DÉLÉGATION INTERMINISTÉRIELLE À LA LUTTE CONTRE
LE RACISME, L'ANTISÉMITISME ET LA HAINE ANTI-LGBT (DILCRAH).

Questions générales

1. Dans la mesure du possible, transmettre les données suivantes au rapporteur :

- nombre de mineurs pris en charge pour dysphorie de genre ou transition de genre ;

- nombre de professions et spécialités des professionnels de santé impliqués dans ces parcours ;

- nombre de prescriptions de bloqueurs de puberté, chaque année, dans le cadre de la prise en charge d'une dysphorie de genre ;

- nombre de prescriptions d'hormones, chaque année, dans le cadre de la prise en charge d'une transition de genre ;

- nombre de personnes reconnues atteintes d'une ALD au titre de la transidentité ou de la dysphorie de genre, par année depuis 2010 ;

- nombre de séjours en établissements pour lesquels le code diagnostique est F64, par année depuis 2010.

2. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales impliquées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

3. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles. Dans quelle mesure les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ? Pourriez-vous détailler votre réponse ?

4. La place de l'évaluation psychiatrique dans la prise en charge des personnes en questionnement de genre semble soulever des questions.

Alors que l'Académie recommande « un accompagnement psychologique aussi long que possible des enfants et adolescents exprimant un désir de transition », la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux destinés à « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation ».

a. Quel regard portez-vous sur ces questions ?

b. Une évaluation et un suivi psychologiques vous paraissent-ils devoir précéder toute transition médicale ? Leur importance vous semble-t-elle renforcée face à un patient mineur ?

La DILCRAH n'a pas la compétence pour se prononcer sur un protocole médical. Toutefois elle peut appeler à la vigilance de ne pas replacer la psychiatrisation comme élément déterminant et central dans le parcours des mineurs trans (notamment comme condition pour accéder au parcours de transition).

1. Importance de la vigilance à ne pas re-placer la psychiatrisation au coeur des parcours des mineurs trans (comme pourrait le faire cette loi). Pour rappel, la dépsychiatrisation a permis de ne plus exiger un certificat d'un psychiatre diagnostiquant « une dysphorie de genre » pour entamer une transition. Cela s'est fait dans la logique d'auto-détermination des personnes.

2. Rappeler toutefois que la dépsychiatrisation des parcours n'est pas synonyme d'absence de psychiatres.

o Comme le rappel le Rapport Jutant et Picard : « Les parcours de soins doivent être dépsychiatrisés sans être « apsychiatrisés ». » La présence de psychologues et psychiatres est nécessaire pour accompagner le mineur (santé mentale, prévention au suicide etc.).

o Comme le rappel M. Olivier VERAN dans son courrier adressé à MM JUTANT et PICARD, comandant le rapport : « de nombreuses études ont en effet montré que la souffrance psychique et le handicap fonctionnel ne sont pas présents chez toutes les personnes trans et, lorsqu'ils sont présents, relèvent de facteurs sociaux et environnementaux, concluant que les problématiques psychologiques ou psychiatriques liées à la transition ne sont pas dues au changement de genre en lui-même mais au rejet social, aux violences et aux discriminations liés à la transition ».

5. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

Il est préférable d'attendre les conclusions et les recommandations de la HAS avant de faire une loi à ce sujet. L'accompagnement des mineurs appelle des réponses fines, globales et réactives, adossées à des recommandations scientifiquement étayées.

6. Dans leur rapport sur la santé et le parcours de soins des personnes trans remis en janvier 2022 au ministre des affaires sociales et de la santé, le Dr Hervé Picard et Simon Jutant formulaient vingt propositions pour améliorer la prise en charge et l'accompagnement des personnes trans.

Certaines de ces propositions ont-elles déjà été mises en oeuvre ? Le Gouvernement a-t-il engagé des travaux ou des réflexions à la suite de la remise de ce rapport ?

