TITRE VI
DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES AUX JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET FINANCIERES ET A LA RESPONSABILITÉ DES GESTIONNAIRES PUBLICS

Article 22
Conditions d'accès aux corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et des magistrats des chambres régionales des comptes en sortie de l'Institut national du service public

L'article 22 vise à permettre aux élèves lauréats de l'Institut national du service public (INSP) de rejoindre directement les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ainsi que les chambres régionales des comptes, sans avoir à justifier préalablement de deux ans de services publics en qualité d'administrateurs de l'Etat.

Cette mesure permettrait de soumettre à la même obligation de mobilité tous les magistrats des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et des chambres régionales des comptes, quel que soit leur mode de recrutement.

Par ailleurs, elle éviterait une éventuelle déperdition d'élèves de l'INSP qui ne souhaiteraient plus rejoindre les juridictions après deux ans de service en tant qu'administrateurs de l'Etat.

La commission a adopté cet article après y avoir apporté une coordination.

L'article 22 du projet de loi revient sur une disposition introduite par l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat321(*) qui dispose que les magistrats des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et des chambres régionales des comptes sont recrutés au grade de conseiller parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat ayant exercé ce choix à la sortie de l'Institut national du service public (INSP) et justifiant d'au moins deux ans de service effectif en cette qualité322(*).

Cette obligation de justifier d'une expérience minimale de deux ans de service effectif avait, semble-t-il, été envisagée comme une forme de « contrepartie » au maintien de ces postes juridictionnels en sortie directe de l'INSP.

Toutefois, la gestion d'une telle mesure s'avère complexe : elle diffère le recrutement effectif de magistrats en juridiction et impose aux ministères de réserver des postes pour une durée limitée de deux ans pour les élèves ayant choisi les corps des magistrats administratifs ou financiers et n'ayant pas eu d'expérience professionnelle préalable.

Par ailleurs, cette obligation de mobilité peut sembler redondante avec l'obligation de mobilité statutaire d'une durée d'au moins deux ans imposés aux conseillers pour être promus au grade de premier conseiller323(*) créé par cette même ordonnance. Enfin, elle crée de facto deux régimes distincts de mobilité selon le mode de recrutement, puisque les magistrats recrutés par concours direct ne sont pas soumis à cette obligation préalable de mobilité.

Prenant acte de ces éléments, l'article 22 du projet de loi tend à supprimer - à compter du 1er janvier 2025324(*) au moment où le classement de sortie de l'INSP prendra fin - la procédure d'affectation « transitoire » dans le corps des administrateurs de l'État pour les magistrats des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et des chambres régionales des comptes. L'obligation de justifier de deux ans de services publics effectifs en qualité d'administrateurs de l'Etat - ou de membre d'un corps équivalent - serait en revanche maintenue pour les auditeurs du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes325(*).

Cette mesure, qui correspond à une demande des syndicats, a fait l'objet d'une approbation par le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel et celui des chambres régionales des comptes.

L'article 22 corrige également deux erreurs matérielles relatives à une référence d'article et un grade introduites par l'article 7 de l'ordonnance du 2 juin 2021 (alinéas 1 à 4 et alinéa 13).

La commission a approuvé la simplification proposée et a adopté cet article, en apportant une coordination supplémentaire, la disposition relative à la reconnaissance d'une équivalence en cas d'expérience dans le secteur privé n'ayant plus lieu d'être (amendement COM-140).

La commission a adopté l'article 22 ainsi modifié.

Article 23
Diverses modifications statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes

L'article 23 comporte trois mesures statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes (CRC) :

- la neutralisation de la position des magistrats pour la promotion au grade de conseillers-maîtres au titre du tour extérieur ; seuls les magistrats en disponibilité seraient exclus de l'avancement interne ;

- la dissociation de la fonction de président de section de celle du grade qui serait dénommé « conseiller président » ;

- le raccourcissement de la durée de l'emploi de président et vice-président de chambre régionale des comptes dans une même chambre de sept à cinq ans.

