N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 1

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Rapporteurs spéciaux : Mme Nathalie GOULET et M. Rémi FÉRAUD

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

I. UN BUDGET EN FORTE HAUSSE QUI TRADUIT LES AMBITIONS DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA DIPLOMATIE MAIS SOULÈVE DES POINTS DE VIGILANCE

A. UNE BUDGÉTISATION QUI TRADUIT LES ORIENTATIONS DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA DIPLOMATIE

Pour l'exercice 2024, la préparation du budget de la mission « Action extérieure de l'État » a été marquée par l'organisation des États généraux de la diplomatie qui se sont tenus d'octobre 2022 à mars 2023. Les conclusions de ces États généraux, publiées sous la forme d'un rapport « Pour un plan de réarmement de la diplomatie française », recommandaient un renforcement des moyens matériels et humains du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Tenant compte de ces orientations, la mission « Action extérieure de l'État » devrait voir ses moyens s'élever à 3,5 milliards d'euros, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Par rapport à l'exercice précédent, les crédits progressent de près de 290 millions d'euros, soit une augmentation de 6 % sur l'ensemble de la mission, une fois corrigé l'effet de l'inflation.

Évolution des crédits de la mission Action extérieure de l'État

(en millions d'euros - en pourcentage)

 

2023

2024

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

Évolution corrigée de l'inflation

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

105 - Action de la France en Europe et dans le monde

2 084,8

2 083

2 265,6

2 263,8

182,6

180,8

8,7 %

8,7 %

6 %

6 %

151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

391,6

391,4

437,2

436,9

45,9

45,5

11,7 %

11,6 %

8,9 %

8,9 %

185 - Diplomatie culturelle et d'influence

743,8

743,8

806

806

62,2

62,2

8,4 %

8,4 %

5,7 %

5,7 %

Mission - Action extérieure de l'État

3 220,2

3 218,1

3 508,8

3 506,6

290,7

288,5

9 %

9 %

6 %

6 %

Note : les prévisions d'inflation correspondent à la prévision d'inflation hors tabac figurant au rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Loin d'être ponctuel, ce renforcement des moyens de la diplomatie française devrait se poursuivre au cours des prochains exercices budgétaires. Le Président de la République, dans son discours de clôture des États généraux a annoncé une augmentation de 20 % du budget du MEAE sur quatre ans pour atteindre 7,9 milliards d'euros d'ici 2027, accompagné de la création de 700 équivalents temps plein travaillés (ETPT) supplémentaires.

Cette évolution se trouve transcrite dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. L'article 12 du projet de loi dispose que, sur l'horizon du budget triennal, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » progresseront de 0,3 milliard d'euros en valeur d'ici à 2027.

Sur le plan des dépenses de personnel, le budget 2024 confirme l'orientation prise lors de l'exercice précédent. En 2023, le MEAE avait obtenu l'ouverture de 106 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Pour 2024, ce sont 165 ETPT supplémentaires qui sont ouverts sur l'ensemble des programmes dont le ministère est responsable.

La répartition de ces nouveaux ETP devra cependant être clarifiée au cours de l'exercice budgétaire.

Répartition des emplois sur les programmes de la mission
en 2024

(en équivalent temps plein travaillés - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

B. LE BUDGET DE LA MISSION « ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT » SOULÈVE CEPENDANT PLUSIEURS POINTS DE VIGILANCE

Le renforcement des moyens de la diplomatie française peut apparaitre comme une évolution positive compte tenu de leurs besoins pour faire face au contexte géopolitique dégradé. Cependant, il convient d'être vigilant face à la hausse des crédits sur plusieurs points.

Premièrement, le MEAE doit éviter le travers d'un effet de « saupoudrage » qui conduirait à disperser les moyens de la diplomatie française. Les crédits doivent être répartis suivant les priorités géographiques et politiques du ministère. De plus, le MEAE devrait poursuivre ses efforts pour mieux mesurer l'« effet de levier » de ses dépenses.

Deuxièmement, la programmation de certaines dépenses devra rapidement être précisée par les responsables de programme. Si la budgétisation 2024 est intervenue rapidement après les annonces des États généraux de la diplomatie, force est de constater que la ventilation des crédits et des emplois est apparue imprécise aux rapporteurs spéciaux, tant à la lecture des documents budgétaires qu'au cours des auditions.

Troisièmement, les rapporteurs spéciaux seront attentifs à l'exécution de certaines dépenses. Concernant les dépenses d'investissement, en particulier en matière immobilière, le ministère doit calibrer ses enveloppes budgétaires de manière à éviter toute sous-consommation des crédits.

II. LE PROGRAMME 105 : DES MOYENS GÉNÉRAUX RENFORCÉS POUR RÉARMER LA DIPLOMATIE FRANÇAISE

A. LES DÉPENSES DE COMMUNICATION, NUMÉRIQUES ET D'IMMOBILIER APPARAISSENT STRATÉGIQUES POUR LE MINISTÈRE

Le budget 2024 de la mission AEE s'inscrit dans la continuité des exercices précédents quant au renforcement de certaines dépenses jugées stratégiques par le Quai d'Orsay.

Il s'agit notamment des dépenses improprement dites de « communication » qui regroupent la veille stratégique et la préparation d'un contre-discours face aux vagues de désinformation. La nouvelle sous-direction de la veille et de la stratégie se voit ainsi dotée d'une enveloppe de 7,5 millions d'euros contre 5,3 millions d'euros l'année dernière. De même, les dépenses de la mission en matière de numérique augmentent sensiblement en 2024.

Il s'agit également des dépenses immobilières. Les dépenses d'entretien et de maintenance immobilière en France comprennent 24,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 36,4 millions en crédits de paiement, soit une augmentation de 22,6 % par rapport à 2023 pour les CP. S'agissant des dépenses d'entretien et de maintenance à l'étranger, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit l'ouverture de 113 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 105 millions en crédits de paiement, soit une augmentation de 15 millions d'euros en AE comme en CP.

L'exécution de ces dépenses devra faire l'objet d'une attention particulière. L'augmentation des enveloppes budgétaires devrait s'accompagner d'une meilleure planification des projets immobiliers par la direction de l'immobilier du ministère.

Évolution des dépenses d'entretien et de maintenance immobilière
de la mission en France

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Évolution des dépenses d'entretien et de maintenance immobilière
de la mission à l'étranger

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, compte tenu de la dégradation du contexte géopolitique international, les dépenses de sécurité, en France comme à l'étranger, sont renforcées.

B. LES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES ET EUROPÉENNES PORTÉES PAR LE PROGRAMME 105 AUGMENTENT

Les crédits demandés au titre des contributions versées par la France au profit des organisations internationales et pour le financement des opérations de maintien de la paix (OMP) progressent légèrement entre 2023 et 2024, de l'ordre de 3 %. Au sein de ces crédits, les contributions en euros connaissent l'augmentation la plus significative avec une progression d'environ 12 millions d'euros par rapport à 2023 (+ 6,1 %).

Le total des contributions européennes versées par la France au titre de ce programme s'élève donc en 2024 à 198,7 millions d'euros en AE=CP contre 121,6 millions d'euros en 2023. Cette hausse, de l'ordre de 77 millions d'euros, s'explique principalement par le doublement de la Facilité européenne pour la paix (FEP). Dans le contexte de la guerre en Ukraine, le plafond de la FEP, initialement fixé à 5,7 milliards d'euros a été progressivement porté à 12 milliards d'euros. La contribution française à la FEP s'élève en 2024 à 143,5 millions d'euros.

III. LE PROGRAMME 185 ET LE PROGRAMME 151 : UN RENFORCEMENT DES MOYENS DE LA DIPLOMATIE CULTURELLE ET D'INFLUENCE ET DES SERVICES CONSULAIRES

A. UN BUDGET QUI TRADUIT LA VOLONTÉ DE PORTER UNE VÉRITABLE POLITIQUE D'INFLUENCE À L'ÉTRANGER

En premier lieu, le soutien à l'enseignement français à l'étranger se trouve renforcé dans le budget 2024. L'enveloppe des bourses scolaires portée par le programme 151 passe de 104,4 à 118 millions d'euros. Des mesures spécifiques sont prises pour soutenir l'inclusion des élèves handicapés et encourager l'apprentissage du français chez les jeunes français non scolarisés dans le réseau de l'Agence française pour l'enseignement à l'étranger (AEFE). Cette dernière, voit sa subvention pour charges de service public demeurer à un niveau élevé à 454,9 millions d'euros.

Un fort accent est également porté dans le budget de la mission pour améliorer la coopération culturelle et la coopération en matière scientifique et universitaire.

L'enveloppe dédiée aux bourses du gouvernement français connait une hausse de 6 millions d'euros, principalement destinée à soutenir l'attractivité du pays pour les étudiants issus d'Afrique et de l'Indopacifique.

Par ailleurs, les crédits d'intervention à la main des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) des ambassades sont présentés comme le levier de la politique d'influence. Toutefois, la concision de la présentation de ces prévisions de dépenses dans les documents budgétaires interroge. La logique de gestion au plus près du terrain ne peut se faire au prix de la redevabilité des comptes.

La mobilité étudiante en France selon la zone géographique en 2021-2022

Source : commission des finances d'après les chiffres de Campus France

B. LES SERVICES CONSULAIRES POURSUIVENT LEUR MODERNISATION

Les services consulaires sont engagés depuis plusieurs années dans une démarche de modernisation de ses outils. La dématérialisation de l'état civil des Français nés à l'étranger ou ayant eu un événement d'état civil à l'étranger, qui a été engagée en 2019 et vise à constituer un registre de l'état civil électronique (RECE), devrait être finalisée au cours de l'année 2024. De même, le service France consulaire, plateforme d'appel destinée à soulager les services consulaires, devrait être déployé courant 2024 en Afrique et s'étendre au reste du monde en 2025.

Par ailleurs, de nouveaux crédits sont affectés au programme afin de financer l'organisation des élections européennes qui se tiendront en 2024.

Réunie le mardi 14 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de réserver son vote sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », ainsi que sur l'article 50 A.

Réunie à nouveau le mercredi 22 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par un amendement de crédits visant à réduire de 30 millions d'euros la hausse des crédits de la mission, ainsi que l'article 50 A, qui prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur les capacités d'emprunt de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), sans modification.

Réunie enfin le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.

Au 10 octobre 2023, date limite, en application de l'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 42,5 % des réponses portant sur la mission « Action extérieure de l'État » étaient parvenues au rapporteur spécial.

PREMIÈRE PARTIE
L'ANALYSE GLOBALE DES CRÉDITS
DE LA MISSION « ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT »

I. SUITE AUX ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA DIPLOMATIE, UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS SANS PRÉCÉDENT DEPUIS 2005

Évolution des crédits de la mission Action extérieure de l'État

(en millions d'euros - en pourcentage)

 

2023

2024

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

Évolution corrigée de l'inflation

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

105 - Action de la France en Europe et dans le monde

2 084,8

2 083

2 265,6

2 263,8

182,6

180,8

8,7%

8,7%

6%

6%

Coordination de l'action diplomatique

106,7

106,7

123,7

123,7

16,9

16,9

15,9%

15,9%

13%

13%

Action européenne

134,8

134,8

211,4

211,4

76,6

76,6

56,8%

56,8%

53%

53%

Contributions internationales

707,5

707,5

728,9

728,9

21,4

21,4

3%

3%

0,5%

0,5%

Coopération de sécurité et de défense

115,4

115,4

119,6

119,6

4,1

4,1

3,6%

3,6%

1%

1%

Soutien

271,3

278,2

291,1

300,9

12,9

22,6

7,3%

8,1%

4,7%

5,5%

Réseau diplomatique

749

740,3

790,9

779,3

50,7

39,1

5,6%

5,3%

3%

2,7%

151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

391,6

391,4

437,2

436,9

45,9

45,5

11,7%

11,6%

8,9%

8,9%

Offre d'un service public de qualité aux Français à l'étranger

227,4

227,2

249,9

249,9

22,7

22,7

9,9%

10%

7,2%

7,3%

Accès des élèves français au réseau AEFE et à la langue française

105,8

105,8

120,5

120,5

14,8

14,8

9,3%

9,3%

11,2%

11,2%

Instruction des demandes de visa

58,4

58,4

66,9

66,9

8,4

8,4

14,4%

14,4%

11,6%

11,6%

185 - Diplomatie culturelle et d'influence

743,8

743,8

806

806

62,2

62,2

8,4%

8,4%

5,7%

5,7%

Appui au réseau

40,3

40,3

44,1

44,1

3,8

3,8

9,3%

9,3%

6,6%

6,6%

Coopération culturelle et promotion du français

68,4

68,4

86,3

86,3

17,9

17,9

26,2%

26,2%

23,1%

23,1%

Objectifs de développement durable

2,4

2,4

2,4

2,4

0

0

-

-

-

-

Enseignement supérieur et recherche

101,2

101,2

123

123

21,9

21,9

21,6%

21,6%

18,7%

18,7%

Agence pour l'enseignement français à l'étranger

446,9

446,9

454,9

454,9

8

8

1,8%

1,8%

-0,7%

-0,7%

Dépenses de personnel concourant au programme

72,6

72,6

84,8

84,8

12,2

12,2

16,8%

16,8%

14%

14%

Diplomatie économique et d'attractivité

12

12

10,4

10,4

-1,6

-1,6

-13,1%

-13,1%

-15,2%

-15,2%

Mission - Action extérieure de l'État

3 220,2

3 218,1

3 508,8

3 506,6

290,7

288,5

9%

9%

6%

6%

Note : les prévisions d'inflation correspondent à la prévision d'inflation hors tabac figurant au rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

A. L'ORIENTATION DU BUDGET A ÉTÉ DÉTERMINÉE PAR LES CONCLUSIONS DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA DIPLOMATIE

Pour l'exercice 2024, la préparation du budget de la mission « Action extérieure de l'État » a été marquée par l'organisation des États généraux de la diplomatie. Ces derniers se sont tenus d'octobre 2022 à mars 2023. Leur mise en place s'explique en premier lieu par le mouvement social déclenché au sein du ministère en juin 2022. La grève très suivie des agents du ministère visait non seulement à protester contre la mise en extinction du corps diplomatique mais plus largement à contester les conditions de travail des agents du Quai d'Orsay et l'évolution de l'outil diplomatique.

Les conclusions des États généraux de la diplomatie ont été rendues en mars 2023 sous la forme d'un rapport intitulé « Pour un plan de réarmement de la diplomatie française », qui présente plusieurs pistes d'évolution du ministère de l'Europe et des affaires étrangères concentrées en deux axes.

Un premier axe de réflexion concerne les objectifs et les moyens de la diplomatie française, notamment :

- la nécessité d'une plus grande agilité et d'une plus grande innovation dans la conduite de l'action du ministère, qui repose en particulier sur un plus fort investissement dans l'outil numérique et des méthodes d'organisation plus souple, à l'image du mécanisme d'adaptation « RAPID » (réponse agile aux priorités importantes de la diplomatie) ;

- l'affirmation du rôle de chef de file de l'action extérieure de l'État du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ;

- le renforcement de la diplomatie d'influence, fonction stratégique ;

- une coopération avec l'ensemble des acteurs institutionnels, Parlement et collectivités territoriales au premier chef, pour promouvoir l'action extérieure de l'État.

Un second axe de réflexion a porté sur les ressources humaines du Quai d'Orsay et les évolutions du métier de diplomate et propose :

- une refonte de la politique des ressources humaines du ministère, en s'appuyant sur les opportunités de la réforme de la haute fonction publique, en améliorant les perspectives de carrière des agents et en repensant la politique de recrutement et de rémunération ;

- une réforme de la formation au sein du ministère qui devrait essentiellement s'appuyer sur la création d'une académie diplomatique ;

- un renforcement de la promotion des valeurs républicaines au sein du ministère.

Sur le plan budgétaire, les conclusions des États généraux de la diplomatie ont été déclinées dans le projet de loi de finances pour 2024, qui entend consacrer un « réarmement général de la diplomatie ».

Pour les rapporteurs spéciaux, force est de constater que ce réarmement passe avant tout par une augmentation inédite des crédits de la mission.

Ainsi, la mission « Action extérieure de l'État » devrait voir ses moyens s'élever à 3,5 milliards d'euros, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Par rapport à l'exercice précédent, les crédits progressent de près de 290 millions d'euros, soit une augmentation de 6 % sur l'ensemble de la mission, une fois corrigé l'effet de l'inflation.

Comme le souligne le ministère de l'Europe et des affaires étrangères lui-même, il s'agit de la hausse la plus importante de son budget depuis 2005.

Loin d'être ponctuel, ce renforcement des moyens de la diplomatie française devrait se poursuivre au cours des prochains exercices budgétaires. Le président de la République, dans son discours de clôture des États généraux a annoncé une augmentation de 20 % du budget du MEAE sur quatre ans pour atteindre 7,9 milliards d'euros d'ici 2027. Ce montant ne recouvre pas seulement la mission « Action extérieure de l'État ». Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères est également responsable du programme 209 « Solidarité avec les pays en développement » de la mission « Aide publique au développement », doté en loi de finances initiale pour 2023 de 4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 3,4 milliards en crédits de paiement.

Cette évolution se trouve transcrite dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Ainsi, en vertu de l'article 12 du projet de loi de programmation, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » devraient progresser de 0,3 milliard d'euros en valeur d'ici à 2027.

B. FACE À CETTE HAUSSE DES CRÉDITS, ÉVITER UN EFFET DE SAUPOUDRAGE, PRÉCISER LA PROGRAMMATION, CONTRÔLER L'EXÉCUTION

Si les rapporteurs spéciaux prennent acte du renforcement des moyens de la mission, qui devrait permettre à la diplomatie française de remplir ses objectifs, trois points de vigilance doivent cependant être soulignés.

Premièrement, il s'agit d'éviter un effet de « saupoudrage » des crédits. Ce risque concerne tout particulièrement les crédits d'intervention. Le choix des projets financés par les subventions versées par les ambassades doit faire l'objet de procédures d'évaluation afin de mesurer leur efficacité.

Il s'agit également pour le ministère de répartir ces crédits en cohérence avec ses priorités stratégiques et géographiques. Les documents budgétaires ayant indiqué que la diplomatie française poursuivait un double objectif de renforcement de son action en Afrique et dans l'Indopacifique, les rapporteurs spéciaux seront particulièrement attentifs à la concrétisation de cette priorité.

De manière générale, les rapporteurs spéciaux insistent sur la nécessité de mieux mesurer l'« effet de levier » des dépenses du ministère sur l'influence française dans le monde. Cette recommandation, difficile à mettre en oeuvre sur certaines dépenses compte tenu de l'absence de critères objectifs d'évaluation, s'applique particulièrement aux contributions internationales.

À cet égard, les rapporteurs spéciaux réitèrent la recommandation formulée à l'occasion des travaux de contrôle de la commission des finances sur la nécessité de disposer d'une synthèse et d'une évaluation des contributions internationales dans un document de politique transversale sur l'action extérieure de l'État1(*).

Un tel document pourrait notamment être préparé et présenté par la cellule redevabilité récemment créée au sein de la direction des Nations-Unies, des organisations internationales, des droits de l'homme et de la francophonie (DNUOI). La mise en place de cette cellule répondait à une recommandation des rapporteurs spéciaux Vincent Delahaye et Rémi Féraud, dans leur rapport d'information précédemment cité.

Deuxièmement, la programmation de certaines dépenses devra rapidement être précisée par les responsables de programme. Si la budgétisation 2024 est intervenue rapidement après les annonces des États généraux de la diplomatie, force est de constater que la ventilation des crédits et des emplois est apparue imprécise aux rapporteurs spéciaux, tant à la lecture des documents budgétaires qu'au cours des auditions.

Certaines lignes budgétaires sont peu commentées dans le projet annuel de performances, à l'instar de la sous-action sobrement intitulée « Autres crédits d'intervention des postes à l'étranger et en administration centrale - français » pourtant dotée de 12 millions d'euros.

De même, concernant le programme 185, les rapporteurs ont été informés que la répartition des nouveaux ETP n'était pas encore finalisée au sein de la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international, en charge de ce programme.

Troisièmement, les rapporteurs spéciaux seront attentifs à l'exécution de certaines dépenses. Concernant les dépenses d'investissement, en particulier en matière immobilière, le ministère doit calibrer ses enveloppes budgétaires de manière à éviter toute sous-consommation des crédits. Une telle vigilance doit s'appuyer sur une meilleure programmation de ce type de dépenses, comme les rapporteurs spéciaux le développeront infra.

II. DANS UN CONTEXTE MARQUÉ PAR LA SUPPRESSION DU CORPS DIPLOMATIQUE, UNE AUGMENTATION IMPORTANTE DES EMPLOIS ET DES DÉPENSES DE PERSONNEL

A. LE BUDGET 2024 POURSUIT LA HAUSSE DES EMPLOIS ET DES DÉPENSES DE PERSONNEL ENGAGÉE AU COURS DE L'EXERCICE 2023

De manière transversale, les dépenses de personnel de la mission progressent dans le projet de loi de finances pour 2024. La masse salariale pour 2024 s'élève à 983,54 millions d'euros, soit une hausse d'environ 54 millions d'euros par rapport à 2023 (+6,5 %).

Une grande partie de cette hausse, à hauteur de 22 millions d'euros, s'explique, selon les documents budgétaires, par les « autres variations de dépenses de personnel », qui regroupent notamment les crédits nécessaires à la couverture de l'extension en année pleine de l'effet change prix sur les indemnités de résidence à l'étranger (IRE).

L'année passée, le rapporteur spécial Vincent Delahaye avait constaté que la réforme des modalités de calcul de l'IRE n'avait toujours pas été mise en oeuvre. Il existe toujours une différence importante entre les montants théoriques de cette indemnité - qui sont évalués en fonction de critère objectifs comme la localisation - et les montants effectivement versés. Le rapporteur spécial Nathalie Goulet invite le ministère à envisager cette réforme dans le prochain exercice budgétaire.

Concernant les emplois de la mission, le cadre du programme « Action publique 2022 », le ministère des affaires étrangères s'était vu confier des objectifs de maitrise de ses effectifs. Le programme prévoyait ainsi la suppression de 416 emplois entre 2018 et 2022. Toutefois, à compter de 2021, le ministère a été autorisé à ne plus réaliser d'efforts supplémentaires, se limitant à un résultat de - 332 emplois.

Suivi de la réalisation des objectifs confiés au ministère
des affaires étrangères dans le cadre d'Action Publique 2022

(en équivalent temps plein travaillé - en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'exercice 2023 a marqué un tournant par rapport aux années précédentes en termes de renforcement des effectifs pour le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ce dernier a ainsi obtenu la création de 106 ETP additionnels, annulant un tiers des suppressions réalisées dans le cadre d'Action publique 2022.

Pour 2024, sur l'ensemble de la mission, ce sont 165 ETP supplémentaires qui seront ouverts. Cette masse salariale supplémentaire représente une hausse de 7,1 millions d'euros des crédits de la mission.

B. UNE AUGMENTATION DES EMPLOIS QUI DEVRA FAIRE L'OBJET D'UNE PROGRAMMATION PLUS PRÉCISE

1. Le besoin d'une programmation précise des ouvertures de postes

Les documents budgétaires et les auditions ont permis d'obtenir une première répartition des 165 ETP nouveaux prévus par le projet de loi de finances. Ainsi 92 ETPT sont affectés au programme 105 » Action de la France dans l'Europe et dans le monde », 16 ETPT sur le programme 151 « Français de l'étranger et affaires consulaire » et 8 ETPT sur le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ». Enfin 10 ETPT sont ouverts sur le programme 209, qui dépend de la mission « Aide publique au développement ».

Répartition des emplois sur les programmes de la mission en 2024

(en équivalent temps plein travaillé - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Outre ces évolutions, 5 ETP supplémentaires sont créés au sein de la nouvelle délégation ministérielle à l'encadrement supérieur. De même, 10 ETP sont ouverts pour les fonctions numériques.

Les rapporteurs spéciaux ont pu constater au cours de leurs auditions qu'une répartition plus précise des emplois au sein de chaque programme relevant du ministère de l'Europe et des affaires étrangères n'était pas finalisée. Un certain nombre d'ETP, notamment sur le programme 185, n'ont pas encore de destination définie. Cette carence est surprenante à un stade aussi avancé de la procédure budgétaire. Si un tel retard peut éventuellement s'entendre sur le premier exercice de la mise en oeuvre d'une augmentation pluriannuelle du budget et des emplois, elle ne pourra se reproduire sur les prochains exercices.

Les rapporteurs spéciaux seront particulièrement vigilants à ce qu'une programmation de la répartition des 700 ETP annoncés par le président de la République soit opérée.

Toutefois, les auditions ont permis aux rapporteurs spéciaux d'être informés des grandes orientations de la répartition des nouveaux postes pour 2024. Si en 2023, les ETP créés avaient davantage été déployés au sein de l'administration centrale du ministère, pour 2024, une majeure partie des nouveaux postes devrait être ouverts à l'étranger. Ainsi, sur le programme 105, le ministère de l'Europe et des affaires entend consacrer 77 ETP au réseau diplomatique à l'étranger. Il s'agit notamment de renforcer les « petits postes consulaires » composés de 2 à 3 agents polyvalents en ajoutant un ETP par poste sur au moins 18 implantations. Sur le programme 185, une partie des nouveaux emplois, à hauteur de 22 ETP, est également destinée à être déployée à l'étranger. À cet égard, les rapporteurs spéciaux rappellent que le ministère doit être vigilant à ne pas revenir sur les efforts de rationalisation du réseau opérés ces dernières années. Il importe d'identifier les priorités géographiques et thématiques et de ne pas tirer de ce budget un effet de balancier.

La « réforme du corps diplomatique » : un coût budgétaire difficile à évaluer

Engagée dans le cadre plus large de la réforme de l'encadrement supérieur de l'État, la réforme du corps diplomatique a suscité un malaise parmi les agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Abondamment commentée, elle a fait l'objet de travaux dans les deux chambres du Parlement2(*).

Cette réforme a porté sur deux volets principaux :

un volet statutaire, qui s'est traduit par la mise en extinction du corps des conseillers des affaires étrangères et du corps des ministres plénipotentiaires3(*), conformément à l'article 13 du décret n° 2021-1550 du 1er décembre 2021 concernant le statut du corps des administrateurs de l'État. Ces deux corps ont été fusionnés au sein d'un corps unique d'extinction : le corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires. À partir du 1er janvier 2023, ce corps est placé en extinction. À l'image de 17 corps de la fonction publique, les fonctionnaires de ce corps sont intégrés au nouveau corps interministériel des administrateurs de l'État. Contestée devant la juridiction administrative, la mise en extinction des deux corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires a récemment été validée par le Conseil d'État4(*) ;

un volet formation, qui se traduit notamment par la centralisation de l'organisation des concours de recrutement de catégorie A+ du ministère au sein de l'Institut national du service public (INSP).

L'objectif principal affiché par la réforme est de décloisonner les fonctions de diplomate au sein de la haute fonction publique et de créer, via des mobilités extérieures, un vivier d'experts des affaires européennes et internationales de la sphère publique.

Sur un plan budgétaire, l'évaluation des conséquences de la réforme sur les crédits de la mission est difficile à déterminer.

D'une part, il est complexe d'identifier l'ensemble des mesures d'ordre budgétaire qui se rattachent à la réforme. Une grande partie des dépenses nouvelles en matière de ressources humaines, demandées lors des États généraux de la diplomatie et réalisées à l'occasion du projet de loi de finances pour 2024, peuvent être indirectement rattachées à cette réforme et la contestation qui a suivi. La mesure la plus directement liée à la suppression des deux corps de conseillers des affaires étrangères et de ministres plénipotentiaires est l'alignement sur la grille indiciaire du corps des administrateurs de l'État.

D'autre part, le déroulement de la réforme n'est pas encore achevé. Les membres du corps unique d'extinction ont jusqu'à fin 2023 pour rejoindre le corps des administrateurs de l'État. À la date des auditions menées, 71 % des fonctionnaires concernés auraient rejoint le nouveau cadre et le ministère affiche un objectif de 80 % d'intégration au sein du corps des administrateurs de l'État. Si cet objectif est rempli, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères serait particulièrement bien représenté dans les catégories A+ puisqu'il accueillerait 16 % du total des administrateurs de l'État.

Source : commission des finances

2. Une refonte programmée de la maquette budgétaire pour concentrer les dépenses de personnel sur le programme 105

Au cours des auditions, les rapporteurs spéciaux ont été informés d'un projet de refonte de la maquette de la mission « Action extérieure de l'État » qui sera réalisé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025. Il s'agit principalement de regrouper l'ensemble des dépenses de personnel de la mission au sein du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde ». Ce regroupement devrait également concerner les dépenses de personnel du programme 209 « Solidarité avec les pays en développement » qui relève de la mission « Aide publique au développement » mais qui est déjà géré par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Si ce regroupement ne semble pas forcément en phase avec l'esprit de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances qui suppose le regroupement de l'ensemble des moyens concourant à une politique publique au niveau du programme, cette évolution devrait offrir une vue d'ensemble des dépenses de personnel du programme. La budgétisation de ce type de dépenses s'en trouverait facilitée.

De plus, une telle organisation facilite la gestion des effectifs entre les services et renforce la flexibilité des personnels notamment dans l'optique de constituer des groupes de travail ad hoc.

