B. - MESURES FISCALES

ARTICLE 2

Indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu
pour les revenus 2024 et des grilles de taux par défaut
du prélèvement à la source

Le présent article prévoit de revaloriser le barème de l'impôt sur le revenu du niveau de l'inflation prévisionnelle hors tabac pour 2024, soit 2,0 %. Il propose, par conséquent, d'ajuster les grilles de taux de prélèvement à la source pour tenir compte de cette indexation et de revaloriser dans la même proportion les seuils et les limites associés au calcul de l'impôt sur le revenu.

En l'absence d'indexation du barème, le rendement de l'impôt sur le revenu aurait été majoré de 3,7 milliards d'euros en 2025 par rapport à ce que prévoit le présent projet de loi de finances.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU, QUE LE LÉGISLATEUR A PRESQUE SYSTÉMATIQUEMENT INDEXÉ SUR L'INFLATION DEPUIS 1982, DÉTERMINE L'ARCHITECTURE DE SA PROGRESSIVITÉ

A. LE BARÈME GÉNÉRAL ET LE MÉCANISME DE DÉCOTE FONDENT LA PROGRESSIVITÉ DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

1. Le barème de l'impôt sur le revenu actuellement en vigueur est structuré en cinq tranches avec un taux marginal supérieur d'imposition de 45 %

L'impôt sur le revenu (IR) est, depuis la loi du 15 juillet 1914, un impôt progressif, c'est-à-dire dont le taux moyen croît avec le revenu imposable. En pratique, la progressivité de l'impôt sur le revenu repose sur un barème prévoyant d'appliquer des taux d'imposition différenciés et croissants à chaque tranche de revenu. Le barème général de l'impôt sur le revenu a été institué dans son principe par la loi du 28 décembre 19592(*). Il comprenait alors huit tranches d'imposition dont les taux étaient échelonnés entre 5 % et 65 %.

Le barème actuellement en vigueur, inscrit à l'article 197 du code général des impôts, comporte cinq tranches dont les taux varient de 0 % à 45 %. Il résulte de nombreuses réformes de l'architecture du barème depuis 1959, dont notamment les réformes suivantes, adoptées depuis le début des années 2000, et qui ont confirmé la réduction tendancielle du nombre de tranches d'imposition :

- la refonte du barème opéré par la loi de finances initiale pour 20063(*), qui a réduit le nombre de tranches de sept à cinq, a intégré dans le barème l'ancien abattement de 20 % pour les revenus salariaux et assimilés et a réduit le taux marginal supérieur d'imposition pour le porter à 40 %. Elle s'est traduite par une réduction du rendement de l'IR estimée à 3,5 milliards d'euros en 2007 ;

- la majoration d'un point de la tranche supérieure d'imposition, pour la porter à 41 %, par la loi de finances initiale pour 20114(*) ayant pour objet de contribuer au financement de la réforme des retraites, qui s'est traduite par une croissance du rendement estimée à 495 millions d'euros en 2011 ;

- la création d'une nouvelle tranche supérieure d'imposition au taux de 45 % par la loi de finances initiale pour 20135(*), qui a concerné environ 58 000 foyers fiscaux et s'est traduite par une croissance du rendement estimée à 344 millions d'euros en 2013 ;

- la suppression de la tranche à 5,5 % par la loi de finances initiale pour 20156(*) qui a ramené le nombre de tranches d'imposition à cinq, qui s'est traduite par une réduction du rendement de l'IR estimée à 3,2 milliards d'euros en 2015 ;

- enfin, la réduction de trois points du taux d'imposition de la deuxième tranche du barème, ramené à 11 %, par la loi de finances initiale pour 20207(*), qui a concerné environ 16,9 millions de foyers fiscaux et s'est traduite par une réduction du rendement de l'IR estimée à 5 milliards d'euros en 2020.

Évolution du barème général de l'impôt sur le revenu depuis 2005

 

2005

2006-2010

2011-2012

2013-2014

2015-2020

2021-2024

1ère tranche

0

0

0

0

0

0

2tranche

6,83 %

5,5 %

5,5 %

5,5 %

14 %

11 %

3tranche

19,14 %

14 %

14 %

14 %

30 %

30 %

4tranche

28,26 %

30 %

30 %

30 %

41 %

41 %

5tranche

37,38 %

40 %

41 %

41 %

45 %

45 %

6tranche

42,62 %

-

-

45 %

-

-

7tranche

48,09 %

-

-

-

-

-

Source : commission des finances

Barème général de l'impôt sur le revenu avant l'indexation
prévue par le présent article

Tranche de revenu

Taux d'imposition

Inférieur à 11 294 €

0 %

De 11 294 € à 28 797 €

11 %

De 28 797 € à 82 341 €

30 %

De 82 341 € à 177 106 €

41 %

Supérieur à 177 106 €

45 %

Source : commission des finances

2. La décote a pour objet de réduire la charge fiscale des ménages modestes

Le mécanisme de la décote, inscrit au a du 4 du I de l'article 197 du code général des impôts (CGI), a été introduit en 1981 dans le but de retarder l'entrée dans l'impôt des contribuables célibataires pour tenir compte de leur impossibilité de bénéficier du quotient familial (QF). Le périmètre de la décote a ensuite été généralisé à l'ensemble des contribuables en 1986.

La décote a pour objet, depuis sa généralisation à l'ensemble des contribuables, de retarder l'entrée dans l'impôt des contribuables ayant un revenu proche du seuil d'imposition et plus largement de réduire la charge fiscale qui pèse sur les ménages modestes.

Le mécanisme de la décote consiste à diminuer l'impôt brut8(*) d'un montant qui décroît parallèlement à la progression des revenus. Le montant de la décote est calculé selon une formule qui a évolué au cours des années et qui repose sur deux paramètres : le plafond et la pente de la décote. La loi de finances initiales pour 2015 a introduit une dimension conjugale de la décote en prévoyant des plafonds distincts pour les célibataires et pour les contribuables soumis à l'imposition commune.

Dans l'état du droit, avant l'indexation proposée par le présent article, la décote bénéficie aux contribuables célibataires, veufs ou divorcés dont l'impôt brut est inférieur à 1 929 €, et sa formule d'application est la suivante :

Impôt après décote (IAD) = impôt brut (IB) - (873 - 0,4525*IB)

Pour un couple soumis à une imposition commune, le bénéfice de la décote lui est ouvert lorsque son impôt brut est inférieur à 3 191 € et sa formule est la suivante :

IAD = IB - (1 444 - 0,4525*IB)

Évolution de la formule de calcul de la décote

 

Pour un célibataire, veuf ou divorcé

Pour un couple soumis à imposition commune

Impôt sur le revenu 2020 (revenus 2019)

IAD = IB - (1 208 - ¾*IB)

IAD = IB - (1 190 - ¾*IB)

Impôt sur le revenu 2021 (revenus 2020)

IAD = IB - (779 - 0,4525*IB)

IAD = IB - (1 289 - 0,4525*IB)

Impôt sur le revenu 2022 (revenus 2021)

IAD = IB - (790 - 0,4525*IB)

IAD = IB - (1 307 - 0,4525*IB)

Impôt sur le revenu 2023 (revenus 2022)

IAD = IB - (833 - 0,4525*IB)

IAD = IB - (1 378 - 0,4525*IB)

Impôt sur le revenu 2024 (revenus 2023)

IAD = IB - (873 - 0,4525*IB)

IAD = IB - (1 444 - 0,4525*IB)

Source : commission des finances

La formule de calcul actuelle de la décote résulte d'une réforme du dispositif opérée par la loi de finances initiales pour 20209(*), qui a réduit le plafond et adouci la pente de la décote pour qu'elle intègre et se substitue à la réduction d'impôt pour les foyers modestes10(*). La superposition entre les deux dispositifs contribuait auparavant à réduire la lisibilité de l'imposition et se traduisait par des taux marginaux d'entrée dans l'impôt particulièrement élevés pour les contribuables modestes.

B. LES GRILLES DE DÉTERMINATION DU TAUX NEUTRE POUR LE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE TIENNENT COMPTE DU BARÈME PROGRESSIF ET DE LA DÉCOTE

Depuis le 1er janvier 2019, le prélèvement à la source (PAS) est le régime de droit commun de paiement de l'impôt sur le revenu.

À ce titre, les articles 204 A et 204 B du CGI prévoient que les revenus imposables à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux salaires, aux pensions et aux rentes viagères à titre gratuit donnent lieu à une retenue à la source effectuée par le débiteur lors du paiement de ces revenus. L'assiette du prélèvement à la source est constituée des revenus nets des cotisations sociales et de la part déductible de cotisation sociale généralisée (CSG), mais avant déduction des frais professionnels pour les salaires ou de l'abattement forfaitaire de 10 % pour les pensions ou rentes viagères à titre gratuit.

En principe, le prélèvement à la source est opéré selon un taux individualisé, ou taux de droit commun, qui est calculé par l'administration fiscale en tenant compte des revenus et de l'impôt sur le revenu des années précédentes.

Par dérogation, soit lorsque le taux individualisé ne peut être déterminé soit lorsque les salariés ne souhaitent pas voir leur taux réel de prélèvement communiqué à leur employeur, le prélèvement peut être opéré selon un taux neutre, ou taux par défaut. Les grilles de détermination du taux par défaut ont été élaborées à partir du barème progressif de l'impôt sur le revenu en intégrant les effets de la décote. En plus de la grille applicable aux contribuables domiciliés en métropole, deux grilles spécifiques permettent de tenir compte des avantages fiscaux dont bénéficient certains contribuables domiciliés outre-mer.

C. L'INDEXATION DU BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU EST UNE PRATIQUE CONSTANTE ET APPLIQUÉE DE MANIÈRE PRESQUE SYSTÉMATIQUE DEPUIS 1969

L'indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu est une mesure traditionnelle des lois de finances initiales, dont le principe a été inscrit dès la fin des années 1960 à l'article 3 de la loi de finances pour 1968 qui prévoit que le Parlement est saisi de propositions d'aménagement du barème lorsque l'indice d'évolution des prix augmente de plus de 5 %11(*). Cette indexation a notamment pour objet de faire obstacle à l'augmentation du taux d'imposition - ou à l'entrée dans l'imposition - des contribuables dont les revenus auraient augmenté moins vite que l'inflation.

L'indexation du barème est une pratique constante et systématique depuis 1969, à laquelle seules les lois de finances initiales pour 2012 et 2013 ont dérogé. Il est du reste à relever que la commission des finances s'était opposée à la mesure de non-indexation inscrite dans la quatrième loi de finances rectificatives pour 2011 en estimant qu'elle constituait une mesure d'injustice fiscale12(*).

Depuis la loi de finances initiales pour 1982, l'aménagement annuel prend la forme d'une indexation intégrale sur l'inflation de toutes les tranches du barème, qui a été systématiquement adoptée à l'exception de la non-indexation (« gel ») décidée pour les impôts dus au titre des années 2011 et 2012.

Le taux retenu pour l'actualisation du barème de l'impôt sur le revenu correspond à l'évolution prévisionnelle de l'indice des prix hors tabac durant l'année de perception des revenus, inscrite dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances.

En l'occurrence, le présent projet de loi de finances retient un taux d'indexation de 2,0 % pour l'année 2024, étant entendu que ce taux pourrait différer légèrement du niveau définitif d'inflation qui ne pourra être déterminé qu'a posteriori.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'INDEXATION SUR L'INFLATION DU BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU, QUI IMPLIQUE UNE REVALORISATION DES SEUILS ET DES LIMITES ASSOCIÉS AU CALCUL DE L'IMPÔT, AINSI QU'UN AJUSTEMENT DES GRILLES DE TAUX DE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE

A. UNE REVALORISATION DE 2,0 % DES SEUILS DU BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU...

Le 1° du B du I du présent article prévoit l'indexation en fonction de l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu défini au 1 du I de l'article 197 du CGI. Cette revalorisation est de 2,0 % pour l'impôt dû au titre des revenus perçus ou réalisés en 2024. Ce taux correspond à l'évolution prévisionnelle de l'indice des prix hors tabac en 2024 par rapport à 2023 et figurant dans le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances13(*).

Barème général de l'impôt sur le revenu résultant du présent article
pour les revenus au titre de 2024

Tranche de revenu

Taux d'imposition

Inférieur à 11 520 €

0 %

De 11 520 € à 29 373 €

11 %

De 29 373 € à 83 988 €

30 %

De 83 988 € à 180 648 €

41 %

Supérieur à 180 648 €

45 %

Source : commission des finances

B. ... QUI ENTRAÎNE L'INDEXATION ET L'AJUSTEMENT DES GRILLES DE TAUX APPLICABLES POUR LE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE...

Le C du I du présent article modifie les trois grilles du taux neutre prévues à l'article 204 H du CGI et respectivement applicables aux contribuables domiciliés en métropole (a du 1 du III de l'article 204 H), en Guadeloupe, à La Réunion et en Martinique (b du 1 du même III), ainsi qu'en Guyane et à Mayotte (c du 1 du même III). Les bornes des bases mensuelles de prélèvement de chacune de ces grilles sont ainsi revalorisées de 2,0 %.

Aux termes du II du présent article, les nouvelles grilles de taux par défaut entrent en vigueur le 1er janvier 2025.

C. ...AINSI QUE L'INDEXATION DE DIFFÉRENTS SEUILS ET LIMITES ASSOCIÉS AU CALCUL DE L'IMPÔT

1. L'indexation des seuils relatifs au quotient familial

Le a du 2° du B du I du présent article modifie le 2 du I de l'article 197 du CGI afin de procéder, dans la même ampleur que pour le barème de l'impôt sur le revenu, à l'indexation du plafonnement de la réduction d'impôt résultant de l'application du quotient familial (+ 2,0 %).

Pour les contribuables concernés par le plafonnement, cette mesure tend à diminuer l'avantage résultant de l'application du quotient familial par rapport à l'impôt dû. Les montants correspondant au plafonnement de parts ou demi-parts supplémentaires accordées au titre de quatre situations particulières sont indexés dans les mêmes conditions (b à e du même 2° du B du I du présent article), tout comme le plafond de l'abattement prévu à l'article 196 B du CGI accordé en cas de rattachement d'un enfant majeur marié ou chargé de famille (A du I du présent article).

Indexation des seuils relatifs au quotient familial

(en euros)

Objet de la limite ou du seuil

Impôt sur le revenu 2020 (revenus 2019)

Impôt sur le revenu 2021 (revenus 2020)

Impôt sur le revenu 2022 (revenus 2021)

Impôt sur le revenu 2023 (revenus 2022)

Impôt sur le revenu 2024 (revenus 2023)

Impôt sur le revenu 2025 (revenus 2024)

Plafonnement de chaque demi-part de droit commun de quotient familial (article 197 du CGI)

1 567

1 570

1 592

1 678

1 759

1 794

Plafonnement de la part entière de quotient familial accordée au titre du premier enfant à charge des personnes vivant seules et élevant seules leurs enfants (article 197 du CGI)

3 697

3 704

3 756

3 959

4 149

4 232

Plafonnement de la demi-part supplémentaire accordée aux personnes célibataires, divorcées ou veuves sans charge de famille et ayant élevé pendant au moins cinq ans un enfant âgé de plus de 25 ans imposé distinctement (article 197 du CGI)

936

938

951

1 002

1 050

1 071

Réduction d'impôt accordée au titre de la demi-part supplémentaire accordée aux contribuables anciens combattants, invalides ou parents d'enfants majeurs âgés de moins de 26 ans et imposés distinctement (article 197 du CGI)

1 562

1 565

1 587

1 673

1 753

1 788

Réduction d'impôt pour les contribuables veufs ayant un enfant à charge (article 197 du CGI)

1 745

1 748

1 772

1 868

1 958

1 997

Montant de l'abattement accordé en cas de rattachement d'un enfant majeur âgé de moins de 21 ans (marié ou chargé de famille) ou de moins de 25 ans (poursuivant des études) (article 196 B du CGI)

5 947

5 959

6 042

6 368

6 674

6 807

Source : commission des finances du Sénat (à partir de l'article 2 du présent projet de loi de finances)

2. L'indexation des autres limites et seuils associés au calcul de l'impôt sur le revenu

Pour de nombreux dispositifs, fiscaux ou non, une évolution automatique en fonction de la revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu est prévue. Dix-huit d'entre eux concernent le calcul de l'impôt sur le revenu, trois la fiscalité directe locale et quatre des domaines fiscaux autres.

La revalorisation de 2,0 % appliquée aux seuils des tranches du barème de l'impôt sur le revenu s'applique donc également à l'ensemble de ces montants.

Liste des dispositifs dont les seuils, plafonds ou abattements évoluent
en fonction de la revalorisation du barème de l'IR

Dispositifs

Référence

Dans le domaine de l'impôt sur le revenu

 

Seuils de chiffre d'affaires du régime micro-entreprise

article 50-0 du CGI (1)

Seuils de recettes (moyennes) des régimes d'imposition de l'exploitant agricole

article 69 du CGI (VI)

Seuil de recettes (moyennes) du régime réel d'imposition du groupement agricole d'exploitation en commun

article 71 du CGI (1)

Seuils de bénéfices des exploitants bénéficiant des aides à l'installation des jeunes agriculteurs prévues à l'article D. 343-3 du code rural et de la pêche maritime pour l'application de l'abattement prévu au titre des soixante premiers mois d'activité

article 73 B du CGI

Déduction forfaitaire des frais professionnels du revenu brut

article 83 du CGI (3°)

Seuil de recettes annuelles du régime déclaratif spécial

article 102 ter du CGI (1)

Régime du micro entrepreneur

article 151-0 du CGI

Modalités d'imputation des déficits agricoles

article 156 du CGI (1° du I)

Déductibilité du revenu global d'une somme représentative des avantages en nature des personnes âgées de plus de 75 ans vivant sous le toit du contribuable

article 156 du CGI
(2° ter du II)

Abattement forfaitaire sur le revenu en faveur des personnes modestes invalides ou âgées de plus de 65 ans

article 157 bis du CGI

Abattement applicable aux pensions et retraites

article 158 du CGI (a du 5)

Évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d'après certains éléments du train de vie

article 168 du CGI (1)

Retenue à la source sur les traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française servis à des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France

article 182 A du CGI

Retenue à la source sur les sommes de source française payées à des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliée en France en contrepartie de prestations artistiques

article 182 A bis du CGI

Application du taux minimum aux personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France

article 197 A du CGI

Réduction d'impôt accordée au titre de certains dons faits par les particuliers

article 200 du CGI (1 ter)

Seuil de revenu fiscal de référence pour le bénéfice du taux nul en matière de prélèvement à la source

article 204 H du CGI (2° du II)

Seuil de chiffre d'affaires pour le régime simplifié d'imposition en bénéfices industriels et commerciaux (BIC)

article 302 septies bis
du CGI

En matière de fiscalité directe locale

 

Exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) en faveur des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans, afférente à leur habitation principale

article 1391 du CGI

Dégrèvement d'office de 100 € de la TFPB afférente à l'habitation principale des redevables âgés de plus de 65 ans au 1er janvier de l'année d'imposition

article 1391 B du CGI

Dégrèvement de la fraction de la cotisation de TFPB afférente à l'habitation principale supérieure à 50 % des revenus

article 1391 B ter du CGI

Autres domaines fiscaux

 

Barème de la taxe sur les salaires (TS)

article 231 du CGI (2 bis)

Seuil de chiffre d'affaires pour la franchise en base de TVA

article 293 B du CGI (VI)

Exigibilité de la TS pour les associations

article 1679 A du CGI

Seuil de revenu imposable pour l'application d'une majoration de l'amende pour faits de flagrance fiscale

article 1740 B du CGI

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'évaluation préalable du présent article

3. L'indexation de la décote

Le 3° du B du I du présent article modifie le a du 4 du I de l'article 197 du CGI en procédant à la revalorisation de 2,0 % des seuils de la décote, parallèlement à l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu. Cette revalorisation s'applique donc à la nouvelle méthode de calcul de la décote.

Formule de calcul de la décote

 

Pour un contribuable célibataire, veuf ou divorcé

Pour un couple soumis à imposition commune

Impôt sur le revenu 2025 (revenus 2024) après indexation

IAD = IB - (890 - 0,4525*IB)

IAD = IB - (1 473 - 0,4525*IB)

Source : commission des finances du Sénat

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : L'INDEXATION DU BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU EST UNE MESURE D'ÉQUITÉ OPPORTUNE, DONT LE COÛT SE RÉDUIT PAR RAPPORT À L'ANNÉE DERNIÈRE

A. UN RENDEMENT MOYEN DE L'IMPÔT SUR LE REVENU EN HAUSSE, MALGRÉ L'INDEXATION DE SON BARÈME SUR L'INFLATION

L'objectif de la mesure d'indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu est de neutraliser les effets de l'inflation sur le niveau d'imposition des ménages. Cette mesure est désormais une pratique établie qui a été adoptée systématiquement pour l'ensemble des lois de finances initiales depuis 1969, à l'exception des lois de finances initiales pour 2012 et 201314(*).

Le prélèvement à la source supporté pendant l'année 2024 est fondé sur le barème de l'impôt sur le revenu avant indexation par le présent article, c'est-à-dire le barème fixé par la loi de finances initiale pour 202415(*). Les contribuables ayant supporté une retenue à la source trop importante au regard du barème actualisé fixé par le présent article bénéficieront donc d'un crédit d'impôt dans le courant de l'année 2024.

Alors que le coût de la mesure d'indexation était estimé à seulement 230 millions d'euros par la loi de finances pour 2021, il a atteint pour l'imposition des revenus de 2022 et de 2023 des montants très élevés du fait de la reprise de l'inflation. Le coût de l'indexation avait ainsi été évalué à respectivement 6,2 milliards d'euros (projet de loi de finances pour 2023) et 6,1 milliards d'euros (projet de loi de finances pour 2024) respectivement pour l'imposition des revenus de 2022 et de 2023.

Le coût de l'indexation du barème serait en net reflux pour l'imposition des revenus pour 2024, le présent projet de loi de finances pour 2025 évaluant son coût à 3,7 milliards d'euros, soit une baisse de près de 39,3 % en un an. Cette tendance s'explique par le fait que l'inflation hors tabac connaît un tassement, son niveau anticipé étant de + 2,0 % en 2024 par rapport à l'année précédente, contre + 4,8 % en 2023.

Inflation et coût de l'indexation du barème de l'IR depuis 2016

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Inflation de l'année N- 1

0,1 %

0,1 %

1 %

1,6 %

1,0 %

0,2 %

1,4 %

5,4 %

4,8 %

2,0 %

Coût de l'indexation

(en Md€)

0,1

0,1

1,1

1,76

1,1

0,23

1,5

6,2

6,1

3,7

Note : les taux d'inflations indiqués sont ceux retenus dans les documents budgétaires annexés aux projets de loi de finances initiales, ils peuvent différer de la valeur définitive constatée a posteriori.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le rapporteur général relève en outre que le coût de la mesure d'indexation doit être mis en perspective avec le dynamisme des recettes de l'impôt sur le revenu, qui ont augmenté de près d'un quart entre 2019 et 2023 (dernières données définitives disponibles). En outre, d'après les prévisions inscrites dans les documents budgétaires, le rendement de l'impôt sur le revenu, après actualisation du barème, serait de 93,8 milliards d'euros, soit une hausse de 5,7 milliards d'euros par rapport au rendement révisé pour 2024 (88,1 milliards d'euros)16(*).

Évolution du rendement de l'impôt sur le revenu net depuis 2019

(en milliards d'euros)

Note : rendements constatés jusqu'en 2023, valeurs prévisionnelles pour 2024 et 2025.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

B. L'ABSENCE D'INDEXATION DU BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU CONDUIRAIT À ALOURDIR LA PRESSION FISCALE SUR LES MÉNAGES

L'absence d'indexation du barème conduirait, pour un contribuable dont les revenus ont progressé au même rythme que l'inflation, à augmenter son taux d'imposition alors même que son pouvoir d'achat n'a pas progressé.

Ainsi, en l'absence de revalorisation du barème de l'IR le taux d'imposition moyen sur les revenus pesant sur les ménages serait amené à augmenter.

En effet, premièrement, sans indexation du barème, une partie des contribuables serait soumis à l'imposition d'une partie de leurs revenus au titre d'une tranche supérieure à un taux plus élevé. De même, à revenu réel inchangé, certains foyers fiscaux jusqu'ici non imposables seraient assujettis à l'impôt sur le revenu.

Deuxièmement, de nombreux régimes dérogatoires en matière d'impôt sur le revenu ou de contributions sociales ont des seuils et limites de déclenchement indexés, chaque année, sur la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Sans revalorisation, certains ménages perdraient le bénéfice de ces dispositifs.

Troisièmement, tous les salaires n'augmentent pas au même rythme que l'inflation. Hormis pour le SMIC, pour lequel elle est automatique, l'indexation est liée à la négociation. L'absence de revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu constituerait ainsi une double peine pour les salariés qui n'auraient pas vu leurs salaires indexés sur l'inflation, ou seulement partiellement.

La décision de ne pas revaloriser le barème de l'impôt sur le revenu reviendrait, par conséquent, à alourdir la pression fiscale sur les ménages. Un accroissement de l'impôt sur le revenu aurait ainsi des conséquences importantes sur le pouvoir d'achat.

Par ailleurs, la présente mesure n'affecte pas la progressivité de l'impôt, qui est réelle. Les ménages se trouvant dans les 4 premiers déciles ne payent pas d'impôt sur le revenu. Ceux se situant entre le 5e et le 9e payent environ 28 % du rendement total de l'impôt. Enfin, les ménages se trouvant dans le dernier décile payent 72 % du montant cumulé de l'impôt sur le revenu.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3

Instauration d'une contribution différentielle sur les hauts revenus

Le présent article prévoit l'introduction d'une contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) qui vise à assurer une imposition minimale des plus hauts revenus à hauteur de 20 % du revenu fiscal de référence. En l'état du droit, les foyers bénéficiant des plus hauts revenus sont déjà assujettis à une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR).

Ce « filet de rattrapage » fiscal s'applique à l'ensemble des contribuables fiscalement domiciliés en France dont le revenu fiscal de référence, un agrégat ajoutant au revenu net imposable des revenus exonérés, est supérieur à 250 000 euros pour une personne seule et 500 000 euros pour un couple. La contribution différentielle repose sur la différence, si elle est positive, entre 20 % du revenu fiscal de référence et le montant total de l'impôt sur le revenu effectivement acquitté (soit la somme de l'impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des prélèvements libératoires).

L'objectif de ce dispositif est de cibler les foyers fiscaux dont l'impôt acquitté, du fait d'une forte proportion de revenus du capital ou de comportements d'optimisation fiscale, est réduit au regard de leurs capacités contributives.

Pour autant, le rendement de ce dispositif, annoncé autour de deux milliards d'euros, paraît incertain. Le présent article, en prévoyant des dispositifs de lissage de l'entrée dans l'imposition et en permettant aux contribuables de mobiliser les avantages en impôt offerts par de nombreuses dépenses fiscales, réduit sensiblement l'assiette potentielle de la CDHR.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES PLUS HAUTS REVENUS CONTRIBUENT DÉJÀ LARGEMENT AUX RECETTES DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

A. LA PROGRESSIVITÉ DE L'IMPÔT SUR LE REVENU PERMET D'APPLIQUER AUX PLUS HAUTS REVENUS DES TAUX D'IMPOSITION ÉLEVÉS

Pour des développements généraux sur la progressivité de l'impôt sur le revenu, le lecteur pourra se référer au commentaire de l'article 2 du présent projet de loi de finances.

Toutefois, il paraît utile de rappeler le cadre général de l'imposition des revenus et, plus particulièrement, l'état du droit concernant les plus hauts revenus.

L'impôt sur le revenu (IR) est un impôt progressif, c'est-à-dire dont le taux moyen croît avec le revenu imposable. En pratique, la progressivité de l'impôt sur le revenu repose sur un barème prévoyant d'appliquer des taux d'imposition différenciés et croissants à chaque tranche de revenu. Le barème actuellement en vigueur, inscrit à l'article 197 du code général des impôts (CGI), comporte cinq tranches dont les taux varient de 0 % à 45 %. Il résulte de nombreuses réformes de l'architecture du barème depuis 1959, dont notamment les réformes suivantes, adoptées depuis le début des années 2000, et qui ont confirmé la réduction tendancielle du nombre de tranches d'imposition.

Barème général de l'impôt sur le revenu applicable aux revenus de l'année 2023

Tranches de revenus

Taux d'imposition

Jusqu'à 11 294 euros

0 %

De 11 295 € à 28 797 euros

11 %

De 28 798 € à 82 341 euros

30 %

De 82 342 € à 177 106 euros

41 %

Supérieur à 177 106 euros

45 %

Source : commission des finances

L'application de la tranche la plus haute du barème de l'IR (45 %), combinée à la tranche la plus haute de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, présentée infra (4 %), conduit à un taux supérieur de 49 %. Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, ce taux marginal n'est atteint que pour un niveau de salaire de 14,2 fois le salaire moyen 2022, soit environ 450 000 euros par an.

Part de l'impôt sur le revenu par dixième de revenu déclaré
par unité de consommation

(en pourcentage et en milliers d'euros)

Décile

0-10 %

10-20 %

20-30 %

30-40 %

40-50 %

50-60 %

60-70 %

70-80 %

80-90 %

90-100 %

dont
95-100 %

dont 99-100 %

Impôt moyen acquitté (en milliers d'euros)

0

0

0

0

0,1

0,3

0,8

1,7

3,6

17,9

28,6

79,4

Impôt moyen rapporté au revenu par unité de consommation (en pourcentage)

0 %

0 %

0 %

0 %

0,4 %

1,4 %

3 %

5,2 %

8,8 %

18 %

22,2 %

30,8 %

Part dans le total de l'IR

0 %

0 %

0 %

0 %

0 %

1 %

3 %

7 %

15 %

74 %

59 %

33 %

Source : commission des finances d'après le Conseil des prélèvements obligatoires

La progressivité de l'impôt sur le revenu apparaît indéniable. L'IR se caractérise par une très forte concentration en haut de la distribution des revenus. Selon les données provisoires de l'imposition des revenus de l'année 2023, collectées par le Conseil des prélèvements obligatoires, dans un récent rapport17(*), près de 74 % des recettes de l'impôt sur le revenu étaient concentrés sur les 10 % des foyers fiscaux déclarant les revenus les plus élevés. Cette concentration est en hausse par rapport au précédent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur l'imposition des revenus qui soulignait en 2015 que le dernier décile de la distribution des revenus concentrait 70 % des recettes de l'impôt sur le revenu.

La structure des prélèvements sociaux18(*) contribue également en partie à la progressivité de l'imposition des revenus. Par rapport au barème de l'impôt sur le revenu, la progressivité des prélèvements sociaux est moins accentuée. Elle repose essentiellement, d'une part, sur des taux réduits de contribution sociale généralisée pour certaines catégories de revenus et, d'autre part, sur certaines exonérations de prélèvements sociaux pour certains contribuables en fonction de seuils déterminés du revenu fiscal de référence.

Le caractère confiscatoire de l'imposition

Dans sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel s'assure que l'imposition prend en compte la faculté contributive des contribuables, de sorte qu'elle n'ait pas un caractère confiscatoire. Dans son raisonnement, le juge constitutionnel s'appuie sur le principe d'égalité devant les charges publiques, garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 178919(*). Le Conseil constitutionnel a précisé, dans une décision de 2005, que cette exigence ne serait pas respectée si « l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives »20(*).

Dans sa décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 201221(*), le Conseil constitutionnel a précisé que, pour apprécier le respect du principe d'égalité devant les charges publiques, il convient de prendre en compte l'ensemble des impositions portant sur le même revenu et acquittées par le même contribuable. Cette appréciation permet au juge constitutionnel de déterminer un taux marginal maximal d'imposition applicable à un même revenu au-delà duquel l'imposition serait considérée comme confiscatoire.

Toutefois, la jurisprudence postérieure n'a pas permis d'identifier un seuil précis en matière d'imposition des revenus, permettant de déterminer le caractère confiscatoire d'une imposition22(*). Pour autant, dans un avis en date du 21 mars 2013, le Conseil d'État a estimé « qu'il résulte de la décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012 qu'un taux marginal maximal d'imposition des deux tiers, quelle que soit la source des revenus, doit être regardé comme le seuil au-delà duquel une mesure fiscale risque d'être censurée par le juge constitutionnel comme étant confiscatoire ou comme faisant peser une charge excessive sur une catégorie de contribuables en méconnaissance du principe d'égalité »23(*). Un taux marginal maximal d'imposition sur un même revenu pourrait donc selon certains juristes se situer entre 66,6 % et 75 %24(*).

Source : commission des finances

Il importe de souligner qu'une part significative des facultés contributives des individus n'est pas comprise dans les revenus déclarés. Cette observation est plus spécifiquement vérifiée dans le haut de la distribution des revenus.

Dans une étude particulièrement citée25(*), l'Institut des politiques publiques, se fondant sur les données fiscales de 2016, a tenté de mesurer l'impôt effectivement acquitté par les foyers fiscaux les plus fortunés sur l'ensemble de leurs revenus. L'étude retient pour ce faire, non pas le revenu fiscal de référence, mais le revenu économique dont disposent les ménages, défini comme l'ensemble des revenus réalisés et contrôlés effectivement par le foyer fiscal. Cet agrégat permet d'inclure les cotisations sociales non-contributives et les bénéfices des sociétés contrôlées par les foyers fiscaux.

Taux d'imposition totaux rapportés au revenu économique,
au sens de l'Institut des politiques publiques

(en pourcentage)

Note : les données fiscales utilisées sont celles de l'années 2016.

Source : Laurent Bach, Antoine Bozio, Arthur Guillouzouic, Clément Malgouyres, Institut des politiques publiques, « Quels impôts les milliardaires payent-ils ? », n° 92, juin 2023

Selon l'IPP, l'imposition de ce revenu économique, au titre de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés, demeure progressive sur l'ensemble de la distribution des revenus jusqu'au 0,1 % des foyers fiscaux les plus aisés. Passé ce niveau, l'imposition devient régressive et ne représente plus que 2 % des revenus économiques des 378 foyers fiscaux les plus aisés.

B. DEPUIS LA LOI DE FINANCES POUR 2012, UNE CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE SUR LES HAUTS REVENUS S'AJOUTE À L'IMPÔT SUR LE REVENU DES MÉNAGES LES PLUS AISÉS

L'article 2 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 a introduit une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) qui s'ajoute, pour les contribuables les plus aisés, à l'impôt sur le revenu. Cette contribution, prévue à l'article 223 sexies du code général des impôts, est applicable aux foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence (RFR) excède les seuils définis dans le CGI.

Sont donc redevables de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus les contribuables passibles de l'impôt sur le revenu. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 du code général des impôts, chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérés comme étant à sa charge.

À cet égard, la doctrine fiscale26(*) précise que, sous réserve de l'application des conventions internationales, la CEHR est applicable, sous réserve que leur revenu fiscal de référence excède les seuils déterminés :

- non seulement aux contribuables domiciliés fiscalement en France, passibles de l'impôt sur le revenu et qui disposent de revenus de source française ou étrangère entrant dans la composition du RFR ;

- mais également aux contribuables domiciliés fiscalement hors de France, passibles de l'impôt sur le revenu et qui disposent de revenus de source française entrant dans la composition du RFR. En application de l'article 4 A du CGI, seuls leurs revenus de source française sont soumis à l'impôt sur le revenu.

1. Une contribution assise sur le revenu fiscal de référence

La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus est assise sur le revenu fiscal de référence (RFR) du foyer fiscal, tel que défini au 1° du IV de l'article 1417 du code général des impôts. Le RFR correspond au montant net des revenus et plus-values retenues pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, majoré de certaines charges déductibles, de revenus et profits exonérés d'impôt sur le revenu ou faisant l'objet d'un report ou d'un sursis d'imposition, d'abattements appliqués pour la détermination du revenu catégoriel et de revenus et profits soumis aux prélèvements ou versements libératoires. Les revenus réintégrés au RFR sont limitativement énumérés au IV de l'article 1417 du CGI. Du fait de cette assiette plus large, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus se distingue d'une simple aggravation du barème de l'impôt sur le revenu pour les revenus les plus élevés.

Cette différence d'assiette conduit le juge constitutionnel27(*) à considérer la CEHR comme une imposition distincte de l'impôt sur le revenu.

Le revenu fiscal de référence

Le revenu fiscal de référence s'entend du revenu net imposable soumis au barème progressif, majoré pour l'essentiel :

- du montant de certaines charges (par exemple le dispositif « Sofipêche ») et cotisations (plan d'épargne retraite, contrats souscrits dans le cadre de régimes de retraite supplémentaire ou complémentaire) déductibles du revenu global ;

- de l'abattement pour la durée de détention appliqué en matière d'impôt sur le revenu aux plus-values de cession de valeurs mobilières ou de droit sociaux et l'abattement fixe qui s'ajoute à l'abattement pour durée de détention sur les
plus-values de cession réalisées par les associés dirigeants qui partent à la retraite ;

- de l'abattement de 40 % applicable aux dividendes pour le calcul de l'impôt sur le revenu ;

- du montant des intérêts soumis au prélèvement libératoire de 24 % ;

- du montant des produits de la capitalisation soumis à un prélèvement libératoire ;

- du montant des bénéfices exonérés dans le cadre des incitations à la création d'entreprises (jeunes entreprises innovantes, entreprises nouvelles, zones franches urbaines, zones de revitalisation rurale, etc.) ;

- du montant exonéré des salaires versés aux personnes détachées à l'étranger par leur employeur ;

- du montant exonéré des revenus encaissés par les personnes bénéficiant du régime des impatriés ou les fonctionnaires internationaux ;

- des indemnités de fonction des élus locaux soumis à retenue à la source.

Source : commission des finances

Le RFR permet donc de donner une indication plus fine du niveau de vie des foyers fiscaux et de leurs capacités contributives que le revenu net imposable, en prenant en compte davantage de ressources effectivement perçues. Par rapport à l'assiette de l'impôt sur le revenu, soit le revenu net imposable, cet agrégat offre différents avantages, en permettant :

- d'inclure différentes catégories de revenus, dont des revenus du capital et du patrimoine, en plus des revenus d'activités ;

- de réintégrer certains revenus exonérés de l'impôt sur le revenu ;

- de neutraliser une partie des dépenses fiscales qui diminuent le montant de l'imposition à l'impôt sur le revenu.

Pour ces différentes raisons, en matière fiscale, le revenu fiscal de référence est mobilisé, outre la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, pour le calcul du champ des exonérations de la taxe foncière et pour la détermination des taux de CSG applicables aux pensions de retraites. Le RFR est également utilisé pour déterminer la tarification de services publics locaux ou l'attribution de dispositifs de prestation sociale sous conditions de ressources28(*).

Pour autant, comme le relève le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), le RFR « ne reflète pas l'universalité des revenus, et donc des capacités contributives réelles, des ménages »29(*). L'utilisation du RFR ne permet pas de réintégrer l'ensemble des dépenses fiscales minorant le montant de l'impôt sur le revenu. La direction de la législation fiscale dénombre en ce sens 222 dispositifs d'exonération qui demeurent exclus du calcul de cet agrégat. À titre d'exemple, n'entre pas dans le calcul du RFR l'abattement à 10 % sur les pensions.

Le RFR retenu par le 1 du I de l'article 223 sexies reprend la définition du 1° du IV de l'article 1417 du CGI en le retraitant des plus-values mentionnées au I de l'article 150-0 B ter du CGI et dont le report d'imposition expire. Il s'agit des plus-values réalisées, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant, à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent et faisant l'objet d'un report d'imposition. Cette exclusion est issue de l'article 34 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, qui tirait les conséquences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel30(*).

Par ailleurs, pour les contribuables non fiscalement domiciliés en France redevables de la CEHR, le revenu fiscal de référence ne comprend que les revenus de source française. Les revenus de source étrangère en sont exclus.

Barème de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus

Fraction du revenu fiscal de référence

Taux applicable

Contribuable célibataire, veuf, séparé ou divorcé

Contribuables mariés ou pacsés, soumis à imposition commune

Inférieure ou égale à 250 000 euros

0 %

0 %

Comprise entre 250 001 euros et 500 000 euros

3 %

Comprise entre 500 001 euros et 1 000 000 euros

4 %

3 %

Supérieure à 1 000 000 euros

4 %

Source : commission des finances d'après le code général des impôts

Aux termes de l'article 223 sexies du CGI, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus est calculée selon un barème de deux tranches, en appliquant :

un taux de 3 % à la fraction de RFR supérieure à 250 000 euros et inférieure ou égale à 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 500 000 euros et inférieure ou égale à 1 000 000 d'euros pour les contribuables soumis à imposition commune ;

un taux de 4 % à la fraction de RFR supérieure à 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 1 000 000 d'euros pour les contribuables soumis à imposition commune.

En application de ce barème, un contribuable célibataire dont le montant du revenu fiscal de référence est de 400 000 euros sera redevable d'une contribution égale à 4 500 euros au titre de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. De même, un couple dont le RFR s'élève à 1 250 000 euros se verra imposé au titre de la CEHR à hauteur de 25 000 euros.

À noter que le calcul de la CEHR est « conjugalisé », en ce qu'il prend en compte la composition du foyer sous le seul angle de la présence ou non d'un conjoint. À l'inverse de l'impôt sur le revenu, aucun dispositif de quotient familial n'est prévu pour atténuer l'imposition du fait de la présence d'enfants.

Le recouvrement de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus est similaire à celui de l'impôt sur le revenu. La CEHR figure d'ailleurs sur le même rôle que l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux.

Contrairement à l'impôt sur le revenu, le barème de la CEHR ne fait pas l'objet d'une revalorisation annuelle permettant de compenser les effets de l'inflation sur le revenu des foyers fiscaux. L'effet de l'inflation a donc mécaniquement conduit à faire entrer dans le champ de la CEHR de nouveaux contribuables depuis son entrée en vigueur. L'année d'entrée en vigueur de la contribution, en 2012, le nombre de foyers fiscaux assujettis s'élevait à 29 683, contre 58 700 en 2022, dix ans plus tard.

2. Un mécanisme de décote permettant de lisser l'entrée dans le dispositif de la CEHR et une prise en compte des changements de situation matrimoniale

En premier lieu, pour éviter des effets de seuils, le 1 du II de l'article 223 sexies du CGI prévoit un mécanisme de quotient permettant d'atténuer l'imposition de revenus considérés comme exceptionnels. L'objectif est d'éviter que des contribuables, qui ne perçoivent habituellement pas de hauts revenus, ne soient assujettis à la nouvelle contribution en raison des revenus considérés comme exceptionnels, à l'instar de la vente d'un bien immobilier ou de la réalisation d'une plus-value. Pour bénéficier de ce mécanisme, le contribuable remplir trois conditions cumulatives :

- tout d'abord, son revenu fiscal de référence doit avoir été, au titre des deux années précédant celle de l'imposition, inférieur ou égal au seuil d'imposition à la contribution ;

- ensuite, son revenu RFR doit être supérieur ou égal à une fois et demie la moyenne des revenus fiscaux de référence des deux années précédentes ;

- enfin, il doit avoir été passible de l'impôt sur le revenu au titre des deux années précédant celle de l'imposition pour plus de la moitié de ses revenus de source française ou étrangère de même nature que ceux entrant dans la composition du RFR. Pour remplir cette condition, le contribuable doit justifier qu'au titre de chacune des deux années précédant celle de l'imposition, le montant de ses revenus passibles de l'IR en France a excédé la moitié des revenus et profits qui composent son « RFR mondial »31(*).

Si ces conditions sont satisfaites, le mécanisme de quotient est appliqué automatiquement, sans que le contribuable ait à en demander le bénéfice. Pour l'application de ce mécanisme, il convient de distinguer un revenu ordinaire, égal à la moyenne du RFR des deux années précédant l'imposition, et un revenu exceptionnel, égal à la fraction du RFR de l'année d'imposition qui excède le revenu ordinaire. Le revenu exceptionnel est ensuite divisé par deux et ajouté au revenu ordinaire pour obtenir la base de la contribution à laquelle est appliquée le barème. La cotisation supplémentaire obtenue est multipliée par deux.

En raison de ce dispositif de décote permettant une prise en compte des revenus exceptionnels, l'article 223 sexies du CGI prévoit l'exclusion de l'application du système de quotient applicable aux revenus exceptionnels ou différés prévu à l'article 163-0 A du même code. Ce dispositif permet d'éviter que l'application du barème de l'IR ne conduise pas à soumettre à une imposition excessive des revenus exceptionnels compte tenu du montant habituel des revenus perçus. Il implique un mécanisme de quotient qui repose sur le calcul de la différence entre l'application du barème au revenu net global « ordinaire » et l'application du barème à ce revenu net global « ordinaire » majoré d'une fraction du revenu exceptionnel. La différence est ensuite multipliée par un coefficient et additionnée à l'impôt dû sur le seul revenu ordinaire.

En second lieu, s'agissant des contribuables ayant changé de situation matrimoniale, le calcul de la contribution exceptionnelle s'applique selon des modalités spécifiques. Ces dernières consistent à retenir, pour la période de référence32(*), les revenus fiscaux de référence :

du contribuable et des foyers fiscaux auxquels le contribuable passible de la contribution a appartenu, en cas de divorce, séparation ou décès ;

du couple et des foyers fiscaux auxquels les conjoints ou les partenaires ont appartenus, en cas d'union. Toutefois, lorsque les époux ou les partenaires liés par un pacte civil de solidarité ont opté, au titre de l'année d'établissement de la contribution, pour l'imposition distincte des revenus dont chacun a personnellement disposé pendant l'année du mariage ou de la conclusion du pacte, ainsi que de la quote-part des revenus communs lui revenant, conformément au second alinéa du 5 de l'article 6 du CGI, les revenus fiscaux retenus sont ceux du contribuable et des foyers fiscaux auxquels le contribuable passible de la contribution a appartenu.

Le 2 du II de l'article 223 sexies dispose que, pour les contribuables dont la situation matrimoniale a évolué au cours des deux années précédant l'année d'imposition, le bénéfice du mécanisme spécifique de calcul du quotient est subordonné au dépôt d'une réclamation contentieuse comprenant les informations nécessaires à la détermination du revenu fiscal de référence.

3. Une contribution « exceptionnelle » au rendement important, dont l'application devra cesser avec le déficit des administrations publiques

Le rendement de la CEHR était égal en 2022 à 1,46 milliard d'euros prélevé sur les revenus de 58 700 foyers fiscaux, répartis entre 40 700 foyers fiscaux assujettis au taux de 3 % (pour un RFR compris entre 250 000 euros et 500 000 euros) et 18 000 foyers fiscaux assujettis aux taux de 3 % (pour leurs revenus compris entre 250 000 euros et 500 000 euros) et de 4 % (pour leurs revenus supérieurs à 500 000 euros). Le montant moyen de CEHR par foyer fiscal assujettis s'élevait donc à 2 487 euros en 2022.

Le projet de loi de finances pour 2012 prévoyait initialement une durée d'application limitée, jusqu'à l'imposition des revenus de l'année 2013. Cette date d'extinction de la CEHR correspondait à l'horizon fixé par le Gouvernement de l'époque pour ramener le déficit public en-dessous du seuil de 3 % du produit intérieur brut. Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, un amendement déposé par le député Charles de Courson a étendu l'application de la contribution « jusqu'à l'imposition des revenus de l'année au titre de laquelle le déficit public des administrations publiques est nul »33(*).

Il en résulte que cette contribution n'a d'exceptionnel que le nom, qu'elle existe depuis plus de 10 ans et que la situation actuelle des finances publiques de notre pays lui promet encore une significative espérance de vie.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'INTRODUCTION D'UNE CONTRIBUTION DIFFÉRENTIELLE SUR LES HAUTS REVENUS

A. LE CHAMP D'APPLICATION DE LA CONTRIBUTION DIFFÉRENTIELLE

Le I du présent article crée un nouvel article 224 au sein du code général des impôts qui introduit une « contribution différentielle applicable à certains contribuables titulaires de hauts revenus ».

Le I du nouvel article 224 prévoit que la contribution différentielle est à la charge des contribuables domiciliés fiscalement en France et dont le revenu du foyer fiscal est supérieur à 250 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et à 500 000 euros pour les couples.

1. Une contribution applicable aux contribuables fiscalement domiciliés en France et redevables de l'impôt sur le revenu

S'agissant de critère de domiciliation fiscale, ce dernier est défini à l'article 4 B du code général des impôts. Pour des développements plus précis sur la domiciliation fiscale, le lecteur pourra se référer au commentaire de l'article 23 du projet de loi de finances au sein du présent rapport. Pour être fiscalement domicilié en France, un contribuable doit remplir l'une au moins des trois conditions suivantes :

- avoir son foyer ou son lieu de séjour principal en France ;

- exercer une activité professionnelle en France, salariée ou non, sauf si elle justifie que cette activité y est exercée à titre accessoire. À ce titre, la loi de finances pour 202034(*) a complété l'article 4 B du CGI pour préciser que les dirigeants des entreprises dont le siège est situé en France et qui y réalisent un chiffre d'affaires annuel supérieur à 250 millions d'euros sont considérés comme exerçant en France leur activité professionnelle à titre principal, à moins qu'ils ne rapportent la preuve contraire ;

- avoir en France le centre de ses intérêts économiques.

Les contribuables non fiscalement domiciliés en France ne sont donc pas passibles de la contribution différentielle alors qu'ils sont soumis à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, comme il a été indiqué ci-avant.

2. Un champ d'application qui repose sur un revenu fiscal de référence retraité

a) Le revenu fiscal de référence

Le revenu déterminant le champ d'application de la nouvelle contribution différentielle sur les hauts revenus est défini au II du nouvel article 224 du CGI comme le revenu fiscal de référence déterminé au 1° du IV de l'article 1417 du même code. Aux termes du présent article, le revenu fiscal de référence permet :

- d'une part, de déterminer le champ d'application de la nouvelle contribution en fixant des seuils d'entrée (250 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et à 500 000 euros pour les couples), similaires à ceux applicables pour la CEHR ;

- d'autre part, de calculer le montant de la contribution différentielle, selon les modalités exposées infra.

Pour autant, le revenu fiscal de référence retenu par le nouvel article 224 du CGI diffère de celui retenu par l'article 223 sexies pour calculer le champ d'application et l'assiette de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Il s'agit en effet, dans le cas de la contribution différentielle, d'un RFR « retraité », c'est-à-dire minoré du montant de certains revenus, pourtant retenus par le IV de l'article 1417 du CGI dans la détermination de cet agrégat.

Les revenus exclus du revenu fiscal de référence au sens du présent article sont présentés dans le tableau infra.

Revenus exclus du calcul du revenu fiscal de référence au sens du II
du nouvel article 224 du code général des impôts

Dispositif

Référence

Abattement fixe applicable aux gains de cession de titres de PME réalisés par les dirigeants lors de leur départ à la retraite

Article 150-0 D ter du CGI

Abattement sur les revenus distribués par les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent ou soumises sur option à cet impôt, ayant leur siège dans un État de l'Union européenne ou dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur les revenus

2° du 3 de l'article 158 du CGI

Abattement sur les actions distribuées

3 de l'article 200 A du CGI

Plus-value de cession à titre onéreux, en report d'imposition, des titres d'organismes de placements collectifs « monétaires » en cas de versement du prix dans un PEA-PME

Article 150-0 B quater du CGI

Plus-values réalisées par les personnes physiques ou sociétés qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France

Article 244 bis A et 244 bis B du CGI

Bénéfices exonérés réalisés par les entreprises nouvelles qui se créent dans les zones d'aide à finalité régionale

Article 44 sexies du CGI

Bénéfices exonérés réalisés par les jeunes entreprises innovantes et les jeunes entreprises universitaires

Article 44 sexies A du CGI

Bénéfice réalisé par les entreprises qui exercent une activité dans une zone urbaine de 3ème génération ou qui créent une activité dans une zone franche urbaine-territoire entrepreneur (ZFU-TE) entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2023

Article 44 octies A du CGI

Bénéfice exonéré réalisé par les entreprises créées en zones de restructuration de la défense, dans les zones franches d'activité des départements d'outre-mer, dans les zones de revitalisation rurale ou les zones France ruralités revitalisation, dans les bassins urbains à dynamiser, dans les zones de développement prioritaire

Article 44 terdecies à 44 septdecies du CGI

Bénéfices exonérés des auteurs d'oeuvres d'art au titre de la première année d'activité et des quatre années suivantes

9 de l'article 393 du CGI

Plus-values réalisées par les particuliers lors de l'apport de leurs titres à une société qu'ils contrôlent pour lesquels le report d'imposition expire

Article 150-0 B ter du CGI

Source : commission des finances

Au total, ce revenu de référence « retraité », tel que défini au II du nouvel article 224 du CGI pour le calcul de la CDHR, est donc plus restreint que celui retenu pour la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.

b) Un mécanisme de prise en compte des revenus exceptionnels dans la détermination du revenu fiscal de référence

Pour la détermination du montant du revenu fiscal de référence, le nouvel article 224 du CGI introduit un mécanisme de lissage permettant de prendre en compte les revenus exceptionnels perçus par le contribuable. L'objectif du mécanisme est d'éviter de faire entrer dans le champ d'application de la nouvelle contribution des contribuables qui se trouveraient sous le seuil d'assujettissement en l'absence de revenus ponctuels et exceptionnels.

La définition des « revenus exceptionnels » apportée par le présent article est identique à celle dont dispose le I de l'article 163-0 A du CGI qui prévoit un mécanisme de quotient permettant de lisser ce type de revenu dans le cadre du calcul du revenu imposable à l'impôt sur le revenu. Les revenus exceptionnels correspondent donc aux « revenus qui, par leur nature, ne sont pas susceptibles d'être recueillis annuellement et dont le montant dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels le contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années », selon les termes du 2e alinéa du II de l'article 224 qu'il est proposé d'insérer au code général des impôts.

S'agissant des modalités d'application du système de quotient introduit par le présent article, les revenus exceptionnels sont retenus pour le quart de leur montant dans le calcul du revenu fiscal de référence. Le calcul du revenu fiscal de référence se trouve donc minoré des trois quarts du revenu exceptionnel du contribuable. Une telle modalité de lissage tempère très fortement l'effet du seuil d'assujettissement, d'autant que, pour leur part, les montant d'impôts effectivement acquittés sur ces revenus exceptionnels sont bien pris en compte intégralement dans le décompte de d'impôt effectivement acquitté.

c) L'application du mécanisme de prise en compte des changements de situation familiale

Le nouvel article 224 prévoit également, pour la détermination du montant du revenu fiscal de référence, l'application des règles prévues au 2 du II de l'article 223 sexies. Il s'agit du dispositif de prise en compte des modifications de la situation familiale du contribuable au cours de l'année d'imposition ou des deux années précédentes, prévu pour la détermination des revenus imposables à la contribution exceptionnelle pour les hauts revenus et décrit supra.

B. LA LIQUIDATION DE LA NOUVELLE CONTRIBUTION DIFFÉRENTIELLE

1. La règle de droit commun de calcul de la CDHR

a) Le calcul de la CDHR

Le III du nouvel article 224 du CGI expose les modalités de calcul de la contribution différentielle. Elle est égale à la différence, à condition qu'elle soit positive, entre :

- d'une part, le montant résultant de l'application au revenu fiscal de référence, tel qu'exposé supra, d'un taux de 20 % ;

- d'autre part, le montant résultant de la somme du montant de l'impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des prélèvements forfaitaires libératoires de l'impôt sur le revenu, mentionnés au c du 1° du IV de l'article 1417 du CGI, effectivement acquittés par le contribuable sur ces revenus au titre de l'exercice.

b) Un montant d'impôt effectivement acquitté majoré par des avantages fiscaux

Le calcul nouvelle contribution différentielle prend en compte les charges de famille et la situation conjugale des contribuables dans le montant d'impôt effectivement acquitté. La somme de l'impôt sur le revenu, de la CEHR et des prélèvements libératoires pris en compte pour le calcul du montant de CDHR dû est ainsi majorée :

- de 1 500 euros par personne à charge, afin de prendre en compte la composition du foyer fiscal ;

- de 12 500 euros pour les contribuables soumis à une imposition commune.

De même, le montant de l'impôt effectivement acquitté, tel que défini au 2° du III de nouvel article 224 du CGI et intervenant dans le calcul de la contribution différentielle, fait l'objet d'autres majorations. Le présent article prévoit, en effet, d'ajouter à ce montant l'avantage en impôt procuré par une série de dépenses fiscales. Cette majoration du montant d'impôt permet, dans le cadre du calcul de la contribution différentielle, de diminuer d'autant le montant de la contribution effectivement due.

En premier lieu, le IV du nouvel article 224 permet une majoration du montant de l'impôt effectivement acquitté par l'avantage en impôt procuré par différents réductions et crédits d'impôt destinés aux entreprises.

Réduction d'impôt et crédits d'impôt permettant de majorer l'impôt sur le revenu effectivement acquitté au sens 2° du III du nouvel article 224 du CGI
dans l'objectif de minorer la CDHR des entrepreneurs

Dispositif

Référence

Réduction d'impôt accordée aux adhérents de centres de gestion ou d'associations agréés

Article 199 quater B du CGI

Réduction d'impôt pour investissements réalisés outre-mer

Article 199 undecies B du CGI, à l'exception des vingt-sixième à dernier alinéas du I

Réduction d'impôt au titre des dons faits par les entreprises à des oeuvres ou des organismes d'intérêt général

Article 238 bis du CGI

Réduction d'impôt « prêt à taux zéro mobilité » (PTZ-m)

Article 107 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Crédit d'impôt au titre des dépenses de remplacement pour congé de certains exploitants agricoles

Article 200 undecies du CGI

Crédit d'impôt pour dépenses de recherche effectuées par les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles

Articles 244 quater B à 244 quater B bis du CGI

Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Article 244 quater C du CGI

Crédit d'impôt pour certains investissements réalisés et exploités en Corse

Article 244 quater E du CGI

Crédit d'impôt famille

Article 244 quater F du CGI

Crédit d'impôt au titre des investissements dans l'industrie verte

Article 244 quater I du CGI

Crédit d'impôt au titre des avances remboursables ne portant pas intérêt pour financer l'acquisition ou la construction d'une résidence principale

Article 244 quater J du CGI

Crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique

Article 244 quater L du CGI

Crédit d'impôt pour formation des dirigeants

Article 244 quater M du CGI

Crédit d'impôt en faveur des métiers d'art

Article 244 quater O du CGI

Crédit d'impôt au titre des prêts avance mutation ne portant pas intérêt

Article 244 quater T du CGI

Crédit d'impôt au titre des avances remboursables ne portant pas intérêt pour le financement de travaux d'amélioration de la performance énergétique des logements anciens

Article 244 quater U du CGI

Crédit d'impôt au profit des établissements de crédit et des sociétés de financement qui octroient des prêts à taux zéro permettant la première accession à la propriété

Article 244 quater V du CGI

Crédit d'impôt en faveur des investissements productifs neufs réalisés outre-mer

Article 244 quater W du CGI

Crédit d'impôt pour la rénovation énergétique des bâtiments à usage tertiaire affectés à l'activité des PME

Article 27 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021

Crédit d'impôt en faveur des entreprises agricoles disposant d'une certification d'exploitation à haute valeur environnementale au sens de l'article L. 611-6 du code rural et de la pêche maritime en cours de validité au 31 décembre 2021 ou délivrée au cours de l'année 2022

Article 151 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021

Note : à l'exception de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 quater B du CGI et du crédit d'impôt prévu à l'article 200 undecies du même code, l'ensemble de ces dispositifs est applicable tant à l'impôt sur le revenu qu'à l'impôt sur les sociétés.

Source : commission des finances

En second lieu, le II du présent article prévoit également une majoration du montant de l'impôt effectivement acquitté par l'avantage en impôt procuré par différents réductions et crédits d'impôt au bénéfice de particuliers afin, selon les termes de l'évaluation préalable du présent article : « de ne pas remettre en cause les avantages acquis, ou les espérances pouvant légitimement être attendues de tels avantages, au titre de ces dispositions dérogatoires ».

Réductions d'impôt et crédits d'impôt permettant de majorer l'impôt sur le revenu effectivement acquitté au sens 2° du III du nouvel article 224 du CGI
dans l'objectif de préserver les « espérances légitimes » des particuliers

Dispositifs exclus pendant toute la durée d'application de la contribution

Dispositif

Référence

Réduction d'impôt accordée au titre des investissements dans l'immobilier de loisirs

Articles 199 decies E à 199 decies G du CGI

Réduction d'impôt accordée au titre des investissements dans des résidences hôtelières à vocation sociale

Article 199 decies I du CGI

Réduction d'impôt accordée au titre d'emprunts souscrits pour la reprise d'une entreprise

Article 199 terdecies-0 B du CGI

Réduction d'impôt en faveur de l'acquisition de logements destinés à la location meublée exercée à titre non professionnel (dispositif dit « LMNP » ou « Censi-Bouvard »)

Article 199 sexvicies du CGI

Réduction d'impôt accordée au titre des investissements locatifs réalisés dans le cadre de la loi « Scellier » - Modalités d'application

Article 199 septvicies du CGI

Dispositifs exclus jusqu'au 31 décembre 2024

Dispositif

Référence

Réduction d'impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital des sociétés ainsi qu'au titre des souscriptions de parts de fonds communs de placement dans l'innovation

Articles 199 terdecies-0 A à 199 terdecies-0 AB du CGI

Réduction d'impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d'entreprises de presse

Article 199 terdecies-0 C du CGI

Réduction d'impôt accordée au titre de certains investissements réalisés outre-mer

Articles 199 undecies A, 199 undecies B pour les 26ème à dernier alinéas du I et 199 undecies C du CGI

Réduction d'impôt sur le revenu au titre des travaux de conservation ou de restauration d'objets mobiliers classés monuments historiques

Article 199 duovicies du CGI

Crédit d'impôt pour dépenses d'équipements de l'habitation principale en faveur de l'aide aux personnes en perte d'autonomie ou en situation de handicap

Article 200 quater A du CGI

Crédit d'impôt destiné à l'acquisition et à la pose de systèmes de charge pour véhicule électrique

Article 200 quater C du CGI

Réduction d'impôt accordée au titre des dépenses de restauration immobilière effectuées dans les sites patrimoniaux remarquables et les quartiers relevant de la politique de la ville - Dispositif « Malraux »

Article 199 tervicies du CGI

Réduction d'impôt sur le revenu en faveur des logements donnés en location dans le cadre d'une convention ANAH - dispositif Loc'Avantages

Article 199 tricies du CGI

Crédit d'impôt au titre d'investissements et travaux forestiers et cotisations d'assurance de bois et forêts

Article 200 quindecies du CGI

Source : commission des finances

Dès lors que le texte du présent article mentionne « l'avantage en impôt » procuré par les réductions d'impôt, le rapporteur général s'interroge sur l'application à la CDHR du dispositif de plafonnement global prévu à l'article 200-0 A du code général des impôts. Ce mécanisme de plafonnement prévoit que le total de certains avantages fiscaux accordés au foyer fiscal ne peut pas procurer une réduction du montant de l'impôt dû supérieure à une certaine limite. Depuis l'imposition des revenus de 2013, le plafonnement global est limité à 10 000 euros, mais peut être porté à 18 000 euros pour les réductions d'impôt en faveur des investissements outre-mer et celles accordées au titre des souscriptions au capital de SOFICA35(*).

Sont par exemple explicitement exclus du dispositif de plafonnement la réduction d'impôt au titre des frais de scolarité des enfants poursuivant des études secondaires ou supérieures (article 199 quater du CGI), la réduction d'impôt accordée au titre de certaines dépenses liées à la dépendance (article 199 quindecies du CGI) ou le crédit d'impôt en faveur de l'aide aux personnes (article 200 quater A du CGI).

L'application du dispositif de plafonnement prévu à l'article 200-0 A du CGI conduirait à plafonner les avantages fiscaux qui pourraient être déduits du montant de l'impôt effectivement acquitté dans le calcul de la contribution différentielle.

2. Un mécanisme de décote visant à atténuer les effets de seuil

Le V du nouvel article 224 du CGI prévoit un mécanisme de décote visant à atténuer l'imposition des contribuables proches des seuils d'assujettissement à la contribution différentielle. Aussi, la contribution différentielle est diminuée pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés dont le revenu fiscal de référence est inférieur ou égal à 330 000 euros et pour les contribuables soumis à une imposition commune dont le revenu fiscal de référence est inférieur ou égal à 660 000 euros. Le montant résultant de l'application d'un taux de 20 % au revenu fiscal de référence, est ainsi minoré :

- pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés, de la différence entre ce montant et 82,5 % de la différence entre le revenu fiscal de référence et 250 000 euros ;

- pour les contribuables soumis à une imposition commune, de la différence entre ce montant et 82,5 % de la différence entre le revenu fiscal de référence et 500 000 euros.

L'application de ce mécanisme de décote conduira à exclure certains contribuables de la contribution différentielle. À titre d'exemple, le tableau suivant présente l'application de la décote de la CDHR pour un contribuable célibataire dont le revenu est uniquement composé de dividendes.

Exemple d'application de la décote de la CDHR à un contribuable célibataire

(en euros et en pourcentage)

RFR retraité du II de l'article 224 (a)

250 000

260 000

270 000

280 000

290 000

300 000

310 000

320 000

330 000

Montant de la contribution de référence du 1° du III (b=a*20 %)

50 000

52 000

54 000

56 000

58 000

60 000

62 000

64 000

66 000

Montant de la contribution de référence du 1° du III après décote du V (g=82,5 %*(a-250 000))

-

8 250

16 500

24 750

33 000

41 250

49 500

57 750

66 000

Équivalent du nouveau montant de la contribution de référence en pourcentage du RFR retraité

-

3,17 %

6,11 %

8,84 %

11,4 %

13,7 %

16,0 %

18,0 %

20 %

Source : commission des finances

C. UNE APPLICATION LIMITÉE DANS LE TEMPS, ALIGNÉE SUR LA TRAJECTOIRE DE REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

Le III du présent article dispose que la nouvelle contribution différentielle est applicable à compter de l'imposition des revenus de l'année 2024, jusqu'à l'imposition des revenus de l'année 2026.

Le présent article prévoit, par ailleurs, pour l'imposition des revenus de l'année 2024, de ne pas prendre en compte les revenus soumis aux prélèvements libératoires de l'impôt sur le revenu, mentionnés au c du 1° de du IV de l'article 1417 du CGI, dans la détermination du revenu fiscal de référence, à savoir :

- le prélèvement libératoire sur les revenus tirés des bons ou contrats de capitalisation et d'assurance-vie (1 du II et au II bis de l'article 125-0 A du CGI) ;

- le prélèvement libératoire à taux réduit sur les produits de placement à revenus fixes abandonnés dans le cadre d'un mécanisme d'épargne solidaire (II et III de l'article 125 A du CGI) ;

- le prélèvement libératoire sur les prestations de retraite versées sous forme de capital (II de l'article 163 bis du CGI) ;

- les retenues à la source sur les produits et revenus perçus en France par des non-résidents fiscaux (articles 119 bis, 182 A, 182 A bis et 182 A ter du CGI) ;

- le versement forfaitaire libératoire de l'impôt sur le revenu dans le cadre du régime de l'auto-entrepreneur (article 151-0 du CGI).

Les montants acquittés au titre de ces prélèvements ne sont pas non plus intégrés dans le montant total de l'impôt acquitté, mentionné au 2° du III de l'article 224 et permettant de calculer la contribution différentielle. Cette exclusion s'explique par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui s'oppose à la remise en cause rétroactive du caractère libératoire d'une imposition36(*).

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN « FILET DE RATTRAPAGE » FISCAL PERMETTANT DE RELEVER LE TAUX MOYEN D'IMPOSITION DES MÉNAGES LES PLUS AISÉS DONT LE RENDEMENT PEUT ÊTRE INTERROGÉ

A. UNE MESURE CIBLÉE SUR LES CONTRIBUABLES DISPOSANT DE TRÈS HAUTS REVENUS ET DONT LES TAUX D'IMPOSITION EFFECTIFS SONT FAIBLES

L'objectif du dispositif de la contribution différentielle sur les hauts revenus est de cibler les ménages « dont la contribution est considérée comme insuffisante au regard de leurs facultés contributives tout en permettant une juste contribution au redressement des comptes publics », selon l'évaluation préalable du présent article.

La création d'une nouvelle contribution différentielle a été préférée à un relèvement des taux du barème de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. La CEHR présente, en l'état du droit, l'avantage de disposer d'une assiette large et d'un taux relativement faible. Son rendement, comme exposé supra, est croissant depuis 2012.

Pour autant, comme l'indique l'évaluation préalable du présent article37(*), augmenter les taux de la CEHR n'aurait pas permis de cibler la mesure sur les contribuables bénéficiant des taux effectifs d'imposition les plus bas au regard de leur capacité contributive.

La contribution différentielle permet en ce sens de concentrer l'effort, au sein des contribuables redevables de la CEHR, sur ceux dont le taux moyen d'imposition est réduit à la fois par la nature de leurs revenus et par des stratégies d'optimisation.

D'une part, la nature des revenus des contribuables peut conduire à modérer le taux moyen d'imposition. Un contribuable dont les revenus sont essentiellement composés de dividendes et assujettis de ce fait au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 12,8 % au titre de l'imposition des revenus38(*) aura un taux moyen d'imposition plus faible qu'un contribuable dont le revenu est essentiellement constitué de salaires et de pensions. La concentration croissante du patrimoine, constatée en 2018 par le Conseil des prélèvements obligatoires39(*), conduit à une progression de la part des revenus du capital dans les déciles les plus élevés.

En application du présent article, les revenus soumis au prélèvement forfaitaire unique et dépassant les seuils d'assujettissement à la contribution différentielle sur les hauts revenus seront imposés à un taux de 37,2 %40(*).

D'autre part, les stratégies d'optimisation fiscale, notamment par le recours aux avantages tirés des réductions et des crédits d'impôt, permettent aux contribuables de faire diminuer leur taux moyen d'imposition. La dépense liée aux réductions et crédits d'impôt est clairement concentrée sur le haut de la distribution des revenus. En 2021, un foyer fiscal du dernier décile de la distribution bénéficiait en moyenne de 2 129 euros au titre de réductions et crédits d'impôt.

Répartition par décile de revenu imposable du montant des avantages fiscaux
des foyers fiscaux en 2023

(en euros)

Décile

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Total

Montant des avantages fiscaux (en milliards d'euros)

0,2

0,3

0,4

0,3

0,5

0,6

0,8

1,3

2,2

7,1

13,6

Montant moyen des avantages fiscaux (en milliers d'euros)

0,0

0,1

0,1

0,1

0,1

0,2

0,2

0,3

0,5

1,8

0,3

Note : données provisoires pour 2023.

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire du rapporteur général

B. UNE CONTRIBUTION DONT LE RENDEMENT EST EXPOSÉ À DES COMPORTEMENTS D'OPTIMISATION FISCALE

L'évaluation préalable du présent article indique que le rendement escompté au titre de l'imposition des revenus serait de deux milliards d'euros par an sur la période 2025-2027. Le Gouvernement estime à 24 300 le nombre de foyers fiscaux qui s'acquitteraient de la CDHR, soit la proportion des 62 500 foyers dont le RFR dépasse les seuils fixés par le présent article, d'une part, et dont le taux d'imposition effectif applicable au RFR est inférieur à 20 %, d'autre part.

Pour autant, l'évaluation préalable paraît excessivement optimiste sur le rendement de la contribution différentielle. Le document annexé au projet de loi de finances indique que le chiffrage de la mesure a été réalisé à partir des déclarations de revenus 2022, « sans tenir compte des effets comportementaux »41(*). En se référant au nombre de foyers fiscaux redevables et du rendement estimé, chaque contribuable concerné devrait en moyenne verser 82 300 euros au titre de la CDHR. L'incertitude quant au rendement final de la contribution différentielle a fait l'objet de plusieurs articles de presse. Le quotidien Les Échos a ainsi pu indiquer que « les experts de Bercy eux-mêmes, à la prestigieuse Direction de la législation fiscale, estiment que les recettes auront du mal à dépasser le milliard d'euros »42(*).

Invitée à détailler la méthodologie de l'évaluation du rendement de la contribution différentielle, la direction de la législation fiscale n'a pas répondu aux interrogations du rapporteur général.

Il existe pourtant un risque réel que les contribuables concernées aient recours à des techniques d'optimisation fiscale pour échapper à la CDHR dès l'année prochaine.

En premier lieu, le dispositif proposé par le présent article ne permet pas de remédier à certaines stratégies d'optimisation existantes. Comme l'ont récemment rappelé les travaux de la commission des finances de l'Assemblée nationale43(*) et du Conseil des prélèvements obligatoires44(*), certains contribuables, détenant des parts d'entreprises et disposant d'un pouvoir décisionnaire en leur sein, ont la faculté de piloter le montant de leurs revenus déclarés en déterminant leur mode de rémunération et leur temporalité. Les contribuables peuvent également avoir recours à une holding patrimoniale, leur permettant de bénéficier de distributions de dividendes échappant temporairement à l'impôt sur le revenu, en application du régime mère-fille.

En second lieu, les dispositions du présent article, en prévoyant des dispositifs de lissage de l'entrée dans l'imposition et en permettant aux contribuables de mobiliser les avantages en impôt offerts par de nombreuses dépenses fiscales, affaiblissent fortement le rendement espéré de cette nouvelle imposition.

