EXAMEN EN COMMISSION

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JEUDI 05 OCTOBRE 2023

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons ce matin la proposition de loi renforçant la sécurité des élus et la protection des maires.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Nous sommes réunis pour la première fois de la session pour traiter d'un sujet particulièrement important pour la démocratie locale et que je sais cher à chacun d'entre nous : celui de la protection des élus locaux et de la sécurité des maires.

L'actualité nous rappelle régulièrement à quel point ces violences se multiplient et montent en intensité, comme en témoignent la tragique attaque à la voiture bélier dirigée contre le domicile du maire de L'Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun, ou encore l'incendie volontaire du domicile et des véhicules de Yannick Morez, maire démissionnaire de Saint-Brevin-les-Pins.

Ces événements ont mis en pleine lumière les violences auxquelles les élus locaux, et en particulier les maires, sont confrontés dans l'exercice quotidien de leur mandat. Elles se traduisent par des incivilités, des injures, des menaces, voire des agressions physiques contre eux-mêmes ou leurs proches.

Ces violences sont évidemment intolérables. La démission d'un maire constitue, assurément, un échec de notre République, plus encore quand elle intervient à la suite de violences. La République ne peut donc rester sans réaction face à ces actes qui mettent en danger la sécurité des élus locaux, de leurs proches et celle de notre pacte républicain : l'agression d'un maire, c'est une attaque contre la République. Face à l'urgence de la situation et pour pallier l'inaction du Gouvernement, François-Noël Buffet, Françoise Gatel, Mathieu Darnaud, Bruno Retailleau, Hervé Marseille et Maryse Carrère ont déposé une proposition de loi, cosignée par plus de 200 de nos collègues. Elle est composée de quatorze mesures concrètes et opérationnelles visant à améliorer la protection des élus locaux et à traduire législativement des recommandations formulées de longue date par le Sénat.

Soucieuse depuis plusieurs années de répondre efficacement à l'augmentation croissante des violences commises sur les élus locaux, la commission des lois du Sénat a engagé - à la suite du tragique décès du maire de Signes, Jean-Mathieu Michel, en août 2019 - plusieurs travaux afin de quantifier ces phénomènes et d'y apporter des réponses concrètes et opérationnelles. Ainsi, le plan pour une plus grande sécurité des maires, présenté par Philippe Bas, a permis de mettre en lumière l'ampleur des violences à l'égard des élus. De premières avancées ont été traduites, notamment grâce au travail des rapporteurs Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, dans la loi de 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite «  Engagement et proximité ». D'autres initiatives sénatoriales ont suivi, notamment une proposition de loi de Nathalie Delattre, visant à renforcer les possibilités de constitution de partie civile en cas d'agression d'élus et que j'ai eu l'honneur de rapporter.

Toutefois, force est de constater que si les élus locaux, et singulièrement les maires, doivent bénéficier, à tout moment, de la protection effective de notre République, celle-ci est aujourd'hui largement perfectible.

Les récents drames qui ont frappé respectivement les maires de L'Haÿ-les-Roses et de Saint-Brevin-les-Pins marquent le franchissement d'un cap. Ces événements tragiques ne constituent pourtant que la partie visible d'un phénomène plus latent et en pleine expansion.

Selon les derniers chiffres publiés par le ministère de l'intérieur, près de 2 265 plaintes ou signalements pour des faits de violence verbale ou physique à l'encontre des élus ont été recensés en 2022, soit une hausse de 32 % par rapport à l'année précédente.

D'après les données qui m'ont été transmises par la direction générale de la police nationale (DGPN), dans près de trois quarts des cas, ce sont les maires qui sont visés. Plus de 12 % de ces faits constituent des violences physiques, tandis que les atteintes par paroles et écrits - menaces, menaces de mort, outrages et injures, diffamation, usurpation d'identité - en représentent 76 %.

Face à l'essor des violences, nombreux sont les élus locaux qui considèrent que les réponses apportées par les acteurs judiciaires et étatiques demeurent insuffisantes.

Les sanctions aujourd'hui encourues par les auteurs de ces faits n'offrent pas, au regard de leur faiblesse, des peines suffisamment dissuasives afin de prévenir ces actes ou d'empêcher leur récidive. En particulier, les suites judiciaires apparaissent encore trop peu fréquentes. Souvent découragés par la lenteur des procédures, par le manque de temps et la volonté de ne pas aggraver la situation, nombre d'élus renoncent à déposer plainte.

Parallèlement, le manque d'informations quant aux suites données aux plaintes et signalements des élus contribue à éroder le lien de confiance entre les élus locaux et la justice. À l'inverse, la pénalisation croissante de la vie publique locale et le nombre toujours plus élevé de mises en cause d'élus locaux devant les tribunaux qui en résulte appellent à une évolution des pratiques afin de renouveler le dialogue entre les parquets et les maires.

Les conséquences de ces violences ne peuvent plus être négligées par l'État. Comme l'ont montré les travaux de la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France rapportée par Mathieu Darnaud, les violences envers les élus constituent une véritable menace planant sur notre démocratie locale en ce qu'elles risquent d'alimenter la vague de plus en plus importante des démissions d'élus municipaux et de provoquer une érosion des vocations électorales.

En dépit de multiples travaux sénatoriaux, conduits depuis 2019, notamment par la commission des lois, concluant à la nécessité de renforcer la protection des élus locaux, force est de constater que le Gouvernement a tardé à prendre toute la mesure d'un phénomène dont l'ampleur croît pourtant chaque année, et à agir afin de l'enrayer. Je salue donc le travail de fond que nous, sénateurs, avons continué de mener, et me réjouis qu'aujourd'hui nous puissions, ensemble, faire oeuvre utile en la matière.

La proposition de loi que nous examinons est articulée autour de trois axes et comporte quatorze mesures concrètes et opérationnelles pour améliorer la protection des élus locaux.

Le premier axe vise à renforcer l'arsenal répressif pour mieux protéger les élus locaux dans l'exercice de leur mandat en alignant les peines en cas de violences commises contre les élus sur le régime existant pour les dépositaires de l'autorité publique, tels que les policiers ou les pompiers, et en instituant une peine de travail d'intérêt général en cas d'injure publique à l'encontre des élus locaux, ainsi qu'une nouvelle circonstance aggravante pour les cas de harcèlement des élus locaux.

