC ET AUX COMPENSATIONS DÉMOGRAPHIQUES
Le financement public des régimes spéciaux représente entre 61,5 % (Caisse de la RATP) et 82 % (Caisse des mines) des ressources des principaux régimes des retraites visés par la mission.
Recettes prévues des principaux régimes de retraites visés par la mission en 2023
(en millions d'euros)
CPRP SNCF |
CRP RATP |
ENIM |
Mines |
|
Subvention d'équilibre |
3 450 |
811 |
792 21 ( * ) |
925 |
Cotisations |
1 915 |
506 |
135 |
6 |
Compensation démographique |
75 |
-24 |
78 |
193 |
Autres recettes |
0,4 |
1,2 |
8 |
5 |
Compensation CNAV - AGIRC/ARRCO |
56,8 |
- |
- |
- |
Total recettes |
5 498 |
1 318 |
1 012 |
1 129 |
Part de la subvention dans les ressources de la Caisse |
62,7 % |
61,5 % |
78 % |
82 % |
Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire
1. Un besoin de financement établi à 186 milliards d'euros à l'horizon 2050
Le besoin de financement actualisé permet de mesurer le montant des crédits qu'il faudrait placer aujourd'hui pour couvrir les dépenses à venir Il correspond donc aux réserves nécessaires pour compenser les déficits futurs du système. La valeur du besoin de financement reste tributaire du taux d'actualisation retenu, en l'espèce celui du rendement au 31 décembre 2021 de l'obligation assimilée du trésor indexée sur l'inflation européenne (OAT€) de maturité 2036.
À l'horizon 2121, ce besoin est estimé à 539,98 milliards d'euros pour les cinq plus gros régimes spéciaux subventionnés par la mission « Régimes sociaux et de retraite » (SNCF, RATP, CANSSM, ENIM et SEITA), en retenant une hypothèse de taux d'actualisation net d'inflation de - 1,37 %. L'horizon 2121 correspond à l'extinction complète des régimes de la SNCF et des mines. Celui de la SEITA devrait être définitivement éteint en 2080. 46 % de ce besoin de financement actualisé relève du régime des retraites de la SNCF.
Évolution du besoin de financement des principaux régimes spéciaux à l'horizon 2121 en fonction du taux d'actualisation
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Le choix d'une borne temporelle plus rapprochée permet de mesurer l'effort à moyen terme. Ainsi, à l'horizon 2050, le besoin de financement est estimé à 185,74 milliards d'euros (hors SEITA), en retenant le taux d'actualisation de l'OAT€ 2036. 61,3 % de cette somme est orientée vers la caisse des retraites de la SNCF.
Évolution du besoin de financement des principaux régimes spéciaux à l'horizon 2050 en fonction du taux d'actualisation
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
2. Les compensations démographiques versées par les autres régimes obligatoires d'assurance vieillesse contribuent également à l'équilibre des régimes visés par la mission
Mécanisme de rééquilibrage financier entre les régimes obligatoires d'assurance vieillesse la compensation généralisée ou démographique est prévue aux articles L. 134-1 et L. 134-2 du code de la sécurité sociale, la compensation généralisée ou démographique. Elle vise à pallier les inégalités provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives entre les différents régimes d'assurance vieillesse. Elle se traduit par des transferts de solidarité entre régimes, en faveur de ceux disposant des ratios démographiques les plus déséquilibrés.
Les régimes des mines, des marins, de la SNCF et de la RATP sont concernés par les transferts prévus entre les 12 régimes de salariés 22 ( * ) et les 4 régimes de non-salariés 23 ( * ) . Le montant de ces transferts est calculé en prenant pour hypothèse la constitution d'un régime unique fictif versant à chaque retraité de droit direct âgé de 65 ans ou plus, une prestation commune, unique, égale à la pension moyenne la plus basse des régimes de salariés.
Ce mécanisme n'est pas neutre pour l'État, puisqu'il induit une diminution des crédits dédiés aux régimes spéciaux percevant une subvention d'équilibre. La solidarité nationale profite en premier lieu à la caisse autonome nationale de la Sécurité sociale dans les mines (CANSSM) qui devrait ainsi bénéficier de 193 millions d'euros en 2022, même si une décrue est observable depuis 2017 (- 18,8 %). On observe par ailleurs une montée en charge de la compensation versée au régime de la SNCF, multipliée par 19 depuis 2017.
Compensations démographiques versées aux
quatre principaux régimes
de la mission « Régimes
sociaux et de retraite » entre 2016 et 2023
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
La CANSSM reste, avec le régime des exploitants agricoles (2,53 milliards d'euros prévus en 2023), et celui des salariés agricoles (2,50 milliards d'euros), l'un des principaux bénéficiaires de ce dispositif, même si les montants perçus sont nettement inférieurs. Le montant perçu est plus à comparer avec celui versé par le régime des retraites de l'État pour ses personnels civils : 470 millions d'euros prévus en 2023.
Seul le régime de la RATP devrait faire partie des 7 régimes contributeurs, à hauteur de 20 millions d'euros en 2022. Cette somme reste largement inférieure aux transferts estimés pour la Caisse nationale d'assurance-vieillesse - CNAV (4,27 milliards d'euros) ou pour la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales - CNRACL (670 millions d'euros). Elle est même en nette baisse par rapport aux exercices précédents.
Régimes contributeurs au mécanisme de compensation démographique en 2023
(en millions d'euros)
Régime |
Montant |
CNAV |
4 270 |
CNRACL |
670 |
Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales |
430 |
Sécurité sociale des travailleurs indépendants |
380 |
Caisse nationale des Barreaux de France |
110 |
Caisse nationale des industries électriques et gazières |
30 |
RATP |
24 |
Personnels militaires de l'État |
11 |
Total |
5 921 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Ce mécanisme n'est pas neutre pour l'État, puisqu'il induit diminution des subventions à verser aux régimes spéciaux percevant une subvention d'équilibre.
C. DEUX RÉGIMES COUVERTS PAR LA MISSION SERAIENT À DES DEGRÉS DIVERS CONCERNÉS PAR UNE SUPPRESSION DES RÉGIMES SPÉCIAUX
La réforme des retraites annoncée par le Gouvernement prévoit une réforme des régimes spéciaux. Celle-ci ne devrait concerner la mission « Régimes sociaux et de retraite » que pour les deux seuls régimes encore ouverts : celui de la RATP et celui des marins. Le symbole que constitue une suppression des régimes spéciaux résiste mal à l'examen de la situation de chacun de ces deux régimes, qu'il convient de traiter différemment, comme l'a proposé la rapporteure spéciale dans les conclusions de sa mission de contrôle présentées en juillet dernier 24 ( * ) .
1. Une fermeture inéluctable : le régime des retraites de la RATP
La Caisse de retraites du personnel de la RATP a été créée en 2006. Faute d'accord trouvé avec la CNAV sur un adossement au régime général, le régime reste financé directement par une subvention de l'État. Le présent projet de loi de finances prévoit que celle-ci atteigne 810,1 millions d'euros en 2023, soit 61,5 % des ressources du régime. Le montant de la subvention d'équilibre versée par l'État a progressé d'environ 33 % depuis 2013.
Évolution de la subvention d'équilibre versée à la CRP-RATP depuis 2023
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Le montant des prestations servies devrait représenter 1 292,7 millions d'euros en 2023, contre 982 millions d'euros en 2012. La charge de la Caisse des retraites au titre des pensions versées est appelée à progresser de 46,3 % d'ici 2050, le montant de celle-ci devant alors atteindre 2,41 milliards d'euros. L'augmentation attendue du nombre de pensionnés justifie en large partie cette majoration.
Le nombre total de cotisants au régime des retraites devrait atteindre 42 444 en 2023. Le nombre de pensions servies est estimé, quant à lui, à la même date, à 52 257, dont 39 943 pensions directes.
a) La suppression du régime spécial viendrait conclure un alignement inégal et coûteux avec le régime général
L'alignement sur le droit commun des réformes de 2003, 2010 et 2014 a été pour partie différé. La progression du nombre de trimestres d'assurance ou la mise en place d'un mécanisme de décote et de surcote prévue par la réforme dite Fillon de 2003 ont ainsi été appliquées en 2008, soit quatre ans et demi après leur entrée en vigueur au sein de la fonction publique et quatorze ans et demi après l'adoption de telles dispositions au sein du régime général. Cette application a néanmoins été pour partie compensée par des mesures catégorielles majorant mécaniquement le coût des pensions.
L'entrée en vigueur de la réforme dite Woerth de 2010 concernant l'âge d'ouverture des droits a également été décalée à 2017. Celui-ci atteint désormais :
- 62 ans pour le tableau S regroupant les agents sédentaires ;
- 57 ans pour les tableaux A (A1 et A2), soit les agents de maintenance, sous réserve d'avoir effectué 27 ans dans ce tableau ;
- 52 ans pour le tableau B, soit les opérateurs (machinistes, conducteurs notamment), sous réserve d'avoir effectué 27 ans dans ce tableau.
Cotisants à la CRP RATP au 1 er janvier 2022
Catégorie |
Effectifs |
S |
6 458 |
A1 |
464 |
A2 |
3 877 |
B |
29 383 |
Total |
40 182 |
Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la RATP
Seule la réforme dite Touraine de 2014 (majoration du nombre de trimestres et progression des cotisations salariales) a été appliquée immédiatement.
Le décret du 30 juin 2008 25 ( * ) a, quant à lui prévu la suppression des bonifications accordées aux « roulants » et aux personnels de maintenance nouvellement embauchés. Cependant, 44,64 % des salariés sous statut bénéficient encore de cette bonification. Le coût de ce dispositif est estimé à 12,8 millions d'euros par an.
L'âge de départ en retraite moyen, comme la durée de versement moyenne ou les montants perçus viennent souligner une relative imperméabilité du régime au durcissement des conditions d'accès à la retraite , potentiellement induites par la transposition des réformes de 2003, 2010 et 2014. L'âge moyen d'une liquidation d'une pension de droit direct du régime spécial atteint ainsi 57,3 ans en 2021, contre 62,9 ans au régime général et 61,9 ans au sein du régime de la fonction publiqu e. L'âge de départ est également moins élevé que ceux constatés au sein d'autres régimes spéciaux (SNCF, Marins). Il existe cependant un décalage entre l'âge d'ouverture des droits et l'âge réel de départ, lié pour partie à l'effet du mécanisme décote/surcote. 77,2 % des départs en 2021 n'ont, ainsi, pas fait l'objet de décote ou de surcote, 16,9 % ont donné lieu à une décote et 5,9 % à une surcote.
