N° 34 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2024 |
RAPPORT PRÉSENTÉ au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 11b (Programmes 203 « Infrastructures et services de transports », 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » et 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État ») Rapporteur spécial : M. Hervé MAUREY |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 3, 291 et T.A. 3 Sénat : 32 (2024-2025) |
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR
SPÉCIAL
1. L'augmentation substantielle en 2023 du montant d'accise sur les énergies (ancienne TICPE) affecté à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT) est à saluer. Cette mesure rend le panier de ressources de l'agence moins volatile.
2. Moins exposées aux volatilités de la conjoncture, les recettes de l'AFIT ont malgré tout été inférieures de 64 millions d'euros à la prévision initiale.
3. La récurrence des sous-consommations des crédits de l'AFIT interroge et, pour contribuer à réduire ce phénomène, il est nécessaire de lancer des appels à projets relatifs aux transports collectifs en site propre (TCSP) selon un rythme annuel.
4. 2023 est la première année pour laquelle la trajectoire de dépenses de l'AFIT prévue par la loi d'orientation des mobilités (LOM) est respectée même sans prendre en compte les crédits exceptionnels attribués dans le cadre du plan de relance.
5. En ne proposant pas au Parlement de nouvelle programmation des investissements dans les infrastructures de transports, l'ancien Gouvernement s'était mis « hors-la-loi ».
6. Le contrat de performance de SNCF Réseau doit être révisé sans délai.
7. Le choix de faire financer par la SNCF l'intégralité des dépenses supplémentaires de régénération et de modernisation du réseau fait peser des menaces sur le système ferroviaire national.
8. En dépit des recommandations et initiatives législatives du Sénat, l'ancien Gouvernement était resté sourd aux enjeux de financement des mobilités du quotidien.
9. Le réseau routier national non concédé se dégrade dangereusement faute d'investissements suffisants dans sa régénération.
I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DES PROGRAMMES 203 « INFRASTRUCTURES ET SERVICES DE TRANSPORT » ET 205 « AFFAIRES MARITIMES » EN 2023
A. APRÈS AVOIR ÉTÉ NETTEMENT AFFECTÉE PAR LES CONSÉQUENCES DES CRISES SANITAIRE ET ÉNERGÉTIQUE, LA CONSOMMATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 203 DEVIENT PLUS LISIBLE
S'agissant des crédits budgétaires, 4,1 milliards d'euros d'autorisation d'engagement (AE) et 4,4 milliards d'euros de crédits de paiement (CP) avaient été votés sur le programme 203 « Infrastructures et services de transport » dans la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.
Cependant, de très importants volumes de crédits de fonds de concours alimentent le programme 203 et viennent s'additionner en gestion aux crédits budgétaires adoptés en loi de finances initiale (LFI). Ils transitent principalement par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT). Ainsi, en tenant compte des crédits évaluatifs de fonds de concours et d'attributions de produits, la LFI prévoyait l'ouverture de 6,3 milliards d'euros en AE (en baisse de 3 % par rapport à 2022) et de 7,1 milliards d'euros en CP (en hausse de 15 % par rapport à 2022).
Sur l'exercice 2023, les reports de crédits provenant de l'exercice budgétaire 2022 ont représenté 1,4 milliard d'euros en AE et 1,2 milliard d'euros en CP. Au sein de ces volumes de reports, 644 millions d'euros s'expliquent par le dernier versement effectué en 2023 à SNCF Réseau dans le cadre du concours exceptionnel de 4,05 milliards accordés par l'État au gestionnaire de réseau pour compenser les effets de la crise sanitaire sur les péages.
La loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023 a conduit à des annulations globales de 29 millions d'euros en AE et de 85,2 millions d'euros en CP. Ce solde global est le résultat d'annulations et de nouvelles ouvertures de crédits.
Du côté des annulations, il s'agit :
- de la réserve de précaution pour 68,1 millions d'euros en AE et 85,2 millions d'euros en CP ;
- d'une partie des crédits dédiés à l'aide exceptionnelle au transport routier instaurée en 2022 en raison d'une sous-consommation du dispositif.
Les ouvertures résultent d'amendements déposés à l'initiative de la commission des finances du Sénat qui ont été retenus dans le texte final :
- 35 millions d'euros d'AE pour financer la réouverture de la ligne de trains d'équilibre du territoire (TET) Nancy-Metz-Lyon ;
- 20 millions d'euros1(*) pour abonder le programme national ponts du Céréma destiné à la réfection des ouvrages d'art du réseau routier des collectivités.
Le total des crédits ouverts sur le programme 203 en 2023 a ainsi atteint 10,5 milliards d'euros en AE et 9,0 milliards d'euros en CP.
