B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL RÉMI FÉRAUD SUR LE PROGRAMME 151 ET LE PROGRAMME 185
1. Les besoins de financement de l'AEFE ont conduit à mobiliser la réserve de précaution et la soulte comptable de l'opérateur
L'exercice 2023 a été marqué par la stabilisation des aides à la scolarité gérées par l'AEFE et portées par le programme 151.
L'enveloppe initiale des aides à la scolarité s'élevait à 105,8 millions d'euros. Elle comprenait à la fois des bourses scolaires et une aide de 1,3 million d'euros destinée à l'accompagnement des élèves en situation de handicap (AESH), indépendamment de la situation financière de la famille.
Le montant des aides à la scolarité a retrouvé ainsi en 2023 son niveau de 2021. L'exercice 2022 s'était en effet caractérisé par une baisse ponctuelle de cette enveloppe, de l'ordre de 94 millions d'euros, destinée à réduire l'excédent de trésorerie de l'AEFE.
Il est toutefois apparu en cours d'exercice que le volume des bourses scolaires excédait la prévision inscrite en loi de finances initiale. Un arbitrage de la Première ministre le 19 juin 2023 a permis :
- d'une part, d'autoriser le dégel de la réserve de précaution du programme 151, à hauteur de 6,3 millions d'euros ;
- d'autre part, d'autoriser l'AEFE à mobiliser l'excédent de sa trésorerie, la « soulte », d'un montant de 9 millions d'euros.
Cet arbitrage a ainsi permis de porter le financement des aides à la scolarité à un total de 114,8 millions d'euros. Par ailleurs, il a été décidé de plafonner le montant de cette enveloppe dans le projet de loi de finances pour 2024 à 118 millions d'euros.
Outre les bourses scolaires, la mission AEE contribue, au travers d'une subvention pour charges de service public portée par le programme 185, soit environ 48 % des ressources de cet opérateur. La SCSP prévue en LFI 2023 était de 446,9 millions d'euros, soit 30 millions d'euros de plus que sur l'exercice précédent. Ce surcroit de crédits visait à compenser la revalorisation du point d'indice (13 millions d'euros) à participer au financement de la réforme du statut des détachés pour tenir compte de la jurisprudence de la Cour administrative d'appel de Nantes (7 millions d'euros) et à financer les aides apportées au Liban (10 millions d'euros).
Le rapporteur spécial Rémi Féraud souligne que la résorption de la soulte de l'AEFE pourrait poser des difficultés à cet opérateur au cours des prochains exercices. La persistance d'un fort niveau d'inflation dans certaines régions devrait peser sur les financements de l'AEFE.
D'une part, l'inflation pourrait conduire les établissements scolaires à augmenter leurs frais de scolarité et, par suite, le volume de bourses scolaires distribuées par l'AEFE. Si le plafond de 118 millions d'euros dédiés aux aides à la scolarité excède les enveloppes des exercices précédents, le rapporteur spécial recommande une grande vigilance dans l'évaluation des besoins dans les années futures.
D'autre part, les opérateurs de la mission AEE ont été amenés à internaliser les surcoûts découlant de l'inflation au cours de l'exercice 2023, tant pour les dépenses de fonctionnement que d'investissement. Or le financement des dépenses immobilières lourdes du réseau présente une difficulté croissante pour l'AEFE. À cet égard, le rapporteur déplore que le groupe de travail interministériel sur le financement de l'AEFE réunissant l'agence, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère des comptes publics n'ait pas encore produit de recommandation sur la possibilité d'un recours à l'emprunt.
2. L'amélioration nécessaire des outils des services consulaires ne doit pas occulter les besoins en personnel des postes
Les projets de modernisation des outils des services consulaires se sont poursuivis en 2023, en dépit de coûts croissants.
En premier lieu, le déploiement de la plateforme d'appel « France Consulaire », élargie à de nouveaux pays en 2022, couvre désormais 34 pays européens. Pour mémoire, cette expérimentation vise à centraliser la réponse aux appels téléphoniques auprès d'un service localisé en France. L'enveloppe dédiée à ce projet était de 1,9 million d'euros en 2023, contre 0,9 million en 2022.
En second lieu, la poursuite de l'expérimentation du registre d'état civil électronique (RECE) a fait l'objet d'un redéploiement en cours d'exercice de 0,3 million d'euros en autorisations d'engagement. Pour mémoire, au cours de l'exercice 2022, cette ligne budgétaire avait également été abondée de 1,1 million d'euros en cours d'année. Pour 2024, cette mesure s'explique par une sous-budgétisation initiale, notamment sur la reprise de données, l'engagement du chantier de refonte et la conduction d'une analyse de risques. Le rapporteur note ainsi que le coût de l'expérimentation du RECE est désormais largement supérieur aux estimations initiales. Le rapport de la mission d'évaluation interministérielle conduite par l'inspection générale de la justice et l'inspection générale des affaires étrangères3(*) estime que la conduite de ce projet représente un coût de 11,35 millions d'euros contre un budget prévisionnel de 5 millions d'euros. Sur la période 2024-2025, le ministère évalue le besoin de financement du projet à 3,5 millions d'euros.
Si le rapporteur spécial partage le souci de modernisation des outils de l'administration consulaire, il souligne que ces projets visent en priorité à répondre à la dégradation de la qualité du service induite de la réduction des effectifs au cours du quinquennat précédent. L'ampleur de l'effort demandé paraît a posteriori excessive et a d'ailleurs déstabilisé très fortement le réseau consulaire au détriment des conditions de travail des agents.
Évolution des effectifs sous plafonds du
programme 151 - Français à l'étranger
et affaires
consulaires
(en équivalent temps plein travaillé et en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Il apparaît en conséquence nécessaire, en parallèle de la mise en oeuvre de ces projets novateurs et bénéfiques, de poursuivre le mouvement de rattrapage engagé lors des exercices précédents en termes de ressources humaines.
* 3 Inspection générale de la justice et inspection générale des affaires étrangères, Rapport d'évaluation de l'expérimentation de la dématérialisation des actes de l'état civil établis par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et de la création d'un registre d'état civil électronique (RECE), janvier 2024.