II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
A. EN DÉPIT D'UNE BAISSE CONJONCTURELLE, LA CONTRIBUTION FRANÇAISE DEVRAIT CONTINUER SA PROGRESSION DANS LES ANNÉES À VENIR
En dépit d'une sous-exécution consécutive sur trois exercices, le montant du PSR-UE se maintient à un niveau historiquement haut, alors qu'il s'inscrivait dans une dynamique de diminution sur la période 2013-2017. Pour mémoire, entre 2013 et 2017, le montant total de la contribution française au budget de l'Union avait baissé de près de 27 %. À l'inverse, depuis 2018 et malgré une baisse conjoncturelle de son montant en 2022, la contribution française a augmenté de 21 % entre 2018 et 2023.
Évolution de la contribution
française au budget de l'Union européenne
en valeur et en
part des recettes fiscales nettes sur 2010-2024
(en millions d'euros et en pourcentage)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Cette tendance haussière devrait se poursuivre dans la mesure où le CFP 2021-2027 a entériné une trajectoire de dépenses de l'Union européenne en augmentation de 13,8 % par rapport au CFP 2014-2020.
Conséquemment, la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 a prévu une hausse du PSR-UE de 0,98 milliard d'euros par an en moyenne, soit un total de 3,9 milliards sur la période 2023-2027.
Évolution du PSR-UE sur la période 2022-2027
(en milliards d'euros et en pourcentage)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
Toutefois, cette projection repose sur le cadre actuel du règlement CFP 2021-2027 et serait susceptible d'être majorée dans l'hypothèse d'une révision à la hausse du CFP. La Commission européenne a, en effet, proposé une révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel le 20 juin 2023 visant à répondre à quatre grands facteurs de besoin en dépenses : la guerre en Ukraine, la recrudescence du phénomène migratoire, la double transition énergétique et numérique et la reprise de l'inflation en Europe.
Les propositions initiales de la Commission européenne prévoyaient un surcroit de dépenses de l'ordre de 66 milliards d'euros sur la période 2024-2027. Un accord obtenu au Conseil européen le 1er février 2024 a fixé ce montant additionnel à 64,6 milliards d'euros.
Répartition des crédits dans le
projet de révision à mi-parcours
du
CFP 2021-2027
(en milliards d'euros et en pourcentage)
Source : commission des finances, d'après la Commission européenne
En outre, la réalisation de certains risques pourrait contribuer à accroitre davantage encore la contribution française, notamment :
- un refus de la part du Royaume-Uni d'honorer le versement de la dernière tranche de financement dû au titre de ses engagements passés. La contribution britannique, qui relève des « recettes diverses » du budget de l'UE, s'élevait à 9,1 milliards d'euros en 2023 et devrait être de 3,9 milliards d'euros en 2024.
- une dégradation des performances économiques des autres pays de l'Union qui entrainerait un ajustement de la contribution « RNB » de la France ;
- un éventuel défaut de remboursement des prêts concédés par la Commission européenne à d'autres États membres que la France dans le cadre de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR).
- un éventuel défaut de remboursement des instruments d'assistance macrofinancière (AMF) et des prêts de la Banque européenne d'investissement.
Outre ces risques, le rapporteur spécial rappelle que l'exécution du budget de l'Union européenne donne systématiquement lieu à l'accroissement du stock de restes-à-liquider (RAL). Celui-ci découle de l'allongement du décalage entre l'engagement des dépenses et le versement des crédits de paiement. Cette évolution pourrait concentrer davantage les dépenses sur certains exercices et rendre plus complexe l'évaluation du PSR-UE. À titre d'exemple, le « jaune budgétaire » sur les relations financières avec l'Union européenne estime qu'il faudrait quatre ans, en moyenne, pour couvrir les engagements de la politique de cohésion.
La Cour des comptes européenne, dans son rapport annuel sur l'exécution du budget, prévoyait que les restes-à-liquider pourraient atteindre un niveau total de 516,4 milliards d'euros fin 2024, en grande partie du fait des retards d'exécution du plan NextGenerationEU et de la politique de cohésion.
Évolution du stock de reste-à-liquider sur le budget européen depuis 2014
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Le rapporteur spécial rappelle que la contribution de la France au budget de l'Union européenne représente en 2023 près de 8,3 % de l'ensemble des recettes fiscales françaises et qu'en valeur celle-ci sera appelée à dépasser les 28 milliards d'euros d'ici 2027. Il s'agit de montants très importants et qui représentent, par exemple, près de trois fois les crédits dédiés à la mission « Justice » du budget de l'État.
Dans ce contexte, le rapporteur spécial tient, à nouveau, à souligner deux points essentiels :
- d'une part, l'importance de valoriser le débat consacré à l'examen et au suivi du montant du prélèvement sur recettes en ouverture du projet de loi de finances ;
- d'autre part, le nécessaire renforcement de la qualité de la prévision par l'administration du montant du prélèvement sur recettes afin de réduire autant que possible les écarts en exécution.