En outre, le choix de regrouper l'ensemble des dépenses de titre 2 au sein d'un seul programme support a déjà été opéré par plusieurs ministères. À titre d'exemples, le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture » et le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » regroupent respectivement les dépenses de personnel de la mission « Culture » et de la mission « Défense ».

DEUXIÈME PARTIE
LE PROGRAMME 105 ET LA POSITION
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL NATHALIE GOULET

Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » concentre près des deux tiers des crédits de la mission. Il s'agit du programme « support » de l'action extérieure de la France. Ce programme regroupe ainsi les dépenses liées à l'administration centrale et au réseau diplomatique à l'étranger, d'une part, ainsi que les contributions internationales versées par la France, d'autre part.

Si l'augmentation des crédits du programme 105 porte sur toutes les actions et sous-actions, le rapporteur spécial Nathalie Goulet note qu'une partie de ces dépenses faisait déjà l'objet d'un renforcement, y compris dans un environnement budgétaire plus contraint pour le ministère. Il s'agit de lignes budgétaires particulièrement stratégiques pour l'action du ministère : les dépenses de communication et d'influence, les dépenses d'immobilier et de sécurité et les dépenses informatiques.

À noter qu'une grande partie des crédits du programme, hors dépenses de personnel, est composée de contributions internationales qui sont difficilement pilotables sur le plan budgétaire et rigidifient la trajectoire.

Évolution des crédits du programme 105 - Action de la France en Europe
et dans le monde
de la mission Action extérieure de l'État

(en millions d'euros - en pourcentage)

 

2023

2024

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

Évolution corrigée de l'inflation

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

105 - Action de la France en Europe et dans le monde

2 084,8

2 083

2 265,6

2 263,8

182,6

180,8

8,7%

8,7%

6%

6%

Coordination de l'action diplomatique

106,7

106,7

123,7

123,7

16,9

16,9

15,9%

15,9%

13%

13%

Action européenne

134,8

134,8

211,4

211,4

76,6

76,6

56,8%

56,8%

53%

53%

Contributions internationales

707,5

707,5

728,9

728,9

21,4

21,4

3%

3%

0,5%

0,5%

Coopération de sécurité et de défense

115,4

115,4

119,6

119,6

4,1

4,1

3,6%

3,6%

1%

1%

Soutien

271,3

278,2

291,1

300,9

12,9

22,6

7,3%

8,1%

4,7%

5,5%

Réseau diplomatique

749

740,3

790,9

779,3

50,7

39,1

5,6%

5,3%

3%

2,7%

Note : les prévisions d'inflation correspondent à la prévision d'inflation hors tabac figurant au rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

I. DES CONTRIBUTIONS QUI CONFORTENT L'ENGAGEMENT DE LA FRANCE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE ET EUROPÉENNE

A. LES CONTRIBUTIONS DE LA FRANCE AUX ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET AUX OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX PROGRESSENT LÉGÈREMENT

1. Les contributions en euros et en devises au profit des organisations internationales et pour le financement des opérations de maintien de la paix connaissent une légère augmentation

En premier lieu, les crédits demandés au titre des contributions versées par la France au profit des organisations internationales et pour le financement des opérations de maintien de la paix (OMP) progressent légèrement entre 2023 et 2024, de l'ordre de 3 %.

Évolution des contributions internationales versées par la France

(en millions d'euros - en pourcentage)

Note : l'abréviation OMP renvoie aux opérations de maintien de la paix

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

En deuxième lieu, les contributions en euros connaissent l'augmentation la plus significative au sein des contributions internationales avec une progression d'environ 12 millions d'euros par rapport à 2023 (+ 6,1 %). N'étant pas affectées, par construction, par la dépréciation ou l'appréciation des taux de change, les évolutions de ces contributions rendent davantage compte des priorités politiques poursuivies par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Au sein des contributions versées par la France en euros, trois évolutions notables peuvent être soulignées :

- la contribution française à l'OTAN augmente pour la deuxième année consécutive et devrait progresser de près de 7 millions d'euros par rapport à 2023. Dans le contexte de la guerre d'agression menée par la Russie en Ukraine, les chefs d'État et de gouvernement de l'OTAN ont décidé, lors du sommet de Madrid de juin 2022, d'augmenter le budget de l'organisation de 10 % par an en valeur réelle du budget civil de l'Alliance sur la période 2023-2030 ;

- la contribution de la France à l'OCDE augmente de 2,2 millions d'euros en 2024, en raison de l'adoption par l'organisation d'un budget 2023-2024 en hausse. Cette progression répond à une demande de la France qui plaide pour un budget adapté aux missions confiées à l'OCDE ;

- la contribution de la France à la Convention cadre des Nations unies pour le changement climatique (CCNUCC) progresse également, du fait d'une augmentation de 19 % du budget du CCNUCC décidée par les États parties.

En troisième lieu, les contributions en devises augmentent de 5,8 % et s'élèvent à 230 millions d'euros en 2024. Cette progression vise essentiellement à compenser la hausse de l'inflation.

Certaines contributions en devises, indépendamment du taux de change, voient leur montant augmenter pour 2024. Il s'agit notamment des crédits accordés au dispositif des jeunes experts associés (JEA). Une augmentation de 1 million d'euros de l'enveloppe dédiée au programme JEA est ainsi prévue, à la fois pour financer le renforcement de l'investissement de la France dans ce dispositif mais également pour prendre en compte les effets de l'inflation sur la rémunération de ces jeunes cadres travaillant dans des organisations internationales. La contribution totale de la France au programme JEA s'élèverait ainsi à environ 10 millions d'euros, contributions en euros et devises confondues.

Le rapporteur spécial approuve le soutien à ce dispositif utile pour promouvoir la présence de Français dans les organisations internationales. Ce programme devrait permettre d'intégrer de jeunes Français à toutes les strates de ces organisations et de ne pas concentrer l'ensemble des efforts sur les postes à hautes responsabilités. Toutefois, il paraît nécessaire de disposer d'organigrammes régulièrement actualisés pour connaître précisément le nombre et les fonctions des Français travaillant dans les organisations internationales. Un tel outil serait utile, en particulier à l'occasion des renouvellements de postes afin de faciliter le « tuilage ».

Le programme « jeunes experts associés »

Le programme jeunes experts associés (JEA) ou Junior Professional Officer (JPO) est un dispositif, existant dans différentes organisations du système des Nations unies, permettant à de jeunes professionnels disposant déjà d'une expérience professionnelle de 3 ans, d'acquérir ou de développer une expérience internationale pendant 2 ou 3 ans. La rémunération du jeune expert associé est assurée par l'organisation d'accueil sur financement d'un État sponsor.

Ces jeunes cadres pourront ensuite, s'ils donnent preuve de leur compétence et de leur motivation, intégrer l'organisation qui les accueille. Il s'agit d'une porte d'entrée vers une carrière au sein du système onusien. Les profils recherchés sont variés et vont de l'analyste politique à l'agroéconomiste.

Le programme JEA/JPO est issu du programme « Associate Experts », initiée en 1954 par le gouvernement néerlandais afin de renforcer le personnel de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et de permettre à de jeunes cadres d'acquérir une expérience au sein des institutions internationales. Ce dispositif s'est ensuite étendu à l'ensemble du système onusien dans les années 19605(*). D'autres organisations internationales, comme l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ont également adopté ce type d'initiative.

Au titre de l'année 2023, 32 postes de Jeunes expert/es associé/es (JEA) étaient financés par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Le coût d'un jeune expert associé s'élève à 10 000 euros par mois en moyenne pour l'État sponsor6(*).

Source : commission des finances d'après le site internet du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

2. Le mécanisme de couverture du risque de change a été activé compte tenu de l'évolution incertaine des taux de change

Compte tenu des incertitudes sur l'évolution des changes à moyen terme, le risque budgétaire est conséquent pour les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ». Il pèse particulièrement sur les contributions internationales et les contributions aux OMP en devises.

Face à cette menace potentielle, les rapporteurs spéciaux soulignent l'importance stratégique du mécanisme de couverture du risque de change institué entre le ministère et l'Agence France Trésor (AFT). Dans le cadre de ce dispositif, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères passe à l'AFT des ordres d'achat à terme de devises en lui indiquant le taux de change acceptable qu'il retient. L'AFT met ensuite en oeuvre une opération de couverture auprès des organismes spécialistes en valeur du Trésor (SVT).

L'objectif de cette opération, pour le ministère, est de geler le montant de ses contributions en devises et le coût de cette dépense en euros.

S'agissant des contributions en devises, pour l'année 2024, les ordres d'achat à termes ont été passés à hauteur de 90 % du montant des contributions versées en devises. Les taux de change retenus lors de la budgétisation étaient de 1,07 dollar pour 1 euro et de 0,99 franc suisse pour 1 euro.

S'agissant des contributions internationales aux opérations de maintien de la paix, le taux de change des opérations d'achat à terme (OAT) de devises retenu par l'AFT est de 1,09457 dollar pour 1 euro, les OAT passées couvrant 85 % des dépenses en devises pour ces contributions. Ce taux est relativement proche de celui retenu en budgétisation, soit 1,07 dollar.

Depuis 2018, le ministère des affaires étrangères a activé le mécanisme de couverture de change contribuant à sécuriser entre 80 % et 90 % du montant de ses contributions en dollar.

Les rapporteurs spéciaux notent avec satisfaction que la mise en oeuvre du mécanisme de couverture a été effectuée, cette année, dès le début de la budgétisation. Auparavant, le mécanisme était activé après l'adoption du budget ce qui n'allait pas sans susciter des difficultés lorsque le taux de change retenu en budgétisation et le taux de marché avaient trop fortement divergé, générant au plan budgétaire une perte ou un gain au change pour le ministère.

3. La France tente, par ailleurs, de renforcer son attractivité à l'égard des organisations internationales

Dans la continuité d'une logique de renforcement de sa diplomatie d'influence, la France renforce les crédits dédiés à l'attractivité de son territoire pour les organisations internationales (OI) et les associations ou fondations de droit français ou étranger assimilables. Pour 2024, ces moyens s'élèvent à 2,9 millions d'euros, contre 1,6 million d'euros en 2023.

La stratégie du ministère de l'Europe et des affaires étrangères repose sur la constitution de « pôles internationaux » regroupant sur une même zone plusieurs sièges d'OI, en particulier à Paris et à Lyon.

B. LES CONTRIBUTIONS EUROPÉENNES AUGMENTENT AFIN D'ABONDER LA FACILITÉ EUROPÉENNE POUR LA PAIX

Les contributions européennes intégrées dans le programme 105 regroupent l'ensemble des contributions aux organisations européennes, hors contribution au budget de l'Union européenne. Cette dernière est exclue de cet ensemble et relève, à titre principal, du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne prévu pour 2024 à l'article 33 du présent projet de loi de finances. Les deux principales contributions portées par l'action « Action européenne » du programme 105 sont la contribution au Conseil de l'Europe et la contribution à la Facilité européenne pour la paix (FEP).

Le total des contributions européennes versées par la France au titre de ce programme s'élève donc en 2024 à 198,7 millions d'euros en AE=CP contre 121,6 millions d'euros en 2023. Cette hausse, de l'ordre de 77 millions d'euros, s'explique principalement par le doublement de la Facilité européenne pour la paix (FEP).

Issue de la fusion du dispositif Athéna7(*) et de la Facilité de soutien à la paix pour l'Afrique présents dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020, la Facilité européenne pour la paix est un instrument constitué hors du cadre financier pluriannuel pour 2021-2027. Par conséquent, la FEP n'est pas financée par le budget européen, mais directement par des contributions des États-membres. La FEP finance des actions en matière de sécurité et de défense. Elle repose sur deux piliers : un pilier I qui finance les opérations de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et un pilier II qui abonde des mesures d'assistance à des pays tiers.

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, le plafond de la FEP, initialement fixé à 5,7 milliards d'euros a été progressivement porté à 12 milliards d'euros8(*). La contribution française à la FEP s'élève en 2024 à 143,5 millions d'euros.

Pour la France, la contribution à la FEP est partagée entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère des armées. Le MEAE ne contribue qu'au financement des mesures d'assistance à caractère non létal du pilier II. Les mesures d'assistance à caractère létal, en nette augmentation, reposent sur la contribution du MINARM.

Cependant, le relèvement du plafond de la FEP pourrait conduire à une augmentation de la contribution du MEAE au titre de mesures d'assistance non létales accordées à l'Ukraine et à d'autres pays tiers en Afrique ou dans les Balkans occidentaux.

Les augmentations successives du plafond de la FEP illustre la sensibilité des dépenses du programme à la conjoncture internationale.

Concernant la contribution de la France au Conseil de l'Europe, les crédits demandés pour 2024 s'élèvent à 49 millions contre 47,8 millions en 2023. Toutefois, cette contribution devrait être amenée à progresser à l'occasion des prochains exercices, en raison de la négociation du programme quadriennal de l'organisation qui prendra en compte l'exclusion de la Russie, lequel État disposait d'une quote-part équivalente à celle de la France, et des effets de l'inflation sur les rémunérations de ses agents.

II. LES DÉPENSES LIÉES À L'ADMINISTRATION CENTRALE ET AU RÉSEAU DIPLOMATIQUE

A. LES DÉPENSES RELEVANT DE LA COORDINATION DE L'ACTION DIPLOMATIQUE SONT RENFORCÉES

Si les crédits de l'action « coordination de l'action diplomatique », hors titre 2, ne représentent qu'une part minime des dépenses du programme 105 (moins de 2 %), les dépenses nouvelles inscrites dans le projet de loi de finances pour 2024 traduisent cependant des orientations marquantes pour la mission.

1. Une augmentation des dépenses de protocole importante compte tenu des conférences internationales exceptionnelles organisées en France en 2024

Pour 2024, les dépenses de protocole devraient plus que doubler et s'élever à 18,1 millions d'euros contre 7,6 millions d'euros en 2023 (+ 138,2 %). Cette augmentation importante s'explique essentiellement par une dotation exceptionnelle pour financer l'organisation des conférences internationales qui se dérouleront en France en 2024.

Le rapporteur spécial attachera une attention particulière à la justification des dépenses de protocole, notamment si elles devaient comprendre l'intervention d'acteurs extérieurs, cabinets de conseil ou agences.

Une dotation de 13 millions d'euros devrait ainsi financer l'organisation de ces conférences. Cette dotation se ventile notamment entre :

une enveloppe de l'ordre de 3 millions d'euros, correspondant au budget « régulier » et destinée à financer plusieurs manifestations dont une intitulée « Égalité, droits des femmes, violences faites aux femmes « (mars 2024), l'évènement « Sport en Afrique, économie, développement » (mai 2024), les commémorations du 80e anniversaire des débarquements en Normandie et en Provence (juin et mai 2024) et la conférence « Nutrition for growth - N4G » (décembre 2024) ;

une enveloppe plus conséquente dédiée à l'organisation de deux rendez-vous majeurs pour la diplomatie française, à savoir une conférence internationale sur le thème « Sport et santé, alimentation » en marge de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques et paralympiques en juillet 2024, d'une part, et le sommet de la Francophonie à Villers-Cotterêts et à Paris en octobre 2024, d'autre part.