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

7. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

1. Attendre l'avis de la HAS ;

2. Importance d'apporter des solutions à ces enfants avec des risques de suicides et de grand mal-être.

8. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ?

9. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Dans quelle mesure leurs effets sont-ils réversibles ?

10. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

11. L'expression « opérations chirurgicales de réassignation sexuelle » vous paraît-t-elle suffisamment précise ? Selon vous, quelles interventions vise-t-elle ?

12. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

13. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

14. Quels sont les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

15. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

16. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus.

Ces peines vous semblent-elles justement proportionnées ?

17. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

18. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

La santé mentale des mineurs trans est un enjeu très important. La DILCRAH recommande d'accompagner les mineurs trans dans le but de répondre le mieux à leurs attentes et besoins, notamment pour prévenir les risques de suicide. Il s'agit aussi de prendre en compte les facteurs de vulnérabilité qui concernent certains mineurs trans (déscolarisation, comportements suicidaires par exemple).

À ce titre, la DILCRAH insiste sur l'importance de rappeler que « les problématiques psychologiques ou psychiatriques liées à la transition ne sont pas dues au changement de genre en lui-même mais au rejet social, aux violences et aux discriminations liés à la transition »137(*).

Quelques chiffres :

o Au Danemark, le risque de faire une tentative de suicide est près de huit fois plus important pour les personnes transgenres que pour le reste de la population138(*).

o Aux Etats-Unis, selon l'Académie américaine de pédiatrie, plus de 56 % des jeunes transgenres ont eu des idées suicidaires au cours de leur vie et 31 % ont fait au moins une tentative de suicide.

Point sémantique : la DILCRAH réprouve l'utilisation des termes « atteints de dysphorie de genre » (mentionné dans la question) puisque la transidentité n'est pas considéré comme une maladie. La DILCRAH rappelle donc l'importance de :

o Clarifier l'objectif de cet article : plusieurs associations craignent que cet article soit « une thérapie de conversion dissimulée », notamment parce qu'il place le soin au coeur de la prise en charge des mineurs trans. La DILCRAH recommande donc de préciser que la « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » a un but affiché et clair d'accompagner au mieux le mineur, selon ses besoins et dans le respect d'un consentement libre et éclairé.

o Champ lexical dépsychiatrisé : À ce titre, la DILCRAH recommande une rédaction de l'article 3 de la PPL appuyant sur la dépsychiatrisation et employant un champ lexical concordant (ne pas utiliser « atteints », « soins » etc).

19. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

La réponse la plus adéquate est celle d'offrir une offre adaptée avec des personnels formés

C'est pour cela que la DILCRAH appelle à une bonne prise en charge, respectueuse des besoins des mineurs trans, c'est-à-dire des personnels médicaux formés (écoute bienveillante, protocole adapté) dans un but affiché et clair de bonne prise en charge des mineurs. Elle recommande de :

a. Garantir un primo-accueil adéquat : il est important de former les médecins généralistes et plus largement le personnel médical « en première ligne » pour un primo-accueil réussi et si besoin, une redirection efficace vers des spécialistes.

b. Offrir un accueil spécialisé : Selon le rapport Jutant-Picard, « les consultations spécialisées sont saturées et dans de nombreuses régions, les jeunes et leurs parents peinent à trouver une maison des adolescents ou des professionnels libéraux (psychiatres, psychologues, endocrinologues) accueillants et sensibilisés aux recommandations internationales de bonnes pratiques ».

20. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

21. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?


* 137 Comme le rappel M. Olivier VERAN dans son courrier adressé à MM JUTANT et PICARD, commandant le rapport

* 138 Selon la première étude nationale sur le sujet, publiée mardi 27 juin dans la revue scientifique Journal of the American Medical Association Cette étude est la première au monde à présenter des statistiques nationales. Jusqu'à présent, seules des données partielles étaient disponibles, mais elles montraient déjà que suicide et tentatives de suicide étaient beaucoup plus fréquents chez les personnes transgenres.

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