Le deuxième axe s'attache à améliorer la prise en charge des élus victimes de violences, d'agressions ou d'injures dans le cadre de leur mandat ou d'une campagne électorale. Pour ce faire, il s'agit de rendre automatique l'octroi de la protection fonctionnelle aux élus, d'imposer la prise en charge par l'État des coûts de couverture assurantielle pour la protection fonctionnelle à toutes les communes de moins de 10 000 habitants et d'améliorer la prise en charge pour les élus victimes des restes à charge et dépassements d'honoraires en leur garantissant un reste à charge zéro.

Dans un contexte de crise des vocations électorales, deux mécanismes destinés à protéger les candidats aux élections sont également proposés : l'élargissement du bénéfice de la protection fonctionnelle pendant la campagne électorale aux candidats et la prise en charge par l'État des dépenses de sécurisation engagées par les candidats. Enfin, le texte améliore l'accès des élus aux assurances pour leurs locaux politiques et permanences parlementaires.

Le troisième axe vise à renforcer la prise en compte des réalités des mandats électifs locaux par les acteurs judiciaires et étatiques. Le texte prévoit, en conséquence, de créer un mécanisme de dépaysement d'office des affaires lorsqu'un élu est mis en cause, tout en maintenant au sein de la juridiction les affaires dans lesquelles un élu est victime pour éviter que l'élu ne se retrouve à la fois mis en cause et pris en charge comme victime par le même procureur. Il est par ailleurs proposé d'améliorer l'information des maires par les parquets concernant les suites données à leurs plaintes et signalements pour faciliter leur compréhension des décisions judiciaires, de permettre aux procureurs de s'exprimer dans les bulletins municipaux et de renforcer la présence des préfets et des procureurs au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).

Je souscris pleinement à l'ensemble des mesures qui figurent dans cette proposition de loi. Elles ont également été unanimement saluées par les associations d'élus locaux auditionnées au cours de mes travaux.

Ces mesures apportent une première réponse aux difficultés que rencontrent les élus locaux, singulièrement les maires, dans l'exercice quotidien de leur mandat pour assurer leur sécurité et leur intégrité. C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter huit des quatorze articles du texte sans modification.

S'agissant des mesures restantes, je me suis attachée à travailler dans quatre directions.

En premier lieu, il m'est apparu nécessaire d'étendre le bénéfice de plusieurs des dispositifs proposés à de nouvelles catégories d'élus ou aux candidats aux élections locales ; le champ d'application initial de certaines mesures me semblant inutilement restrictif. À ce titre, je suggère d'étendre le dispositif d'octroi automatique de la protection fonctionnelle aux conseillers régionaux et départementaux exerçant des fonctions exécutives, qui sont eux aussi confrontés à des agressions plus fréquentes et doivent pouvoir bénéficier d'une protection effective. Par ailleurs, j'estime nécessaire de permettre aux candidats déclarés aux élections locales de saisir le bureau central de tarification pour assurer les lieux dans lesquels ils organisent des réunions électorales et d'étendre les modifications apportées aux réunions des CLSPD à celles des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) lorsque les élus les ont constitués.

En deuxième lieu, j'ai été particulièrement vigilante à l'opérationnalité des mesures proposées tant les élus attendent des réponses efficaces et simples à leurs difficultés quotidiennes. C'est pourquoi j'ai souhaité préciser les dispositions visant à élargir le bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats pour qu'elle ne s'applique qu'à une période de six mois avant le scrutin et qu'aux seuls élus dont la menace sur leur sécurité est avérée. Je vous proposerai, en complément, de confier la responsabilité de l'instruction desdites demandes de remboursement à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Enfin, compte tenu des délais nécessaires au déploiement des mesures prévues par cet article, il me semble utile de reporter l'entrée en vigueur de celles-ci d'un an après la promulgation de la loi, comme nous l'ont suggéré les services du ministère de l'intérieur. Poursuivant ce même objectif d'opérationnalité des mesures, je vous proposerai de maintenir le principe d'un dépaysement automatique des affaires mettant en cause, comme auteur, tout élu, mais de rétablir la faculté offerte au procureur de la République de dépayser les affaires dans lesquelles un élu serait victime.

En troisième lieu, certains dispositifs doivent également être mieux encadrés pour ne pas grever de manière disproportionnée les budgets communaux. C'est pourquoi je vous proposerai de préciser que, dans le cadre de la protection fonctionnelle accordée aux élus victimes, les communes ne sont tenues de prendre en charge que les restes à charge et dépassements d'honoraires médicaux et psychologiques, selon un barème de prise en charge fixé par décret.

Enfin, il m'est apparu utile d'introduire deux mesures complémentaires appelées de leurs voeux par les élus locaux et destinées à renforcer encore davantage l'arsenal répressif en cas de violences commises à leur encontre. En conséquence, je vous propose, par un amendement identique à un amendement proposé par nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, d'allonger les délais de prescription de trois mois à un an pour les délits d'injure et de diffamation publiques lorsqu'ils sont commis sur les personnes dépositaires de l'autorité publique et notamment les élus locaux. Ces derniers sont encore trop souvent confrontés à l'inadaptation de ces délais, enserrant leurs possibilités d'action judiciaire contre les délits de presse, aux évolutions technologiques qui permettent non seulement la persistance de la diffusion de tels contenus dans l'espace public, mais surtout en facilitent l'accessibilité.

Enfin, je vous proposerai de créer une nouvelle circonstance aggravante en cas d'atteinte à la vie privée et familiale d'un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale, prenant ainsi en compte le contexte de crise des vocations électorales et d'aggravation des violences commises à leur encontre.

Je conclurai ce propos en remerciant les auteurs de la proposition de loi de leur travail qui pourra, je le crois, nous réunir par-delà nos divergences politiques pour améliorer la protection des élus locaux.

Je souhaite toutefois rappeler que, si le Gouvernement semble aujourd'hui soutenir cette initiative et si toutes ces mesures vont dans le bon sens, les évolutions législatives ne sauraient suffire en la matière. J'appelle donc le Gouvernement à assurer la pleine et juste application de celles-ci et à engager un changement profond de culture des acteurs judiciaires et étatiques, qui ne peuvent plus rester passifs face à ces problèmes.