Age de départ moyen en retraite au sein du régime de la RATP
(en années)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la CRP RATP
La valeur moyenne mensuelle des pensions nouvellement liquidées atteignait 2 799,47 euros en 2021. Pour mémoire, la pension moyenne brute de droit s'élevait à 1 509 euros par mois pour les personnes retraitées résidant en France en 2020 26 ( * ) . L'espérance de vie des pensionnés du régime spécial rejoint celle enregistrée pour la moyenne des Français par l'INSEE : 23 ans en 2021 pour les Français âgés de 60 ans. Les pensionnés directs du régime décédés en 2020 avaient en moyenne 81,48 ans.
b) Des avantages spécifiques non financés
Le taux de cotisation auprès du régime des retraites de la RATP s'établit à :
- 12,95 % s'agissant des cotisations salariales ;
- 19,13 % en ce qui concerne la contribution patronale.
Le taux de cotisation patronale évolue chaque année en fonction des résultats de l'année précédente.
Les cotisations versées au régime ne permettent pas, en tout état de cause, de financer les avantages spécifiques, soit principalement les possibilités de départ anticipé et les bonifications de pension. C'est donc la solidarité nationale via le budget de l'État qui finance ces mécanismes. Le coût peut être estimé à 350 millions d'euros par an.
Le contexte d'ouverture à la concurrence n'est, aujourd'hui, pas favorable à la mise en place d'un taux spécifique (T2) destiné à financer ces avantages. Celle-ci complexifierait, en effet, le maintien du droit au régime spécial pour les salariés transférés vers des employeurs de la branche. Le financement du T2 conduirait surtout à renchérir le coût du transport et donc la charge des autorités organisatrices des mobilités ayant recours à la RATP, à l'instar d'Ile-de-France Mobilités.
c) L'ouverture à la concurrence : accélérateur de la fermeture ?
La loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports a prévu la mise en concurrence de l'exploitation des réseaux de la RATP à compter du :
- 1 er janvier 2021 pour les lignes de moyenne et grande couronnes (réseau de bus OPTILE) ;
- 1 er janvier 2025 pour les services réguliers de transport routier (réseau historique RATP) ;
- 1 er janvier 2023 jusqu'au 31 décembre 2032 pour le réseau Transilien ;
- 1 er janvier 2030 pour les services réguliers par tramway ;
- 1 er janvier 2033 jusqu'au 31 décembre 2039 pour les RER C et D, et entre le 1er janvier 2025 et le 31 décembre 2039 pour le RER E ;
- 1 er janvier 2040 pour les autres services réguliers de transport guidé (métro et RER A et B).
S'agissant du mode Bus, la RATP devra donc assurer le service jusqu'au 31 décembre 2024, et transférer dans les entreprises ayant gagné les lots les effectifs nécessaires à la continuité du service. Ainsi, tous les salariés concourant à l'activité Bus (directement ou indirectement soit environ 19 000 salariés) seront transférés dans les sociétés ayant remporté les appels d'offres. L'activité Bus de la RATP sera de son côté transférée au sein de sa filiale Cap Ile-de-France. Les salariés concernés par ces mouvements ne seront par conséquent plus sous contrat avec l'EPIC RATP, et ne bénéficieront plus du statut du personnel et de l'ensemble des dispositions de l'EPIC. Le « sac à dos social », mis en place par la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM), prévoit cependant que les agents RATP transférés au sein des entreprises concurrentes ou de la filiale Cap-Ile-de-France, ainsi que leurs nouveaux employeurs, restent contributeurs du régime de retraite de la RATP. Les conséquences en termes de collecte n'ont pas encore été détaillées, la CRP RATP restant dans l'attente du contenu d'un décret d'application.
Le transfert des agents de la RATP affectés au mode bus met en effet en lumière la question de la pénibilité. L'existence de contraintes spécifiques d'exploitation a conduit à la mise en place d'un cadre social territorialisé (CST), commun à tous les conducteurs opérant sur les lignes RATP appelées à être ouvertes à la concurrence. Sans mésestimer la spécificité du transport parisien, il convient cependant de la remettre en perspective en rappelant les difficultés rencontrées par les chauffeurs de transports de personnes, en particulier scolaires, dans les territoires. La durée moyenne de versement des pensions directes servies aux conducteurs RATP est d'ailleurs relativement élevée : 26,1 années en 2020. Au regard des données disponibles en matière d'espérance de vie des retraités de la RATP et des conditions de travail des agents d'autres sociétés de transports collectifs, la question de la pénibilité ne peut constituer la raison d'un maintien du régime spécial de la RATP.
Une fermeture du régime conduirait à un double mouvement :
- d'une part, une attrition du nombre de cotisants avec pour corollaire une baisse des cotisations perçues par la CRP-RATP ;
- d'autre part, afin de compenser cette perte de recettes, une progression de la subvention d'équilibre de l'État.
Ce scénario, coûteux à court terme pour les finances publiques , pourrait cependant être contourné par la mise en place d'une compensation financière versée par le régime général et l'Agirc-Arrco , à l'instar de celle mise en place pour le régime spécial de la SNCF (cf supra). Les régimes de droit commun percevraient, en effet, à compter de la date de fermeture, les cotisations des salariés de la RATP qui leur seraient désormais affiliés, mais sans avoir encore de droits à pension à honorer, alors même que la CRP-RATP devrait pour sa part continuer d'assurer le versement des pensions aux retraités du régime, actuels ou à venir, mais en ne percevant plus qu'un flux de cotisation en attrition. L'impact financier d'une fermeture du régime de la RATP pour l'État serait alors nul ou quasi nul.
2. Compétitivité de la flotte et pénibilité rendent illusoire un alignement complet du régime des marins sur le régime général
Le régime des retraites des marins , issu du Fonds des invalides de la marine, institué par Colbert en 1673, est réservé aux gens de mer salariés ou non-salariés exerçant une activité directement liée à l'exploitation du navire. La gestion du régime est actuellement assurée par l'Établissement national des invalides de marine (ENIM). Le programme 197 « Régimes de retraites et de sécurité sociale des marins », soit 809,57 millions d'euros, contribue pour plus de la moitié à son financement. Le budget de l'ENIM atteint environ 1,57 milliard d'euros.
La dotation du programme 197 s'articule autour de deux axes :
- le financement des dépenses d'intervention liées au risque vieillesse (791,8 millions d'euros prévus en 2023, soit 98,7 % des crédits du programme) ;
- la subvention pour charges de service public dédiée au fonctionnement de l'ENIM (10,2 millions d'euros prévus en 2023).
S'agissant du régime de retraite des marins, il est abondé par :
- des cotisations salariales et patronales dont les montants divergent en fonction du statut des marins et des registres dont dépendent les navires sur lesquels ils sont embarqués. Ces cotisations (salariales et patronales) se sont élevées à 135,3 millions d'euros (dont 28,7 millions d'euros compensés par l'État) en 2021 ;
- la subvention d'équilibre versée par l'État via le programme 197. Celle-ci correspond à 78 % des recettes du régime. Elle concourt au financement du risque vieillesse et des dispositifs d'action sociale en lien avec le risque vieillesse.
En agrégeant subvention d'équilibre et prise en charge des cotisations, le financement de l'État représente 81 % des ressources du régime de retraite des marins.
a) Un régime insuffisamment financé
Le décret du 7 mai 1952 classe les marins affiliés au régime spécial en 20 catégories, reflétant les principales familles de métiers. Chacune des catégories compte entre 1 et 28 fonctions, soit au total 270 fonctions, dont 75 ne concerneraient chacune que 10 marins. Cette grille détermine un salaire forfaitaire sur lequel sont assises les cotisations des marins, contributions des armateurs et pensions de retraite, sans pour autant refléter totalement les salaires effectivement versés. C'est notamment le cas pour les pêcheurs, rémunérés à la part.
Établi à 25 838 au 31 décembre 2021 , le nombre de cotisants devrait amorcer une décrue importante d'ici 2050, pour atteindre 21 100 personnes. La diminution du nombre de cotisants peut être liée à plusieurs facteurs :
- le contexte de concurrence internationale et la question de la compétitivité qui ont affecté la taille de la flotte sous pavillon français ;
- le développement de l'automatisation des navires ;
- la progression des gains de productivité.
Le secteur bénéficie de nombreux dispositifs d'exonérations de charges sociales (exonérations pour les propriétaires embarqués sur leurs propres navires, navires immatriculés au registre international français - RIF, dispositif du demi-rôle en outre-mer) qui induisent une compensation par l'État. 95 millions d'euros sont ainsi pris en charge chaque année par l'État. Ces exonérations ne concernent pas uniquement le risque vieillesse. Le montant des cotisations retraites prises en charge par l'État via le programme 205 « Affaires maritimes » de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » est ainsi estimé à 43 millions d'euros.
b) Une diminution attendue des charges qui ne résout pas la question de la viabilité du régime
Le régime verse aujourd'hui quatre types de pensions , non cumulables entre elles, selon l'ancienneté. Cette offre variée répond à la question centrale de la pénibilité et de son corollaire, la disponibilité . L'indice de fréquence des accidents du travail atteint ainsi en moyenne 60 pour mille ETP dans le secteur, soit un chiffre plus élevé que celui constaté au sein d'autres secteurs d'activité (33,5 pour mille ETP pour l'ensemble des activités terrestres).
Ces critères justifient également des règles de liquidation éloignées de celles applicables au sein du régime général ou d'autres régimes spéciaux. Il en va ainsi de l'âge d'ouverture des droits fixé entre 50 et 60 ans selon le type de pension, de l'absence de décote ou du mode de calcul des arrérages sur les 3 dernières années de service.
L'âge moyen de liquidation reste cependant supérieur à celui constaté au sein d'autres régimes spéciaux pour atteindre 59,7 ans en 2021. L'âge moyen de départ en retraite est largement supérieur à 55 ans en raison de la part importante de pensions spéciales , accordées aux marins disposant de moins de 15 ans de service et qui sont pour la plupart polypensionnés.
L'ENIM table aujourd'hui sur une chute de 31,5 % des dépenses d'assurance-vieillesse versées annuellement d'ici à 2050.
Projection des montants versés entre 2021 et 2050
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les données transmises par l'ENIM
La diminution du nombre de pensionnés à l'horizon 2050 explique principalement cette baisse attendue de la charge. Le rapport démographique de la caisse des retraites des marins devrait cependant demeurer extrêmement défavorable. Établi à 0,27 cotisant pour 1 retraité (pensionnés directs et réversataires confondus) en 2021, il pourrait remonter à 0,33 à l'horizon 2050. Un tel ratio fragilise toute option d'un désengagement financier de l'État à moyen terme si les paramètres du régime restent inchangés.
c) Un alignement impossible ?