La commission a approuvée le changement de nom du grade sommital du corps des magistrats des chambres régionales des comptes qui devrait faciliter l'établissement des grilles indiciaires renouvelées.

Elle a en revanche supprimé les mesures relatives au tour extérieur des conseillers maîtres qui lui semblent à contre-courant de l'ordonnance récente du 2 juin 2021 et à la réduction de la durée des emplois de présidents et vice-présidents de chambres, préférant qu'elle reste alignée sur les autres fonctions de chefs de juridiction.

Elle a ajouté une mesure d'assouplissement de l'obligation de résidence des magistrats de CRC.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

1. La modification des conditions de promotion au grade de conseiller maître

La Cour des comptes est composée du premier président, de présidents de chambre, de conseillers maîtres et de conseillers référendaires326(*).

Les promotions au grade de conseiller maître sont prononcées sur proposition du premier président de la Cour des comptes, après avis du conseil supérieur de la Cour des comptes.

Depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat, l'article L. 122-3 du code des juridictions financières réserve quatre nominations de conseillers maîtres sur cinq aux conseillers référendaires ayant accompli un minimum de douze années de service en cette qualité, sous condition d'avoir accompli une mobilité statutaire de deux ans. À compter du 1er janvier 2023, une nomination sur cinq - et non plus une nomination sur trois - devrait ainsi intervenir au tour extérieur.

L'article L. 122-3 du code des juridictions financières, selon une rédaction antérieure à l'ordonnance du 2 juin 2021, précise que l'avancement de conseillers référendaires en service détaché n'est pas pris en compte dans le quota déterminant le nombre de nominations permises au tour extérieur, cet avancement se faisant « hors tour ».

L'article 23 du projet de loi propose de retoucher ces modalités avant même que leur effet ait été testé et de ne compter en « hors tour » que les conseillers référendaires en disponibilité, dont la situation n'est pas prise en compte par les textes actuellement. Seraient ainsi intégrées pour le calcul des nominations au tour extérieur les promotions des conseillers référendaires en fonction à la Cour et ceux en détachement, qui représentent 40 % des conseillers référendaires327(*).

Selon la Cour des comptes, cette mesure est nécessaire car le décompte actuel ferait « encourir le risque de ne pouvoir disposer de ressources suffisantes au sein de la Cour, faute de possibilités suffisantes de nominations à la maîtrise ouvertes au tour extérieur ».

Toutefois, ainsi que l'ont relevé le Conseil supérieur de la Cour des comptes et le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes dans leurs avis du 26 avril 2023, la mesure proposée irait à rebours de l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat. Celle-ci a réduit le nombre de nominations de conseillers maîtres au tour extérieur en prévoyant la proportion d'une nomination sur cinq, et non plus d'une nomination sur trois.

Il a semblé en l'état prématuré à la commission d'y apporter une modification. Elle a en revanche considéré nécessaire, à l'initiative des rapporteurs, pour une meilleure sécurité juridique, d'intégrer de manière expresse la situation des conseillers référendaires en disponibilité dans le hors tour (amendement COM-142).

2. La question des présidents de section au sein des chambres régionales des comptes

Le président de section organise les travaux de sa section, préside les délibérés et évalue les vérificateurs affectés à sa section. Il participe à l'élaboration du programme annuel des travaux de la chambre régionale des comptes.

Seuls les titulaires du grade de président de section - le plus haut du corps des magistrats des chambres régionales des comptes - sont nommés de manière pérenne à des emplois de président de section328(*). En revanche, les titulaires du grade de président de section peuvent être nommés en qualité d'assesseur, de rapporteur ou de contre-rapporteur et de procureur financier. Ils peuvent également être chargés par le président de la chambre de toute mission relative à la coordination des enquêtes et des équipes d'investigation, à la formation des personnels, à l'organisation et aux méthodes de travail. Ils peuvent aussi être chargés par le président de la chambre de participer aux travaux d'organismes et de commissions extérieurs329(*). Actuellement, selon les informations obtenues de la Cour des comptes, près de 90 % des magistrats de chambres régionales des comptes en fonction dans le corps et détenant le grade de président de section exercent cette fonction.