Mme Cécile Cukierman. - Je souhaite remercier Catherine Di Folco pour son rapport. Permettez-moi en préambule d'avoir une pensée pour Jacques Blanchard, deuxième adjoint au maire de Rozier-Côtes-d'Aurec, dans la Loire, agressé ce week-end pour une remarque à un administré sur le non-respect d'un feu tricolore.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans la continuité d'un certain nombre de nos travaux. Elle répond à une actualité et à des problèmes de plus en plus récurrents : menaces, insultes, agressions, voire tentatives de meurtres d'élus. Elle s'inscrit également dans la continuité du rapport de la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France, publié l'été dernier. Plus largement, force est de constater que, dans notre société, la violence est de plus en plus forte. J'en veux pour preuve les images de violence en tout genre diffusées un peu partout. Inévitablement, cette violence touche également des élus incarnant l'autorité.

Cette proposition de loi peut apporter des réponses, mais elle n'endiguera en rien cette problématique de violence et de crise de l'autorité à laquelle l'ensemble de la société française, et pas seulement les élus, est confronté.

Nous devons avoir une véritable réflexion sur les délais de justice, sans remettre en cause l'indépendance de cette dernière. Je pense au maire de Chirassimont, Jean-Paul Jusselme, qui attend depuis six ans maintenant les suites qui seront données à l'agression dont il a été la victime lors d'une fête patronale.

La problématique qui s'ouvre notamment pour les élections municipales de 2026 ne peut se réduire à la seule question de la sécurité des élus. Faisons également attention à l'image que nous renvoyons : tous les élus, heureusement, ne se font pas agresser. Beaucoup d'élus sont aussi reconnus par leurs concitoyens pour tout ce qu'ils font au quotidien. Attelons-nous également à résoudre la crise de l'engagement et la difficulté d'être un élu local aujourd'hui. À la suite de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles dite « MAPTAM » et de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République dite « NOTRe », la place des communes et des élus municipaux a perdu durablement de son sens.

Vous l'aurez compris, en l'état, nous voterons en faveur cette proposition de loi.

M. Marc-Philippe Daubresse. - Je salue cette proposition de loi qui répond à de réels besoins. La moitié des membres cette commission a fait campagne récemment : nous avons tous pu constater le découragement et la lassitude des maires.

L'article 1er de ce texte traduit l'une des propositions du rapport de Philippe Bas de 2019, et reprend un amendement que nous avions voté à une très large majorité lors de l'examen de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur dite « LOPMI », dont j'étais rapporteur, adopté dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale, mais retoqué par la suite par le Conseil constitutionnel au motif qu'il traitait d'un sujet de justice dans une loi sur la police et constituait de ce fait un cavalier législatif. Nous avons redéposé cet amendement lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, présentée par le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution ! Tout cela alimente le sentiment d'impuissance publique. Les maires, dont nous sommes ici les porte-parole, nous le reprochent. Je me félicite donc de le voir repris, cette-fois ci dans le texte initial d'une proposition de loi.

Je ne doute pas que cette proposition de loi sera adoptée à une large majorité, mais il faudra qu'elle ait des suites rapides. À défaut, nous risquerions d'alimenter les extrêmes.

La protection fonctionnelle des élus, dès lors qu'ils sont victimes de diffamation ou de violences physiques, doit être de droit. Ils rencontrent de nombreuses difficultés procédurales à cet égard, il nous revient d'améliorer les choses en la matière. N'oublions pas qu'ils sont les représentants du peuple. J'ai été moi-même maire pendant vingt-neuf ans, j'ai été victime à deux reprises de violences physiques. Le chauffard que j'ai arrêté en état d'ivresse il y a onze ans a été condamné, mais il n'a toujours pas exécuté sa peine !

M. Mathieu Darnaud. - Je souscris pleinement à la philosophie du texte que nous examinons. Nous faisons en effet un constat effrayant : plus de 1 078 maires ont démissionné depuis 2020, sans compter les démissions nombreuses de conseillers municipaux, soit un phénomène jamais observé sous la Ve République. Face à l'ampleur des violences physiques, verbales et parfois virtuelles - sur les réseaux sociaux - dont les élus sont victimes, nous devons renvoyer le Gouvernement à ses obligations. J'estime que ce texte est efficient, mais il doit être suivi par des mesures très claires , je pense notamment aux acteurs judiciaires qui doivent s'emparer du sujet. Des bonnes pratiques existent comme à Amiens par exemple, où le procureur a mis en place une cellule dédiée au traitement des violences commises à l'encontre des élus locaux et l'a dotée d'un ETP. En effet, les élus se sentent seuls, notamment dans les territoires ruraux isolés. Pour cette raison, l'automaticité de la protection fonctionnelle est importante. Il faut aussi toutefois une plus grande écoute de la part de la justice. Les élus locaux doivent avoir les moyens de se défendre et de se faire entendre. Certains d'entre eux renoncent parfois à engager des poursuites à l'issue de leur agression parce qu'ils se sentent désemparés. L'audition du maire de Saint-Brevin-les-Pins, Yannick Morez, devant notre commission l'a montré : l'État n'est pas toujours à l'écoute des maires. Cette audition semble heureusement avoir suscité une prise de conscience depuis plusieurs mois. Des moyens demeurent néanmoins nécessaires, notamment autour des procureurs de la République ; les mesures législatives ne pourront pas à elles seules résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les élus.

M. Alain Marc. - Une formation spécifique devrait être dispensée aux magistrats concernant la situation des élus locaux, car souvent ils ne savent pas ce qui se passe dans les communes.

Les délais sont en outre trop longs entre la commission d'une infraction et la sanction qui en résulte. Nous pouvons ainsi nous interroger sur la valeur pédagogique réelle de travaux d'intérêt général effectués quinze mois après les faits.

Nombre de maires ne veulent pas se représenter ou démissionnent. Il convient donc de se pencher plus largement sur la question du statut de l'élu, d'autant que certains maires, qui ont cumulé leurs fonctions avec l'exercice d'un emploi à mi-temps, se retrouvent avec des retraites dérisoires alors qu'ils ont beaucoup donné à la Nation.

Il y aurait également des points à revoir au sein du code électoral, si possible d'ici au prochain renouvellement municipal de 2026. Ainsi, de nombreux maires de petites communes souhaitent que le scrutin de liste soit étendu aux communes de moins de 1 000 habitants, pour éviter les mandats non pourvus.

M. François Bonhomme. - Au vu de la forte augmentation du nombre de plaintes et de signalements pour violences verbales ou physiques à l'égard des élus, un renforcement de l'arsenal répressif est nécessaire, d'autant que les élus ont un fort sentiment de solitude. Les mesures de protection proposées dans le texte me semblent donc bienvenues. La création d'une circonstance aggravante en cas de harcèlement contre les élus constitue à cet égard un signal fort. Je soutiens également les mesures de dépaysement d'office et de simplification de l'octroi de la protection fonctionnelle qui figurent dans le texte.

De façon plus générale, les élus semblent être devenus des cibles de choix dans un contexte global de dégradation de l'exercice de l'autorité publique, qui touche aussi bien les élus que les juges, les forces de police, les professeurs, voire les médecins.

On se heurte cependant parfois sur ce point au droit de la presse, pour toutes les questions relatives à la liberté d'expression. Si ces derniers sont, certes, fondamentaux, le confort octroyé par l'anonymat sur internet autorise nombre de dérives inquiétantes.

Une réflexion est aussi à mener sur l'attitude paradoxale qui consiste, de la part de certains élus, à déplorer d'un côté l'affaiblissement de l'autorité publique, tout en alimentant, de l'autre, en d'autres circonstances, l'agitation et la contestation de tout acte d'autorité.

Mme Françoise Gatel. - La question qui nous préoccupe, et qui doit préoccuper toute la République, est de savoir comment faciliter et sécuriser l'engagement des citoyens qui deviennent des élus. Le sujet dont nous parlons aujourd'hui, à savoir celui des agressions, en est l'un des volets. Outre les nombreuses démissions d'élus locaux, nous avons observé lors des élections municipales de 2020 que 110 communes n'ont pas eu de candidats, contre 80 communes lors des élections précédentes. La crise de l'engagement est ainsi notable. Or, si le phénomène de violence dont nous parlons y participe, il n'en est pas la première cause. On observe en premier lieu une lassitude liée aux difficultés que rencontrent les élus pour agir.

La proposition de loi que nous examinons, complétée par les amendements du rapporteur, couvre les champs de la prévention et de l'éducation. Un volet de sanctions est également prévu, ayant aussi un caractère éducatif.

Une première prise de conscience a eu lieu concernant les violences commises à l'encontre des élus locaux en 2019, après le décès du maire de Signes. Nous avons pu déplorer à l'époque les lenteurs de la justice.

De nombreuses mesures sont prises aujourd'hui dans les départements. Dans les zones « gendarmerie », des formations sont ainsi prévues par le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) à destination des élus, comprenant des apports concrets en matière de gestion des conflits. Cela me paraît très utile. Des réunions sont également programmées, rassemblant procureurs, gendarmes et policiers, en vue d'organiser le bouclier républicain dont les maires ont besoin.

Nous sortons d'une période marquée par un « élu bashing » insupportable. Le monde de la justice avait en effet une sorte de défiance à l'égard des élus. La justice doit être plus agile, plus réactive et plus rapide.

Parmi les sujets importants à traiter figure la question des assurances. Le rapporteur propose de favoriser la prise en charge du coût des assurances pour les élus, maisla difficulté des collectivités à trouver des assureurs disponibles doit également être prise en compte.

Il faut aussi traiter le problème des recours abusifs, dont certaines personnes se font parfois les spécialistes, sur tous les actes de leurs maires. Certains maires de petites communes enregistrent ainsi parfois 40 000 euros par an de frais d'avocats, pour cette seule raison !

M. Thani Mohamed Soilihi. - Le texte que nous examinons concrétise le plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus présenté par le Gouvernement en juillet dernier.

La question de la sécurité des élus locaux transcende les clivages politiques, d'autant que l'intensité des violences a monté d'un cran, comme l'exemple du maire de Saint-Brevin-les-Pins l'a montré. Comme le souligne le politologue Luc Rouban : « l'élu n'est pas menacé ou agressé en tant qu'adversaire politique, mais haï en tant que tel. L'une des raisons principales de la défiance vis-à-vis des élus est l'anomie. » Les attaques commises à l'encontre des élus participent d'une remise en cause du modèle républicain et de la démocratie représentative. En effet, s'en prendre à un élu revient à s'en prendre à la République et à piétiner la démocratie.

Il est urgent de mieux protéger les élus contre les violences. Les mesures de prévention prévues par le plan du Gouvernement, portée par Dominique Faure, trouvent leur traduction dans la présente proposition de loi, ce dont nous nous satisfaisons. Nous voterons donc ce texte. Une réflexion devra néanmoins être engagée sur la poursuite de notre action, pour leur application concrète.

M. Hussein Bourgi. - Cette proposition de loi est particulièrement bienvenue, car elle vient compléter et parfaire l'arsenal législatif existant. Plusieurs faits divers ont dû survenir pour que cela ait lieu. La démission spectaculaire du maire de Saint-Brevin-les-Pins a ainsi servi d'électrochoc pour l'opinion publique. Ce dernier, qui a continué à témoigner, est devenu le porte-voix de tous ses collègues victimes de violences au quotidien. Plusieurs initiatives législatives avaient été prises ces dernières années, mais n'ont pas prospéré. Il a fallu cet électrochoc pour que le Gouvernement s'empare réellement du sujet à travers un plan.

Le texte que nous examinons comporte plusieurs dispositions nécessaires, dont certaines étaient contenues déjà dans la proposition de loi déposée par Éric Kerrouche et Didier Marie en juin dernier. L'extension du délai de prescription pour des faits d'injure ou de diffamation publiques à l'encontre d'un élu de trois mois à un an est notamment particulièrement bienvenue. Il arrive en effet souvent que des calomnies ou des diffamations soient découvertes sur les réseaux sociaux avec plusieurs mois de décalage. Il était nécessaire de mettre fin à cette impunité.

Cependant, trois points du texte nous laissent dubitatifs. L'encart réservé aux procureurs de la République dans les bulletins municipaux représente une charge de travail trop importante pour des magistrats déjà très sollicités. De plus, dans les petites communes, les bulletins étant édités une fois par trimestre, voire une fois par semestre, ces encarts paraîtront inévitablement avec un important décalage par rapport au dépôt de plainte ou au jugement qu'ils concerneront, dont les quotidiens régionaux se seront sans doute fait l'écho sur le moment. La presse quotidienne régionale peut donc déjà assurer la communication nécessaire auprès du grand public, et ces encarts paraissent superflus.

Par ailleurs, la proposition de doter les candidats en campagne d'une protection de sécurité soulève d'importants risques d'abus. Où placer le curseur entre un échange un peu vif qui aura pu avoir lieu sur un marché et de véritables violences ou agressions ? La prudence est de mise à ce titre, pour que les préfectures ne croulent pas sous les demandes de protection renforcée pendant les campagnes.

Enfin, la règle veut d'ores et déjà que les CLSPD se tiennent en présence du directeur départemental de la police nationale ou de la gendarmerie nationale et du procureur de la République. Je ne vois donc pas l'intérêt de l'inscrire dans la loi.

Pour conclure, le fait que vous ayez, monsieur le président, déclaré l'un de mes amendements irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution m'a beaucoup chagriné, d'autant que cela a été fait sur le fondement de l'article 28 ter du règlement du Sénat, aujourd'hui abrogé.

Cet amendement visait à étendre la protection fonctionnelle à tous les conseillers municipaux, majoritaires et minoritaires. Or j'ai entendu tout à l'heure, avec beaucoup de gratitude, le rapporteur proposer d'étendre cette protection aux élus départementaux et régionaux. Pourquoi ne pas faire de même avec les élus municipaux ? Je porterai ce débat dans l'hémicycle, et j'espère que vous me soutiendrez pour que le Gouvernement reprenne cette disposition à son compte. En effet, les agresseurs ne font pas la distinction entre la majorité et la minorité. Les élus sont accusés de tous les maux sans distinction.

M. François-Noël Buffet, président. - Je vous dois une excuse pour cette erreur de référence : l'article 17 du Règlement, qui reprend sans modification la teneur de l'article 28 ter, aurait dû être visé ! Sur l'autre point, nous vous répondrons.

M. Éric Kerrouche. - Je remercie le rapporteur pour son travail sur ce texte présenté dans un contexte particulier. On pense à tous les maires qui ont été victimes de violences, ou de pressions venues de l'extrême droite, mais aussi aux démissions d'élus locaux, notamment de conseillers municipaux, en nombre inédit, ce qui traduit un malaise.

Les violences dont il est question se prêtent à des études objectives. L'enquête du Cevipof sur les maires de France montre une progression inédite de 10 % des incivilités entre 2020 et 2022 ; les injures et les menaces verbales ou écrites connaissent aussi une augmentation substantielle sur cette période, tandis que les violences physiques progressent dans une moindre mesure.

Le Gouvernement semble vouloir réagir, mais fait peu de propositions. Beaucoup de promesses sont faites ; encore faudrait-il qu'elles puissent être concrétisées.

Nous sommes d'accord sur la plupart des mesures du présent texte. Il faut assurer un équilibre, fragile : mieux défendre les élus, ce qui est absolument nécessaire au vu des actuels débordements, tout en évitant d'alimenter au sein de la population le sentiment selon lequel ils seraient une caste particulièrement protégée.

Ce texte n'aborde cependant qu'un point particulier de la nécessaire défense des élus. Hussein Bourgi a évoqué nos quelques désaccords avec le rapporteur. La possibilité offerte au procureur de s'exprimer dans le bulletin municipal ne me semble pas réaliste. Surtout, il n'est pas normal qu'une autorité non élue s'exprime dans un bulletin municipal. Beaucoup de questions pratiques demeurent : cette expression sera-t-elle ou non limitée comme l'est celle de l'opposition municipale ? La mesure me semble inapplicable.

Au-delà de ce texte, il faudra construire un statut de l'élu pour encourager les vocations électorales. On peut s'interroger sur le taux de renouvellement. Certes, à l'approche des élections municipales, beaucoup annoncent qu'ils abandonnent, pour finalement se représenter, et le taux de renouvellement n'était finalement pas plus élevé en 2020 qu'en 2014, mais des problèmes sérieux demeurent, auxquels seul un statut de l'élu permettra de répondre de façon globale.

Mme Nathalie Delattre. - Je félicite à mon tour le rapporteur pour son travail sur ce sujet que nous devons affronter sans relâche. Je salue les avancées contenues dans ce texte. Concernant la protection fonctionnelle, notre groupe aussi avait déposé un amendement tendant à l'étendre à tous les conseillers municipaux, qui, comme celui de Hussein Bourgi, a été déclaré irrecevable ; pourtant, l'extension de cette protection aux conseillers d'opposition nous paraît indispensable au vu des agressions dont eux aussi sont victimes, vraies attaques contre les fondements mêmes de notre République.

Je salue la prise en compte du temps de la campagne électorale. Plus généralement, le Gouvernement a certes fait des annonces, il y a désormais des référents dans la police et la gendarmerie pour dialoguer avec les élus et enregistrer leurs plaintes. Il reste à s'attaquer à la lenteur de la justice en la matière et aux trop nombreux classements sans suite.

Je partage aussi la volonté de Françoise Gatel d'en faire plus contre les recours abusifs, qui constituent eux aussi une forme de harcèlement des équipes municipales. Trop de communes en souffrent.

Les membres de mon groupe soutiendront cette proposition de loi.

M. Jean-Michel Arnaud. - Je remercie à mon tour le rapporteur pour son important travail sur ce texte. Les élus locaux, en particulier les conseillers municipaux, les maires et leurs adjoints, ressentent un profond malaise. Je regrette comme Hussein Bourgi et Nathalie Delattre que les amendements tendant à étendre la protection fonctionnelle à tous les conseillers municipaux aient été jugés irrecevables. J'ai connu des situations où des élus faisaient l'objet d'agressions collectives : si seuls certains d'entre eux se voient offrir la protection fonctionnelle, cela suscite des tensions. Les conseillers municipaux ruraux sont bénévoles : il serait inacceptable qu'ils soient privés de cette protection alors qu'un conseiller départemental ou régional, qui reçoit une indemnité et bénéficie de services juridiques performants, en bénéficierait ! Je suis contre une telle hiérarchie des élus.

M. Philippe Bas. - Je remercie le président et le rapporteur d'exercer ainsi le devoir de continuité et de vigilance de notre commission. Nous avons pris l'initiative en la matière dès 2019, certains résultats ont été obtenus, pourtant la situation s'est de nouveau dégradée.

Après la mort, le 5 août 2019, du maire de Signes, nous avons lancé une enquête à laquelle ont répondu 3 812 maires. Les chiffres obtenus étaient significatifs : 92 % des répondants se disaient victimes au moins d'injures, mais aussi de menaces, voire d'agressions. Or seulement 37 % d'entre eux avaient porté plainte ; ils en étaient souvent dissuadés par les gendarmes et par les préfets. « Ce sont les risques de la fonction que vous avez convoitée. », leur disait-on. Enfin, seulement 21 % des rares plaintes déposées aboutissaient à des condamnations, ce phénomène étant aussi négligé par la justice que par l'administration préfectorale.

Or la situation s'est encore dégradée. Les chiffres du ministère de l'intérieur sont très clairs : menaces, injures et agressions ont progressé de 53,4 % entre 2021 et 2022 ! Heureusement, la proportion de plaintes déposées augmente, jusqu'à 75 % : il y a une prise de conscience, les maires sont mieux soutenus par les forces de l'ordre et l'administration. Mais pour la suite de ces plaintes, c'est le grand silence ! Depuis 2019, la loi oblige les procureurs à rendre compte des suites données aux plaintes relatives aux violations des arrêtés municipaux, mais ce n'est pas le cas pour les plaintes de maires agressés ! Il faut poser une telle exigence.

Les violences physiques ont augmenté de 2,5 % l'année dernière. Les chiffres sont heureusement moins considérables, mais 33 agressions ont donné lieu à des plaintes, ce qui est tout de même significatif d'une dégradation du respect dû à nos maires.

Nous avions formulé douze propositions en 2019 ; seules quatre d'entre elles ont été retenues dans la loi du 27 décembre 2019. On est donc obligé aujourd'hui de remettre l'ouvrage sur le métier, car la protection des maires demeure insuffisante, malgré les instructions du garde des Sceaux aux procureurs et du ministre de l'intérieur aux préfets. Certes, le problème n'est pas seulement législatif, mais nous devons compléter ce volet. Je suggère aussi que nous nous adressions aux ministres concernés, voire à la Première ministre, pour que soit assuré un meilleur accompagnement des maires, notamment par les parquets.

Ce texte est indispensable, équilibré et rigoureux, il sera utile ; j'en remercie les auteurs et le rapporteur.

M. Guy Benarroche. - Je félicite le rapporteur pour son travail sur ce texte bienvenu, qu'elle a encore amélioré, mais j'ai quelques remarques à faire. Ce texte s'attaque à un symptôme de la crise de confiance et d'engagement citoyen que nous traversons. À ce propos, je regrette que le vote blanc ne soit pas comptabilisé comme un vote exprimé ; si l'on veut affronter la crise de l'engagement citoyen, il faudra aussi changer cela.

On cherche ici à traiter un symptôme, sans avoir la prétention de traiter les causes. Or la nature des violences comme le ressenti des maires sont très différents d'un territoire, d'un département à l'autre. Les médicaments ici prescrits sont d'usage délicat, et comportent des contre-indications... Je m'interroge surtout sur l'augmentation de la répression de certaines infractions. Le sujet requiert une réflexion plus poussée, au moins sur le possible effet symbolique de telles mesures. Le fossé qui existe aujourd'hui entre les élus et les autres citoyens doit être comblé petit à petit. Il ne faudrait pas que l'on puisse voir les élus comme des privilégiés, ni donner le sentiment qu'il existe une justice à deux vitesses. Quant aux pressions exercées pour qu'il n'y ait pas dépôt de plainte, ou aux nombreux classements sans suite, c'est certes vrai pour les élus, mais aussi pour bien d'autres citoyens ; je pense notamment aux violences sexuelles.

Sous réserve de ces remarques, notre groupe, qui compte désormais trois membres de la commission des lois, soutiendra ce texte.

M. André Reichardt. - On sait qu'une peine de travaux d'intérêt général (TIG) doit être acceptée par le condamné. Que se passera-t-il, pour les peines proposées à l'article 2, s'il n'accepte pas ? La peine sera-t-elle bien exécutée ? Je crains que l'on ne crée une peine illusoire, qui n'améliorera pas la situation des élus victimes d'une injure publique.

Mme Cécile Cukierman. - Sur ce dernier point, un vrai problème se pose. Tout le monde vante les bénéfices des TIG, mais ils ne sont jamais réellement obligatoires ; c'est un réel souci. Nombre d'agresseurs condamnés ne sont pas pris en charge par les services d'insertion et de probation, notamment en dehors des grandes villes. Les petites communes n'ont souvent pas les moyens d'accueillir ces personnes. Comment rendre efficiente cette peine ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Ce sujet est transpartisan. En effet, je tiens à rappeler que notre proposition de loi est précurseur en la matière et que chacun s'y est ralliée, devançant ainsi le plan du Gouvernement et la proposition de loi du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Toutefois, je me félicite que ous soyons tous à la recherche de solutions.

Dans cette proposition de loi, il ne s'agit pas d'aborder le statut de l'élu qui fera l'objet d'un texte spécifique, d'ici à la fin de l'année, en raison du travail d'ampleur qu'il nécessite de mener.

En ce qui concerne les recours abusifs, nous allons examiner s'il est possible d'avancer sur ce sujet d'ici à la séance publique ou à tout le moins d'interroger le Gouvernement sur ce point.

Pour répondre à Hussein Bourgi au sujet de l'article 40 de la Constitution, j'aurais également souhaité l'élargissement de la protection fonctionnelle à l'ensemble des conseillers municipaux. J'ai été contrainte d'y renoncer pour les mêmes raisons.

Mme Cécile Cukierman. - C'est une censure transpartisane !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Toutefois, j'en comprends les motifs : élargir le dispositif à l'ensemble des conseillers municipaux revient à élargir l'assiette des bénéficiaires. C'est pourquoi l'article 40 a frappé ces dispositions.

L'amendement que je vous soumets ce matin n'a pas le même objectif ; il vise à permettre aux conseillers départementaux et régionaux exerçant des fonctions exécutives, qui peuvent déjà en l'état du droit bénéficier de la protection fonctionnelle, de bénéficier d'une protection automatique. Nous n'élargissons donc pas le champ d'application de la protection, nous rendons automatique ce qui était déjà possible.

Par ailleurs, pour répondre à Hussein Bourgi, je vous félicite de représenter un département particulièrement exemplaire au regard du travail et de la communication des procureurs, ce qui n'est pas le cas de l'ensemble des départements. Nous avons donc jugé important de d'inscrire une obligation de présence pour les membres de droit des CLSPD et CISPD dans la proposition de loi, en limitant cette obligation à une réunion par an.

S'agissant du droit de communication dans un bulletin municipal, en réalité, cette mesure résulte d'une recommandation d'un groupe de travail présidé par Hugues Berbain, procureur de Reims, conduit avec les principales associations représentatives de maires. En outre, cela n'est qu'une faculté qui serait ouverte aux procureurs.

La condamnation a une peine de TIG en cas de diffamation ou d'injure publiques est une peine autonome ; elle n'est donc pas une alternative à l'emprisonnement qui devrait être acceptée par le condamné. Au surplus, le non-respect de l'exécution de cette peine est puni de deux ans de prison et d'une amende de 30 000 euros.

M. François-Noël Buffet, président. - Les relations entre les parquets et les élus locaux diffèrent selon les territoires concernés : certains parquets sont exemplaires, tandis que d'autres n'ont que peu d'échanges avec les élus. Un principe doit donc être mis en place.

Si la rédaction de contenus par les procureurs dans les bulletins municipaux a suscité des interrogations, il s'agit uniquement d'une faculté envisagée à leur demande, non pas pour aborder des cas particuliers, mais pour exposer leur stratégie pénale dans le département et pour informer les citoyens.

Toutefois, je ne suis pas certain que cela soit possible de le faire aujourd'hui dans les bulletins municipaux. Pour ma part, que le procureur puisse s'exprimer me semble être une bonne chose.

M. Éric Kerrouche. - Mais pourquoi lui et non pas le recteur ou les services des finances publiques ? Quel est l'avantage ? Le maire en tant que directeur de publication peut-il s'y opposer ?

Cette disposition ne sert à rien, posera des difficultés et crée des déséquilibres au sein des institutions en en privilégiant une au détriment des autres.

M. François-Noël Buffet, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi.

Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives à la protection de la sécurité des élus locaux et des candidats aux élections par l'État et les collectivités territoriales, aux sanctions des infractions commises à l'encontre des élus locaux et des candidats aux élections, à l'accès des élus à une couverture assurantielle pour l'exercice de leur mandat et au renforcement des liens entre les parquets et les maires.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-2 tend à étendre le champ des aggravations de peines prévues contre les personnes dépositaires de l'autorité publique aux titulaires d'un mandat électif.

Une telle mesure reviendrait à introduire des doublons dans la définition du champ des aggravations, puisque la catégorie des personnes dépositaires de l'autorité publique inclut les responsables des exécutifs locaux - maires, présidents d'intercommunalités, des conseils départementaux et régionaux -, mais aussi les adjoints au maire et les conseillers municipaux délégués. De la même manière, les autres élus locaux, lorsqu'ils ne se voient confier par délégation aucune prérogative de puissance publique, comme les parlementaires, ont la qualité de personnes chargées d'une mission de service public.

Aussi cette précision semble-t-elle inutile. Avis défavorable.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-1 a pour objet l'aggravation des peines encourues en cas de violences à l'encontre des membres de cabinet des élus.

En premier lieu, introduire cette nouvelle catégorie de personnes remettrait en cause tant la cohérence du dispositif que les équilibres trouvés par la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure dite « RPSI » en traitant de la même manière deux types de personnes placées dans des situations objectivement différentes. En second lieu, il semblerait disproportionné d'aligner les peines prévues pour sanctionner des faits commis contre des élus locaux ou des forces de l'ordre, autrement dit des personnes dépositaires de l'autorité publique, sur celles de leurs collaborateurs. Avis défavorable.

M. Guy Benarroche. - Il s'agissait d'inclure les collaborateurs au dispositif au regard du nombre croissant d'agressions à leur encontre.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Après l'article 2

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Les amendements identiques COM-10 et COM-3 rectifié visent à allonger de trois mois à un an les délais de prescription des délits d'injure et de diffamation publiques commis à l'encontre des personnes mentionnées à l'article 31 et au premier alinéa de l'article 33 de la loi de 1881.

Les amendements COM-10 et COM-3 rectifié sont adoptés et deviennent article additionnel.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-11 introduit une nouvelle circonstance aggravante en cas d'atteinte à la vie privée et familiale d'un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale.

L'amendement COM-11 est adopté et devient article additionnel.

Article 3

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-8 tend à étendre le périmètre de la protection fonctionnelle des élus locaux.

Tout d'abord, la formulation actuelle, qui prévoit l'octroi de la protection fonctionnelle aux élus victimes de violences, de menaces ou d'outrages est déjà très large. Le juge administratif, qui interprète extensivement cette formule, a estimé qu'elle englobait par exemple les injures, les diffamations et les voies de fait. Ensuite, l'élargissement proposé concerne uniquement les maires et leurs adjoints. Par conséquent, deux régimes existeraient. Les conseillers départementaux et régionaux n'auraient droit à une protection qu'en cas de violences, de menaces ou d'outrages alors que les élus municipaux bénéficieraient d'un régime plus protecteur. Rien ne justifie une telle différence de traitement. Avis défavorable.

L'amendement COM-8 n'est pas adopté.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-12 a pour objet l'extension du dispositif d'octroi automatique de la protection fonctionnelle en cas de violences, de menaces ou d'outrages aux conseillers régionaux et départementaux exerçant des fonctions exécutives.

L'amendement COM-12 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5

L'article 5 est adopté sans modification.

Article 6

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

L'article 7 est adopté sans modification.

Article 8

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-4 vise à supprimer l'article 8 et, par conséquent, la prise en charge par les communes des restes à charge et dépassements d'honoraires au titre de la protection fonctionnelle. Cette suppression n'est pas souhaitable. Avis défavorable.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-13 tend à restreindre la prise en charge par les communes aux seuls restes à charge et dépassements d'honoraires médicaux et psychologiques, selon un barème fixé par décret, afin de ne pas trop grever leur budget.

L'amendement COM-13 est adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

Mme Catherine Di Folco, rapporteur - L'amendement COM-14 tend à inclure les candidats déclarés aux élections locales dans le champ des bénéficiaires du dispositif permettant la saisine du bureau central de tarification pour assurer la permanence électorale ou les lieux accueillant des réunions électorales.

Mme Cécile Cukierman. - Que signifie « déclaré publiquement » ? Quels actes peuvent être considérés comme une déclaration publique : un tweet, une conférence de presse ? Une précision me semble nécessaire. Ne faudrait-il pas s'aligner sur le dépôt d'un mandataire financier ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce dernier n'est pas public.

M. François-Noël Buffet, président. - Un élément de précision objectif devrait être apporté. Nous y travaillerons d'ici au passage en séance publique.

L'amendement COM-14 est adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 10

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-5 vise à supprimer l'article 10. Or cet article me semble constituer une avancée salutaire vers une meilleure protection des candidats aux élections dans le contexte actuel d'une crise des vocations électorales. Avis défavorable.

L'amendement COM-5 n'est pas adopté.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-15 tend à apporter des garanties assurant l'opérationnalité des dispositifs d'extension du bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats aux élections et de remboursement par l'État des dépenses de sécurisation engagées par ces mêmes candidats aux cours des campagnes électorales.

L'amendement COM-15 est adopté.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-16 a pour objet de rétablir la faculté de dépaysement à la main du procureur en cas d'affaire mettant en cause un élu en tant que victime.

L'amendement COM-16 est adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

L'article 12 est adopté sans modification.

Article 13

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-6 vise à supprimer l'article 13 qui a trait à l'espace de communication réservé aux procureurs dans les bulletins municipaux, évoqué lors de la discussion générale. Avis défavorable.

L'amendement COM-6 n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté sans modification.

Article 14

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-17 tend à étendre aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance des dispositions prévues pour les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.

L'amendement COM-17 est adopté.

L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mme Marie Mercier. - En ce qui concerne l'amendement COM-6, vous avez tous assisté aux assemblées générales des maires. Dans le cas précis, tout le monde est concerné - le préfet, les sous-préfets, les pompiers, la police, la gendarmerie ou encore le directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) -, mais on relève un grand absent : la justice.

Dans les assemblées générales, les maires évoquent de plus en plus les agressions. Or le fonctionnement de la justice est parfois un peu opaque quand on n'a pas affaire à elle. Mieux expliquer la justice - pourquoi pas dans les bulletins municipaux à destination de tous les habitants - qui est rendue au nom du peuple français aux élus semble une bonne idée.

Mme Lana Tetuanui. - Je voterai ce texte, mais je souhaite avoir la confirmation que ces dispositions sont applicables à nos élus ultramarins, qui sont des élus de la République.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - La République est une.

M. Guy Benarroche. - Et indivisible !

Mme Lana Tetuanui. - Malheureusement, de nombreux dispositifs votés ici ne sont pas adaptés aux collectivités ultramarines et ne sont pas appliqués, ce qui justifie ma question.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Je vous confirme que les coordinations nécessaires ont été effectuées sur chacun des articles du texte.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

M. BOURGI

2

Extension du champ des aggravations de peines prévues contre les personnes dépositaires de l'autorité publique aux titulaires d'un mandat électif

Rejeté

M. BENARROCHE

1

Aggravation des peines encourues en cas de violences à l'encontre des membres de cabinet des élus

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'article 2

Mme DI FOLCO, rapporteur

10

Allongement des délais de prescription des délits d'injure et de diffamation publiques commis à l'encontre des personnes mentionnées à l'article 31 et au premier alinéa de l'article 33 de la loi de 1881

Adopté

M. BOURGI

3 rect.

Allongement des délais de prescription des délits d'injure et de diffamation publiques commis à l'encontre des personnes mentionnées à l'article 31 et au premier alinéa de l'article 33 de la loi de 1881

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

11

Nouvelle circonstance aggravante en cas d'atteinte à la vie privée et familiale d'un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale

Adopté

Article 3

M. BOURGI

8

Extension du périmètre de la protection fonctionnelle des élus locaux

Rejeté

Mme DI FOLCO, rapporteur

12

Extension du dispositif d'octroi automatique de la protection fonctionnelle en cas de violences, de menaces ou d'outrages aux conseillers régionaux et départementaux exerçant des fonctions exécutives

Adopté

Article 8

M. BOURGI

4

Suppression de la prise en charge par les communes des restes à charges et dépassements d'honoraires au titre de la protection fonctionnelle

Rejeté

Mme DI FOLCO, rapporteur

13

Restriction de la prise en charge par les communes aux seuls restes à charge et dépassements d'honoraires médicaux et psychologiques, selon un barème fixé par décret

Adopté

Article 9

Mme DI FOLCO, rapporteur

14

inclure les candidats déclarés aux élections locales dans le champ des bénéficiaires du dispositif permettant la saisine du bureau central de tarification (BCT) pour assurer toute permanence électorale ou tout lieu accueillant des réunions électorales

Adopté

Article 10

M. BOURGI

5

Suppression de l'article

Rejeté

Mme DI FOLCO, rapporteur

15

Garanties assurant l'opérationnalité des dispositifs d'extension du bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats aux élections et de remboursement par l'État des dépenses de sécurisation engagées par ces mêmes candidats aux cours des campagnes électorales

Adopté

Article 11

Mme DI FOLCO, rapporteur

16

Rétablissement de la faculté de dépaysement à la main du procureur en cas d'affaire mettant en cause en tant que victime un élu

Adopté

Article 13

M. BOURGI

6

Suppression de l'espace de communication réservé au procureur de la République dans les bulletins municipaux

Rejeté

Article 14

Mme DI FOLCO, rapporteur

17

Extension aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) des dispositions prévues pour les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).

Adopté