V. RENFORCER LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE SOCIALE
A. UNE ESTIMATION DÉSORMAIS RAISONNABLEMENT PRÉCISE DES SOMMES EN JEU
Dans son rapport fait pour la commission des affaires sociales du Sénat en 2020, la Cour des comptes estimait ne pas pouvoir réaliser de chiffrage global de la fraude aux prestations sociales.
La situation a depuis progressé : selon la Cour des comptes (Ralfss 2023), s'appuyant notamment sur des extrapolations dans le cas de l'assurance maladie, le coût de la fraude aux prestations serait compris entre 6 et 8 Md€.
La fraude sociale
Fraude aux prestations (Cour des comptes, |
Fraude aux cotisations (Haut conseil |
Selon la Cour des comptes, dans le cas de l'assurance maladie, la fraude (environ 4 Md€) serait majoritairement le fait de professionnels de santé ; dans le cas de la branche famille, la fraude (environ 3 Md€) serait principalement concentrée sur le revenu de solidarité active (RSA), la prime d'activité et les aides au logement. Dans le cas des cotisations, la fraude (plus de 8 Md€) correspondrait majoritairement au travail dissimulé.
La fraude aux faux numéros de sécurité sociale correspond à un enjeu relativement mineur, comme le sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales du Sénat, l'avait démontré dès 2019, en s'appuyant notamment sur l'examen d'un échantillon représentatif de 2 000 dossiers, réalisé à sa demande par les administrations concernées.
En ce qui concerne le parc de cartes Vitale « surnuméraires », la direction de la sécurité sociale indique qu'entre 2019 et 2022, leur nombre est passé de 600 000 à environ 3 000, et qu'il s'agissait essentiellement de cartes perdues, remplacées sans que les anciennes n'aient été désactivées.
B. LE PLAN DU GOUVERNEMENT
Le 30 mai 2023, le ministre délégué chargé des Comptes publics a annoncé un plan de lutte contre la fraude sociale.
Plusieurs des mesures annoncées par le Gouvernement ont d'ores et déjà été votées.
C'est le cas, notamment, de l'entrée en vigueur dès le 1er juillet 2023 de l'obligation de verser sur un compte domicilié en France ou dans la zone Sepa les prestations sociales soumises à condition de résidence en France, prévue en LFSS 2023 à l'initiative de la sénatrice Nathalie Goulet, et de l'allongement de six à neuf mois par année civile de la durée de résidence en France à laquelle est conditionnée l'ouverture des droits à l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), inscrit à l'initiative du président Bruno Retailleau en LFRSS 2023 et qui sera applicable à compter du 1er septembre 2023.
Ce plan prévoit de fusionner la carte nationale d'identité et la carte Vitale. Un rapport de l'Igas et de l'IGF d'avril 2023, rendu public, indique que le directeur général de la Cnam a fait part de ses « très fortes réserves » à ce sujet.
Il ne faudrait pas que la focalisation sur le sujet médiatique des cartes Vitale surnuméraires amène à se détourner des principaux enjeux de lutte contre la fraude.
Les années récentes montrent de nombreux exemples de mesures de lutte contre la fraude annoncées, et même votées, et non suivies d'effet (comme le souligne la Cour des comptes dans le chapitre du Ralfss 2023 consacré à la lutte contre la fraude aux prestations). Par ailleurs, les annonces d'augmentation du nombre de contrôles et de renforcement des moyens humains doivent encore se concrétiser.
La commission vérifiera que les dispositions législatives sont effectivement appliquées et que l'augmentation des moyens n'est pas un simple effet d'annonce.
La commission ne peut approuver un projet de loi reprenant des comptes 2021 et 2022 manifestement erronés, correspondant à des montants que la Cour des comptes a refusé de certifier, et dont les annexes ne respectent pas des obligations essentielles de la loi organique, en particulier en matière de mise à jour des Repss et d'évaluation des niches sociales.
Aussi, la commission des affaires sociales a adopté une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi.