EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 8 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Dominati, rapporteur spécial, sur la mission « Sécurités » et le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » ainsi que l'article rattaché 46 ter .

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial sur les programmes « Gendarmerie nationale », « Police nationale » et « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et sur le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » . - Dans son discours de clôture du Beauvau de la sécurité, en septembre 2021, le Président de la République avait annoncé un projet de loi de programmation pour la sécurité intérieure, dont le but était notamment « de penser la police et la gendarmerie de 2030 ». Une première version du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) a ainsi été déposée en mars 2022, en toute fin de quinquennat, et n'a pu être examinée par le Parlement. Une seconde version allégée a ensuite été élaborée. C'est cette version que le Sénat a examinée en octobre 2022. La loi comporte trois objectifs principaux : « être à la hauteur de la révolution numérique » ; « doubler la présence des forces de sécurité sur le terrain à l'horizon 2030 » et enfin « mieux anticiper les menaces et les crises ».

Le budget du ministère de l'intérieur passerait ainsi, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions » et sans compter quelques programmes spécifiques, de 20,78 milliards d'euros en crédits de paiements (CP) annuels en 2022 à 25,29 milliards d'euros en 2027, soit une hausse significative de 4,51 milliards d'euros, en augmentation de 21,7 %. Au total, la hausse cumulée de budget du ministère de l'intérieur sur les cinq années 2023-2027 atteindrait 15 milliards d'euros.

Les crédits prévus pour 2023 pour la mission « Sécurités » s'inscrivent dans le prolongement de la Lopmi. Pour l'ensemble de la mission, la hausse des crédits s'élève à 1,55 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 1,43 milliard d'euros en crédits de paiement (CP). La hausse concerne l'ensemble des quatre programmes de la mission. Nous avions voté les crédits de cette mission les deux dernières années, car la police et la gendarmerie nationales bénéficiaient du concours des crédits du plan de relance. On pouvait donc légitimement se demander si l'effort d'investissement allait être maintenu avec la fin du plan de relance. Force est toutefois de constater que le projet de loi de finances poursuit et renforce surtout, en 2023, la trajectoire de hausse des dépenses de personnel constatée sur les précédents budgets, avec une augmentation de 4,96 % pour la police nationale et de 6,91 % pour la gendarmerie nationale.

Cette hausse s'explique tout d'abord par l'engagement du Président de la République et du Gouvernement d'augmenter les effectifs : le projet de loi de finances prévoit ainsi la création de 2 857 équivalents temps plein (ETPT) pour les deux forces, dont 1 907  pour la police nationale et 950 pour la gendarmerie nationale. La hausse des crédits du titre 2 s'explique aussi par la revalorisation du point d'indice de la fonction publique, pour un coût de 164 millions pour les deux forces. Il faut enfin évoquer le poids des mesures catégorielles : 84,7 millions d'euros pour la police nationale et 71,80 millions d'euros pour la gendarmerie nationale. Ce montant est en forte hausse du fait des premières conséquences budgétaires des deux protocoles conclus en mars 2022 pour la police nationale et pour la gendarmerie nationale. J'ai souvent déploré, lors de l'examen des budgets des années passées, la dégradation du ratio entre les crédits de personnels, d'une part, et ceux de fonctionnement et d'investissement, d'autre part : ce ratio se stabilise en 2023, autour de 86,1 % en CP, mais nous devrons être vigilants, car il reste élevé. Il est aussi supérieur à celui de nos voisins : il s'établit autour de 75 % en Allemagne, entre 75 % et 80 % au Royaume-Uni, où le système est différent, et à 85 % en Espagne.

Un mot sur les rythmes de travail. L'année 2023 sera marquée par l'abandon du système de la vacation forte, mis en place en 2016, et que j'avais eu l'occasion de critiquer à plusieurs reprises. Selon l'inspection générale de la police nationale (IGPN), pour compenser la généralisation de ce régime de travail à l'ensemble des unités travaillant en régime cyclique, il aurait fallu envisager le recrutement de 4 542 ETP supplémentaires pour maintenir le nombre total d'heures travaillées. Ce chiffre est à comparer aux 10 000 postes qui ont été créés dans les forces de sécurité durant le dernier quinquennat. Un nouveau cycle de travail, qui a la faveur des syndicats, se met en place, dans lequel les agents doivent effectuer 140 vacations dans l'année de 12 heures et 8 minutes de suite. Reste à savoir si les agents pourront tenir pendant une telle durée dans la mesure où leur travail est très exigeant.

Le stock d'heures supplémentaires à apurer se réduit peu à peu ; la dotation qui a été prévue en 2020, 2021 et 2022 permet d'indemniser un flux annuel de 2 millions d'heures environ, correspondant à un volume identifié comme incompressible pour donner aux chefs de service des marges de manoeuvre opérationnelles, et de réduire peu à peu le stock accumulé d'heures supplémentaires. En 2023, il est prévu le relèvement de cette enveloppe de crédits dédiés à la campagne d'indemnisation des heures supplémentaires de 18,7 millions d'euros, pour atteindre 45,2 millions d'euros. Nous devons rester vigilants quant à la nécessité de ne pas laisser subsister un compte par agent d'heures supplémentaires non indemnisables trop important, au risque de déstabiliser fortement les services. En effet, les fonctionnaires peuvent liquider leurs heures supplémentaires avant leur départ à la retraite. Ces derniers étant juridiquement en congés et non en retraite, ils ne sont pas remplacés durant cette période, ce qui contribue à creuser un « trou » opérationnel, particulièrement prégnant dans certains services.

Une réforme est par ailleurs engagée pour doter la police nationale d'une réserve opérationnelle de police de 30 000 hommes à l'horizon de 2027, comme il en existe dans la gendarmerie, qui est dotée de 31 500 hommes et dont la mobilisation représente environ 1 900 ETP par jour. L'objectif semble particulièrement ambitieux. Il est peu probable que la réserve de la police sera suffisamment opérationnelle pour contribuer significativement à la sécurisation de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024.

Enfin, ce projet de loi de finances ne comporte aucune disposition quant à une réforme de la police nationale. Celle-ci avait pourtant été annoncée : elle devait entrer en vigueur le 1 er janvier 2023, mais le ministre a annoncé son report. Cette réforme aurait évidemment des conséquences financières.

Concernant le fonctionnement, nous pouvons dire que le principal effort qui est fait dans la Lopmi porte sur le numérique. Premièrement, il y a une explosion de la cybercriminalité - des rançons sont, par exemple, demandées à des citoyens ou à des entreprises. Le paradoxe est que les voyous se modernisent beaucoup plus rapidement que nos forces de police. Ce qui était simple avant devient plus compliqué pour ces dernières ; un investissement très significatif est donc effectué pour lutter contre la cybercriminalité. Deuxièmement, il y a une modernisation du numérique pour les agents de l'État, notamment dans les procédures et les outils informatiques. Enfin, nous faisons en sorte d'améliorer le fonctionnement des forces de sécurité vis-à-vis du citoyen, notamment en lui donnant la possibilité de porter plainte en ligne - pour les violences faites aux personnes, notamment.

Je constate par ailleurs que l'enjeu de la drogue reste particulièrement prégnant aujourd'hui. À titre d'exemple, via Cayenne, des mules viennent en nombre par avion pour importer de la cocaïne en provenance du continent sud-américain, le but étant de saturer nos services, puisqu'ils savent que nos forces de police ne peuvent arrêter que trois à quatre mules par vol, en raison des procédures médicales et policières associées. Pendant ce temps, les autres mules peuvent passer. Le procureur de Cayenne a pris des mesures, comme, par exemple, ne plus poursuivre une mule qui transporte une petite quantité, pour essayer d'arrêter ceux qui transportent le plus de drogue. Sur certains vols, il a été constaté que de 25 % à 30 % des passagers ne se présentaient pas lorsque la compagnie aérienne annonçait qu'un contrôle de police serait réalisé au départ.

S'agissant des véhicules, s'il y a une baisse des crédits de renouvellement pour 2023, il faut reconnaître que la police comme la gendarmerie ont bénéficié du plan de relance et ont donc été bien pourvues ces deux dernières années. Je suis toutefois méfiant sur l'effet stop and go : lorsqu'il y a eu une forte dotation, on a tendance à oublier ce poste dans les années qui suivent. Le parc est d'environ 32 000 véhicules pour chacune des deux forces. Le renouvellement est nécessaire : il maintient le parc et l'empêche de vieillir.

Un effort significatif a été effectué récemment pour la gendarmerie nationale, puisque 50 % des véhicules ont été renouvelés en cinq ans, entre 2017 et 2021. Pour autant, nous devons être vigilants, car il s'agit d'un outil essentiel pour la gendarmerie nationale. Une brigade de neuf gendarmes rayonne sur une surface comparable à la ville de Paris.

Toujours s'agissant du fonctionnement, deux autres points sont à noter. Un effort sera réalisé pour l'habillement compte tenu des deux événements internationaux que j'évoquais tout à l'heure. Par ailleurs, un changement est prévu sur la formation, puisqu'elle repasse progressivement à douze mois, contre huit aujourd'hui.

Concernant l'investissement dans l'immobilier de la police nationale - et cela contribue à m'inciter à donner un avis favorable à l'adoption des crédits- les crédits sont supérieurs à ceux de l'année dernière : 74 millions supplémentaires en AE et 56 millions en CP. Pour la police nationale, nous comptons 2 641 sites et 1,3 million de mètres carrés de surface. Le budget tient pour 2023 le rythme qui avait été donné dans le cadre du plan de relance.