Concernant les Jeux olympiques, le rapporteur spécial Nathalie Goulet rappelle la nécessité pour le Parlement de disposer, à l'occasion du prochain exercice budgétaire, d'un document de synthèse présentant, par ministère, l'ensemble des dépenses liées aux Jeux olympiques engagées lors de l'exercice 2024.

Par ailleurs, le rapporteur spécial note que le calendrier des conférences internationales peut être amené à évoluer en cours d'année. Compte tenu des contraintes sanitaires, plusieurs conférences ont ainsi pu être reportées lors des exercices 2020 et 2021. À l'inverse, l'organisation d'une conférence humanitaire sur la situation à Gaza le 9 novembre 2023 à Paris devra être financée par un redéploiement de crédits au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».

2. Les actions de communication sont renforcées pour faire face aux vagues de désinformation

De même, les actions dites de « communication » connaissent une augmentation conséquente par rapport à 2023. Le projet de loi de finances prévoit ainsi de fixer ces crédits à 7,5 millions d'euros contre 5,3 millions l'année dernière.

Une grande partie de ces crédits, soit environ 3 millions d'euros, sera consacrée aux activités d'acquisition d'information et d'outils de veille. Ces activités sont pilotées par la sous-direction de la veille et de la stratégie. Cette dernière a été créée récemment, en août 20229(*), et assure la veille stratégique face aux campagnes de désinformation en ligne. Les activités de la sous-direction se font en coordination avec d'autres structures au sein de l'administration, en particulier le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) qui relève du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

Selon les informations recueillies par le rapporteur spécial lors des auditions, ces nouveaux crédits devraient permettre d'assurer une veille des réseaux sociaux vingt-quatre heures sur vingt-quatre afin de repérer les menaces potentielles. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a également indiqué aux rapporteurs spéciaux que ses services étaient désormais en mesure de déployer un contre-discours face aux vagues de désinformation.

Le rapporteur spécial regrette que la désignation de ces opérations n'ait pas été repensée. Le terme de « communication » apparait trompeur et ne permet pas de visualiser l'importance stratégique de ce type de mesure pour la sécurité de la France et son image à l'étranger. À cet égard, le rapport de synthèse des États généraux de la diplomatie utilise l'expression « communication et influence » qui, si elle ne semble pas complètement convenir à ce concept, traduit davantage le sens de ces opérations.

3. Compte tenu d'un environnement géopolitique dégradé, les crédits du centre de crise et de soutien (CDCS) augmentent sensiblement

Le centre de crise et de soutien (CDCS) constitue la cellule chargée des opérations d'évacuation et de la gestion de crise au sein du Quai d'Orsay. Ce service a été créé en 2008 sous l'impulsion du ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner. Si son action était initialement cantonnée à l'assistance des Français à l'étranger et à l'aide humanitaire, elle s'est élargie à la gestion de sortie de crise.

À titre d'exemple, la principale opération d'évacuation menée en 2023 a eu lieu au Soudan. Après la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays et la montée des tensions entre les militaires au pouvoir et des forces paramilitaires en avril 2023, le CDCS a organisé, en coopération avec le réseau consulaire français et le ministère des armées, la mise en sécurité et l'évacuation de plus de 1 000 ressortissants européens, dont 236 français et ayant droits.

S'agissant des opérations humanitaires, l'agression de l'Ukraine par la Russie a conduit le CDCS à coordonner et faciliter l'envoi de plus de 5 000 tonnes de biens humanitaires depuis le début de la guerre par voies terrestre, maritime et aérienne.

Pour 2024, l'enveloppe du CDCS s'élève à 5,15 millions d'euros en AE=CP contre 4,69 millions d'euros pour l'exercice précédent. Si cette enveloppe peut sembler limitée, les crédits du CDCS progressent depuis plusieurs années. La dégradation de l'environnement sécuritaire international explique cependant très largement le renforcement des moyens du centre.

Évolution de la dotation du centre de crise et de soutien

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

La dotation du CDCS repose sur une part de crédits de fonctionnement, de l'ordre de 3,65 millions d'euros, et sur une réserve de gestion de crise dotée de 1,5 million d'euros.

Outre cette dotation, le centre des opérations humanitaires et de stabilisation (COHS) du CDCS gère également les crédits du Fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS). Ce fonds de 200 millions d'euros est abondé par le programme 209 de la mission « Aide publique au développement ».

B. LA COOPÉRATION EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE VOIT SES CRÉDITS SE STABILISER

L'action « Coopération de sécurité et de défense », mise en oeuvre par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD), devrait être dotée, hors dépenses de titre 2, de 38,9 millions d'euros en AE=CP en 2024, contre 36,4 millions d'euros en 2023.

La majeure partie de ces crédits, soit 23,88 millions d'euros, est consacrée à la formation des élites militaires et des partenaires de la France. Cette formation est opérée en France ou dans les écoles nationales à vocation régionale, au nombre de vingt dans onze États, principalement situées en Afrique.

Si le rapporteur spécial Nathalie Goulet note que cette action est essentielle pour consolider l'influence de la France et assurer une coopération sécuritaire efficace avec nos partenaires, force est de constater que ce levier d'influence n'a pas permis de limiter le recul de la France en Afrique francophone. À cet égard, le rapporteur spécial recommande, comme pour les organisations internationales, de tenir à jour des registres de correspondants étrangers ayant suivi une formation militaire française. Le ministère doit accentuer ses efforts pour mesurer la redevabilité de cette coopération. Le rapporteur spécial recommande de prendre pour modèle les universités américaines qui entretiennent leurs réseaux d'étudiants étrangers qui ont fréquenté ces établissements.

Les moyens numériques sont suffisamment efficaces pour établir des listes et les maintenir par des lettres d'information, et des actions dynamiques dirigées vers les anciens élèves de nos institutions notamment militaires qui, de retour dans leur pays, sont des relais d'opinions essentiels.

C. DANS UN CONTEXTE D'ÉVOLUTION DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES, LE MINISTÈRE PRÉVOIT PLUSIEURS MESURES EN FAVEUR DE SES PERSONNELS

La dotation allouée aux ressources humaines du ministère représente près de 17 millions d'euros en AE=CP.

Parmi les mesures nouvelles pour 2024, l'école pratique des métiers de la diplomatie (EDI), dédiée à la formation continue des agents du ministère, devrait amorcer sa transformation en académie diplomatique et consulaire. Cette évolution s'inscrit dans le cadre des engagements présidentiels décidés à la suite des États généraux de la diplomatie. Il s'agit non seulement d'élargir le catalogue de formation de cet institut de formation mais également de l'ouvrir à un vivier plus large, notamment les fonctionnaires d'autres ministères.

Outre la formation, l'enveloppe des ressources humaines comprend également des crédits dédiés à l'action sociale. Ces crédits financent, à titre principal, des dépenses relatives à la restauration et au logement en faveur des agents du ministère.

Toutefois, à la suite des États généraux de la diplomatie, de nouvelles dépenses ont été inscrites dans le projet de loi de finances pour 2024. Il s'agit de mesures relevant de la « qualité de vie » des agents du ministère. Les contributions des agents aux États généraux de la diplomatie se rapportaient en effet essentiellement aux thématiques de ressources humaines.

L'enveloppe dédiée à la réservation de berceaux au sein d'un réseau de crèches est ainsi doublée pour atteindre 600 000 euros en 2024. De même 150 000 euros sont ouverts pour accompagner les agents dans leurs démarches d'expatriation et d'impatriation.

Le rapporteur spécial note que, sans représenter des sommes conséquentes, ces dépenses illustrent une évolution de la politique de ressources humaines du ministère.

D. UN SOUTIEN FINANCIER QUI SE RENFORCE EN MATIÈRE NUMÉRIQUE, IMMOBILIÈRE ET DE SÉCURITÉ

1. Des dépenses numériques en hausse afin d'accélérer la modernisation du ministère et sa sécurité informatique

Les dépenses consacrées au numérique et à la télécommunication connaissent une hausse significative dans le projet de loi de finances. Les crédits ouverts pour 2024 s'élèvent ainsi à 58 millions d'euros en autorisations d'engagement et 57,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 7 millions en autorisations d'engagement et de 3,5 millions en crédits de paiement par rapport à 2023.

Au sein des dépenses numériques et de télécommunication, les dépenses liées aux services bureautiques sont les seules à connaitre une baisse par rapport à l'exercice précédent, de l'ordre de 6 millions en AE comme en CP. Les investissements les plus importants de cette ligne budgétaire ont déjà été effectués lors des exercices 2021, 2022 et 2023. Ils ont notamment permis l'acquisition d'ordinateurs portables pour l'ensemble des agents en administration centrale. Parmi les mesures nouvelles qui peuvent être soulignées, le basculement, pour 3,4 millions d'euros, du parc de smartphones de Smarteo vers dPhone poursuit un objectif de sécurité des communications du ministère.

De plus, les dépenses dédiées aux services d'infrastructures augmentent d'environ 7 millions en AE et en CP, principalement afin de poursuivre la modernisation du réseau de transport de données dans le monde du ministère et de ses services, le projet WAN (Wide Area Network).

S'agissant des dépenses de services applicatifs, leur augmentation s'explique principalement par la hausse des dépenses de cybersécurité. Un projet de rénovation de l'application Diplomatie est notamment programmé afin de renforcer la protection des correspondances politiques.

2. La hausse des dépenses immobilières en France et à l'étranger devrait être accompagnée d'une programmation plus fine pour les années à venir

Les dépenses d'entretien et de maintenance immobilière en France comprennent 24,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 36,4 millions en crédits de paiement. L'augmentation de 22,6 % des crédits de paiement s'explique par le décaissement progressif des crédits sur des projets programmés au cours des exercices précédents. Une partie de ces dépenses, comme les contrats de fourniture d'électricité et de gaz, est également sensible à l'inflation. Au sein des dépenses d'entretien et de maintenance, les dépenses d'entretien lourd demeurent stables.

En outre, les consultations menées dans le cadre des États généraux de la diplomatie ont conduit à identifier deux priorités nouvelles pour les dépenses d'entretien :

- d'une part, la rénovation énergétique du parc immobilier de l'administration centrale du ministère, qui conduit en 2024 à l'ouverture d'une enveloppe de 1,4 million d'euros pour des études préliminaires sur le fonctionnement du réseau thermique des infrastructures situées à Paris ;

- d'autre part, l'amélioration des conditions de travail des agents, qui se traduit en 2024 par 1,8 million d'euros destinés à la rénovation des blocs sanitaires et des ascenseurs du Quai d'Orsay.

Évolution des dépenses d'entretien et de maintenance immobilière
de la mission en France

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

S'agissant des dépenses d'entretien et de maintenance à l'étranger, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit l'ouverture de 113 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 105 millions en crédits de paiement. En AE comme en CP, ces montants représentent une augmentation de 15 millions d'euros par rapport à l'exercice précédent.

Cette augmentation est principalement portée par les dépenses d'entretien lourd du réseau immobilier à l'étranger. En 2024, le ministère engagera ainsi plusieurs opérations lourdes pluriannuelles, comme la rénovation structurelle de l'ambassade à Zagreb suite aux séismes.

Évolution des dépenses d'entretien et de maintenance immobilière
de la mission à l'étranger

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'exécution de ces dépenses devra faire l'objet d'une attention particulière. En particulier, l'augmentation des enveloppes budgétaires devrait s'accompagner d'une meilleure planification des projets immobiliers par la direction de l'immobilier du ministère.

Dans ses notes d'exécution budgétaire sur la mission « Action extérieure de l'État », la Cour des comptes a formulé à plusieurs reprises la recommandation de création d'un outil interministériel de programmation pluriannuelle de l'ensemble des dépenses immobilières.

Dans le cadre de leurs travaux de contrôle budgétaire, les rapporteurs spéciaux Vincent Delahaye et Rémi Féraud ont récemment travaillé sur l'immobilier du ministère de l'Europe et des affaires étrangères10(*). Ils ont ainsi noté que le ministère s'était engagé dans un renforcement de la programmation de ses dépenses immobilières. En France, cette programmation repose sur le schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) d'administration centrale, qui court pour la période 2020-2025. À l'étranger, elle s'appuie sur le schéma directeur immobilier pluriannuel pour l'étranger (Sdipe) 2021-2025 qui définit la stratégie immobilière.

Le rapporteur spécial Nathalie Goulet partage les observations présentées dans cette communication, en particulier le risque d'une trop grande stratification des documents de planification. En tout état de cause, les rapporteurs seront attentifs à la mise en oeuvre de cette programmation au cours des prochains exercices budgétaires.

3. Compte tenu de l'augmentation des risques, les dépenses de sécurité en France et à l'étranger progressent en 2024

En premier lieu, les dépenses de sécurité augmentent légèrement par rapport à 2023. Cette hausse repose essentiellement sur les crédits alloués aux contrats de gardiennage et d'accueil physique. Elle s'explique par l'inflation dans le secteur de la sécurité, d'une part, et par des besoins nouveaux et temporaires liés aux Jeux olympiques, d'autre part.

En second lieu, les dépenses de sécurité à l'étranger s'inscrivent dans une augmentation constante depuis plusieurs exercices.

Parmi ces dépenses, les frais de gardiennage sont en forte hausse, avec 2 millions d'euros supplémentaires en 2024. Cette progression correspond à l'inflation dans le secteur de la sécurité mais également à des besoins accrus de gardiennage dans des zones géographiques en tension.

Comme les années précédentes, une partie significative des crédits de l'enveloppe dédiée à la sécurité à l'étranger est consacrée à des dépenses d'investissement afin d'améliorer la sécurité des postes, en particulier dans les pays de « l'arc de crise » (Sahel et Moyen-Orient). Ces dépenses sont essentiellement concentrées sur des mesures de sécurité passive, qui visent à retarder au maximum la progression d'éventuels intrus. Ainsi, par exemple, les intrusions ayant eu lieu à l'ambassade de France à Niamey, au Niger, en août et septembre 2023, ont été considérablement ralenties par des dispositifs de sécurité passive.

Évolution des dépenses de sécurité à l'étranger

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les rapporteurs spéciaux notent qu'en dépit de leur augmentation significative, ce type de dépenses permet d'assurer la protection des personnels du ministère dans des situations de crises. À titre d'exemple, les auditions ont porté à la connaissance des rapporteurs spéciaux que les dégâts causés à l'ambassade de France à Niamey étaient estimés à 6 millions d'euros. Or, ce type de situation est susceptible de se répéter dans un contexte international dégradé.

TROISIÈME PARTIE
LES PROGRAMMES 185 ET 151 ET LA POSITION
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL RÉMI FÉRAUD

I. LE PROGRAMME 151 : UNE POURSUITE DE LA MODERNISATION DES SERVICES CONSULAIRES ET DU RENFORCEMENT DES AIDES À L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS

Le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » regroupe les crédits dédiées aux services publics des Français de l'étranger, les bourses attribuées pour l'enseignement français à l'étranger ainsi que la politique des visas.

Évolution des crédits du programme 151 « Français à l'étranger
et affaires consulaires » de la mission « Action extérieure de l'État »

(en millions d'euros - en pourcentage)

 

2023

2024

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

Évolution corrigée de l'inflation

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

391,6

391,4

437,2

436,9

45,9

45,5

11,7%

11,6%

8,9%

8,9%

Offre d'un service public de qualité aux Français à l'étranger

227,4

227,2

249,9

249,9

22,7

22,7

9,9%

10%

7,2%

7,3%

Accès des élèves français au réseau AEFE et à la langue française

105,8

105,8

120,5

120,5

14,8

14,8

9,3%

9,3%

11,2%

11,2%

Instruction des demandes de visa

58,4

58,4

66,9

66,9

8,4

8,4

14,4%

14,4%

11,6%

11,6%

Note : les prévisions d'inflation correspondent à la prévision d'inflation hors tabac figurant au rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Pour 2024, les crédits demandés au titre du programme 151 augmentent de 45,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 45,5 millions en crédits de paiement, soit une hausse de 8,9 % des crédits par rapport à l'exercice 2023.

Cette hausse des crédits devrait permettre de poursuivre deux priorités identifiées au cours des exercices précédents. D'une part, accélérer la modernisation des services publics offerts aux Français de l'étranger. D'autre part, soutenir l'accès de ces derniers à l'enseignement français à l'étranger.

A. LE SERVICE PUBLIC PROPOSÉ AUX FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER POURSUIT SA DÉMARCHE DE MODERNISATION

Les crédits destinés à financer le service public offert aux Français de l'étranger regroupent 249,9 millions d'euros en AE=CP. Hors dépenses de titre 2, ces montants sont ramenés à 42,5 millions d'euros. L'essentiel de ces crédits vient financer les dépenses de fonctionnement des services consulaires et la modernisation de ces derniers.

La direction des Français de l'étranger et les services consulaires sont en effet engagés depuis plusieurs années dans une démarche de modernisation de leurs outils. Pour 2024, le pôle modernisation de l'administration consulaire sera doté de 4,5 millions d'euros en AE=CP. Ces crédits visent à financer principalement trois mesures :

la dématérialisation de l'état civil des Français nés à l'étranger ou ayant eu un événement d'état civil à l'étranger, tout d'abord, qui a été engagée en 2019 et vise à constituer un registre de l'état civil électronique (RECE). La conduite du projet est dotée de 900 000 euros pour 2024 et devrait permettre d'atteindre la dernière étape, à savoir l'ouverture du registre électronique ;

la modernisation des outils des services consulaires, ensuite, voit ses crédits augmenter pour atteindre 2,9 millions d'euros pour 2024, afin de financer la modernisation de plusieurs applications et l'expérimentation de dispositifs nouveaux comme la dématérialisation du renouvellement des passeports qui sera testée au Canada et au Portugal ;

le vote par internet11(*), enfin, qui voit son enveloppe augmenter de 450 000 euros en 2024, devrait faire l'objet d'un nouveau marché pour les prochaines échéances électorales (élections consulaires de 2026 et législatives de 2027).

Ces mesures seront également complétées par le renforcement des moyens dédiés au service France consulaire qui augmentent de 1,9 million d'euros pour atteindre 3,8 millions d'euros en AE=CP. Ce centre de contact consulaire, déployé en août 2023 dans 26 pays européens couvrant 47 % des Français expatriés. L'objectif de ce dispositif, situé à la Courneuve, est de soulager les services consulaires en recueillant les premières demandes. À ce stade, le service a pu traiter directement 90 % des demandes adressées depuis ces pays.

France consulaire devrait être déployé courant 2024 en Afrique et s'étendre au reste du monde en 2025. Les rapporteurs spéciaux ont également été informés au cours des auditions qu'un déplacement du centre d'appel de la Courneuve vers Nantes pourrait être envisagé au cours des prochaines années. Une telle solution permettrait de réduire les dépenses d'immobilier attachées à ce centre d'appel et de renforcer l'attractivité du service pour les agents.

De plus, parmi les dépenses de fonctionnement, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit une ligne de 1,1 million d'euros au titre des dépenses relatives aux élections européennes. À ces crédits viendront s'ajouter 4,4 millions d'euros transférés par le ministère de l'intérieur et des Outre-mer.

Outre ces dépenses de fonctionnement, les crédits de cette action financent également, à hauteur de 16,2 millions d'euros, les aides sociales destinées aux Français de l'étranger. Ces aides visent à soutenir les Français de l'étranger les plus démunis après l'avis des conseils consulaires pour la protection et l'action sociale (CCPAS). Depuis la loi de finances pour 2021, et à l'exception de l'année 2022 où elles avaient été réduites, les aides sociales destinées aux Français de l'étranger sont maintenues à un niveau relativement élevé. L'objectif de cette mesure est de prendre en compte les effets de l'inflation.

B. LES MESURES DE SOUTIEN À L'ACCÈS AU RÉSEAU D'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS SONT ACCENTUÉES

Le soutien à l'accès des Français de l'étranger au réseau d'enseignement français repose principalement sur deux enveloppes.

En premier lieu, l'enveloppe principale de cette politique est constituée des bourses scolaires en faveur des familles modestes. Ces bourses sont directement versées aux établissements et permettent de minorer le coût des frais de scolarité pour les familles.

Le montant des crédits demandés au titre des bourses scolaires s'élève à 118 millions pour 2024. Cette dotation est en hausse par rapport à 2023, où 104,4 millions avaient été ouverts. Cependant, pour l'exercice 2023, selon les auditions menées par les rapporteurs spéciaux, ces crédits ont été consommés et même complétés par un dégel de la réserve de précaution, d'une part, et par un apurement de la soulte qui devrait ainsi disparaitre fin 2023, d'autre part. Par ailleurs, l'augmentation des crédits prend également en compte l'inflation susceptible de conduire à un renchérissement des frais de scolarité.

Le rapporteur spécial sera attentif à la consommation de cette enveloppe au cours de l'année 2024 afin qu'une sous-consommation ne conduise pas à la reconstitution d'une soulte.

En second lieu, une enveloppe spécifique de 1,5 million d'euros est prévue pour l'aide à la scolarisation des élèves en situation de handicap. Cette enveloppe, créée en 2018, permet de financer le recrutement et la formation des AESH (accompagnant(e) d'un élève en situation de handicap) nécessaires à la scolarisation de ces élèves.

Les crédits de cette ligne budgétaire sont en augmentation en 2024, du fait de la suppression des conditions de ressources pour l'obtention de cette aide. Selon les documents budgétaires, environ 400 enfants seraient concernés.

En outre, pour 2024, une troisième enveloppe est ouverte et dotée de 1 million d'euros, le « Pass Éducation langue française ». Ces crédits répondent à un engagement présidentiel de soutenir l'apprentissage de la langue française chez des élèves français scolarisés hors du réseau de l'AEFE.

Le rapporteur spécial se félicite de cette mesure de soutien qui vient renforcer le lien de ces élèves avec la langue française. Cependant, il sera vigilant aux modalités de mise en oeuvre concrète de cette mesure et à l'évaluation qui en sera faite.

II. LE PROGRAMME 185 : UN RENFORCEMENT DE LA DIPLOMATIE CULTURELLE ET D'INFLUENCE COHÉRENT AVEC LES CONCLUSIONS DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA DIPLOMATIE

Le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » rassemble les crédits destinés aux politiques culturelle, linguistique, universitaire, scientifique et d'attractivité. Il comprend également les subventions versées aux opérateurs de la mission.

Une grande partie des crédits du programme 185 est gérée par trois opérateurs :

- l'Agence française pour l'enseignement français à l'étranger, placée sous la tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, a pour principal objectif d'assurer les missions de service public relatives à l'éducation en faveur des enfants de nationalité française résidant à l'étranger ;

- l'Institut français, placé sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de la culture, assure la promotion de la culture française à l'étranger et accompagne le réseau culturel français ;

Campus France, placé sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, est chargé d'assurer la promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger et de financer des programmes de mobilité internationale.

Pour 2024, le total des crédits alloués aux trois opérateurs de la mission devrait s'élever à 486,7 millions d'euros.

Sans constituer des opérateurs au sens de la loi organique relative aux lois de finances, les Alliances françaises mettent également en oeuvre une partie des crédits de la mission.

Évolution des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence »
de la mission « Action extérieure de l'État »

(en millions d'euros)

 

2023

2024

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

Évolution corrigée de l'inflation

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

185 - Diplomatie culturelle et d'influence

743,8

743,8

806

806

62,2

62,2

8,4%

8,4%

5,7%

5,7%

Appui au réseau

40,3

40,3

44,1

44,1

3,8

3,8

9,3%

9,3%

6,6%

6,6%

Coopération culturelle et promotion du français

68,4

68,4

86,3

86,3

17,9

17,9

26,2%

26,2%

23,1%

23,1%

Objectifs de développement durable

2,4

2,4

2,4

2,4

0

0

-

-

-

-

Enseignement supérieur et recherche

101,2

101,2

123

123

21,9

21,9

21,6%

21,6%

18,7%

18,7%

Agence pour l'enseignement français à l'étranger

446,9

446,9

454,9

454,9

8

8

1,8%

1,8%

-0,7%

-0,7%

Dépenses de personnel concourant au programme

72,6

72,6

84,8

84,8

12,2

12,2

16,8%

16,8%

14%

14%

Diplomatie économique et d'attractivité

12

12

10,4

10,4

-1,6

-1,6

-13,1%

-13,1%

-15,2%

-15,2%

Note : les prévisions d'inflation correspondent à la prévision d'inflation hors tabac figurant au rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Pour 2024, les crédits du programme 185 progressent de 5,7 %, soit une augmentation de 62,2 millions d'euros. Cette hausse historique des dépenses du programme traduit l'accent mis au cours des États généraux de la diplomatie sur le concept de « diplomatie d'influence ».

Le rapporteur spécial se félicite du renforcement des moyens de la diplomatie culturelle et d'influence. Les efforts demandés au cours des années passées ont limité les ressources du réseau d'enseignement à l'étranger et de la coopération culturelle. La réduction des crédits opérée lors des exercices précédents était d'autant plus dommageable qu'elle affectait un programme constitué en grande partie de dépenses de personnel, donc contraintes.

La trajectoire proposée par le projet de loi de finances pour 2024 devrait ainsi permettre au ministère et aux opérateurs relevant du programme d'assurer pleinement les missions qui leur sont confiées.

A. LES CRÉDITS DÉDIÉS À L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER SONT MARQUÉS PAR L'OBJECTIF DE DOUBLEMENT DES EFFECTIFS SCOLARISÉS D'ICI 2030

1. Un exercice budgétaire orienté par les consultations sur l'enseignement français à l'étranger

En parallèle des États généraux de la diplomatie, des « consultations sur l'enseignement français à l'étranger » ont été organisées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ces consultations se sont articulées autour d'un questionnaire diffusé sur l'ensemble du réseau de l'AEFE et sur des groupes de travail thématiques. Elles se sont clôturées par un Conseil d'orientation interministériel co-présidé par la ministre de l'Europe et des affaires étrangères et le ministre de l'Éducation nationale et de la jeunesse en juillet 2023.

Ces consultations ont été pour le ministère et l'AEFE l'occasion de confirmer l'objectif de doublement du nombre d'élèves inscrits dans le réseau des établissements français à l'étranger d'ici 2030, prévu dans le plan pour la langue française et le plurilinguisme présenté par le président de la République en 2018.

Le rapporteur spécial indique que cet objectif de doublement des effectifs semble trop ambitieux, voire peu réaliste, au regard de la progression actuelle du nombre d'élèves. Le réseau de l'AEFE comptait à la rentrée 2023 près de 390 000 élèves contre 350 000 en 2018. La progression en 2023 n'est que de 0,5 % par rapport à l'année précédente. Or, l'AEFE estime qu'une croissance annuelle de 5 % est nécessaire pour atteindre l'objectif présidentiel.

Certes, de nouveaux dispositifs ont été lancés afin d'accélérer la progression des effectifs. Il s'agit notamment de l'identification de zones géographiques d'efforts prioritaires. Ainsi, 11 pays-cibles ont été sélectionnés pour leur potentiel vivier d'élèves et recevront des moyens supplémentaires dans les années à venir12(*). Ces efforts devraient s'opérer en coopération avec les services économiques des postes diplomatiques pour mieux identifier les besoins potentiels.

Par ailleurs, 16 instituts régionaux de formation (IRF) ont été ouverts au 1er janvier 2023, en application de la loi n° 2022-272 du 28 février 2022 visant à faire évoluer la gouvernance de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et à créer les instituts régionaux de formation. Les IRF, directement gérés par l'AEFE, devraient permettre de mieux former le personnel de droit local et d'accompagner l'augmentation des effectifs.

2. Un financement consolidé de l'AEFE

Les crédits du programme 185 comprennent la subvention pour charges de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), opérateur du programme consacré à l'enseignement francophone dans le monde. Pour 2024, la subvention versée à l'AEFE devrait s'élever à 454,9 millions d'euros, en augmentation de 8 millions d'euros par rapport à 2023. Les crédits consacrés à l'AEFE se maintiennent ainsi à un niveau élevé.

Évolution de la subvention pour charges de service public
versée à l'AEFE depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Pour mémoire, en 2023, le montant demandé au titre de la subvention pour charges de service public de l'AEFE s'était caractérisée par une augmentation de 28 millions d'euros. Cette hausse exceptionnelle s'expliquait principalement par la compensation de la révision du point d'indice dans la fonction publique (13 millions d'euros), par la compensation de la réforme statutaire des agents de l'AEFE (7 millions d'euros) et par la compensation de la mise en oeuvre par l'AEFE d'une part de l'aide française au Liban (10 millions d'euros).

Le rapporteur spécial note que la ligne de soutien au réseau d'enseignement français au Liban n'apparait plus dans les documents budgétaires.

En 2024, l'augmentation de la subvention destinée à l'AEFE s'explique par la compensation de la poursuite de la réforme statutaire des agents de l'opérateur. Cette réforme représente un coût total de 15 millions d'euros, répartis sur les exercices 2023 et 2024. Pour rappel, en 2023 l'AEFE employait 10 465 ETP.

En effet, le décret n° 2002-22 du 4 janvier 2002 relatif à la situation administrative et financière des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger, qui régit la situation des personnels résidents de l'AEFE, et la partie réglementaire du code de l'éducation ont du faire l'objet d'une modification en juin 202213(*) pour tenir compte de la jurisprudence administrative14(*). En application de cette jurisprudence, l'AEFE a dû renoncer à une pratique qui consistait à recruter des enseignants sous un statut de droit local de façon à les faire passer ensuite sur un statut de résident, moins favorable que celui de personnel détaché.

La réforme a refondu le cadre du détachement des agents publics. Celui-ci distingue désormais les agents selon leur catégorie d'emploi et non plus selon le statut du contrat.

Par ailleurs, les dépenses d'investissements de l'opérateur sont financées par deux canaux :

- d'une part, sur les ressources propres de l'AEFE ;

- d'autre part, via une subvention pour charges d'investissement versée par l'État, fixée dans le cadre d'un schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI).

Pour 2024, le financement des dépenses d'investissement de l'agence reposera exclusivement sur ses fonds propres.

3. Le soutien à l'enseignement du français et la coopération culturelle

Pour 2024, les crédits de l'action « Coopération culturelle et promotion du français » s'élèvent à 86,3 millions d'euros, soit une augmentation de 23,1 % par rapport à l'exercice précédent. Cette hausse de près de 18 millions d'euros se répartit entre les actions de soutien à l'enseignement du français, d'une part, et les moyens dédiés à la coopération culturelle, d'autre part.

Pour les dépenses de soutien à la promotion du français, les crédits demandés pour 2024 représentent 31,2 millions d'euros, soit une hausse de 8 millions d'euros par rapport à 2023. Le montant des bourses attribuées pour des formations de français langue étrangère (FLE) progresse de 300 000 euros dans le projet de loi de finances.

Toutefois, les augmentations de crédits les plus importantes sont concentrées sur les subventions accordées aux établissements contribuant à la promotion du français. Les dotations accordées aux établissements à autonomie financière (EAF, les Instituts français et les unités mixtes des instituts français de recherche à l'étranger) augmentent de 1 million d'euros tandis que les subventions aux Alliances françaises progressent de 1,5 millions d'euros. Ces augmentations visent à soutenir le réseau de ces établissements face à l'inflation et dans leur extension à travers l'ouverture de nouvelles antennes.

De plus, en cohérence avec la nouvelle doctrine du Quai d'Orsay de renforcer les crédits directement gérés par les ambassades, les subventions mises en oeuvre par les postes et par l'administration centrale sont presque doublées en 2024 pour atteindre 12 millions d'euros.

Une évolution similaire peut être signalée concernant les crédits d'intervention dans les postes et en administration centrale en matière de coopération culturelle où les moyens sont également doublés pour atteindre 14,6 millions d'euros.

Le rapporteur spécial Rémi Féraud prend note de ce renforcement du rôle des postes dans la gestion des crédits. Cependant, si une gestion au plus près du terrain par les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) des ambassades peut apparaitre bénéfique, la répartition de ces crédits devra éviter l'écueil du saupoudrage, comme rappelé supra. De même, lorsqu'il contrôlera l'exécution des crédits, le rapporteur spécial sera attentif à la manière dont ont été sélectionnés les projets financés par ces subventions.

B. EN MATIÈRE SCIENTIFIQUE ET UNIVERSITAIRE, LE BUDGET 2024 POURSUIT UN DOUBLE OBJECTIF DE DÉVELOPPEMENT DES MOBILITÉS ÉTUDIANTES EN FRANCE ET D'APPROFONDISSEMENT DE LA COOPÉRATION BILATÉRALE

L'enseignement supérieur et la recherche figure désormais au coeur de la diplomatie d'influence. La « feuille de route de l'influence » publiée en 2021 par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères place cette question parmi les six priorités stratégiques de l'influence.

Le projet de loi de finances pour 2024 propose par conséquent d'augmenter les crédits dédiés à l'enseignement supérieur et à la recherche de 22 millions d'euros par rapport à 2023 pour porter le total de cette action à 123 millions d'euros. Cette augmentation des crédits s'explique par plusieurs mesures.

En premier lieu, les crédits destinés à financer les bourses du Gouvernement français et la participation de la France à des bourses cofinancés augmentent de 6 millions d'euros en 2024.

Cette augmentation des bourses poursuit plusieurs objectifs :

- premièrement, elle s'inscrit dans le cadre de la stratégie « Bienvenue en France », qui prévoit le doublement du volume de bourses sur la période 2017-2027 ;

deuxièmement, il s'agit, pour le ministère et ses opérateurs, d'encourager les « bourses récurrentes », c'est-à-dire un financement sur plusieurs années de suite d'une mobilité étudiante en France ;

- troisièmement, au-delà de l'augmentation en volume, ces crédits devraient également correspondre aux priorités géographiques portées par la diplomatie française, à savoir une orientation vers l'Afrique et l'Indopacifique. Les rapporteurs spéciaux ont ainsi été informés au cours des auditions de la volonté du ministère d'attirer davantage d'étudiants indiens, encore peu nombreux en France. Entre 2015 et 2020, le nombre d'étudiants indiens en mobilité a progressé de 105 %, selon les données de Campus France.

Si les deux tiers des crédits destinés aux bourses sont gérés par le réseau de coopération et d'action culturelle, une partie de ces moyens finance également des programmes de bourses plus ciblés comme le programme des bourses Eiffel, qui bénéficie aux meilleurs étudiants dans sept domaines scientifiques, ou le programme Excellence Major, qui finance les études des meilleurs élèves étrangers issus des lycées français à l'étranger.

La mobilité étudiante en France selon la zone géographique en 2021-2022

Source : commission des finances d'après les chiffres de Campus France

En deuxième lieu, le soutien à la politique d'échange d'expertise dans l'enseignement supérieur et la recherche est doté de 4,9 millions d'euros en 2024, contre 4,4 millions d'euros en 2023. Ces crédits permettent de financer les missions d'experts français d'appui au réseau universitaire d'un pays étranger, les séjours de chercheurs étrangers ou les programmes d'échanges de chercheurs.

En troisième lieu, les crédits d'intervention dans les postes et en administration centrale devraient augmenter de manière conséquente et s'élever à 31,3 millions d'euros contre 18,1 millions d'euros en 2023. Cette hausse sera ventilée entre deux postes de dépenses.

D'une part, cette dotation vise à renforcer l'attractivité universitaire de la France via le financement d'universités ou de campus franco-étrangers. À titre d'exemple, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères devrait verser une dotation annuelle de 1 million d'euros au campus franco-indien, qui aurait vocation à se prolonger au cours des exercices à venir.

D'autre part, une grande partie de cette enveloppe devrait permettre de financer des projets dans le cadre de partenariats locaux. Cette logique d'approche par projet correspondrait à un pilotage au niveau des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) des ambassades. Une logique similaire est appliquée par le ministère pour un programme n'appartenant pas à la même mission, le programme 209 « Solidarité avec les pays en développement », où les crédits du Fonds de solidarité pour des projets innovants sont directement pilotés par les ambassades.

Comme indiqué supra, la concision de la présentation de cette ligne budgétaire dans les documents budgétaires interroge. La logique de gestion au plus près du terrain ne peut se faire au prix de la redevabilité des comptes.

C. LA DIPLOMATIE ÉCONOMIQUE ET D'ATTRACTIVITÉ

Pour rappel, depuis juillet 2022, la compétence « Tourisme » a été transférée du ministère de l'Europe et des affaires étrangères vers le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Pour cette raison, l'opérateur Atout France ne relève plus du programme 185.

En dépit de ce transfert de la compétence « Tourisme » vers le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, l'action « Diplomatie économique et attractivité » est dotée de 10,4 millions d'euros en AE=CP pour 2024.

Ces crédits comprennent notamment la contribution du MEAE à la participation française à l'Exposition universelle d'Osaka en 2025, pour un montant de 3,8 millions d'euros. Le rapporteur spécial considère cette dépense comme ponctuelle et répondant à une volonté de promotion du prestige de la France.

En outre, 5,85 millions d'euros sont alloués par le ministère à la campagne Destination France. Le maintien de cette charge au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères interroge, alors que la campagne Destination France est assurée par l'opérateur Atout France.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

À la suite de la première délibération à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a retenu, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité au titre de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, plusieurs amendements portant une demande de rapport et modifiant les indicateurs de performance de la mission « Action extérieure de l'État » qui seront retracés dans les projets et rapports annuels de performances.

En premier lieu, 3 amendements déposés par le député du groupe Ecologiste-NUPES et rapporteur spécial de la mission Karim Ben Cheikh, sont venus modifier ou ajouter des indicateurs de performances de la mission :

- l'amendement 2071, d'abord, a complété l'indicateur 2.1 du programme 151 de la mission « Action extérieure de l'État », relatif aux « délais de traitement des documents administratifs et des demandes de titres » en précisant que ces délais de traitement vont «de la prise de rendez-vous jusqu'à la délivrance au demandeur «.

- l'amendement 2072, ensuite, a introduit deux nouveaux indicateurs « Position de la France dans le classement mondial des contributeurs financiers des organisations internationales » et « Montant des contributions volontaires versées par la France aux organisations internationales » au sein du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » ;

- l'amendement 2074, enfin, a ajouté un indicateur « Délai de transcription d'état-civil en consulat » au programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ».

En second lieu, l'amendement 2076 de M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial de la mission, a inséré un nouvel article 50 A qui prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juin 2024, un rapport évaluant l'opportunité de réviser les capacités d'emprunt de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Il s'agit d'évaluer les possibilités d'évolution du mode de financement de l'AEFE, principal opérateur du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État ». Actuellement, les possibilités d'emprunt de l'Agence sont limitées et son financement repose en grande partie sur la subvention pour charges de service public qui lui est versé par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 50 A (nouveau)

Demande de rapport sur le financement de l'Agence
pour l'enseignement français à l'étranger

Le présent article prévoit que le Gouvernement remet, avant le 1er juin 2024, un rapport évaluant l'opportunité de réviser les capacités d'emprunt de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

La commission propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE LIMITATION DE LA CAPACITÉ D'ENDETTEMENT DE L'AGENCE FRANÇAISE POUR L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER

Créée par la loi du 6 juillet 199015(*), l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est un établissement public national à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Relevant de la catégorie des organismes divers d'administration centrale (ODAC), l'AEFE est limitée dans ses capacités d'emprunt. En application de l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 201416(*), les organismes relevant de cette catégorie « ne peuvent contracter auprès d'un établissement de crédit ou d'une société de financement un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois, ni émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée ».

En conséquence, le financement de l'AEFE repose sur trois canaux :

la subvention pour charges de service public, qui est versée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ainsi que les autres transferts opérés par l'État, notamment le financement des bourses scolaires sur le programme 151 de la mission « Action extérieure de l'État » ;

- les ressources propres de l'AEFE ;

les avances de l'Agence France Trésor (AFT), de courte durée (un an maximum) et théoriquement réservées aux besoins de financement imprévues.

Cet encadrement des modalités de financement de l'AEFE limite de fait les capacités de cette dernière à financer des projets immobiliers de long terme.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UN RAPPORT VISANT À ÉVALUER L'OPPORTUNITÉ DE RÉVISER LES CAPACITÉS D'EMPRUNT DE L'AGENCE POUR L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER

En première lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a retenu, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité au titre de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, un amendement de notre collègue député Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial de la mission, tendant à insérer un nouvel article 50 A qui prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juin 2024, un rapport évaluant l'opportunité de réviser les capacités d'emprunt de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Il s'agirait ainsi d'évaluer les possibilités d'évolution du mode de financement de l'agence, principal opérateur du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État ».

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE DEMANDE DE RAPPORT QUI VIENT PALLIER LES RETARDS PRIS PAR LE GROUPE DE TRAVAIL INTERMINISTÉRIEL SUR LE FINANCEMENT DE L'AEFE

La question du mode de financement de l'AEFE apparaît centrale pour les capacités de cet opérateur à assurer ses dépenses d'immobilier à moyen et long terme. Cette thématique fait d'ailleurs l'objet d'un groupe de travail interministériel.

Le contrat d'objectifs et de moyens 2021-2023 (COM) conclu entre l'État et son opérateur a, en effet, prévu la réunion d'un groupe de travail réunissant l'AEFE, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère des comptes publics. Il doit ainsi proposer un mécanisme de financement pérenne de l'AEFE qui « pourra reposer sur une mise en commun ponctuelle des réserves de trésorerie disponibles au sein du réseau ou la constitution d'un fonds mutualisé à partir de contributions des établissements », selon les termes du COM. Ce nouveau mécanisme devrait remplacer le recours aux avances de l'AFT.

Or, les rapporteurs spéciaux constatent que ce groupe de travail n'a toujours pas présenté ses conclusions ou formulé de proposition. Dans la mesure où il paraît opportun d'évaluer les possibilités d'évolution du mode de financement de l'AEFE, il est dès lors pris acte de la demande de rapport portée par le présent article.

Proposition de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 14 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Mme Nathalie Goulet et M. Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Action extérieure de l'État » (et article 50 A).

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons maintenant les crédits de la mission « Action extérieure de l'État »

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État » - Le budget de la mission a été très largement orienté par les conclusions des États généraux de la diplomatie, qui se sont tenus d'octobre 2022 à mars 2023, en réponse au mouvement social de juin 2022 suscité par la réforme du corps diplomatique. Cette réforme, engagée sans associer parfaitement le Parlement, a créé un malaise parmi les agents du ministère. En effet, son volet statutaire s'est traduit par la mise en extinction du corps des conseillers des affaires étrangères ; son volet formation impose la centralisation de l'organisation des concours de recrutement. De plus, sur le plan budgétaire, l'évaluation des conséquences de cette réforme sur les crédits de la mission est très difficile à déterminer. Un recours contre ce décret a été rejeté le 31 octobre dernier. La conclusion de ces États généraux a été l'occasion pour le Gouvernement d'annoncer une augmentation de 700 équivalents temps plein (ETP) et de 20 % du budget d'ici à 2027.

Cette ambition est reflétée dans le budget pour 2024 par une progression des crédits de 3,5 milliards d'euros, en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP). Par rapport à l'exercice précédent, les crédits progressent de près de 290 millions d'euros, soit une augmentation de 6 % sur la mission qui s'accompagne de l'ouverture de 165 ETP sur l'ensemble des programmes.

Cette augmentation généralisée soulève toutefois trois points de vigilance.

Premièrement, nous devons être attentifs à éviter un effet de « saupoudrage ». Les choix de répartition des crédits doivent s'inscrire en cohérence avec nos priorités stratégiques et géographiques qui sont difficiles à cerner ces temps-ci. À cet égard, il est nécessaire de mieux mesurer l'effet de levier des dépenses de l'action extérieure.

Deuxièmement, la programmation de certaines dépenses devra être détaillée, car la ventilation de certains crédits et des emplois m'est apparue imprécise au cours des auditions. Certaines lignes budgétaires sont renseignées de manière sibylline, à l'image de celle qui est dédiée aux dépenses d'intervention des ambassades. L'allocation de 165 nouveaux ETP n'est pas encore terminée.

