D. UN COÛT EN FORTE HAUSSE DE LA COMPENSATION CARBONE DES SITES TRÈS ELECTRO-INTENSIFS EN RAISON DE LA PROGRESSION DU PRIX DU QUOTA CARBONE
Le dispositif de compensation carbone porté par le programme 134 a vocation à protéger les entreprises exposées au risque de fuite de carbone contre le renchérissement de leur coût d'approvisionnement électrique dû au système d'échange de quotas de l'UE (SEQE). La compensation est indexée sur le prix du quota carbone. Le dispositif, soumis au contrôle de la Commission européenne, est régi par l'article L. 122-8 du code de l'énergie.
Le montant de la compensation carbone dépend de quatre facteurs :
- le facteur d'émission de l'électricité consommée en France. Ce facteur est établi sur la base d'une étude de la teneur en CO2 de la technologie marginale déterminant le prix effectif sur le marché européen de l'électricité. Sa détermination a fait l'objet de discussions avec la Commission européenne ;
- le prix du quota du SEQE. Il est fixé par arrêté et correspond au prix moyen de la tonne de CO2 l'année précédente. Le prix du quota prévisionnel utilisé pour l'année 2024, pour l'aide au titre de 2023 serait, selon les projections de 84 euros par tonne ;
- le référentiel d'efficacité, dont la valeur varie en fonction de l'activité de l'entreprise ;
- selon les cas, soit la production annuelle éligible de l'entreprise, soit la consommation d'électricité nécessaire à la production ;
L'intensité de l'aide correspondant à 75 % des coûts indirects éligibles de l'entreprise, niveau maximal autorisé par la Commission européenne.
En 2024, la compensation carbone devait représenter 1,074 milliard d'euros (en AE=CP). Les rapporteurs spéciaux constatent que le coût de cette compensation est supérieur de 730 millions d'euros par rapport à 2022, et de 218 millions d'euros par rapport à 2023. Cette augmentation est notamment liée à la hausse du prix du quota carbone (+ 55 % entre 2023 et 2024).
Le montant prévu en 2024 correspond, d'une part, à la compensation des coûts indirects supportés au cours de l'année 2023 et d'autre part, à une avance sur une partie des coûts indirects supportés en 2024.
Un tel dynamisme du coût de la compensation carbone interroge les rapporteurs spéciaux sur sa soutenabilité à moyen terme.
E. UN NOUVEAU FONDS D'ACCESSIBILITÉ TERRITORIAL BIENVENU MAIS QUI NE RÉPOND QU'À UNE PARTIE DES ENJEUX
La Conférence nationale du handicap, présidée par le président de la République, a acté en avril 2023 la création d'un fonds territorial d'accessibilité (FTA). Sur une période s'étendant de novembre 2023 au 31 décembre 2028, ce fonds devrait porter une enveloppe totale de 300 millions d'euros.
D'un point de vue budgétaire, cette création est portée par le programme 134 « Développement des entreprises et régulations », et plus précisément son action 23 « Industrie et services ». En 2024, 50 millions d'euros sont ouverts en AE et 20 millions d'euros en CP.
L'objet du fonds, qui est confié aux préfets de département, est de participer au financement des travaux de mise en accessibilité des établissements recevant du public (ERP) privés de 5ème catégorie46(*). Selon les informations recueillies par les rapporteurs spéciaux, sont concernés les magasins de vente, les restaurants et débits de boissons, les hôtels ou pensions de famille, les établissements bancaires. Les autres ERP privés de 5e catégorie peuvent être éligibles au dispositif sous la condition d'une demande expresse du sous-préfet référent handicap et inclusion de leur département d'implantation.
Ce nouveau fonds répond ainsi à un double objectif. D'une part, il poursuit un objectif d'insertion des personnes en situation de handicap, conformément à la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, qui dispose que tous les ERP doivent être accessibles. Selon le gouvernement, 70 % des établissements concernés ne sont aujourd'hui pas adaptés à l'accueil de personnes en situation de handicap. Il répond, d'autre part, à un objectif de soutien aux établissements du quotidien.
Concrètement, le fonds a vocation à permettre de financer à hauteur de 50 %, dans la limite de 20 000 euros (portée à 20 500 euros en cas d'attribution de plusieurs aides), les dépenses d'équipements (rampes amovibles, vitrophanie, éclairage, etc.) et de travaux (élargissement des couloirs, suppression des marches à l'entrée, adaptation des sanitaires, etc.). Les dépenses d'ingénierie et d'assistance à maîtrise d'ouvrage peuvent également être prises en charge, dans la limite de 500 euros. Le porteur de projet pourra demander le versement d'une avance de 30 % du montant total de la subvention au moment du commencement d'exécution du projet. Jusqu'aux JOP de 2024, une attention particulière serait portée aux commerces, hôtels et restaurants des sites hôtes des jeux.
Les principaux critères d'éligibilité au fonds sont les suivants :
- être inaccessible ou partiellement accessible et avoir un projet de mise en accessibilité totale ou partielle ;
- être une micro, petite ou moyenne entreprise47(*) ;
- avoir été créé avant le 20 septembre 2023, pour éviter les effets d'aubaine, et ne pas se trouver en procédure de liquidation judiciaire à la date du dépôt de la demande ;
- être inscrit au registre national des entreprises et être à jour des obligations à l'égard de l'administration fiscale et de l'organisme de recouvrement des cotisations patronales de sécurité sociale.
Les entreprises concernées peuvent déposer leur demande sur le guichet en ligne de l'Agence de services et de paiement (ASP) depuis le 2 novembre 2023.
Les subventions accordées au titre du FTA s'inscrivent dans le cadre de la réglementation européenne des aides « de minimis ». En conséquence, le montant total des aides ne devra pas excéder 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux48(*). En outre, les aides du FTA pourront être complétées par d'autres dispositifs d'aide à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, par exemple ceux portés par les collectivités territoriales49(*).
Les rapporteurs spéciaux souscrivent à la création de ce fonds, en ce qu'il répond à des enjeux d'insertion des personnes en situation de handicap et soutient les établissements de proximité. Néanmoins, ils constatent que ce fonds ne répond qu'à un besoin spécifique, sans apporter un soutien global significatif, comme le permettait par le passé le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC).
* 46 Établissements recevant moins de 200 personnes en rez-de-chaussée et moins de 100 personnes en étage ou sous-sol.
* 47 Être une entreprise ayant moins de 250 salariés et un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 50 millions d'euros hors taxe ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros.
* 48 De plus, le total de l'aide octroyée au titre du FTA cumulée avec l'ensemble des autres aides « de minimis » perçues par la même entreprise ne devra pas dépasser 200 000 euros sur une période comprenant l'année en cours au moment de l'octroi de l'aide et les deux années précédentes.
* 49 En application de l'article 10, paragraphe III du décret n° 2018-514 du 25 juin 2018 relatif aux subventions de l'État pour des projets d'investissement, le montant total des subventions ne doit cependant par excéder le montant total des dépenses engagées : « Le montant définitif de la subvention ne peut avoir pour effet de porter le montant total des aides publiques au-delà du montant prévisionnel de la dépense subventionnable. »