Toutes ces règles sont fixées au niveau réglementaire, de même que celles relatives aux fonctions de président de section à la Cour des comptes.

L'article 23 vise à renommer le grade sommital « conseiller président » et à mieux le distinguer de l'emploi de président de section, notamment en vue de la révision des grilles indiciaires des magistrats des chambres régionales des comptes. Ce changement terminologique ne pose aucune difficulté, une coordination supplémentaire ayant été apportée à l'article L. 120-14 du code des juridictions financières sur la proposition des rapporteurs (amendement COM-142).

Au-delà de ce changement de nom, est annoncée une réforme beaucoup plus substantielle de nature réglementaire : la fonctionnalisation de l'emploi, dont les conditions restent à déterminer au sein d'un groupe de travail associant les représentants élus des magistrats et des chefs de juridiction.

Dans ce cadre, une limitation dans le temps des fonctions de président de section au sein des chambres régionales des comptes est envisagée. Actuellement, les présidents de section des chambres régionales des comptes exercent leur choix d'affectation dans l'ordre de leur rang de promotion330(*) et peuvent ensuite être mutés à leur demande en fonction des postes disponibles et après avis du Conseil supérieur, sans qu'il existe de limite de durée d'occupation des fonctions. Cette limite existe en revanche depuis 2017 pour les fonctions de président de section à la Cour qui ne peuvent être exercées dans la même section plus de six ans (deux fois trois ans)331(*).

Sans porter d'appréciation sur ce projet dont elles ne connaissent pas les modalités, les rapporteurs relèvent que la limitation de la durée des fonctions de président de chambre régionale des comptes est fixée au niveau de la loi, comme celle des chefs de juridictions de l'ordre judiciaire ou administratifs. De même, la limitation à dix ans de l'exercice de la fonction de juge des libertés et de la détention, de juge d'instruction, de juge des enfants, de juge de l'application des peines ou de juge des contentieux de la protection dans un même tribunal judiciaire ou de première instance est fixée dans l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature332(*).

3. La réduction de la durée de mandat des présidents et vice-présidents de chambres régionales des comptes

En application de l'article L. 221-2 du code des juridictions financières, l'emploi de président de chambre régionale des comptes est pourvu par un conseiller maître ou un conseiller référendaire à la Cour des comptes, tandis que l'emploi de vice-président est pourvu par un conseiller référendaire. Les nominations sont prononcées par décret du Président de la République sur proposition du premier président de la Cour des comptes après avis du conseil supérieur de la Cour des comptes et du conseil supérieur des chambres régionales des comptes.

La nomination à ces emplois est depuis 2001 prononcée pour une durée de sept ans, qui ne peut ni être prorogée ni être renouvelée au sein d'une même chambre333(*).

L'article 23 propose à l'avenir d'en limiter la durée à cinq ans et d'assouplir les conditions de nomination des présidents de section à cette fonction des chambres régionales des comptes qui n'auraient plus à justifier d'un minimum de quinze années de service public pour candidater334(*).

La durée maximum de sept ans est alignée sur celle prévue pour les chefs de juridiction par le statut des magistrats judiciaires335(*) et le statut des magistrats administratifs336(*). Elle ne semble par ailleurs pas empêcher des présidences plus brèves ou d'occuper deux présidences de chambre au cours de sa carrière car elle peut être réduite à la demande du magistrat, après avis du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes.

Dans ces conditions, la commission n'a pas souhaité modifier la durée des fonctions de président ou vice-président de chambre régionale des comptes (amendement COM-142 des rapporteurs).