Le rapporteur général s'est interrogé sur l'opportunité de supprimer la possibilité, pour les particuliers, de mobiliser les avantages en impôts offerts de nombreuses dépenses fiscales pour minorer le revenu fiscal de référence ou pour minorer l'impôt effectivement acquitté. Il aurait pu être ainsi envisagé soit de supprimer l'ensemble de ces dérogations, soit d'examiner au cas par cas leur maintien. Le Gouvernement justifie le maintien de ces dispositions par la volonté « de ne pas remettre en cause les avantages acquis, ou les espérances pouvant légitimement être attendues de tels avantages, au titre de ces dispositions dérogatoires ».

Le Conseil constitutionnel reconnaît, en effet, que le législateur « ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire de textes antérieurs »45(*). Le Conseil contrôle ainsi, d'une part, les atteintes à une situation légalement acquise, constituée lorsque la loi nouvelle s'applique à des situations juridiques dont le fait générateur est antérieur à son entrée en vigueur et, d'autre part, la remise en cause d'attentes légitimes, lorsque des dispositions interviennent avant le fait générateur de l'imposition. La jurisprudence constitutionnelle reconnaît qu'une norme fiscale est susceptible de faire naître une espérance légitime dès lors que cette répond à des caractéristiques déterminées46(*), à savoir :

- que le contribuable bénéficie de l'avantage fiscal en contrepartie d'engagements de sa part, pour la durée du dispositif ;

- que le législateur ait garanti l'application de cette norme fiscale pour une durée limitée.

Pour autant, la remise en cause d'une attente légitime du contribuable peut être admise dès lors qu'elle est justifiée par un motif d'intérêt général. Un motif d'ordre exclusivement financier ne constitue cependant pas un motif d'intérêt général suffisant47(*).

S'agissant du juge administratif, le Conseil d'État considère que lorsque la loi prévoit d'accorder un avantage fiscal incitatif pour une durée déterminée aux contribuables qui réalisent certaines actions en contrepartie, les contribuables peuvent se prévaloir de l'espérance légitime48(*) d'en bénéficier jusqu'au terme de cette durée49(*).

Tenant compte du risque d'une annulation, au moins partielle, du dispositif en raison de l'atteinte à des espérances légitimes, le rapporteur général n'a pas souhaité proposer de modification du présent article visant à remettre en cause la faculté ouverte aux particuliers de mobiliser les avantages fiscaux mentionnés supra.

En tout état de cause, le rapporteur général tient à souligner que, même si le rendement de cette nouvelle contribution temporaire était conforme aux évaluations du Gouvernement pour les années à venir, la seule imposition des contribuables les plus aisés ne permettra pas de répondre au besoin de financement induit du déficit dont le Gouvernement a hérité.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4

Mise en place d'un partage avec les consommateurs des revenus du nucléaire historique

Le présent article prévoit qu'en 2026, au terme du dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), soit créé un mécanisme dit de « partage avec les consommateurs des revenus du nucléaire historique ».

Cette réforme structurelle du fonctionnement du marché de l'électricité en France et de son système de régulation se traduirait par la création d'un nouveau dispositif composé de deux volets :

- un premier volet fiscal prélèverait une part des revenus tirés par EDF de son parc nucléaire selon certains seuils et en fonction du prix auquel la société aura pu vendre son électricité sur les marchés de gros ;

- un deuxième volet de redistribution des sommes collectées qui devra permettre, via les fournisseurs d'électricité, de répercuter intégralement aux consommateurs le produit de la taxe.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : ALORS QUE LE DISPOSITIF D'ACCÈS RÉGULÉ À L'ÉLECTRICITÉ NUCLÉAIRE HISTORIQUE (ARENH) ARRIVE À ÉCHÉANCE À LA FIN DE L'ANNÉE 2025, L'ÉTAT ET EDF ONT NÉGOCIÉ UN ACCORD POUR ENCADRER LA VENTE DE L'ÉLECTRICITÉ ISSUE DU PARC NUCLÉAIRE EXISTANT APRÈS CETTE DATE

A. LE DISPOSITIF DE « L'ACCÈS RÉGULÉ À L'ÉLECTRICITÉ NUCLÉAIRE HISTORIQUE » (ARENH) EXPIRERA À LA FIN DE L'ANNÉE 2025

1. Un dispositif créé en 2011 avec pour principal objectif de permettre aux consommateurs de profiter de la compétitivité économique du parc nucléaire national

Instauré après la publication du rapport de la commission « Champsaur », le mécanisme d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) a été créé par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite « Nome ». Mis en place pour 15 ans, il doit expirer le 31 décembre 2025.

Le dispositif d'Arenh offre un droit aux fournisseurs dits « alternatifs »50(*), en fonction de caractéristiques propres à chacun de leurs portefeuilles de clients, à disposer de volumes d'électricité produits par le parc nucléaire d'EDF à un prix réglementé. Cet approvisionnement s'effectue en dehors des marchés de gros de l'électricité.

La définition de l'Arenh par la Cour des comptes

Depuis le 1er juillet 2011 et jusqu'au 31 décembre 2025, l'Arenh permet aux fournisseurs alternatifs d'accéder, à un prix régulé, à l'électricité produite par les centrales nucléaires d'EDF en service à la date de promulgation de la loi Nome.

La quantité d'Arenh qu'un fournisseur alternatif peut obtenir sans encourir de pénalités est assise sur son « droit Arenh », calculé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) sur la base de la consommation de son portefeuille de clients français pendant certaines heures « creuses » durant l'année. Cette limitation vise à garantir que les fournisseurs alternatifs n'utilisent pas l'Arenh à des seules fins de revente sur les marchés de gros.

Le « produit » Arenh correspond quant à lui à la livraison d'une puissance fixe toutes les heures d'une année donnée (soit l'équivalent d'un produit dit « calendaire en base » sur les marchés à terme).

Source : l'organisation des marchés de l'électricité, Cour des comptes, 2022

Le volume maximal d'électricité correspondant est fixé par arrêté ministériel, après avis de la Commission de régulation de l'énergie, dans une limite de 120 TWh par an51(*). En 2022, pour atténuer les répercussions de la crise des prix de l'énergie sur les factures d'électricité des consommateurs français, ce plafond a été porté à 120 TWh52(*). Exception faite de cette situation exceptionnelle le dispositif d'Arenh est resté plafonné depuis son origine à 100 TWh par an.

À son origine, ce mécanisme devait poursuivre la réalisation de plusieurs objectifs dont la conciliation s'est en pratique avérée difficile : permettre aux consommateurs français de bénéficier de la compétitivité économique d'un parc nucléaire déjà largement amorti, assurer le financement de l'exploitation de ce parc et développer la concurrence tant sur le marché amont de la production53(*) que sur le marché aval de la fourniture d'électricité.

La formation des prix de l'électricité sur les marchés de gros

Dans le cadre du marché européen de l'énergie, et selon le principe dit de « l'ordre de mérite » ou de la « vente au coût marginal », la formation des prix de gros de l'électricité à court terme54(*) est déterminée par le prix de production de la dernière centrale nécessaire pour satisfaire la demande. C'est la centrale dite « marginale ». En règle générale, en Europe, dans les périodes de forte consommation, il s'agit souvent d'une centrale à gaz.

Cette modalité de fixation des prix de gros de l'électricité explique ainsi la dépendance des prix de l'électricité à l'évolution des cours du gaz et la décorrélation entre ces prix et les coûts réels des différentes filières de production d'électricité.

Dans ces conditions toutes les centrales qui produisent de l'électricité à des coûts inférieurs au prix de marché ainsi défini, c'est-à-dire notamment, si la dernière centrale appelée est une centrale à gaz, les installations nucléaires, renouvelables intermittentes ou encore hydrauliques, bénéficient de ce que l'on appelle une « rente inframarginale » (puisqu'elles ont des coûts de production inférieurs à ceux de la centrale « marginale »).

Ces prix de gros sur les marchés de court terme se répercutent très largement sur les marchés à terme. En effet, en pratique, ces derniers sont très influencés par les fluctuations des marchés de court terme. Or, ces marchés à terme constituent la base de référence du prix de la fourniture d'électricité pour la plupart des contrats ainsi que les tarifs réglementés.

Source : commission des finances du Sénat

Jusqu'en 2019, l'objectif de répercussion de la compétitivité du parc nucléaire historique sur les consommateurs a été effectivement globalement rempli. Toutefois, depuis cette date, la hausse des prix de l'électricité sur les marchés et l'augmentation des demandes de droit Arenh de la part des fournisseurs ont généré un phénomène dit d'écrêtement des droits Arenh (voir infra) qui a lui-même eu un effet inflationniste sur les prix des factures d'électricité des consommateurs.

Le phénomène dit d'écrêtement des droits d'Arenh

Le phénomène dit d'écrêtement des droits d'Arenh intervient lorsque la somme des demandes d'Arenh formulées auprès de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) par les fournisseurs au titre des droits dont ils bénéficient au regard de leur portefeuille de clients ne peut être couverte dans le cadre du volume plafonné du dispositif (100 TWh par an).

Dans cette hypothèse, la CRE « écrête » proportionnellement à leurs portefeuilles de clients les droits d'Arenh de chacun des fournisseurs. C'est-à-dire que chacun de ces fournisseurs ne pourra disposer que d'une fraction des droits d'Arenh auquel il aurait pu prétendre.

La détermination définitive de ce niveau d'écrêtement intervient au mois de novembre qui précède l'année de livraison des volumes d'électricité concernés. Aussi, les fournisseurs doivent ils se fournir sur les marchés pour la fraction de leurs droits d'Arenh écrêtés en fin d'année à des prix supérieurs au prix de l'Arenh.

Le coût de leur approvisionnement en électricité, qui intervient dans la détermination du montant des contrats qu'ils proposent à leur client, en est majoré d'autant. Le calcul des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe), dont le niveau doit être « contestable » et donc pouvoir être répliqué par un fournisseur alternatif, intègre également cet effet inflationniste. Cet effet est d'autant plus marqué si les prix de marchés atteignent des niveaux très élevés en fin d'année.

Source : commission des finances du Sénat

Si la concurrence sur le marché aval de la fourniture s'est développée depuis la création de l'Arenh, il n'en a pas été de même s'agissant du marché amont de la production toujours dominé à 85 % par les installations de la société Électricité de France (EDF).

Dans leurs évaluations respectives du dispositif d'Arenh, la CRE comme l'Autorité de la concurrence ont ainsi observé qu'il n'avait pas conduit à développer la concurrence sur le marché de la production. L'Autorité de la concurrence considérait notamment à ce titre que « l'Arenh ne semble pas être une solution efficace pour modifier la structure du marché amont de la production »55(*).

2. Un dispositif asymétrique dont le prix initial de 42 euros par MWh n'a jamais été revalorisé

a) Un prix figé à 42 euros par MWh depuis 2012 malgré des dispositions législatives prévoyant sa revalorisation annuelle

L'article L. 337-13 du code de l'énergie dispose que le prix de l'Arenh est fixé par arrêté ministériel. Les dispositions de l'article L. 337-14 du même code prévoient les conditions de détermination et d'actualisation annuelle du prix de l'Arenh qui doit « afin d'assurer une juste rémunération à EDF », être « réexaminé chaque année, (et) représentatif des conditions économiques de production d'électricité par les centrales nucléaires ».

L'article L. 337-15 prévoit quant à lui que les méthodes de calcul des coûts qui doivent permettre de déterminer le prix de l'Arenh et son actualisation annuelle doivent être précisées par un décret pris en Conseil d'État. Or, ce décret, dont une version avait été proposée en 2015, n'est jamais entré en vigueur. Il s'est heurté en France à l'incapacité des parties prenantes à trouver un accord sur une méthode qui n'a ainsi jamais pu être validée par la Commission européenne.

Aussi, depuis 2012, contrairement aux dispositions législatives, le prix de l'Arenh est-il resté figé à 42 euros par MWh. Dans ces conditions, il n'a ainsi jamais pu être ajusté aux coûts de production réels du parc nucléaire d'EDF.

b) Un dispositif asymétrique défavorable à EDF et déresponsabilisant pour les fournisseurs alternatifs

L'Arenh est optionnel. Les fournisseurs alternatifs ont toute liberté de solliciter ou non les droits qui leur reviennent au titre de ce dispositif. Cette optionalité les conduit à procéder à un arbitrage qui revient à comparer les prix de l'électricité sur les marchés de gros avec le prix réglementé de 42 euros par MWh de l'Arenh. Cette asymétrie structurelle du mécanisme, que même certains fournisseurs alternatifs regrettent, défavorise grandement EDF.

En effet, d'un côté, si les prix sur les marchés sont supérieurs au prix administré de l'Arenh et que les fournisseurs recourent massivement à leurs droits au titre du dispositif, le mécanisme peut conduire à un plafonnement du prix auquel EDF vend une grande partie de l'électricité produite par ses centrales nucléaires (jusqu'à 270 TWh par an comme précisé dans l'encadré ci-après). Si les demandes des fournisseurs dépassent le volume maximal de 100 TWh, les droits d'Arenh des fournisseurs se trouvent « écrêtés » entraînant de fortes augmentations des factures d'électricité des consommateurs (voir infra).

Pourquoi les volumes de production d'électricité valorisés au prix de l'Arenh excèdent très largement le plafond de 100 TWh ?

L'impact de l'Arenh sur les revenus du nucléaire dépasse la vente des strictes quantités du produit Arenh par EDF. En effet, la production d'électricité par EDF sert en grande partie à alimenter directement les clients d'EDF, sur la base d'échanges internes entre EDF producteur et EDF fournisseur et dans le cadre du pilotage exercé par la direction optimisation amont/aval et trading d'EDF.

Or, une grande partie de la production nucléaire, support à ces échanges internes, est valorisée aux mêmes conditions que l'Arenh, même s'il ne s'agit pas à proprement parler du produit Arenh tel que défini par la loi. C'est le cas de la production nucléaire permettant l'approvisionnement en base des clients aux tarifs réglementés, mais également de celle permettant l'approvisionnement en base des clients aux offres de marché d'EDF. En effet, les offres de marché d'EDF se fondent sur un approvisionnement réparti entre une électricité « équivalent Arenh » et des achats sur les marchés de gros, dans les mêmes proportions que les fournisseurs alternatifs.

Source : L'organisation des marchés de l'électricité, Cour des comptes, 2022

En revanche, inversement, lorsque les prix de marché sont bas et que les fournisseurs alternatifs ne sollicitent pas ou peu le mécanisme, le dispositif actuel ne prévoit aucun système de prix de vente plancher de l'électricité nucléaire produite par EDF. L'exploitation des centrales nucléaires d'EDF est ainsi intégralement exposée au risque de marché en cas de prix bas.

Cette configuration a été observée entre 2015 et 2017. Durant cette période, les prix de marché étant inférieurs à celui de l'Arenh, les fournisseurs s'approvisionnaient sur les marchés et ne sollicitaient pas leurs droits d'Arenh.

Volumes d'Arenh demandés et livrés aux fournisseurs alternatifs (2011-2024)

(en TWh)

Source : CRE, Observatoire des marchés de détail de l'électricité et du gaz naturel, deuxième trimestre 2024, septembre 2024

Dans un rapport publié en 202256(*), la Cour des comptes observe par ailleurs que l'optionalité de l'Arenh suscite chez certains fournisseurs des comportements opportunistes de court terme imprévisibles qui pénalisent encore davantage EDF.

En dépit de ces défauts, dans ce même rapport, la Cour des comptes a considéré que, de façon indirecte et incidente, du fait des conséquences de l'écrêtement des droits d'Arenh observé depuis 2019, le mécanisme aurait permis de rémunérer le parc nucléaire historique à la hauteur de ses coûts comptables.

Le phénomène d'écrêtement provoque une augmentation significative des prix des factures d'électricité sans la mesure où, pour assurer les besoins de consommation de leur portefeuille de clients, les fournisseurs alternatifs se trouvent contraints de s'approvisionner sur les marchés de gros à des prix parfois très supérieurs à celui de l'Arenh. Dans le même temps, de la même façon qu'elle répercute à ses clients le prix de l'Arenh, EDF traduit aussi dans ses offres les effets inflationnistes qui résultent de son écrêtement. En outre, les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe), exclusivement commercialisés par EDF et les entreprises locales de distribution (ELD) qui doivent reproduire la structure de coûts d'un fournisseur alternatif, intègrent aussi mécaniquement cet effet inflationniste.

C'est ainsi qu'indirectement, et même si le prix de l'Arenh non revalorisé était inférieur à ses coûts de production, EDF aurait pu couvrir ses coûts comptables sur la période d'avant crise. En effet, sur la période 2019- 2021, la Cour des comptes considère que ce phénomène a permis d'augmenter le prix auquel EDF a vendu sa production nucléaire de 2,9 milliards d'euros.

3. L'Arenh a donné lieu à des fraudes et des détournements

En juillet 2023, le rapport d'information des sénateurs Dominique Estrosi Sassone et Fabien Gay sur les conditions d'utilisation de l'Arenh57(*) a mis en évidence des « comportements opportunistes » inacceptables de certains fournisseurs alternatifs qui, en pleine crise des prix de l'énergie, se sont servis du dispositif de l'Arenh pour s'enrichir au détriment de leurs clients et de l'ensemble des consommateurs.

Ainsi, pour tenir compte des enseignements de la crise, un renforcement du contrôle et des missions de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a-t-il été mis en oeuvre, notamment avec l'instauration d'un contrôle a priori des demandes d'Arenh effectuées par les fournisseurs.

Les fraudes au dispositif d'Arenh peuvent être sanctionnées par un organisme placé auprès de la CRE, le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS)58(*).

Les pouvoirs de la CRE et du CoRDiS

La CRE contrôle l'accès à l'Arenh, en surveillant les transactions effectuées par les fournisseurs d'électricité et en s'assurant de la cohérence entre les volumes d'électricité nucléaire historique bénéficiant de l'Arenh et la consommation des consommateurs finals desservis sur le territoire métropolitain continental (article L. 336-9 du code de l'énergie).

Pour ce faire, elle peut saisir le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS), qui consiste en une formation de quatre membres, chargée de régler les différends portant sur l'accès aux réseaux publics d'électricité et de gaz naturel et leur utilisation entre gestionnaires et utilisateurs, ainsi que de sanctionner les infractions au code de l'énergie.

Le président de la CRE peut, à tout moment, saisir en urgence le CoRDiS d'une demande tendant à ce que soit ordonnée l'interruption de tout ou partie de la livraison des volumes d'Arenh à un fournisseur alternatif, pour une durée qui ne peut excéder celle de la période de livraison en cours (même article). Le président du CoRDis peut mettre l'auteur de l'abus, de l'entrave ou du manquement en demeure de se conformer aux dispositions législatives ou règlementaires, ou aux décisions, règles et obligations, dans un délai déterminé, le cas échéant en rendant publique cette mise en demeure (article L. 134-26 du même code).

Le même article L. 134-26 définit l'abus du droit d'Arenh comme : « tout achat d'électricité nucléaire historique dans le cadre du dispositif d'accès régulé à celle-ci sans intention de constituer un portefeuille de clients y ouvrant droit, en particulier tout achat de quantités d'électricité nucléaire historique excédant substantiellement celles nécessaires à l'approvisionnement de sa clientèle et sans rapport avec la réalité du développement de son activité et les moyens consacrés à celui-ci, et plus généralement toute action participant directement ou indirectement au détournement des capacités d'électricité nucléaire historique à prix régulé ».

Source : Sénat, Rapport d'information n° 833 (2022-2023) fait au nom de la commission des affaires économiques sur les conditions d'utilisation de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, juillet 2023

Le rapport sénatorial précité a décrit les mécanismes par lesquels certains fournisseurs avaient commis des abus d'utilisation de l'Arenh en 2022, alors que le volume du dispositif avait été réhaussé de 20 TWh et que les prix de marchés étaient au plus haut. Ces abus relèvent notamment de la pratique consistant pour un fournisseur à « maximiser son portefeuille de clients, sur la période d'avril à octobre, afin de bénéficier des droits à l'Arenh, qui sont calculés sur cette période, puis se séparer de ce portefeuille de clients, en augmentant fortement ses prix, pour revendre ses droits à l'Arenh sur les marchés ».

Les pratiques d'optimisation saisonnières abusives de certains fournisseurs

Les modalités de détermination des droits Arenh peuvent donner lieu à des pratiques abusives de la part des fournisseurs.

Ces droits sont en effet calculés sur la base des consommations effectives des clients sur des périodes précises de l'année civile, en l'occurrence uniquement entre les mois d'avril à octobre, alors que le produit Arenh consiste en une livraison d'électricité « en ruban » tout au long de l'année. Dès lors, un fournisseur qui démarcherait ses futurs clients en vue de prise en contrat en avril, puis résilieraient les contrats en novembre, peut, tout en justifiant de droits Arenh suffisants, avoir un besoin d'approvisionnement annuel inférieur à son volume d'Arenh et donc revendre la différence sur les marchés, avec profit dès que les prix de gros excèdent 42 euros par MWh.

Cette pratique est abusive dès lors qu'elle conduit les fournisseurs à présenter une demande d'Arenh en vue d'obtenir des volumes non conformes à leur meilleure prévision de consommation pour l'ensemble de l'année concernée.

Source : Les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l'énergie, Cour des comptes, mars 2024

En septembre 2022, la CRE a ouvert des enquêtes contre trois fournisseurs suspectés de telles pratiques. À l'issue de son travail d'instruction, elle a transmis les dossiers concernés au CoRDiS chargé de les instruire à son tour. En juillet dernier, celui-ci a ainsi infligé une amende record de 6 millions d'euros au fournisseur d'énergie Ohm pour abus de ses droits d'Arenh pendant la crise. Dans un communiqué publié le 15 juillet 2024, la CRE soulignait le caractère exemplaire de cette sanction : « il s'agit de la plus importante sanction prononcée par le CoRDiS de la Commission de régulation de l'énergie et la première relative au marché de détail ».

B. EN NOVEMBRE 2023, UN ACCORD ENTRE L'ÉTAT ET EDF POUR TRACER LES GRANDES LIGNES D'UN PROJET DE RÉGULATION « POST ARENH » DE L'ÉLECTRICITÉ PRODUITE PAR LE PARC NUCLÉAIRE HISTORIQUE

1. Les enjeux considérables de la régulation du nucléaire historique « post Arenh »

Dans la perspective de l'expiration prochaine, au 31 décembre 2025, du dispositif d'Arenh et alors que les risques pour les consommateurs de la volatilité des marchés de l'électricité se sont révélés de façon brutale entre 2021 et 2023, la question décisive de la régulation de la vente de l'électricité produite par le parc nucléaire d'EDF à compter de 2026 se pose avec une toute particulière acuité. Le modèle retenu déterminera très largement l'avenir du système de production électrique, la sécurité d'approvisionnement ainsi que la souveraineté énergétique du pays. Il s'inscrit notamment dans le contexte de la relance annoncée de l'industrie nucléaire nationale à travers notamment le projet de construction de nouveaux réacteurs de grande puissance baptisé programme de « nouveau nucléaire français » (NNF).

Le futur modèle d'encadrement de la vente de l'électricité produite par le parc nucléaire historique national fera ainsi face à au moins quatre objectifs aussi sensibles que stratégiques :

protéger de la façon la plus efficace possible les consommateurs de la fluctuation erratique des prix des marchés de l'électricité ;

- assurer la compétitivité de notre tissu économique, tout particulièrement celle des industries électro-intensives exposées à la concurrence internationale et pour lesquelles le prix de l'électricité est une question de survie ;

- garantir la soutenabilité à long terme de la situation financière d'EDF, une société encore lestée d'un endettement massif59(*) ;

- permettre la réalisation du programme de nouveau nucléaire qui supposera des investissements massifs.

C'est dans ce contexte que, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le 14 novembre 2023, le ministre chargé de l'Économie de l'époque, Bruno Le Maire, a présenté les contours d'un protocole d'accord négocié entre l'État et EDF.

2. Le dispositif envisagé dans le cadre de cet accord repose sur trois piliers

Le protocole d'accord présenté en novembre 2023 se structure autour des trois ensembles suivants :

- un mécanisme de captation partielle des revenus tirés par EDF de son parc nucléaire historique adossé à un système de reversement aux consommateurs des sommes ainsi prélevées qui constitue le dispositif que le présent article entend traduire dans la loi ;

- la commercialisation par EDF, sur une part significative de sa production, de contrats de fourniture de moyen terme ;

- la conclusion de contrats de long terme destinés aux industriels électro-intensifs et aux entreprises électrosensibles.

a) Un mécanisme de prélèvement partiel et conditionnel d'une partie des revenus générés par le parc nucléaire historique reversé aux consommateurs

Ce dispositif est celui que le présent article entend traduire dans la loi. Il consisterait, selon certaines conditions, à capter une partie des revenus tirés par EDF de son parc nucléaire historique. Les montants ainsi prélevés seraient ensuite reversés aux consommateurs.

En pratique, l'accord envisageait de créer deux seuils, exprimés en euros par MWh de 2022, au-delà desquels les revenus issus du parc nucléaire historique seraient prélevés dans une logique de progressivité :

au-delà d'un seuil de 78 euros par MWh, 50 % des revenus perçus par EDF au titre de son parc nucléaire seraient prélevés ;

- le taux de prélèvement atteindrait 90 % pour la quotité de revenus qui excèderait un second seuil de 110 euros par MWh.

Dans l'accord, le premier seuil de 78 euros par MWh était justifié comme correspondant à l'addition entre le coût comptable complet de production du parc historique et une composante représentative des coûts encourus par EDF pour la réalisation du programme de nouveau nucléaire.

Le fait que le taux de prélèvement prévu pour la quote-part de revenus située entre 78 euros par MWh et 110 euros par MWh soit limité à 50 % s'explique par l'absence de prix plancher qui expose EDF au risque de prix bas sur les marchés de l'électricité. Pour se garantir contre ce risque, EDF doit nécessairement pouvoir accumuler des réserves financières durant les périodes où les prix seraient supérieurs au coût de production du parc nucléaire et à la composante prévue pour financer le programme de nouveau nucléaire.

L'accord prévoyait que les paramètres du mécanisme seraient révisés une première fois avant son entrée en vigueur le 1er janvier 2026 puis tous les trois ans. Il précisait que ces révisions devraient être calculées « en fonction des conditions de marché, de la situation financière de l'entreprise et de l'évolution des coûts et des conditions techniques et économiques de fonctionnement du parc nucléaire ».

b) Dans le cadre de sa politique commerciale, EDF s'est engagée à développer un marché de moyen terme liquide sur des maturités de quatre à cinq ans

Le deuxième pilier de l'accord a pour objectif de développer en France la liquidité des marchés à termes d'électricité à des horizons de quatre à cinq ans. La commission d'enquête sénatoriale sur la production, la consommation et le prix de l'électricité60(*) constatait ainsi en juillet 2024 qu'à l'heure actuelle, « ces maturités sont quasiment absentes des marchés à terme français. Cette lacune se traduit par une forte élasticité de ces marchés à la volatilité des marchés de court terme ». Or, dans la mesure où la très grande majorité des contrats de fourniture d'électricité sont déterminés par ces marchés à terme, la commission d'enquête observait que « cette situation expose fortement les factures des consommateurs français à la fluctuation erratique du prix de gros de court terme de l'électricité ».

Aussi, pour résoudre cette problématique, EDF a-t-elle pris l'engagement, dans le cadre de cet accord, de développer une politique commerciale visant « sur un volume substantiel » de sa production électrique, à commercialiser des contrats de moyen terme. Ces contrats, conclus avec des fournisseurs ou des entreprises, pour des durées de quatre à cinq ans, devront s'échanger sur un marché suffisamment liquide et ouvert.

c) Des contrats de long terme destinés aux industries électro-intensives et, le cas échéant, à des entreprises électrosensibles

Le troisième pilier de l'accord prévoit qu'EDF négocie des contrats de long terme, sur des durées allant de dix à quinze ans, avec des entreprises grandes consommatrices d'électricité.

Est ainsi envisagé la conclusion, pour un volume d'environ 40 TWh par an, de contrats dits « d'allocations de production nucléaire » (CAPN) qui visent spécifiquement le segment de marché des industries électro-intensives et hyper électro-intensives. Ces CAPN n'ont pas vocation à être de simples contrats de fourniture. Ils s'apparentent davantage à des partenariats par lesquels le co-contractant d'EDF accepte de supporter une part des risques industriels associés à des unités de production. En contrepartie, compte-tenu de cette prise de risque et du versement d'une importante avance en tête, celui-ci bénéficierait d'un prix de fourniture d'électricité plus compétitif.

L'accord envisageait également la possibilité d'instaurer de nouveaux types de contrats61(*), inspirés des CAPN mais adaptés à des entreprises moins gourmandes en électricité telles que les entreprises électrosensibles.

Enfin, l'accord prévoyait aussi la prolongation et l'extension du dispositif Exeltium.

Exeltium

Exeltium est un consortium de 25 groupe industriels électro-intensifs qui a signé en 2008 avec EDF un contrat de fourniture d'électricité de long terme. Ce contrat, conclu pour une durée de 24 ans, prévoit la fourniture d'un volume d'électricité cumulé sur la période de 148 TWh, soit des livraisons annuelles, entre 2010 et 2034, pour une moyenne de 7,5 TWh, à un prix censé refléter les coûts de développement et d'exploitation du parc nucléaire d'EDF.

Source : commission des finances du Sénat

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA CRÉATION, À COMPTER DE 2026, EN SUSBTITUTION DE L'ARENH, D'UN SYSTÈME DE CAPTATION PARTIEL DES REVENUS TIRÉS DU PARC NUCLÉAIRE HISTORIQUE DONT LE PRODUIT SERAIT INTÉGRALEMENT REVERSÉ AUX CONSOMMATEURS

A. AU SEIN DU CODE DES IMPOSITIONS SUR LES BIENS ET SERVICES : LA CRÉATION DU VOLET FISCAL D'UN MÉCANISME DE « PARTAGE DES REVENUS DE L'EXPLOITATION DES CENTRALES ÉLECTRONUCLÉAIRES HISTORIQUES »

1. La création d'un système de prélèvement partiel et conditionnel appliqué aux revenus tirés par EDF de son parc de réacteurs nucléaires actuellement en exploitation

Le I du présent article propose de modifier le code des impositions sur les biens et services afin d'instaurer, pour une entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2026, un système fiscal de captation partielle des revenus qu'EDF tire de l'exploitation de son parc nucléaire historique. Le système proposé, qui a vocation à prévenir les conséquences résultant pour les consommateurs d'augmentations très sensibles des prix de l'électricité sur les marchés de gros, prévoit que le produit de cette captation soit intégralement reversé aux consommateurs d'électricité.

Pour ce faire, ce I propose de créer, au sein d'un nouveau titre II « Taxes ne relevant pas du régime général d'accise » du livre III du code des impositions sur les biens et services, une « taxe sur l'utilisation de combustible nucléaire pour la production d'électricité ». Les articles L. 322-66 et L. 322-67 prévoient des références à d'autres parties du code nécessaires aux règles de fonctionnement générales du dispositif.

L'article L. 322-68 précise que les mesures relatives aux modalités de calcul de la taxe (prévues aux articles L. 322-71 à L. 322-76) et à la périodicité de son recouvrement par acomptes (article L. 322-79) devront donner lieu à consultation préalable de la CRE ainsi que du Conseil supérieur de l'énergie.

L'article L. 322-69 indique que le fait générateur de cette nouvelle taxe serait « constitué par l'achèvement de l'année civile au cours de laquelle est utilisé, au sein d'une centrale électronucléaire historique (...) du combustible nucléaire pour la production d'électricité ».

2. Les modalités de calcul du montant de la taxe

Les modalités de calcul du montant de la taxe sont prévues par les dispositions des articles L. 322-71 à L. 322-73.

Ainsi, l'article L. 322-71 précise-t-il que le montant de la taxe est calculé à partir de deux éléments :

- d'une part les revenus taxés imputables à l'utilisation de combustible nucléaire62(*), c'est-à-dire les revenus issus de l'exploitation par EDF de son parc nucléaire historique ;

- d'autre part un seuil « de taxation » et un « seuil d'écrêtement »63(*).

L'article L. 322-72 prévoit quant à lui (à travers un tableau reproduit ci-après) les taux de taxation des revenus issus de l'exploitation du parc nucléaire historique. La fraction de revenus inférieure au seuil de taxation ne serait pas taxée (taux de taxation de 0), la fraction située entre le seuil de taxation et le seuil d'écrêtement serait taxée à 50 % tandis que la fraction qui dépasserait le seuil d'écrêtement serait quant-à-elle soumise à un taux de 90 %.

Tableau de taux de taxation fonction des fractions de revenus

Fraction des revenus taxés

Taux ( %)

Inférieure ou égale au seuil de taxation

0

Supérieure au seuil de taxation et inférieure ou égale au seuil d'écrêtement

50

Supérieur au seuil d'écrêtement

90

Source : article 4 du PLF pour 2025

L'article L. 322-73 prévoit que les seuils de taxation et d'écrêtement correspondent au produit des trois facteurs suivants :

- la quantité d'énergie contenue dans le combustible nucléaire utilisé au cours de l'année civile ;

- un facteur forfaitaire de conversion entre l'énergie contenue dans le combustible nucléaire et l'énergie dégagée pour la production d'électricité64(*) pour tenir compte du fait que le processus de production d'électricité conduit à une déperdition de la quantité d'énergie initiale du combustible ;

- le tarif de taxation ou le tarif d'écrêtement65(*).

3. La fixation des tarifs de taxation et d'écrêtement

L'article L. 322-74 définit les modalités de fixation du tarif de taxation. En vertu de ses dispositions, celui-ci serait fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de l'énergie entre un minimum égal aux coûts complets de production de l'électricité générée par le parc nucléaire existant66(*) majorés de 5 euros par MWh et un maximum égal à ces mêmes coûts majorés de 25 euros par MWh.

L'article L. 322-75 définit quant-à-lui les modalités de fixation du tarif d'écrêtement. Il serait lui aussi fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de l'énergie et devrait se situer entre un minimum égal aux coûts complets de production de l'électricité nucléaire, majorés de 35 euros par MWh, et un maximum égal à ces mêmes coûts majorés de 55 euros par MWh.

Comme précisé supra, l'accord entre EDF et l'État présenté en novembre 2023 prévoyait en euros 2022 :

- un tarif de taxation de 78 euros par MWh ;

- un tarif d'écrêtement de 110 euros par MWh.

Ces seuils annoncés ne sont cependant pas inscrits dans les dispositions du présent article puisqu'ils seront fixés par arrêté.

L'article L. 322-76 prévoit que les tarifs de taxation et d'écrêtement soient fixés ex ante pour une période de trois ans. Il précise cependant qu'un décret devra déterminer les situations dans lesquelles ces tarifs pourraient être modifiés en cours de période.

Ce même article prévoit que ces tarifs soient fixés en tenant compte des coûts complets de production du parc nucléaire historique67(*) ainsi que des coûts du programme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires68(*) dit programme de « nouveau nucléaire ». Cette précision signifie que les revenus tirés du parc nucléaire historique et donc les factures des consommateurs actuels d'électricité auront vocation à contribuer au financement de la relance de l'industrie nucléaire.

4. En tant qu'unique exploitant du parc nucléaire, EDF sera le seul redevable de la nouvelle taxe

L'article L. 322-77 précise que le redevable de la présente taxe serait « l'exploitant des centrales électronucléaires historiques », c'est-à-dire la société EDF.

L'article L. 322-78 prévoit qu'EDF déclare chaque année les revenus tirés de l'exploitation de son parc nucléaire69(*) tels qu'ils ressortent d'une nouvelle comptabilité spécifiquement créée pour les besoins de la nouvelle taxe70(*), le cas échéant corrigés par la CRE71(*).

L'article L. 322-79 précise que la taxe ferait l'objet d'acomptes tandis que l'article L. 322-80 indique que le contrôle et le contentieux portant sur la détermination des revenus taxés et sur l'établissement de la nouvelle comptabilité spécifiquement établie pour répondre aux besoins de la taxe seraient régis par les dispositions du code de l'énergie.

En outre, le II du présent article propose de compléter le livre des procédures fiscales pour organiser les échanges d'informations réciproques entre la CRE et l'administration fiscale dans le cadre du contrôle de la taxe.

B. AU SEIN DU CODE DE L'ÉNERGIE : UN DISPOSITIF DE PARTAGE DES REVENUS DE L'EXPLOITATION DES CENTRALES ÉLECTRONUCLÉAIRES HISTORIQUES SOUS LA SURVEILLANCE DE LA CRE

Le III du présent article prévoit une série de modifications du code de l'énergie visant, à compter du 1er janvier 2026 et en substitution de l'Arenh :

- à fixer le cadre de mise en oeuvre du mécanisme de taxation-redistribution des revenus issus de l'exploitation du parc nucléaire historique dit « partage des revenus de l'exploitation des centrales électronucléaires historiques » ;

- à prévoir les missions confiées à la CRE pour contrôler la bonne application de ce nouveau dispositif.

1. De nouvelles missions confiées à la CRE pour contrôler la bonne application du dispositif

Le a) du 1° du III du présent article propose de modifier l'article L. 131-2 du code de l'énergie qui mentionne les missions de la CRE :

- d'une part, pour supprimer la mention relative au contrôle du dispositif d'Arenh, qui s'éteindra à la fin de l'année 2025 ;

- d'autre part, pour indiquer que le régulateur aurait désormais également pour tâche d'analyser l'impact potentiel sur les marchés de gros de l'électricité de la nouvelle taxe ainsi que de contrôler l'application par les fournisseurs d'électricité de la minoration72(*) des factures qui doit permettre de répercuter intégralement le produit de la taxe sur les consommateurs et les demandes de compensations effectuées par ces mêmes fournisseurs dans le cadre de ce mécanisme73(*).

Toujours dans la perspective de donner une base législative aux nouvelles missions confiées à la CRE dans le cadre de la mise en oeuvre du dispositif de captation-redistribution ayant vocation à substituer au mécanisme d'Arenh, le b) du même 1° propose de créer un nouvel article L. 131-6. Ce dernier disposerait que la CRE « participe à la mise en oeuvre du partage des revenus de l'exploitation des centrales électronucléaires historiques (...) en contrôlant la bonne application des dispositions » qui en résultent et qui figurent dans le code de l'énergie. Ce même article prévoit aussi que la CRE communique à l'autorité administrative « sans pouvoir opposer le secret professionnel, toute information utile à la mise en oeuvre du versement nucléaire universel74(*) », le dispositif créé pour répercuter le produit de la nouvelle taxe sur les factures des consommateurs.

a) Dans le cadre de ses nouvelles missions, la CRE devra rendre un certain nombre de décisions

Le c) du 1° prévoit que des décisions prises par la CRE préciseraient, au titre de la mise en oeuvre du nouveau mécanisme de « partage des revenus de l'exploitation des centrales électronucléaires historiques », les règles concernant :

- premièrement « les conditions, périodicités et échéances des transmissions » de la nouvelle comptabilité qu'EDF devra tenir ;

- deuxièmement, « l'étendue et les modalités de l'obligation de l'exploitant des centrales électronucléaires historiques et du gestionnaire du réseau public de transport d'électricité de lui communiquer les documents, données ou informations nécessaires à l'accomplissement des missions qui lui sont confiées » ;

- troisièmement, « les modalités de détermination de la compensation » qui sera versée aux fournisseurs en application de ce dispositif75(*).

b) La CRE devra approuver plusieurs éléments relatifs à l'activité d'EDF et à la correcte allocation des revenus qui relèvent de son parc nucléaire historique

Le d) du 1° du III prévoit quant à lui que la CRE serait conduite à approuver :

- premièrement, la liste des contrats adossés à la production de ses centrales nucléaires qui ont été conclus par EDF ;

- deuxièmement, la méthode d'allocation des transactions d'EDF à l'électricité produite par les centrales de son parc nucléaire historique ;

- troisièmement, les règles régissant la nouvelle comptabilité qu'EDF sera dans l'obligation de tenir.

Il est à noter que ces trois éléments sont extrêmement sensibles et au coeur du dispositif dans la mesure où ils conditionneront le calcul et le recensement exhaustif des revenus tirés par EDF de son parc nucléaire historique qui ont vocation à être soumis à la nouvelle taxe et, par voie de conséquence, au mécanisme de restitution à destination des consommateurs via des minorations du tarif de leurs factures.

c) Des moyens de contrôles renforcés par des échanges d'information avec l'administration et des procédures de sanction en cas de manquement d'EDF

Le h) du même 1° propose de créer un nouvel article L. 134-17-1 qui préciserait que « la CRE et l'administration fiscale échangent des informations et documents dans le cadre de leurs missions respectives » dans les conditions prévues par le livre des procédures fiscales dont la modification est par ailleurs prévue par le II du présent article (voir supra).

S'agissant des procédures de sanctions qui pourraient être appliquées à EDF en cas de manquement de sa part relevant du dispositif de captation partielle des revenus issus de son parc nucléaire historique, le j) du 1° prévoit de compléter l'article L. 134-25 par un nouvel alinéa qui disposerait que le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) pourrait, soit d'office, soit à la demande conjointe du ministre chargé de l'énergie et du ministre chargé de l'économie ou à la demande du président de la CRE, sanctionner des manquements qu'il aurait constaté de la part d'EDF.

2. Les dispositions du code de l'énergie nécessaires à la mise en oeuvre, à compter du 1er janvier 2026, du dispositif de « partage des revenus de l'exploitation des centrales électronucléaires historiques » qui doit succéder à l'Arenh

Le 2° du III du présent article prévoit, au-delà des seules évolutions des missions de la CRE prévues par le 1° du même III (voir supra), d'intégrer au code de l'énergie les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre, en substitution du dispositif d'Arenh et à compter du 1er janvier 2026, du mécanisme dit de « partage des revenus de l'exploitation des centrales électronucléaires historiques », c'est-à-dire le système de captation partiel et conditionnel des revenus tirés des centrales nucléaires actuelles76(*) dont le produit devra être redistribué aux consommateurs77(*).

Pour ce faire, le b) de ce 2° prévoit de substituer à l'actuel chapitre VI « L'accès régulé à l'électricité nucléaire historique » (Arenh) du titre III du livre III du code de l'énergie un nouveau chapitre VI intitulé « Partage des revenus de l'exploitation des centrales électronucléaires historiques » composé de cinq sections.

a) Les dispositions générales

La section 1 relatives aux « dispositions générales » serait elle-même composée de quatre articles (L. 336-1 à L. 336-4).

L'article L. 336-1 propose de donner les définitions des principales notions nécessaires à l'application du chapitre, à savoir :

« la centrale électronucléaire historique » qui doit s'entendre des centrales nucléaires dont l'autorisation initiale d'exploitation a été délivrée avant le 1er janvier 2026, c'est-à-dire l'ensemble des 57 réacteurs actuels, y compris l'EPR de Flamanville ;

« l'exploitant des centrales électronucléaires historiques » qui doit s'entendre du titulaire de l'autorisation d'exploitation de ces centrales, c'est-à-dire à l'heure actuelle EDF ;

- « le combustible nucléaire » et « l'utilisation d'un combustible nucléaire pour la production d'électricité » ;

- « les produits électriques de gros et les marchés de gros de l'électricité » ou encore « les instruments dérivés portant sur l'électricité ».

L'article L. 336-2 précise que « les revenus de l'exploitation des centrales électronucléaires historiques résultent de la politique commerciale déterminée par l'exploitant de ces centrales ». Il indique que ces revenus font l'objet de la taxe sur l'utilisation de combustible nucléaire pour la production d'électricité (voir supra), une taxe qu'EDF ne peut répercuter « dans le prix de ses opérations économiques ».

L'article L. 336-3 prévoit que la CRE calcule, « au moins tous les trois ans, les coûts complets de production de l'électricité au moyen des centrales électronucléaires historiques ».

L'article L. 336-4 prévoit quant-à-lui qu'un décret détermine la méthodologie d'évaluation des coûts encourus pour la réalisation du programme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires, le programme dit de « nouveau nucléaire ».

b) La définition des revenus tirés de l'exploitation du parc nucléaire historique soumis à la taxe sur l'utilisation de combustible nucléaire pour la production d'électricité

La section 2 relative à la « définition des revenus concernés » serait composée de sept articles (L. 336-5 à L. 336-11).

L'article L. 336-5 définit « les revenus de l'exploitation des centrales électronucléaires historiques » comme « ceux qui se rapportent aux transactions relatives à l'électricité pouvant être imputés à l'utilisation de combustible nucléaire pour la production d'électricité par ces centrales ». L'article précise qu'ils seraient « déterminés par année civile comme le solde de l'ensemble des transactions relatives à l'électricité réputée avoir été produite à partir de combustible nucléaire ».

L'article L. 336-6 définit quant-à-lui « les transactions relatives à l'électricité ». Ces transactions comprennent :

- « les achats et ventes d'électricité par l'exploitant des centrales électronucléaires historiques ;

- les gains ou pertes de cet exploitant résultant d'instruments dérivés portant sur l'électricité ;

- tout contrat par lequel cet exploitant met à disposition d'une autre personne une capacité de production de ces centrales ».

Ce dernier alinéa fait notamment référence aux CAPN. Les revenus perçus par EDF dans le cadre ce type de contrats de long terme seraient ainsi partie intégrante des revenus tirés de l'exploitation de son parc nucléaire historique soumis à la nouvelle taxe.

L'article L. 336-7 prévoit que les transactions définies à l'article L. 336-6 sont « rattachées à l'année civile d'injection de l'électricité dans le système électrique résultant des termes de la transaction ».

L'article L. 336-8 précise que les transactions relatives à l'électricité réputée avoir été produite à partir de combustibles nucléaires sont :

- d'une part, « celles qui se rapportent à des contrats adossés à des centrales électronucléaires historiques » ;

- d'autre part, « celles qui ne se rapportent pas à des contrats adossés à des installations autres que les centrales électronucléaires historiques » et que la méthodologie d'allocation des revenus d'EDF prévue par l'article L. 336-9 attribue au parc nucléaire historique.

Ainsi, l'article L. 336-9 constitue-t-il un élément central du dispositif en ce sens qu'il régit la méthode d'allocation des revenus d'EDF entre ceux qui se rattachent à l'exploitation de son parc nucléaire historique et ceux qui lui sont étrangers. L'article indique ainsi qu'EDF définit à l'avance une méthode d'allocation de ses transactions entre l'électricité produite par ses centrales nucléaires en exploitation et celle produite par ses autres installations. Cette méthode est soumise à l'approbation préalable de la CRE.

L'article L. 336-10 précise que les « transactions relatives à l'électricité » définies à l'article L. 336-6, lorsqu'elles « portent sur des transactions aux consommateurs finals », ne sont prises en compte qu'à hauteur de « la valeur pouvant être imputée à sa seule activité de production ».

L'article L. 336-11 exclut « les transactions en temps réel ou quasi-réel » de la définition des transactions relatives à l'électricité pouvant être imputés à l'utilisation de combustible nucléaire pour la production d'électricité des centrales du parc historique.

c) EDF devrait tenir une nouvelle comptabilité spécifique permettant d'isoler les revenus tirés de l'exploitation de son parc nucléaire historique

La section 3 relative à la « comptabilisation des revenus » serait composée de trois articles (L. 336-12 à L. 336-14).

L'article L. 336-12 prévoit d'imposer à EDF l'adoption d'une nouvelle « comptabilité appropriée » des revenus tirés de l'exploitation de son parc nucléaire tels qu'ils ont été définis par la section 2 (voir supra).

L'article L. 336-13 précise que c'est EDF elle-même qui est chargée d'établir les règles régissant les procédures selon lesquelles cette « comptabilité appropriée » est tenue. Ce même article prévoit néanmoins que « ces règles assurent une identification cohérente de la fraction des revenus imputables à l'exploitation » des centrales nucléaires du parc historique « et permettent une liquidation exacte et aux échéances prévues des acomptes et du solde de la taxe sur l'utilisation de combustible nucléaire pour la production d'électricité ». Il ajoute que cette nouvelle comptabilité doit aussi permettre la réalisation de prévisions objectives du montant de la redistribution du produit de cette taxe aux consommateurs à travers le dispositif de minoration du prix de leur facture baptisé « versement nucléaire universel » mentionné à l'article L. 337-3 créé au d) du 2° du III de cet article (voir infra).

L'article L. 336-14 prévoit que les revenus qui sont retracés par cette nouvelle comptabilité ainsi que les procédures selon lesquelles elle est tenue sont contrôlés chaque année aux frais d'EDF par un organisme indépendant désigné par la CRE.

Ce même article précise par ailleurs que la CRE peut, toujours aux frais d'EDF, « faire contrôler par un organisme indépendant qu'elle désigne un ou plusieurs éléments particuliers de cette comptabilité ».

Si la CRE constate des irrégularités, elle aura, selon les dispositions de cet article, le pouvoir de les rectifier : « lorsqu'une irrégularité est constatée à l'issue d'un contrôle, la CRE la rectifie par une décision notifiée à cet exploitant, après lui avoir adressé un avis motivé sur lequel il dispose d'un délai de soixante jours pour formuler ses observations ».

d) La CRE aura pour mission d'évaluer par anticipation le niveau des revenus tirés de l'exploitation du parc nucléaire historique et le montant prévisionnel de la minoration du prix de leurs factures dont pourraient bénéficier les consommateurs l'année suivante au titre du « versement nucléaire universel »

La section 4 consacré aux « prévisions du niveau des revenus » se composerait d'un seul article L. 336-15 qui prévoit qu'avant l'année de livraison de l'électricité et au cours de celle-ci la CRE estime :

« le montant des revenus de l'exploitation des centrales électronucléaires historiques au titre de cette année » ;

- « les quantités d'énergie contenues dans les combustibles nucléaires devant être utilisés au cours de cette année pour la production d'électricité » ;

- « les quantités d'électricité qui feront le cas échéant l'objet de la minoration de prix prévue à l'article L. 337-3 ainsi que le montant prévisionnel de cette minoration ».

En vertu de ces dispositions, la CRE aurait ainsi pour mission d'estimer en amont de sa période d'application mais également au cours de celle-ci, le montant prévisionnel de la minoration des prix des factures des consommateurs qui résulterait du mécanisme de partage des revenus tirés du parc nucléaire historique. Cela conduirait en pratique la CRE à effectuer des prévisions sur ces revenus et sur la probabilité qu'ils se traduisent par le versement d'un montant non nul de la nouvelle taxe de la part d'EDF. Dans cette hypothèse, le rendement prévisionnel de la taxe ouvrirait droit à une minoration des factures de fourniture d'électricité des consommateurs dans les conditions d'application du dispositif dit de « versement nucléaire universel » décrites infra.

Ces dispositions apparaissent essentielles dans la mise en oeuvre du mécanisme de partage des revenus du parc nucléaire dans la mesure où elles doivent permettre de le « contemporanéiser » en évitant que la minoration des factures des consommateurs n'interviennent qu'a posteriori et donc à contretemps au regard de l'évolution des prix de l'électricité sur les marchés.

e) Un décret en Conseil d'État devra déterminer les conditions d'application du mécanisme de « partage des revenus de l'exploitation des centrales électronucléaires historiques »

L'article L. 336-16, rattaché à la section 5 relative aux « dispositions finales » du chapitre VI prévoit qu'un décret en Conseil d'État pris après avis de la CRE déterminera les conditions d'application du mécanisme de « partage des revenus de l'exploitation des centrales électronucléaires historiques » prévu par ce même chapitre. Ce décret devra notamment préciser une question très sensible, à savoir « les principes méthodologiques régissant les évaluations » réalisées par la CRE78(*) des coûts complets de production du parc nucléaire historique.

3. Le « versement nucléaire universel », ou comment le prélèvement effectué sur les revenus du parc nucléaire sera répercuté sur les factures des consommateurs

Le d) du 2° du III du présent article prévoit de créer une sous-section baptisée « Versement nucléaire universel » qui a vocation à déterminer les modalités selon lesquelles le produit prélevé au titre de la taxe sur l'utilisation de combustible nucléaire pour la production d'électricité sera restitué en intégralité aux consommateurs à travers une minoration du prix de leurs factures d'électricité. Cette nouvelle sous-section serait composée de sept articles (l'article L. 337-3 puis les articles L. 337-3-1 à L. 337-3-6).

a) La minoration des factures d'électricité qui résulterait d'un prélèvement effectué sur les revenus du parc nucléaire historique devra être appliquée à leurs clients par l'ensemble des fournisseurs

L'article L. 337-3 prévoit que les contrats conclus par un fournisseur d'électricité avec des consommateurs finals ainsi que les TRVe font l'objet d'une minoration de plein droit lorsque les conditions de celles-ci définies par l'article L. 337-3-2 sont réunies (voir infra). L'article précise que « toute stipulation ayant pour objet ou pour effet d'atténuer, partiellement ou totalement, cette minoration est réputée non écrite » et ajoute que ses dispositions « sont d'ordre public »79(*).

L'article L. 337-3-4 prévoit par ailleurs que la minoration soit identifiée spécifiquement sur la facture « par une mention expresse selon des modalités déterminées par arrêté conjoint du ministre chargé de l'énergie et du ministre chargé de l'économie ».

b) Les fournisseurs auront droit à une compensation financière strictement égale aux minorations tarifaires qu'ils auront dû appliquer à leurs clients

L'article L. 337-3-1 prévoit que la perte de recettes supportée par les fournisseurs en raison de l'application de cette minoration des factures de leurs clients est compensée. Pour chaque fournisseur, cette compensation correspond au produit des quantités d'électricité fournies à des consommateurs finals auxquelles est appliquée la minoration par le tarif unitaire de minoration dont la détermination est prévue à l'article L. 337-3-2 (voir infra).

c) Le tarif unitaire de la minoration, révisable en cours de période, sera fixé au moins un mois avant le début de la période annuelle au cours de laquelle les prévisions de la CRE laissent présager qu'une part des revenus tirés du parc nucléaire historique pourraient être prélevée au titre de la nouvelle taxe

L'article L. 337-3-2 prévoit que la minoration des factures qui pourra résulter du dispositif se traduit par l'application d'un tarif unitaire aux quantités d'électricité fournies aux consommateurs pendant la période annuelle concernée. Cette période annuelle correspond à « l'année civile pour laquelle il est anticipé un montant non nul de taxe sur l'utilisation de combustible nucléaire pour la production d'électricité ».

L'article prévoit également que ce tarif unitaire de minoration doit être fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'énergie et du ministre chargé de l'économie sur proposition de la CRE80(*), au moins un mois avant le début de la période annuelle d'application de la minoration.

L'article précise enfin que ce tarif unitaire pourra le cas échéant être révisé dans les mêmes conditions une ou plusieurs fois au cours de la période annuelle d'application de la minoration.

d) Un tarif unitaire de minoration déterminé en fonction à la fois des prévisions relatives à la période à venir et, le cas échéant, de rattrapages d'écarts constatés a posteriori au titre de périodes passées

L'article L. 337-3-3 prévoit que la détermination du tarif unitaire dépendra :

- d'une part, des prévisions réalisées par la CRE des revenus du parc nucléaire historique et des quantités de consommation d'électricité ;

- d'autre part, de la correction d'éventuels écarts constatés a posteriori sur des périodes passées entre les montants encaissés au titre de la taxe et les compensations versées aux fournisseurs.

En cohérence avec les dispositions de l'article L. 337-3-2 présentées supra, et afin de maîtriser les conséquences qui résulteraient de tels écarts sur les périodes ultérieures, l'article prévoit la possibilité d'ajuster les conditions de la minoration en cours de période, via une modification soit du tarif unitaire lui-même, soit de la durée d'application de la minoration.

e) Un décret en Conseil d'État devra déterminer les conditions d'application du « versement nucléaire universel » et notamment les modalités précises de versement des compensations dues aux fournisseurs ainsi que les règles de calcul détaillées du tarif unitaire de minoration des factures d'électricité

L'article L. 337-6 prévoit qu'un décret en Conseil d'État pris après avis de la CRE détermine les conditions d'application du « versement nucléaire universel ». Il précise que ce décret devra notamment définir :

- les modalités selon lesquelles le produit de la taxe sera versé aux fournisseurs en compensation des pertes de recettes générées par la minoration tarifaire qu'ils auront dû appliquer à leurs clients ;

- les règles de calcul du tarif unitaire de minoration et notamment les conditions dans lesquelles il pourrait faire l'objet de modulations, aux fins de favoriser l'atteinte des objectifs de la politique énergétique, en fonction de plusieurs critères tels que les moments de la consommation ou son ampleur (pour encourager notamment la flexibilité de la demande d'électricité et les économies d'énergie), les prix de la fourniture d'électricité et les profils de consommation.

4. À compter du 1er janvier 2026, la suppression de toutes les mentions de l'Arenh qui apparaissent aujourd'hui dans le code de l'énergie

Les e), f), g), i) et k) du 1° et les a), c), e), f) et h) du 2° du III proposent de supprimer du code de l'énergie plusieurs références à l'Arenh.

Par ailleurs, le l) du 1° ainsi que le 3° du présent article prévoient d'actualiser les références indiquées dans les tableaux figurant aux articles L. 152-7 et L. 363-7 du même code dans la perspective de l'application de la réforme prévue par le présent article aux Îles de Wallis-et-Futuna.

Enfin, les e) et g) du 2° suppriment des dispositions du code de l'énergie qui n'ont plus d'objet depuis 2015.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN FILET DE SÉCURITÉ NÉCESSAIRE QUI NE DOIT PAS CLORE CEPENDANT LE DÉBAT RELATIF À LA RÉGULATION DU PARC NUCLÉAIRE HISTORIQUE

A. LA VOLATILITÉ DES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ CONSTITUE UN RISQUE TANT POUR LES CONSOMMATEURS QUE POUR EDF

1. Les consommateurs ne peuvent pas être livrés aux fluctuations erratiques des marchés de l'électricité

La crise des prix de l'énergie qui s'est déclenchée à partir de l'automne 2021 et a atteint son paroxysme un an plus tard a montré à quel point il était nécessaire de prémunir les consommateurs des fluctuations intempestives des marchés de gros de l'électricité. L'extrême volatilité des marchés de court terme dits « spot » se répercute très largement sur les marchés à terme qui eux-mêmes servent de base de référence aux contrats de fournitures proposés aux consommateurs ainsi qu'à la détermination du niveau des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe). Sans système de régulation, les consommateurs, particuliers comme professionnels, seraient ainsi livrés à la volatilité erratique des marchés.

Alors qu'ils se situaient à environ 50 euros par MWh en moyenne avant la crise, les prix sur les marchés à terme ont bondi jusqu'à plus de 1 000 euros par MWh au plus fort de la crise, au cours de l'été puis de l'automne 2022.

Évolution du prix à terme de l'électricité pour une livraison
à un horizon de douze mois (janvier 2014 - octobre 2024)

(en euros par MWh)

Source : site internet du courtier Opéra énergie

Depuis, les prix de marchés se sont repliés pour retrouver des niveaux plus raisonnables. Ainsi, depuis le début de l'année 2024, les prix à terme de l'électricité pour une livraison un an plus tard, la principale référence des contrats de fourniture, sont relativement stables, évoluant dans une fourchette comprise entre 68 euros par MWh et 90 euros par MWh pour une moyenne de 78 euros par MWh. À titre de comparaison, cette moyenne était encore de 162 euros par MWh en 202381(*). Le 30 octobre 2024, les prix à terme à un an (livraison 2025) s'établissaient à un niveau de 71 euros par MWh.

Le mécanisme d'Arenh, surtout à partir de 2019 et en raison de l'amplification considérable de l'effet dit « d'écrêtement » des droits d'Arenh (voir supra), s'est révélé très insuffisant pour protéger les consommateurs de l'explosion des prix de l'électricité.

Évolution des TRVe hors taxe destinés aux particuliers entre 2021 et 2024
en distinguant les TRVe « théoriques » résultant du calcul de la CRE et les TRVe « appliqués » dans le cadre du dispositif de « bouclier tarifaire »

(en euros / MWh)

Les TRVe « théoriques » sont ceux qui auraient résulté de la méthode de calcul appliquée par la CRE et les TRVe « appliqués » sont les TRVe gelés qui ont été réellement mis en oeuvre par arrêté ministériel dans le cadre du dispositif de « bouclier tarifaire ».

Source : commission des finances du Sénat, d'après les délibérations de la CRE

En 2023, en raison de la crise des prix de l'énergie, les propositions de TRVe faites par la CRE ont ainsi conduit à des augmentations de près de 80 % par rapport aux TRVe proposés en 2022 qui avaient déjà augmenté de 45 % par rapport à 2021. Aussi, en 2023, avant application des mesures dites de bouclier tarifaire par lesquelles le Gouvernement a plafonné leurs augmentations pour des coûts budgétaires extrêmement élevés, le niveau des TRVe hors taxe résultant de leur modèle de construction a atteint 340 euros par MWh contre respectivement 129 euros par MWh en 2021.

À travers le dispositif de bouclier tarifaire, le Gouvernement a plafonné par arrêté la hausse des TRVe qui aurait résulté de la méthode de calcul habituelle de façon à limiter les augmentations moyennes des TRVe TTC à + 4 % en 2022, + 15 % au premier semestre 2023 et + 10 % au second semestre 2023.

Ce n'est donc qu'au prix de dispositifs de soutien extrêmement coûteux pour les finances publiques et très complexes que l'État a pu partiellement immuniser les consommateurs des fluctuations intempestives des marchés.

Dans un rapport publié en juin 202382(*), notre collègue Christine Lavarde avait dressé un premier bilan de ces mesures de soutien. Elle avait fait le constat de l'impréparation du Gouvernement de l'époque qui avait dû concevoir en urgence une multitude de dispositifs d'une rare complexité, souvent illisibles, souvent et non ciblés, se traduisant par des « effets d'aubaine » et pour un coût considérable pour les finances publiques. En mars 202483(*) la Cour des comptes a confirmé ces conclusions, en insistant sur le fait que le contribuable français avait eu à supporter des sommes phénoménales afin de pallier les défaillances du marché de l'électricité sans que l'État parvienne en parallèle à prélever les gains indus réalisés pendant cette période par différents acteurs de ce marché.

2. Le tissu économique doit également être préservé des effets délétères sur sa compétitivité des variations imprévisibles des marchés

Les prix de l'électricité ont une incidence non négligeable sur la compétitivité des entreprises. Nous avons pu le constater lors de la crise des prix de l'énergie, notre tissu économique est extrêmement sensible aux évolutions des prix de l'électricité, d'autant qu'à l'exception des très petites entreprises (TPE) qui sont désormais toutes éligibles aux TRVe, il se trouve très exposé aux fluctuations des prix de marchés. Si la sensibilité aux prix de l'électricité est importante pour de très nombreuses entreprises de taille intermédiaire (ETI), petites et moyennes entreprises (PME) et TPE, elle est exacerbée dans le cas des secteurs industriels électro-intensifs exposés à la concurrence internationale.

La commission d'enquête sénatoriale de juillet dernier portant sur la production, la consommation et les prix de l'électricité l'a souligné, le niveau du prix de l'électricité est un « risque existentiel » pour certains secteurs industriels électro-intensifs exposés à la concurrence internationale. Si le prix de l'électricité pour les industriels en France est globalement compétitif vis à vis de nos partenaires européens, il n'en va pas de même avec d'autres régions du monde avec lesquelles certains secteurs sont en concurrence directs. Sur cette question, la commission d'enquête sénatoriale soulignait que la situation était très préoccupante : « face à des régions du monde telles que l'Amérique du Nord ou l'Asie, l'écart de compétitivité lié aux prix de l'électricité se creuse dans des proportions très inquiétantes ». D'après l'Union des industries utilisatrices d'énergie (Uniden), dans les principales régions du monde en concurrence avec l'Europe, les industriels électro-intensifs ont accès à des prix compris entre 25 et 50 euros par MWh. Le secteur de la chimie semble par exemple dans une situation extrêmement précaire, exposé à des risques de délocalisations massives hors des frontières européennes.

3. La volatilité des prix sur les marchés de gros représente également un risque pour EDF ainsi que pour les investissements dans le renouvellement du parc de production national

La volatilité des prix sur les marchés de l'électricité présente également un risque important pour EDF et pour ses capacités à investir sur des projets de long terme, au premier rang desquels la relance de la production électronucléaire prévue dans le cadre du programme de nouveau nucléaire (voir infra).

En effet, si les prix de marché se maintiennent durablement à des niveaux bas, c'est-à-dire sous les coûts de production d'EDF, comme c'était le cas avant la crise des prix de l'électricité lorsque les prix sur les marchés à terme avoisinaient les 50 euros par MWh, la soutenabilité de la situation financière de la société serait mise en cause. Dans ces conditions, soit elle devrait renoncer à réaliser certains investissements, ce qui pourrait notamment compromettre la relance de l'industrie nucléaire en France, soit l'État, et donc le contribuable, devrait venir à son secours pour pallier les défaillances de marchés.

Sur ce sujet, la commission d'enquête sénatoriale sur la consommation, la production et les prix de l'électricité considérait en juillet dernier que, des prix de marchés durablement inférieurs à 75 euros par MWh menaceraient à terme la situation financière d'EDF ainsi que le programme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Pour rappel, la moyenne des prix de marché à terme en 2024 pour une livraison en 2025 se situe à 71 euros par MWh et les prix à terme à deux et trois ans se situent actuellement à un peu plus de 60 euros par MWh.

Des prix de marchés durablement inférieurs à 75 euros par MWh
pourraient mettre en danger la situation financière d'EDF
et le programme de « nouveau nucléaire »

La notion de prix bas prolongés doit s'entendre de prix inférieur à l'addition, d'une part, des coûts complets de production du parc nucléaire existant dans un cadre non régulé, soit environ 66 euros par MWh selon les estimations de la CRE et, d'autre part, d'une contribution au financement par EDF du programme de nouveau nucléaire qui peut être estimée à ce jour à environ 10 à 12 euros par MWh. Aussi, des prix de marché inférieurs à 75 euros ou 80 euros par MWh ne permettraient pas de couvrir le coût complet de production du parc nucléaire en exploitation et les investissements d'EDF dans le programme de nouveau nucléaire. Or, aujourd'hui, l'hypothèse que les marchés se maintiennent durablement sous ces niveaux voire même nettement plus bas est loin d'être improbable. Ce n'était pas le cas en novembre 2023 lorsque l'accord a été conclu. En mai 2024, les prix à terme à horizon 2027 se situaient ainsi à seulement 57 euros par MWh.

Source : Éclairer l'avenir : l'électricité aux horizons 2035 et 2050, rapport n° 714 (2023-2024) fait au nom de la commission d'enquête sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050, Franck MONTAUGE (président) et Vincent DELAHAYE (rapporteur), juillet 2024

B. UN BESOIN DE CONCILIER LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS ET DE NOTRE TISSU ÉCONOMIQUE AVEC LA SOUTENABILITÉ DE LONG TERME DE LA SITUATION FINANCIÈRE D'EDF ET LE FINANCEMENT DE LA RELANCE DE LA PRODUCTION ÉLECTRONUCLÉAIRE

1. L'enjeu de soutenabilité de la situation financière d'EDF ne doit pas être négligé

La situation financière d'EDF a été fortement bouleversée par la crise des prix de l'électricité et les mesures de soutien exceptionnelles décidées par l'État pour en amortir les effets sur les factures des consommateurs. La commission d'enquête sénatoriale précitée soulignait à ce titre en juillet dernier que « les évolutions observées sont telles qu'elles rendent la situation et les perspectives financières du groupe peu lisibles ».

Évolution du chiffre d'affaires et de l'EBITDA du groupe EDF (2020-2023)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Le paramètre le plus inquiétant s'agissant des perspectives financières de long terme d'EDF demeure son niveau d'endettement. Celui-ci avait culminé à 64,5 milliards d'euros en 2022 en raison, d'une part, de la crise de la corrosion sous contrainte qui a très sensiblement affecté la production de son parc nucléaire et, d'autre part, de la décision du Gouvernement de majorer de 20 TWh le plafonnement du volume d'Arenh. En 2023, l'encours d'EDF s'est réduit à 54,4 milliards d'euros, un montant qui demeure néanmoins très élevé.

Évolution de la dette financière du groupe EDF (2020-2023)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

La soutenabilité financière à long terme d'EDF et les perspectives de son désendettement doivent nécessairement être prises en compte dans le cadre des réflexions portant sur les modes de régulation de la vente de l'électricité produite par ses centrales nucléaires. Il convient notamment de s'assurer que les recettes que pourra tirer l'entreprise de l'exploitation de ses centrales nucléaires lui permettront de maîtriser et de faire refluer progressivement sa dette sans compromettre ses capacités d'investissement, d'autant qu'entre la prolongation de la durée de vie des réacteurs actuels (le programme de « grand carénage ») et le renouvellement du parc électronucléaire national avec la construction de nouveaux réacteurs EPR 2 (programme de « nouveau nucléaire »), les enjeux financiers seront considérables dans les années et décennies à venir.

2. Le renouvellement du parc nucléaire existant et le programme de nouveau nucléaire : des investissements colossaux en perspective

a) Les investissements dans les réacteurs du parc nucléaire existant : le programme de « grand carénage »

Depuis 2014, EDF consacre des investissements très significatifs à l'opération dite de « grand carénage » qui doit permettre de prolonger la durée de vie des réacteurs du parc nucléaire actuel en élevant leur degré de sûreté à un niveau équivalent à la toute dernière génération de réacteurs, c'est-à-dire aux réacteurs dits de « troisième génération » de type EPR84(*), comme le nouveau réacteur mis en service cette année à Flamanville, et EPR 2, le modèle de réacteurs qui a été retenu dans le cadre de la relance de la filière électronucléaire en France. Le programme de « grand carénage » a aussi permis de mettre en oeuvre les nouvelles normes de sûreté résultant des enseignements de l'accident de Fukushima. Il prend également en compte des évolutions nécessitées par les enjeux de résilience du parc nucléaire au changement climatique.

Achevée en 2021, la première phase du programme aura coûté 29 milliards d'euros. Les coûts prévisionnels de la deuxième phase représentent quant-à-eux 36 milliards d'euros d'investissements étalés sur la période 2022-2028.

En 2023, EDF avait consacré 5 milliards d'euros d'investissements aux réacteurs du parc nucléaire historique. EDF considère qu'une enveloppe annuelle supérieure à 4 milliards d'euros devrait être structurellement allouée aux opérations liées au programme de « grand carénage ».

Évolution des investissements consacrés par EDF
dans le parc nucléaire historique (2010-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Une troisième phase du programme est par ailleurs en préparation pour la période 2029-2035. Elle devrait être principalement consacrée à la prolongation jusqu'à soixante ans des réacteurs d'une puissance de 900 MW et vraisemblablement ciblée sur l'adaptation du parc nucléaire aux conséquences du dérèglement climatique.

b) La construction de nouveaux réacteurs de grande puissance : le programme de « nouveau nucléaire »

Dans son discours de Belfort de février 2022, le Président de la République avait annoncé le lancement d'un programme de relance et de renouvellement de la production électronucléaire en France. Dans sa première phase, ce programme dit de « nouveau nucléaire » prévoit, d'ici 2035 à 2038, la réalisation de trois paires d'un nouveau modèle de réacteur de troisième génération d'une puissance de 1 650 MW, l'EPR 2, sur les sites de Penly, de Gravelines et du Bugey.

Au-delà de six premiers réacteurs, le président de la République avait également ouvert la perspective d'élargir ce programme à la construction en série de huit réacteurs supplémentaires du même type d'ici à 2050, soit un total de 14 nouveaux réacteurs. Cette perspective a été confirmée par la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie adoptée par le Sénat le 16 octobre dernier. Celle-ci prévoit en effet de modifier le code de l'énergie pour sanctuariser la deuxième étape du programme de nouveau nucléaire et la construction de 8 EPR 2 complémentaires aux 6 premiers réacteurs : « la construction d'au moins 10 gigawatts de nouvelles capacités nucléaires installées, dont six réacteurs électronucléaires de grande puissance, est engagée d'ici 2026 et la construction supplémentaire d'au moins 13 gigawatts de nouvelles capacités nucléaires installées, dont huit réacteurs électronucléaires de grande puissance et un petit réacteur modulaire, est engagée d'ici 2030 »85(*).

En mars 2024, le coût prévisionnel de construction de la première étape du programme de « nouveau nucléaire », c'est-à-dire les 6 premiers réacteurs a été réévalué à 67,4 milliards d'euros, soit une progression de 30 % par rapport à l'estimation initiale réalisée en 2022. De plus, ce montant ne prend pas en compte les coûts liés au financement du programme qui, pour ce type de chantiers, représentent la majorité des coûts globaux du projet.

Les modalités de financement de ce programme ne sont pas encore arrêtées. S'il est acquis qu'EDF ne pourra pas le financer seule et qu'une participation de l'État sera nécessaire, elle devra néanmoins dégager des ressources suffisantes pour couvrir la part qu'elle devra supporter, dans une proportion qui pourrait vraisemblablement représenter environ 50 % du montant global.

C. SI UNE AUTRE OPTION ÉTAIT ENVISAGEABLE ET POURRAIT CONTINUER À ÊTRE ÉTUDIÉE, LA COMMISSION PREND ACTE DE L'ACCORD QUI A ÉTÉ CONCLU ENTRE EDF ET L'ÉTAT

1. Un dispositif qui n'est pas exempts de défauts

Le dispositif proposé dans le présent article applique strictement les dispositions de l'accord négocié entre le Gouvernement de l'époque et EDF et présenté en novembre 2023 par le ministre chargé de l'économie et des finances Bruno Le Maire dans le cadre d'une conférence de presse.

Sur cette question, la commission d'enquête sénatoriale précitée avait regretté les conditions de négociations « à huis clos » de mesures qui présentent un caractère si structurel pour les consommateurs, EDF, les finances publiques, l'avenir du système électrique national et plus généralement la stratégie nationale de long terme en matière de politique énergétique. La commission d'enquête soulignait notamment avoir été « très frappée par le secret qui a présidé à ces réflexions. Nombreuses sont les parties prenantes du secteur de l'électricité à s'en être émues auprès d'elle ».

Elle révélait également que l'administration avait préparé en détail un projet de concertation très large de l'ensemble des acteurs du secteur afin de partager et d'objectiver de façon transparente les constats et les enjeux relatifs à la régulation du parc nucléaire historique et de réfléchir aux différentes options susceptibles d'être mises en oeuvre pour concilier les différents intérêts en jeu : protection des consommateurs, compétitivité de l'économie, soutenabilité de la situation financière d'EDF et investissements dans le parc de production d'électricité. Toutefois, préférant une négociation « en tête à tête » avec EDF, le Gouvernement de l'époque avait fait le choix de ne pas procéder à une telle concertation.

Au fur et à mesure des négociations, l'État a successivement envisagé et défendu d'autres dispositifs de régulation. Ainsi, l'État a longtemps privilégié l'option de la mise en oeuvre d'un dispositif dit de « contrat pour différence » (CfD) sur le parc nucléaire historique national, c'est-à-dire, en pratique, un mécanisme garantissant un prix plancher de vente garanti pour EDF et un prix plafond pour les consommateurs86(*). Il a d'ailleurs obtenu cette possibilité de très haute lutte dans les négociations européennes relatives à la réforme du marché européen de l'électricité. Au cours des négociations avec EDF, il a pourtant abandonné cette option qui avait la faveur des représentants des consommateurs professionnels comme particuliers de par la plus grande visibilité sur l'évolution des prix qu'il assurait.

Bien qu'explicitement prévu par le droit sectoriel de l'Union européenne, un mécanisme de CfD est considéré comme une aide d'État au regard du droit de la concurrence dans la mesure où il garantit un prix de vente plancher à EDF. Aussi doit-il être autorisé par la Commission européenne. L'argument avancé par EDF et le Gouvernement en défaveur de cette option est le risque qu'en contrepartie la Commission européenne, historiquement « mal disposée » envers EDF et la position dominante qu'elle occupe en France, pourrait exiger d'importantes réorganisations du groupe, voire sa scission sur le modèle de ce qui avait été envisagé dans le cadre du plan dit « Hercule ». Toutefois, après avoir interrogé EDF, le Gouvernement et la Commission européenne, la commission d'enquête sénatoriale précitée a indiqué n'avoir « jamais pu obtenir d'éléments tangibles qui viendraient concrètement étayer cette crainte ». Elle ajoutait sur ce point : « il est même permis de considérer raisonnablement que la crainte de contreparties structurelles d'ampleur est aujourd'hui moins justifiée puisque la récente réforme européenne du marché de l'électricité renforcera la présomption de conformité d'un CfD sur le parc nucléaire historique français au regard du droit européen des aides d'État ».

Le dispositif proposé par le présent article permettra de partiellement immuniser les consommateurs en cas de hausse importante des prix de l'électricité. Cette protection ne sera cependant que partielle puisque, si l'on retient les seuils qui avaient été fixés dans l'accord, aucun reversement ne sera effectué aux consommateurs si les prix de l'électricité sont inférieurs ou égal à 78 euros par MWh 2022, c'est-à-dire probablement à environ 85 euros par MWh en 2026, soit un montant très nettement supérieur à la moyenne des prix de marchés avant la crise ainsi qu'au prix de l'Arenh aujourd'hui. Par ailleurs seuls 50 % de la fraction se situant entre ce premier seuil de taxation et le seuil d'écrêtement de 110 euros par MWh 2022, soit probablement environ 120 euros par MWh en 2026, feraient l'objet d'un reversement aux consommateurs. Dans ces conditions, jusqu'à un niveau de 120 euros par MWh en 2026, les consommateurs resteraient significativement exposés à la fluctuation des prix de marchés. Aussi, comme a pu le relever la commission d'enquête du Sénat, le mécanisme retenu dans le cadre de l'accord entre l'État et EDF n'assure pas de corrélation entre le prix de l'électricité facturée aux consommateurs et la compétitivité des coûts de production du parc électronucléaire national.

Devant la commission d'enquête, l'économiste de l'énergie Jacques Percebois soulignait à ce titre que « cette réforme s'inscrit fondamentalement dans une logique de prix de marché plutôt que dans une logique de coût du MWh. Ce n'est pas le coût du nucléaire qui fixera le prix pour le consommateur final, c'est le prix du marché qui sera le baromètre pour le consommateur comme pour le producteur ». Ce même économiste observait dans une note que le mécanisme prévu par l'accord entre EDF et l'État sera moins protecteur pour les petits consommateurs que le mécanisme d'Arenh actuel.

Un mécanisme moins protecteur pour les petits consommateurs que l'Arenh

L'économiste Jacques Percebois fait le constat que le dispositif retenu sera nettement moins protecteur pour les petits consommateurs que celui qui existe aujourd'hui. Son analyse démontre que, dans toutes les hypothèses de prix de marché retenues (de moins de 78 euros par MWh jusqu'à 200 euros par MWh), le niveau de la part fourniture d'énergie des TRVe qui résulterait de la mise en oeuvre de l'accord serait nettement plus élevée que celui qui aurait résulté du modèle actuel, quand bien même cet écart tendrait à se réduire au fur et à mesure de l'augmentation des prix de marché : l'accord serait ainsi moins favorable de 25 % pour une hypothèse de prix de marché de 110 euros par MWh, 12 % pour une hypothèse de 150 euros et 5 % pour une hypothèse de 200 euros.

Source : Éclairer l'avenir : l'électricité aux horizons 2035 et 2050, rapport n° 714 (2023-2024) fait au nom de la commission d'enquête sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050, Franck MONTAUGE (président) et Vincent DELAHAYE (rapporteur), juillet 2024

Par ailleurs, la commission d'enquête soulignait également que le système retenu expose EDF au risque de prix bas prolongés présenté dans les développements supra. En effet, puisqu'il ne prévoit aucun mécanisme de prix de vente plancher, contrairement à un système de régulation au moyen d'un CfD, le dispositif proposé ne protège pas EDF des répercussions liées à l'hypothèse dans laquelle les prix de marchés se maintiendraient sur une longue période à un niveau inférieur aux coûts de production du parc nucléaire historique majoré des besoins nécessaires à couvrir la quote-part de financement du programme de « nouveau nucléaire » qui reposera sur l'entreprise.

Il est à noter à ce titre qu'au moment des négociations de l'accord les hypothèses d'évolution de long terme des prix de marchés étaient nettement plus élevées qu'elles ne peuvent l'être aujourd'hui. Le risque de prix bas prolongés est ainsi indiscutablement plus élevé aujourd'hui qu'il ne pouvait l'être en 2023.

2. Sans chercher à clore définitivement le débat sur la régulation du parc nucléaire historique, il est néanmoins nécessaire de prévoir dès maintenant la mise en oeuvre d'un filet de sécurité pour prévenir la survenance potentielle d'une nouvelle crise

Si une nouvelle crise des prix devait survenir, il est nécessaire d'être sûr de disposer dès 2026, après l'expiration du dispositif d'Arenh, d'un filet de sécurité, aussi imparfait soit-il, pour réduire l'exposition des consommateurs aux aléas des prix de marché.

Toutefois, le rapporteur général considère que la mise en oeuvre de ce filet de sécurité ne doit pas clore le débat. Si compte-tenu de la complexité des négociations qu'elle suppose avec la Commission européenne, l'adoption d'un dispositif plus régulé sera vraisemblablement compliquée à l'horizon 2026, le Gouvernement ne devrait pas exclure cette hypothèse, notamment si la réévaluation de l'étude d'impact du dispositif s'avérait moins favorable qu'anticipé pour EDF en raison de la révision des prévisions de long terme des prix de marchés.

Le Gouvernement devrait notamment expertiser de façon plus approfondie avec la Commission européenne les conditions de faisabilité juridique et d'acceptabilité d'un mécanisme de CfD. Pour cela, il devrait s'assurer auprès de la Commission qu'une telle perspective, d'une part ne conduirait pas à remettre en question la gouvernance actuelle du groupe et, d'autre part permettrait de fixer un niveau de prix de vente plancher suffisamment élevé pour couvrir les coûts complets de production du parc nucléaire historique ainsi que la quote-part de financement du programme de « nouveau nucléaire » qui sera prise en charge par EDF.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5

Ajustements de la fiscalité applicable aux installations nucléaires de base

Le présent article prévoit une codification et une réorganisation complète de la fiscalité applicable aux installations nucléaires de base (INB).

La fiscalité sur les installations nucléaires de base comprend actuellement six impositions : la taxe sur les INB stricto sensu, la contribution spéciale pour la gestion des déchets radioactifs, la contribution de radioprotection et de sûreté nucléaire, et enfin les trois taxes additionnelles dite « d'accompagnement », de « recherche » et de « stockage ». Seule la taxe sur les INB est reversée au budget général.

La fiscalité sur les INB est complexe et n'est pas codifiée. En outre, l'Institut national de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) va disparaître en tant qu'entité autonome à la suite de sa fusion avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour créer l'autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) au 1er janvier 2025. Or, la contribution de radioprotection et de sûreté nucléaire (CRSN) est affectée à l'Institut. Il est donc nécessaire de réformer cette taxe en particulier.

Le présent article codifie et rassemble les six impositions sur les installations nucléaires de base (INB) en deux taxes : la taxe sur les INB qui relèvent du secteur énergétique ou assimilées, et la taxe sur les INB concourant à la gestion des substances radioactives. Les deux taxes sont construites de la même manière : elles sont composées d'un tarif de base, auquel sont appliqués un ou plusieurs tarifs complémentaires, qui sont affectés à une autre personne que l'État. L'affectation de la CRSN disparaît.

La réorganisation proposée par le présent article, entre une taxe portant sur les installations nucléaires de base et une autre sur la gestion des substances radioactives, chacune étant composée d'un tarif de base complété par des tarifs additionnels, apporte une clarification bienvenue.

Elle permet également une adaptation de la fiscalité du nucléaire aux nouveaux enjeux de la filière, tels que le développement de Cigéo, dont il faudra apprécier les conséquences.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA FISCALITÉ SUR LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE EST COMPOSÉE DE SIX IMPOSITIONS

A. VUE D'ENSEMBLE DE LA FISCALITÉ SUR LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES

La fiscalité sur les installations nucléaires de base comprend actuellement six impositions : la taxe sur les installations nucléaires de base stricto sensu, la contribution spéciale pour la gestion des déchets radioactifs, la contribution de radioprotection et de sûreté nucléaire, et enfin les trois taxes additionnelles dite « d'accompagnement », de « recherche » et de « stockage ».

L'ensemble de ces impositions est dû annuellement, à compter de la délivrance de l'autorisation de création de l'installation jusqu'à son déclassement. Des tarifs et exonérations peuvent être appliqués pendant la phase de démantèlement. Ces impositions ont également la particularité de ne pas être codifiées.

Elles diffèrent cependant en termes d'assiette et d'affectation. En particulier, trois de ces impositions - la taxe additionnelle « recherche », la taxe additionnelle « accompagnement », et la contribution spéciale pour la gestion des déchets radioactifs - sont directement affectées à des entités en lien avec le projet « Cigéo » (centre industriel de stockage géologique), qui sera implanté à la frontière des départements de la Meuse et de la Haute-Marne. Le tableau suivant présente un récapitulatif de la taxation des installations nucléaires de base.

Taxations sur les installations nucléaires de base

Nom

Types d'installations taxées

Rendement prévisionnel en 2024 

(en millions d'euros)

Affectataire

Référence juridique

Taxe sur les installations nucléaires de base

Toutes

558

Budget général

Article 43 de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000

Contribution de radioprotection et de sûreté nucléaire

60,5

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

Article 96 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010

Taxe additionnelle « d'accompagnement »

Production d'énergie, ou retraitement du combustible usé

57

Groupements d'intérêt public (GIP) « Objectifs Meuse » et « Haute-Marne »

V. de l'article 43 de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000

Taxe additionnelle « de recherche »

65

Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), fonds « recherche »

Contribution spéciale pour la gestion des déchets radioactifs

80,7

ANDRA, fonds « conception »

Article 58 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013

Taxe additionnelle « de stockage »

Stockage

58

Collectivités territoriales aux alentours de l'installation

VI. de l'article 43 de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000

Note : l'affectation des taxes additionnelles est régie par l'article L. 542-12-1 du code de l'environnement. L'affectation de la contribution spéciale pour la gestion des déchets radioactifs est prévue par l'article L. 542-12-3 du code de l'environnement.

Source : commission des finances

Les centres de stockage des déchets nucléaires, le projet « Cigéo » et l'Agence nationale pour la gestion des déchets nucléaires (ANDRA)

Les déchets nucléaires sont classifiés à travers une double catégorisation, selon le niveau de leur activité (calculée en becquerels/gramme) et la durée de leur « vie ». Les déchets nucléaires les plus actifs et à la durée de vie longue sont les plus dangereux - certains peuvent d'ailleurs perdurer pendant plusieurs centaines de milliers d'années.

Aujourd'hui, les déchets à très faible activité sont stockés dans le centre industriel de regroupement, d'entreposage et de stockage (CIRES) situé à Morvilliers dans l'Aube, et les déchets de faible activité ou d'activité moyenne à vie courte sont gérés par le centre de stockage de déchets radioactifs de Soulaines-Dhuys, dans le même département.

Les déchets nucléaires de haute activité ou d'activité moyenne à vie longue auront quant à eux vocation à être stockés dans un centre de stockage géologique profond, nommé « Cigéo », qui sera implanté à la frontière entre les départements de la Meuse et de la Haute-Marne.

Classification des déchets nucléaires et mode de gestion

Source : direction générale de l'énergie et du climat

En France, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) est l'établissement public à caractère industriel et commercial chargé de la gestion des déchets nucléaires. Elle est notamment l'agence qui assure la gestion du projet Cigéo. L'ANDRA est un opérateur rattaché au programme 174 « Energie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durable ».

La loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, dite loi « Bataille », avait déterminé trois options pour la gestion des déchets radioactifs de haute activité (ou de moyenne activité à vie longue) : la séparation-transmutation, l'entreposage de longue durée et le stockage géologique profond. La loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, à la suite d'études menées par l'ANDRA et l'Agence de sûreté nucléaire (ASN), a tranché en faveur du stockage en couches géologique profonde.

En 2000, un laboratoire souterrain a été construit dans le territoire de la commune de Bure (Meuse) afin de préparer l'implantation du centre de stockage, qui devrait se situer à proximité. Il vise notamment à étudier les caractéristiques de la roche du site.

Le projet Cigéo a été déclaré d'utilité publique et opération d'intérêt national en 2022, et les premières constructions devaient démarrer en 2027, pour une mise en place prévue entre 2035 et 2040. L'article L. 542-10-1 du code de l'environnement, prévoit que le projet de Cigéo doit être réversible, et qu'il doit permettre d'intégrer les évolutions technologiques.

Source : commission des finances

B. LA TAXE SUR LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE

L'article 43 de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 prévoit que les installations nucléaires de base sont assujetties à une taxe annuelle. Les catégories d'installations nucléaires de base sont listées à l'article L. 593-2 du code de l'environnement, et comprennent :

- les réacteurs nucléaires ;

- les installations de préparation, d'enrichissement, de fabrication, de traitement ou d'entreposage de combustibles nucléaires ou de traitement, d'entreposage ou de stockage de déchets radioactifs ;

- les installations contenant des substances radioactives ou fissiles ;

- les accélérateurs de particule ;

- les centres de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs.

La taxe est due par l'exploitant de l'installation nucléaire, à compter de l'autorisation de création de l'installation.

Le montant de la taxe est déterminé par le produit d'une imposition forfaitaire et d'un coefficient multiplicateur. Le niveau de ces coefficients est fixé par décret en Conseil d'État, en fonction du type et de l'importance des installations, dans les limites énoncées au III de l'article 43. Il existe deux coefficients selon que l'installation est en activité ou à l'arrêt.

L'ensemble des montants forfaitaires et des limites des coefficients multiplicateurs sont répertoriés au tableau du III du même article. Le décret n° 2000-361 du 26 avril 200087(*) donne l'ensemble des coefficients applicables.

Tarifs et limites des coefficients de la taxe sur les installations nucléaires de base

Catégorie

Installations n'étant pas à l'arrêt définitif

Installations à l'arrêt définitif

Montant de l'imposition forfaitaire

(en euros)

Coefficient multiplicateur

Montant de l'imposition forfaitaire

(en euros)

Coefficient multiplicateur

Réacteurs nucléaires de production d'énergie autres que ceux consacrés à titre principal à la recherche (par tranche)

3 670 000

1 à 4

263 000

1 à 4

Réacteurs nucléaires de production d'énergie consacrés à titre principal à la recherche (par tranche)

1 197 470

1 à 2

263 000

1 à 2

Autres réacteurs nucléaires

263 000

1 à 3

131 500

1 à 3

Installations de séparation des isotopes des combustibles nucléaires

618 824

1 à 3

131 500

1 à 3

Usines de fabrication de combustibles nucléaires

618 824

1 à 3

309 412

1 à 3

Usines de traitement de combustibles nucléaires usés

1 856 474

1 à 3

928 237

1 à 3

Installations de traitement d'effluents liquides radioactifs et/ ou de traitement de déchets solide radioactifs ; usines de conversion en hexafluore d'uranium ; autres usines de préparation et de transformation des substances radioactives

278 472

1 à 4

139 236

1 à 4

Installations destinées au stockage définitif de substances radioactives

2 165 886

1 à 3

1 082 943

1 à 3

Installations destinées à l'entreposage temporaire de substances radioactives ; accélérateur de particules et installations destinées à l'irradiation ; laboratoires et autres installations nucléaires de base destinées à l'utilisation de substances radioactives

24 754

1 à 4

12 377

1 à 4

Source : commission des finances

Coefficients applicables pour les réacteurs nucléaires

Catégorie de réacteur nucléaire

Puissance thermique installée

(en mégawatts thermiques - Mwth)

En activité

À l'arrêt

Réacteurs nucléaires de production d'énergie autres que ceux consacrés à titre principal à la recherche (par tranche)

< 2 000 Mwth

1

1

= 2 000 Mwth et < 3 000 Mwth

2

1

= 3 000 Mwth et < 4 000 Mwth

3

1

= 4 000 Mwth

4

1

Réacteurs nucléaires de production d'énergie consacrés à titre principal à la recherche (par tranche)

< 1 000 Mwth

1

1

= 1 000 Mwth et < 2 000 Mwth

2

1

< 1 000 Mwth

1

1

Autres réacteurs nucléaires

= 1 000 Mwth et < 150 Mwth

2

1

= 150 Mwth

3

1

Source : commission des finances, d'après le décret n° 2000-361 du 26 avril 2000 relatif à la taxe et aux taxes additionnelles auxquelles sont assujetties les installations nucléaires de base en application de l'article 43 de la loi de finances pour 2000

C. LES TROIS TAXES FINANÇANT PROJET « CIGÉO »

1. Les taxes additionnelles « recherche » et « accompagnement »

Le V de l'article 43 de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 prévoit la création des taxes additionnelles « accompagnement » et « recherche ». L'assiette de ces taxes comprend l'ensemble des réacteurs nucléaires ainsi que les usines de traitement de combustibles nucléaires usés.

Le montant de ces deux taxes est déterminé par application d'un coefficient multiplicateur à une somme forfaitaire, qui diffère selon le type d'installation considéré. Pour la taxe d'accompagnement, le coefficient doit nécessairement être compris entre 0,5 et 6,5, tandis que pour la taxe recherche, il doit se situer entre 0,6 et 3.

Le décret n° 2000-361 du 26 avril 2000 précise les coefficients applicables pour la taxe additionnelle « recherche »88(*), tandis que les coefficients de la taxe « d'accompagnement » sont directement inscrits au IV de l'article 43 de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000.

Sommes forfaitaires et coefficients multiplicateurs
des taxes additionnelles de recherche et d'accompagnement

Catégories

Sommes forfaitaires

(en millions d'euros)

Coefficient multiplicateur

Recherche

Accompagnement

Réacteurs nucléaires de production d'énergie autres que ceux consacrés à titre principale à la recherche (par tranche)

0,28

2,88

2,6

Réacteurs nucléaires de production d'énergie consacrés à titre principal à la recherche

0,25

3,67

3,0

Autres réacteurs nucléaires

0,25

3,67

3,0

Usines de traitement de combustibles nucléaires usés

0,28

2,91

2,63

Source : commission des finances, d'après l'article 43 de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 et le décret n° 2000-361 du 26 avril 2000 

L'article L. 542-12-1 du code de l'environnement prévoit que la taxe additionnelle de recherche est affectée à l'ANDRA, et qu'elle finance un fonds destiné au financement des recherches et études sur l'entreposage et le stockage en couche géologique profonde des déchets radioactifs. En l'occurrence, seul un stockage de ce type est en cours de réalisation, « Cigéo », et par conséquent cette taxe finance les recherches nécessaires à sa mise en place.

L'article L. 542-11 du code de l'environnement prévoit que le produit de la taxe d'accompagnement est affecté aux groupements d'intérêt public (GIP), qui doivent obligatoirement être constitués dans chaque département sur le territoire duquel est situé tout ou partie du périmètre du périmètre de laboratoire de Bure. Cette taxe est ainsi affectée aux GIP « Objectifs Meuse » et « Haute-Marne ».

Une fraction de chacune de ces parts, dans la limite de 20 %, est également reversée au prorata de leur population aux communes de chaque département dont une partie du territoire est située à moins de dix kilomètres de l'accès principal au laboratoire de Bure.

2. La contribution spéciale pour la gestion des déchets radioactifs

L'article 58 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 prévoit l'instauration d'une contribution spéciale pour la gestion des déchets radioactifs, qui est affectée à au « fonds de conception » de l'ANDRA, dont l'objet est de « financer les études nécessaires à la conception des installations de stockage des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue construites par l'agence, ainsi que les opérations et travaux préalables au démarrage de la phase de construction de ces installations » (article L. 542-12-3 du code de l'environnement).

Tout comme la taxe additionnelle « recherche », la contribution à vocation à financer la préparation de Cigéo. Elle est assise sur les réacteurs nucléaires ainsi que les usines de traitement de combustibles usés.

Le montant de la contribution est calculé en multipliant une somme forfaitaire de 1 million d'euros par installation (identique pour chaque catégorie d'installation) par un coefficient situé entre 1 et 3. Ces coefficients ont été déterminés par un arrêté du 24 décembre 202089(*) et sont présentés dans le tableau suivant.

Coefficients multiplicateurs de la contribution spéciale
pour la gestion des déchets radioactifs

Catégorie

Coefficient multiplicateur

Réacteurs nucléaires de production d'énergie autres que ceux consacrés à titre principal à la recherche (par tranche)

1

Réacteurs nucléaires de production d'énergie consacrés à titre principal à la recherche

1,37

Autres réacteurs nucléaires, à l'exclusion des réacteurs à faisceaux de neutrons

1,37

Usines de traitement de combustibles nucléaires usés

1

Source : commission des finances, d'après l'arrêté du 24 décembre 2020

D. LES AUTRES TAXES PORTANT SUR LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE

1. La taxe additionnelle de stockage

Le VI de l'article 43 de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 prévoit une troisième taxe additionnelle, dite de « stockage », dont l'assiette est constituée de toutes les installations servant à l'entrepôt des déchets nucléaires.

La somme forfaitaire est calculée en faisant le produit de la capacité du stockage par une imposition au mètre cube, fixée à 2,2 euros/m. Le montant de la taxe est ensuite déterminé en multipliant cette somme forfaitaire par un coefficient fixé par décret après avis des collectivités territoriales concernées, qui doit se situer dans les limites suivantes :

- pour les déchets de très faible activité, il doit être compris entre 0,05 et 0,5 ;

- pour les déchets de faible activité ou les déchets de moyenne activité à vie courte, il doit être compris entre 0,5 et 5 ;

- pour de déchets de haute activité et moyenne activité à vie longue, le coefficient n'est pas soumis à un plafond, et il est fixé par décret en Conseil d'État à partir du ratio de radioactivité au mètre cube des déchets de haute activité à vie longue.

La taxe n'est pas appliquée pour les installations de stockage de déchets de haute activité et moyenne activité à vie longue, dans la mesure où Cigéo n'existe pas encore.

Elle n'est pas non plus appliquée pour les déchets à très faible activité. En effet, soit ces déchets sont traités en amont, soit le stockage est réalisé au sein du centre industriel de regroupement, d'entreposage et de stockage (CIRES) situé à Morvilliers, qui relève du régime des installations classées pour la protection de l'environnement et n'est donc pas soumis aux taxes sur les installations nucléaires de base.

Pour les déchets de faible activité ou de moyenne activité à vie courte, le décret n° 2000-361 du 26 avril 2000, modifié par le décret n° 2013-737 du 12 août 2013, prévoit que le coefficient est de 1,5.

Le produit de la taxe additionnelle de stockage est affecté aux communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) situés autour des installations90(*). Dans les faits, la taxe additionnelle concerne uniquement le centre de stockage de l'Aube dédié aux déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC).

Le décret n° 2000-361 du 26 avril 2000 prévoit ainsi que cette taxe est reversée aux communes et aux EPCI des départements de l'Aube et de la Haute-Marne situés à l'intérieur du périmètre déterminé à partir de l'accès principal du centre de stockage de déchets radioactifs de Soulaines-Dhuys (Aube)91(*). La répartition des fractions de la taxe est la suivante :

- une fraction égale à 20 % du montant à répartir est reversée à la communauté de communes de Soulaines ;

- deux fractions, égales à respectivement à 25,31 % et à 6,69 % du montant à répartir, sont reversées respectivement aux communes membres de la communauté de communes de Soulaines, et à celles membres de la communauté de communes du pays du Der (Haute-Marne), au prorata de la population de chaque commune ;

- deux fractions, égales respectivement à 37,97 % et à 10,03 % du montant à répartir, sont reversées respectivement aux communes et EPCI du département de l'Aube et aux communes et EPCI du département de la Haute-Marne, dans un périmètre de solidarité autour de l'installation. Ces financements doivent être affectés à des projets de solidarité.

L'article 43 de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 prévoit également que pour les centres de stockage de déchets de haute activité ou moyenne activité à vie longue, les départements et les régions d'implantation sont également affectataires de la taxe. Comme Cigéo n'existe pas encore, cette disposition n'a pas fait l'objet d'un décret d'application.

2. La contribution de radioprotection et de sûreté nucléaire

L'article 96 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 prévoit une contribution annuelle au profit de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Elle porte sur toutes les installations nucléaires de base, et son montant est déterminé pour chaque catégorie d'installation par la multiplication d'une somme forfaitaire par un coefficient multiplicateur, qui se situe nécessairement entre un et deux.

L'arrêté du 15 décembre 2011 relatif aux coefficients multiplicateurs de la contribution annuelle perçue par l'IRSN92(*), modifié par un arrêté du 24 février 2015, fournit la version la plus récente des coefficients applicables.

Sommes forfaitaires et coefficients multiplicateurs applicables
de radioprotection et de sûreté nucléaire

Catégorie

Somme forfaitaire

Coefficient multiplicateur

Réacteurs nucléaires de production d'énergie autres que ceux consacrés à titre principal à la recherche

760 000

2

Réacteurs nucléaires de production d'énergie consacrés à titre principal à la recherche

600 000

2

Autres réacteurs

150 000

1

Installations de séparation des isotopes des combustibles nucléaires

290 000

2

Usines de fabrication de combustibles nucléaires

290 000

2

Usine de traitement de combustibles irradiés

500 000

2

Installations de traitement d'effluents liquides radioactifs et/ou de traitement de déchets solides radioactifs

290 000

2

Usines de conversion en hexafluorure d'uranium

290 000

2

Autres usines de préparation et de transformation des substances radioactives

145 000

1

Installations destinées au stockage définitif de substances radioactives

200 000

2

Installations destinées à l'entreposage temporaire de substances radioactives

200 000

2

Irradiateur ou accélérateur de particules

20 000

1

Laboratoires et autres installations nucléaires de base destinées à l'utilisation de substances radioactives

210 250

2

Réacteurs nucléaires de production d'énergie autres que ceux consacrés à titre principal à la recherche à l'arrêt définitif

290 000

1,45

Réacteurs nucléaires de production d'énergie consacrés à titre principal à la recherche à l'arrêt définitif

145 000

1

Autres réacteurs à l'arrêt définitif

145 000

1

Source : commission des finances, d'après l'arrêté n° DEVP1427082A du 15 décembre 2011

L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est un établissement public à caractère industriel et commercial, rattaché à la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui exerce une mission de service publique d'expertise relative à la sûreté nucléaire et à la protection des personnes et de l'environnement contre les rayonnements ionisants. Elle joue également un rôle dans la protection des installations et des transports contre les actes de malveillance.

L'IRSN est placé sous la tutelle conjointe des ministres chargé de l'environnement, de la défense, de l'énergie, de la recherche et de la santé. Le directeur général de la prévention des risques est commissaire du gouvernement auprès de l'institut.

Le montant de ses subventions de service public est de 187 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2024, auxquels il faut ajouter 60,7 millions d'euros de rendement prévu pour la contribution de radioprotection et de sûreté nucléaire.

La loi n° 2024-450 du 21 mai 2024 relative à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection prévoit une fusion de l'IRSN avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour créer l'autorité de radioprotection et de sûreté nucléaire (ASNR) au 1er janvier 2025.

Source : commission des finances

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE RÉORGANISATION DE LA FISCALITÉ SUR LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE

A. LA NOUVELLE ARCHITECTURE DE LA FISCALITÉ SUR LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE

Le 1° et le 2° du I du présent article codifient et rassemblent les six impositions sur les installations nucléaires de base (INB) en deux taxes : la taxe sur les INB qui relèvent du secteur énergétique ou assimilées, et la taxe sur les INB concourant à la gestion des substances radioactives. Les premières relèveraient désormais de la partie « énergie » du CIBS, tandis que les secondes sont placées dans la partie « environnement » du même code. Les dispositions actuelles seraient supprimées.

La taxe sur les INB qui relèvent du secteur énergétique aurait principalement pour assiette les réacteurs nucléaires, tandis que la taxe sur les INB concourant à la gestion des substances radioactives concernerait surtout les installations d'entrepôt et de stockage des déchets nucléaires. Le tableau suivant donne un aperçu détaillé des installations imposables pour les deux taxes.

Assiettes de la taxe sur les installations nucléaires relevant du secteur énergétique et de celle concourant à la gestion des substances radioactives

Catégorie d'installation nucléaire de base

Référence dans le CIBS (droit proposé)

Sous-catégories
(lorsqu'il en existe plusieurs)

Taxe sur les installations nucléaires de base relevant du secteur énergétique et assimilé

Réacteurs nucléaires

L. 322-41

Réacteurs nucléaires de production d'énergie (hors recherche)

Réacteurs nucléaires de production d'énergie consacré à titre principal à la recherche

Autres réacteurs nucléaires

Installations concourant à la production du combustible nucléaire

L. 322-42

Usines de conversion en hexafluorure d'uranium

Installations de séparation des isotopes des combustibles nucléaires

Installations de fabrication de combustibles nucléaires

Installations de retraitement du combustible nucléaire usé

L. 322-43

 

Autres installations nucléaires de base relevant du secteur énergétique ou assimilées

L. 322-44

Accélérateurs de particules et irradiateurs

Usine de préparation et de transformation de substances radioactives

Laboratoires et ateliers de maintenance ou d'expertise de pièces radioactives

Taxe sur les installations nucléaires de base concourant à la gestion des substances radioactives

Les installations de traitement d'effluents liquides radioactifs ou de déchets solides radioactifs autres que les combustibles nucléaires usés

L. 433-2

 

Installations d'entreposage de substances radioactives

L. 433-4

Les anciens réacteurs nucléaires transformés en installation entreposant leurs propres déchets radioactifs

Les autres installations destinées à l'entreposage de substances radioactives

Les installations de stockage de déchets radioactifs

L. 433-4

 

Source : commission des finances, d'après l'article 5 du présent projet de loi de finances

Les deux taxes sont construites de la même manière : elles sont composées d'un tarif de base, auquel sont appliqués un ou plusieurs tarifs complémentaires. Ceux-ci sont affectés à une autre personne que l'État.

Pour les deux taxes, le tarif de base est créé en fusionnant la taxe sur les installations nucléaires de base et la contribution de sûreté nucléaire et de radioprotection. Pour mémoire, au sein la fiscalité en vigueur des INB, il s'agit des deux seules impositions qui taxent l'ensemble des installations.

Les tarifs complémentaires sont formés à partir des trois taxes additionnelles et de la contribution spéciale pour la gestion des déchets radioactifs, et ils sont rattachés à l'un ou l'autre tarif de base. Pour la taxe sur les INB relevant du secteur énergétique et assimilé, ce sont :

- le tarif de recherche de la taxe sur les INB relevant du secteur énergétique ;

- le tarif d'accompagnement de la taxe sur les INB relevant du secteur énergétique ;

- le tarif de conception de la taxe sur les INB relevant du secteur énergétique (anciennement la contribution spéciale pour la gestion des déchets radioactifs).

La taxe sur les installations nucléaires de base concourant à la gestion des substances radioactives ne comprend qu'un tarif complémentaire :

- le tarif de stockage de la taxe sur les INB concourant à la gestion des substances radioactives.

Le tableau suivant présente la nouvelle architecture de la fiscalité sur les installations nucléaires de base.

Comparaison entre l'ancienne et la nouvelle architecture
de la fiscalité des installations nucléaires de base

Droit existant

Droit proposé

Taxe sur les installations nucléaires de base relevant du secteur énergétique et assimilées

Taxe sur les INB et contribution de sureté nucléaire et de radioprotection

Tarif de base

Taxe additionnelle de recherche

Tarif de recherche

Taxe additionnelle d'accompagnement

Tarif d'accompagnement

Contribution spéciale pour la gestion des déchets radioactifs

Tarif de conception

Taxe sur les installations nucléaires de base concourant à la gestion des substances radioactives

Taxe sur les INB et contribution de sureté nucléaire et de radioprotection

Tarif de base

Taxe additionnelle de stockage

Tarif de stockage

Source : commission des finances

Le 8° du II du présent article insère un article L. 592-34 dans le code de l'environnement qui prévoit que l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), dont la création est prévue au 1er janvier 202593(*), est compétente pour constater et collecter, pour le compte de l'État, la taxe sur les installations nucléaires de base, autant dans son volet « secteur énergétique » que dans son volet « gestion des substances radioactives ».

En revanche, aucune part de la taxe sur les installations nucléaires de base n'est affectée à l'ASNR. Ainsi, l'affectation de la contribution de radioprotection et de sûreté nucléaire à l'IRSN n'est pas reprise dans le droit proposé.

B. L'IMPOSITION SUR LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE RELEVANT DU SECTEUR ÉNERGÉTIQUE OU ASSIMILÉES

Le nouvel article L. 322-49 du CIBS prévoit que le montant de la taxe sur les INB relevant du secteur énergétique ou assimilées est égale à la somme du tarif de base et des trois tarifs complémentaires (recherche, accompagnement et conception). Les tarifs complémentaires ne s'appliquent que pour les réacteurs nucléaires et les installations de retraitement du combustible nucléaire usé. L'article L. 322-51 précise que le tarif de base est réduit lorsque l'installation est à l'arrêt.

Le système de somme forfaitaire et de coefficients du droit en vigueur est simplifié en droit proposé au profit de la définition d'un plancher et d'un plafond du montant applicable pour chacun des tarifs.

Limites minimales et maximales de chaque tarif pour les réacteurs nucléaires
et les installations de retraitement du combustible usé

(en millions d'euros)

Catégorie de l'installation

Tarif annuel

Tarif de base

Tarif de recherche

Tarif d'accompagnement

Tarif de conception

En activité

À l'arrêt

Production d'énergie, autre que la recherche

0,02 à 19

0,002 à 1,9

0,005 à 3,8

0,001 à 1,4

0,005 à 4,1

Production d'énergie, recherche

1,7 à 3,6

0,2 à 1

0,1 à 1,7

0,1 à 0,8

1 à 3

Autre que production d'énergie

0,4 à 1,3

0,4 à 0,4

0,1 à 1,7

0,1 à 0,8

1 à 3

Retraitement du combustible nucléaire usé

2,1 à 6,4

0,8 à 2,7

0,1 à 1,9

0,1 à 0,9

1 à 3

Source : commission des finances, d'après l'article L. 322-55 du CIBS en droit proposé

Limites minimales et maximales du tarif de base pour les autres catégories d'installations nucléaires

(en millions d'euros)

Catégorie de l'installation

Tarif de base

En activité

À l'arrêt

Usines de conversion en hexafluorure d'uranium

0,5 à 2,3

0,4 à 1,7

Installations de séparation des isotopes des combustibles nucléaires

0,7 à 2,2

0,2 à 0,7

Installations de fabrication de combustibles nucléaires

0,7 à 2,3

0,5 à 1,8

Accélérateurs de particules et irradiateurs

0,01 à 0,2

0,01 à 0,2

Usines de préparation et de transformation des substances radioactives

0,3 à 1,5

0,2 à 0,8

Laboratoires et ateliers de maintenance ou d'expertise de pièces radioactives

0,2 à 0,9

0,1 à 0,5

Source : commission des finances, d'après l'article L. 322-56 du CIBS en droit proposé

L'article L. 322-65 que le présent article propose d'insérer au sein du CIBS détermine les modalités d'affectation des trois tarifs complémentaires.

En ce qui concerne le tarif de conception, il est renvoyé à l'article L. 542-12-3 du code de l'environnement. Il demeure toujours affecté au fonds de l'ANDRA destiné à financer les études nécessaires à la conception des installations de stockage des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue.

Pour le tarif de recherche, il est renvoyé à l'article L. 542-12-1 du code de l'environnement. Là aussi, l'affectation au fonds de l'ANDRA destiné au financement des recherches et études sur l'entreposage et le stockage en couche géologique profonde des déchets radioactifs n'est pas remise en cause.

Enfin, pour le tarif d'accompagnement, la disposition relative à son affectation à l'article 43 de la loi de finances initiale pour 2000 est codifiée à l'article L. 542-11-1 du code de l'environnement. Elle reste affectée aux départements, aux EPCI et aux GIP des départements de la Meuse et de la Haute-Marne dans des conditions semblables à celles qui existent actuellement.

C. L'IMPOSITION SUR LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE CONCOURANT À LA GESTION DES SUBSTANCES RADIOACTIVES

Le nouvel article L. 433-9 du CIBS prévoit que le montant de la taxe sur les INB concourant à la gestion des substances radioactives est égale à la somme du tarif de base et d'un seul tarif complémentaire, qui est le tarif de stockage. Le tarif de stockage s'applique uniquement pour les installations de stockage de déchets radioactifs en activité.

L'article L. 433-10 du CIBS en droit proposé prévoit que le tarif de base est différencié en fonction d'un paramètre déterminé par décret, qui doit être représentatif de la capacité de traitement, d'entreposage ou de stockage de l'installation.

Limites minimales et maximales du tarif de base de la taxe sur les INB concourant à la gestion des substances radioactives

(en millions d'euros)

Catégorie de l'installation

En activité

À l'arrêt

Anciens réacteurs nucléaires transformés en installation entreposant leurs propres déchets radioactifs

0,1 à 0,5

0,01 à 0,3

Autres installations d'entreposage de substances radioactives

0,1 à 0,5

0,01 à 0,3

Installations de stockage de déchets radioactifs

2,2 à 6,8

0,2 à 0,7

Installations de traitement d'effluents liquides radioactifs ou de déchets solides radioactifs autres que les combustibles nucléaires usés

0,4 à 1,9

0,2 à 1,1

Source : commission des finances

Concernant le tarif de stockage, l'article L. 433-14 du CIBS proposé prévoit que le tarif unitaire par mètre cube doit être déterminé en fonction des caractéristiques des déchets stockés ou à stocker, et notamment de leur activité et de leur durée de vie. L'article L. 433-16 indique les limites dans lesquelles ce tarif unitaire doit être déterminé :

- entre 0,11 euro et 1,1 euros par mètre cube pour les installations de déchets de très faible activité ;

- entre 1,1 euro et 11 euros par mètre cube pour les installations de déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue ;

- entre 77 euros et 770 euros par mètre cube pour les installations de déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue.

Les modalités de l'affectation du produit du tarif de stockage de la taxe sur les installations sont renvoyées à un article L. 542-10-2 du code de l'environnement, créé par l'article 63 du présent projet de loi de finances.

L'article 63 a vocation à sécuriser juridiquement l'affectation de la taxe aux collectivités se trouvant aux alentours du centre de stockage de Soulaines-Dhuys, et à préciser les modalités de répartition qui seront applicables pour les collectivités se situant autour du site de Cigéo. Les détails sur ces affectations sont détaillés dans le commentaire de l'article 63 au sein du tome III du présent rapport.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE CLARIFICATION BIENVENUE ET NÉCESSAIRE DE LA FISCALITÉ DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE

A. UNE RÉFORME DE LA FISCALITÉ DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE DANS LE CONTEXTE DE LA FUSION ENTRE L'ASN ET L'IRSN

La loi n° 2024-450 du 21 mai 2024 relative à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection prévoit la mise en place au 1er janvier 2025 de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), est un nouvel établissement public créé à la suite de la fusion de l'ASN et de l'IRSN.

L'ASNR aura pour mission de contrôler la sûreté nucléaire, de la radioprotection et des activités nucléaires comportant un risque d'exposition des personnes aux rayonnements ionisants. Elle assurera également une mission générale d'expertise, de recherche et de formation dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

La création de cette nouvelle autorité est l'occasion de clarifier la fiscalité applicable aux installations nucléaires de base. En effet, les six impositions ne sont pas codifiées mais sont dispersées dans des dispositions de loi de finances, et l'articulation entre la taxe sur les installations nucléaires de base, les taxes additionnelles et les autres impôts est particulièrement difficile à appréhender.

La réorganisation proposée par le présent article, entre une taxe portant sur les installations nucléaires de base et une autre sur la gestion des substances radioactives, chacune étant composée d'un tarif de base complété par des tarifs additionnels, apporte une clarification bienvenue.

Toutefois, la réorganisation de la fiscalité des installations nucléaires de base ne relève pas seulement d'une question de clarté légistique, mais elle est également rendue nécessaire par la structure du financement de l'IRSN. En effet, l'IRSN perçoit aujourd'hui la contribution de radioprotection et de sûreté nucléaire (CRSN) et la disparition prochaine de l'institut implique une réforme de cette taxe.

Un choix possible aurait été de réaffecter à l'ASNR une part du nouveau tarif sur les installations nucléaires de base équivalente à la CRSN mais le Gouvernement a privilégié l'option d'un financement de la nouvelle autorité entièrement par des crédits budgétaires, comme c'est déjà le cas de l'ASN.

L'IRSN, en effet, assure principalement une mission de recherche et d'expertise, et n'exerce pas directement le rôle de régulateur, ce qui se reflète dans son statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). L'ASNR en revanche sera bel et bien régulateur en charge du contrôle de la sûreté nucléaire. À ce titre, rendre les financements de l'ASN dépendants de l'activité économique du secteur du nucléaire entre en contradiction avec ses missions. La suppression de l'affectation correspondant à la CRSN est donc justifiée.

B. UNE RÉFORME À RENDEMENT ÉQUIVALENT

Dans son évaluation des conséquences de la loi pour les finances publiques, le Gouvernement évalue les conséquences du présent article en 2025 à un gain de 60 millions d'euros pour l'État et une perte équivalente pour les autres administrations publiques. Cette différence découle directement de la fin de l'affectation de la CRSN à l'IRSN.

Pour les années à venir, le Gouvernement considère que le rendement des taxes affectées pour les autres administrations publiques progresserait de 80 millions d'euros entre 2025 et 2026. D'après l'évaluation préalable du présent article, cette hausse du rendement proviendrait du maintien de la contribution spéciale de gestion des déchets, qui aurait dû s'interrompre en 2026. Elle ne correspond donc pas à une augmentation dans l'absolu, mais par rapport à un tendanciel prenant en compte la fin programmée de cette taxe.

Cependant, le rendement réel de la nouvelle fiscalité du nucléaire dépend des choix que retiendra le Gouvernement dans la détermination des tarifs applicables. À ce sujet, il a indiqué que les fourchettes que la réforme devrait se faire à rendement équivalent, mise à part une hausse exceptionnelle de 240 millions d'euros en 2025 du tarif de base pour assurer le financement du réacteur nucléaire de recherche Jules Horowitz par le Commissariat à l'énergie atomique.

Néanmoins, il est nécessaire d'examiner les possibilités que se donne le Gouvernement au travers cette réforme. Si l'ensemble de la fiscalité sur les réacteurs nucléaires de production d'énergie en activité était amené à son niveau maximum autorisé par la loi, le rendement serait
de 1 064 millions d'euros avec la réforme, contre environ 900 millions d'euros possibles en théorie aujourd'hui.

En outre, les limites du tarif unitaire du tarif de stockage pour les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue, entre 77 euros et 770 euros par mètre cube, qui n'ont pas d'équivalent en droit existant, donne une très grande liberté d'appréciation au Gouvernement : la taxation peut aller du simple au décuple selon le tarif unitaire finalement retenu.

L'administration a justifié le choix d'une fourchette particulièrement large afin de l'adapter aux évolutions du projet de Cigéo. Si les premiers travaux préparatoires sont prévus pour débuter dans quelques années, la mise en place de Cigéo est prévue pour durer plusieurs décennies, avec plusieurs phases d'entrepôt des déchets nucléaires. Pour que les collectivités territoriales aux alentours de Cigéo puissent être accompagnées pendant l'ensemble du processus, il est nécessaire que le taux du tarif unitaire du tarif de stockage pour les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue puisse être adapté.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 6

Répartition des coûts du mécanisme de capacité entre les utilisateurs
du système électrique

Le présent article prévoit la mise en place, à la fin de l'année 2026, d'un nouveau mécanisme de capacité du réseau électrique, qui sera amené à succéder à l'actuel qui doit expirer à cet horizon.

Ce nouveau mécanisme, centralisé par le gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE, serait financé par un volet fiscal représenté par une nouvelle taxe de répartition des coûts du mécanisme de capacité acquittée par les fournisseurs d'électricité, en proportion de la consommation de leurs clients pendant les périodes de tension qui s'exercent sur le système électrique.

À l'instar du dispositif actuel, ce mécanisme de capacité a vocation à assurer la viabilité économique de moyens de production, de stockage d'électricité ou d'effacements de consommations indispensables à garantir la sécurité d'approvisionnement électrique du pays.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN MÉCANISME DE CAPACITÉ DONT LA VOCATION INITIALE ÉTAIT DE GARANTIR LA SÉCURITÉ DE L'APPROVISIONNEMENT ÉLECTRIQUE DU PAYS

A. LES MARCHÉS DE L'ÉLECTRICITÉ N'ASSURENT PAS LA VISIBILITÉ ET LA RÉMUNÉRATION NÉCESSAIRES AU DÉVELOPPEMENT ET AU MAINTIEN EN FONCTIONNEMENT DE CAPACITÉS INDISPENSABLES À GARANTIR LA SÉCURITÉ D'APPROVISIONNEMENT ÉLECTRIQUE DU PAYS

De par leur volatilité, les marchés de gros de l'électricité, qu'il s'agisse des marchés dit spot à très court terme ou des marchés à terme, ne donnent pas les incitations de long terme propres à déclencher les investissements nécessaires à la création de capacités pourtant indispensables pour garantir la sécurité d'approvisionnement électrique du pays. À cette instabilité s'ajoute l'insuffisance structurelle de la rémunération apportée aux capacités de pointe et d'extrême pointe, un phénomène connu sous le nom de « missing money ». Dans ces conditions c'est également le maintien en fonctionnement de certaines centrales électriques indispensables à la garantie de la sécurité d'approvisionnement électrique de la France qui est menacé.

Les moyens de production de pointe

Les capacités de production dites de pointe correspondent à des installations de production extrêmement flexibles destinées à ne fonctionner qu'en de rares périodes de fortes tensions sur le réseau, en France, en périodes hivernales. Il s'agit notamment de centrales thermiques telles que les turbines à combustion fonctionnant au gaz ou au fioul mais aussi des stations hydroélectriques de transfert d'énergie par pompage (les STEP).

Source : commission des finances du Sénat

Les pics de consommation correspondent à des périodes de prix élevés qui devraient inciter à investir dans de nouvelles installations offrant des capacités de pointe. Or, les détenteurs de capacités de production ou d'effacement ne reçoivent qu'une rémunération pour l'énergie produite ou la consommation effacée pendant les périodes de pointe dont le prix est plafonné pour protéger les consommateurs. Les installations de pointe sont ainsi confrontées au phénomène dit de « missing money », c'est-à-dire leur incapacité, dans le cadre du fonctionnement actuel du marché, à couvrir leurs coûts fixes.

Les effacements de consommation électrique

Un effacement de consommation électrique correspond à la décision d'un consommateur de réduire sa consommation électrique de façon volontaire et pour une période limitée dans le temps. Les effacements de sites professionnels sont notamment utilisés pour atténuer la tension sur le système électrique lors des pics de consommation.

La Commission de régulation de l'énergie définit ainsi les effacements : « en réponse à un signal externe reflétant l'état du système électrique ou les prix sur les marchés de l'énergie, un consommateur peut effacer, c'est à dire réduire ponctuellement sa consommation électrique. Historiquement, un signal tarifaire était envoyé par le fournisseur d'électricité aux sites concernés (tarifs EJP94(*) et TEMPO). En France, les capacités d'effacement peuvent être mobilisées soit par des signaux tarifaires sur les offres de marché ou les tarifs réglementés de vente, soit par des opérateurs non liés aux fournisseurs des sites effacés ».

Les effacements sont également définis par l'article L. 271-1 du code de l'énergie : « un effacement de consommation d'électricité se définit comme l'action visant à baisser temporairement, sur sollicitation ponctuelle envoyée à un ou plusieurs consommateurs finals par un opérateur d'effacement ou un fournisseur d'électricité, le niveau de soutirage effectif d'électricité sur les réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité d'un ou de plusieurs sites de consommation, par rapport à un programme prévisionnel de consommation ou à une consommation estimée ».

Source : commission des finances du Sénat

Dans la pure théorie économique, afin de couvrir ce « missing money », dans les situations de plus fortes tensions sur le réseau électrique, les prix devraient grimper à des niveaux équivalents à plusieurs dizaines de milliers d'euros par MWh. Une telle perspective est bien sûr inimaginable et non souhaitable tant elle se traduirait par une augmentation considérable des prix des factures d'électricité.

Le « missing money » ou pourquoi le marché ne permet pas de rémunérer
les capacités de pointe

L'incertitude en termes de prix sur les marchés de l'électricité est telle que les investissements sur les moyens de pointe peuvent apparaître trop risqués et que les détenteurs de capacités de pointe peuvent anticiper que le marché de l'énergie ne leur permettra pas de couvrir les coûts fixes associés à leur présence dans le système électrique.

Cette dernière imperfection du marché, connue sous la terminologie de « missing money » (« argent manquant »), a été identifiée par Paul Joskow95(*) comme étant l'un des éléments majeurs pouvant remettre en question l'efficacité économique et la fiabilité de la libéralisation des marchés de l'électricité.

Par ailleurs, pour des moyens de production qui ne sont pas « de pointe » mais dont le fonctionnement fait appel à une gestion de stock sur l'année (stock hydraulique au sein d'un lac ou d'une retenue, ou stock de combustible nucléaire au sein d'une recharge), l'incitation à être disponible lors des pointes de consommation dépend des différentiels de prix horaires de l'énergie entre ces périodes de pointe et le reste de l'année. Si les différentiels de prix ne sont pas suffisants, la disponibilité de ces moyens pourrait ne pas être assurée.

Source : l'organisation des marchés de l'électricité, Cour des comptes, 2022

L'évaluation préalable du présent article observe notamment que le « marché de court terme ne permet pas de financer les installations de production d'électricité nécessaires à la sécurité d'approvisionnement des consommateurs, installations qui, en pratique, ne produisent que sur les quelques heures de tension du système, mais dont la valeur assurantielle est grande ».

C'est pour résoudre ces défaillances de marché manifestes et afin de préserver un niveau suffisant de capacités susceptibles de répondre aux situations de fortes tensions sur le système électrique, que des dispositifs de régulation des règles de fonctionnement du marché tels que les mécanismes de capacité ont dû être instaurés.

B. NÉCESSAIRE POUR GARANTIR LA SÉCURITÉ D'APPROVISIONNEMENT ÉLECTRIQUE DU PAYS, LE MÉCANISME DE CAPACITÉ FRANÇAIS ARRIVERA À ÉCHÉANCE EN NOVEMBRE 2026

1. En 2016, après avoir obtenu l'aval de la Commission européenne, la France a instauré un mécanisme de capacité valable pour une période de 10 ans

a) Un dispositif mis en place par la loi « Nome »

Dans les années 2010, la chute des prix observés sur les marchés de gros de l'électricité menaçait très gravement la pérennité économique des installations de production électrique indispensables à la couverture des pointes de consommation hivernale. Le modèle économique des centrales à gaz était tout particulièrement concerné. Or, la fermeture pour des raisons économiques de ces capacités de production menaçait de fortement fragiliser la sécurité d'approvisionnement en électricité à l'échelle européenne. Dans ce contexte, de nombreux États européens ont créé des mécanismes de capacité visant à garantir le modèle économique des installations de production nécessaires à l'équilibre entre l'offre et la demande observée sur le système électrique au cours des périodes de tension.

En France, un mécanisme de capacité a ainsi été prévu par l'article 6 de la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite loi « Nome ». Ce mécanisme était inspiré des recommandations issues du rapport dit « Poignant-Sido » consacré à la maîtrise de la pointe électrique96(*). Après la publication des textes réglementaires d'application et l'approbation de la Commission européenne en 201697(*), puisqu'il constitue une aide d'État au bénéfice des détenteurs de capacité, le dispositif est entré en vigueur pour une durée de dix ans, soit jusqu'en novembre 2026.

Comme a pu le souligner la Cour des compets dans un rapport de 2022 sur les marchés de l'électricité98(*), les revenus générés par ce dispositif doivent permettre à l'exploitant, « en complément des revenus tirés de la vente de son électricité, de couvrir les coûts fixes d'exploitation et d'investissement nécessaires à son fonctionnement ».

b) En France, le choix a été fait d'un mécanisme décentralisé et neutre technologiquement

Le mécanisme de capacité mis en oeuvre en France se fonde sur deux principes structurants.

D'une part, il est décentralisé, dans la mesure où ce sont les fournisseurs qui ont la responsabilité de détenir des garanties de capacité suffisantes pour assurer la couverture de la pointe de consommation correspondant à leur portefeuille de clients. Les coûts d'acquisition de ces garanties sont ensuite répercutés sur la facture des consommateurs et notamment intégrés dans le calcul des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe).

D'autre part, le dispositif français présente aussi la caractéristique d'être neutre technologiquement dans la mesure où il n'est pas réservé à certaines filières de production et qu'il concerne aussi bien les installations déjà existantes que les nouvelles centrales. On parle d'un mécanisme « capacity wide » qui s'oppose notamment au modèle de réserves stratégiques déterminées adopté par d'autres pays européens. À ce titre, la Cour des comptes observait dans son rapport de 2022 précité que ce choix d'absence de ciblage « confère au dispositif une assiette financière importante et conduit donc à la facturation au consommateur d'un coût potentiellement élevé ».

Les garanties de capacité sont échangées sous formes d'enchères sur un marché de capacité géré par la société Epex spot. En parallèle à ce marché de capacité a été instauré, depuis 2019, un mécanisme d'appels d'offres pour des contrats de long terme, dits « contrats pour différence » (CfD), destinés aux acteurs qui proposent de nouvelles capacités de production permettant de répondre aux pointes de consommation. Un mécanisme similaire d'appels d'offres est également destiné à développer les effacements de consommation.

Les typologies de mécanismes de capacité varient d'un pays à l'autre

En Europe, treize États (douze dans l'Union européenne et le Royaume-Uni) ont fait le choix d'introduire des mécanismes de capacité pour atteindre leurs objectifs de sécurité d'approvisionnement. Toutefois, la notion de sécurité d'approvisionnement recouvre des définitions variées selon les États membres, et se traduit par conséquent par des indicateurs de suivi dissemblables.

Ces différents mécanismes peuvent être segmentés selon une typologie établie en 2016 par la Commission européenne dans le cadre de son enquête sectorielle sur le mécanisme de capacité.

Elle distingue les mécanismes ciblés, qui ne vont rémunérer que la capacité additionnelle mobilisée durant les périodes de pointe de consommation, des mécanismes « market wide » ou « capacity wide » (cas du mécanisme français), qui rémunèrent l'ensemble des capacités existantes. Elle distingue également les mécanismes basés sur le volume (« volume-based »), où le volume de capacité à pourvoir est fixé, des mécanismes basés sur le prix (« price-based »), dans lesquels le prix de rémunération de la capacité est fixé.

De ce fait, des différences apparaissent entre les pays sur les critères d'éligibilité des filières.

En Allemagne, les mécanismes de capacité sont ciblés vers certaines filières qui constituent des réserves stratégiques : les capacités de production spécifiquement dédiées à la sécurisation de la pointe ne sont activées qu'en cas de besoin.

Au Royaume-Uni, mécanisme le plus proche du modèle français, l'ensemble des capacités de production est éligible au mécanisme de capacité, à l'exception toutefois de celles qui bénéficient par ailleurs de subventions publiques, comme les énergies renouvelables.

Source : L'organisation des marchés de l'électricité, Cour des comptes, 2022

Les mécanismes de capacité en Europe

Source : site internet du courtier Opéra énergie

L'évaluation préalable du présent article observe que le mécanisme de capacité vise à apporter « à tous les actifs nécessaires à la sécurité d'approvisionnement une rémunération dépendant de leur disponibilité et non pas seulement de leur production. Cette rémunération assurantielle, complémentaire aux seuls revenus énergie, permet de couvrir le missing money des producteurs et d'éviter des décisions de mise sous cocon ou de fermeture des moyens de pointe ».

c) Un coût pour les consommateurs mais des bénéfices sociaux-économiques évalués entre 100 et 300 millions d'euros par an

Dans le bilan du mécanisme qu'il a réalisé en 202199(*), Réseau de transport d'électricité (RTE) a estimé que celui-ci avait permis d'éviter la fermeture de centrales de pointe dont la viabilité économique était sérieusement menacée100(*), pour une puissance équivalente de 2 à 3,5 GW.

Ce dispositif est coûteux pour les consommateurs puisque d'après RTE, selon les années, il représente entre 500 millions d'euros et 1,2 milliard d'euros des factures d'électricité, correspondant à une fourchette allant de 0,9 à 2 euros par MWh. Cependant, au global, d'après RTE, les bénéfices socio-économiques qu'il génère excèderaient ce coût de de 100 à 300 millions d'euros par an. Le bilan coût-bénéfice du mécanisme serait donc positif.

2. Le fonctionnement du mécanisme de capacité français

Le mécanisme de capacité actuellement en vigueur en France est régi par les articles L. 335-1 à L. 335-7 du code de l'énergie. Il prévoit ainsi que, pour contribuer à la sécurité en approvisionnement d'électricité, les « acteurs obligés » du dispositif, c'est-à-dire essentiellement les fournisseurs d'électricité, doivent justifier chaque année d'un volume de garanties de capacités (de production, de stockage ou d'effacements de consommation) destiné à couvrir la consommation de leurs clients au cours des périodes de pointe de consommation qui mettent sous tension l'équilibre offre-demande sur le système électrique.

Présentation schématique du fonctionnement du mécanisme de capacité
en France

Source : site internet d'Électricité de France (EDF)

L'article L. 335-2 du code de l'énergie dispose notamment à ce titre que « chaque fournisseur d'électricité doit disposer de garanties directes ou indirectes de capacités d'effacement de consommation et de production d'électricité pouvant être mises en oeuvre pour satisfaire l'équilibre entre la production et la consommation sur le territoire métropolitain continental, notamment lors des périodes où la consommation de l'ensemble des consommateurs est la plus élevée. Les obligations faites aux fournisseurs sont déterminées de manière à éviter à moyen terme la défaillance du système électrique ».

Les garanties de capacité peuvent être acquises par les fournisseurs :

- soit en investissant directement dans des moyens de production, de stockage d'électricité ou bien d'effacement de consommation électrique101(*) ;

- soit en faisant appel à des exploitants de production, de stockage ou d'effacement qui prennent des engagements de disponibilité de leurs capacités au moment des périodes de tension sur le système électrique.

Cette seconde solution peut être mise en oeuvre à travers des contrats signés de gré à gré avec les exploitants ou bien via des enchères organisées sur un marché secondaire décentralisé géré par la société EPEX spot.

Les capacités des exploitants participant au mécanisme doivent avoir été préalablement certifiées par RTE102(*) avec lequel ils signent des contrats de certification. A posteriori, RTE effectue des contrôles pour de vérifier que les acteurs obligés ont bien détenu le niveau des garanties de capacités nécessaires à la consommation de leurs clients aux heures de pointes. Les écarts constatés font l'objet de pénalités financières.

Comme la Cour des comptes le souligne dans son rapport précité de 2022, en théorie, « les exploitants de capacités certifiées doivent demander pour celles-ci un prix équivalent à leur missing money, soit la part de leurs coûts fixes d'exploitation non couverts par les revenus qu'ils anticipent du marché de l'énergie ».

La valeur de marché de la capacité correspond ainsi au prix d'équilibre résultant de la rencontre de l'offre et de la demande totales de capacités lors des enchères. Certaines des critiques portant sur le mécanisme actuel tiennent à la très faible lisibilité sur le prix de marché de la capacité telle qu'elle résulte des enchères (voir le graphique ci-après) ainsi qu'au manque de compréhension des déterminants qui conduisent à sa construction.

Évolution du prix de la capacité de 2017 au premier trimestre 2024

(prix en euros par MW de la dernière enchère de l'année)

Source : site internet du courtier Opéra énergie

Comme le souligne l'évaluation préalable du présent article, cette problématique « conduit à ce que les producteurs de certains moyens de production, d'effacement ou de stockage, nécessaires à la sécurité d'approvisionnement, génèrent des revenus très incertains du fait des fortes incertitudes à la fois sur le nombre d'heures où ils vont être appelés et sur le prix qu'ils vont capter ». Cette situation contribue à atténuer l'efficacité du mécanisme de capacité actuellement en vigueur en France.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA CRÉATION, À L'HORIZON DE LA FIN DE L'ANNÉE 2026, D'UN MÉCANISME DE CAPACITÉ RÉFORMÉ DOTÉ D'UN VOLET FISCAL

Le présent article a pour objet de substituer au mécanisme de capacité actuel, qui doit s'éteindre à la fin de l'année 2026, un nouveau dispositif régi par le code de l'énergie mais aussi, pour son volet fiscal, par de nouvelles dispositions du code des impositions sur les biens et services.

À l'instar du dispositif actuel, ce nouveau mécanisme de capacité, parce qu'il constitue une entorse au fonctionnement libre du marché de l'énergie assimilable à une aide d'État au sens du droit de l'Union européenne, doit être notifié et préalablement autorisé par la Commission européenne.

Aussi, comme le prévoit le IV du présent article, l'entrée en vigueur des dispositions législatives visant à créer ce nouveau mécanisme de capacité et la nouvelle taxe qui doit permettre de le financer n'interviendrait-elle qu'à une date fixée par décret ne pouvant être postérieure de plus de six mois à l'autorisation délivrée par la Commission européenne.

A. L'INTÉGRATION DANS LE CODE DES IMPOSITIONS SUR LES BIENS ET SERVICES DU VOLET FISCAL DU NOUVEAU MÉCANISME DE CAPACITÉ

1. Au préalable, la définition des notions principales nécessaires à la mise en oeuvre du volet fiscal du nouveau mécanisme de capacité

Dans le cadre de la création du volet fiscal du nouveau mécanisme de capacité au sein du code des impositions sur les biens et services103(*), le 2° du I du présent article propose d'intégrer au chapitre II du titre II du livre III du même code104(*) une section « dispositions communes » visant à définir les principales notions nécessaires à l'application de ce nouveau dispositif fiscal.

Les quatre articles qui composeraient cette section (les articles L. 322-1 à L. 322-4) définissent ainsi :

- le réseau public de transport d'électricité et le gestionnaire de ce réseau : la société Réseau de transport d'électricité (RTE) ;

- les réseaux public de distribution d'électricité et les gestionnaires de ces réseaux : la société Enedis, les entreprises locales de distribution (ELD) ou la société Électricité de France (EDF) dans les zones non interconnectées (ZNI) ;

- les réseaux publics de transport de gaz et leurs gestionnaires, en pratique les sociétés GRTgaz et Téréga ;

- les réseaux publics de distribution de gaz et leurs gestionnaires : la société Gaz réseau distribution France (GRDF) et des entreprises locales de distribution (ELD).

2. La création d'une taxe de répartition des coûts du mécanisme de capacité acquittée par les fournisseurs d'électricité

Dans la perspective d'instaurer le volet fiscal du nouveau mécanisme de capacité, le 3° du I du présent article prévoit de créer, au sein du chapitre II « Énergie » du titre II « Taxes ne relevant pas du régime général d'accise »105(*) du livre III « Énergies, alcools et tabacs » du code des impositions sur les biens services une nouvelle section 2 « Utilisation, distribution et transport » composée d'une sous-section unique « Taxe de répartition des coûts du mécanisme de capacité ». Cette sous-section serait elle-même composée de dix-sept articles (de l'article L. 322-5 à l'article L. 322-21).

a) Une taxe pesant sur les fournisseurs d'électricité en fonction de l'utilisation par leurs clients du système électrique au cours des périodes de tension de ce dernier

L'article L. 322-5 créée une taxe de répartition des coûts du mécanisme de capacité. L'article L. 322-6 prévoit que cette taxe s'applique à la fourniture ou à la consommation d'électricité :

d'un contributeur au mécanisme de capacité106(*), c'est-à-dire les fournisseurs107(*) ;

lorsqu'elle celle-ci intervient au cours des périodes de tension108(*) du système électrique.

L'article L. 322-16 précise que le contributeur au mécanisme de capacité, c'est-à-dire les fournisseurs, est redevable de la taxe de répartition des coûts du mécanisme de capacité.

S'agissant ensuite de la période de tension du système électrique109(*), l'article L. 322-9 précise qu'elle doit s'entendre de celle qui est définie à l'article L. 316-4 du code de l'énergie créé par le 9° du II du présent article (voir infra).

En cohérence avec les dispositions des articles L.322-5 à L. 322-9, l'article L. 322-12 indique que « le fait générateur de la taxe est constitué par la fourniture ou la consommation d'électricité par un contributeur au mécanisme de capacité, lorsqu'elle intervient pendant la période de tension de ce système ».

L'article L. 322-10 précise quant-à-lui que le territoire de taxation correspond au territoire métropolitain continental tandis que l'article L. 322-11 prévoit que les mesures réglementaires prises en application ou pour l'application de la taxe sont prises après avis de la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

b) Un montant de taxation calibré pour financer le coût des rémunérations versées par RTE aux exploitants qui participent au mécanisme de capacité

L'article L. 322-13 prévoit les règles de calcul du montant de la taxe. Ce montant serait égal au produit entre les deux facteurs suivants :

- d'une part le quotient entre, au numérateur, le montant à financer pour une période donnée au titre du mécanisme de capacité (c'est-à-dire les achats de capacité par RTE) et au dénominateur, la puissance soutirée sur le système électrique par l'ensemble des contributeurs au mécanisme de capacité110(*) ;

la puissance électrique soutirée par contributeur pendant les périodes de tension du système électrique.

Le même article prévoit qu'il revient à la CRE de constater le montant de la taxe et les composantes de son calcul sur proposition de RTE.

À ce titre, en complétant l'article L. 134-1 du code de l'énergie, le 3° du II du présent article prévoit que, par une décision publiée au Journal officiel, la CRE « précise les règles concernant l'étendue et les modalités de l'obligation incombant au gestionnaire du réseau public de transport d'électricité de lui communiquer les documents, données et informations nécessaires » à la constatation par le régulateur du montant et des composantes du calcul de la taxe de répartition des coûts du mécanisme de capacité. Cette dernière mission est explicitement confiée à la CRE par le du même II qui crée pour ce faire un nouvel article L. 134-9-1 dans le code de l'énergie. Par ailleurs, cette mission est aussi mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 322-13 du code des impositions sur les biens et services (voir supra) également créé par le présent article.

Fondamentalement, le montant de la taxe est donc calibré pour financer le coût des rémunérations versées par RTE aux exploitants qui participent au mécanisme de capacité.

Dans cette perspective, l'article L. 322-14 définit quant à lui la notion de « montant à financer pour une période de livraison » utilisée dans la formule de calcul du montant de la taxe prévue à l'article L. 322-13 (voir supra). Pour une période de livraison donnée, ce montant correspond à la somme des quatre éléments suivants :

- premièrement, les rémunérations versées par RTE au titre du mécanisme de capacité et pour cette période aux exploitants de capacités de production, de stockage et d'effacement de consommation majorées de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) assise sur celles-ci et non déductible par RTE111(*) ;

- deuxièmement, la prise en compte de rattrapages éventuels dus à des écarts constatés entre le produit de la taxe et les rémunérations versées par RTE au titre de périodes antérieures ;

- troisièmement, les montants échangés entre RTE et les exploitants participant au mécanisme de capacité exigibles au titre d'une période antérieure mais qui n'auraient pas été pris en compte dans le calcul du montant à financer pour cette période ;

- quatrièmement, les montants dus à RTE au titre de la taxe ou de contrats avec les exploitants participant au mécanisme de capacité exigibles au titre d'une période antérieure mais devenus « définitivement irrécouvrables ».

L'article 322-15 définit quant à lui la notion de « puissance soutirée sur le système par le contributeur » au mécanisme de capacité. Celle-ci correspond au quotient entre :

- au numérateur, la quantité totale d'électricité112(*) fournie ou consommée par le contributeur au cours d'une période de tension du système électrique113(*) ;

- au dénominateur, la durée de la période de tension du système électrique.

L'article L. 322-18 prévoit que le montant dû par chaque contributeur114(*) est constaté par RTE au moyen d'une notification adressée à ce redevable.

L'article L. 322-20 précise que le contentieux de la nouvelle taxe est régi par des dispositions du code de l'énergie et son recouvrement par celles du code des procédures civiles d'exécution. La nouvelle rédaction de l'article L. 321-17 du code de l'énergie proposée au 10° du II du présent article prévoit par ailleurs que RTE sera également chargé du recouvrement de la taxe.

Enfin, l'article L. 322-21 renvoie la détermination de l'affectation de la taxe à l'article L. 316-2 du code de l'énergie (voir infra).

B. L'INTÉGRATION DANS LE CODE DE L'ÉNERGIE DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES NÉCESSAIRES À L'ENTRÉE EN APPLICATION D'UN NOUVEAU MÉCANISME DE CAPACITÉ CENTRALISÉ PAR RTE

Le II du présent article prévoit d'apporter des modifications et des compléments au code de l'énergie afin de déterminer les dispositions législatives nécessaires à l'instauration d'un nouveau mécanisme de capacité qui aurait vocation à remplacer le modèle actuel pour une entrée en vigueur après l'autorisation de la Commission européenne.

Pour ce faire, le 9° du II du présent article prévoit l'instauration du nouveau mécanisme de capacité en complétant le titre Ier du livre III du code de l'énergie par un nouveau chapitre VI « Le mécanisme de capacité » qui serait composé de treize articles (de l'article L. 316-1 à l'article L. 316-13).

L'article L. 316-1 prévoit ainsi que, dans le but d'assurer le respect du critère de sécurité d'approvisionnement en électricité, « un mécanisme de capacité est institué ». Ce même article précise que ce mécanisme prend la forme d'une rémunération versée par RTE aux exploitants de capacités de production, de stockage et d'effacement de consommation en contrepartie de leurs engagements de disponibilité durant les périodes de tension du système électrique. L'article L. 316-2 prévoit que le produit de la taxe de répartition des coûts du mécanisme de capacité prévue par le code des impositions sur les biens et services (voir supra) est affecté à RTE pour financer cette rémunération.

Les 1°, 2°, 8°, 12° et 13° du II du présent article prévoient quant à eux de modifier, de supprimer ou d'abroger dans les dispositions actuellement en vigueur du code de l'énergie des références diverses à l'actuel mécanisme de capacité pour leur substituer les nouvelles références liées au nouveau dispositif. De même, le III du présent article prévoit de supprimer une mention relative à ce mécanisme qui figure à l'article 283 du code général des impôts.

1. La définition du besoin en capacités pendant les périodes de tension du système électrique

En vertu des dispositions de l'article L. 316-4, c'est le ministre chargé de l'énergie qui arrête, sur proposition de RTE et après avis de la CRE, les périodes de livraison déterminées sur une base annuelle et les périodes de tension du système électrique. Ces dernières doivent s'entendre « pour chaque période de livraison, de l'ensemble des heures de tension pour le système électrique. Le cumul de ces heures est compris entre cent et cinq cents heures et elles sont réparties sur au plus soixante jours ».