Il y a un léger fléchissement pour la gendarmerie, mais elle avait été mieux dotée que la police ces dernières années. Néanmoins, une véritable interrogation politique peut se poser. La Lopmi a prévu la création de 200 nouvelles brigades - le territoire en compte actuellement 3 100. Il y a quelques années, le général Favier m'avait expliqué qu'il était difficile de rigidifier l'implantation des brigades au motif que, souvent, les collectivités territoriales payaient les bâtiments et qu'il n'était donc pas possible de supprimer des effectifs pour mieux les répartir sur le territoire. L'installation d'une brigade se faisait donc sur du long terme et grevait le budget. Ces 200 brigades supplémentaires sont bien accueillies par les territoires concernés et par la gendarmerie, mais en même temps l'immobilier existant se dégrade ; il ne bénéficie pas des crédits d'investissement qui étaient espérés au moment du plan de relance. Il convient donc d'être prudent, car créer des brigades, mais ne pas disposer de budgets d'investissement n'est sans doute pas une bonne orientation. Je vous rappelle en effet que les gendarmes sont logés dans les brigades ou les casernes. Telle est la réserve que j'émets.

Je vous propose donc de donner un avis favorable sur ces deux programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». Je tiens tout de même à souligner qu'il n'y a pas dans le budget de réserve pour une augmentation éventuelle des frais d'énergie. Sans doute cela fera-t-il l'objet d'un budget rectificatif.

S'agissant de la sécurité routière et du compte d'affectation spéciale « radars », je vous ferai part d'un point d'attention : le financement des kits de détection de drogues, notamment du cannabis. Dans 13 % des cas d'accidents mortels, il est constaté que les responsables ont consommé de la drogue. Pour l'instant, 500 000 dépistages de drogues sont effectués par an, contre plus de 9,4 millions pour l'alcool.

Par ailleurs, 200 millions d'euros seront investis en 2023 dans les radars, en particulier de nouvelle génération, faisant ainsi passer le nombre de 4 447 radars à 4 600 à fin 2023. Il s'agit d'une source de recettes supplémentaire pour l'État. L'État ne veut pas dépasser le seuil fatidique ou psychologique de 4 700 radars.

Je rappelle également que près de la moitié des départements sont repassés à une limitation de vitesse à 90 kilomètres par heure.

Mme Gisèle Jourda , rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères sur le programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités » . - Je saluerai tout d'abord l'augmentation globale des crédits, notamment les 120 millions d'euros dont bénéficieront les systèmes d'information et de communication de la gendarmerie. Cela permettra de poursuivre l'équipement des personnels en téléphone NEO2, qui est devenu un outil de travail essentiel pour l'ensemble de nos gendarmes.

Il faut ensuite se féliciter de l'augmentation des crédits destinés à la création de la future agence du numérique des forces de sécurité intérieure. À ce propos, nous avons été rassurés sur le fait que cette nouvelle agence sera bien construite à partir du service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure (Stsisi), qui a fait ses preuves par le passé. En réalité, c'est un véritable retour en arrière par rapport à la réforme de 2020, qui avait créé la direction du numérique du ministère de l'intérieur. Cependant, nous nous en félicitons, car nous avions exprimé de fortes réserves sur cette réforme en son temps.

Concernant l'immobilier domanial, qui est pour nous un sujet de préoccupation récurrent, je redirai ce que nous avons souligné lors de l'examen de la Lopmi : ce texte n'est pas vraiment une loi de programmation, puisqu'il ne présente toujours pas d'échéancier de crédits pour remettre le parc domanial à niveau. Avec 150 millions d'euros en 2023, ce sont environ 25 euros qui seront consacrés à l'État pour chaque mètre carré de caserne. Or, nous estimons qu'il en faudrait quelque 60 par mètre carré. Nous attendons à ce sujet que l'amendement que nous avons déposé, et qui a été adopté dans la Lopmi, prévoyant une remise à niveau pérenne des crédits d'investissement immobiliers, reçoive une traduction concrète de la part du Gouvernement.

M. Philippe Paul , rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur le programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités » . - D'abord, comme l'a dit le rapporteur spécial, ce sont 15 milliards d'euros supplémentaires qui seront attribués à nos forces de sécurité avec la LOPMI. Un effort considérable qui était très attendu, avec notamment la création de postes de policiers et de gendarmes - 950 postes de gendarmes sont prévus pour 2023, avec un montant de crédits supplémentaires de 349 millions d'euros. En outre, il est prévu, pour « mettre plus de bleus dans la rue », d'augmenter les forces de réserve, les faisant passer de 30 000 à 50 000 pour la gendarmerie nationale. Il faudra cependant être vigilants, car nous le savons, à partir du mois d'octobre - et de juillet dans certains départements -, il n'y a plus d'argent pour les financer. Je n'ai pas besoin de le rappeler, mais les gendarmes ont de plus en plus de mal à se loger, les loyers étant très chers, et l'explosion du prix du carburant met encore plus à mal les budgets alloués.

Concernant les 200 brigades qu'il est prévu de créer, je précise que deux tiers d'entre elles seront des brigades fixes et un tiers des brigades volantes. Beaucoup de territoires sont en attente de cette création, quelque 500 gendarmeries ayant été fermées il y a plusieurs années. C'est la raison pour laquelle nous avions voté un amendement lors de l'examen de la Lopmi visant à associer les élus des collectivités locales qui seront sollicitées pour construire les bâtiments. L'État a promis une dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) à un taux pouvant aller jusqu'à 30 % pour les communes de 20 000 habitants et plus.