4. L'assouplissement de l'obligation de résidence des magistrats de chambres régionales des comptes

À l'initiative des rapporteurs, la commission a aligné l'obligation de résidence des magistrats des chambres régionales des comptes sur celle applicable aux magistrats de l'ordre judiciaire337(*) et aux magistrats de tribunal administratif et de cour administrative d'appel338(*) (amendement COM-143).

L'obligation de résider au siège de leur chambre régionale serait remplacée par une obligation de siéger dans le ressort de la chambre, ce qui permettrait une plus grande souplesse pour organiser leur vie personnelle.

La commission a adopté l'article 23 ainsi modifié.

Article 24
Ratification de l'ordonnance relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics

L'article 24 vise à ratifier l'ordonnance du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics. Un projet de loi de ratification avait déjà été déposé au Sénat le 22 avril 2022, mais sans être inscrit à l'ordre du jour339(*).

L'article 24 procède également à une coordination dans l'ordonnance du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement, pour viser la Cour des comptes et non plus la Cour de discipline budgétaire et financière, disparue depuis le 31 décembre 2022.

S'agissant d'une pure question de procédure, la commission a adopté cet article sans modification.

L'article 24 vise à ratifier de manière expresse l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.

Cette ordonnance a été prise sur le fondement de l'article 168 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 qui prévoyait une ordonnance dans les six mois de sa promulgation et le dépôt d'un projet de loi de ratification devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l'ordonnance. Ces délais ont été respectés : l'ordonnance a été publiée le 24 mars 2022 et le projet de loi déposé le 22 avril suivant.

L'objectif de l'article 24 du projet de loi est purement procédural340(*) : en l'absence de ratification expresse, l'ordonnance pourrait faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État341(*).

La commission est restée sur cette même ligne et n'a pas souhaité engager de débat de fond sur la refonte du régime de responsabilité des gestionnaires publics, renvoyant au prochain projet de loi de finances cette discussion.

L'article 24 procède également à une coordination dans l'ordonnance du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement, pour viser la Cour des comptes et non plus la Cour de discipline budgétaire et financière, disparue depuis le 31 décembre 2022342(*).

La commission a adopté l'article 24 sans modification.

Article 25
Mécanisme d'extension des accords nationaux relatif à la souscription d'un contrat collectif pour la couverture complémentaire « santé »
aux corps des magistrats administratifs et financier

L'article 25 prévoit la mise en place d'un mécanisme permettant d'étendre les dispositions d'un accord national relatif à la protection sociale complémentaire, conclu pour les agents de la fonction publique d'État, aux membres du Conseil d'État et de la Cour des comptes, des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et des chambres régionales des comptes.

En l'état, ces dispositions visent spécifiquement à étendre l'accord interministériel relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, signé le 26 février 2022343(*).

La commission a adopté le dispositif d'extension proposé, considérant cette option comme étant une solution sécurisée et pragmatique pour permettre le rattachement des quatre corps de magistrats administratifs et financiers au régime de protection sociale complémentaire déjà négocié et une prise en charge améliorée de la mutuelle « santé » par l'Etat.

La commission a adopté cet article après y avoir apporté une coordination formelle.

1. Un constat : la situation particulière des magistrats vis-à-vis des accords collectifs nationaux de la fonction publique de l'Etat

Des accords collectifs peuvent être négociés, conclus et signés au niveau national, pour l'ensemble de la fonction publique ou pour un seul versant. Pour la fonction publique de l'État, ce sont les organisations syndicales disposant d'au moins un siège au Conseil supérieur de la fonction publique d'État (CSFPE) qui sont chargées des négociations, de la conclusion et de la signature de l'accord collectif avec l'État employeur344(*).

