EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 31 mai 2023, la commission a examiné le rapport de M. Alain Cadec sur la proposition de résolution européenne n° 634 (2022-2023) relative à la protection de la filière pêche française et aux mesures préconisées dans le cadre du « Plan d'action pour le milieu marin » présenté le 21 février 2023 par la Commission européenne.

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous examinons ce matin la proposition de résolution européenne relative à la protection de la filière pêche française et aux mesures préconisées dans le cadre du « Plan d'action pour le milieu marin » présenté le 21 février 2023 par la Commission européenne.

M. Alain Cadec, rapporteur. - Pour ceux d'entre vous qui sont membres de la commission des affaires européennes, cette présentation aura peut-être un peu des allures de redite. Mais je crois important de porter à la connaissance des membres de la commission des affaires économiques le rapport que j'ai présenté la semaine dernière devant la commission des affaires européennes, et ce, à double titre.

D'une part, la proposition de la Commission européenne s'inscrit en cohérence avec la stratégie de l'Union européenne pour les aires protégées, qui pourrait avoir un impact sur le potentiel productif ; et d'autre part, c'est une déclinaison nouvelle de cette question, complémentaire des domaines agricoles ou forestiers dont on a déjà eu l'occasion de parler au sein de la commission. Cela met donc en évidence la dimension systématique de la démarche de la Commission européenne.

J'en viens donc à la pêche. Lors d'une communication du 21 février dernier, la Commission européenne a présenté un plan d'action pour la protection et la restauration des écosystèmes marins en faveur d'une pêche durable et résiliente. Parmi les grands axes de ce plan d'action figurait notamment l'interdiction de la pêche de fond mobile dans les zones Natura 2000 dès 2024, et dans l'ensemble des zones marines protégées existantes ou nouvellement créées à compter de 2030.

Cette proposition a suscité beaucoup d'incompréhension et de craintes dans nos territoires littoraux, et pour cause ! Les arts traînants, c'est-à-dire les engins de pêche tractés par des navires sur le fond marin, sont pratiqués de façon exclusive ou occasionnelle par plus de 40 % des navires français sur la façade atlantique, représentent environ 36 % des quantités pêchées et fournissent les principales ressources capturées pour les pêcheries françaises, comme les merlans, les baudroies, les soles, les langoustines ou encore les coquilles Saint-Jacques.

Dans ce contexte, le secrétaire d'État chargé de la mer, M. Hervé Berville, s'est rendu à Bruxelles pour relayer auprès du commissaire européen à la mer, M.  Sinkevièius, les inquiétudes légitimes de nos pêcheurs. Ce dernier a rappelé, lors de leur rencontre, que le plan d'action n'était pas contraignant d'un point de vue juridique et qu'il se contentait de fixer des grandes orientations à l'intention des États membres, ces derniers demeurant libres de les appliquer ou non.

Faut-il dès lors considérer le sujet définitivement clos ? Mon expérience des institutions européennes m'amène à penser que non.

Mes chers collègues, ne soyons pas naïfs : la communication du 21 février dernier constitue ce que nous pouvons appeler un « ballon d'essai », destiné à tester les réactions des États membres, dans la perspective d'une éventuelle proposition législative.

Jusqu'à présent, douze États membres, dont la France, ont fait état d'une franche opposition à l'interdiction des arts traînants dans les zones marines protégées. Je rappelle que dix-huit États membres possèdent des littoraux, si l'on excepte la Slovénie et ses quarante kilomètres de côte. Dès lors, et dans la mesure où le Conseil de l'Union européenne doit adopter, les 26 et 27 juin prochains, des conclusions portant sur le plan d'action de la Commission, il est essentiel que notre assemblée puisse faire valoir sa position auprès du Gouvernement, mais également de la Commission européenne.

Tel est l'objet de la proposition de résolution européenne de notre collègue Michel Canévet. Les travaux menés au cours des dernières semaines m'ont conforté dans l'idée que l'interdiction générale de la pêche de fond dans toutes les zones marines protégées constituait une mesure non seulement inefficace, mais également délétère.

Je regrette, de manière générale, le caractère binaire de l'approche choisie par la Commission, qui consiste à opter pour un bannissement de principe de tous les engins de fond, dans toutes les zones marines protégées et dans un délai extrêmement court, au nom de la préservation des fonds marins et de la biodiversité.

Ne nous laissons pas enfermer dans un faux débat, opposant de manière caricaturale les pêcheurs aux associations de protection de l'environnement. Je vous rappelle que la préservation des ressources halieutiques fait partie depuis très longtemps des objectifs de la politique commune de la pêche, et qu'il est dans l'intérêt même des pêcheries de lutter contre l'épuisement des stocks. Je précise que 65 % des espèces du littoral européen sont exploitées au rendement maximal durable (RMD). Le RMD est le prélèvement compatible avec le renouvellement des stocks de poissons. Pour comprendre, je ferai une comparaison avec un capital qui produit des intérêts : le RMD consiste à ne prélever que les intérêts sans toucher au capital, la ressource halieutique. Dans ce cadre, la pêche elle-même ne réduit pas les stocks de poissons. Par conséquent, la plupart des parties prenantes ne sont pas opposées à l'instauration de restrictions ciblées et ponctuelles touchant les arts traînants, dès lors que ces dernières sont proportionnées et fondées sur le plan scientifique.

Il est donc important d'introduire un peu de nuance et de mesure, pour poser correctement les termes du débat puisque, comme je vous l'ai indiqué, il est possible que dans les années à venir, la pêche de fond fasse l'objet de nouvelles initiatives européennes.

Pourquoi l'approche choisie par la Commission me semble-t-elle inopérante d'une part, et délétère d'autre part ?

Les différents échanges que j'ai pu avoir sur le sujet m'ont permis d'identifier 4 facteurs permettant de réfuter l'efficacité du plan d'action de la Commission.

Tout d'abord, ce plan d'action établit un raccourci trop rapide entre deux constats distincts : le premier est que le niveau de protection des aires marines en Europe demeure très variable et globalement peu élevé ; le second est que certains fonds marins particulièrement vulnérables doivent être protégés, par le biais notamment d'une interdiction totale ou partielle des arts traînants. La Commission tente de faire « d'une pierre deux coups », en préconisant l'interdiction de la pêche de fond mobile comme réponse unique à ces deux problématiques.

Cette approche est séduisante, mais elle repose en réalité sur un postulat erroné, qui consiste à assimiler les fonds marins vulnérables aux aires marines protégées. Les dernières avancées scientifiques permettent de mieux appréhender l'impact des engins de pêche de fond sur les habitats marins et, par conséquent, de cartographier de manière très précise les zones qui mériteraient une protection supplémentaire, en raison de la sensibilité des écosystèmes qu'elles abritent. Or, ces zones ne se situent pas systématiquement dans des aires marines protégées ! L'interdiction de la pêche de fond mobile exposerait donc certains espaces à des restrictions superflues, tout en négligeant de protéger les zones réellement vulnérables situées en dehors des aires marines protégées.

J'en viens à mon second point : l'adoption d'une interdiction générale applicable de manière uniforme s'inscrit à rebours de la logique propre aux aires protégées. Ces dernières constituent un ensemble disparate, recouvrant une grande diversité d'objectifs, certaines ayant vocation à protéger des couloirs migratoires, d'autres certaines espèces d'oiseaux, d'autres encore des fonds marins. Par conséquent, jusqu'à présent, la Commission a toujours prôné une approche adaptée aux enjeux de chaque territoire, et recommandé de prendre des mesures de conservation spécifiques à chaque site. En France, c'est donc en application des directives « Oiseaux » et « Habitats » qu'ont été initiées en janvier 2023 les analyses risque-pêche, afin de définir un niveau de risque pour chaque espèce ou habitat protégé dans chaque site Natura 2000, pour ensuite prendre, à compter de 2026, les mesures de conservation appropriées. Or, j'attire votre attention sur le fait que l'adoption du plan d'action reviendrait à faire table rase de ces analyses risque-pêche (ARP), alors que les parties prenantes y ont déjà consacré un temps, une énergie et des montants considérables.

Troisièmement, l'interdiction de la pêche de fond mobile constitue une solution excessivement simpliste, faisant abstraction de l'impact différencié des arts traînants, en fonction des engins utilisés, de la nature des fonds marins, de la fréquence des passages ou encore du degré de vulnérabilité des habitats. À titre d'exemple, le passage occasionnel d'une drague sur un sol sableux n'aura pas le même impact que le passage régulier d'un chalut de fond sur un sol rocheux. Dès lors, si l'objectif est réellement de préserver les fonds marins vulnérables et la biodiversité, toute une palette de mesures et d'étapes intermédiaires peuvent être envisagées avant d'opter pour une interdiction pure et simple de tous les engins de fond. Je vous rappelle que de nombreux outils peuvent d'ores et déjà être mobilisés à cet effet dans le cadre de ce nous appelons la « boîte à outils » de la politique commune de la pêche (PCP), afin de réduire les captures accidentelles et d'améliorer la sélectivité des engins.

Je regrette dès lors que la Commission centre sa proposition sur la fermeture des zones à la pêche, ce d'autant, et c'est mon quatrième point, que la gestion spatiale des activités de pêche ne constitue pas un instrument sans faille. En réalité, il ne suffit pas d'interdire la pêche pour garantir la restauration des fonds, la dégradation de ces derniers étant un phénomène multifactoriel, associant des perturbations d'origine anthropique - comme l'installation de parcs éoliens - et d'origine naturelle - comme la prolifération d'espèces invasives ou le réchauffement climatique. Je vous signale par ailleurs que les flottes s'adaptent et se déplacent en cas de restrictions spatiales, reportant l'effort de pêche sur les zones non protégées, avec pour corollaire des effets indésirables sur les stocks halieutiques et une augmentation de la consommation de carburant. Lorsque la pêche au bar a été interdite dans la Manche, les navires se sont reportés vers le golfe de Gascogne.

Pour toutes ces raisons, le plan d'action de la Commission me paraît peu efficace du point de vue de la protection de la biodiversité et des fonds marins. Or, et je terminerai là-dessus, sa mise en oeuvre aurait des conséquences socioéconomiques dévastatrices pour les filières halieutiques française et européenne !

En effet, les aires marines protégées représentant 44 % environ de la zone économique exclusive française (ZEE), la « petite pêche » - réalisée par des navires de moins de douze mètres - y réalise plus d'un tiers de son activité. Selon les estimations du Comité national des pêches (CNPMEM), l'interdiction de la pêche de fond dans les aires marines protégées entraînerait donc la disparition de près 30 % de la flotte française et de plus de 4 500 emplois directs pour environ 15 000 emplois induits, puisque dans le secteur de la pêche professionnelle, un emploi embarqué génère habituellement 3 à 4 emplois à terre.

En parallèle, cette mesure se traduirait par une baisse substantielle des volumes débarqués et donc inévitablement une hausse des importations, alors que l'Union européenne est déjà le premier importateur mondial de produits de la pêche. La France importe ainsi près de 70 % des produits de la pêche qu'elle consomme. À rebours des objectifs affichés en termes de souveraineté alimentaire, le plan d'action de la Commission contribuerait donc à accroître notre dépendance à l'égard de pays moins-disants sur le plan environnemental - c'est le cas de tous à l'exception, peut-être, de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie et des États-Unis -, ce qui est pour le moins paradoxal, sinon contradictoire, voire schizophrène, vous en conviendrez.

Au-delà de ces considérations d'ordre économique, je regrette particulièrement le signal symbolique très négatif envoyé à la filière pêche européenne, dont la compétitivité pâtirait très fortement d'une mise en oeuvre du plan d'action de la Commission, alors même qu'elle figure parmi les plus vertueuses du monde. Notre littoral est l'un des plus réglementés au monde, avec ceux des États-Unis, de l'Australie ou de la Nouvelle-Zélande, à la différence du littoral africain, pillé par certains pays d'Extrême-Orient.