Troisièmement, nous devons veiller à la bonne exécution de certaines dépenses, par exemple s'agissant de l'immobilier, où l'on a observé une sous-consommation lors des précédents exercices.

J'évoquerai maintenant de manière plus détaillée les crédits du programme 105, qui regroupe les contributions internationales et les dépenses liées à l'administration centrale et au réseau diplomatique à l'étranger.

En premier lieu, s'agissant des contributions internationales et européennes, elles dépendent d'engagements de la France pour financer des organisations multilatérales. Au total, ces contributions internationales, hors contributions européennes, s'élèveront à 729 millions d'euros en 2024, soit une hausse de 3 % par rapport à 2023. Une partie est versée en devises, ce qui l'expose à un risque de change. Compte tenu des incertitudes sur l'évolution des changes à moyen terme, le ministère des affaires étrangères a activé le mécanisme de couverture de change. Une partie de la hausse des contributions pour 2024 s'explique par le doublement du financement de la Facilité européenne pour la paix (FEP). Cette dernière a été largement sollicitée pour financer l'aide apportée à l'Ukraine dans sa résistance à l'agression russe.

En second lieu, concernant les crédits de l'administration centrale et du réseau diplomatique, la hausse entend traduire le « réarmement » de notre diplomatie.

Le ministère portera un effort particulier sur certaines dépenses présentées comme stratégiques, notamment celles qui sont improprement qualifiées de dépenses de « communication », qui regroupent les activités de veille et de riposte à la désinformation, ce qu'on pourrait désigner par l'expression de « communication d'influence ».

Le contexte international dégradé explique le renforcement des dépenses de sécurité en France comme à l'étranger. Les crédits de la sécurité à l'étranger devraient atteindre 67 millions d'euros en crédits de paiement. Le centre de crise et de soutien du Quai d'Orsay, mobilisé par les évacuations de nos ressortissants voit d'ailleurs sa dotation renforcée. Il s'agit en particulier de protéger nos ambassades par des mesures de sécurité dites « passives », qui, au regard des récents événements au Sahel, paraissent nécessaires et bienvenues.

Sans préjuger de la présentation des crédits que s'apprête à vous adresser Rémi Féraud, et en tenant compte des réserves évoquées, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial.de la mission « Action extérieure de l'État » - Pour commencer, j'évoquerai le programme 151, qui regroupe les moyens dédiés aux Français de l'étranger et au réseau consulaire.

Tout d'abord, en 2024, l'administration consulaire doit poursuivre sa démarche de modernisation, notamment en finalisant la rénovation de ses outils numériques. La dématérialisation de l'état civil des Français nés à l'étranger ou ayant eu un événement d'état civil à l'étranger, engagée en 2019, en est un bon exemple, avec la mise en oeuvre de la dernière étape - l'ouverture en ligne du registre électronique -, prévue en 2024.

Le déploiement de la plateforme France consulaire sera poursuivi cette année. Ce centre d'appel vise à soulager les services consulaires des demandes téléphoniques. Il est pour l'instant limité à l'Europe, mais devrait être étendu en Afrique dans le courant de l'année 2024 et au reste du monde en 2025.

L'année 2024 est une année d'élections. Les services consulaires seront particulièrement sollicités à cette occasion. Aussi, le programme reçoit un abondement exceptionnel de 1,1 million d'euros en plus d'un transfert de 4,4 millions d'euros du ministère de l'intérieur.

Enfin, les bourses scolaires constituent les principales dépenses d'intervention du programme 151. Nos collègues représentant les Français de l'étranger y sont toujours très attentifs. Ces bourses, directement versées aux établissements, permettent de soutenir les familles les plus modestes pour accéder à l'enseignement français à l'étranger. En 2023, l'ensemble des crédits avait été consommé, permettant de liquider la soulte de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), aujourd'hui éteinte. Pour 2024, l'enveloppe des bourses sera donc en forte augmentation avec un montant de 118 millions d'euros. Nous devrons non seulement être attentifs à la consommation de cette enveloppe pour éviter la reconstitution d'une soulte, mais aussi vérifier qu'elle sera suffisante pour faire face à une forte inflation mondiale.

Concernant le programme 185, le budget pour 2024 entend renforcer les moyens de la diplomatie d'influence et notamment culturelle. Les crédits du programme progressent de 5,7 %, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, soit une augmentation de 62,2 millions d'euros.

Premièrement, cette hausse des moyens vise à renforcer l'attractivité de la France et son influence dans les domaines culturel, scientifique et universitaire. Un tel engagement est essentiel aujourd'hui au rayonnement de notre pays et vient en complément de nos dépenses militaires et diplomatiques.

Ainsi, l'enveloppe des bourses du Gouvernement français en faveur des étudiants étrangers est abondée de 6 millions d'euros additionnels, pour atteindre 65 millions d'euros. L'objectif porté par le ministère et son opérateur, Campus France, est d'attirer davantage d'étudiants d'Afrique et de la région indopacifique, avec un engagement personnel du Président de la République pour accueillir davantage d'étudiants indiens en priorité.

De plus, le projet de loi de finances augmente les crédits d'intervention pilotés par les services de coopération et d'action culturelle (SCAC). Toutefois, leur emploi est peu détaillé, ce qui nous conduit à nous interroger sur la doctrine de consommation de ces crédits. Je rejoins ici la remarque de ma collègue Nathalie Goulet, la logique de gestion au plus près du terrain ne peut se faire au prix de la redevabilité des comptes.

Deuxièmement, il s'agit également de soutenir le développement de l'enseignement français à l'étranger. D'une part, l'objectif de doublement du nombre d'élèves inscrits dans le réseau des établissements français à l'étranger d'ici à 2030 paraît trop ambitieux au regard de la trajectoire actuelle, certes fortement ralentie par la pandémie de covid-19 et les crises internationales. Réaliser cet objectif supposerait d'accroître les effectifs de 5 % par an alors qu'ils n'ont progressé que de 0,5 % cette année. Mais plusieurs initiatives intéressantes prévues par ce projet de loi de finances pourraient accélérer ce processus. D'autre part, il faut être vigilant quant à l'évolution de la subvention pour charges de service public versée à l'AEFE. Bien qu'elle s'élève cette année à 454,9 millions d'euros, l'inflation reste encore forte dans de nombreux pays et pourrait peser sur les frais de scolarité des établissements. Il est indispensable que l'enseignement demeure pour les Français de l'étranger un véritable service public et qu'à cette fin la contribution financière des familles reste stable.

J'estime que la hausse des moyens accordée à la diplomatie française est nécessaire. En effet, les États généraux de la diplomatie ont permis de mettre en lumière la volonté des agents du ministère de prévenir la dégradation de notre outil diplomatique. Ces dernières années, les mesures d'économies ont affaibli les capacités du Quai d'Orsay jusqu'à créer un « mouvement social », si l'on peut dire, inédit. Toutefois, une telle augmentation des crédits est à l'opposé de la politique budgétaire très stricte menée récemment et l'on peut s'interroger sur la cohérence de l'action publique dans le temps. Cette prise de conscience sur la nécessité d'inscrire les affaires étrangères dans une priorité budgétaire pour le bloc régalien est bien tardive puisqu'elle ne figurait pas dans la première loi de programmation des finances publiques.

Or, dans un contexte géopolitique aussi dégradé, nous devons être en mesure de déployer une véritable diplomatie d'influence et d'apporter à nos concitoyens à l'étranger un service public de qualité.

Pour ces différentes raisons, je vous invite, mes chers collègues, à approuver les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je m'interroge sur la progression des crédits de près de 10 %. J'ai le sentiment que l'on ouvre les vannes, sans connaître les actions visées. C'est le contraire de ce qui est annoncé quand on dit que les dépenses sont à l'euro près. Aussi, je proposerai peut-être un amendement.

Compte tenu de l'évolution des relations entre la France et certains pays d'Afrique au cours des derniers mois, il convient en effet de renforcer les partenariats et de mettre les moyens là où s'exprime une véritable volonté de coopération. Mais je m'interroge sur cette mission qui me semble quelque peu surdimensionnée.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur la mission « Action extérieure de l'État ». - Je n'ai pas encore émis d'avis sur les crédits que je rapporte, car ils ne concernent que le programme 185 et une petite partie du programme 151, mais, au regard des auditions que j'ai menées, je partage la position des rapporteurs. Je pense que j'exprimerai un avis favorable sur les crédits de cette mission, avec quelques réserves.

M. Bernard Delcros. - Les crédits affectés au protocole semblent avoir plus que doublé. Pouvez-vous le confirmer et nous donner la raison de cette augmentation ?

M. Thierry Cozic. - Pour faire un parallèle, même si ce n'est pas tout à fait le même sujet, nous avions produit un rapport d'information il y a deux ans avec Frédérique Espagnac, sur la diplomatie économique, qui concernait essentiellement les services économiques régionaux (SER) de la direction du Trésor à l'étranger. Des applications afin de sécuriser les échanges devaient être développées à l'époque, avec Business France pour les SER. Une des recommandations portait sur la nécessaire sécurisation des échanges entre le ministère et les services économiques. Ce point est-il identifié et pris en compte dans la mission que vous menez ?

M. Claude Raynal, président. - En principe, les télégrammes diplomatiques sont sécurisés.

M. Michel Canévet. - Nous constatons en effet une augmentation forte des crédits, dans l'immédiat de 10 %, mais qui resterait extrêmement significative dans les années à venir. Il était nécessaire que le ministère fasse des économies au cours des dernières années. Aussi, dans le contexte de maîtrise des dépenses publiques, nous ne pouvons qu'être inquiets de cette forte hausse. C'est pourquoi j'aimerais savoir si les efforts de rationalisation concernant le parc immobilier ont été réalisés.

Par ailleurs, cette augmentation du budget est-elle induite par des dépenses de sécurité liées à certains conflits ? Enfin, l'augmentation du nombre de locuteurs de français a été évoquée dans la feuille de route de la diplomatie, pour passer de 350 millions dans le monde à 500 millions dans vingt ans. Quels moyens sont mis en oeuvre pour atteindre cet objectif ambitieux ? Par exemple, l'ouverture de nouveaux établissements d'enseignement est-elle prévue ?

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Les auditions ont soulevé plusieurs questions. Et nous nous sommes interrogés de savoir si nous déposions un amendement visant à supprimer une partie des crédits. Compte tenu de la situation internationale, nos interlocuteurs nous ont invités à faire preuve de souplesse, car ce nouveau souffle est nécessaire dans la phase d'adaptation que nous traversons.

En ce qui concerne la rationalisation des crédits, la question s'est posée tant pour les ETP que pour les investissements ou la croissance exponentielle des frais de protocole - ils sont passés de 7,5 millions d'euros à 18,1 millions, montant qui inclut les jeux Olympiques (JO). La question du contrôle des dépenses pour les JO, fragmentées entre plusieurs ministères, nous a également interpellés. On se trouve dans une phase de transition délicate, avec un difficile équilibre à trouver entre un accroissement volumineux des dépenses et la nécessité de les contrôler. La prudence est donc de mise sur ce point.

Monsieur Delcros, les crédits alloués au protocole devraient comprendre les frais liés aux jeux Olympiques qui ne sont pas individualisés comme tels. Il y aura là un enjeu de traçabilité de ces dépenses.

Monsieur le rapporteur général, le contrôle et la surveillance des contributions aux organisations internationales devrait également se traduire par une présence française accrue aux postes intermédiaires pour y conserver notre influence.

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. - Au sujet des dépenses de sécurité des emprises, elles sont en augmentation, mais se poursuivent d'année en année. Elles sont très importantes comme on a pu le voir au Niger récemment, puisqu'elles ont permis, malgré 6 millions d'euros de dégâts, qu'il n'y ait pas de victimes humaines, y compris en retardant les intrusions. C'est à cela que servent nos dépenses de sécurité « passives ».

Sur la cybersécurité, une augmentation de 7 millions d'euros est prévue pour les infrastructures, ils sont essentiellement dédiés à la hausse des dépenses de sécurité avec le projet de rénovation de l'application Diplomatie.

Concernant l'enseignement français à l'étranger, aucun nouvel établissement public n'est prévu, mais de nouveaux établissements sont homologués régulièrement, même si ce processus est moins rapide que ce qui avait été envisagé par le Président de la République. En revanche, 16 instituts régionaux de formation (IRF), considérés comme des établissements publics, sont mis en place. En outre, un programme spécifique, le « Pass Éducation langue française » sera déployé avec un budget de 1 million d'euros pour permettre aux jeunes Français à l'étranger qui ne parlent pas cette langue de pouvoir l'apprendre hors du temps scolaire.

Certes, le budget est en forte augmentation, mais nous l'avons nous-mêmes souvent réclamé. Exclure les affaires étrangères du bloc régalien est une erreur. Pour caricaturer, à quoi serviraient nos chars et nos avions si nous n'avons pas de diplomates ? Il paraît important de réarmer notre diplomatie, même si je regrette que ce changement intervienne à la suite d'une crise du Quai d'Orsay. De même, chaque étudiant étranger accueilli en France sera ensuite un ambassadeur de notre pays, c'est fondamental pour l'influence française dans le monde. Nous aurons avec Nathalie Goulet la responsabilité de vérifier qu'il n'y a pas de saupoudrage, de sous-utilisation ou de mauvaise utilisation des crédits. C'est toujours le risque en cas de forte augmentation du budget, ce qui n'avait pas été anticipé puisque le discours du Président de la République date de mars 2023.

M. Claude Raynal, président. - Au vu de l'observation du rapporteur général, je vous propose de réserver le vote sur les crédits.

La commission a décidé de réserver son vote sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

Article 50 A

La commission a décidé de réserver son vote sur l'article 50 A.

*

* *

Réunie à nouveau le mercredi 22 novembre 2023, la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Nathalie Goulet et M. Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Action extérieure de l'État », précédemment réservée (et article 50 A).

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État ». - Mes observations sur les crédits de la mission n'ont pas changé depuis ma précédente intervention. Si je considère que le renforcement des moyens de notre diplomatie constitue un élément positif, je relève un certain nombre d'imprécisions, un risque de saupoudrage et un manque de fléchage des crédits.

Afin de prendre en compte ces éléments et d'assurer une contribution de la mission à l'effort de redressement des comptes publics, j'ai souhaité déposer l'amendement II-31 (FINC.1), qui vise à diminuer de 30 millions d'euros les crédits de la mission pour 2024.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Avis favorable.

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État ». - L'augmentation des crédits de la mission intervient tardivement, en réaction au malaise exprimé au Quai d'Orsay. Néanmoins, le réarmement de notre diplomatie, l'augmentation des crédits pour notre diplomatie d'influence - culturelle, universitaire et scientifique -, ainsi que le renforcement de notre service public à l'étranger vont dans le bon sens. Je n'ignore pas le risque de saupoudrage, mais il sera préférable d'exercer notre vigilance lors du contrôle budgétaire plutôt que de nous opposer en amont. Je ne partage donc pas l'avis de Nathalie Goulet quant à la nécessité de baisser a priori les crédits, même si je comprends ses motivations.