Au sein du CSFPE, vingt sièges sont répartis entre les organisations syndicales proportionnellement au nombre de voix obtenues par chacune d'elles lors des dernières élections professionnelles. Ces instances sont listées à l'article 5 du décret n° 2012-225 du 16 février 2012 relatif au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et ne comprennent pas les instances représentatives spécifiques des juridictions administratives et financières345(*), de même que des juridictions judiciaires, au nom de leur indépendance.

Les instances représentatives des magistrats administratifs et financiers

L'article 4 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a mis en place les comités sociaux d'administration (CSA), chargés de l'examen des questions collectives et des conditions de travail, qui ont remplacés les comités techniques et des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), afin de créer une instance représentative du personnel unique. Ces CSA doivent être mis en place dans toutes les administrations de l'État et tous les établissements publics de l'État, en application de l'article L. 251-2 du code général de la fonction publique (CGFP).

Cependant, si les fonctionnaires administratifs et techniques et les agents non titulaires affectés dans les juridictions administratives et financières sont bien représentés au sein d'un CSA, ce n'est pas le cas des magistrats - soient environ 2 700 personnes - qui disposent d'instances de représentation particulières :

- la Commission supérieure du Conseil d'État ;

- le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;

- le Conseil supérieur de la Cour des comptes ;

- le Conseil supérieur des chambres régionales et territoriales des comptes.

Une spécificité du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes est qu'ils ne comprennent pas d'organisation syndicale346(*), contrairement aux tribunaux administratifs, aux cours administratives d'appel et aux chambres régionales des comptes, au sein desquels des représentants élus sur des listes syndicales siègent dans les Conseils supérieurs.

Pour ces raisons, le premier accord collectif, conclu le 26 février 2022, sur le fondement de l'article L. 827-1 du CGFP, qui crée une obligation pour l'État employeur de participer à la moitié au moins du financement nécessaire des garanties de protection sociale complémentaire, n'est pas applicable directement aux magistrats administratifs et financiers.

Cet accord définit un socle interministériel de garanties destinées à couvrir les frais de santé, en complément et en supplément des remboursements effectués par les régimes obligatoires de sécurité sociale, par des contrats collectifs. Les bénéficiaires doivent obligatoirement souscrire aux contrats collectifs conclus par leurs employeurs publics.

2. La mesure proposée : créer un mécanisme d'extension par décret des accords nationaux relatifs à la protection sociale complémentaire pour les magistrats administratifs et financiers

L'article 25 du projet de loi vise à rendre applicables aux membres du Conseil d'État, de la Cour des comptes, des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et des chambres régionales des comptes les stipulations de tout accord collectif intervenu au niveau national pour la fonction publique de l'Etat en matière de prévoyance statutaire et complémentaire. Aucun dispositif particulier n'est en revanche prévu pour les magistrats judiciaires.

Cette extension se ferait par décret en Conseil d'Etat pris après avis du Conseil supérieur compétent. Elle pourrait ne concerner qu'une partie de l'accord national.

Ces mesures seraient codifiées dans le code de justice administrative et le code des juridictions financières. Ainsi, bien qu'elles aient pour objet spécifique l'application de l'accord interministériel du 26 février 2022, elles auraient vocation à s'appliquer aux accords interministériels ultérieurs en matière de protection sociale complémentaire347(*).

3. La position de la commission : accepter une solution pragmatique pour permettre une meilleure prise en charge de la complémentaire santé des magistrats administratifs et financiers

Comme l'a relevé le Syndicat des juridictions financières unifié (SJF), la solution proposée - qui serait codifiée et donc appelée à durer - ne vise aucunement à trouver une solution pour assurer une participation de représentants des magistrats administratifs et financiers à la négociation d'accords collectifs au niveau national, mais à étendre directement un dispositif négocié sans la participation de syndicats représentatifs de ces magistrats, qui existent au sein des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et des chambres régionales des comptes.