Pour ce qui est de l'immobilier, nous avons beaucoup insisté sur le fait que, selon les estimations effectuées, le parc immobilier nécessiterait tous les ans 300 millions d'euros ; 100 millions pour l'entretien des casernes existantes et 200 millions d'euros pour la création de bâtiments neufs. Il conviendra également d'être vigilant sur ce point, même si dans l'ensemble ce programme est positif.

Mme Gisèle Jourda , rapporteure pour avis . - Je souhaiterais ajouter, concernant les 200 brigades, que les consultations sont déjà lancées sur les territoires par les préfets. Je vous demande donc d'être vigilants, et de vous assurer que les élus locaux y soient associés en amont, en étant à l'initiative des demandes. En effet, j'ai l'impression que les consultations avaient été lancées avant même que la Lopmi n'arrive devant le Sénat.

M. Jean Pierre Vogel , rapporteur spécial sur le programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités » . - Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une dotation de près d'1,1 milliard d'euros en AE et de 640,6 millions d'euros en CP sur le programme « Sécurité civile », soit une augmentation substantielle de près de 58 % en AE et de 13 % en CP par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2022. Cette hausse est particulièrement bienvenue, au lendemain d'un été marqué par les feux de forêt d'une ampleur exceptionnelle.

Par ailleurs, ces montants ne prennent pas en compte les annonces du Président de la République le 28 octobre dernier, lesquelles ont donné lieu au dépôt d'un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, repris dans le texte transmis au Sénat, majorant de 150 millions d'euros en AE et de 37,5 millions d'euros en CP les crédits du programme.

Si les mesures annoncées constituent des avancées à certains égards, on peut toutefois regretter que ces annonces interviennent en plein examen du projet de loi de finances par le Parlement, ce qui nuit considérablement à la visibilité des crédits du programme, d'autant plus que certaines des mesures annoncées entrent en contradiction avec les informations transmises par le ministère de l'intérieur.

Je voudrais tout d'abord m'attarder sur l'enjeu du soutien de l'État en faveur des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), et plus particulièrement sur la concrétisation en 2023 des « pactes capacitaires » qui permettront, dans le cadre de cofinancement entre l'État et les collectivités locales, de porter des projets d'investissement dans des besoins opérationnels des Sdis, qui seront ensuite mutualisés au sein d'une même zone défense de sécurité.

La concrétisation de ces pactes capacitaires doit ainsi être saluée, et fait par ailleurs l'objet d'une attente très forte de la part des Sdis, comme j'ai pu le constater lors de mon déplacement dans les Bouches-du-Rhône.

Le montant initialement prévu pour ces pactes capacitaires, de 30 millions d'euros sur cinq ans pour 100 Sdis, dont seulement 8 millions d'euros en AE et 1 million d'euros en CP pour 2023, apparaissait toutefois particulièrement faible au regard des besoins d'investissement des Sdis. L'enveloppe de 150 millions d'euros ajoutée par le Gouvernement à l'Assemblée nationale est à cet égard bienvenue, mais s'inscrit dans le cadre de la compensation de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), sur laquelle l'État s'est déjà engagé. On peut donc difficilement présenter cette enveloppe comme un renforcement de l'effort financier de l'État en faveur des Sdis, puisqu'elle repose sur un procédé de budgétisation consistant en réalité à leur réaffecter une recette qui bénéficiait déjà dans les faits à leurs principaux financeurs, à savoir les collectivités locales.

J'en viens maintenant à l'enjeu du dimensionnement et du renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile, qui a été au coeur de l'actualité lors de la saison des feux de cet été.

À cet égard, ce projet de loi de finances constitue une avancée, puisqu'il concrétise le renouvellement de la flotte des hélicoptères Dragons vieillissante, qui avait été amputée ces dernières années de plusieurs appareils, suite à des accidents. Ainsi, l'augmentation des autorisations d'engagement du programme en 2023 est en grande partie portée par la commande de 36 nouveaux hélicoptères, annoncée dans le cadre de la présentation du projet de la Lopmi, et concrétisée dans ce PLF pour 2023 par l'inscription de 471,6 millions d'euros en AE, soit environ 13 millions d'euros par appareil. Ces hélicoptères, contrairement à la flotte de Dragons actuelle, seront équipés d'une capacité de largage d'eau importante et pourraient dès lors utilement être mobilisés pour la lutte contre les feux de forêt.

La saison des feux en 2022 a également souligné la nécessité de compléter et de renouveler la flotte de Canadairs vieillissante. Notre flotte d'avions amphibies bombardiers d'eau devrait ainsi être portée à 16 appareils à l'horizon de 2027, grâce à l'acquisition de deux appareils financés à 90 % par l'Union européenne (UE), puis par l'achat de deux appareils sur fonds nationaux. Nous pouvons toutefois émettre des doutes sur la crédibilité de l'annonce du Président de la République d'un renouvellement intégral des 12 Canadairs existants à l'horizon de 2027. En effet, la chaîne de production des Canadairs vient seulement d'être relancée, et il ressort de mes auditions qu'il est très peu probable que la France puisse obtenir la livraison d'autant d'appareils dans un délai aussi court.

Je tiens enfin à attirer votre attention sur le fait que l'enjeu du renforcement des moyens aériens de la sécurité civile ne peut être envisagé sous le seul prisme capacitaire. Les problématiques de prévention du risque, de gestion des ressources humaines ou encore du dimensionnement des infrastructures nécessaires au fonctionnement opérationnel de la flotte doivent également être prises en considération.

J'ai notamment eu l'occasion de rencontrer, dans le cadre de mon déplacement à Nîmes le 13 octobre dernier, les services de la base aérienne de la sécurité civile (Basc), qui ont indiqué rencontrer des difficultés pour recruter et fidéliser des pilotes de la sécurité civile, dont la rémunération est en moyenne trois fois inférieure à celle des pilotes des compagnies aériennes commerciales. Ainsi, quel serait l'intérêt d'acquérir de nouveaux appareils, si nous ne disposons pas, par ailleurs, des ressources pour les piloter ?

Le présent projet de loi finances prévoit certes des mesures de revalorisation pour les personnels navigants, estimées à 1,5 million d'euros, mais celles-ci devront à l'avenir être doublées d'une véritable stratégie de valorisation du métier de pilote de la sécurité civile.

Je conclurai mon propos en évoquant le projet de mutualisation des systèmes d'information des SDIS, NexSIS 18-112. L'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC), qui est chargée du projet, nous a fait part de difficultés, qui se sont traduites par des retards importants dans le déploiement effectif de NexSIS. Ces retards ont entamé la confiance des Sdis dans la concrétisation du projet, et ont de fait fragilisé la situation économique de l'agence, puisque les SDIS sont largement impliqués dans le financement de NexSIS par leurs contributions volontaires.

Si le déploiement effectif au sein du Sdis préfigurateur de Seine-et-Marne devrait permettre de rétablir cette confiance, il sera par ailleurs essentiel que les contributions des Sdis soient complétées par un soutien renforcé de l'État en faveur de l'agence, et notamment de ses moyens humains qui apparaissent aujourd'hui bien trop faibles.

M. Michel Canévet . - Je voudrais tout d'abord féliciter les deux rapporteurs spéciaux pour la qualité de leurs exposés qui nous permettent de bien appréhender la situation de deux missions importantes.

Monsieur Vogel, concernant la flotte aérienne, si des engagements ont été pris quant au renouvellement de la flotte d'hélicoptères, qu'en est-il de la flotte d'avions, qui est, elle aussi, vieillissante ? Quel est le facteur limitant à ce renouvellement ? Est-ce l'absence de modèle idéal ou faut-il attendre que l'usine de Canadairs se remette en route ?

J'interrogerai M. Dominati sur les questions liées à la gendarmerie. Les moyens affectés à la gendarmerie pour l'immobilier sont trois fois moins importants par rapport à ceux qui sont dévolus à la police. Cela veut-il dire qu'un effort avait été fait antérieurement ?

Par ailleurs, les écoles de gendarmerie sont-elles bien dimensionnées pour assurer la formation d'un grand nombre de gendarmes ?

Concernant le parc de véhicules, le renouvellement intègre-t-il les préoccupations environnementales ? D'autres modes de propulsion des véhicules sont-ils prévus ?

Mme Isabelle Briquet . - Je remercie les rapporteurs pour tous les éléments d'analyse qu'ils nous ont livrés.

Ma question concerne les gendarmeries, puisque la création de 200 brigades a été annoncée. Le plan de déploiement de ces gendarmeries est actuellement relayé par les préfets dans le cadre d'un appel à projets en direction des collectivités. Je partage l'inquiétude soulevée quant au financement desdites gendarmeries. Si nous ne pouvons que saluer cette annonce d'un plus grand maillage des forces de gendarmerie dans les territoires, les brigades actuelles - au-delà de la question des bâtiments - disposent-elles des moyens humains et matériels suffisants pour mener à bien leurs missions dans de bonnes conditions ?

M. Jean-François Rapin . - Ma question est relative aux effectifs de gendarmerie et de police. Vous avez indiqué, monsieur Dominati, que l'année 2024 sera spéciale, avec notamment les Jeux Olympiques, et elle sera particulièrement tendue pour les forces de sécurité en matière de congés. Vous le savez, en été, les forces de sécurité sont appelées en renfort, à la fois sur nos plages et au sein des pôles touristiques importants. Avez-vous des informations sur la façon dont tout cela sera organisé, sachant que les effectifs seront fortement mobilisés sur les grands événements.

M. Vogel a évoqué son déplacement à Nîmes ; or je pense que nous devons être exemplaires sur la question de la flotte. En effet, Nîmes a fait une demande au niveau européen pour être centre de référence sur la sécurité civile, mais aussi agence de référence au niveau européen pour la sécurité civile. De fait, le discours un peu négatif qui est porté n'est pas forcément bon. En êtes-vous conscient ?