Avis favorable sur les crédits de la mission.

M. Claude Raynal, président. - Même si l'amendement était adopté ?...

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. - Dans ce cas, j'émettrai un avis d'abstention.

M. Vincent Delahaye. - Lorsque j'étais moi-même rapporteur spécial, nous avons fait des propositions au Quai d'Orsay, qui n'ont jamais été suivies d'effet. De plus, un certain nombre de crédits ne sont pas documentés. Je soutiens cet amendement, même si j'aurais proposé une réduction plus importante.

L'amendement II-31 (FINC.1) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », sous réserve de l'adoption de son amendement.

M. Claude Raynal, président. - L'article 50 A prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport évaluant l'opportunité de réviser les capacités d'emprunt de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 50 A rattaché.

*

* *

Réunie enfin le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet de Mme Catherine COLONNA, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

- M. Luis VASSY, directeur de cabinet ;

- Mme Anna BOERI, conseillère parlementaire et politique ;

- M. Cyrille ROGEAU, conseiller administration et réformes ;

- M. Alexandre MOROIS, directeur des affaires financières.

Direction générale des affaires politiques et de sécurité - ministère de l'Europe et des affaires étrangères

- M. Jonathan LACÔTE, directeur général adjoint des affaires politiques et de sécurité ;

- M. Simon GOUDISSARD, adjoint au chef de mission de coordination et de programmation du programme 105.

Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'éducation et du développement international - ministère de l'Europe et des affaires étrangères

- M. Olivier RICHARD, directeur général adjoint ;

- M. Romain BUSUTTIL, délégué adjoint des programmes et des opérateurs (DGM/DPO).

Direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire - ministère de l'Europe et des affaires étrangères

- M. Raphaël TRANNOY, directeur adjoint ;

- Mme Christèle DAVIET, cheffe de la mission de gestion administrative et financière.

Septième sous-direction Budgets de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt, des affaires rurales, de l'aide publique au développement, de l'action extérieure de l'État, de l'immigration, de l'asile et de l'intégration

- Mme Anne-Hélène BOUILLON, sous-directrice.

Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

- Mme Claudia SCHERER-EFFOSSE, directrice générale ;

- Mme Anne BETRENCOURT, directrice des affaires financières ;

- M. Bruno VALERY, directeur du développement et de l'accompagnement du réseau (DDAR) ;

- Mme Vanessa LÉGLISE, conseillère relations institutionnelles et référente égalité.

ANNEXE

DÉCISION DU CONSEIL D'ÉTAT RELATIVE À L'APPLICATION AU MINISTÈRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA RÉFORME DE LA HAUTE FONCTION PUBLIQUE

Conseil d'État

N° 468058
ECLI:FR:CECHR:2023:468058.20231031
Inédit au recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
M. Christophe Chantepy, président
Mme Catherine Brouard-Gallet, rapporteur
M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public


Lecture du mardi 31 octobre 2023

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Vu la procédure suivante : Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 octobre et 29 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le syndicat CFTC Affaires Étrangères, le syndicat ASAM-UNSA et l'organisation des secrétaires des affaires étrangères demandent au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-561 du 16 avril 2022 portant application au ministère de l'Europe et des affaires étrangères de la réforme de la haute fonction publique et modifiant le décret n° 69-222 du 6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ; - le code général de la fonction publique;
- l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 ;

- le décret n° 69-222 du 6 mars 1969 ;

- le décret n° 2021-1550 du 1er décembre 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'État en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la réforme de l'encadrement supérieur de l'État engagée par l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021, l'article 1er du décret du 1er décembre 2021 portant statut particulier du corps des administrateurs de l'État a créé le corps des administrateurs de l'État, qui constitue un corps d'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, à vocation interministérielle. Cet article dispose que les membres de ce corps, qui exercent des missions de conception, de mise en oeuvre et d'évaluation des politiques publiques, sont chargés de fonctions supérieures de direction, d'encadrement, d'expertise et de contrôle et exercent ces missions dans l'ensemble des services de l'État et de ses établissements publics. La création de ce nouveau corps interministériel s'accompagne, en vertu du II de l'article 13 du même décret, de la mise en extinction, à compter du 1er janvier 2023, de plusieurs corps de la haute fonction publique, dont, dans sa version initiale, le corps des conseillers des affaires étrangères et le corps des ministres plénipotentiaires. Le III de cet article 13 précise les modalités selon lesquelles les membres de ces corps peuvent demander leur intégration dans le corps des administrateurs de l'État, un droit d'option leur étant ouvert à ce titre.

2. Le syndicat CFTC Affaires étrangères, le syndicat ASAM-UNSA et l'organisation des secrétaires des affaires étrangères (OSAE), par une requête unique déposée en leurs noms par le président du syndicat CFTC Affaires étrangères, demandent au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 16 avril 2022 portant application au ministère de l'Europe et des affaires étrangères de la réforme de la haute fonction publique et modifiant le décret n° 69-222 du 6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires, qui détermine les conditions de mise en oeuvre de la réforme de la haute fonction publique au sein de ce ministère.

3. Le chapitre 1er du décret du 16 avril 2022 aménage les conditions de mise en extinction des corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires en les fusionnant, à compter du 1er juillet 2022, en un corps unique d'extinction, dénommé « conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires ». Il modifie en conséquence les II et III de l'article 13 du décret du 1er décembre 2021. Son chapitre II, qui modifie le décret du 6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires, intègre les administrateurs de l'État, lorsqu'ils sont affectés au ministère des affaires étrangères, au sein du personnel diplomatique et consulaire chargé de fonctions d'encadrement supérieur, aux côtés des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires. Ainsi, aux termes des dispositions de l'article 1er du décret du 6 mars 1969 dans sa rédaction modifiée par l'article 5 du décret attaqué : « Le personnel diplomatique et consulaire comprend les ambassadeurs de France et les fonctionnaires appartenant aux corps suivants : / 1° Administrateurs de l'État, lorsqu'ils sont affectés au ministère des affaires étrangères ; / 2° Conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires (corps mis en extinction) ; / 3° Secrétaires des affaires étrangères (cadre général, cadre d'Orient et cadre d'administration) ; / 4° Secrétaires de chancellerie ; / 5° Attachés des systèmes d'information et de communication ; / 6° Secrétaires des systèmes d'information et de communication (...) « Aux termes de l'article 3-1 du décret du 6 mars 1969 dans sa rédaction issue de l'article 7 du décret attaqué : « Les membres du corps des administrateurs de l'État affectés au ministère des affaires étrangères sont soumis, pendant la durée de leur affectation, aux dispositions du présent décret, sans préjudice des dispositions régissant leur statut particulier. « L'article 4-6 du décret du 6 mars 1969 dans sa rédaction issue de l'article 8 du décret attaqué dispose que : « Les membres du corps des administrateurs de l'État affectés au ministère des affaires étrangères et les membres du corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires sont chargés de la conception, de la mise en oeuvre et de l'évaluation de la politique extérieure de la France. Ils ont vocation à occuper les emplois diplomatiques et consulaires régis par le présent décret dans les conditions prévues par ce dernier, les emplois de conception, d'expertise et d'encadrement à l'administration centrale du ministère des affaires étrangères ainsi que les emplois concourant à la politique extérieure de la France dans les administrations de l'État et de ses établissements publics. / Les principes généraux de déroulement des carrières des agents mentionnés à l'alinéa précédent sont fixés par les lignes directrices de gestion interministérielle régies par l'article L. 413-4 du code général de la fonction publique, précisées par les lignes directrices de gestion édictées par le ministre des affaires étrangères dans les conditions prévues aux articles L. 413-1 à L. 413-3 du même code. « Le décret du 16 avril 2022 modifie par ailleurs le statut des secrétaires des affaires étrangères et des attachés des systèmes d'information et de communication, en ajoutant un troisième grade dans chacun de ces corps, et en ouvrant un troisième concours d'accès à ces corps. Il modifie également les conditions d'accès aux emplois de chefs de mission diplomatique, en instituant en particulier une commission d'aptitude pour formuler un avis sur l'aptitude professionnelle des personnes candidates à une première nomination en qualité de chef de mission diplomatique.

4. En premier lieu, le moyen tiré de ce que l'absence d'accusé de réception par la Première ministre du recours gracieux formé par les requérants entacherait le décret attaqué d'illégalité est inopérant.

5. En deuxième lieu, dès lors que la création du nouveau corps à vocation interministérielle des administrateurs de l'État qui s'accompagne de la mise en extinction d'une série de corps de la haute fonction publique résulte non du décret attaqué mais des articles 1er et 13 du décret du 1er décembre 2021, doivent également être écartés comme inopérants le moyen critiquant la création d'un tel corps interministériel ainsi que celui tiré de la méconnaissance du principe d'égalité en ce que les corps d'encadrement supérieur de la direction générale de la sécurité extérieure n'auraient pas été intégrés dans le corps des administrateurs de l'État. Les requérants ne sauraient, en outre, utilement exciper de l'illégalité de ces dispositions du décret du 1er décembre 2021, le décret attaqué n'ayant pas été pris pour l'application de ces dispositions, qui n'en constituent pas non plus la base légale.

6. En troisième lieu, d'une part, il appartient au Gouvernement de déterminer la mission et l'organisation des corps de la fonction publique de l'État, les fonctionnaires étant par ailleurs placés dans une situation statutaire et réglementaire et n'ayant dès lors aucun droit acquis au maintien de leur statut. Il est ainsi loisible au Gouvernement, qui dispose à cet effet, sous le contrôle du juge et dans le respect des principes constitutionnels et des principes généraux du droit, d'un large pouvoir d'appréciation, de privilégier la dimension interministérielle de l'action de l'État et de constituer à cet effet des corps interministériels à effectifs nombreux chargés d'assurer certaines missions interministérielles ou certaines fonctions communes à plusieurs ministères. D'autre part, le décret du 16 avril 2022 n'a ni pour objet ni pour effet de déroger au principe d'égal accès aux emplois publics résultant de l'article 6 la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que rappelle au demeurant l'article 62-1 du décret du 6 mars 1969 dans sa rédaction issue de l'article 23 du décret attaqué s'agissant des avis donnés par la commission d'aptitude professionnelle des personnes candidates à une première nomination en qualité de chef de mission diplomatique, et en vertu duquel les nominations à ces emplois sont décidées selon la capacité des intéressés à remplir leur mission et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. Par suite, par les dispositions citées au point 3 du chapitre II du décret attaqué, le pouvoir réglementaire a pu légalement, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, ni méconnaître les exigences de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, fixer les conditions dans lesquelles les administrateurs de l'État qui sont appelés à exercer des missions de conception, de mise en oeuvre et d'évaluation des politiques publiques et à se voir confier des fonctions supérieures de direction, d'encadrement, d'expertise et de contrôle, ont vocation à occuper les emplois supérieurs du ministère des affaires étrangères.

7. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 6, les fonctionnaires n'ont pas de droits acquis au maintien des dispositions statutaires les concernant. En outre, s'agissant des règles régissant les fonctionnaires, le principe d'égalité n'est en principe susceptible de s'appliquer qu'entre les agents appartenant à un même corps, sauf à ce que la norme en cause ne soit, en raison de son contenu, pas limitée à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires. Par suite, les requérants ne sauraient utilement invoquer une méconnaissance du principe d'égalité au motif que les membres des corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires bénéficieraient de dispositions plus favorables que celles applicables aux secrétaires des affaires étrangères s'agissant d'agents appartenant à des corps différents dont seuls les premiers sont fusionnés, ainsi qu'il est dit au point 3, dans un corps unique d'extinction.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, que le syndicat CFTC des Affaires étrangères, le syndicat ASAM-UNSA et l'organisation des secrétaires des affaires étrangères ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret qu'ils attaquent.

DÉCIDE :

--------------
Article 1er : La requête du syndicat CFTC Affaires étrangères, du syndicat ASAM-UNSA et de l'organisation des secrétaires des affaires étrangères est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat CFTC Affaires étrangères, premier requérant dénommé, à la Première ministre, au ministre de la transformation et de la fonction publiques et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2024.html


* 1 Sénat, Rapport d'information au nom de la commission des finances sur les contributions de la France au financement des organisations internationales, par MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud, janvier 2022.

* 2 Sénat, rapport d'information au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur l'avenir du corps diplomatique, par MM. Jean-Pierre Grand et André Vallini, 13 juillet 2022 ; Assemblée nationale, rapport d'information déposé en application de l'article 145 du règlement par la commission des affaires étrangères en conclusion des travaux d'une mission d'information constituée le 21 septembre 2022 sur la réforme du corps diplomatique, par MM. Arnaud Le Gall et Vincent Ledoux, 11 janvier 2023.

* 3 Décret n° 2022-561 du 16 avril 2022 portant application au ministère de l'Europe et des affaires étrangères de la réforme de la haute fonction publique et modifiant le décret n° 69-222 du 6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires.

* 4 Conseil d'État, 31 octobre 2023, n° 468058.

* 5 Résolution 849 (XXXII) du 4 août 1961 du Conseil économique et social (ECOSOC) de l'ONU. 

* 6 DAVID Meryll, « Les stratégies d'influence des États membres sur le processus de recrutement des organisations internationales : le cas de la France «, Revue française d'administration publique, 2008/2 (n° 126), p. 263-277.

* 7 Pour mémoire, le dispositif Athéna visait à assurer le financement des coûts communs des opérations militaires de l'UE menées au titre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l'UE.

* 8 Décision (PESC) 2021/509 du Conseil du 22 mars 2021 établissant une facilité européenne pour la paix modifiée par la décision (PESC) 2023/1304 du 26 juin 2023.

* 9 Arrêté du 9 août 2022 modifiant l'arrêté du 28 décembre 2012 relatif à l'organisation de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères.

* 10 Communication de MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FÉRAUD, rapporteurs spéciaux, sur l'immobilier du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, présentée à la commission des finances le 11 juillet 2023.

* 11 Le vote électronique est possible pour les Français de l'étranger, uniquement pour les élections consulaires et les élections législatives.

* 12 Il s'agit de l'Arabie Saoudite, du Brésil, de la Côte d'Ivoire, de l'Égypte, des Émirats Arabes Unis, des États-Unis, de l'Inde, du Mexique, du Nigeria, de la République Démocratique du Congo et du Sénégal.

* 13 Décret n° 2022-896 du 16 juin 2022 modifiant les modalités de recrutement, de rémunération et de gestion des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger.

* 14 Cour administrative d'appel de Nantes, 6e chambre, 15 mai 2020, n° 18NT02702.

* 15 Loi n°90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

* 16 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

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