S'agissant des magistrats judiciaires, l'article 6 du projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire propose de faire participer ces magistrats aux CSA du ministère de la justice. Les magistrats judiciaires deviendraient électeurs et leurs organisations syndicales représentatives éligibles. Il serait expressément prévu que les organisations syndicales qui disposent d'au moins un siège au sein du CSA placé auprès de l'autorité administrative compétente pour négocier auraient qualité pour conclure et signer des accords collectifs nationaux applicables aux magistrats judiciaires, notamment ceux relatifs à la protection sociale complémentaire.

Toutefois, le dispositif d'extension des accords collectifs proposé semble être l'option la plus sécurisée et la plus pragmatique à cette heure pour permettre un rattachement rapide des magistrats administratifs et financiers au régime de protection sociale complémentaire, qui devrait permettre une prise en charge financière plus importante par l'État employeur348(*).

Le contenu du régime et ses modalités ne sont pas encore arrêtés. Selon l'Association des magistrats de la Cour des comptes, le nouveau régime a de fortes chances d'être plus favorable, sous réserve des modalités d'adhésion. En effet, l'adhésion à la complémentaire santé pourrait être obligatoire, sauf dispense dans certains cas particuliers.

Il conviendrait donc en amont, avant que le décret d'extension ne soit communiqué pour avis aux différents Conseils supérieurs, d'informer et d'associer les représentants des magistrats aux différentes étapes de la mise en place de la complémentaire santé unique. Il doit en aller de même pour les futurs accords qui pourraient être « étendus » par la suite, compte tenu de la dimension pérenne des dispositions proposées.

La commission a supprimé une mention superfétatoire à l'application des dispositions pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, déjà prévue à l'article 23 du présent projet de loi (amendement COM-145 des rapporteurs).

La commission a adopté l'article 25 ainsi modifié.

Article 26
Transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale à des juridictions administratives
de droit commun spécialement désignées

L'article 26 tend à conférer une habilitation au Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transférer le contentieux de la tarification sanitaire et sociale à des juridictions administratives.

Ce contentieux relève actuellement de tribunaux interrégionaux en premier ressort et d'une cour nationale en appel dont la particularité est de comporter en leur sein des assesseurs représentants des usagers et des établissements sanitaires et médico-sociaux.

La mission d'inspection des juridictions administratives a mis à jour en 2020 un certain nombre de difficultés rencontrées par ces juridictions spécialisées, tout en relevant la prégnance de plus en plus grande des questions de procédure et des règles de droit tandis que le contentieux soulevait moins de questions d'appréciation susceptibles d'intéresser les échevins issus du milieu sanitaire et social.

L'article 26 propose de conférer une habilitation à légiférer par ordonnance au Gouvernement afin de transférer ce contentieux à des juridictions administratives de droit commun. Dans ce cadre, il est projeté de désigner un nombre limité de tribunaux administratifs et une cour administrative d'appel afin de couvrir le territoire selon un maillage interrégional identique à aujourd'hui et de pouvoir spécialiser certains magistrats administratifs en la matière.

La commission a accepté le principe de ce transfert, mais souhaité inscrire directement dans la loi les dispositions nécessaires, plutôt que de s'en remettre au Gouvernement dans le cadre d'une habilitation.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

1. Le système actuel : des juridictions administratives spécialisées pour juger du contentieux de la tarification sanitaire et sociale

Le contentieux de la tarification sanitaire et sociale concerne deux types de litiges :

- la contestation, par les établissements sanitaires et médico-sociaux (ESMS), des décisions prises par les arrêtés de tarification et fixant leurs budgets;

- et, dans une moindre mesure selon le Syndicat de la juridiction administrative (SJA), la contestation par les personnes prises en charge par ces établissements ou leurs ayants-droit des décisions tarifaires les concernant (par exemple, le prix de journée en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes).

Ce contentieux relève de juridictions administratives spécialisées.

En premier ressort, les tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale (TITSS) institués par l'article L. 351-2 du code de l'action sociale et des familles sont compétents. Il en existe cinq répartis sur toute la France : Bordeaux, Lyon, Nancy, Nantes et Paris.

