Rapport n° 404 (2022-2023) de Mme Valérie BOYER , fait au nom de la commission des lois, déposé le 8 mars 2023
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L'ESSENTIEL
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I. UNE OFFRE DE SOINS JUGÉE DE LONGUE DATE
INSATISFAISANTE PAR LES ÉLUS LOCAUX
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II. LA PROPOSITION DE LOI : OCTROYER À
SAINT-BARTHÉLEMY UN POUVOIR DE PROPOSITION DANS LES DOMAINES DE LA
SÉCURITÉ SOCIALE ET DU FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE
SANTÉ
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III. LA POSITION DE LA COMMISSION :
EXPÉRIMENTER UN POUVOIR DE PROPOSITION DE SAINT-BARTHÉLEMY DANS
DE NOUVEAUX DOMAINES DE COMPÉTENCES DE L'ÉTAT
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I. UNE OFFRE DE SOINS JUGÉE DE LONGUE DATE
INSATISFAISANTE PAR LES ÉLUS LOCAUX
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EXAMEN DES ARTICLES
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EXAMEN EN COMMISSION
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RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 404
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 mars 2023
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1) sur la proposition
de loi
organique visant à permettre à
Saint-Barthélemy
de
participer
à l'exercice de
compétences
de
l'
État
,
Par Mme Valérie BOYER,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .
Voir les numéros :
Sénat : |
51 et 405 (2022-2023) |
L'ESSENTIEL
Dans le cadre des réflexions menées par la collectivité de Saint-Barthélemy et en vue de la prochaine réunion du Comité interministériel pour les Outre-mer (CIOM), la proposition de loi déposée par Micheline Jacques tend à confier à la collectivité de Saint Barthélemy un pouvoir de proposition dans les domaines de la sécurité sociale et du financement des établissements de santé qui relèvent de la compétence de l'État.
Partageant, avec l'auteur de la proposition de loi, la nécessité de renforcer l'adaptation de l'offre de soins aux particularités de l'île et aux besoins des populations , la commission a néanmoins estimé le dispositif proposé perfectible. Conformément à une position déjà exprimée en 2015, elle a conféré un caractère expérimental au dispositif proposé et s'est attachée à garantir sa solidité juridique .
Sur proposition de la rapporteure Valérie Boyer, la commission a adopté, à l'unanimité, la proposition de loi organique ainsi modifiée .
I. UNE OFFRE DE SOINS JUGÉE DE LONGUE DATE INSATISFAISANTE PAR LES ÉLUS LOCAUX
Depuis la réforme de la gouvernance du système de soins avec la création des agences régionales de santé (ARS) en 2009 et du fait de ses particularités territoriales, la collectivité de Saint-Barthélemy a été regroupée avec la Guadeloupe et Saint-Martin au sein d'une même ARS dont les principaux sites se situent en Guadeloupe.
Les sites de l'ARS
Guadeloupe -
Saint-Barthélemy - Saint-Martin
Source : ARS de Guadeloupe
Si le territoire de Saint-Barthélemy dispose d'une offre hospitalière et d'une offre de soins libérale, il n'en est pas moins dépendant des territoires voisins de Saint-Martin et de la Guadeloupe pour la prise en charge des cas graves ou complexes .
Dans ces conditions, il est procédé en moyenne à 200 évacuations sanitaires depuis l'île par an, pour un coût de 600 000 euros , dont plus de la moitié vers le centre hospitalier de Saint-Martin.
Les élus de la collectivité de Saint-Barthélemy plaident depuis de nombreuses années pour une modification du système de soins régionalisé et partagé avec la Guadeloupe et Saint-Martin. Leurs critiques sont de deux principaux ordres :
- d'une part, ils estiment que la régionalisation du système de soins les prive d'une caisse de protection sociale plus autonome et a introduit un mécanisme de gouvernance au sein de l'ARS qui ne laisse que peu de place à la collectivité de Saint-Barthélemy ;
- d'autre part, la dégradation de l'offre de soins du fait des difficultés à recruter durablement du personnel médical sur l'île, les inquiètent.
Dès lors, la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy a, par la voix du président du conseil territorial, Xavier Ledée, formulé dans le cadre du CIOM des propositions relatives à « la sécurisation et [au] renforcement de l'offre de soins », à « la prise en charge [ financière ] des évacuations sanitaires par la sécurité sociale » et au « partage de la compétence santé », d'après les éléments transmis à la rapporteure.
II. LA PROPOSITION DE LOI : OCTROYER À SAINT-BARTHÉLEMY UN POUVOIR DE PROPOSITION DANS LES DOMAINES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ET DU FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ
S'appuyant sur les « outils d'adaptation offerts par le statut de collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie » 1 ( * ) , la présente proposition de loi ambitionne, à titre principal, de confier à la collectivité de Saint-Barthélemy un pouvoir de proposition dans les domaines de la sécurité sociale et du financement des établissements de santé qui relèvent de la compétence de l'État (article 1 er ). En corolaire, l'article 2 définit la procédure de participation de la collectivité à ces compétences, qui serait analogue à celle existante en matière pénale.
En outre, l'article 3 tend à imposer au conseil territorial la définition d'un objectif annuel « de dépenses concourant à la couverture des surcoûts des établissements de santé en vue de garantir la continuité des soins et de la prise en charge des surcoûts liés à l'insularité et à l'éloignement ».
III. LA POSITION DE LA COMMISSION : EXPÉRIMENTER UN POUVOIR DE PROPOSITION DE SAINT-BARTHÉLEMY DANS DE NOUVEAUX DOMAINES DE COMPÉTENCES DE L'ÉTAT
La commission a examiné avec attention cette réforme statutaire, à l'ampleur limitée , dont le contenu vise à répondre aux difficultés rencontrées par les assurés de Saint-Barthélemy et relayées, avec constance, par les élus locaux. Les auditions menées par la rapporteure ont permis de constater la persistance de l'incapacité ressentie par les habitants de Saint-Barthélemy de disposer d'une offre de soins adaptée aux spécificités de leur territoire .
Dès lors, à l'initiative de la rapporteure, la commission, a approuvé dans son principe les deux premiers articles de la proposition de loi organique jugeant qu'ils permettaient de confier au conseil territorial un nouvel outil pour répondre en particulier au défaut d'adaptation des règles régissant l'organisation des soins aux particularités de Saint-Barthélemy.
Si elle partage pleinement l'objectif de la proposition de loi, la commission n'en reste pas moins attachée à préserver la compétence de l'État en matière de sécurité sociale et de financement des établissements de santé .
En corolaire, elle rappelle que le principe de solidarité nationale pleinement applicable dans ces domaines ne saurait en aucun cas être remis en cause , tant par les acteurs locaux que nationaux .
La commission s'est néanmoins montrée plus prudente quant aux modalités d'application proposées pour l'exercice de ce pouvoir de proposition. Elle a donc, à l'initiative de la rapporteure et du rapporteur pour avis, procédé à une réécriture globale de l'article 1 er ( amendements identiques COM-1 et COM-4 ) et supprimé l'article 2 ( amendements identiques COM-2 et COM-6 ) afin en particulier de :
- conférer un caractère expérimental au dispositif tendant à confier au conseil territorial un pouvoir de proposition sur de nouveaux champs de compétences de l'État ;
- restreindre le champ des compétences susceptibles de faire l'objet de propositions du conseil territorial à la seule assurance maladie, et aux seules fins de garantir la continuité des soins et l'adaptation aux particularités et besoins spécifiques de l'offre de soins liés à l'insularité et à l'éloignement ;
- renforcer les garanties applicables aux propositions d'actes formulées par le conseil territorial , d'une part en excluant expressément la prise d'actes administratifs individuels et, d'autre part, en imposant à ces propositions d'actes de respecter des principes définis par la législation relative à la sécurité sociale ;
- et enfin, soumettre pour avis à l'ARS compétente tout projet d'acte du conseil territorial afin d'assurer la compatibilité d'une telle proposition avec l'organisation existante et régionalisée de l'offre de soins.