Les spécificités du régime comme le contexte social du secteur de la pêche ont largement contribué à l'exclure des précédentes réformes des retraites. Ainsi, de la réforme des retraites de 2014 n'a été retenu que le décalage de la révision annuelle de la pension à la date des pensions des autres régimes. L'article 7 du projet de loi instituant un système universel des retraites (SUR) prévoyait, en 2020, une intégration des assurés du régime d'assurance vieillesse des marins au sein du nouveau système, tout en reconnaissant la spécificité du régime. Le Gouvernement avait ainsi encadré les négociations à venir en mettant en avant les éléments suivants :
- la garantie du niveau des pensions ;
- l'équilibre de l'économie des pêches et des activités côtières ;
- le maintien d'un départ possible à 55 ans si 15 ans de navigation en fonction des durées d'embarquement ;
- le maintien de cotisations assises sur des salaires forfaitaires ;
- une harmonisation progressive des taux de cotisations actuels vers les taux de droit commun sur une période longue de transition, pouvant aller au-delà de 20 ans ;
- une clause du grand-père, aux termes de laquelle seuls les marins nés après le 1 er janvier 1987 devaient intégrer le SUR. Les marins nés après cette date mais déjà embarqués en 2022 devaient encore bénéficier des dispositions actuelles pour la partie de carrière effectuée avant le 1 er janvier 2025.
La double question de la pénibilité et de la compétitivité fragilise de fait toute velléité de fermeture complète du régime. Elle n'interdit pas pour autant de modifier certains de ses paramètres, en menant à bien une réévaluation progressive de son mode de financement et une prise en compte plus fine des déroulés de carrières, avec en filigrane la question de l'intégration ou non des polypensionnés.
Ainsi, une réforme a minima du régime pourrait passer par une révision des grilles de métiers, sur lesquelles sont assis les salaires forfaitaires et donc les cotisations . Il convient de parvenir à la mise à niveau d'une liste datée comprenant des fonctions disparues (palefreniers) voire insuffisamment ouverte à de nouvelles tâches (officiers électroniciens, fonctions sur les plateformes off-shore), l'affiliation de certains métiers (ostréiculteurs, conchyliculteurs) au régime pourrait être revue.
La question du temps de mer doit également être abordée. Ainsi, en 2020, plus de 10 % des cotisants au régime ont effectué un service à terre, dont la durée a pu dépasser pour certains 4 mois. La question de la pénibilité - qui varie selon les secteurs d'activité et les fonctions occupées - pourrait être appréciée au travers de la notion de temps de mer . Celle-ci pourrait être valorisée au moment de définir les annuités nécessaires à la liquidation ou à la détermination de l'âge d'ouverture des droits.
Le régime de retraite des marins est, par ailleurs, essentiellement un régime dit « de passage » pour les cotisants. Deux facteurs justifient une telle appréciation :
- 70 % à 90 % des bénéficiaires du régime sont des polypensionnés ;
- 48 % des liquidations de pensions concernent des marins ayant eu une carrière inférieure à 15 ans de services (pension spéciale).
Au regard de ces éléments, il convient de s'interroger sur la spécificité du métier de marin dans un parcours de carrière qui semble plus complexe. Le versement d'une pension par un régime spécial qui ne représente qu'une partie de la vie professionnelle de l'assuré pose question. Un reversement des cotisations vers le régime général pourrait être envisagé pour les carrières courtes dans le secteur maritime, ce qui permettrait d'alléger la charge pesant sur le régime spécial.
DEUXIÈME PARTIE
LE
COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS » : UN
COÛT INÉVITABLEMENT CROISSANT POUR L'ÉTAT ?
Créé en 2006, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires gérés par l'État. Il est composé de trois programmes :
- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » , qui regroupe l'essentiel des crédits du CAS. Le programme couvre l'ensemble des opérations relatives au régime de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'État fonctionnaires civils, magistrats et militaires ainsi que leurs conjoints et orphelins ;
- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » qui finance les dépenses du Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels d'État (FSPOEIE), créé en 1928 et géré par la Caisse des dépôts et consignations, et du Fonds rente accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM) ;
- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » .
Répartition par programme des crédits prévus par le PLF 2023
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Le CAS Pensions ne couvre pas les retraites servies aux agents de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale, affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).
S'agissant des autres agents employés par l'État, pour l'essentiel contractuels, ils ne sont pas non plus affiliés aux régimes de pension retracés dans le CAS Pensions, mais rattachés à la Caisse nationale d'assurance-vieillesse (CNAV) pour le régime de retraite de base et, s'agissant du régime complémentaire :
- à l'Ircantec, pour les agents contractuels de droit public ;
- à l'Agirc-Arrco, pour les agents contractuels de droit privé.
Les effectifs contractuels ont augmenté de 2,5 % par an en moyenne dans la fonction publique d'État (y compris établissements publics administratifs) sur la période 2009-2019. L'année 2020 est marquée par une nette progression du recours à ce type d'emploi : + 7,7 %. Les contractuels représentent désormais 21 % des effectifs de la seule fonction publique d'État.
Les régimes de retraites des agents publics au 31 décembre 2021
Régime |
Nombre de cotisants (en millions) |
Nombre de retraités (en millions) |
Pensions versées (en milliards d'euros) |
Régime des fonctionnaires civils et des militaires de l'État |
2 |
2,5 |
55,2 |
CNRACL |
2,2 |
1,5 |
22,4 |
IRCANTEC |
1,2 |
2,2 |
3,5 |
FSPOEIE |
0,02 |
0,1 |
1,9 |
Source : commission des finances du Sénat, rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, annexée au projet de loi de finances pour 2023
Les régimes de la fonction publique d'État, de la CNRACL et le FSPOEIE représentent 31 % des dépenses de retraites de l'ensemble des régimes de base. Ils regroupaient, au 1 er juillet 2020, 15 % des pensions servies et réunissent 15,3 % des cotisants.
La situation des régimes de la fonction publique d'Etat diffère de celle de la CNRACL s'agissant des compensations démographiques. Alors que jusqu'en 2020, les régimes visés par le CAS Pensions étaient au global contributeurs nets au mécanisme, seul le régime des personnels militaires est aujourd'hui débiteur de la compensation. Son niveau prévu en 2023 - 110 millions d'euros en 2023 - reste cependant inférieur au montant de la compensation prévue pour la CNRACL : 670 millions d'euros.
Compensations démographiques versées aux régimes de la fonction publique d'Etat, au FSPOIE et à la CNRACL entre 2016 et 2023
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
I. UNE PROGRESSION CONSÉQUENTE DES DÉPENSES EN 2023 QUI NE SERA PAS COMPENSÉE PAR CELLE DES RECETTES
A. UNE AUGMENTATION DES CHARGES DU COMPTE DE 5,33 %
1. Une progression plus nette que lors des exercices précédents
Le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances s'élève à 64,36 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), soit une progression de 5,33 % par rapport aux montants ouverts en loi de finances initiale pour 2022. Cette majoration rompt avec les progressions relatives observées au sein des dernières lois de finances.
Évolution des crédits du CAS
« Pensions »
par programme depuis 2019
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
La majoration des crédits observée en 2023 concerne les programmes 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaire d'invalidité » (+ 5,74 % par rapport à la loi de finances pour 2022) et 742 « Ouvrier des établissements industriels de l'État » (+ 4,79 %) .
Répartition des crédits de paiement par
programmes et par action
en 2021 et en 2022
(en euros)
LFI 2022 |
PLF 2023 |
Évolution |
|
Programme 741 : Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité |
57 687 426 487 |
60 999 767 833 |
+ 5,74 % |
Action 01 : Fonctionnaires civils relevant du code des pensions civiles et militaires de retraites |
47 413 564 383 |
50 296 461 400 |
+ 6,08 % |
Action 02 : Militaires relevant du code des pensions civiles et militaires des retraites |
10 138 743 465 |
10 565 000 655 |
+ 4,20 % |
Action 03 : Allocations temporaires d'activité |
135 118 639 |
138 305 778 |
+ 2,36 % |
Programme 742 : Ouvriers des établissements industriels de l'État |
1 935 789 335 |
2 028 565 234 |
+ 4,79 % |
Action 01 : Prestations vieillesse et invalidité |
1 874 491 483 |
1 963 100 813 |
+ 4,73 % |
Action 03 : Autres dépenses spécifiques |
1 541 590 |
925 468 |
- 39,97 % |
Action 04 : Gestion du régime |
6 108 323 |
6 842 760 |
+ 12,02 % |
Actions 05 : Rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires |
57 647 939 |
57 696 193 |
+ 7,55 % |
Programme 743 : Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions |
1 461 246 153 |
1 331 282 564 |
- 10,12 % |
Action 01 : Reconnaissance de la Nation |
604 858 370 |
510 180 857 |
- 15,65 % |
Action 02 : Réparation |
808 549 719 |
754 845 956 |
- 6,64 % |
Action 03 : Pensions d'Alsace-Moselle |
16 000 000 |
16 000 000 |
0 % |
Action 04 : Allocations de reconnaissance des anciens supplétifs |
39 805 064 |
38 342 866 |
- 3,67 % |
Action 05 : Pensions des anciens agents de chemin de fer franco-éthiopien |
43 000 |
27 137 |
- 36,89 % |
Action 06 : Pensions des sapeurs-pompiers et anciens agents de la défense passive victimes d'accidents |
11 900 000 |
11 808 348 |
- 0,77% |
Acton 07 - Pensions de l'ORTF |
90 000 |
77 400 |
- 14,00 % |
Total |
61 104 461 975 |
64 359 615 631 |
+ 5,33 % |
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
2. Une majoration à mettre en perspective avec l'inflation
La progression du montant prévu pour 2023 par rapport à celui retenu en loi de finances initiale pour 2022 doit être relativisé à l'aune des majorations de crédits intervenues dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2022 du 16 août dernier. Celle-ci intègre en effet une majoration des pensions de 4 % au 1 er juillet dernier, conformément aux dispositions de la loi portant mesures d'urgence pour le pouvoir d'achat. Le montant prévu en loi de finances initiale pour 2022 a ainsi été majoré de 2 %.
Crédits ouverts sur le CAS Pensions en 2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
De fait, en comparant les crédits prévus pour 2023 à ceux effectivement ouverts en 2022, la progression est ramenée à 3,2 %.
Évolution des crédits prévus pour le CAS Pensions entre 2022 et 2023
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
L'impact de la revalorisation des pensions en année pleine est estimé en 2023 à 2 799,7 millions d'euros.
3. Une tendance durable ?
Compte-tenu de cette nouvelle augmentation, la progression des charges du CAS depuis 2007 avoisine désormais 38,5 %.
Montant des dépenses du CAS Pensions depuis 2007
( en millions d'euros )
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Cette trajectoire haussière est confirmée dans le cadre du projet de loi de finances. Les dépenses du CAS devraient ainsi augmenter de 5,2 % en 2024 puis 3,4 % en 2025.
Prévisions de dépenses du CAS pensions pour les exercices 2023, 2024 et 2025
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
B. DES RECETTES INSUFFISANTES POUR ÉQUILIBRER LE COMPTE
Aux termes de l'article 21-II de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, un compte d'affectation spéciale (CAS) doit être équilibré à tout instant afin qu'en cours d'année , le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d'un compte d'affectation spéciale ne puisse excéder le total des recettes constatées.
Aux dépenses du CAS répondent donc des recettes, constituées pour l'essentiel des cotisations salariales (programmes 741 et 742) et des contributions de l'État (cotisations patronales pour les programmes 741 et 742 et subventions d'équilibre s'agissant des régimes visés par les programme 742 et 743) destinées à garantir l'équilibre du compte.
Le montant prévisionnel des recettes est établi à 63,54 milliards d'euros en 2023, soit une progression de 3,7 % par rapport au montant prévu en loi de finances pour 2022. Celui-ci doit néanmoins être réévalué à l'aune de la majoration du point d'indice de la fonction publique de 3,5 % au 1 er juillet dernier.
Évolution des recettes du CAS Pensions entre 2022 et 2023
(en euros)
LFI 2022 |
PLF 2023 |
Évolution |
|
Pensions civiles et militaires de retraites et allocations temporaires d'invalidité |
57 856 184 037 |
60 210 389 310 |
+ 4,1 % |
Ouvriers des établissements industriels de l'État |
1 920 441 993 |
1 998 147 877 |
+ 4,1 % |
Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions |
1 479 076 153 |
1 331 282 564 |
- 1,0 % |
Total |
61 255 702 183 |
63 539 819 751 |
+ 3,7 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Cette progression reste cependant insuffisante pour parvenir à équilibrer le CAS. Le projet de loi de finances prévoit ainsi un solde négatif pour le CAS Pensions en 2023 qui atteindrait 789,4 millions d'euros. Cette tendance au déséquilibre devrait d'ailleurs se poursuivre au cours des prochains exercices.
Évolution prévisionnelle du solde du CAS Pensions entre 2022 et 2025
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Cette insuffisance des rentrées pose la question du taux de la contribution employeur, censée équilibrer le compte. Les taux de contribution n'ont plus évolué depuis 2014. Les taux civils avaient auparavant progressé de 3,05 points de pourcentage par an entre 2006 et 2014 et les taux militaires de 3,26 points. En 2022, le taux moyen de contribution employeur au CAS Pensions s'établit à 86,7 %.
Évolution du taux de cotisation employeur de l'État depuis 2006
Année |
Taux de cotisation employeur de l'État |
||
Pension de retraite - civils |
Pensions militaires |
Allocation temporaire d'invalidité - civils |
|
2006 |
49,90% |
100,00% |
0,30 % |
2007 |
50,74% |
101,05% |
0,31 % |
2008 |
55,71% |
103,50% |
0,31 % |
2009 |
58,47% |
108,39% |
0,32 % |
2010 |
62,14% |
108,63% |
0,33 % |
2011 |
65,39% |
114,14% |
0,33% |
2012 |
68,59% |
121,55% |
0,33% |
2013 |
71,78% |
126,07% |
0,32% |
Depuis 2014 |
74,28% |
126,07% |
0,32% |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La contribution de l'État est directement versée par les ministères employeurs.
Contributions employeurs par ministère en 2017-2021 et prévues pour 2022 et 2023
(en millions d'euros)
Source : direction du budget
C. UN COÛT DE GESTION APPELÉ À DIMINUER ?
La progression des dépenses enregistrée ces dernières années a pour corollaire une montée en puissance des coûts de gestion du régime des pensions civiles et militaires de retraite. Le projet annuel de performances table cependant sur une diminution de ce coût à partir de 2023. Celui-ci devrait atteindre 76,95 millions d'euros pour les seuls Service des retraites de l'État et Centres de gestion retraites déconcentrés, contre 83,25 millions d'euros en 2022.
En intégrant les coûts de gestion au sein des ministères employeurs, le coût de gestion global atteindrait 78,80 millions d'euros en 2023 , contre 86,77 millions d'euros l'année précédente.
Coûts de gestion de pensions civiles et
militaires de retraite
(Service des retraites de l'État et Centres
de gestion Retraites)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Cette diminution serait pour partie liée aux gains d'efficience induits par les nouveaux processus de gestion : utilisation du compte individuel de retraite et transfert au service de retraite de l'État de la réception de la demande de pension et de la relation usagers lors du départ en retraite. Le projet annuel de performance insiste notamment sur la diminution des effectifs consacrés au sein des ministères et des organismes employeurs au sujet retraite des agents. Le coût de gestion global atteignait ainsi 110,40 millions d'euros en 2020. Reste que cette diminution semble pour partie compensée par la progression du nombre d'ETP dédiés à ces questions au sein du Service des retraites de l'État.
Effectif total du service des retraites de
l'État
(en ETPT - hors centres de gestion retraite)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
II. UN DÉSÉQUILIBRE APPELÉ À S'AGGRAVER
A. UNE PROGRESSION DES DÉPENSES INÉLUCTABLE ?
1. Un poids croissant au sein du budget de l'État
La progression des crédits dédiés aux pensions civiles et militaires de retraite en 2023 devrait conduire à renforcer le poids de ces dépenses au sein du budget de l'État . Depuis la création du CAS en 2006, la croissance moyenne des dépenses de pensions (+ 2,8 % entre 2006 et 2019) est en effet largement supérieure à celle du budget général dans son intégralité (+ 1,6 % entre 2006 et 2019). La part du budget de l'État consacrée à la charge des pensions civiles et militaires de retraite atteignait ainsi 12,8 % en 2019 contre 8,4 % en 1990. Si la tendance a pu s'inverser en 2020 et en 2021 en raison de la croissance du budget général lui-même, appelé à répondre aux incidences de la crise sanitaire, cette inversion n'est pas appelée à durer. La part du budget de l'État consacrée aux pensions de retraites s'élevait ainsi à 10,3 % en 2021 (11,2 % en 2020).
Par ailleurs, entre 2006 et 2021, 12 % de la progression des dépenses du budget général de l'État est imputable à l'accroissement du besoin de financement des pensions des fonctionnaires civils et militaires, soit 18,2 milliards d'euros sur 153,8 milliards d'euros. En écartant les exercices 2020 et 2021, la part de la progression atteint 27 %.
Part du budget de l'État consacrée aux pensions civiles et militaires de retraites
(en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat d'après les données de la direction du budget
Si la revalorisation des pensions au 1 er juillet 2022 était destinée à rattraper pour partie la hausse rapide des prix, force est de constater que les dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l'État comme celles des ouvriers d'État avaient, auparavant progressé plus rapidement que les prix à la consommation.
Évolution annuelle des dépenses de pensions des trois versants de la fonction publique et de l'indice des prix à la consommation depuis 1990
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Il convient de relever à ce stade que les prestations en tant que telles ont progressé à un rythme équivalent à celui des régimes obligatoires de base de sécurité sociale : + 1,9 % pour les prestations perçues par les agents publics contre + 1,8 % pour les retraités du régime général en 2021. La dynamique de la dépense publique tient, dans ces conditions, plus à la pension moyenne servie et au nombre de retraités. Ainsi, le rythme de progression de la pension moyenne servie aux fonctionnaires civils et militaires (+ 2,1 % par an depuis 1990) comme celui des effectifs de pensionnés (+ 1,6 % par an depuis 1990) est supérieur à celui de l'inflation depuis cette date.
Montants de la pension brute mensuelle moyenne
(stock et nouveaux pensionnés)
(en euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
2. Des leviers d'action limités
69 448 fonctionnaires civils et militaires de l'État et 3 350 ouvriers de l'État ont pris leur retraite en 2021. Près de 60 % des 57 087 nouveaux pensionnés civils appartiennent à la catégorie sédentaire, dont l'âge d'ouverture des droits est fixé à 62 ans.
Répartition des départs en retraite en
2021 au sein
de la fonction publique d'Etat (civils)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Comme l'avait relevé la rapporteure spéciale lors de l'examen des crédits du CAS Pensions en projet de loi de finances pour 2022, les leviers pour tempérer la progression des dépenses de pension sont limités, le rattrapage avec le régime en termes de droits ayant été opéré :
- l'âge conjoncturel de départ à la retraite des fonctionnaires civils progresse ainsi tendanciellement pour s'élever en 2021 à 63 ans et 8 mois pour les sédentaires et 60 ans mois pour les actifs. L'âge conjoncturel progresse également en 2020 pour les militaires pour atteindre 49 ans et 1 mois ;
- l'augmentation de la durée minimale d'assurance et la mise en place de la décote et de la surcote, incitent, en outre, de plus en plus au maintien en activité. Ainsi, seuls 18,4 % des départs pour ancienneté des fonctionnaires civils sédentaires ont donné lieu à une décôte ;
- le décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse a prévu l'extension du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue et a eu, dans un premier temps, pour conséquence une forte augmentation du nombre de départs anticipés pour carrière longue, avec une augmentation de plus de 50 % sur quatre ans et un pic à 9 563 départs en 2017. La tendance s'est depuis inversée : on dénombrait ainsi 5 451 départs en 2021. L'augmentation de l'âge de début de carrière constatée ces dernières années devrait contribuer à accélérer cette décrue ;
- le dispositif permettant aux parents de trois enfants ayant effectué quinze ans de services de partir à la retraite sans condition d'âge a été fermé pour les parents qui ne réunissaient pas les conditions au 1 er janvier 2012. Dès 2012, les départs au titre de la législation des parents de trois enfants étaient inférieurs à 4 000. Ils se sont élevés à 1 555 en 2021. La quasi-intégralité des bénéficiaires sont des femmes.
Une des options pourrait consister en une modification des règles de liquidation de la pension, en ciblant principalement son mode de calcul sur le salaire des six derniers mois d'activité . Cet axe de travail a cependant été écarté par le Gouvernement dans le cadre de la concertation menée sur le projet de réforme à venir.
3. La revalorisation des carrières au sein de la fonction publique devrait contribuer à renforcer la progression des dépenses à moyen terme
La progression des dépenses devraient en outre être renforcée par celle de la masse salariale des fonctionnaires de la fonction publique d'État.
La masse salariale des seuls fonctionnaires civils s'est élevée en 2021 à 53,8 milliards d'euros. Les traitements indiciaires, qui donnent lieu à cotisation retraite, représentent 80% de cette somme, soit environ 43,2 milliards d'euros. Les 20 % restants sont constitués de primes et d'indemnités, qui ne donnent pas lieu à cotisation. La masse salariale indemnitaire représente environ 10,65 milliards d'euros 27 ( * ) .
Le précédent débat sur la réforme des retraites a conduit le Gouvernement à réévaluer les rémunérations de certains emplois, à l'image des enseignants. 400 millions d'euros en 2021 puis 500 millions d'euros en année pleine ont ainsi été dégagés afin de renforcer l'attractivité du métier et valoriser, notamment, le début de carrière. Un dispositif équivalent est prévu dans le présent projet de loi de finances en faveur des magistrats. Ces dispositifs viennent compléter le protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (protocole PPCR), mis en place en loi de finances pour 2016, afin d'améliorer la situation des agents et de moderniser la fonction publique de carrière. Le protocole prévoit notamment la rénovation des carrières et la revalorisation des grilles de rémunérations des agents de toutes les catégories, dans les trois versants de la fonction publique. Sont ainsi mis en place :
- un rééquilibrage de la rémunération des fonctionnaires en faveur du traitement indiciaire, par la mise en oeuvre d'un dispositif de transformation d'une partie du régime indemnitaire en points d'indice ;
- la mise en place d'un cadencement unique d'avancement d'échelon à compter de la date de publication des décrets de revalorisation indiciaire.
Ces mesures de revalorisation indiciaire, couplées aux revalorisations du point d'indice de + 0,6 % en 2016 et 2017, ont un double effet sur la trajectoire financière des régimes de retraite de la fonction publique :
- elles induisent une augmentation rapide des recettes perçues, due à l'accroissement des assiettes de rémunération soumises à cotisation (employeur et salarié) ;
- elles ont un impact immédiat sur le niveau des pensions entrées en paiement à partir de 2016-2017 compte tenu de l'évolution des indices moyens à la liquidation, soutenant progressivement et durablement la croissance de la pension moyenne servie par les régimes de retraite.
De fait, le coût budgétaire de la réforme sur les dépenses de pensions des régimes publics s'élèverait ainsi à 216 millions d'euros en 2020.
L'ensemble de ces mesures catégorielles reste insuffisamment documenté s'agissant de leurs conséquences sur le CAS Pensions. La rapporteure spéciale regrette ainsi qu'aucune étude d'impact du protocole «PPCR » sur les dépenses de pensions n'ait pas pu être conduite au-delà de l'année 2020. Le Service des retraites de l'Etat a ainsi confirmé qu'il ne disposait pas d'élément en ce sens et qu'il n'avait mené, pour l'heure, aucune évaluation de l'impact du coût des mesures visant les enseignants ou les magistrats.
B. DES ENGAGEMENTS DE RETRAITES ESTIMÉS À 104 % DU PIB FIN 2021
Le CAS Pensions ne donne qu'une photographie à l'instant t des besoins de financement annuel du régime des retraites de la fonction publique.
Les engagements de retraite de l'État permettent de déterminer l'effort financier que devra consentir l'État pour honorer les droits à retraite déjà constitués. Le montant est publié chaque année au sein du compte général de l'État. Il intègre la valeur actualisée des pensions versées aux retraités et aux cotisants actuels, au prorata pour ces derniers, des années de service effectuées. L'estimation intègre, en outre, un taux d'actualisation qui fait référence au taux des emprunts d'État à long terme, en l'espèce l'OAT 2036.
Ainsi calculés, les engagements de retraite de l'État (hors FSPOIE) constatés à la fin de l'exercice 2021 s'élevaient, en retenant le taux d'actualisation utilisé pour le compte général de l'État - soit - 1,37 % net d'inflation -, à 2 534 milliards d'euros, soit une diminution de 314 milliards d'euros sur un an Le montant des engagements de retraites de l'État représente en tout état de cause 104 % du PIB en 2021. 51 % des engagements concernent des agents de la fonction publique déjà retraités à fin décembre 2021.
Évolution des engagements de retraites de
l'État et du besoin de financement
en fonction du taux
d'actualisation à fin 2021
(en milliards d'euros)
Taux d'actualisation |
- 1,37 % |
0 % |
1 % |
1,5 % |
Montant des engagements |
2 534 |
1 889 |
1 563 |
1 432 |
Retraités |
1 296 |
1 055 |
922 |
867 |
Actifs |
1 238 |
967 |
641 |
565 |
Besoin de financement |
- 92 |
- 21,2 |
6,3 |
15,3 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après le compte général de l'État 2021
Ce montant peut apparaître artificiel. Il évolue, en effet, d'année en année en fonction du taux d'actualisation. Il apparaît par ailleurs nécessairement incomplet compte tenu des incertitudes entourant les droits des agents actuellement en activité.
Le besoin de financement actualisé du régime ou dette implicite ex ante permet de compléter utilement cet indicateur. La dette implicite ex ante mesure, en effet, la masse d'argent qu'il faudrait placer aujourd'hui pour couvrir les besoins de financement futurs. Elle correspond donc aux réserves nécessaires pour compenser les déficits futurs du système. Calculée avec un taux d'actualisation de - 1,37 %, elle s'élevait au 31 décembre 2021 à 92 milliards d'euros à l'horizon 2070. Elle atteignait 88,3 milliards d'euros au 31 décembre 2021. Ce montant reste largement supérieur à l'excédent cumulé du CAS, qui devrait s'établir fin 2022 à 9,3 milliards d'euros, et qui ne constitue pas, par ailleurs, de réelles réserves (cf supra ). Le calcul de cet indicateur suppose que les taux de contribution employeur n'augmentent pas sur la période, ce qui peut apparaître en contradiction avec l'obligation organique d'équilibre du compte d'affectation spéciale.
Reste que le calcul du besoin de financement actualisé du régime suppose que les taux de contribution employeur n'augmentent pas sur la période, ce qui peut apparaître en contradiction avec l'obligation organique d'équilibre du compte d'affectation spéciale.
C. VERS UNE RÉÉVALUATION DU FINANCEMENT DE L'ÉTAT ?
Comme indiqué plus haut, pour la première fois depuis 2012, le solde technique annuel du CAS « Pensions » devrait être négatif en 2022 (- 200 millions d'euros) puis en 2023 (-800 millions d'euros). Ce solde est inférieur à celui observé fin 2020 : 1,26 milliard d'euros. Il convient de rappeler à ce stade que l'exercice 2022 devait initialement coïncider avec une progression du stade cumulé . Cette perspective a été remise en question par la revalorisation de 4 % des pensions au 1 er juillet dernier, que n'a pas compensé la progression concomitante des cotisations permise par la revalorisation de la valeur du point d'indice de la fonction publique.
La dégradation du solde en 2022 est principalement liée au programme 741, dont le solde devrait atteindre - 224,06 millions d'euros.
Plusieurs facteurs expliquent cette dégradation :
- la réévaluation des pensions de 4 % au 1 er juillet qui contribue à majorer les dépenses du programme de 1,09 milliard d'euros ;
- un nombre plus important de départs qu'initialement envisagés : 58 000 départs sont prévus pour les civils et 13 400 pour les militaires contre, respectivement, 55 000 et 11 500 retenus en loi de finances pour 2022 ;
- la revalorisation du point de la fonction publique de 3,5 % au 1 er juillet qui conduit à une augmentation des pensions liquidées après cette date, le surcoût pouvant être estimé à 10 millions d'euros.
La crise sanitaire ne tempère que faiblement cette progression des dépenses. L'impact budgétaire de la surmortalité constatée entre janvier et mai 2022 est ainsi estimé par le Service des retraites de l'Etat à 12 millions d'euros.
1. Un solde cumulé qui reste positif
La contrainte organique d'équilibre du CAS a conduit à l'élaboration de l'indicateur comptable, dénommé « solde cumulé », qui doit être positif à tout instant. Ce solde cumulé agrège les soldes annuels du compte depuis sa création.
Le solde cumulé du CAS depuis sa création devrait s'élever, dans ces conditions en 2023, à 8,5 milliards d'euros, soit 1,5 mois de prestations. Cet excédent technique ne constitue cependant pas des réserves et est reversé au budget de l'État. Il ne se traduit pas, en effet, par une immobilisation de trésorerie sur un compte de l'État. Il n'ouvre pas droit, en outre, à la consommation de crédits budgétaires supplémentaires par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale. Il n'existe pas, dans ces conditions, de réserves destinées à faire face à la progression attendue des dépenses.
Évolution du solde cumulé du CAS Pensions depuis 2006
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
Le CAS avait bénéficié jusqu'en 2020 de majorations de recettes importantes, en raison notamment de la mise en oeuvre du rapprochement du taux de cotisation salariale avec celui du régime général à partir de 2018, de la revalorisation du point fonction publique en 2016 et 2017 ou de la mise en place du protocole d'accord « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) entre 2016 et 2021 qui a permis également de majorer les recettes du CAS. Le CAS avait, par ailleurs, bénéficié, s'agissant des dépenses, d'une faible inflation sur la période 2013-2018 qui a limité les revalorisations des pensions puis une revalorisation maîtrisée des pensions en 2019, une revalorisation différenciée (selon le niveau de pension) en 2020 et une faible inflation en 2021 qui a limité le niveau des revalorisations.
En dépit de cette perspective négative, la direction du budget estime qu'il n'est pas souhaitable de modifier, par à-coups, le niveau des taux de contribution au CAS Pensions . Il s'agit, selon elle, de ne pas perturber les signaux donnés aux employeurs quant aux conséquences financières de long terme des recrutements d'agents titulaires. Il n'en demeure pas moins qu'en l'absence de réforme, une augmentation apparaît inéluctable à l'horizon 2025, exercice au cours duquel le solde cumulé devrait être négatif (-0,2 milliard d'euros).
2. Une augmentation inéluctable de la contribution de l'État, qu'il conviendra de rendre plus lisible
L'étude d'impact du projet de loi instaurant un système universel des retraites, présentée en février 2020, indiquait, que dans le cadre de la réforme, la contribution de l'État au système de retraite serait intégralement maintenue en 2025, avant d'évoluer « selon la nature et la dynamique des dépenses qu'elle vise à couvrir » et d'intégrer les conséquences financières de la suppression des régimes spéciaux et de certaines catégories actives. Les cotisations d'équilibre devaient ainsi être « remplacées par des transferts », sans plus de détail. Le taux global de cotisation retraite devait, par ailleurs, atteindre 28,12 %, avec une part employeur fixée à 60 % et une part salariale à 40 %. Le taux de cotisation salariale aurait ainsi été fixé à 11,25 % et le taux de cotisation employeur à 16,67 %. La rapporteure spéciale rappelle qu'en moyenne, sur la période récente, une hausse de 0,1 point du taux de cotisation salariale équivaut à des recettes supplémentaires à hauteur de 60 millions d'euros.
L'abandon de la réforme n'exclut pas de renforcer la lisibilité du système. Aux taux de contribution employeurs actuels succéderait un taux de cotisation patronale doublé d'une subvention d'équilibre dédiée au CAS Pensions, à l'image de ce qui est opéré au sein de la mission Régimes sociaux et de retraite. Un tel dispositif permettrait de faciliter la comparaison des données entre les retraites du régime général et celles versées par l'État, avec les précautions d'usage habituelles (différence d'assiette de cotisation notamment).