M. Éric Jeansannetas . - Je remercie les rapporteurs spéciaux pour leurs exposés, ainsi que les rapporteurs pour avis de nous avoir éclairés de manière supplémentaire.

Si nous pouvons nous satisfaire des crédits de cette mission, il y a aussi des points de vigilance. Je reviendrai sur le volet immobilier : disposons-nous aujourd'hui d'un état des lieux en termes énergétiques des bâtiments de la gendarmerie nationale et des locaux de la police nationale, qui sont globalement des passoires thermiques ? Il est nécessaire d'avoir des crédits supplémentaires en vue d'investissements importants.

Par ailleurs, une question se pose pour le recrutement et la montée en charge des réserves. L'appareil de formation de la police et de la gendarmerie sera-t-il au rendez-vous ? Un effort budgétaire est-il réalisé en direction des outils de formation ? Avons-nous le personnel nécessaire pour former les gendarmes - nous passons de huit à douze mois de formation avec une ambition assez élevée pour la réserve ?

Enfin, s'agissant de la sécurité civile, vous avez noté que les déclarations du Président de la République sont venues percuter la discussion et la préparation budgétaires. Les Sdis vont être impactés. Le financement est largement assuré par les collectivités territoriales. Avons-nous une idée de l'impact financier sur ces dernières de la nouvelle organisation des Sdis ?

M. Marc Laménie . - Je remercie également nos rapporteurs spéciaux pour leurs exposés ainsi que nos deux rapporteurs pour avis pour leurs remarques judicieuses.

Nos collègues des commissions des affaires étrangères et de la défense ont évoqué le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, avec notamment des moyens financiers supplémentaires et la création de 200 brigades, alors qu'il y a quelques années des brigades ont été fermées dans plusieurs départements. Comment seront choisis les lieux d'implantation de ces brigades et surtout qui sera le maître d'ouvrage pour construire les casernes ? Cela vaut aussi pour la sécurité civile, car nous avons des difficultés à recruter et à fidéliser des sapeurs-pompiers. Comment s'articulera l'attractivité de ces métiers ?

M. Didier Rambaud . - Je souhaiterais également attirer l'attention des rapporteurs sur les conditions de financement des constructions des nouvelles brigades de gendarmerie. En l'espace de huit jours, j'ai rencontré deux maires qui m'ont fait part de leurs difficultés à concrétiser cette construction, alors qu'ils avaient obtenu l'accord de la direction de la gendarmerie.

Nous connaissons le principe : la commune met à disposition le foncier et trouve un bailleur qui construit. Mais il s'avère qu'aujourd'hui les bailleurs se font tirer l'oreille, parce qu'ils n'arrivent pas à équilibrer leur opération, en raison, paraît-il, d'un décret de décembre 2016, qui met en valeur deux points : d'une part, la durée du bail limitée à neuf ans et, d'autre part, le montant trop faible de la location par unité logement, notamment pour les brigades inférieures à vingt unités logement. Ce décret devrait, semble-t-il, être actualisé.

M. Christian Bilhac . - J'évoquerai également l'immobilier, car il reflète l'ambiance dans les casernes : lorsque l'on regroupe deux anciennes brigades, la moitié des gendarmes vit dans des bâtiments neufs, tandis que l'autre moitié vit dans des taudis. Tout l'immobilier que l'État a gardé est en ruines. C'est un constat d'échec. Et si les bâtiments transférés aux collectivités locales sont en bon état, celles-ci ne peuvent pas toujours en supporter le coût.

Les CP sont en baisse. Avons-nous une idée de la masse financière qui serait nécessaire pour arriver à loger dignement nos gendarmes ? Je vous assure que, dans mon département, certains vivent dans des logements indignes, et le fait que d'autres gendarmes vivent dans des logements neufs crée des tensions dans les compagnies.

S'agissant de la sécurité civile, le projet Antares a été un fiasco. Si NexSIS en est un aussi, je ne sais pas ce que feront demain les Sdis quand nous leur dirons que le nouveau modèle de communication ne fonctionne pas ; nous ne pouvons pas nous tromper.

Enfin, concernant la flotte aérienne, je m'interroge : connaissez-vous les raisons pour lesquelles l'Airbus A400M ne peut être utilisé pour lutter contre les feux de forêt ?

M. Jean Pierre Vogel , rapporteur spécial . - Tout d'abord, s'agissant de la flotte d'avions, nous avons appris que l'industriel ne pouvait relancer la fabrication des Canadairs que s'il avait une commande de plus de vingt appareils, le budget pour relancer la chaîne de fabrication étant de 850 millions d'euros. C'est pourquoi l'annonce qui a été faite d'acheter seize Canadairs d'ici à 2027 n'est pas raisonnable. Si nous nous en procurons deux, voire quatre, ce serait déjà bien.

Par ailleurs, de tels appareils doivent être livrés dans un délai relativement court, car les pilotes formés sur d'anciens Canadairs auraient des difficultés à piloter des avions qui ne seraient pas issus de la même fabrication.

En ce qui concerne la base aérienne de Nîmes, il a été rappelé et acté dans la Lopmi que ce serait bien un hub européen. A priori le ministère chargé de la sécurité civile est propriétaire de surfaces foncières relativement importantes, d'une quarantaine d'hectares. Par contre, nous avons pu constater qu'à certains endroits le tarmac était dégradé. Et la question se pose de savoir qui doit financer la remise en état du tarmac. Il faudrait, en cas d'augmentation du nombre de bombardiers d'eau ou d'avions de la sécurité civile qui seraient stationnés à Nîmes, bénéficier de remises en surface suffisamment importantes pour pouvoir abriter les avions et assurer la maintenance en conditions opérationnelles. C'est la raison pour laquelle il ne faut qu'une seule base de référence et qu'elle soit à Nîmes pour pouvoir assurer la maintenance dans des conditions satisfaisantes, car cela nécessite à la fois de la ressource humaine et des pièces détachées en nombre suffisant. D'ailleurs, un Canadair est resté cloué au sol l'été dernier en raison d'une problématique d'approvisionnement de pièces détachées.

En revanche, il faut soulever les véritables problèmes liés, d'une part, à la ressource humaine et aux pilotes et, d'autre part, à la concurrence qui existe avec la flotte commerciale qui a repris depuis l'apaisement de la crise sanitaire.

L'impact financier des colonnes de renfort sur les Sdis est difficile à évaluer, mais si nous prenons le pacte capacitaire des 150 millions d'euros sur cinq ans, cela fait une moyenne de 30 millions d'euros divisés par 100 Sdis, soit 300 000 euros chacun. L'État les financerait à hauteur de 50 %, et les Sdis prendraient en charge l'autre moitié, l'impact ne serait donc pas très significatif.

S'agissant de la difficulté de recruter des sapeurs-pompiers volontaires, le Président de la République a fait des annonces pour favoriser le volontariat et créer un statut spécifique de sapeurs-pompiers volontaires. Il a aussi fait des annonces sur les conventions de mise à disposition de sapeurs-pompiers volontaires par les employeurs privés qui pourraient être sur une durée plus longue avec une meilleure indemnisation, sachant que, en vérité, le recrutement se fait localement, notamment via les maires et les chefs de centre. Ce n'est donc pas forcément une meilleure indemnisation qui déciderait un employeur à libérer l'un de ses employés qui travaille sur une chaîne de production, si celle-ci devait s'arrêter. Cependant, il faut le dire, certaines annonces sont bien reçues par la fédération nationale des sapeurs-pompiers.

Il est vrai qu'Antares a été un vrai problème, mais ce n'est pas le cas de NexSIS. Le nouveau directeur nous a indiqué que NexSIS irait jusqu'au bout, car il n'y a pas d'autre choix ; NexSIS est un bon système, il doit aboutir et il aboutira. Des engagements de création de postes ont déjà été pris, même s'ils sont encore insuffisants, mais surtout l'État doit soutenir financièrement NexSIS. Ainsi, les Sdis reprendront confiance et accepteront de continuer à le financer sur leur budget - il existe notamment une procédure qui leur permet de participer via leur budget d'investissement, qui est plus souple que le budget de fonctionnement.

Je n'ai donc pas de crainte sur l'aboutissement de NexSIS, mais il ne faudrait pas que le projet prenne du retard, car cela nuirait à sa crédibilité et à la confiance que lui accorderaient les Sdis.

Concernant les Airbus A400M, une très bonne publicité a été faite avec l'atterrissage de l'un d'eux sur une plage bondée. Selon les professionnels, il est nécessaire de les voir en action et non pas uniquement sur des photos de synthèse ou de montage. Mais il semblerait que ces avions ne soient pas totalement au point, et vu les délais nécessaires pour obtenir un Canadair, je ne suis pas certain que ce type d'avion pourrait être, aujourd'hui, disponible et opérationnel pour les pilotes dans les trois ou quatre prochaines années. Sachant que le dernier Dash, le huitième, arrivera l'année prochaine.

Par ailleurs, nous ne pouvons pas compter que sur les Canadairs ; il faudrait ajouter les Dash, les hélicoptères légers et les hélicoptères lourds qui peuvent contenir une réserve d'eau dans une espèce de big bag important.

Pour revenir à l'A400M, les pilotes que nous avons rencontrés demandent à les piloter en réel pour pouvoir juger, mais il semblerait que, techniquement, ils ne soient pas prêts à servir en tant que bombardiers d'eau.

Je proposerai néanmoins de poursuivre les investigations sur la flotte avionique de bombardiers d'eau, car il semblerait que plusieurs constructeurs soient en capacité de proposer des appareils, alors qu'aujourd'hui nous ne parlons que des Canadairs et des Dash. Cela mériterait peut-être l'organisation de nouvelles auditions.

M. Claude Raynal , président . - Le coût de mise au point d'un avion comme l'A400M sur une application nouvelle est considérable. Et le temps de validation de l'avion dans sa nouvelle configuration est un programme en soi.

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - D'abord, en ce qui concerne les véhicules, les questions d'écologie ne sont pas oubliées. Ainsi, dans le cadre du plan de relance, 2,8 millions d'euros ont été consacrés à l'installation de prises électriques pour la police nationale, par exemple. En outre, un effort important est consenti annuellement pour doter la police et la gendarmerie de véhicules électriques.

Par ailleurs, en matière de moyens humains et matériels, on peut s'interroger sur l'opportunité des créations de brigades. La question se pose depuis des années de revoir la carte des compétences territoriales de la police et de la gendarmerie. Cette dernière, dont les brigades sont souvent situées dans les périphéries de zones urbaines et qui sont de plus en plus confrontées à la criminalité, a besoin d'être renforcée. Cependant, la carte n'ayant pas évolué, nous avons recours à l'installation de brigades, financées par les collectivités territoriales. Le Gouvernement devrait commencer par arbitrer et revoir la carte dans un certain nombre de départements.

M. Claude Raynal , président . - Le ministre Darmanin a dit lui-même à Toulouse qu'il n'en avait pas l'intention.

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - En effet, il a dit que c'était prématuré, comme l'ont fait ses prédécesseurs, alors que ce problème des périphéries est lancinant.

Ensuite, en termes d'investissement immobilier, l'effort fourni n'est pas le même pour la police et la gendarmerie. Certaines régions cherchent à investir dans l'immobilier de la police tandis que dans la gendarmerie, les collectivités territoriales investissent dans les brigades. J'aurais préféré que le budget consacré par la Lopmi à la création des brigades soit dédié à l'investissement, compte tenu de l'état de dégradation de nombreux locaux existants.

Pour donner une idée, en parallèle des 143 millions d'euros d'AE investis dans l'immobilier de la gendarmerie en 2023, le relèvement du point d'indice et les mesures catégorielles représentent à eux seuls un coût de 138 millions d'euros pour elle, sans compter le coût de l'augmentation des effectifs. Cette question des équilibres entre dépenses d'investissement et dépenses de personnel mériterait un vrai débat.

J'avais été frappé il y a quelques années par les arguments fondés du directeur général de la gendarmerie d'alors, le général Favier, expliquant que les petites brigades posaient problème parce qu'elles manquaient d'efficacité opérationnelle, mais qu'il n'était pas possible d'en réduire les effectifs puisque les communes avaient investi. Il aurait donc fallu développer une stratégie de long terme consistant à privilégier les brigades mobiles ou à restreindre le champ des brigades, mais nous avançons dans le sens inverse. Par ailleurs, comme il s'agit de créer 200 brigades, ce qui représente un objectif ambitieux, les difficultés liées au déploiement et aux appels d'offres devraient conduire à l'utilisation de brigades mobiles et à l'usage d'une certaine souplesse.

En 2021 et 2022, la gendarmerie nationale avait bénéficié au titre du plan de relance de 90 millions d'euros d'investissement supplémentaires dans l'immobilier. Cette année, la police rattrape donc un peu la gendarmerie en termes d'investissement immobilier. Le directeur général de la gendarmerie nationale m'assure d'ailleurs être satisfait de ce budget, les moyens étant présents en termes de véhicules, mais aussi de formation, tout en soulignant les enjeux en termes d'immobilier.

L'école des officiers est revenue au système antérieur quant au temps attribué à la formation. En effet, pour accélérer le recrutement et l'entrée en fonction après les attentats, les sessions avaient été raccourcies, et nous reprenons désormais progressivement un rythme plus raisonnable, sur 12 mois.

Pour conclure, j'invite les élus à réfléchir à l'opportunité de la création des brigades, qui est toujours très populaire sur un territoire. Cependant, si une partie de ce budget pouvait être transférée dans l'investissement, ce serait une bonne chose.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurités ».

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

Article 46 ter

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Cet article vise à tirer les conséquences des négociations ayant conduit à l'intégration de mesures catégorielles dans les protocoles de mars 2022 dans la police et la gendarmerie nationale. Des primes ayant été prévues concernant les agents de terrain et opérationnels, les personnels de soutien se voient également attribuer une indemnité. Il s'agit d'une indemnité de sujétion spécifique pour les personnels administratifs, techniques et spécialisés de la police nationale et les personnels civils et des corps militaires de soutien de la gendarmerie nationale.

Le présent article prévoit, conformément à ce qu'annonçaient les protocoles, que les personnels concernés admis à faire valoir leurs droits à la retraite à compter du 1 er juillet 2023 bénéficient d'un complément de retraite au titre de l'indemnité de sujétion spécifique qu'ils ont perçue au cours de leur carrière.

Si les incidences financières précises de cette disposition n'ont pas été communiquées par le Gouvernement, mon avis est favorable.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 46 ter .

M. Claude Raynal , président . - En ce qui concerne le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », quel est votre avis, monsieur le rapporteur ?

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Favorable, monsieur le président.

Mme Christine Lavarde . - De mon côté, je suis favorable à une suppression pour des raisons déjà évoquées devant le ministre. Des problèmes insolubles se posent en raison de l'existence de ce CAS.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

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Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses votes.

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