Par ailleurs, la rapporteure tient à souligner que, si ce dispositif marque une première avancée salutaire vers la meilleure prise en compte par l'État des spécificités et des nécessaires adaptations de l'offre de soins à Saint-Barthélemy, en coordination avec ses élus, elle ne saurait à elle seule régler l'ensemble des difficultés rencontrées sur l'île . En effet, comme il a pu le constater, en dépit des demandes récurrentes des élus locaux d'adaptation des normes en vigueur en matière d'offre de soins, ceux-ci se heurtent à l'inertie de l'État en la matière .
Enfin, s'agissant de l'article 3, en ce qu'il entendait faire peser une obligation nouvelle sur une collectivité ne disposant ni de moyens ni des compétences pour y répondre, la commission n'a pas jugé opportunes ces dispositions. Elle a, en conséquence, adopté les amendements identiques COM-3 et COM-5 de la rapporteure et du rapporteur de suppression de l'article 3 .
*
* *
La commission a adopté la proposition de loi organique ainsi modifiée.
EXAMEN DES ARTICLES
Articles 1er et 2
Création d'une
compétence partagée entre l'État et la
collectivité
de Saint--Barthélemy en matière de
sécurité sociale
et de financement des établissements
de santé
L'article 1 er de la proposition de loi organique a pour objet de permettre à la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy de participer, sous le contrôle de l'État, à l'exercice des compétences en matière de sécurité sociale et de financement des établissements de santé . L'article 2 propose, pour ce faire, d'étendre la faculté de proposition de la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy en la matière et prévoit la procédure d'exercice de cette participation par la collectivité.
Réaffirmant une position déjà exprimée en 2015, la commission a procédé à une réécriture globale de l'article 1 er afin de consacrer le caractère expérimental de ce dispositif et de garantir la pleine application des principes de solidarité nationale et d'égalité de traitement. Elle a, par ailleurs, supprimé l'article 2.
1. Une organisation et un système de soins marqués par l'insularité et la démographie de Saint-Barthélemy, jugés de longue date insatisfaisants par les élus locaux
a) Un système de santé de Saint-Barthélemy très dépendant de celui de la Guadeloupe et de Saint-Martin
L'île de Saint-Barthélemy est caractérisée par son isolement géographique et sa faible population par rapport aux territoires de Saint-Martin et de la Guadeloupe. Elle se situe dans l'extrême nord-est de la mer des Caraïbes, à 25 kilomètres au sud-est de Saint-Martin, 230 kilomètres du nord-ouest de la Guadeloupe « continentale » et 6 500 kilomètres de Paris et compte, selon le dernier recensement, près de 10 585 habitants 2 ( * ) .
Depuis la réforme de la gouvernance du système de soins avec la création des agences régionales de santé (ARS) en 2009 3 ( * ) et du fait de ses particularités territoriales , la collectivité de Saint-Barthélemy a été regroupée avec la Guadeloupe et Saint-Martin au sein d'une même ARS dont les principaux sites se situent en Guadeloupe (voir carte ci-après).
Les sites de l'ARS Guadeloupe - Saint-Barthélemy - Saint-Martin
Source : ARS de Guadeloupe - Bilan d'activités 2021
Il résulte de cette régionalisation de la gouvernance une gestion de l'offre de soins structurée et optimisée à l'échelle de ces trois territoires . Ainsi , si le territoire de Saint-Barthélemy dispose d'une offre hospitalière et d'une offre de soins libérale, il n'en est pas moins dépendant des territoires voisins de Saint-Martin et de la Guadeloupe pour la prise en charge des cas graves ou complexes .
À titre d'exemple, il n'existe aucune structure de prise en charge spécifique des femmes enceintes à Saint-Barthélemy, qui sont obligées pour le suivi de leur grossesse et leur accouchement de se rendre sur un territoire voisin.
L'offre de soins hospitalière et libérale à Saint-Barthélemy
D'après les données transmises à la rapporteure, le territoire de Saint-Barthélemy dispose, en 2023, d' un centre hospitalier et de 81 professionnels de santé libéraux .
S'agissant du centre hospitalier, l'hôpital Irénée de Bruyn est un hôpital local qui ne dispose pas d'un plateau technique mais d'un simple plateau de consultations de spécialités avec 10 lits de médecine et 6 lits de soins de suite et réadaptation (dits « lits SSR »). En moyenne, 7 000 passages y sont enregistrés par an. Au surplus, cet hôpital dispose d'une offre d'urgence sous la forme d'une antenne SMUR du centre hospitalier « support » situé à Saint-Martin . Dès lors, pour les cas les plus graves enregistré à Saint-Barthélemy, les moyens dont disposent les praticiens hospitaliers ne leur permettent que de préparer les patients en vue de leur évacuation vers le centre hospitalier de Saint-Martin, lequel dispose d'un plateau technique plus développé.
Une offre de soins complémentaire a été développée au sein de cet hôpital grâce à l'organisation de consultations externes de praticiens hospitaliers spécialisés provenant de Saint-Martin . Ainsi, se rendent régulièrement pour assurer des consultations à l'hôpital Irénée de Bruyn des chirurgiens ORL maxillo-facial, orthopédiques et pédiatriques, des oncologues ainsi que des pédiatres.
S'agissant de l'offre libérale , au 1 er janvier 2021, 81 professionnels de santé exerçaient sur le territoire de Saint-Barthélemy , répartis comme suit :
- 10 généralistes ;
- 17 spécialistes (dermatologie, gynécologie, gastroentérologie, urologie, ophtalmologie, stomatologie, radiologie) ;
- 8 chirurgiens-dentistes ;
- 13 infirmiers libéraux ;
- 26 kinésithérapeutes ;
- 3 orthophonistes ;
- 2 sages-femmes ;
- et 2 pédicures-podologues.
Source : commission des lois, d'après les données transmises par la DSS et la DGOS
Dans ces conditions, il est régulièrement procédé à des évacuations sanitaires et à des transferts aéroportés , en particulier vers le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre situé en Guadeloupe (30 à 45 minutes de vol séparent les deux territoires) et vers l'hôpital de Saint-Martin, établissement « support » (situé à 15 minutes de Saint-Barthélemy). Ainsi, d'après les données transmises à la rapporteure, il est procédé en moyenne à 200 évacuations sanitaires par an , pour un coût de 600 000 euros. Plus de la moitié de ces évacuations sont dirigées vers le centre hospitalier de Saint-Martin.
Pour faciliter ces coopérations, depuis 2016, un groupement hospitalier de territoire (GHT) entre Saint-Martin et Saint-Barthélemy a été créé en afin d'améliorer la coopération entre les établissements médicaux de ces territoires.
Les groupements hospitaliers de territoire (GHT)
Institué par l'article 107 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, le groupement hospitalier de territoire est l'une des formes de coopérations conventionnelles interhospitalières existantes .
Sa particularité est de revêtir un caractère obligatoire puisque les établissements publics de santé sont désormais tenus d'adhérer à un GHT sauf dérogation tenant à la spécificité des établissements dans l'offre de soins régionale.
Ce dispositif permet de regrouper des établissements afin de renforcer l'accès à une offre de soins de proximité, de référence et de recours .
Ainsi, si les prestations de « références » relèvent du niveau régional ou interrégional, l'accès à une offre de proximité repose sur des critères relatifs aux flux de patients et aux bassins de populations. Pour ce faire, il peut regrouper de deux à vingt établissements.
Cartographie du GHT Iles du Nord
regroupant
Saint-Barthélemy et Saint-Martin
Source : ARS de Guadeloupe - Bilan d'activités 2021
En réponse aux demandes de la collectivité de bénéficier d'une organisation de santé à part entière et propre à son territoire, a été créée en 2015, en remplacement de l'antenne de la caisse de Guadeloupe, une « caisse de prévoyance sociale » (CPS) pour la seule collectivité de Saint-Barthélemy , compétente en matière d'assurance maladie, de retraite, de prestations familiales, d'actions sociales, et d'aide à la restauration scolaire 4 ( * ) . Elle est gérée par la caisse de mutualité sociale agricole du Poitou. Cependant, elle ne constitue pas un organisme de sécurité sociale autonome, puisqu'elle n'est dotée ni de la personnalité morale ni d'un budget autonome 5 ( * ) .
b) Le souhait récurrent et ancien des élus de la collectivité de Saint-Barthélemy de faire évoluer ce système de soins
Les élus de la collectivité de
Saint-Barthélemy plaident depuis de nombreuses années pour une
modification du système de soins régionalisé
et
partagé avec la Guadeloupe et Saint-Martin, sans avoir eu à ce
jour
totalement satisfaction. En la matière, les critiques des
élus locaux sont de deux principaux ordres :
- d'une part, ils estiment que la régionalisation du système de soins les prive d'une une caisse de protection sociale plus autonome et a introduit un mécanisme de gouvernance au sein de l'ARS qui ne laisse que peu de place à la collectivité de Saint-Barthélemy 6 ( * ) ;
- d'autre part, la dégradation de l'offre de soins du fait des difficultés à recruter durablement du personnel médical sur l'île, les inquiètent.
C'est pourquoi les sénateurs de Saint-Barthélemy Michel Magras puis Micheline Jacques ont tenté, par de multiples initiatives parlementaires, de répondre aux difficultés relayées par les élus de leur territoire. Ainsi, sans être exhaustif, la rapporteure note que :
- en 2015, Michel Magras a déposé une proposition de loi organique qui prévoyait la création d'un régime de sécurité sociale propre à Saint-Barthélemy 7 ( * ) et plaidait pour un élargissement « de la participation aux compétences de l'État en matière de protection sociale , y compris de fiscalité locale » 8 ( * ) pour la collectivité de Saint-Barthélemy ;
- parallèlement, lors de l'examen de la loi du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer, les débats parlementaires ont à nouveau porté sur la création « d'une caisse installée [à Saint-Barthélemy] , pour remplacer l'antenne de la caisse de Guadeloupe existante » 9 ( * ) ;
- la loi n° 2022-217 du 21 février 2021 dite « 3DS » prévoit, à la suite d'un amendement de Micheline Jacques voté après avis favorable du Gouvernement, que ce dernier remette un rapport au Parlement, dans un délai de six mois, « sur l'organisation du système de santé et de la sécurité sociale à Saint-Barthélemy » 10 ( * ) . À ce jour, ce rapport n'a toujours pas été remis.
Ces avancées, certes bienvenues, n'ont pour autant pas permis de résoudre l'ensemble des difficultés observées par les élus locaux qui continuent d'émettre des demandes d'évolutions statutaires similaires en matière de santé :
- Bruno Magras, précédent président du conseil territorial a , par plusieurs courriers adressés au ministre des outre-mer Sébastien Lecornu et à la directrice de l'ARS, courant 2021, fait part de son souhait de « récupérer la compétence en matière de santé » et alerté sur « une dégradation grave du service public de santé » sur l'île 11 ( * ) ;
- lors du dernier déplacement ministériel sur l'île en octobre 2022, en réponse aux alertes des élus locaux - notamment Xavier Lédéé, le nouveau président du conseil territorial - et des professionnels de santé, Jean-François Carenco a annoncé faire de la santé sur l'île « une priorité » et avoir « demandé au préfet délégué de s'investir fortement sur ce sujet afin d'aboutir rapidement à une solution (...) pour mieux protéger les habitants de Saint-Barth » 12 ( * ) ;
- enfin, les élus locaux appuient leurs demandes sur l'éventualité d'excédents de la branche « santé » de la sécurité sociale à Saint-Barthélemy qu'ils souhaitent voir utilisés sur leur territoire afin de pallier les difficultés de recrutement de personnels et d'entretien de leurs installations médicales plutôt que de les redistribuer dans le système général de la sécurité sociale.
Au surplus, ces demandes sont partagées par les acteurs de la société civile puisque le Conseil économique, social, culturel et environnemental (CESCE) de Saint-Barthélemy a créé, en juillet dernier, une commission spéciale chargée de dresser un état des lieux du fonctionnement de la protection sociale sur le territoire , et de formuler des propositions afin d'améliorer son fonctionnement et sa gouvernance.
Enfin, la collectivité territoriale de
Saint-Barthélemy a, par la voix du président Xavier Ledée,
fait de
la santé l'une des thématiques abordées
dans le cadre du comité interministériel de l'outre-mer
(CIOM)
qui devrait se réunir au cours du premier semestre 2023
pour examiner
les propositions formulées par
l'ensemble des collectivités ultramarines. En matière de
santé, ces demandes, transmises à la rapporteure, s'articulent
autour de trois axes :
- « la sécurisation et le renforcement de l'offre de soins » ;
- « la prise en charge [financière] des évacuations sanitaires par la sécurité sociale » ;
- « le partage de la compétence santé », poursuivant les objectifs de « refonder la gouvernance de la santé et de créer une caisse de prévoyance sociale » autonome.
2. Le dispositif : octroyer à Saint-Barthélemy un pouvoir de proposition dans les domaines de la sécurité sociale et du financement des établissements de santé
S'appuyant sur les « outils d'adaptation offerts par le statut de collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie » , la présente proposition de loi ambitionne, à titre principal, de confier à la collectivité de Saint-Barthélemy un pouvoir de proposition dans les domaines de la sécurité sociale et du financement des établissements de santé qui relèvent de la compétence de l'État .
Selon les auteurs de la proposition de loi, une telle faculté permettrait à la collectivité « de construire avec l'État l'architecture de l'organisme local de gestion de la sécurité sociale , de déterminer une stratégie de financement de l'hôpital et des évacuations sanitaires , et d'orienter une partie des excédents des comptes vers le financement des surcoûts de fonctionnement » 13 ( * ) .
Pour ce faire, l'article 1 er de la présente proposition de loi prévoit d' étendre aux domaines du financement des établissements santé et de sécurité sociale les facultés actuelles du conseil territorial de Saint-Barthélemy de participer à une compétence de l'État. L'article L.O. 6214-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT) qui prévoit déjà la participation de la collectivité à une compétence de l'État, à savoir, le droit pénal, serait complété à cette fin.
La participation de Saint-Barthélemy au droit
pénal : un partage de compétence
entre une
collectivité et l'État jugé conforme à la
Constitution
Depuis sa création en 2007, la collectivité de Saint-Barthélemy relève de l'article 74 de la Constitution .
Celui-ci permet au législateur organique de prévoir qu'une collectivité d'outre-mer « peut participer, sous le contrôle de l'État, à l'exercice des compétences qu'il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publique s ». Suivant une procédure fixée par la loi organique, l'assemblée délibérante peut adopter des projets d'actes locaux pour fixer des règles dans les domaines de compétence de l'État. Si ces projets d'actes locaux sont approuvés par les organes de l'État, ils peuvent être définitivement adoptés par la collectivité et entrer en vigueur sur son territoire.
Dès sa création, le conseil territorial de Saint-Barthélemy s'est ainsi vu confier par le législateur organique la faculté de participer à l'exercice des compétences relevant de l'État en matière de droit pénal , en vue de la répression des infractions aux règles qu'elle fixe dans le cadre des compétences normatives qui lui sont transférées. Mu par le souhait de « donner à une collectivité dotée de l'autonomie les moyens d'assurer efficacement le respect des règles qu'elle édicte, tout en préservant le contrôle de l'État dans les matières visées et le respect des droits fondamentaux », le législateur avait alors estimé que « le domaine pénal est celui où la participation de la collectivité apparaît la plus pertinente, en raison des compétences normatives étendues qui lui sont attribuées » 14 ( * ) .
Ces dispositions , qui avaient reçu une première application dans le statut de la Polynésie-française, ont été jugées conformes à la Constitution par le juge constitutionnel par deux fois 15 ( * ) .
En outre, l'article 2 de la présente proposition de loi définit la procédure de participation de la collectivité à ces compétences de l'État en ajoutant un nouvel article L.O. 6251-3-1 au CGCT.
Cette procédure, largement inspirée de la procédure existante en matière pénale et prévue à l'article L.O. 6251-3 du CGCT 16 ( * ) , serait la suivante :
- dans un premier temps, le conseil territorial de Saint-Barthélemy - assemblée délibérante de l'île - adopterait un projet d'acte ;
- dans un deuxième temps, les ministres chargés des outre-mer et de la sécurité sociale proposeraient, dans un délai de deux mois à compter de la réception de l'acte, un projet de décret tendant soit à l'approbation totale ou partielle du texte, soit au refus de son approbation. Lorsqu'il porte sur un acte intervenant dans le domaine de la loi, ce décret ne pourrait entrer en vigueur avant sa ratification par la loi ;
- dans un troisième temps et uniquement si ce projet d'acte est approuvé par le Premier ministre, le conseil territorial pourrait l'adopter et ce, dans les mêmes termes que ceux arrêtés par l'État.
Au surplus, les projets d'actes formulés par le conseil territorial ne sauraient, selon le dispositif proposé par le sénateur Micheline Jacques, « remettre en cause l'équilibre financier de la caisse de prévoyance sociale ».
Le conseil territorial de Saint-Barthélemy : une assemblée délibérante
Identiquement aux institutions des autres collectivités uniques régies par l'article 74 de la Constitution, Saint-Barthélemy dispose d'un conseil territorial qui en est l'assemblée délibérante .
Il est composé de 19 membres élus pour cinq ans au scrutin de liste à la représentation proportionnelle au sein d'une circonscription unique. La liste arrivée en tête obtient un tiers des sièges, ce qui assure une majorité stable au sein de la collectivité.
Particularité de cette collectivité, le conseil territorial élit en son sein un conseil exécutif . Le conseil exécutif est composé de sept membres : le président, quatre vice-présidents et deux membres. Après l'élection du président du conseil territorial, les autres membres sont élus par le conseil territorial. Sous réserve des compétences propres du président du conseil territorial, ce conseil est l'organe exécutif dont le fonctionnement est collégial. Il comprend les différentes composantes représentées au sein du conseil territorial.
3. La position de la commission : expérimenter un pouvoir de proposition de Saint-Barthélemy dans de nouveaux domaines de compétences de l'État
La commission a examiné avec attention cette réforme statutaire, à l'ampleur limitée , dont le contenu vise à répondre aux difficultés rencontrées par les assurés de Saint-Barthélemy et relayées, avec constance, par les élus locaux.
Les auditions menées par la rapporteure ont permis de constater la persistance de l'incapacité ressentie par les habitants de Saint-Barthélemy de disposer d'une offre de soins adaptée aux spécificités de leur territoire . Aux dires des personnes auditionnées, les difficultés rencontrées sont de quatre ordres principaux :
- certaines prestations et actes pourtant indispensables au quotidien d'un hôpital ne sont aujourd'hui pas réalisés sur l'île, en particulier le dépôt de sang, malgré les demandes récurrentes des élus locaux relayant les souhaits des populations ;
- les services de soins font face à des difficultés techniques et opérationnelles qui nuisent à la prise en charge optimale des assurés de Saint-Barthélemy. Ainsi, faute d'éclairage des pistes des aérodromes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, les évacuations sanitaires ne peuvent avoir lieu de la nuit ;
- des obstacles réglementaires empêchent la pleine adaptation de l'offre de soins au territoire , et ce malgré les demandes répétées des élus comme des acteurs locaux de la santé. En effet, la pharmacie de l'hôpital Irenée de Bruyn ne peut aujourd'hui, en application d'une disposition réglementaire nationale, être gérée que par un pharmacien disposant d'une qualification spécifique. Toutefois, compte tenu de la raréfaction de ce type de praticien et de l'existence d'officines pharmaceutiques sur l'île, le directeur général de l'ARS souhaiterait déroger à cette règle afin de faciliter le recrutement d'un pharmacien d'officine. Faute d'une telle possibilité, l'activité de la pharmacie hospitalière est aujourd'hui menacée ;
- les services de soins peinent aujourd'hui à fidéliser les praticiens hospitaliers sur le territoire, du fait d'une attractivité grevée du territoire en raison, d'une part, des contraintes d'exercice sur ce territoire (notamment, une pratique isolée et des équipes médicale trop restreintes) et, d'autre part, du coût exorbitant des logements pour ces derniers. C'est pourquoi, comme le reconnait la direction de la sécurité sociale (DSS), « globalement, le CH Irénée de Bruyn dispose du personnel dont il a besoin, mais au prix du recrutement de contractuels (notamment s'agissant des urgentistes) qui ne s'investissent pas à très long terme et ne participent de fait pas au projet médical du territoire ».
Dès lors, à l'initiative de la rapporteure, la commission, a approuvé dans son principe les deux premiers articles de la proposition de loi organique jugeant qu'ils permettaient de confier au conseil territorial un nouvel outil pour répondre en particulier au défaut d'adaptation des règles régissant l'organisation des soins aux particularités de Saint-Barthélemy.
La rapporteure, réaffirmant une position constante de la commission en la matière, juge particulièrement bienvenu cet outil qui repose sur une approche « ascendante », offrant à la collectivité un pouvoir de proposition dont elle seule peut se saisir pour suggérer des adaptations de la réglementation nationale à ses réalités locales . Elle permet également de donner une portée supplémentaire aux propositions formulées par les élus de la collectivité, leur rejet par le Gouvernement devant prendre la forme d'un avis motivé transmis au conseil territorial.
Un exemple de proposition susceptible d'être
formulée par le conseil territorial grâce au dispositif de la
proposition de loi organique :
la prise en charge financière
par la sécurité sociale des évacuations
sanitaires
Lors de son audition, la collectivité a fait valoir son souhait de voir les évacuations sanitaires de Saint-Barthélemy vers d'autres territoires être prises en charge par la sécurité sociale .
En effet, aussi surprenant que cela puisse paraitre, les dispositions légales permettant la prise en charge financière des évacuations sanitaires ne sont aujourd'hui pas adaptées aux spécificités de l'île. En application de l'article R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale, seules les évacuations réalisées « par avion et par bateau de ligne régulière » sont ainsi éligibles à la prise en charge ; or, comme l'a justement fait valoir le président du conseil territorial lors de son audition, « la taille des vecteurs aériens et nautiques à Saint-Barthélemy rend impossible une évacuation sanitaire sur un avion ou un bateau de ligne ». Dès lors, la quasi intégralité des évacuations sanitaires opérées depuis Saint-Barthélemy ne sont pas éligibles à une telle prise en charge .
Le président du conseil territorial, Xavier Lédée, a ainsi demandé, dans le cadre du CIOM, une modification de l'article R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale, afin que ne soient pas applicables les mots « de ligne régulière » pour le territoire de Saint-Barthélemy. Une telle proposition pourrait trouver une nouvelle traduction et une meilleure résonnance dans le cadre du dispositif de la proposition de loi organique .
Si elle partage pleinement l'objectif de la proposition de loi, la commission n'en reste pas moins attachée à préserver la compétence de l'État en matière de sécurité sociale et de financement des établissements de santé - État qui ne saurait se défausser sur les collectivités territoriales pour prendre en charge les coûts de compétences qu'il lui revient d'exercer. En corolaire, elle rappelle que le principe de solidarité nationale pleinement applicable dans ces domaines ne saurait en aucun cas être remis en cause , tant par les acteurs locaux que nationaux .
La commission s'est néanmoins montrée plus prudente quant aux modalités d'application proposées pour l'exercice de ce pouvoir de proposition. En effet, plusieurs personnes auditionnées par la rapporteure ont souligné certaines fragilités juridiques du dispositif initial de la proposition de loi organique.