La rapporteure spéciale note que le Conseil d'orientation des retraites a, dans son rapport de septembre 2022, un exercice de normalisation destiné à comparer les taux de prélèvement d'équilibre, corrigés de la prise en compte des déséquilibres démographiques. Cette entreprise permet de relativiser l'écart entre les taux de cotisation pratiqués dans le secteur public et le secteur privé. Un alignement des taux légaux affichés n'aurait par ailleurs pas de sens, sauf à décider tout à la fois d'une baisse conséquente des pensions servies ou d'un relèvement de l'âge de liquidation pour les seuls fonctionnaires.
Taux de cotisation légaux et taux de prélèvement d'équilibre en 2020
Population affiliée |
Taux légaux de cotisation (salarié et employeurs) |
Taux de prélèvement d'équilibre corrigé du ratio démographique |
Salariés du secteur privé et artisans/commerçants |
27,7 % / 24,75 % |
23,9 % |
Fonctionnaire de l'État (civils) |
90,4 % |
23,7 % |
Fonctionnaires de l'État (militaires) |
142,2 % |
24,1 % |
Fonctionnaires territoriaux et hospitaliers |
46,8 % |
28,3 % |
Professionnels libéraux (hors avocats) |
19,9 % |
12,7 % |
Non-salariés agricoles |
18,9 % |
13,5 % |
Tous régimes |
27,5 % |
Source : Conseil d'orientation des retraites, rapport annuel de septembre 2022
3. Une opportunité pour la création de réserves
La perspective d'un solde cumulé négatif en 2025 et la nécessaire remontée des taux de contribution qu'elle induit incite à s'interroger sur l'essence même de cet indicateur comptable. La rapporteure spéciale insiste sur le fait qu'il relève avant tout d'une fiction, tant il ne permet pas de faire face aux aléas (crise sanitaire, inflation) auxquels peut faire face le régime des retraites de la fonction publique d'Etat.
Dans ces conditions, elle souhaite que la réévaluation inévitable des taux et l'amélioration attendue à cette occasion du solde technique conduisent à l'abandon de cette fiction comptable et débouchent sur la création de véritables réserves, appelées à être gérées par le Fonds de réserve des retraites (FRR).
Créé en 2001, le FRR n'est aujourd'hui plus abondé. Le FRR participe au financement de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) à hauteur de 2,1 milliards d'euros par an (1,45 milliard d'euros à partir de 2025) et finance ainsi une partie de la dette de la CNAV et du FSV. Le niveau de son actif net était estimé à 26 milliards d'euros fin 2021 (valeur comptable). L'affectation des réserves du régime de la fonction publique au FRR permettrait de pouvoir bénéficier des bons résultats de celui-ci en matière de valorisation des actifs. La performance annualisée de l'actif du FRR s'élève en effet à 4,7 % depuis 2010.
LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME
ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE
49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION
Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
ARTICLE 50
(nouveau)
Révision des conditions de prise en compte
des disponibilités prises pour l'éducation d'un enfant dans la
constitution du droit à pension des militaires
Le présent article prévoit de relever, dans l'optique de la constitution du droit à pension, l'âge maximal de l'enfant, dont l'éducation constitue le but d'une disponibilité ou d'un congé pour convenances personnelles pris par un militaire, de 8 à 12 ans. Cette modification est destinée à mettre en cohérence le droit à pension avec celui du droit au congé parental. Un dispositif semblable avait été adopté en loi de finances pour 2022 pour les fonctionnaires civils.
Si le principe d'une prise en compte du congé parental dans la constitution du droit à pension ne constitue pas un avantage propre au régime de la fonction publique, les conditions d'accès au congé parental divergent entre fonctionnaires civils et militaires et salariés affiliés au régime général, ce qui fragilise l'hypothèse d'une harmonisation des droits à terme.
Nonobstant cette réserve, la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : LA PRISE EN COMPTE DES DISPONIBILITÉS POUR ÉLEVER UN ENFANT DANS LA CONSTITUTION DES DROITS À PENSION DES MILITAIRES
Codifiant un des axes de l'accord relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique du 30 novembre 2018, l'article 4 du décret n° 2020-529 du 5 mai 2020 modifiant les dispositions relatives au congé parental des fonctionnaires et à la disponibilité pour élever un enfant a relevé de huit à douze ans l'âge maximal de l'enfant au titre duquel une disponibilité pour éducation peut être accordée de droit à un fonctionnaire.
Prenant acte de ce relèvement, l'article 212 de la loi n° 2021-19 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, a modifié le d du 1° de l'article L9 du code des pensions civiles et militaires de retraites pour prévoir que la mise en disponibilité pour élever un enfant de moins de douze ans ou la prise d'un congé pour convenances personnelles dans le même but entre en compte dans la constitution du droit à pension d'un fonctionnaire civil .
La durée du temps passé dans cette position retenue est plafonnée, pour la constitution du droit à pension, à trois ans par enfant né ou adopté à partir du 1 er janvier 2014.
II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN RELÈVEMENT À 12 ANS DE L'ÂGE MAXIMAL DE L'ENFANT POUR L'ÉDUCATION DUQUEL UNE MISE EN DISPONIBILITÉ PEUT ÊTRE PRISE EN COMPTE DANS LE DROIT À PENSION DES MILITAIRES
Le présent article additionnel est issu d'un amendement du Gouvernement qu'il a retenu dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49-3, alinéa 3 de la Constitution. Il modifie l'article L9 du code des pensions civiles et militaires de retraite relevant, dans l'optique de la constitution du droit à pension, l'âge maximal de l'enfant, dont l'éducation constitue le but d'un congé parental ou d'une disponibilité prise par un militaire, de huit à douze ans .
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE DE MISE EN COHÉRENCE QUI ÉLOIGNE LA PERSPECTIVE D'UN RAPPROCHEMENT DES RÈGLES ENTRE RÉGIMES DE RETRAITES DU SECTEUR PUBLIC ET DU SECTEUR PRIVÉ
Le présent article additionnel constitue une mesure de cohérence avec le droit existant pour les fonctionnaires civils.
La prise en compte de cette période dans la constitution du droit à pension ne constitue pas un avantage propre aux régimes publics. Aux termes de l'article L351-5 du code de la sécurité sociale, le congé parental d'éducation donne également droit, s'agissant des assurés du régime général, à une majoration de la durée d'assurance égale à la durée de la période d'interruption de l'activité, plafonnée à douze trimestres. Le congé parental d'éducation prend cependant fin au plus tard au troisième anniversaire de l'enfant (article L1225-48 du code du travail).
Si elle conçoit la nécessité de mettre en cohérence les modalités de prise en compte des droits entre fonctionnaires civils et militaires, la rapporteure spéciale rappelle que cet alignement écarte l'hypothèse d'une harmonisation des règles entre salariés du secteur privé et fonctionnaires. Le droit au congé parental ne répond pas, en effet, aux mêmes conditions selon qu'il s'agisse d'un assuré au régime général ou d'un affilié auprès du régime de la fonction publique d'État. L'écart entre les bornes d'âge - trois ans d'un côté contre douze ans de l'autre apparaît en effet important.
Nonobstant cette réserve, elle propose d'adopter sans modification cet article.
Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 51
(nouveau)
Rétablissement de dispositions relatives
aux cotisations retraite des fonctionnaires détachés
abrogées par erreur lors de la codification du code
général de la fonction publique
Le présent article prévoit de rétablir les dispositions relatives aux cotisations salariales et patronales des fonctionnaires détachés, abrogés par erreur dans le cadre de la codification du code général de la fonction publique prévue par l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique
La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : L'ORDONNANCE VISANT À CODIFIER LE CODE GÉNÉRAL DE LA FONCTION PUBLIQUE A SUPPRIMÉ LES DISPOSITIONS ENCADRANT LES COTISATIONS SALARIALE ET PATRONALE DE CERTAINS FONCTIONNAIRES DÉTACHÉS
L'article 46 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État prévoyait que la collectivité ou l'organisme auprès duquel un fonctionnaire de l'État est détaché est redevable, envers le Trésor, d'une contribution pour la constitution des droits à pension de l'intéressé. Le taux de cette contribution était fixé par décret.
Dans le cas où le fonctionnaire est détaché auprès d'une collectivité ou d'un établissement de santé, le taux de la contribution pouvait également être abaissé par décret.
Enfin, s'agissant des fonctionnaires détachés auprès de députés ou de sénateurs, la contribution était versée par le député ou le sénateur intéressé.
L'article 3 de l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique a abrogé, par erreur, les dispositions de cet article.
Les dispositions particulières applicables aux agents en service détaché, détaillées aux articles L73 et L74 du code des pensions civiles et militaires de retraite et qui en constituent le chapitre I er du Titre II du Livre II, ne couvrent pas ces dispositions.
L'affiliation des fonctionnaires à des régimes spéciaux de sécurité sociale et de retraite, distincts du régime général est, quant à elle prévue à l'article L115-2 du code général de la fonction publique.
II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE MISE À JOUR DU CODE DES PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DES RETRAITES
Le présent article additionnel est issu d'un amendement du Gouvernement qu'il a retenu dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49-3, alinéa 3 de la Constitution.
Le I rétablit l'article L72 du code des pensions civiles et militaires de retraite afin d'y intégrer les dispositions prévues à l'ancien article 46 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 et abrogées par l'ordonnance précitée. L'article L72, abrogé par l'article 65 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, ciblait les modalités de révision des droits à pension des fonctionnaires civils de l'État affectés par des infirmités en temps de guerre. Les dispositions ainsi codifiées sont, aux termes du III, applicables à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
Les articles L72, L73 et L74 articles constitueraient désormais le chapitre 1 er du titre II du livre II du code, spécifiquement dédié aux agents détachés.
Le II modifie, par ailleurs, l'article L 115-2 du code général de la fonction publique, dans un souci de clarification, pour préciser que les fonctionnaires affiliés aux régimes spéciaux de sécurité sociale et de retraite ont droit aux prestations familiales obligatoires.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA RECTIFICATION D'UNE ERREUR DE CODIFICATION
Le présent article additionnel permet de rétablir un dispositif abrogé par erreur sans ouvrir de nouveaux droits. En ce qu'il a trait aux modalités de contribution au CAS Pensions, il a toute sa place en loi de finances et n'appelle pas de remarque particulière.
Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 2 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ».
Mme Sylvie Vermeillet , rapporteure spéciale de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » . - La France dédie 13,6 % de son PIB au financement des retraites, ce qui représentait 345 milliards d'euros en 2021. C'est moins que l'Italie, qui y consacre 15,6 % de son PIB, mais plus que la plupart des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont l'Allemagne, la Belgique ou l'Espagne, pour lesquelles cette part est inférieure à 11 %.
L'équilibre actuel de notre système de retraites devrait se dégrader dès 2023 et jusqu'au milieu des années 2050, dans le meilleur des cas. Au regard de cette dégradation des comptes et si l'on s'accorde sur l'objectif d'éviter une baisse du niveau des pensions comme une hausse des prélèvements, la réforme semble indispensable. Celle-ci devrait se limiter à redéfinir les paramètres en jouant principalement sur deux critères, qui peuvent être combinés. En premier lieu, l'âge d'ouverture des droits pourrait passer de 62 à 65 ans d'ici à 2031, en suivant une progression de quatre mois par an. En second lieu, la majoration de la durée de cotisation inscrite par la réforme Touraine prévoit que, pour les personnes nées en 1973 ou après, la durée d'assurance requise pour obtenir une retraite sans décote augmente progressivement d'un trimestre tous les trois ans entre 2020 et 2035, pour atteindre 43 ans soit 172 trimestres.
Cependant, il convient de s'entendre au préalable sur la convention d'équilibre choisie. D'une part, il pourrait s'agir d'un effort de l'État constant en pourcentage du PIB, quel que soit le besoin du CAS « Pensions » et des régimes spéciaux déficitaires. D'autre part, un équilibre permanent des régimes permettrait à l'État de combler les besoins chaque année ; la convention actuellement retenue correspond à ce dispositif, dictant un âge moyen de départ à 64 ans dès 2030, porté à 66,5 ans d'ici à 2060, pour atteindre le retour à l'équilibre du système de retraite.
Néanmoins, l'augmentation de l'âge de départ en retraite pose question au regard d'une possible baisse de la durée de retraite, les gains d'espérance de vie n'étant plus systématiques. En outre, une attention particulière doit être portée à la pénibilité des métiers, aux dispositifs carrières longues, à la prévention de l'usure au travail, mais aussi à l'aptitude des entreprises à employer des seniors.
Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a indiqué que la réforme des retraites pourrait induire « 8 à 9 milliards d'euros d'économies au bout du quinquennat » ; j'aimerais beaucoup disposer des éléments de calcul ayant conduit à cette estimation, que je suis aujourd'hui incapable de décrypter. À ce titre, je rappelle que la fermeture du régime des retraites de la SNCF a induit la dépense de 4,1 milliards d'euros pour financer des mesures d'accompagnement entre 2011 et 2020 ; je me demande parfois pourquoi les syndicats redoutent tant les réformes !
En outre, le gouvernement table sur une entrée en vigueur de la réforme en juillet 2023, mais les documents transmis pour le PLF ne la mentionnent pas. À l'évidence, la réalisation budgétaire pourrait être bien différente de ce qui est prévu.
Nous allons néanmoins examiner le détail de cette mission en vous rappelant qu'elle comprend les régimes de retraite des mines, de la Seita, des régimes ferroviaires d'outre-mer (39 pensionnés) et de l'ORTF (34 pensionnés) au programme 195 ; les régimes de retraite et de sécurité sociale des marins (25 328 cotisants pour 102 914 pensionnés) au programme 197 ; ainsi que les régimes sociaux et de retraite des transports terrestres au programme 198, principalement les régimes de la SNCF (114 840 cotisants pour 233 354 pensionnés) et de la RATP (42 444 cotisants pour 52 257 pensionnés), mais aussi le réseau franco-éthiopien (3 pensionnés).
De nouveau, je déplore que la mission « Régimes sociaux et de retraite » ne couvre pas l'ensemble des régimes spéciaux de retraite pour lesquels l'État verse une subvention d'équilibre ou qui sont financés au moyen de taxes. Ainsi, il manque toujours les régimes de l'Opéra de Paris, de la Comédie française, des Industries électriques et gazières de France, des non-salariés agricoles, des avocats, des clercs et employés de notaires. Près de 5,4 milliards d'euros de contributions échappent ainsi à la mission, ce qui nuit considérablement à la lisibilité du système et à celle de sa réforme.
La dotation 2023 de l'État pour les régimes de la mission devrait s'élever à 6,14 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), dont 3,5 milliards pour la SNCF et 0,8 milliard pour la RATP, sommes qui ne tiennent que partiellement compte de l'inflation. La contribution de l'État finance le déséquilibre démographique des régimes, mais également leurs avantages spécifiques (départs précoces, bonifications de durée, avantages familiaux, minima de pensions), pour lesquels la nécessité de solidarité nationale interroge.
Si le régime de retraite SNCF est fermé depuis le 1 er janvier 2020, celui de la RATP en prend le chemin avec l'incontournable ouverture à la concurrence pour les bus dès 2025. Néanmoins, les sociétés qui remporteront les appels d'offres hériteront aussi du « sac à dos social », qui maintiendra l'affiliation des agents transférés à leurs nouveaux employeurs au régime des retraites de la RATP.
Concernant le régime des marins, l'État fournit 81 % des ressources, soit 802 millions d'euros. La pénibilité de ces métiers et la compétitivité à laquelle ils sont confrontés dissuadent de toute fermeture du régime, sauf à perdre notre souveraineté nationale dans le domaine. Néanmoins, rien n'interdit de réviser les grilles de métiers ou de mieux prendre en compte le temps passé en mer. De plus, les carrières courtes, inférieures à quinze ans, pourraient être redirigées vers le régime général.
J'en viens au CAS « Pensions », qui comprend le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » ; le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » ; et le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions ».
Estimées à 64,36 milliards d'euros pour 2023 en AE et en CP - dont 94 % pour les seules pensions civiles et militaires -, les dépenses connaissent une progression de 5,33 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, intégrant notamment la revalorisation des prestations de 4 % au 1 er juillet dernier.
Si la majoration de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique génère des cotisations supplémentaires, celles-ci ne parviennent pas à équilibrer cette hausse des pensions. Ainsi le PLF pour 2023 prévoit-il un solde négatif du CAS « Pensions » de 789,4 millions d'euros.
La baisse des effectifs cotisants et le niveau croissant des pensions ne peuvent que renforcer ce déficit. Les contractuels représentent désormais 21 % de la seule fonction publique d'État, or ceux-ci sont affiliés à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) ainsi qu'à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec) pour les agents contractuels de droit public, et à l'Agirc-Arrco pour ceux relevant du droit privé. Les dépenses du CAS ont augmenté de 38,5 % depuis 2007.
Les taux de contribution employeur, qui assurent l'équilibre du CAS « Pensions » à chaque instant, ont toujours permis, depuis sa création en 2006, de dégager des soldes excédentaires, qui atteignent 9,5 milliards d'euros en 2021.
Cependant, ces taux n'ont pas été révisés depuis 2014. L'exercice 2022 inverse la tendance et devrait pour la première fois se clôturer par un déficit de l'ordre de 224 millions d'euros. Par conséquent, sans révision à la hausse des taux de contribution employeur, le solde excédentaire sera consommé d'ici à 2025.
La direction du budget ne prévoit pas de modifier les taux avant l'apurement total de l'excédent, qui n'a pourtant aucune réalité matérielle. Ainsi, les soldes annuels négatifs du CAS dégraderont directement celui de l'État.
La réévaluation des taux de contribution employeur et l'amélioration du solde du CAS étant indispensables, je souhaite que les futurs excédents débouchent sur la création de véritables réserves gérées par le Fonds de réserve pour les retraites (FRR). Celui-ci, dont l'actif net était évalué à 26 milliards d'euros fin 2021, affiche une performance record de 4,7 % depuis 2010. Il serait judicieux que les réserves du régime de la fonction publique nouvellement créées puissent bénéficier de ces excellents résultats.
J'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Comme la rapporteure spéciale, je continue de penser que cette réforme des retraites est nécessaire et qu'elle devient urgente. Je m'interroge quant aux difficultés mentionnées par Sylvie Vermeillet dans son rapport, pour avoir accès aux éléments qui pourraient la composer. Dans un temps où le Gouvernement fait des prévisions très optimistes, dont celle du plein emploi à l'horizon de 2027, ne pas engager une réforme qui nous permettrait de franchir un pas décisif représenterait non seulement une difficulté, mais aussi une faute.
Au-delà des observations liées à la mission, je voudrais revenir sur ce raccourci que nous entendons dans le débat public, et qui consiste à présenter la réforme des retraites comme nécessaire pour rétablir les comptes. Je tiens à rappeler que le premier objectif de cette réforme est d'honorer l'engagement pris à l'égard des cotisants. Rappelons cependant qu'il s'agit d'abord d'un système par répartition, ce que nombre de nos concitoyens semblent oublier une fois arrivés à l'âge de la retraite, considérant alors qu'il devrait s'agir d'un système par capitalisation.
M. Michel Canévet . - Je voudrais d'abord féliciter la rapporteure pour la qualité de ses analyses et des propositions qu'elle formule.
Dans la partie du rapport intitulée Une dépendance marquée au financement public , je lis que les besoins des quatre principaux régimes spéciaux subventionnés s'élèveraient à plus de 185 milliards d'euros à l'horizon de 2050. S'agit-il du cumul de ce dont nous aurons besoin d'ici à 2050 ? Ou s'agit-il de la somme qui sera nécessaire alors, sachant qu'aujourd'hui elle est de l'ordre de 9 milliards d'euros ?
Par ailleurs, le régime spécifique des marins tient compte de la concurrence internationale, qui justifie le soutien public apporté. Je souscris totalement à l'idée qu'il faut maintenir ce régime, mais des aménagements peuvent être apportés pour le rendre plus efficient, et pour que rentrent dans le régime de droit commun ceux qui ne remplissent pas l'ensemble des conditions.
Enfin, en ce qui concerne le CAS « Pensions », j'identifie deux options : soit on augmente les taux de cotisations, soit on augmente la durée de cotisation et on diminue la durée des bénéfices. Relever l'âge du départ en retraite pourrait-il suffire à équilibrer les comptes ?
M. Jean-Marie Mizzon . - Ma question n'est pas directement liée aux éléments comptables, mais touche à un sujet récurrent. Le temps pendant lequel nous n'avons pas mis en place la réforme a-t-il été mis à profit pour trouver un début de solution sur la pénibilité du travail ? Il s'agit d'un sujet complexe et s'il est facile de mesurer la pénibilité des métiers physiques, l'exercice est plus délicat quand elle affecte la dimension psychologique du salarié.
M. Claude Raynal , président . - Je lis ceci dans le dernier paragraphe du document résumant votre rapport : « la réévaluation inévitable des taux et l'amélioration attendue à cette occasion du solde du CAS doivent déboucher sur la création de véritables réserves. ». Cela suppose que la réévaluation des taux soit supérieure à celle qui est nécessaire à l'obtention d'un strict équilibre. Est-ce bien là votre idée : prendre un peu de marge pour créer de la réserve ?
Mme Sylvie Vermeillet , rapporteure spéciale . - Oui, ce taux de contribution employeur, de l'ordre de 74 % pour les fonctionnaires et de 126 % pour les militaires, permet d'équilibrer à chaque instant le CAS « Pensions ». Cependant, n'ayant pas été révisé depuis 2010, il se montre aujourd'hui insuffisant face à la progression des dépenses.