Ces juridictions, présidées par un conseiller d'État ou un président de tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, sont composées à parité de représentants de l'administration et de représentants des ESMS et des usagers, nommés au sein d'une liste proposée par les représentants à la conférence régionale de la santé et de l'autonomie.

La majorité des rapporteurs chargés de préparer les dossiers sont des magistrats administratifs et depuis 2012349(*), les greffes de ces tribunaux sont assurés, sous l'autorité de leur président, par des agents affectés auprès des cours administratives d'appel de leur siège.

Les décisions rendues par les TITSS peuvent faire l'objet d'un appel devant la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale (CNTSS), dans le mois suivant leur notification. Comme son nom l'indique, cette cour a un ressort national. Elle est présidée par le président de la section sociale du Conseil d'État ou, en son absence, par un conseiller d'État désigné par le vice-président du Conseil d'État, et comprend des membres nommés au sein d'une liste établie par les ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l'action sociale et au sein d'une liste proposée par le collège formé des membres du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale (CNOSS) siégeant comme représentants des institutions et des établissements de santé, des établissements sociaux, publics ou privés, et des établissements assurant une activité de soins à domicile et représentants des usagers de ces institutions et établissements.

Le Conseil d'État est juge de cassation des décisions de la CNTSS et compétent pour assurer l'exécution des décisions des juridictions de la tarification sanitaire et sociale.

2. La réforme proposée : transférer le contentieux de la tarification sanitaire et sociale aux juridictions administratives de droit commun

L'article 26 du projet de loi propose de mettre fin à la spécificité du traitement du contentieux de la tarification sanitaire et sociale en le renvoyant aux juridictions de droit commun.

La réforme, qui prend dans le projet de loi la forme d'une habilitation à légiférer par ordonnance, entend a priori comprendre des règles de compétence territoriale de nature à conserver une certaine spécialisation des juridictions. Les tribunaux administratifs désignés conserveraient une compétence interrégionale et une unique cour administrative d'appel serait compétente sur tout le territoire.

Selon l'étude d'impact, qui s'appuie sur les travaux de la mission permanente d'inspection des juridictions administratives menés en 2020, le transfert serait justifié par :

- les difficultés rencontrées pour composer ces juridictions en raison du manque de disponibilité des magistrats et des échevins ;

l'importance croissante des questions purement juridiques, au détriment des questions d'appréciation qui justifient plus particulièrement la participation d'échevins issus du milieu sanitaire et social ;

- une obsolescence de la procédure applicable : faute de mise à jour des textes la concernant, elle n'est pas dématérialisée.

Enfin, le contentieux de la tarification sanitaire et sociale est en diminution constante depuis 2014 et le nombre de litiges, désormais inférieur à 250 par an, ne justifierait plus l'existence d'une juridiction spécialisée.

Source : Extrait de l'étude d'impact du projet de loi

3. La position de la commission : inscrire directement dans la loi la réforme proposée

La commission a pris bonne note de la transformation du contentieux depuis une dizaine d'années, en raison notamment de la mise en place d'outils de contractualisation pluriannuelle entre les autorités de tarification et les établissements, qui rendent de moins en moins utile la compétence des échevins et de plus en plus prégnant le rôle du rapporteur et du commissaire du Gouvernement. Elle a également pris en compte la diminution du contentieux des usagers, de sorte que leur représentation dans la formation de jugement ne paraît plus nécessaire. Dans ces conditions, selon le Syndicat de la juridiction administrative (SJA), la fin de l'échevinage ne devrait pas avoir d'incidence significative sur l'examen des dossiers, ni sur le sens des décisions.