Tout d'abord, comme l'a relevé la direction de la sécurité sociale, « les termes employés [pour définir le champ d'application de ce nouveau dispositif] sont très larges et imprécis » et « semblent en théorie viser toutes les matières relevant du champ de la sécurité sociale ». Cela apparaît, au surplus, entrer en contradiction avec l'intention de l'auteur de la proposition de loi qui a indiqué lors de son audition ne souhaiter viser que la seule branche « assurance maladie » de la sécurité sociale.
En outre, si elle a le mérite de dupliquer la procédure déjà éprouvée en matière de droit pénal, la rédaction proposée ne prévoit aucune garantie opérante et adaptée aux droits sanitaires et à la santé, et recèle, dès lors, des risques importants d'atteinte aux principes constitutionnels d'égalité de traitement et de non-discrimination, qui sont pourtant pleinement applicables en ces matières 17 ( * ) .
Au demeurant, l'article 2 ne pose aucune limite quant au type d'actes susceptibles d'être ainsi proposés par le conseil territorial, alors même que le domaine de la sécurité sociale est créateur de décisions administratives à caractère individuel.
Pour toutes ces raisons, la commission a estimé que ce dispositif ne pouvait être adopté en l'état. Elle a donc, à l'initiative de la rapporteure et du rapporteur pour avis, et en accord avec l'auteur de la proposition de loi, procédé à une réécriture globale de l'article 1 er ( amendements identiques COM-1 et COM-4 ) et supprimé l'article 2 ( amendements identiques COM-2 et COM-6 ) afin de :
- conférer un caractère expérimental au dispositif tendant à confier au conseil territorial de Saint-Barthélemy un pouvoir de proposition sur de nouveaux champs de compétences de l'État. Cette expérimentation, d'une durée de cinq années , ferait l'objet, six mois avant son terme, d'une évaluation menée conjointement par l'État et le conseil territorial , afin d'apprécier ses effets et l'opportunité de sa pérennisation.
Plus précisément, la rapporteure a souhaité, conformément à une position déjà exprimée par la commission en 2015 lors de l'examen de la proposition de loi organique précitée 18 ( * ) , déposée par Michel Magras, n'accepter une telle modification statutaire qu'à condition que celle-ci puisse faire l'objet d'une évaluation avant son éventuelle pérennisation . Au surplus, la commission a souhaité, en l'assortissant de nouvelles garanties, donner une chance à cette expérimentation, votée dans les mêmes termes par les deux assemblées après avis favorable du Gouvernement avant d'être censurée par le Conseil constitutionnel 19 ( * ) , d'entrer en vigueur et d'être menée à son terme 20 ( * ) ;
- restreindre le champ des compétences susceptibles de faire l'objet de propositions du conseil territorial à la seule assurance maladie, et aux seules fins de garantir la continuité des soins et l'adaptation aux particularités et besoins spécifiques de l'offre de soins liés à l'insularité et à l'éloignement ;
- i nclure les services de santé dans cette nouvelle faculté de proposition , corrigeant ainsi un oubli de la proposition initiale qui visait les seuls établissements de santé ;
- renforcer les garanties applicables aux propositions d'actes formulées par le conseil territorial , d'une part en excluant expressément la prise d'actes administratifs individuels afin d'éviter toute décision arbitraire et non conforme aux principes constitutionnels précités et, d'autre part, en imposant à ces propositions d'actes de respecter des principes définis par la législation relative à la sécurité sociale et en particulier les principes de solidarité nationale, d'égalité de traitement, de non-discrimination et de continuité de la prise en charge ;
- prévoir que le projet d'acte soit transmis non au seul ministre chargé de la sécurité sociale mais à l'ensemble des ministres intéressés pour garantir l'opérationnalité de la procédure ;
- enfin, soumettre pour avis à l'ARS compétente tout projet d'acte du conseil territorial afin d'assurer la compatibilité d'une telle proposition avec l'organisation existante et régionalisée de l'offre de soins.
Par ailleurs, la rapporteure tient à souligner que, si ce dispositif marque une première avancée salutaire vers la meilleure prise en compte par l'État des spécificités et des nécessaires adaptations de l'offre de soins à Saint-Barthélemy, en coordination avec ses élus, elle ne saurait à elle seule régler l'ensemble des difficultés rencontrées sur l'île . En effet, comme il a pu le constater, en dépit des demandes récurrentes des élus locaux d'adaptation des normes en vigueur en matière d'offre de soins, ceux-ci se heurtent à l'inertie de l'État en la matière .
À titre d'exemple, suite à l'expérimentation concluante visant à accorder aux directeurs généraux d'ARS un pouvoir de dérogation pour adapter certaines normes aux réalités locales de leur territoire lancée en 2017 21 ( * ) , le Gouvernement s'est engagé, depuis novembre 2021, à la pérenniser en généralisant ses dispositions à l'ensemble du territoire national. Si l'ensemble des élus et des acteurs locaux de la santé auditionnés par la rapporteure ont souligné l'importance de ce décret pour améliorer l'offre de soins de Saint-Barthélemy et le souhait de tous de se saisir, sans plus attendre, de ces nouvelles facultés , force est de constater que le Gouvernement n'a toujours pas pris le décret pourtant annoncé.
Pour finir, la rapporteure déplore avoir été contraint de mener ses travaux sans les conclusions du rapport pourtant demandé par le Parlement au Gouvernement en février 2022 sur l'organisation du système de santé et de la sécurité sociale à Saint-Barthélemy, illustrant le peu de considération porté par le Gouvernement à la situation de cette île.
La commission a adopté l'article 1
er
ainsi modifié
et supprimé
l'article 2.
Article 3
Fixation par le conseil territorial d'un
objectif annuel de dépenses
L'article 3 rend obligatoire la définition par le conseil territorial d'un objectif annuel de dépenses pour la couverture des surcoûts des établissements de santé et ceux liés à l'insularité et à l'éloignement.
Soucieuse de ne pas imposer d'obligations nouvelles à une collectivité ne disposant ni de moyens ni des compétences pour procéder à une telle évaluation , la commission n'a pas jugé opportunes ces dispositions.
Elle a donc supprimé cet article .
L'article 3 de la proposition de loi tend à imposer au conseil territorial la définition d'un objectif annuel « de dépenses concourant à la couverture des surcoûts des établissements de santé en vue de garantir la continuité des soins et de la prise en charge des surcoûts liés à l'insularité et à l'éloignement ».
Interrogé sur ce point par la rapporteure, le président du conseil territorial de Saint-Barthélemy a rappelé, d'une part, qu'il ne disposait pas « des outils nécessaires » à l'établissement d'un tel objectif et, d'autre part, que cela traduit « une erreur de méthode car le problème a été inversé : la collectivité ne peut pas fixer des objectifs de dépenses (...) sans au préalable participer conjointement avec les autorités sanitaires à l'identification des besoins sanitaires, à la définition du projet médical et à la fixation du budget ».
Partageant pleinement ces observations et ne souhaitant pas faire peser d'obligation nouvelle sur une collectivité ne disposant ni de moyens ni des compétences pour procéder à une telle évaluation , la commission n'a pas jugé opportunes ces dispositions. Elle a, en conséquence, adopté les amendements identiques COM-3 de la rapporteure et COM-5 du rapporteur pour avis visant à supprimer l'article 3.
La commission a supprimé l'article 3.
*
* *
La commission a adopté la proposition de loi organique ainsi modifiée.
EXAMEN EN COMMISSION
__________
Mme Valérie Boyer , rapporteure . - Ce texte entend répondre à un problème réel, qui mérite toute notre attention : les difficultés que rencontrent au quotidien nos compatriotes de Saint-Barthélemy pour accéder à une offre de soins complète et adaptée à l'insularité du territoire.
Le problème est pourtant connu de longue date. L'île de Saint-Barthélemy, située à 25 kilomètres au sud-est de Saint-Martin, à 230 kilomètres au nord-ouest de la Guadeloupe « continentale » et à 6 500 kilomètres de Paris, est très dépendante des territoires voisins de Saint-Martin et de la Guadeloupe pour la prise en charge des cas graves ou complexes. Ainsi, environ 200 évacuations sanitaires sont organisées chaque année.
Les élus locaux et particulièrement les sénateurs de Saint-Barthélemy - notre ancien collègue Michel Magras et aujourd'hui Micheline Jacques - ont régulièrement alerté quant au manque d'adaptation des règles nationales aux réalités locales et à la dégradation de l'offre de soins, préjudiciable aux habitants de l'île.
Lors des auditions que j'ai menées avec Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, nous avons constaté que les difficultés rencontrées par les habitants et les personnels soignants persistaient aujourd'hui encore et qu'elles étaient de quatre ordres.
En premier lieu, certaines prestations et actes, comme le dépôt de sang, ne sont pas réalisés sur l'île alors qu'ils sont indispensables au travail quotidien d'un hôpital.
En deuxième lieu, les services de soins font face à des difficultés techniques et opérationnelles, qui nuisent à la prise en charge optimale des assurés de Saint-Barthélemy. Ainsi, faute d'éclairage des pistes des aérodromes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, les évacuations sanitaires ne peuvent avoir lieu la nuit, ce qui entraine des pertes de chances pour les patients.
En troisième lieu, des obstacles réglementaires empêchent la pleine adaptation de l'offre de soins au territoire, malgré les demandes exprimées de façon répétée par les élus et les acteurs locaux de la santé. Ainsi, en application d'une disposition réglementaire nationale, la pharmacie de l'hôpital Irénée de Bruyn ne peut être gérée que par un pharmacien disposant de la qualification spécifique de pharmacien hospitalier. Toutefois, compte tenu de la raréfaction de ces praticiens et de l'existence d'officines pharmaceutiques sur l'île, le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) souhaiterait déroger à cette règle afin de faciliter le recrutement d'un pharmacien d'officine. Faute d'une telle possibilité, l'activité de la pharmacie hospitalière est aujourd'hui menacée.
En dernier lieu, les services de soins peinent à fidéliser les praticiens hospitaliers, l'attractivité du territoire étant grevée par des contraintes d'exercice et le coût exorbitant des logements. La direction de la sécurité sociale (DSS) le reconnait en ces termes : « l'hôpital de Saint-Barthélemy dispose du personnel dont il a besoin, mais au prix du recrutement de contractuels, qui ne s'investissent pas à très long terme et ne participent de fait pas au projet médical du territoire ».
La présente proposition de loi apporte une première solution pragmatique et équilibrée à cet ensemble de difficultés, en prévoyant de confier à la collectivité de Saint-Barthélemy - plus précisément à son conseil territorial - un pouvoir de proposition dans les domaines de la sécurité sociale et du financement des établissements de santé relevant de la compétence de l'État.
En ce qu'elle confie à la collectivité un nouvel outil, en particulier pour répondre au défaut d'adaptation des règles régissant l'organisation des soins aux spécificités de Saint-Barthélemy, je ne peux qu'être, sur le principe, favorable à cette proposition de loi.
Reposant sur une approche « ascendante », que je sais chère à notre commission, cette proposition de loi trouve un point d'équilibre satisfaisant, entre l'exigence d'une adaptation trop longtemps attendue des normes aux réalités locales et la nécessité de conserver un cadre garant des grands principes de la sécurité sociale, sur l'ensemble du territoire national.
La présente proposition de loi emporte donc mon accord sur le fond. Je vous proposerai néanmoins d'adopter des amendements, auxquels Alain Milon et moi avons travaillé et qui ont reçu l'assentiment de l'auteur de la proposition de loi, Micheline Jacques. Les modifications proposées poursuivent deux objectifs principaux.
D'abord, une telle modification statutaire, bien que d'ampleur limitée, gagnerait à être expérimentée pendant cinq ans afin d'en évaluer les effets avant d'envisager sa pérennisation. D'autre part, la proposition de loi me semble présenter des fragilités juridiques que nous souhaiterions corriger.
Premièrement, m'inspirant de dispositions que nous avions déjà votées en 2018, après présentation du rapport de Mathieu Darnaud lors de l'examen de la proposition de loi déposée par Michel Magras, je propose de conférer un caractère expérimental au dispositif tendant à confier au conseil territorial de Saint-Barthélemy un pouvoir de proposition dans de nouveaux champs de compétences de l'État.
Deuxièmement, il m'apparait souhaitable de restreindre le champ des compétences susceptibles de faire l'objet de propositions de la part du conseil territorial à la seule assurance maladie et aux seules fins de garantir la continuité des soins comme l'adaptation aux particularités et besoins spécifiques de l'offre, liés à l'insularité et à l'éloignement. Ce point me semble très important.
Troisièmement, je propose d'inclure le domaine des services de santé dans cette nouvelle faculté de proposition, corrigeant ainsi un oubli de la proposition initiale, qui visait les seuls établissements de santé.
Quatrièmement, s'agissant des garanties applicables aux propositions d'actes formulés par le conseil territorial, je suggère de les renforcer, en excluant expressément la prise d'actes administratifs individuels et en imposant à ces propositions d'actes le respect des principes définis par la législation relative à la sécurité sociale, en particulier les principes de solidarité nationale, d'égalité de traitement, de non-discrimination et de continuité de la prise en charge.
Par ailleurs, il nous est apparu utile de soumettre pour avis à l'ARS compétente tout projet d'acte du conseil territorial, afin d'assurer la compatibilité d'une telle proposition avec l'organisation existante et régionalisée de l'offre de soins.
Enfin, la proposition de loi ambitionnait d'imposer au conseil territorial la définition d'un objectif annuel de dépenses, pour la couverture des surcoûts des établissements de santé liés à l'insularité et à l'éloignement. Faisant peser une obligation nouvelle sur une collectivité qui ne dispose ni de moyens ni des compétences pour procéder à une telle évaluation, ces dispositions n'apparaissent pas opportunes ; je vous propose de les supprimer.
Pour conclure, ces quelques assouplissements, qui me semblent relever du bon sens, permettraient à la collectivité de disposer d'un nouvel outil pour renforcer la prise en compte par l'État des spécificités de l'île, sans pour autant battre en brèche le principe d'une compétence étatique en la matière. Cet équilibre paraît important.
À ce stade de mon propos, je me dois néanmoins d'être franche : malgré les quelques modifications que je vous propose d'adopter, la présente proposition de loi n'offrira pas de réponse à tout et ne sera pas une panacée. Si ce dispositif marque une première avancée salutaire vers une meilleure prise en compte par l'État des spécificités et des nécessaires adaptations de l'offre de soins à Saint-Barthélemy, il ne saurait régler seul l'ensemble des difficultés rencontrées en raison de la spécificité, de l'isolement et de la taille de ce territoire.
Je déplore en particulier l'inertie de l'État sur ce sujet. À titre d'exemple, l'expérimentation, lancée en 2017, qui visait à accorder aux directeurs généraux d'ARS un pouvoir de dérogation pour adapter certaines normes aux réalités locales de leur territoire, a été menée de façon concluante et le Gouvernement s'est engagé en novembre 2021 à la pérenniser, en généralisant ses dispositions à l'ensemble du territoire national. L'ensemble des élus et des acteurs locaux de la santé que nous avons entendus ont souligné l'importance de ce décret pour améliorer l'offre de soins de Saint-Barthélemy, ainsi que leur souhait de s'en saisir sans plus attendre ; comment expliquer que le Gouvernement n'ait toujours pas pris ce décret ? Cette situation parait incroyable. L'État doit se montrer à la hauteur des enjeux et jouer pleinement le rôle qui lui incombe.
J'en viens pour finir à un point sur lequel je souhaite insister. Nous avons dû mener nos travaux sans disposer des conclusions d'un rapport, demandé par le Parlement il y a plus d'un an, sur l'organisation du système de santé et de la sécurité sociale à Saint-Barthélemy et sans disposer des chiffres de la consommation de soins par les assurés de l'île, que le Gouvernement s'obstine à ne pas publier. Cette façon de faire n'est pas acceptable pour le législateur que nous sommes et illustre le peu de considération que porte le Gouvernement à la situation de cette île, mais aussi à notre endroit.
La présente proposition de loi n'en reste pas moins nécessaire. Le texte que je vous propose d'adopter, travaillé en parfaite coopération avec Micheline Jacques et Alain Milon est équilibré, négocié et consensuel. Il me semble à même d'emporter une large adhésion sur un sujet d'importance pour cette île.
M. André Reichardt . - Je prends note avec satisfaction de la mise en oeuvre à Saint-Barthélemy d'une forme de différenciation dans le domaine important de la santé. Il serait sans doute utile de continuer à travailler dans ce sens pour d'autres territoires, qui pourraient avoir des spécificités différentes...
Par ailleurs, j'aimerais en savoir davantage sur le rôle joué par l'ARS. Quelle est sa compétence ? Peut-elle bloquer la prise de décision ou est-elle seulement consultée pour avis ? Je m'interroge notamment compte tenu des propos tenus par la rapporteure en matière de partage d'informations.
M. Mathieu Darnaud . - Je salue l'exhaustivité de ce rapport qui met le doigt sur plusieurs sujets importants, à commencer par la poursuite de cette évolution statutaire pour les outre-mer, qui nous est toujours apparue comme nécessaire, singulièrement pour des territoires comme Saint-Barthélemy.
Je suis convaincu que les problématiques de désertification médicale et d'accès aux soins ne sont pas seulement liées au territoire métropolitain. Elles sont particulièrement aiguës dans ce cas, en raison de l'isolement et de l'insularité du territoire. À cet égard, nous avions déjà fait évoluer le statut de Saint-Barthélemy il y a six ans.
Cette proposition de loi répond au besoin de prise en compte d'une véritable différenciation territoriale, en lien notamment avec les articles 73 et 74 de la Constitution, et va dans un sens qui correspond aux attentes de nombre de nos collègues ultramarins.
Lors de la crise sanitaire, l'île avait souhaité réaliser des tests sur son territoire, ayant les moyens de le faire. Elle avait appelé de ses voeux un renforcement de ses prérogatives et de ses missions en matière sanitaire. L'évolution statutaire doit se faire de manière différenciée, en tenant compte des problématiques et des spécificités de Saint-Barthélemy. Ce texte est équilibré et va dans le bon sens.
Enfin, je voudrais mettre l'accent sur le recours essentiel à l'expérimentation, qui peut jouer le rôle de juge de paix en permettant de constater si ces évolutions statutaires apportent l'efficience souhaitée. Il s'agit d'une méthode importante et salutaire.
M. Hussein Bourgi . - Nous avons particulièrement apprécié le sens de la nuance de Valérie Boyer, dans sa manière d'aborder les enjeux soulevés par ce texte. La préoccupation est ancienne et, lors de précédentes mandatures, des propositions de loi similaires avaient été déposées. Malheureusement, si elles ont été adoptées, elles n'ont pas prospéré, des dispositions ayant été censurées par le Conseil constitutionnel.
Aujourd'hui, la préoccupation de Micheline Jacques apparait tout à fait légitime et nous pouvons toutes et tous partager l'objectif poursuivi, étant confrontés au quotidien aux difficultés rencontrées par nos compatriotes lorsqu'ils sont loin des centres de soins, y compris dans l'Hexagone. L'insularité et l'éloignement géographique accentuent ces difficultés et, à cet égard, on ne peut que souscrire au principe de cette proposition de loi.
Cependant, certains points doivent être précisés. D'abord, les informations que Valérie Boyer n'a pas pu obtenir auraient pu nous éclairer utilement, sur les moyens nécessaires à allouer à ces dépenses. En effet, la collectivité de Saint-Barthélemy compte une population et un budget modestes, et rien ne serait pire que de lui octroyer une compétence qu'elle n'aurait pas les moyens financiers et budgétaires d'exercer. Cela mettrait en difficulté les élus locaux et créerait une distorsion entre ces derniers et les législateurs.
De la même manière, nous avons été surpris de ne pas avoir entendu la collectivité émettre d'avis quant à l'orientation proposée.
Ces éléments nous manquent pour apprécier l'applicabilité de la loi. Je souhaiterais que, d'ici l'examen en séance, la collectivité fasse savoir ce qu'elle souhaite faire et que nous puissions mesurer les moyens nécessaires au partage de cette compétence.
Mme Nathalie Goulet . - La façon dont les documents n'ont pas été transmis m'interpelle. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pourrait fournir un cadre intéressant pour leur communication et il faudrait s'appuyer sur le rapporteur en charge à la commission des finances ou des affaires sociales, qui peut exercer un contrôle sur pièce et sur place. Nous rencontrons ce même type de problèmes ailleurs et il faut mettre fin à cette mauvaise pratique de l'administration. Le législateur doit être respecté quand il demande des documents.
Mme Valérie Boyer , rapporteure . - En ce qui concerne l'ARS, son avis est consultatif et ce n'est pas avec elle que nous avons rencontré des difficultés, mais avec la direction de la sécurité sociale (DSS). Cette direction nous a dit ne pas avoir les données en sa possession alors que l'ARS nous a exprimé le souhait que les choses avancent.
Par ailleurs, il semble incroyable que nous attendions depuis plus d'un an un décret permettant de régler le problème existant entre la pharmacie d'officine et la pharmacie hospitalière. Cette situation empêche de fournir un travail correct, compte tenu de l'isolement géographique. Il suffirait pourtant que le Gouvernement tienne ses engagements en la matière.
L'expérimentation est toujours une bonne chose et nous offre de la souplesse.
Quant à la collectivité, elle n'a pas rendu son avis, mais je pense qu'elle le fera d'ici la séance. Elle souhaite exercer de nouvelles compétences en matière de santé. Il faut surtout, je crois, faire en sorte que l'État tienne ses engagements et parvienne à compenser les difficultés d'un territoire particulièrement isolé et avec une faible démographie, qui dispose toutefois d'atouts puisque une offre de soins existe. Certes, le problème des évacuations sanitaires est lié à plusieurs facteurs comme l'incapacité de certains avions d'atterrir à l'aéroport, la présence d'un seul hélicoptère pour la zone ou l'impossibilité d'organiser des évacuations par bateau, compte tenu des distances. Tous ces problèmes ne pourront être réglés définitivement, mais nous devons exiger d'avoir accès à des informations sanitaires précises pour mener nos travaux. Par ailleurs, je le redis, il n'est pas acceptable de mettre un an pour publier un décret.
Enfin, je tiens à remercier Micheline Jacques, qui soulève une difficulté réelle et permet de faire avancer les choses, pour Saint-Barthélemy et peut-être pour d'autres îles. Je remercie également la direction de l'hôpital, qui gère cette structure avec toutes les difficultés liées à l'éloignement. Ces territoires font aussi partie de la grandeur de la France
M. François-Noël Buffet , président . - Je vous propose de considérer que le périmètre comprend les dispositions relatives aux compétences partagées entre la collectivité de Saint-Barthélemy et l'État en matière de santé.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Valérie Boyer , rapporteure. - Les amendements identiques COM-1 et COM-4 visent, à titre principal, à conférer au dispositif un caractère expérimental.
Les amendements identiques COM-1 et COM-4 sont adoptés.
L'article 1 er est ainsi rédigé.
Article 2
Les amendements identiques de suppression COM-2 et COM-6 sont adoptés.
L'article 2 est supprimé.
Article 3
Les amendements identiques de suppression COM-3 et COM-5 sont adoptés.
L'article 3 est supprimé.
La proposition de loi organique est adoptée, à l'unanimité, dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1 er |
|||
Mme Valérie BOYER, rapporteure |
1 |
Conférer au dispositif un caractère expérimental |
Adopté |
M. MILON |
4 |
Conférer au dispositif un caractère expérimental |
Adopté |
Article 2 |
|||
Mme Valérie BOYER, rapporteure |
2 |
Suppression d'article |
Adopté |
M. MILON |
6 |
Suppression d'article |
Adopté |
Article 3 |
|||
Mme Valérie BOYER, rapporteure |
3 |
Suppression d'article |
Adopté |
M. MILON |
5 |
Suppression d'article |
Adopté |
RÈGLES RELATIVES À
L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44
BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 22 ( * ) .
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 23 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 24 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 25 ( * ) .
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 8 mars 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi organique n° 51 (2022-2023) visant à permettre à Saint-Barthélemy de participer à l'exercice de compétences de l'État.
Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives aux compétences partagées entre la collectivité de Saint-Barthélemy et l'État en matière de santé.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mme Micheline Jacques , auteur de la proposition de loi, sénateur de Saint-Barthélemy
Collectivité de Saint-Barthélemy
M. Xavier Lédée , président du conseil territorial
M. Olivier Basset , directeur de cabinet du président
M. Benjamin Vigneron , collaborateur en charge de la santé
Préfecture de Saint-Barthélemy et Saint Martin
M. Vincent Berton , préfet délégué
Agence régionale de santé (ARS) de Guadeloupe
M. Laurent Legendart , directeur général
Centre hospitalier Irénée de Bruyn
Mme Marie-Antoinette Lampis-Pattus , directrice
Direction de la sécurité sociale (DSS)
M. Morgan Delaye , chef de service, adjoint au directeur
Mme Christine Labat , chef de projet outre-mer
Direction générale de l'offre de soins (DGOS)
M. Arnauld Gauthier , sous-directeur de la stratégie et des ressources
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-051.html
* 1 Exposé des motifs de la proposition de loi organique, p. 1.
* 2 Dernier recensement INSEE, mené en 2019.
* 3 Cette réforme a été conduite suite au rapport Ritter rendu en 2008, dont les principales conclusions quant à la création des ARS ont été traduites dans la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires dite « HPST ».
* 4 Article 7 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer.
* 5 La MSA Poitou (ex-Sèvres-Vienne) a été désignée par le directeur général de la CCMSA pour diriger la CPS de Saint-Barthélemy. La convention de moyens et de service entre la collectivité de Saint-Barthélemy et la MSA Poitou, prévue à l'article D. 752-2-3 du code de la sécurité sociale, a été conclue le 22 juin 2017.
* 6 La revendication d'une meilleure représentativité des collectivités dans les ARS est d'ailleurs partagée par de nombreux élus locaux sur l'ensemble du territoire hexagonal comme ultramarin, et fait partie des « 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales » adoptées par le Sénat en juillet 2020.
* 7 Article 4 du texte initial de la proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy n° 473 déposé le 17 avril 2014 par Michel Magras. Le texte est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/leg/ppl13-473.html .
* 8 Discours de Michel Magras lors de la discussion générale en séance publique de la proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy en première lecture au Sénat le 29 janvier 2015. Le compte-rendu intégral des débats est disponible à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/seances/s201501/s20150129/s20150129009.html#section957 .
* 9 Examen en séance publique de la loi précitée d'adaptation du droit de l'outre-mer, prise de parole du président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Jean-Jacques Urvoas, le 15 janvier 2015.
* 10 Amendement n° 743 rect. déposé par Micheline Jacques sur le projet de loi dit « 3DS » en première lecture. Il est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/amendements/2020-2021/724/Amdt_743.html .
* 11 Le Journal de Saint-Barth, « L'avenir du système de santé sur l'île inquiète la Collectivité », 18 novembre 2021, https://www.journaldesaintbarth.com/actualites/sante/lavenir-du-systeme-de-sante-sur-lile-inquiete-la-collectivite-202111182121.html .
* 12 Interview accordé par le ministre Jean-François Carenco lors de son déplacement du 16 octobre 2022 à Saint-Barthélémy à la presse locale. Elle est consultable dans son intégralité à l'adresse suivante : https://www.journaldesaintbarth.com/actualites/politique/jean-francois-carenco-attendu-ce-dimanche-a-saint-barth-202210131617.html .
* 13 Exposé des motifs de la proposition de loi, p. 1. Il est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppl22-051-expose.html .
* 14 Rapport n° 25 de Christian Cointat, fait au nom de la commission des lois, déposé le 18 octobre 2006, relatif au projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, p. 160. Le rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l06-025-1/l06-025-1.html .
* 15 Dans sa décision DC n° 2004-490 relative au statut de la Polynésie-française, le Conseil constitutionnel a jugé que à son considérant 56 que « ces dispositions, qui permettent une participation de la Polynésie française à l'exercice des compétences conservées par l'État, prévoient de façon effective et suffisamment précise les modalités de contrôle de l'État » et que, par conséquent « elles ne sont pas contraires à la Constitution ». Par la suite, à l'occasion de sa décision DC n° 2007-547 relative à la loi organique portant diverses adaptations outre-mer, le juge constitutionnel a précisé dans son commentaire que « n'outrepassent pas les limites ainsi tracées les dispositions des nouveaux articles (...) qui associent les autorités des deux îles à l'exercice des compétences que l'État détient en matière de droit pénal : pour la seule répression des infractions aux règles que les deux nouvelles collectivités seront appelées à fixer dans le cadre de leurs compétences propres, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, et, surtout, sous l'autorité et le contrôle de l'État ». Pour plus de précisions voir : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2004/2004490DC.htm et https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/commentaires/cahier22/ccc_547dc.pdf (en particulier p. 6).
* 16 Plus précisément, le I de l'article L.O. 6251-3 du code général des collectivités territoriales prévoit que « le projet ou la proposition d'acte mentionné au premier alinéa est transmis par le président du conseil territorial au ministre chargé de l'outre-mer qui en accuse réception sans délai. À compter de cette réception, ce ministre et le ministre de la justice proposent au Premier ministre, dans le délai de deux mois, un projet de décret tendant soit à l'approbation totale ou partielle du texte, soit au refus d'approbation. Le décret qui porte refus d'approbation est motivé. Il est notifié au président du conseil territorial. Le projet ou la proposition d'acte ne peut être adopté par le conseil territorial que dans les mêmes termes. Lorsqu'ils portent sur un acte intervenant dans le domaine de la loi, les décrets prévus au deuxième alinéa ne peuvent entrer en vigueur avant leur ratification par la loi. Les actes prévus au présent article peuvent être respectivement modifiés par une loi ou une ordonnance ou par un décret qui comporte une mention expresse d'application à Saint-Barthélemy ».
* 17 Conseil constitutionnel, DC n° 86-207, 25 1986, Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social et DC n° 90-283, 8 janvier 1991, loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.
* 18 La présente proposition de loi organique s'inspire d'une disposition déjà votée en 2015. L'article 6 de la loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy, dont prévoyait qu'« à titre expérimental et pour une durée maximale de trois ans, l'État peut habiliter, par décret en Conseil d'État, le conseil territorial de Saint-Barthélemy à adopter des actes dans le domaine de la sécurité sociale afin de prévoir les conditions de gestion du régime général par un établissement situé dans son ressort géographique ».
* 19 Dans sa décision n° 2015-721 DC du 12 novembre 2015, le Conseil constitutionnel censuré le dispositif de l'article 6 précité jugeant que les conditions de déclenchement de l'expérimentation, en ce qu'elles étaient renvoyées au pouvoir réglementaire - par un simple décret en Conseil d'État, étaient trop imprécisés et que le législateur a méconnu l'étendue de ses pouvoirs. Elle est consultable à l'adresse suivante : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2015/2015721DC.htm l .
* 20 Amendement n° CL8 présenté par le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Hervé Gibbes, consultable à l'adresse suivante : https://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2539/CION_LOIS/CL8.asp .
* 21 Décret n° 2017-1862 du 29 décembre 2017 relatif à l'expérimentation territoriale d'un droit de dérogation reconnu au directeur général de l'agence régionale de santé, consultable à l'adresse suivante : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000036341277 .
* 22 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 23 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 24 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 25 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.