Nous avons ainsi observé un premier déficit en 2022, qui se confirmera en 2023 et continuera ensuite de se creuser. Depuis la création du CAS, nous avons accumulé un excédent de 9,5 milliards d'euros, qui n'a jamais été matérialisé. Pourtant, la direction du budget affirme aujourd'hui que tant que cette somme n'aura pas été utilisée, les taux de contributions employeurs ne seront pas révisés. Or cette somme n'a pas de réalité et si l'on commence à générer des déficits dès 2022, cela dégradera le solde de l'État. La loi organique oblige cependant à garantir l'équilibre du compte. Ce qui implique de réviser ces taux pour permettre un retour a minima à l'équilibre voire à l'excédent.
À cette occasion, il serait opportun que de véritables réserves soient créées, comme cela a été fait en 2001 lors de la création du FRR, qui était destiné à faire face au papy-boom. Ce fonds était alimenté par des excédents de la Cnav et des produits de privatisations, à l'image du Crédit lyonnais et des Autoroutes du sud de la France. Il a été alimenté jusqu'en 2010 et on a alors décidé que, chaque année, ce fonds verserait 2,1 milliards d'euros à la Cades, ce qui arrange tout le monde aujourd'hui. Ce fonds est très bien géré et il a connu des performances impressionnantes, de plus de 10 %. Il touche ainsi chaque année plus d'intérêts que les 2,1 milliards versés et compte aujourd'hui 26 milliards d'euros, ce qui reste peu par rapport au passé. Certains ont pensé qu'il pourrait servir à pallier le déficit du solde des retraites, mais 26 milliards d'euros ne suffiront pas à y répondre longtemps, compte tenu des déficits qui se profilent. Mais si le CAS « Pensions » se remettait à générer des excédents avec des taux employeur révisés, il faudrait les matérialiser afin de répondre au défi générationnel, à la hausse démographique et à celle du niveau des pensions, afin que l'on puisse constituer des réserves pour ne pas avoir à affronter dans l'urgence des réformes inévitables. Il s'agit donc bien de proposer une matérialisation de l'excédent en même temps qu'une hausse des taux de contribution employeur.
J'en viens aux remarques du rapporteur général. La juste connaissance des éléments qui constituent la réforme des retraites nous aiderait effectivement beaucoup. Il s'agit d'enjeux lourds et de montants énormes, les retraites représentant 345 milliards d'euros en 2021. L'État a décidé de revaloriser les salaires de certaines catégories, notamment des enseignants, ce qui peut apparaître comme une bonne mesure, mais nous n'avons pas accès à l'évaluation de son impact. De la même manière, aucune évaluation n'est disponible sur les avantages spécifiques de certains régimes spéciaux, notamment pour la RATP. Quelles que soient nos opinions, nous devrions avoir accès à ces éléments pour décider en connaissance de cause.
Notre système de retraite prévoit une solidarité intergénérationnelle. Cependant, la classe active d'aujourd'hui cotise beaucoup et longtemps, tout en ayant une espérance de vie en progression moindre. On leur demande un effort maximal au nom d'une génération surnuméraire, mais il n'est pas certain que les mêmes efforts seront fournis dans sa direction. D'après les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR), le niveau des pensions va s'amenuiser par rapport au niveau de vie des actifs. Ainsi, le niveau de vie des pensionnés correspondrait à 70 % de celui des actifs d'ici à 2070, alors que ce chiffre est de 101 % aujourd'hui. Si l'on ne réindexe pas les pensions à hauteur de la croissance, un appauvrissement des pensionnés en résultera. Cependant, au regard du financement des dépenses de dépendance, l'appauvrissement des pensionnés n'est pas une option. Cette équation est centrale et nous en parlons peu.
En réponse à Michel Canévet, les engagements de 185,74 milliards d'euros représentent bien la somme de tous les engagements prévisionnels.
En ce qui concerne l'avenir du régime des marins, si nous souhaitons maintenir une souveraineté nationale dans le domaine, il faudra prendre en charge l'ensemble de leur protection sociale.
J'en viens au report de l'âge de départ en retraite pour les fonctionnaires. Aujourd'hui, ce départ s'opère, pour les fonctionnaires sédentaires, à l'âge moyen de 63 ans et 4 mois. Un départ à 64 ans ne suffira donc pas. Néanmoins, il n'est pas prévu d'augmenter le taux de cotisation salariale, mais plutôt d'adapter et de prolonger sa durée afin de bénéficier d'une retraite à taux plein.
Monsieur Mizzon, je ne peux vous dire si le temps de pause sur la réforme des retraites a été mis à profit pour avancer sur le sujet de la pénibilité. Nous avons posé des questions à chacun des organismes que nous avons auditionnés. Des avancées intéressantes ont été observées en ce qui concerne le compte individuel, mais pas particulièrement sur la pénibilité. J'insiste aussi sur l'employabilité des seniors. En effet, s'il faut repousser l'âge de départ en retraite, il faudra aussi qu'une certaine culture d'entreprise évolue afin d'employer davantage de seniors.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».
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Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision. Elle a décidé de proposer également au Sénat l'adoption, sans modification, des articles additionnels 50 et 51.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Direction du budget (Programmes 195 et 742) - Ministère de l'économie, des finances et de la relance
- Mme Marie CHANCHOLE, sous-directrice - 6 ème sous-direction ;
- M. Bruno PATIER, chef du bureau Retraites et régimes spéciaux.
Direction du service des retraites de l'État (Programmes 741 et 743)
- M. Guillaume TALON, chef du service ;
- M. Philippe CHATAIGNON, chef du bureau financier et des statistiques.
Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (Programme 198)
- M. Christophe LENORMAND, chef du service "Flottes et marins" ;
- M. Philippe GABRIEL, chef du bureau de la protection sociale des marins.
Caisse des dépôts et consignations
- M. Michel YAHIEL, directeur des politiques sociales ;
- Mme Angèle CALABRESE-VIDAL, directrice de gestion retraites et fonds (Direction des politiques sociales) ;
- Mme Giulia CARRE, conseillère relations institutionnelles.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2023.html
* 1 La reprise de l'activité et la surmortalité liée à la crise sanitaire ont conduit à une baisse de 0,9 point par rapport à 2020.
* 2 Déduction faite de la subvention pour charge de service public versée à l'ENIM.
* 3 2017 constitue le dernier exercice où les chiffres sont connus pour l'ensemble des pays suivis.
* 4 La reprise de l'activité et la surmortalité liée à la crise sanitaire ont conduit à une baisse de 0,9 point par rapport à 2020.
* 5 Ces prévisions sont fondées sur une hypothèse de croissance annuelle de la productivité de 0,7 %.
* 6 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.
* 7 Sophie Bellon, Olivier Meriaux et Jean-Manuel Soussan, Favoriser l'emploi des travailleurs expérimentés, Rapport remis au Gouvernement le 14 janvier 2020.
* 8 Il s'agit des personnes qui n'ont pas d'emploi mais qui souhaitent travailler, sans pour autant être en recherche active le mois précédent ou disponibles dans les deux semaines.
* 9 Cour des comptes, référé S2019-1878, octobre 2019.
* 10 Y. Dubois et M. Koubi, «Report de l'âge de la retraite et taux d'emploi des séniors : le cas de la réforme des retraites de 2010»; Insee Analyses N°30, janvier 2017.
* 11 Unédic, «Allocation chômage et réforme des retraites», Note pour le Conseil d'orientation des retraites du 16 octobre 2016.
* 12 Faut-il fermer les régimes spéciaux de retraites de la RATP et des Marins ? Rapport d'information n° 804 (2021-2022) de Mme Sylvie VERMEILLET, au nom de la commission des finances, 20 juillet 2022.
* 13 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.
* 14 Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.
* 15 Loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire.
* 16 Article 25 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.
* 17 La convention tripartite du 18 janvier 2021 prévoit ainsi que les deux régimes versent à la CPRP SNCF une dotation correspondant à l'équivalent des cotisations perçues pour les nouveaux salariés de la SNCF. Le montant de cette compensation est estimé à 56 millions d'euros en 2022. L'État assure quant à ainsi le besoin de financement restant et correspondant au différentiel de taux de cotisations entre les régimes de droit commun et le régime spécial, soit environ 40 % de la perte de cotisations pour la CPRP SNCF liées à la fermeture du statut.
* 18 Le ratio démographique consiste en le rapport entre d'une part la somme du nombre de retraités directs et la moitié de retraités de droit dérivé et, d'autre part, le nombre de cotisants.
* 19 Décret n° 2005-1636 du 26 décembre 2005 relatif aux conventions financières passées par le régime spécial de retraites du personnel de la Régie autonome des transports parisiens, au taux et à l'assiette des cotisations perçues par ce régime et modifiant le décret n° 59-157 du 7 janvier 1959 relatif à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France.
* 20 Dossier solidarité et santé, Droits familiaux et dispositifs de solidarité du système de retraite, n° 72, janvier 2016.
* 21 Déduction faite de la subvention pour charge de service public versée à l'ENIM.
* 22 Les régimes de salariés sont les suivants : Caisse nationale d'assurance-vieillesse - CNAV, Régime des salariés agricoles, régime des fonctionnaires civils et militaires de l'État, caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales - CNRACL, Fonds spécial des ouvriers des établissements industriels de l'État - FSPOEIE, Régime des mines, CRP RATP, CPRP SNCF, Régime des marins, régime des industries électriques et gazières, régime des clercs et des employés de notaires, Banque de France).
* 23 Les quatre régimes de non-salariés sont les suivants : Exploitants agricoles, Caisse nationale des barreaux français, Sécurité sociale des travailleurs indépendants et Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales.
* 24 Faut-il fermer les régimes spéciaux de retraites de la RATP et des Marins ? Rapport d'information n° 804 (2021-2022) de Mme Sylvie VERMEILLET, au nom de la commission des finances, 20 juillet 2022.
* 25 Décret n° 2008-637 du 30 juin 2008 portant règlement des retraites du personnel de la Régie autonome des transports parisiens.
* 26 Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), Les retraités et les retraites, édition 2022.
* 27 Le régime additionnel de la fonction publique (RAFP) permet, quant à lui de cotiser sur une partie de ces primes, dans la limite de 20 % du traitement indiciaire brut perçu. Certaines primes ne sont, par ailleurs, pas intégrées dans le calcul, à l'image de l'indemnité sujétion spéciale police (ISSP) ou de l'indemnité mensuelle de technicité (IMT). Dans ces conditions, seule 60,2 % de la masse salariale indemnitaire entre dans l'assiette de cotisation du RAFP, soit 6,4 milliards d'euros. 642 millions d'euros ont ainsi été prélevés en 2021.