La commission a donc entériné le principe d'un transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale dans le but d'en assurer un meilleur traitement. À l'initiative des rapporteurs, elle a toutefois souhaité supprimer l'habilitation à légiférer par ordonnance et inscrire directement dans la loi la réforme proposée de transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale aux juridictions administratives de droit commun (amendement COM-146). Afin de laisser aux juridictions concernées le temps de s'organiser, elle a prévu une entrée en vigueur au 1er janvier 2024 à l'article 29.

La commission a adopté l'article 26 ainsi modifié.


* 321 Ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat.

* 322 Ou préalablement affectés pendant une durée de deux ans dans les administrations de l'Etat ainsi que dans les établissements publics administratifs de l'Etat pour les magistrats financiers.

* 323 Article L. 234-2-1 du code de justice administrative et article L221-2-1 du code des juridictions financières.

* 324 Voir le IV de l'article 29 du projet de loi.

* 325 Article L. 133-5 du code de justice administrative et article L. 112-3-1 du code des juridictions administratives.

* 326 Le grade d'auditeur a été supprimé et remplacé par un statut d'emploi d'auditeur d'une durée maximale de trois ans depuis le 1er janvier 2022.

* 327 Au 30 avril 2023, 60 conseillers référendaires sont en position de détachement, pour 86 en fonction dans les chambres à la Cour.

* 328 Un magistrat de la chambre concernée ayant au moins le grade de premier conseiller peut être désigné pour une période qui ne peut excéder un an.

* 329 Articles R. 212-12 et R. 212-13 du code des juridictions financières.

* 330 Ils ne peuvent pas être promus dans la chambre où ils sont affectés au moment de leur promotion.

* 331 Il est à noter que les enjeux d'un changement de section à la Cour ne sont pas identiques à celles dans les chambres régionales et territoriales dans lesquelles les nombres de sections sont plus réduits.

* 332 Article 28-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 333 Article 19 de la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes.

* 334 La durée de quinze ans est en revanche maintenue pour accéder au grade de conseiller maître au dix-huitième tour (Article L. 122-3 du code des juridictions financières).

* 335 Article 28-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 336 Article L. 234-6 du code de justice administrative.

* 337 Article 13 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 338 Article L. 231-9 du code de justice administrative.

* 339 Projet de loi n° 622 (2021-2022) ratifiant l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.

* 340 L'étude d'impact est totalement lapidaire - six lignes -, ne procédant même à aucun rappel sur le contenu même de la réforme.

* 341  https://www.conseil-etat.fr/content/download/157920/file/Com.%20presse%20-%20Contentieux%20des%20ordonnances%20vf.pdf

* 342 Comme l'a relevé le Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017 sur la loi organique pour la confiance dans la vie politique, que les modalités selon lesquelles les violations des règles relatives au cumul de l'indemnité parlementaire avec d'autres rémunérations sont déférées devant le juge des comptes n'ont pas le caractère organique.

* 343 Cet accord a été conclu avant le renouvellement général des instances représentatives du personnel qui se sont déroulées dans les trois fonctions publiques le 8 décembre 2022.

* 344 Article L. 221-3 du code général de la fonction publique.

* 345 Par ailleurs, sont membres de droit, mais sans pouvoir prendre au vote, un membre du Conseil d'Etat et un membre de la Cour des comptes désignés par arrêté du ministre chargé de la fonction publique.

* 346 L'Association des magistrats de la Cour des comptes est une organisation professionnelle.

* 347 L'article 11 de l'accord interministériel du 26 février 2022 précise qu'un second accord doit être négocié en matière de prévoyance statutaire et de prévoyance complémentaire, notamment concernant les risques d'incapacité de travail, d'inaptitude, d'invalidité et de décès. Sur cette base, un accord de méthode relatif à ces négociations a été signé le 4 avril 2022 et l'accord est encore en négociation.

* 348 Est évoqué un montant de 35 euros, au lieu de 15 euros actuellement.

* 349 Décret n° 2012-433 du 30 mars 2012 relatif aux greffes des tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale et de la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale.