III. LA POSITION DE LA COMMISSION : COMPLÉTER UNE INITIATIVE BIENVENUE POUR ARMER LA FRANCE CONTRE LES INGÉRENCES ÉTRANGÈRES

A. ENTÉRINER DANS SON PRINCIPE ET SON ÉCONOMIE UNE PROPOSITION DE LOI ATTENDUE

La commission a en premier lieu tenu à affirmer son plein et entier soutien à une initiative parlementaire particulièrement bienvenue. Fruit des travaux de la délégation parlementaire au renseignement, ce texte attendu de longue date par les acteurs de la lutte contre les ingérences étrangères apporte dans son principe une réponse à une difficulté identifiée qui, sauf à rendre les armes face aux tentatives de déstabilisation de nos institutions démocratiques, ne saurait être tolérée davantage.

Elle a au surplus affirmé son accord sur l'économie générale du dispositif : la commission a estimé que la proposition de loi, qui concilie renforcement des exigences de transparence à destination des représentants d'intérêt et affermissement des capacités concrètes de prévention et de lutte contre les ingérences étrangères dont dispose l'administration, apporte une réponse équilibrée aux difficultés et insuffisances que présente aujourd'hui notre cadre juridique.

B. CONSOLIDER LES DISPOSITIFS PROPOSÉS POUR EN GARANTIR L'EFFICACITÉ

1. Garantir l'opérationnalité des dispositifs proposés

Afin de garantir l'efficacité pratique des dispositifs proposés, la commission a en premier lieu adapté le dispositif de l'article 1er pour mieux tenir compte des spécificités de l'influence étrangère, qui peut s'exercer de manière dissimulée et auprès d'un plus large éventail d'acteurs que la représentation d'intérêts classique. Elle a en conséquence ajouté les anciens présidents de la République, anciens membres du Gouvernement, anciens députés ou anciens sénateurs, pour une durée de cinq ans après l'expiration de leur mandat, à la liste des personnes avec lesquelles l'entrée en communication de l'agent d'influence donne lieu à obligation déclarative - en d'autres termes, les « cibles » d'opérations d'influence.

La commission a également renforcé les prérogatives de la HATVP afin d'améliorer l'efficacité de l'obligation déclarative prévue à l'article 1er. Sans lui octroyer un pouvoir de sanction administrative, la commission a permis à la HATVP, d'une part, d'infliger une astreinte à hauteur de 1 000 euros par jour aux assujettis qui ne défèreraient pas, dans un délai de deux mois, aux mises en demeure de lui communiquer les documents ou informations qu'elle peut leur adresser, et d'autre part, d'assortir son droit de visite sur place, après autorisation d'un juge des libertés et de la détention et en présence d'un officier de police judiciaire, dans les locaux des assujettis de la possibilité de se faire communiquer et de prendre copie des documents professionnels propres à faciliter l'accomplissement de sa mission.

Enfin, la commission a différé l'entrée en vigueur de la loi : constatant qu'une entrée en vigueur au 31 décembre 2024 n'était pas compatible avec le délai nécessaire à la mise en oeuvre opérationnelle du dispositif de l'article 1er dans le contexte d'une pleine mobilisation des services de renseignement sur la sécurisation des Jeux Olympiques et Paralympiques, la commission a repoussé cette entrée en vigueur au 31 décembre 2025.

2. ... tout en les limitant à la seule lutte contre les ingérences étrangères

Au regard des spécificités du mode opératoire des acteurs se livrant à des ingérences étrangères et de la palette d'outils mis à disposition des autorités administratives et judiciaires dans la lutte contre ces ingérences, la commission a souhaité mieux circonscrire ce champ d'action spécifique. À cette fin, elle a créé, à l'article 1er, un répertoire propre aux activités d'influence étrangère plutôt que de compléter le répertoire existant institué par la loi dite « Sapin 2 ». Afin de clarifier la définition des activités assujetties à l'obligation de déclaration, elle a systématisé le critère d'influence sur la décision publique à l'ensemble des activités assujetties.

Pour mieux circonscrire le champ d'application de la présente proposition de loi et afin d'en garantir au mieux la conventionalité, la commission a également exclu les partis politiques des États membres de l'Union européenne de la catégorie des mandants étrangers. De façon analogue et par souci de cohérence, elle a exclu les dons provenant d'États membre de l'Union européenne ou de personnes morales ressortissant de ces États de l'obligation de déclaration faite aux think tanks à l'article 1er bis.

À l'article 3, la commission a remplacé la mention de la lutte contre les ingérences, qui n'est pas définie, par une mention plus générique tenant à la détection d'« ingérences étrangères, des menaces pour la défense nationale ou des menaces terroristes ». Cela permettrait de donner toute sa place à la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) dans cette expérimentation, celle-ci étant chargée d'apprécier la proportionnalité et l'adaptation de l'ensemble des techniques de renseignement. 

Enfin, la commission a entendu recentrer le champ d'application du gel des avoirs et actifs prévu par l'article 4 à la prévention des actes d'ingérence

3. Promouvoir un contrôle parlementaire efficace et accru

La commission a également souhaité renforcer le contrôle parlementaire exercé en matière de lutte contre les ingérences étrangères. À l'article 3, elle a en particulier prévu une date explicite pour la fin de l'expérimentation de l'extension de la technique dite de « l'algorithme » au champ de la prévention et de la lutte contre les ingérences étrangères, recentré le rapport afférent sur les nouvelles finalités pour lesquelles des algorithmes sont possibles et demandé au Gouvernement la remise au Parlement d'un rapport de fin d'expérimentation et de rapports plus complets à la délégation parlementaire au renseignement, spécialement habilitée pour recevoir l'ensemble des éléments nécessaires à un contrôle parlementaire efficace et accru.

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