Crédits de paiement ouverts en 2023 sur le programme 203
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
En 2023, les crédits effectivement consommés ont représenté 8,1 milliards d'euros en AE (en diminution de 3 % par rapport à 2022) et 8,6 milliards d'euros en CP, soit des diminutions respectives de 25,5 % et de 1,5 %. La baisse apparente significative des AE est toutefois essentiellement liée à plusieurs aspects conjoncturels qui sont de nature à expliquer le niveau exceptionnellement élevé de la consommation de crédits d'engagement en 2022 :
- la signature d'une nouvelle convention d'exploitation des trains d'équilibre du territoire (TET) en mars 2022 pour une durée de 10 ans a conduit à consommer dès 2022 la totalité de 1,7 milliard d'euros d'AE correspondants ;
- pour répondre aux enjeux de la crise des prix de l'énergie, une aide exceptionnelle de 400 millions d'euros a été accordée aux transporteurs routiers, nécessitant des ouvertures de crédits sur le programme en cours d'année 2022.
Depuis 2019, les crédits consommés annuellement sur le programme ont progressé de 50 % en AE et de 65 % en CP.
Évolution des montants de crédits
consommés
sur le programme 203 (2019-2023)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Si le taux de consommation des crédits ne s'est élevé qu'à 77 % pour les AE, il a atteint 96 % pour les CP.
Évaluation des fonds de concours
et
attributions de produits du programme 203 en 2023
(en millions d'euros)
Programme 203 |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
01- Routes - développement |
728,5 |
777,3 |
04- Routes - entretien |
688,7 |
687,2 |
41- Ferroviaire |
1235,5 |
1250,6 |
42- Voies navigables |
3,9 |
4,9 |
43- Ports |
46,2 |
74,4 |
44- Transports collectifs |
614,9 |
651,0 |
45- Transports combinés |
29,3 |
57,5 |
47- Fonctions support |
1,1 |
1,1 |
50- Transport routier |
- |
- |
51- Sécurité ferroviaire |
67,0 |
44,0 |
52- Transport aérien |
- |
- |
53- Dotation exceptionnelle à l'AFITF |
- |
- |
TOTAL |
3 415,1 |
3548,2 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Par rapport à 2022 les crédits de paiement issus de fonds de concours ont augmenté de 26 % pour s'établir à 3,5 milliards d'euros. Cette évolution a pour principale origine la hausse des fonds de concours dédiés :
- au secteur ferroviaire (action 41), principalement en raison de l'augmentation des sommes versées par SNCF Voyageurs au fonds de concours destiné à financer la régénération du réseau ferroviaire ;
- aux transports collectifs (action 44), essentiellement du fait de la participation de 300 millions d'euros de l'État à la couverture des surcoûts du projet « Éole » de prolongation à l'Ouest du RER E.
Évolution des crédits du
programme 203
entre 2022 et 2023
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les explications des principales évolutions constatées en matière de consommation de crédits sur le programme 203 en 2023 sont les suivantes.
Concernant l'action 01 « Routes développement », les baisses constatées résultent principalement des montants substantiellement supérieurs à la moyenne qui avaient été observés en 2022, une année marquée par la fin des Contrats de plan État - régions (CPER) 2015-2022 et la fin du plan de relance. Cette année avait donc connue une consommation de crédits en très nette hausse par rapport aux années précédentes.
Concernant l'action 41 « Ferroviaire », la consommation de crédits supérieurs aux prévisions inscrits en LFI s'explique par deux phénomènes : d'une part des reports de crédits, notamment dus au dernier versement à SNCF Réseau des 4,05 milliards d'euros du plan de relance ferroviaire (voir supra) et d'autre part une sous-estimation des montants versés en 2023 par SNCF Voyageurs au fonds de concours destiné à financer la régénération du réseau ferroviaire.
S'agissant de l'action 44 « Transports collectifs », la diminution des crédits d'AE consommés en 2023 par rapport à 2022 est purement conjoncturelle et fait suite à une augmentation très significative qui avait été observée en 2022. Cette dernière s'expliquait par la signature en mars 2022 d'une nouvelle convention entre l'État et SNCF Voyageurs pour une période de 10 ans et pour un montant global de 1,7 milliard d'euros dont les autorisations d'engagements correspondantes ont fait l'objet d'ouvertures de crédits en 2022. Sur cette même action, les surconsommations significatives de crédits observées en 2023 en comparaison des montants inscrits en LFI ont principalement pour origine la subvention exceptionnelle de 300 millions d'euros attribuée par l'État aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale du projet de LFI pour 2024 (voir infra).
Les crédits de l'action 50 « Transports routiers » apparaissent en diminution en 2023 par rapport à 2022, pour une raison conjoncturelle liée à l'aide exceptionnelle de 400 millions d'euros qui avait été attribuée aux transporteurs routiers en 2022 dans un contexte de crise des prix de l'énergie.
* 1 En AE et en CP.