Pour conclure, mes chers collègues, l'idée de bannir les arts traînants des zones marines protégées au nom de la biodiversité et de la protection des fonds marins illustre à merveille l'adage selon lequel l'enfer est pavé de bonnes intentions.

C'est pourquoi, comme la semaine dernière, je partage sans réserve la position de Michel Canévet. Je lui ai suggéré cependant quelques amendements rédactionnels, qui ont permis de préciser le propos, à l'aune des informations recueillies au cours de mes auditions. À l'occasion de celles-ci, j'ai pu recroiser le chemin de Mme Claire Nouvian, présidente de l'association Bloom - il faut savoir discuter avec tout le monde, même quand on n'est pas forcément d'accord.

Aujourd'hui, je vous proposerai donc, si cela vous convient, d'adopter l'article sans modification.

L'adoption rapide de ce texte par notre commission nous permettra, avec l'auteur de la proposition de résolution Michel Canévet, et avec le président de la commission des affaires européennes, l'excellent Jean-François Rapin, de nous rendre à Bruxelles le mardi 6 juin pour faire connaître la position du Sénat au commissaire européen à l'environnement, aux océans et à la pêche, au Parlement européen et à la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne. Il s'agira, avec cette résolution du Sénat, de peser de tout notre poids en tant que chambre des territoires, pour protéger notre pêche côtière, tout en affirmant notre volonté de préserver la biodiversité, en amont de l'adoption du plan d'action par le Conseil les 26 et 27 juin prochains.

M. Daniel Salmon. - Si 65 % des espèces sont prélevées conformément au RMD, cela signifie donc que 35 % n'y sont pas ! Pour rappel, en 1994, 90 % des espèces étaient au RMD ! Les stocks halieutiques ont diminué drastiquement, la taille des poissons baisse, les populations de mérous, requins, thons, espadons ou cabillauds ont chuté de 90 % depuis 1950. Un tiers des espèces dans l'Atlantique Nord et 85 % de celles de Méditerranée sont victimes de la surpêche. La question de la préservation des stocks et de la surpêche constitue donc un sujet. Nous devons préserver la ressource. Il en va de la survie de la pêche.

Les propositions de la Commission européenne vont selon nous dans le bon sens. Elles étaient attendues par de nombreuses ONG. La Commission ne fait que rappeler aux États que cette interdiction aurait déjà dû être instaurée dans certains sites depuis 1992 et la directive Habitats. Il est désormais temps d'agir. Certes il faut prévoir des mesures d'accompagnement, mais protéger la ressource est essentiel : l'encadrement de la pêche à la coquille Saint-Jacques dans la baie de Saint-Brieuc s'est avéré très profitable et on y pêche aujourd'hui davantage qu'avant ! Les quotas ne sont pas un mot tabou et sont tout à fait compatibles avec les intérêts économiques. La pêche aux arts traînants est dévastatrice et laboure les fonds marins. Les écosystèmes s'effondrent, entraînant une raréfaction de la ressource.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je m'étonne que vous n'ayez pas parlé de la stratégie européenne de préservation des mers et océans, qui prévoyait la création d'aires marines protégées. Le problème est que ces dernières n'ont pas toutes le même objectif. Certaines ont néanmoins comme objectif le maintien de la biodiversité des poissons et visent à faciliter leur reproduction. L'exemple américain montre que, quand la pêche est interdite, on observe des effets bénéfiques sur la reproduction des poissons.

Je regrette l'absence de position intermédiaire, entre ceux qui sont favorables au laissez-faire et ceux qui réclament l'interdiction totale de la pêche dans toutes les aires protégées. Une position intermédiaire consisterait à identifier des aires marines ayant vocation à permettre la reconstitution des stocks piscicoles et où la pêche devrait être totalement interdite. L'enjeu est bien, pour certaines espèces, de reconstituer les stocks. Je m'abstiendrai donc sur cette proposition de résolution européenne. La France devrait être plus offensive pour définir une stratégie permettant de mesurer la reconstitution du stock dans chaque aire marine et de développer des aires marines centrées sur la protection des poissons lorsque cela est nécessaire.

M. Franck Montaugé. - Je m'abstiendrai, non pas pour des raisons de fond, mais parce que je ne connais pas suffisamment le sujet. La pêche est un secteur économique important en France. On n'en parle pas assez. Notre commission devrait se saisir davantage de cette question.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je rappelle qu'il existe un groupe d'études sur le sujet au Sénat, rattaché à notre commission.

M. Joël Labbé. - Il importe de faire la distinction entre la pêche industrielle et la pêche côtière artisanale : cette dernière représente 70 % des navires, 52 % des emplois du secteur pour seulement 22 % des captures ; or elle est menacée, alors qu'elle est compatible avec la transition écologique. Nous voterons contre cette proposition de résolution européenne.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Quelle est la part des aires marines protégées dans nos ZEE ? La loi Climat et résilience fixait un objectif de 30 % d'aires terrestres et marines protégées et de 10 % pour les aires sous protection forte.

Mme Sophie Primas, présidente. - Il est vrai que l'on évoque peu le sujet de la pêche en réunion plénière dans notre commission. Je suis très heureuse que l'examen de ce texte nous en fournisse l'occasion, d'autant plus que l'Union européenne et le Gouvernement subventionnent aujourd'hui la destruction des bateaux de pêche, en particulier dans la petite pêche, ce qui est contraire à nos intérêts économiques et environnementaux. La pêche et l'activité de transformation des produits de la mer créent de nombreux emplois. Cette proposition de résolution européenne me semble bienvenue. Nous devons envisager la question de la pêche de manière globale, avec précaution si l'on ne veut pas détruire notre système et augmenter à l'inverse les importations en provenance de pays qui ne respectent pas nos normes. Nous devons défendre cette activité qui irrigue nos territoires et est cruciale pour notre alimentation.

M. Franck Montaugé. - Que représente la pêche dans notre PIB ?

M. Alain Cadec, rapporteur. - La pêche représente moins de 2 % du PIB de la France, mais la pêche est aussi un facteur important pour l'aménagement du territoire, l'emploi, l'activité et l'attractivité de nos régions littorales.

M. Daniel Salmon a pris pour base l'année 1974, mais, en 1900, l'intégralité des espèces étaient exploitées au RMD. Depuis 1974, la surpêche s'est accrue et la ressource s'est effondrée. Avec la mise en oeuvre de la politique commune de la pêche, on a commencé, petit à petit, à réguler les stocks. L'Union européenne a financé des destructions de bateaux de pêche et la flotte a diminué de moitié.

Le RMD n'a été instauré qu'à partir de 2010. J'étais alors député européen et j'ai présidé ensuite la commission de la pêche du Parlement européen. Aujourd'hui, les stocks ont tendance à se reconstituer. Il n'y a donc plus de surpêche, même si certaines espèces, comme le cabillaud dans la Manche, demeurent menacées. Dans ces cas, la Commission prend des décisions drastiques, réduit les quotas ou interdit la pêche. Dans le golfe de Gascogne, les quotas de pêche de sole ont été réduits de 60 % l'an dernier et, cette année, les poissons sont plus nombreux. La politique commune de la pêche permet de préserver la ressource et de reconstituer les stocks.

Les sites vulnérables ne correspondent pas automatiquement aux aires marines protégées. Ils sont en cours de recensement. Il est justifié d'interdire la pêche de fond dans ces zones. En revanche, interdire cette pêche dans toutes les aires marines protégées n'a guère de sens, c'est se tromper d'échelle. Lorsque l'on aura identifié les zones vulnérables, on pourra y instaurer une protection totale, interdire la pêche, mettre ces zones en jachère et donc faciliter la reproduction des poissons.

M. Montaugé n'est pas originaire d'un département littoral, mais la pêche en rivière est aussi importante. La présence de truites est ainsi un bon indicateur de la qualité des eaux. Beaucoup d'usines de traitement des eaux comportent ainsi un « truitomètre », une sorte d'aquarium contenant des truites ou d'autres poissons très sensibles à la qualité de l'eau. Quand la truite est sur le flanc, ce n'est pas bon signe...

Monsieur Labbé, il existe trois sortes de pêches : la petite pêche côtière, réalisée par des navires de moins de douze mètres, la pêche semi-hauturière, réglementée et réalisée par des chalutiers de douze à vingt-quatre mètres très au large, et la pêche industrielle. Cette dernière n'impacte pas les fonds, car c'est une pêche pélagique, entre deux fonds, de poissons bleus, qui servent pour la plupart à nourrir les poissons d'élevage - une réglementation serait d'ailleurs nécessaire à cet égard, même s'il faut encourager l'aquaculture.

Avec Yannick Jadot, nous avions réussi, lorsque je siégeais au Parlement européen, à faire interdire la pêche électrique et la pêche dans les grands fonds de plus de 400 mètres de profondeur, afin de protéger les coraux d'eau froide.

Les aires marines protégées représentent 44 % environ de la zone économique exclusive française, mais elles ont des finalités très diverses : protection des oiseaux, protection des poissons, etc. La gestion de la ressource en coquilles Saint-Jacques à Saint-Brieuc est exemplaire : leur nombre n'a jamais été aussi élevé et on peut imaginer y pêcher pour une éternité ! Ifremer surveille la situation. La pêche est très encadrée, autorisée un jour par semaine seulement et pendant 45 minutes. Or les pêcheurs vivent bien. Il s'agit d'une aire marine protégée, il serait stupide d'interdire la pêche. Toutefois le parc éolien est installé sur le gisement de coquilles Saint-Jacques.

Si le plan de la Commission était adopté, la flotte de pêche se réduirait encore, alors que le secteur vient de connaître le plan de sortie de flotte post-Brexit, et les importations augmenteraient en conséquence. J'ajoute aussi qu'à partir de 2026, les Britanniques pourront interdire l'accès à leurs eaux ; on doit s'attendre à un report de la pêche vers nos eaux - il faudra se montrer vigilant.

Mme Micheline Jacques. - La pêche est très importante dans les outre-mer. La Guadeloupe et la Martinique se battent pour obtenir la reconnaissance à Bruxelles de la pêche traditionnelle. La ressource halieutique diminue fortement dans la mer des Caraïbes à cause de la pêche de navires étrangers, notamment asiatiques, chinois en particulier. De petits pays leur donnent des droits de pêche et leurs navires-usines écument cette mer qui était pourtant l'une des plus poissonneuses au monde auparavant.

M. Alain Cadec, rapporteur. - Je ne peux que partager votre inquiétude. Outre les Antilles, ce problème concerne aussi les côtes africaines ou l'océan Indien. Les navires-usines chinois gigantesques sont accompagnés d'une flottille de chalutiers qui les approvisionnent. Ils congèlent le poisson et le ramènent en Chine. Le golfe de Guinée, très poissonneux, voit son stock de poissons se réduire. Le thon est menacé dans l'océan Indien. En dépit d'une interdiction totale de la pêche aux requins, ces derniers font l'objet d'une pêche sauvage, car on prête à leurs ailerons, dans certains pays d'Asie, des vertus aphrodisiaques.

Mme Sophie Primas, présidente. - C'est le cas aussi pour la corne de rhinocéros.

M. Alain Cadec, rapporteur. - Les filets maillants dérivants ont été interdits pour éviter que des mammifères marins ne se prennent dans leurs mailles. Mais nous devons être vigilants. En ce qui concerne les ports ultramarins, ces derniers peuvent demander à bénéficier du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

M. Daniel Salmon. - Pouvez-vous me confirmer que seulement 0,03 % de la surface maritime métropolitaine bénéficie d'une protection stricte, où la pêche est interdite ?

M. Alain Cadec, rapporteur. - Je le confirme.

M. Daniel Salmon. - C'est trop peu !

M. Alain Cadec, rapporteur. - Le Comité national des pêches et Ifremer mènent une réflexion pour identifier les zones les plus sensibles, où la pêche devrait être interdite.

La commission adopte la proposition de résolution européenne, disponible en ligne sur le site du Sénat.