Pour chaque période de livraison déterminée, le mécanisme suppose une évaluation du besoin en capacités de production, de stockage et d'effacement nécessaire à équilibrer le système électrique en période de tension. Le même article L. 316-4 prévoit que c'est là encore le ministre chargé de l'énergie qui approuve ces besoins sur proposition de la CRE, elle-même fondée sur un rapport de RTE.

L' article L. 316-5 prévoit quant à lui que la CRE estime, sur proposition de RTE et « au plus tard au premier jour du mois qui précède le début de chaque période de livraison, les quantités d'électricité consommées pendant la période de tension du système électrique correspondante, corrigées pour correspondre à une température extrême représentative des risques contre lesquels le système cherche à se couvrir pour assurer la sécurité d'approvisionnement ».

2. La sélection des exploitants à même de couvrir le besoin en capacité aux moyens d'enchères centralisées par RTE

Une fois le besoin en capacité estimé pour assurer l'équilibre offre-demande sur le réseau électrique en période de tension, il convient d'identifier les installations qui pourraient être mobilisées pour garantir l'apport au système de ces quantités de capacités. C'est dans cette perspective que l'article L. 316-6 prévoit que, pour satisfaire ce besoin de capacité, RTE « sélectionne des installations de production, de stockage et d'effacement de consommation dans le cadre de procédures concurrentielles, sur la base de critères transparents et non discriminatoires ». Cette sélection se matérialisera ainsi par l'organisation d'enchères au cours desquelles des exploitants proposeront des engagements de disponibilités de capacité lors des périodes de pointes en l'échange d'un prix. Le résultat de ces enchères déterminera la rémunération versée par RTE aux exploitants et, par-là, le prix de ces engagements de capacité.

Le même article précise que ces procédures de sélection concurrentielles devront être organisées « selon une anticipation et des modalités suffisantes pour permettre le développement de ces installations ». Selon les cas et en fonction de la nature des installations, ces procédures « peuvent prévoir l'obligation pour les exploitants d'offrir un volume minimal de capacité (...) ou d'offrir l'intégralité de leur capacité disponible prévisionnelle ».

À l'instar des mesures particulières mises en oeuvre dans le cadre du mécanisme de capacité actuel, notamment à travers des contrats pour différence (CfD), pour encourager le développement de nouvelles capacités, l'article L. 316-6 indique que les procédures de sélection de RTE « peuvent prévoir des modalités spécifiques pour les nouvelles capacités (...) y compris en intégrant une rémunération pluriannuelle pour leur disponibilité ». Cette dernière mention est une référence explicite à la possibilité de mettre en oeuvre des mécanismes de CfD pour ce type d'installations.

Au-delà même de la volonté de stimuler la création de nouveaux moyens de capacités, l'article ajoute que les procédures de sélection peuvent également prévoir « des modalités plus favorables » spécifiquement dédiées aux installations de stockage et d'effacement de consommation et ce, « dans le but d'atteindre les objectifs nationaux de développement de ces moyens fixés par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) ».

Enfin le même article précise que des installations situées dans d'autres pays de l'Union européenne pourront également être prises en compte pour satisfaire le besoin en capacités. Un décret en Conseil d'État devra déterminer les conditions de cette prise en compte.

3. Les exploitants participant au mécanisme prendront des engagements contraignants de disponibilité de leurs capacités en période de tension qui seront contrôlés

L'article L. 316-7 traite des engagements de disponibilité au cours des périodes de tension de la période considérée que doivent prendre les exploitants sélectionnés dans le cadre du mécanisme. Il précise que ces engagements sont formalisés dans un contrat conclu avec RTE. Alors que le mécanisme actuel est critiqué sur cet aspect, l'article ajoute que « ce contrat précise les conditions dans lesquelles est assuré le contrôle de la disponibilité de la capacité faisant l'objet de l'engagement de disponibilité ».

L'article L. 316-8 précise que les engagements de disponibilité des exploitants doivent nécessairement porter sur des capacités qui ont été préalablement certifiées par RTE115(*) selon des méthodes « transparentes et non discriminatoires » qui doivent tenir compte « des caractéristiques techniques » desdites capacités.

Le 11° du présent article prévoit que les gestionnaires de réseau de distribution d'électricité, à savoir Enedis et les ELD, certifient les installations qui sont raccordées à leur réseau et transmettent à RTE leur disponibilité effective pour que ces installations puissent conclure avec RTE un engagement de disponibilité au titre du mécanisme de capacité.

L'article L. 316-9 entend quant à lui exclure du mécanisme de capacité les installations de production d'électricité à base de carburants fossiles les plus émettrices de CO2 fonctionnant au charbon ou au fioul lourd. Cette exclusion était déjà prévue par le dispositif actuel116(*).

Par ailleurs, l'article L. 316-12 précise quant à lui que chaque exploitant est réputé être responsable de tout écart entre les capacités qu'il a effectivement mises à dispositions et les engagements qu'il avait pris en ce sens dans le contrat qui le lie à RTE117(*). Dans l'hypothèse où les capacités effectivement mises à disposition par cet exploitant s'avèreraient inférieures à ses engagements, il serait alors redevable d'une pénalité financière versée à RTE118(*).

Comme c'est déjà le cas pour le dispositif actuel119(*), le nouvel article L. 321-16-1, dont la création est proposée au 10° du II du présent article, prévoit que c'est RTE qui mesurera les écarts entre les engagements des exploitants et les capacités réellement déployées, selon une méthode qu'il aura proposée et qui aura préalablement été approuvée par le ministre après avis de la CRE.

4. Un dispositif de sanctions des manquements

S'agissant de la sanction des manquements qui seraient constatés dans le cadre de la mise en oeuvre du nouveau mécanisme de capacité, le du II du présent article prévoit quant à lui120(*) que le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) pourra être saisi de différents portant sur la constatation de la taxe de répartition des coûts du mécanisme de capacité.

Dans la même perspective, le du même II prévoit121(*) que le CoRDiS pourra, soit d'office, soit à la demande du ministre chargé de l'énergie, d'une organisation professionnelle, du président de la CRE, de l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie ou de toute autre personne concernée, sanctionner les manquements aux règles relatives au nouveau mécanisme de capacité, des manquements définis par ailleurs par les nouveaux articles L. 316-10 et L. 316-11 que le 9° du II du présent article entend créer.

En outre, le 7° du II propose de modifier l'article L. 134-29 de sorte que la procédure de constatation de manquements actuellement prévue par le code de l'énergie122(*) s'applique au nouveau mécanisme de capacité.

5. Une disposition pour prévoir la suspension du mécanisme s'il se révélait inutile

L'article L. 316-3 prévoit quant à lui l'éventualité de la suspension du mécanisme de capacité dans l'hypothèse où ni le bilan prévisionnel pluriannuel réalisé par RTE ni les études réalisées à l'échelle européenne123(*) n'identifieraient de « difficultés d'adéquation des ressources », c'est-à-dire de risques sur la sécurité d'approvisionnement en électricité, « en l'absence de mécanisme de capacité ». Cette disposition relève d'une mise en conformité du nouveau dispositif avec le droit de l'Union européenne pour lequel le mécanisme de capacité est une entorse à liberté du marché européen de l'électricité et qu'il ne peut être autorisé qu'à condition qu'il réponde à des insuffisances de ce marché. Elle est déjà prévue pour le mécanisme actuel124(*).

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LE RENOUVELLEMENT INDISPENSABLE D'UN MÉCANISME DE CAPACITÉ RECONFIGURÉ POUR MIEUX RÉPONDRE AUX ENJEUX RENOUVELÉS DE LA SÉCURITÉ D'APPROVISIONNEMENT ÉLECTRIQUE

A. LES ENJEUX RENOUVELÉS DE LA SÉCURITÉ D'APPROVISIONNEMENT ÉLECTRIQUE RENDENT D'AUTANT PLUS NÉCESSAIRE LE MAINTIEN D'UN DISPOSITIF DE RÉMUNÉRATION DES CAPACITÉS ÉLECTRIQUES DE POINTE

1. Des enjeux de sécurité d'approvisionnement renouvelés

L'électricité présente la particularité de ne pas pouvoir être stockée dans de grands quantités et sur de longues périodes. Cette caractéristique implique qu'à tout moment l'offre d'électricité doit permettre de couvrir la demande afin d'assurer l'équilibre sur le réseau électrique. Des déséquilibres localisés sur le réseau peuvent se propager à l'ensemble du système électrique et générer des coupures de courant (black-out) généralisées qui seraient lourdes de conséquences et très coûteuses pour le tissu économique et la société dans son ensemble.

Dans ces conditions, les enjeux de la sécurité d'approvisionnement électrique sont cruciaux. Ils le sont d'autant plus à mesure de l'électrification des activités, du développement de nouveaux usages, du phénomène de digitalisation et de la place croissante prise par les nouvelles technologies dans nos modes de vie. L'approvisionnement en électricité conditionne et régit de plus en plus le fonctionnement de nos économies, de nos activités et de nos démocraties. Il leur est devenu consubstantiel.

Si l'on comprend de façon générale ce qu'il suppose, l'objectif de sécurité d'approvisionnement fait l'objet fait l'objet d'une définition réglementaire et de critères définis dans le code de l'énergie (voir encadré ci-après).

Qu'est-ce que la sécurité d'approvisionnement ?

L'article 194 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) dispose que l'énergie fait partie des compétences partagées entre l'Union et ses États membres, et précise que les mesures mises en place par l'Union ne doivent pas remettre en cause le droit d'un État membre de déterminer lui-même la structure générale de son approvisionnement énergétique. Les États membres sont notamment responsables du choix de leur niveau de sécurité d'approvisionnement qui relève d'une compétence nationale.

La sécurité d'approvisionnement est un objectif de la politique énergétique française125(*). L'électricité ne pouvant être stockée en grande quantité pour l'instant, il est nécessaire que la quantité d'électricité injectée dans le réseau soit à tout moment égale à la quantité d'électricité consommée. Un déséquilibre local peut se propager au système électrique tout entier et conduire à des coupures voire un black-out généralisé aux conséquences socio-économiques majeures.

Couvrir tous les risques, même ceux dont la survenance est statistiquement très improbable, en toutes circonstances, serait trop coûteux pour le pays. Aussi, le niveau de sécurité d'approvisionnement électrique attendu correspond à un risque de défaillance, économiquement, socialement et politiquement acceptable fixé par les pouvoir publics126(*).

En France, le critère de défaillance pour dimensionner le parc de production a historiquement été le « critère des trois heures ». Ce critère était utilisé par EDF pour dimensionner le parc de production électrique, sur la base d'un arbitrage économique. La signification concrète de ce critère sera abordée au paragraphe suivant.

Le décret n° 2021-1781 du 23 décembre 2021 relatif au critère de sécurité d'approvisionnement électrique a précisé les choses : « le critère de sécurité d'approvisionnement mentionné à l'article L. 141-7 du code de l'énergie est tel que :

- la durée moyenne de défaillance annuelle est inférieure à trois heures ;

- la durée moyenne de recours au délestage pour des raisons d'équilibre offre-demande est inférieure à deux heures ;

- et la défaillance se définit comme la nécessité de recourir aux moyens exceptionnels, contractualisés et non contractualisés, pour assurer l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité. Les moyens exceptionnels incluent le recours aux capacités interruptibles mentionnées à l'article L. 321-19 du code de l'énergie, l'appel aux gestes citoyens, la sollicitation des gestionnaires de réseaux de transport frontaliers hors mécanismes de marché, la dégradation des marges d'exploitation, la baisse de tension sur les réseaux, et en dernier recours le délestage de consommateurs127(*) ».

Source : Éclairer l'avenir : l'électricité aux horizons 2035 et 2050, rapport n° 714 (2023-2024) fait au nom de la commission d'enquête sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050, Vincent Delahaye, juillet 2024

Dans son bilan prévisionnel 2023, RTE a souligné qu'en raison des mutations à venir du système de production électrique national comme du développement de nouveaux usages et des perspectives d'électrification des activités, les enjeux de la sécurité d'approvisionnement électrique allaient être bouleversés dans les prochaines années. La diminution des capacités de production flexibles, c'est-à-dire capables de moduler rapidement leur niveau de production pour s'adapter à la demande, du parc électrique français placent aujourd'hui notre système électrique dans une situation de tension.

RTE soulignait ainsi dans son bilan prévisionnel « qu'au cours des quinze dernières années, le niveau de risque sur la sécurité d'approvisionnement en électricité s'est accru en France ». RTE précise dans la même étude que la mise à l'arrêt de centrales thermiques qui sont intrinsèquement « pilotables » et donc flexibles a été l'une des causes principales de cette fragilisation de la sécurité d'approvisionnement : « la fermeture progressive du parc de centrales thermiques les plus anciennes et les plus émettrices de gaz à effet de serre (centrales au charbon et au fioul) a constitué un fait majeur des quinze dernières années ».

Afin d'assurer l'équilibrage du réseau électrique dans les prochaines années, le développement des flexibilités électriques, de la demande comme de l'offre d'électricité, sera déterminant. Il s'agira notamment de développer massivement le pilotage de la demande électrique afin, lorsque les usages le permettent, de déplacer la consommation aux moments où la tension qui s'exerce sur le réseau électrique est la moins forte. Le développement de l'usage des batteries électriques, notamment celles des véhicules constitue un levier potentiellement important dans cette perspective.

Au-delà des opportunités de développement de la flexibilité de la demande électrique, la flexibilité du parc de production doit également être renforcée. Dans certains scénarios modélisés par RTE, cela pourrait devoir se traduire par la nécessité de construire à l'horizon 2030, de nouvelles centrales thermiques capables d'être activées lors des pointes de consommation pour couvrir la demande électrique. Ainsi, RTE estime que dans certaines hypothèses défavorables, des unités thermiques complémentaires pourraient s'avérer nécessaire pour une puissance installée supplémentaire allant jusqu'à 5 gigawatts.

En toute hypothèse, dans son rapport, RTE met clairement en évidence que si les capacités pilotables actuelles du parc de production électrique français venaient à se réduire davantage, la sécurité d'approvisionnement du pays serait en danger. Dans ces conditions, il est notamment impératif de maintenir en fonctionnement les centrales à gaz du parc français, d'autant qu'elles sont pour la plupart d'entre-elles récentes et performantes. RTE est très clair à ce sujet : « les centrales à gaz françaises sont récentes et ne pourraient être fermées dans les prochaines années sans conséquences importantes pour la sécurité d'approvisionnement ». Cette analyse vaut également pour les autres centrales thermiques du parc de production national.

Toujours dans la perspective de garantir notre sécurité d'approvisionnement en toutes circonstances, une autre question reste en suspens, celle du devenir des deux dernières centrales à charbon de notre parc de production. En cohérence avec les analyses de RTE sur la sécurité d'approvisionnement, le nouveau Plan national énergie-climat de la France conditionne la mise à l'arrêt de ces deux unités au redressement de la productivité des réacteurs du parc nucléaire historique : « la mise à l'arrêt définitive des deux dernières centrales à charbon est possible mais à des conditions strictes sur le plan de la sécurité d'approvisionnement : le rétablissement d'une disponibilité élevée du parc nucléaire, et de manière spécifique, le fonctionnement nominal de l'EPR de Flamanville pour la centrale de Cordemais du fait des contraintes spécifiques sur l'alimentation de la Bretagne ».

2. Le système électrique ne pourrait fonctionner sans mécanisme de capacité

Alors que les enjeux relatifs à la sécurité de l'approvisionnement électrique du pays dans les années et décennies qui viennent sont bien réels, les règles du marché européen de l'énergie, comme précisé supra, ne permettent pas d'assurer la viabilité économique des capacités nécessaires à garantir à la France cette sécurité.

C'est pourquoi il existe actuellement un consensus de l'ensemble des acteurs du secteur énergétique pour considérer que notre système électrique ne serait pas viable sans un dispositif permettant de rémunérer la disponibilité de moyens de pointe indispensables pour assurer l'équilibre offre-demande sur le réseau au cours des périodes de tension.

Dans ces conditions, l'instauration d'un nouveau mécanisme de capacité destiné à prendre la relève, qui plus est en plein hiver 2026-2027, du dispositif actuel n'est pas une option. Elle s'impose nécessairement à nous.

B. UN DISPOSISTIF INDISPENSABLE ET OPTIMISÉ, QUI EST LE FRUIT D'UNE CONCERTATION ÉLARGIE

1. Le dispositif proposé est la traduction d'une étude elle-même fruit d'une large concertation conduite par RTE

Dans la perspective de la fin prochaine du mécanisme de capacité actuel, les pouvoirs publics ont demandé à RTE de conduire une large concertation visant à définir les contours d'un nouveau dispositif appelé à lui succéder à la fin de l'année 2026. La conception de ce nouveau dispositif devait s'appuyer sur les enseignements tirés de l'analyse du mécanisme actuel afin d'en corriger les principales imperfections.

Le dispositif proposé par le présent article est la traduction de la proposition faite aux pouvoirs publics par RTE, elle-même résultant de la concertation menée. L'évaluation préalable précise ainsi qu'à l'issue de la concertation, « RTE a proposé de retenir comme objectif une centralisation, une simplification et un recentrage du mécanisme de capacité sur sa vocation première : assurer la viabilité économique des capacités nécessaires au respect du critère de sécurité d'approvisionnement pour chaque période de livraison couvrant un hiver électrique ».

2. Le dispositif proposé a vocation à corriger les principales imperfections du mécanisme actuel

Le retour d'expérience réalisé en 2021 par RTE sur le mécanisme actuel128(*) concluait notamment que le caractère décentralisé du dispositif auprès des « acteurs obligés », c'est-à-dire des fournisseurs, n'apportait aucune plus-value et qu'une centralisation pourrait s'avérer plus lisible et plus efficace. Ce retour d'expérience mettait aussi en exergue l'absence de lisibilité de la formation du prix de la capacité sur les marchés d'échange des garanties de capacité. Enfin, la complexité et les lacunes des contrôles a posteriori de la disponibilité effective des capacités sur laquelle les exploitants s'engagent étaient également identifiées comme des imperfections à corriger dans la perspective du renouvellement de l'outil.

L'évaluation préalable souligne ainsi que « les principales imperfections du mécanisme actuel à corriger sont, d'une part, son caractère décentralisé qui conduit les fournisseurs à minimiser leur obligation de couverture en garanties de capacité et, d'autre part, la lisibilité imparfaite de la formation du prix de ces garanties de capacité ».

Dans sa délibération n° 2024-10 du 18 janvier 2024 sur l'avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, la CRE avait accueilli « favorablement l'évolution de l'architecture du mécanisme » telle qu'elle était proposée. Elle soulignait que la nouvelle configuration envisagée devait permettre de répondre à « plusieurs difficultés identifiées à l'occasion du retour d'expérience de RTE sur le mécanisme actuel ». Il s'agit en particulier de « la complexité du mécanisme de capacité actuel, l'émergence d'un signal prix peu lisible lié à la temporalité diffuse des échanges et à la multiplicité des enchères, et la non-couverture par les acteurs obligés de la totalité de leur estimation d'obligation avant le début d'une année de livraison ».

Dans cette même délibération, la CRE voyait notamment d'un oeil très favorable la centralisation du mécanisme qui répond à des préoccupations qu'elle avait elle-même soulevé dans plusieurs de ses rapports consacrés à la surveillance des marchés de gros de l'électricité.

Dans l'une de ses délibérations antérieures portant sur le mécanisme de capacité129(*), la CRE était même plus explicite encore, soulignant que « le caractère décentralisé de l'obligation n'a pas porté ses fruits entre 2017 et 2019 » et qu'il « n'a pas été déterminant pour le développement de capacités d'effacement ». Parallèlement, elle estimait que « la temporalité diffuse des échanges ne permet pas l'émergence d'un signal prix fiable, et conduit certains exploitants de capacité à intégrer dans leurs offres des prix de réserve alors qu'une grande partie des capacités ont un missing money nul ».

En outre, le dispositif proposé pour prendre la relève du mécanisme de capacité actuel prend en compte les dernières évolutions des normes européennes, révisées dans le cadre de la réforme du marché de l'électricité adoptée en 2024. Comme l'a souligné la commission d'enquête sénatoriale de juillet 2024 sur la production, la consommation et les prix de l'électricité130(*) (voir encadré ci-après), cette réforme a notamment visé à simplifier et à conforter le recours aux mécanismes de capacité pour les États membres.

La rationalisation des mécanismes de capacité prévue par la réforme
du marché européen de l'électricité

La réforme du marché européen de l'électricité a notamment visé à simplifier le mécanisme de capacité, dont les règles étaient jugées trop contraignantes par les États membres qui le mettent en oeuvre, afin d'encourager les investissements dans les énergies renouvelables et leur intégration dans le système électrique.

Les États membres pourront appliquer des régimes de soutien à la flexibilité sur la forme de paiements pour la capacité disponible de la flexibilité non fossile. En outre, ceux qui ont déjà mis en place un mécanisme de capacité devront encourager l'utilisation d'autres flexibilités, telle que le stockage et l'effacement de consommation ou la demande flexible, pour répondre aux besoins en flexibilité sans avoir recours aux énergies fossiles.

Sur la base de l'orientation générale adoptée par le Conseil, il a été introduit une éventuelle dérogation exceptionnelle à l'application des limites d'émissions de COpour les mécanismes de capacité déjà autorisés, dans des conditions strictes et jusqu'au 31 décembre 2028. La demande de dérogation doit être accompagnée d'un rapport contenant une évaluation de l'impact de la dérogation en termes d'émissions de gaz à effet de serre, de même qu'un plan pour acquérir la capacité de remplacement nécessaire conformément à la trajectoire nationale indicative pour la part globale de l'énergie renouvelable. L'accord final prévoit, à ce titre, une exception pour les usines à charbon de la Pologne.

Source : Éclairer l'avenir : l'électricité aux horizons 2035 et 2050, rapport n° 714 (2023-2024) fait au nom de la commission d'enquête sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050, Franck Montauge (président) et Vincent Delahaye (rapporteur), juillet 2024

Ainsi, comme l'encourage la réforme européenne, et comme le souligne l'évaluation préalable de l'article, le nouveau mécanisme de capacité « permettra de développer de nouveaux moyens décarbonés (essentiellement les effacements indissociables de la fourniture ou explicites et le stockage par batteries) pour faire face aux pointes ».

La commission d'enquête sénatoriale précitée avait recommandé, afin notamment de contribuer à faire de la flexibilité « le coeur du fonctionnement du système électrique », « la reconduction rapide d'un mécanisme de capacité réformé, plus stable, plus lisible et recentré sur l'enjeu de sécurité d'approvisionnement ».

3. Le dispositif proposé est neutre pour le budget de l'État mais, comme le mécanisme actuel, il est répercuté sur les factures des consommateurs

Comme le dispositif actuel, son successeur serait neutre pour le budget de l'État au sens où la nouvelle taxe serait affectée à RTE et servirait à couvrir strictement les charges liées à la rémunération des capacités mises à disposition au cours des périodes de tension sur le système électrique.

Le budget de RTE serait quant à lui majoré en recettes comme en dépenses des flux financiers liés au dispositif. D'après l'évaluation préalable, ces flux pourraient atteindre environ 2,5 milliards d'euros par an.

À l'instar du dispositif actuel, via les fournisseurs et la construction des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe), les coûts du nouveau dispositif auront vocation, in fine, à être supportés par les consommateurs. Ils seront en effet répercutés dans les factures d'électricité.

L'objectif poursuivi est néanmoins celui d'une neutralité pour les consommateurs par rapport aux coûts qui auraient résulté du dispositif actuel dans les années à venir, compte tenu des besoins pour assurer la sécurité d'approvisionnement électrique du pays dans un contexte d'électrification croissante des usages.

Le fonctionnement du nouveau dispositif induit cependant un effet de bord, bien identifié, qu'il conviendra de traiter au moment de son entrée en vigueur, afin de garantir sa neutralité financière pour les consommateurs. En effet, comme le signale d'ailleurs l'évaluation préalable, RTE devra s'acquitter de la TVA sur les rémunérations qu'il versera aux exploitants au titre des capacités mises à disposition. Le coût total prévisionnel estimé à environ 2,5 milliards d'euros inclut ainsi 20 % de TVA soit une charge supplémentaire par rapport au mécanisme actuel de l'ordre de 500 millions d'euros.

L'évaluation préalable signale qu'à ce stade, une baisse équivalente de l'accise sur l'électricité serait l'option privilégiée pour neutraliser cet effet au moment de la mise en oeuvre du nouveau dispositif : « cette hausse liée à la TVA non déductible pour RTE, à la fois sur le plan budgétaire et sur les prix, a vocation à être neutralisée intégralement en 2026. Différentes options sont possibles, celle d'une baisse concomitante de l'accise sur l'électricité étant à ce stade privilégiée ».

En outre, l'évaluation préalable souligne que les « effets d'aubaine » dont bénéficieraient les différents affectataires de la TVA en lien avec cette augmentation incidente des recettes de la taxe auront aussi vocation à être neutralisés par des dispositions législatives spécifiques.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 7

Adaptation des tarifs d'accise sur l'électricité et diverses simplifications et sécurisations

Le présent article prévoit :

- de majorer les tarifs de droit commun de l'accise sur l'électricité tout en garantissant une baisse de 9 % des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) en février 2025 ;

- de faire du dispositif de soutien à la production d'électricité et de péréquation tarifaire au profit des zones non interconnectées (ZNI), aujourd'hui porté par des crédits budgétaires, un mécanisme de nature fiscale intégré aux tarifs d'accise appliqués aux consommations d'énergies utilisées pour le chauffage (électricité et combustibles fossiles) ;

- de supprimer l'actuelle contribution sur les gestionnaires de réseau de distribution qui alimente en recettes le compte d'affectation spéciale « Financement des aides à l'électrification rurale » (CAS Facé) pour la remplacer par l'affectation du produit issu d'une majoration du tarif normal d'accise sur l'électricité ;

- d'intégrer au tarif de droit commun de l'accise sur les carburants les actuelles majorations décidées par les régions ;

- de maintenir jusqu'en 2026 la minoration exceptionnelle (0,5 euro par mégawattheure) du tarif de l'accise sur l'électricité appliquée aux industriels électro-intensifs ;

- de mettre en conformité avec le droit de l'Union européenne certains taux de TVA relevant du domaine de l'énergie, en supprimant les taux réduits de 5,5 % applicables à l'abonnement aux offres d'électricité et de gaz naturel.

La crise des prix de l'électricité est désormais derrière nous. La baisse des prix sur les marchés de gros va se traduire par une diminution très attendue du prix des factures d'électricité en février prochain. Dans ces conditions, il est légitime d'achever la sortie du dispositif de bouclier tarifaire en procédant au rétablissement du niveau de fiscalité sur la consommation électrique qui était en vigueur avant la crise. Ce retour à la normale de la fiscalité sur l'électricité est même un impératif compte tenu de l'état de nos finances publiques.

Cependant, il n'apparaît ni juste ni raisonnable, comme le prévoit cet article, d'augmenter, potentiellement dans des proportions très substantielles (de 5 à 25 euros par MWh), la fiscalité appliquée à la consommation électrique au-delà du niveau de fiscalité d'avant la crise. Cette augmentation s'appliquerait à l'ensemble des Français, y compris les plus modestes et les classes moyennes pour lesquels la consommation d'énergie représente une part élevée de leur budget, et toucherait toutes les entreprises ne bénéficiant pas de tarifs réduits. Elle affecterait ainsi directement et de manière non ciblée le pouvoir d'achat de l'ensemble de nos concitoyens. En outre, elle fragiliserait un tissu économique qui a déjà été très exposé aux conséquences de la crise des prix de l'énergie.

Par ailleurs, une telle augmentation de la fiscalité sur l'électricité constituerait un contre-signal peu cohérent avec l'impératif de transition écologique et la nécessaire décarbonation des usages. Parce qu'elle creuserait dans des proportions déraisonnables et au détriment de l'électricité l'écart de fiscalité avec les combustibles d'origine fossile, notamment le gaz, elle pourrait même devenir un puissant facteur désincitatif à la transition écologique.

Aussi, par l'amendement I-1 (FINC.1), la commission propose de relever de 4 euros le tarif des accises sur le gaz, tandis que par son amendement I-2 (FINC.2) elle limite l'évolution de la fiscalité appliquée à l'électricité au strict retour au niveau qui était le sien avant la période de crise.

Les amendement I-3 (FINC.3), I-4 (FINC.4) et I-5 (FINC.5) visent quant à eux à corriger des erreurs matérielles.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : FISCALITÉ SUR L'ÉLECTRICITÉ, ACCISE SUR LES CARBURANTS, FINANCEMENT DE LA PÉRÉQUATION DES TARIFS D'ÉLECTRICITÉ EN ZONES NON INTERCONNECTÉES, CONTRIBUTION ALLOUÉE AUX AIDES À L'ÉLECTRIFICATION RURALE ET TAUX DE TVA SUR LE GAZ ET L'ÉLECTRICITÉ

A. ENTRE 2022 ET 2024, LES TARIFS D'ACCISE SUR L'ÉLECTRICITÉ ONT ÉTÉ MINORÉS POUR ATTÉNUER LES EFFETS DE LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE AU PRIX D'UNE PERTE DE RECETTES DE 20 MILLIARDS D'EUROS POUR L'ÉTAT

1. L'accise sur l'électricité

Depuis le 1er janvier 2022, l'ancienne taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE)131(*), est devenue la « fraction perçue sur l'électricité » de « l'accise sur les énergies » dont les dispositions législatives sont définies aux articles L. 312-1 à L. 312-107 du code des impositions sur les biens et services. Les taxes départementale et communale sur la consommation finale d'électricité ont quant-à-elles été réformées par l'article 54 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021. Elles ont été intégrées (à leur niveau plafond) à l'accise sur l'électricité en tant que majoration de celle-ci. Le produit de ces taxes continue d'être perçu par douzièmes par les collectivités territoriales au moyen du compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales ».

Le fait générateur de cette accise correspond à la livraison de l'électricité par un fournisseur à un utilisateur final. La taxe est exigible au moment de cette livraison. Les redevables de cette accise sont les fournisseurs d'électricité. Elle est assise sur la quantité d'électricité fournie ou consommée, exprimée en mégawattheures (MWh).

a) Les tarifs normaux de l'accise

Depuis le 1er janvier 2023, et après l'intégration de la taxe communale, ses tarifs normaux, présentés à l'article L. 312-37 du code des impositions sur les biens et services, sont de 32,0625 euros le MWh pour les ménages et les petites entreprises, 25,6875 euros le MWh pour les petites et moyennes entreprises et 22,5 euros le MWh pour les entreprises dont la puissance de l'électricité fournie dépasse les 250 kilovoltampères (kVA).

Tarifs normaux de l'accise sur l'électricité

(en euros par MWh)

Catégories fiscales

(prévues à l'article L. 312-24 du CIBS)

Tarif normal

Ménages (puissance inférieure ou égale à 250 kVA) et assimilés (puissance inférieure ou égale à 36 kVA)

32,0625

Petites et moyennes entreprises

(puissance inférieure ou égale à 250 kVA)

25,6875

Haute puissance

(supérieure à 250 kVA)

22,5

Source : commission des finances du Sénat, d'après le code des impositions sur les biens et services

L'accise sur l'électricité est encadrée par les dispositions de la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité. Cette directive fixe notamment132(*) les niveaux minimums de taxation de 0,5 euro par MWh pour les consommations professionnelles et 1 euro par MWh pour les consommations non professionnelles, ainsi que133(*) les exonérations et taux de taxation différenciés compatibles avec le droit de l'Union européenne (UE).

b) Les exonérations et tarifs réduits de l'accise

En conformité avec la norme européenne, le code des impositions sur les biens et services prévoit des exonérations de l'accise pour :

- l'électricité utilisée pour produire elle-même de l'électricité (article L. 312-32) ;

- les doubles usages définis par le droit de l'Union européenne134(*) (article L. 312-66) ;

- les procédés minéralogiques et la production de biens très intensive en électricité (articles L. 312-67 et L. 312-68) ;

- l'électricité produite à bord des bateaux (article L. 312-57) ;

- l'électricité produite par de petits producteurs d'électricité qui la consomment intégralement pour les besoins de leur activité (article L. 312-17) ;

- les achats d'électricité effectués par les gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d'électricité pour les besoins de la compensation des pertes inhérentes aux opérations de transport et de distribution de l'électricité (article L. 312-13).

Ce même code prévoit aussi, toujours en conformité avec le droit de l'Union européenne, une série de tarifs réduits destinés à soutenir l'activité de secteurs économiques qui sont de grands consommateurs d'électricité.

Il est notamment prévu que, pour les personnes qui exercent une activité de transport de personnes et de marchandises par train, métro, tramway, câble, autobus hybride rechargeable ou électrique et trolleybus, le tarif applicable à la consommation d'électricité réalisée pour les besoins de ces activités soit fixé à 0,5 euro par MWh (articles L. 312-50 et L. 312-51).

Un tarif réduit de 7,5 euros par MWh est également appliqué à l'électricité consommée par les exploitants d'aérodromes ouverts à la circulation aérienne publique, dont la consommation totale d'électricité est supérieure à 222 wattheures (Wh) par euro de valeur ajoutée (article L. 312-59).

Un tarif réduit de 0,5 euro par MWh existe pour la fourniture d'électricité aux navires stationnant à quai dans les ports (article L. 312-56).

c) Des tarifs réduits ciblés sur les industries électro-intensives

Des tarifs réduits sont aussi prévus, à l'article L. 312-71, pour les personnes qui exploitent des installations industrielles situées au sein de sites industriels électro-intensifs ou d'entreprises industrielles électro-intensives135(*) (il s'agit notamment des secteurs de l'acier, de la chimie, du papier)136(*). Ces tarifs réduits, fixés entre 2 et 7,5 euros par MWh, sont fonction de l'intensité énergétique des entreprises concernées. Cette intensité énergétique correspond au montant d'accise que devrait l'entreprise en cas d'application du tarif normal rapporté à sa valeur ajoutée.

Pour les personnes qui exploitent des installations hyperélectro-intensives137(*) (il s'agit notamment des secteurs de l'aluminium, du silicium et du chlore-soude)138(*) et fortement exposées à la concurrence internationale (article L. 312-73), le tarif applicable pour les besoins de ces installations est fixé à 0,5 euro par MWh.

Les installations exposées à un risque important de fuite de carbone (article L. 312-72) sont aussi concernées par des tarifs réduits fixés entre 1 et 5,5 euros par MWh selon le niveau d'électro-intensivité de leur activité, de même qu'une partie de l'électricité consommée par les centres de stockage de données numériques à laquelle est appliquée un tarif réduit de 12 euros par MWh (article L. 312-70).

Synthétisés dans le tableau ci-après, ces tarifs réduits sont prévus par le tableau figurant au second alinéa de l'article L. 312-65 du code des impositions sur les biens et services ainsi que, s'agissant des centres de stockage de données, à la cinquième ligne du tableau figurant second alinéa de l'article L. 312-64 du même code.

Tarifs réduits d'accise sur l'électricité appliqué aux industries électro-intensives, y compris les centres de stockage de données

Consommations d'électricité

Niveau minimal d'électro-intensivité

(en % de la valeur ajoutée)

Article du code des impositions sur les biens et services

Tarifs de droit commun

(en euros par MWh)

Centres de stockage de données

2,25 %

L. 312-70

12

Consommations des entreprises ayant une activité industrielle

0,5 %

L. 312-71

7,5

3,375 %

L. 312-71

5

6,75 %

L. 312-71

2

Consommations des installations industrielles relevant de certains secteurs d'activité exposés à la concurrence internationale

0,5 %

L. 312-72

5,5

3,375 %

L. 312-72

2,5

6,75 %

L. 312-72

1

13,5 %

L. 312-73

0,5

Source : commission des finances du Sénat d'après le code des impositions sur les biens et services

2. Depuis 2022, dans le cadre du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité, les tarifs de l'accise ont été minorés pour un coût total de près de 20 milliards d'euros

En raison de la crise des prix de l'énergie qui s'est déclarée à partir de l'automne 2021, des dispositifs d'accompagnement des consommateurs d'électricité ont été mis en place, au premier rang desquels les mesures dites de bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité. Pour 2022 comme 2023, ce bouclier comportait un volet fiscal qui s'est matérialisé par la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité à leurs niveaux minimum autorisés par le droit de l'Union européenne, soit 1 euro/MWh pour les particuliers et 0,5 euros/MWh pour les professionnels139(*). Au titre des années 2022 et 2023, les pertes de recettes cumulées pour l'État résultant de cette minoration sont estimées à 17,1 milliards d'euros.

L'article 92 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 avait prévu une prolongation de la minoration des tarifs d'accise appliquée en 2022 et 2023 tout en l'assortissant d'un mécanisme permettant au Gouvernement de l'époque d'augmenter ces tarifs par voie réglementaire, pour les consommations relevant de tarifs normaux, dans la limite d'une augmentation de 10 % des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) toutes taxes comprises (TTC).

Au moyen d'un arrêté du 25 janvier 2024140(*), le Gouvernement de l'époque a ainsi décidé de relever de 20 euros par MWh les tarifs normaux d'accise à compter du 1er février 2024. Ces tarifs ont ainsi été portés à 21 euros par MWh pour les ménages et à 20,5 euros par MWh pour les professionnels. Les tarifs réduits d'accise n'ont pas été concernés par ce relèvement et sont restés figés en 2024 au niveau minimum autorisé par le droit de l'Union européenne.

La perte de recettes pour l'État liée à cette reconduction, même atténuée, de la minoration des tarifs d'accise sur l'électricité est estimée à 2,7 milliards d'euros par l'évaluation préalable du présent article. Ainsi, au total, le cumul de pertes de recettes pour l'État entre 2022 et 2024 résultant du volet fiscal du bouclier tarifaire aurait atteint près de 20 milliards d'euros.

Cumul des pertes de recettes pour l'État ayant résulté de la minoration
des tarifs d'accise sur l'électricité entre 2022 et 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'évaluation préalable de l'article 7

Comparaison des tarifs normaux d'accise sur l'électricité avec les tarifs minorés en 2022-2023 puis en 2024

(en euros par MWh)

Dénomination du tarif

Tarifs normaux et réduits

Tarifs minorés en 2022 et en 2023

Tarifs minorés en 2024

Tarifs normaux

Ménages et assimilés

32,0625

1

21

Petites et moyennes entreprises

25,6875

0,5

20,5

Haute puissance

22,5

0,5

20,5

Activités de transports

 

Transport guidé de personnes et de marchandises

0,5

0,5

0,5

Transport collectif routier de personnes

0,5

0,5

0,5

Alimentation à quai des engins flottants

0,5

0,5

0,5

Production à bord des navires

0,5

0,5

0,5

Exploitation des aérodromes

7,5

0,5

0,5

Procédés et activités industriels autres que ceux des entreprises électro-intensives

Doubles usages

0

0

0

Fabrication de produits minéraux non métalliques

0

0

0

Production de biens très intensive en électricité

0

0

0

Centre de stockage de données

12

0,5

0,5

Entreprises électro-intensives

Niveau d'électro-intensivité au moins égal à 0,5 %

7,5

0,5

0,5

Niveau d'électro-intensivité au moins égal à 3,375 %

5

0,5

0,5

Niveau d'électro-intensivité au moins égal à 6,75 %

2

0,5

0,5

Concurrence internationale et électro-intensivité 0,5 %

5,5

0,5

0,5

Concurrence internationale et électro-intensivité 3,375 %

2,5

0,5

0,5

Concurrence internationale et électro-intensivité 6,75 %

1

0,5

0,5

Concurrence internationale et électro-intensivité 13,5 %

0,5

0,5

0,5

Tarifs particuliers

Electricité directement consommée par de petits producteurs

0

0

0

Source : commission des finances du Sénat

Évolution du rendement de l'accise sur l'électricité141(*) (2019-2024)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

3. Avant la crise des prix de l'énergie, la fiscalité représentait environ un tiers des factures d'électricité des ménages

Outre l'accise, la consommation électrique est également soumise à la TVA (voir infra) ainsi qu'à la contribution tarifaire d'acheminement (CTA). Cette dernière sert à financer des droits, acquis avant le 1er janvier 2005, relatifs au régime spécial de retraite des entreprises de réseaux de transport et de distribution d'électricité et de gaz naturel.

Avant la crise des prix de l'énergie, au sein des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe), la fiscalité représentait un peu plus d'un tiers du prix payé par le consommateur.

Postes de coûts couverts par la facture au tarif réglementé de vente d'électricité pour un client résidentiel en 2021

Source : commission des finances du Sénat d'après l'observatoire des marchés de détail de l'électricité et du gaz naturel, Commission de régulation de l'énergie, juillet 2021

En raison de la minoration des tarifs d'accise sur l'électricité mise en oeuvre dans le cadre du dispositif de bouclier tarifaire et, en parallèle, de la hausse des prix de l'électricité sur les marchés de gros, la part de la fiscalité dans les factures des ménages avait temporairement chuté à environ 20 % en 2022 et en 2023. En 2024, du fait du relèvement de 20 euros par MWh du tarif normal d'accise par le précédent Gouvernement et de l'amorce d'une baisse des prix de marché, cette part est remontée à environ 24 % d'un TRVe TTC qui représente 251,6 euros par MWh pour un ménage142(*).

Postes de coûts couverts par la facture au tarif réglementé de vente d'électricité pour un client résidentiel en 2024

Source : commission des finances du Sénat d'après l'observatoire des marchés de détail de l'électricité et du gaz naturel, Commission de régulation de l'énergie, septembre 2024

En juillet dernier, la commission d'enquête sénatoriale sur la production, la consommation et le prix de l'électricité143(*) soulignait que « depuis les années 2000 et avant la crise de l'énergie de 2022-2023, la hausse de la fiscalité a été la principale cause d'augmentation des prix de l'électricité, sa part dans la facture évoluant sur cette période de 25 % à près de 35 % ».

B. FINANCÉ PAR DES CRÉDITS DU BUDGET DE L'ÉTAT, LE DISPSOITIF DE PÉRÉQUATION TARIFAIRE DES TARIFS DE L'ÉLECTRICITÉ EN FAVEUR DES ZONES NON INTERCONNECTÉES (ZNI) DEVRAIT COÛTER 3 MILLIARDS D'EUROS EN 2025

1. Les coûts de production de l'électricité en ZNI sont bien supérieurs à ceux de la métropole en raison de la spécificité de ces territoires

Les zones non interconnectées (ZNI) sont des territoires qui ne sont pas connectés au réseau d'électricité continental, ou de façon limitée dans le cas de la Corse. Ils voient ainsi leur approvisionnement en électricité spécifiquement contraint.

Carte des ZNI

Source : Commission de régulation de l'énergie

Les caractéristiques climatiques et géographiques spécifiques des ZNI ainsi que la petite taille de leurs systèmes électriques créent de fortes contraintes pour le mix énergétique, la gestion du réseau électrique et l'approvisionnement. Ces contraintes imposent de recourir à des solutions technologiques adaptées qui entraînent des coûts de production significativement plus élevés qu'en métropole. D'après les données de la CRE, ces coûts atteignaient 326 euros par mégawattheure (MWh) en moyenne en 2022. Ces coûts sont par ailleurs très variables selon les territoires en fonction des caractéristiques du parc de production et du réseau.

Moyenne des coûts de production d'électricité en ZNI (2022)

Source : Commission de régulation de l'énergie

2. Un dispositif de soutien permettant de garantir un prix de l'électricité identique à celui des consommateurs métropolitains

En vertu du principe de péréquation à l'échelle nationale, les consommateurs paient un niveau de facture d'électricité identique à celui de la France continentale. Les surcoûts générés par cette péréquation pour les fournisseurs sont compensés en vertu du mécanisme des charges de service public de l'énergie prévu par des dispositions du code de l'énergie.

En matière d'électricité, le périmètre des charges de service public de l'énergie en ZNI qui ouvrent droit à compensation de l'État est précisé au 2° de l'article L. 121-7 du code de l'énergie.

Celles-ci comprennent :

les surcoûts de production d'électricité supportés dans les territoires concernés par l'opérateur historique pour l'électricité produite par les installations qu'il exploite ;

les surcoûts des ouvrages de stockage d'électricité gérés par le gestionnaire du système électrique ;

les surcoûts d'achat d'électricité supportés dans les territoires concernés ;

- les coûts supportés en raison de la mise en oeuvre d'actions de maîtrise de la demande portant sur les consommations d'électricité (MDE) par les fournisseurs d'électricité ;

- et, enfin, les coûts des études supportés par un producteur ou un fournisseur en vue de la réalisation de projets d'approvisionnement électrique identifiés dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et ce, même si le projet n'est pas mené à son terme.

3. La compensation des charges de service public résultant de ce mécanisme de péréquation est supportée par le budget de l'État

L'ensemble de ces surcoûts supportés par les opérateurs historiques des ZNI144(*) fait l'objet d'une compensation intégrale par l'État145(*). Ces charges, et par voie de conséquence le montant de leur compensation, sont évaluées par la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

Aujourd'hui, cette compensation est financée chaque année par des crédits du budget de l'État inscrits à l'action 11 « Soutien dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain » du programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

En 2025, le montant prévisionnel des compensations des charges liées à cette péréquation tarifaire, devrait dépasser les 3 milliards d'euros, soit une augmentation de près de 600 millions d'euros (+ 19 %) en un an146(*).

Évolution du coût du soutien aux ZNI (2017-2025)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les délibérations de la CRE

D'après la CRE, l'augmentation substantielle du coût prévisionnel du soutien aux ZNI en 2025 est principalement liée à deux phénomènes :

- d'une part, à hauteur de 320 millions d'euros la baisse attendue des TRVe qui mécaniquement conduit à réduire les recettes tarifaires perçues par les opérateurs et donc à accroître leurs charges à compenser ;

- d'autre part, pour 212 millions d'euros, la hausse des coûts du projet de renouvellement et de renforcement de l'interconnexion SACOI (pour Sardaigne-Corse-Italie) qui relie la Corse à l'Italie et à la Sardaigne.

Le projet de renforcement de l'interconnexion SACOI

Les opérations de renouvellement et d'augmentation de la puissance de l'interconnexion dite SACOI (pour Sardaigne-Corse-Italie), l'une des deux interconnexions électriques de la Corse147(*) correspondent à un projet est développé par l'entreprise EDF en partenariat avec le gestionnaire de réseau de transport d'électricité italien TERNA. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de Corse prévoit par ailleurs cette opération afin de porter la capacité de la liaison SACOI à 100 mégawatt (MW).

Ce projet, qui passe notamment par le renouvellement de la station de conversion de Lucciana, est important s'agissant de la sécurité d'approvisionnement électrique de la Corse. Il a d'ailleurs été qualifié de projet d'intérêt commun au sens du règlement européen n° 347/2013 du 17 avril 2013 concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes.

Source : commission des finances du Sénat

C. LES AIDES À L'ÉLECTRIFICATION RURALE SONT FINANCÉES PAR UNE CONTRIBUTION DUE PAR LES GESTIONNAIRES DE RÉSEAUX DONT L'ASSISE JURIDIQUE APPARAÎT TRÈS FRAGILE AU REGARD DES NORMES EUROPÉENNES

1. Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé)

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé) retrace les aides versées aux autorités organisatrices de la distribution d'électricité - Aodé (communes, établissements publics de coopération intercommunale, syndicats d'électrification) pour le financement des travaux d'électrification en zone rurale dont elles assurent la maîtrise d'ouvrage.

La création du CAS par l'article 7 de la loi n° 2011-1978 de finances rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011 a conduit à budgétiser des aides auparavant directement prises en charge par le Fonds d'amortissement des charges d'électrification géré par Électricité de France (EDF), qui avait été mis en place dès 1936 par l'article 108 de la loi de finances du 31 décembre 1936, confirmé par l'article 38 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz. Elle a nécessité la reprise par les services de l'État de la gestion de ces aides avec la création d'une mission chargée du financement de l'électrification rurale, placée sous l'autorité du directeur général de l'énergie et du climat.

Essentiel au service de la qualité de l'électricité dans le monde rural, le CAS Facé permet de verser des aides aux AODÉ afin de financer148(*) :

- des travaux d'électrification rurale149(*) ;

- des opérations de maîtrise de la demande d'électricité ;

- des opérations de production d'électricité par des énergies renouvelables150(*) ;

- des installations de production de proximité dans les zones non interconnectées (ZNI)151(*).

Ces aides sont réparties par département sous forme de dotations affectées à l'électrification rurale, selon des critères précisés par voie d'arrêté, par le ministre chargé de l'énergie. Cette répartition se fonde sur les évaluations des besoins en travaux d'électrification rurale par département réalisées tous les deux ans. Une fois les dotations réparties par département, elles sont versées aux AODÉ sur la base des projets de travaux présentés.

Le regroupement des AODÉ, et donc de la maîtrise d'ouvrage, au niveau départemental, a été encouragé par le législateur152(*). Les modalités de versement des aides du Facé incluent depuis 2013 un dispositif financier d'incitation au regroupement à l'échelle départementale153(*).

Depuis 2018, le montant de crédits ouverts en loi de finances sur le CAS est stable à 360 millions d'euros. Le présent projet de loi de finances pour 2025 prévoit le même montant.

2. Le CAS est alimenté par une contribution due par les gestionnaires de réseaux de distribution répercutée aux consommateurs à travers le Turpe

Le financement du CAS Facé repose sur une contribution due par les gestionnaires de réseaux de distribution, c'est à dire principalement Enedis et les autres entreprises locales de distribution (ELD). Prévue au I bis de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales (CGCT), cette contribution est assise sur le nombre de kilowattheures (kWh) distribués à partir des ouvrages exploités en basse tension l'année précédant celle du versement de la contribution.

Le taux de contribution est différent selon que les communes sont urbaines ou rurales : il doit être compris entre 0,03 et 0,05 centime d'euro par kilowattheure pour les communes dont la population est inférieure à 2 000 habitants et entre 0,15 et 0,25 centime d'euro par kilowattheure pour les autres communes. Ces taux sont fixés annuellement par un arrêté des ministres chargés du budget et de l'énergie et ajustés afin de correspondre aux prévisions de dépenses et assurer l'équilibre du CAS.

Pour l'année 2024, l'arrêté du 5 juillet 2024154(*) a fixé le taux de contribution à :

- 0,200176 centime d'euro par kilowattheure pour les communes urbaines ;

- 0,040033 centime d'euro par kilowattheure pour les communes rurales155(*).

Le montant de cette contribution fait partie des charges d'exploitation des gestionnaires des réseaux de distribution d'électricité et, à ce titre, elle entre dans l'assiette de calcul du Tarif d'utilisation du réseau public d'électricité (Turpe). Ce dernier étant intégré dans les factures d'électricité et acquitté par tous les consommateurs, la contribution repose in fine sur ces derniers. Le niveau du Turpe est strictement identique entre tous les consommateurs particuliers ainsi que les petits professionnels.

Les recettes de cette contribution alimentent le CAS Facé à hauteur de 377 millions d'euros par an depuis 2012. Ce montant, supérieur aux dépenses du CAS, vise à résorber progressivement une dette historique qu'il porte au titre de la prise en compte d'engagements de crédits antérieurs à 2012.

3. Une contribution dont l'assise juridique apparaît très fragile au regard des normes européennes

D'après les réponses apportées par la direction de la législation fiscale (DLF) au questionnaire du rapporteur général, il apparaît que la contribution qui sert à financer le CAS Facé présente une grande fragilité juridique au regard du droit de l'Union européenne. D'après l'administration, elle présente un risque de contentieux élevé pour un enjeu financier qui pourrait dépasser le milliard d'euros.

Cette contribution est en effet assise sur des quantités d'électricité et entre ainsi dans le champ du cadre européen harmonisé de taxation de l'énergie. Or, le droit de l'Union européenne n'admet l'institution de taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise que pour des « fins spécifiques ». À ce titre, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a explicitement jugé, dans le contentieux sur l'ex-contribution au service public de l'électricité (CSPE), que « les finalités de cohésion territoriale et sociale poursuivies (...), à savoir la mise en oeuvre d'une péréquation tarifaire géographique, [sont des] finalités normalement financées par le budget de l'État, qui ne permettent pas de considérer que la taxe [en cause] poursuivait une finalité spécifique »156(*).

Au surplus, le cadre européen harmonisé ne permet pas de procéder à des modulations infranationales du tarif de l'accise sur l'électricité. Ce principe a été rappelé dans un arrêt de la CJUE en date du 30 mai 2024 (C-743/22), dans lequel la Cour précise que : « la directive s'oppose à une législation nationale qui autorise des régions ou des communautés autonomes à fixer des taux d'accise différents pour un même produit et une même utilisation en fonction du territoire où le produit est consommé ». Or, en l'espèce, l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales prévoit une différenciation du taux de la contribution qui alimente le CAS Facé en fonction de la taille des communes.

D. FISCALITÉ DES CARBURANTS : DES MAJORATIONS OPTIONNELLES D'ACCISE PRÉVUES POUR LES RÉGIONS ET UNE SITUATION SPÉCIFIQUE À LA CORSE

Les tarifs normaux de l'accise sur les énergies appliquée aux carburants sont prévus à l'article L. 312-35 du code des impositions sur les biens et services.

Tarifs normaux d'accise appliqués aux carburants en 2024

(en euros par MWh)

Catégories fiscales

Tarifs normaux appliqués en 2024

Gazoles

59,40

Carburéacteurs

76,826

Essences

76,826

Gaz de pétrole liquéfiés carburant

16,208

Gaz naturels carburant

5,23

Source : article L. 312-35 du code des impositions sur les biens et services

L'article L. 312-83 du même code prévoient par ailleurs un tarif particulier de 74,57 euros par MWh157(*) pour l'essence sans-plomb 95 - E10 (SP95-E10)158(*).

1. Les majorations régionales de l'accise sur les carburants

a) Les majorations propres à l'ensemble des régions leur sont affectées mais à condition d'être allouées au financement des infrastructures dites « Grenelle »

L'article L. 312-39 du code des impositions sur les biens et services prévoit que les tarifs normaux d'accise applicables aux essences et aux gazoles ainsi que le tarif particulier applicable à l'essence SP95-E10 peuvent faire l'objet de majorations régionales décidées par les conseils régionaux. Ces majorations sont plafonnées à 1,35 euro par MWh pour les gazoles et à 0,821 euro par MWh pour les essences. Ces majorations s'appliquent à la vente de carburants réalisée sur le territoire de la région concernée.

Comme le souligne l'évaluation préalable de l'article, en pratique, presque toutes les régions ont décidé d'appliquer sur leurs territoires respectifs le montant maximal de ces majorations.

Les deux seules exceptions sont la région Auvergne Rhône-Alpes qui n'applique que 80 % du niveau de majoration permis par la loi (1,08 euro pour les gazoles et 0,65 euro pour les essences) et la collectivité de Corse qui n'a pas instauré de majoration.

Comme le prévoit le dernier alinéa du 4° du a) de l'article L. 4331-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), le produit de ces majorations est affecté aux recettes de la section de fonctionnement des régions159(*). Ce même alinéa impose par ailleurs un fléchage de ces recettes vers le financement d'infrastructures de transport durable, ferroviaire ou fluvial dites « Grenelle » car mentionnées aux articles 11 et 12 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. S'agissant de l'Île-de-France, ces recettes doivent être allouées à « l'amélioration du réseau de transports urbains ».

D'après l'estimation présentée dans l'évaluation préalable de l'article, le produit de ces majorations régionales représente environ 600 millions d'euros par an.

b) La majoration spécifique à l'Île-de-France qui contribue au financement d'Île-de-France mobilités (IDFM)

Dans le cadre du protocole de 2016 visant à financer le passage au tarif unique du passe Navigo il a été décidé d'augmenter les taux franciliens de l'accise sur les carburants dont le produit a été affecté à Île-de-France mobilités (IDFM) dans la limite de 100 millions d'euros par an. Ainsi, depuis le 1er janvier 2017, la loi160(*) permet-elle l'application d'une majoration d'accise sur les énergies spécifique à la région Île-de-France dans les limites suivantes :

- 1,89 euros par MWh pour les gazoles ;

- 1,148 euros par MWh pour les essences.

Ces majorations sont aujourd'hui appliquées à leur montant plafond. Le produit de cette majoration représente environ 85 millions d'euros par an, intégralement reversés à IDFM.

2. Les spécificités de la fiscalité des carburants en Corse

a) Une minoration du tarif normal d'accise sur les essences

L'article L. 312-41 du code des impositions sur les biens et services prévoit une minoration de 1,125 euro par MWh du tarif normal d'accise appliqué aux essences en Corse.

Cette minoration a été mise en oeuvre dans le cadre d'une décision du Conseil autorisant la France à appliquer temporairement cette dérogation aux règles européennes en matière de taxation des carburants161(*). Or, l'article 2 de cette décision prévoit que ce dispositif de minoration spécifique à la Corse « expire le 31 décembre 2024 ». Il ajoute « toutefois si le Conseil, agissant en vertu de l'article 113 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), adopte un système général modifié de taxation des produits énergétiques avec lequel l'autorisation accordée à l'article 1er de la présente décision n'est pas compatible, la présente décision expire le jour où les règles de ce système modifié deviennent applicables ».

b) Un taux réduit de TVA de 13 % sur les produits pétroliers

Par ailleurs, en application des dispositions de l'article 297 du code général des impôts, les ventes de produits pétroliers livrés en Corse se voient appliquées un taux réduit de TVA de 13 %.

E. LES TAUX DE TVA SUR L'ÉLECTRICITÉ ET LE GAZ

1. Les taux de TVA sur l'électricité et le gaz distinguent actuellement l'abonnement et la fourniture, avec un taux réduit de 5,5 % réservé à l'abonnement

Alors que le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est fixé à 20 % en vertu de l'article 278 du code général des impôts (CGI), l'abonnement aux offres d'électricité et de gaz naturel bénéficie du taux réduit de 5,5 % prévu à l'article 278-0 bis du CGI.

En effet, conformément au premier alinéa du B de l'article 278-0 bis du CGI, le taux réduit de TVA de 5,5 % s'applique notamment aux abonnements relatifs aux livraisons d'électricité d'une puissance maximale inférieure ou égale à 36 kVA, d'énergie calorifique et de gaz naturel combustible, distribués par réseaux.

Le second alinéa du B de l'article 278-0 bis du CGI précise le mode de détermination de la puissance maximale d'électricité prise en compte pour apprécier le respect du seuil maximal de 36 kVA, qui correspond à la totalité des puissances maximales souscrites par un même abonné sur un même site.

Taux de TVA applicables à l'électricité et au gaz

Énergie

Opération

Taux de TVA

Rendement

Électricité

Abonnement

5,5 % pour les puissances souscrites inférieures ou égales à 36 kVA162(*)

Donnée non disponible

Fourniture

20 %163(*)

Environ 6 milliards d'euros

Gaz

Abonnement

5,5 %

Donnée non disponible

Fourniture

20 %164(*)

Environ 3 milliards d'euros

Source : commission des finances, d'après le code général des impôts et les estimations communiquées par le ministère de l'économie et des finances

Les rendements indiqués ci-dessus se fondent sur les estimations communiquées en juin 2024 par le ministère de l'économie et des finances au sujet de l'impact budgétaire d'une baisse des taux de TVA165(*).

Compte tenu de l'inflation enregistrée dans la période récente, ces estimations, communiquées dans le contexte de la campagne pour les élections législatives anticipées, doivent probablement être considérées comme des hypothèses maximalistes qui s'éloigneraient par exemple de celles d'un scénario de retour à la « normale » des prix de l'énergie.

En effet, la TVA étant assise sur le niveau des prix (à la différence des accises sur l'énergie qui dépendent des volumes consommés), l'augmentation des prix de l'énergie depuis 2021 s'est mécaniquement traduite par une hausse des rendements de TVA166(*).

La notion d'abonnement pour les offres d'électricité et de gaz naturel

L'abonnement soumis au taux réduit de TVA s'entend de la part fixe du tarif de livraison de l'énergie, indépendamment de la consommation d'énergie ou des circonstances climatiques. Il est facturé au client en contrepartie de la mise à disposition permanente de l'énergie concernée.

Sur le plan économique, l'abonnement s'analyse comme permettant le financement des coûts fixes liés au réseau, tels que les investissements et la maintenance. Ces coûts sont répartis entre les abonnés en fonction de la puissance souscrite ou d'une unité de répartition forfaitaire.

Source : commission des finances, d'après le rapport de l'Inspection générale des finances, Adaptation de la fiscalité aux exigences de la transition écologique, mai 2023

2. Une différence de taux non conforme au droit européen

Les règles de la TVA sont fixées par la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dite « directive TVA ». Cette directive a été révisée par une nouvelle directive d'avril 2022167(*), qui a procédé à une refonte du système d'encadrement des taux réduits de TVA.

La directive TVA prévoit, en son annexe III, une liste limitative des livraisons de biens et des prestations de services susceptibles de bénéficier des taux réduits de TVA168(*). Depuis la révision de 2022, cette liste comprend notamment la livraison d'électricité et de gaz naturel169(*).

Par ailleurs, en vertu de l'annexe III de la directive, la livraison de gaz naturel ne peut bénéficier de taux réduits que jusqu'au 1er janvier 2030.

À la différence du droit européen, le régime français de TVA en matière d'électricité et de gaz naturel distingue l'abonnement, imposé au taux réduit de 5,5 %, et le reste de la livraison (recouvrant notamment le montant des consommations, soit la fourniture), imposé au taux normal de 20 %.

Or, cette différence avec le droit européen soulève une difficulté juridique : dans son avis du 19 septembre 2023, la Commission supérieure de codification a ainsi estimé, s'appuyant sur une décision récente de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE)170(*), que les dispositions du régime français étaient contraires au droit européen.

Extrait de l'avis de la Commission supérieure de codification
du 19 septembre 2023

« S'agissant des taux dérogatoires applicables dans le champ des énergies, qui sont traités dans la sous-section 4 [du code des impositions sur les biens et services], la Commission a observé que les dispositions relatives à ces taux qui sont limités à la fourniture d'énergie pour la seule part fixe de la livraison - autrement dit, l'abonnement - sont contraires au droit de l'UE en tant qu'elles séparent une opération en deux segments, abonnement et fourniture, pour leur appliquer deux taux différents. En effet, la CJUE a expressément jugé, s'agissant du rechargement des voitures électriques, de la nécessité de traiter l'abonnement et la fourniture comme une seule et même opération, devant donc rigoureusement faire l'objet d'un même niveau de taxation (CJUE, 20 avril 2023, C-282/22). La Commission a attiré l'attention de la DLF [direction de la législation fiscale] sur cette difficulté et l'a invitée à poursuivre la réflexion sur les conditions d'une mise en conformité, autorisée par l'habilitation [relative à la codification par ordonnance de la fiscalité indirecte au sein du code des impositions sur les biens et services]. »

Source : Commission supérieure de codification, avis n° 10-2023 sur la partie législative du code des impositions sur les biens et services, séance du 19 septembre 2023

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE AUGMENTATION ET DES ÉVOLUTIONS DE L'ACCISE SUR L'ÉLECTRICITÉ, DES AJUSTEMENTS RELATIFS AUX ACCISES SUR LES CARBURANTS ET LES COMBUSTIBLES AINSI QU'UNE MISE EN CONFORMITÉ EUROPÉENNE DE TAUX DE TVA DANS LE DOMAINE DE L'ÉNERGIE

A. MAJORER LES TARIFS DE DROIT COMMUN DE L'ACCISE SUR L'ÉLECTRICITÉ TOUT EN GARANTISSANT UNE BAISSE DE 9 % DES TARIFS RÉGLEMENTÉS EN FÉVRIER 2025

1. Une évolution des tarifs normaux d'accise sur l'électricité résultant du cumul de plusieurs dispositions prévues par le présent article

Le 3° du I du présent article propose de procéder à une modification du tableau figurant à l'article L. 312-37 du code des impositions sur les biens et services dans la perspective de faire évoluer les tarifs normaux de l'accise appliquée aux consommations d'électricité.

Évolution des tarifs normaux d'accise appliqués à l'électricité (2021-2025)

(en euros par MWh)

Catégories fiscales

Tarifs normaux appliqués en 2021171(*)

Tarifs normaux appliqués en 2022 et en 2023

Tarifs normaux appliqués en 2024

Tarifs normaux 2025 tels qu'ils résulteraient de la législation actuelle

Tarifs normaux 2025 tels qu'ils résulteraient des dispositions de l'article 7

Ménages et assimilés

32,0625

1,0

21,0

33,78

25,09

PME

25,6875

0,5

20,5

26,26

20,90

Haute puissance

22,5

0,5

20,5

22,5

20,90

Source : commission des finances du Sénat

a) Un tarif normal d'accise sur l'électricité pour les ménages en baisse apparente

Le présent article propose de réviser à la baisse le tarif normal d'accise sur les ménages, à 25,09 euros par MWh, par rapport aux tarifs normaux tels qu'ils résulteraient de la législation actuelle. Cette baisse résulte de plusieurs évolutions législatives prévues par le présent article et qui sont analysées dans les développements infra.

Facteurs explicatifs de l'évolution du tarif normal d'accise sur l'électricité pour les ménages résultant des dispositions de l'article 7

(en euros par MWh)

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'évaluation préalable de l'article 7

La décomposition de l'évolution du tarif normal d'accise appliqué à l'électricité des ménages est présentée dans le graphique ci-dessus. Elle peut être synthétisée de la façon suivante.

Le tarif normal de l'accise tel qu'il prévalait avant la crise des prix de l'énergie, et en incluant les taxes départementale et communale sur la consommation finale d'électricité intégrées à l'accise en 2022 et 2023, s'élevait à 32,0625 euros par MWh.

En vertu du dernier alinéa de l'article L. 312-37 du code des impositions sur les biens et services, la fraction correspondante aux anciennes taxes départementale et communale est indexée sur l'inflation (c'est-à-dire la fraction du tarif supérieure à 22,5 euros par MWh), ce qui se traduit par une augmentation mécanique annuelle du tarif normal.

Comme décrit infra, le présent article propose de substituer à la contribution qui finance actuellement le compte d'affectation spéciale « Financement des aides à l'électrification rurale » (CAS Facé) une fraction du tarif normal de l'accise sur l'électricité, ce qui se traduirait par une augmentation de ce tarif.

Les dispositions du présent article proposent également de réformer le modèle de financement de la péréquation tarifaire au bénéfice des consommations d'électricité en ZNI (voir infra). Cette réforme se traduirait par l'affectation aux fournisseurs d'électricité en ZNI du produit d'une majoration des tarifs d'accise, réévaluée chaque année, appliqués aux combustibles et à l'électricité. Afin de neutraliser en 2025 les incidences de cette majoration sur les consommateurs d'électricité, le tarif normal de l'accise sur l'électricité pour les ménages serait réduit du montant de cette majoration, c'est-à-dire de 4,89 euros par MWh.

Enfin, dans une perspective de mise en conformité avec le droit de l'Union européenne, les dispositions du présent article prévoient également d'aligner les taux de TVA appliqués à l'abonnement et à la fourniture d'électricité (voir infra). Cet alignement se traduirait par une augmentation de 5,5 % à 20 % du taux de TVA auquel est soumis l'abonnement. Afin de compenser l'effet prévisionnel de cette hausse estimé à 4,96 euros par MWh, le tarif normal de l'accise sur l'électricité serait réduit d'autant.

b) Une harmonisation des tarifs normaux d'accise sur les entreprises

Dans l'état actuel de la législation, les PME sont soumises à un tarif normal d'accise sur l'électricité (26,26 euros par MWh) supérieur de 3,76 euros par MWh à celui des entreprises de plus grandes tailles appartenant à la catégorie fiscale « haute puissance » (22,5 euros par MWh). L'évaluation préalable souligne que cette distinction ne se justifie par aucune raison objective.

Pour remédier à cette incohérence, le 3° du présent article propose d'harmoniser à 20,90 euros par MWh le tarif normal appliqué aux professionnels.

L'évolution prévue par le présent article du tarif normal applicable aux entreprises relevant de la catégorie « haute puissance » résulte des facteurs suivants. En l'absence de mesures nouvelles, en 2025, le tarif serait revenu à son niveau d'avant crise, c'est-à-dire 22,5 euros par MWh172(*). À ce tarif viennent s'ajouter :

- 1,38 euro par MWh au titre du financement du maintien jusqu'à la fin de l'année 2025 de la minoration tarifaire dont bénéficie les industries électro-intensives (voir infra),

- 1,16 euro au titre de la réforme du financement du CAS Facé,

- ainsi que 0,75 euro au titre de l'alignement avec le tarif applicable aux PME,

- enfin, ce tarif normal est minoré de 4,89 euros par MWh au titre de la neutralisation de la majoration tarifaire liée à la réforme du financement de la péréquation tarifaire en ZNI.

Facteurs explicatifs de l'évolution du tarif normal d'accise sur l'électricité
pour les entreprises de la catégorie « haute puissance »
résultant des dispositions de l'article 7

(en euros par MWh)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction de la législation fiscale (DLF) au questionnaire du rapporteur général

En l'absence de mesures nouvelles dans ce projet de loi de finances, le tarif normal appliqué aux PME serait quant à lui revenu à son niveau d'avant crise majoré de l'inflation sur la fraction dépassant 22,5 euros par MWh, soit 26,26 euros par MWh. En vertu des dispositions du présent article et à l'instar du tarif concernant les entreprises de « haute puissance », ce tarif est :

- augmenté de 1,38 euro par MWh pour financer la minoration tarifaire en faveur des entreprises électro-intensives,

- augmenté de 1,16 euro au titre de la réforme du financement du CAS Facé,

- minoré de 4,89 euros par MWh au titre de la neutralisation de la majoration tarifaire liée à la réforme du financement de la péréquation tarifaire en ZNI,

- et minoré de 3,01 euros par MWh au titre de l'alignement avec le tarif normal des entreprises de haute puissance.

Facteurs explicatifs de l'évolution du tarif normal d'accise sur l'électricité pour les PME résultant des dispositions de l'article 7

(en euros par MWh)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction de la législation fiscale (DLF) au questionnaire du rapporteur général

2. Une possibilité pour le Gouvernement de procéder à une modulation des tarifs normaux d'accise

Le c) du 3° du I propose d'ajouter un alinéa à l'article L. 312-37 du code des impositions sur les biens et services afin d'instaurer un dispositif par lequel le Gouvernement, par arrêté du ministre chargé du budget, serait autorisé à moduler de façon uniforme les tarifs normaux d'accise sur l'électricité tels que définis dans le tableau figurant au deuxième alinéa de ce même article L. 312-37 (voir supra), soit 25,09 euros par MWh pour les ménages et 20,90 euros par MWh pour les professionnels.

La première phrase de ce c) prévoit que cette modulation serait comprise entre 5 euros par MWh et 25 euros par MWh. Autrement dit, ledit arrêté pourrait prévoir en février 2025 d'augmenter les tarifs normaux d'accise sur l'électricité à un niveau compris entre 30,09 euros par MWh et 50,09 euros par MWh pour les ménages et entre 25,90 euros par MWh et 45,90 euros par MWh pour les professionnels.

La deuxième phrase de ce même c) indique que le montant de modulation serait, entre le 1er février 2025 et le 31 janvier 2026, « fixé de manière à limiter, pendant cette période, les évolutions des tarifs réglementés de vente d'électricité ». Si le présent article ne prévoit aucune cible chiffrée d'évolution du prix TTC de ces tarifs au 1er février 2025, le Gouvernement s'est engagé à ce que la baisse de ces derniers soit au moins égale à 9 %. Cet engagement est notamment inscrit dans l'évaluation préalable du présent article : « l'objectif est d'assurer une baisse de 9 % du tarif réglementé de vente de l'électricité en 2025 ».

Enfin, la troisième phrase du c) prévoit que le montant de modulation qui aura été défini par arrêté en 2025 sera reconduit à l'identique au 1er février 2026.

B. INTÉGRER LE DISPOSITIF DE PÉRÉQUATION DES TARIFS DE L'ÉLCTRICITÉ EN ZNI DANS L'ACCISE SUR L'ÉLECTRICITÉ

Le présent article propose de réformer le circuit du dispositif actuel de soutien à la production d'électricité et de péréquation tarifaire au profit des ZNI. L'évolution proposée, sans affecter concrètement le niveau de ce soutien, vise à substituer au dispositif budgétaire existant (des crédits portés par le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ») un mécanisme fiscal.

Ce dernier conduirait à affecter chaque année aux opérateurs d'électricité qui interviennent en ZNI une fraction de l'accise sur les énergies appliquée aux consommations d'énergie utilisées pour le chauffage. Cette affectation serait destinée à couvrir les charges de service public de l'énergie assumée par ces opérateurs et résultant de la péréquation tarifaire.

1. La création d'une majoration annuelle des tarifs normaux d'accise appliqués aux combustibles et à l'électricité

Le 4° du I du présent article propose ainsi de créer une majoration aux tarifs normaux d'accise appliqués aux combustibles et à l'électricité. Cette majoration serait revalorisée annuellement en fonction de l'évaluation par la CRE des charges de service public de l'énergie résultant de la règle de péréquation tarifaire de l'électricité en ZNI.

Pour ce faire, ce 4° prévoit de créer deux nouveaux articles L. 312-37-1 et L. 312-37-2 dans le code des impositions sur les biens et services.

Le nouvel article L. 312-37-1 disposerait ainsi que les tarifs normaux des catégories fiscales des combustibles (charbons, fiouls lourds, fiouls domestiques, pétroles lampants, gaz de pétrole liquéfiés combustible et gaz naturels combustible) tels qu'ils résultent de l'article L. 312-36 ainsi que de l'électricité tels qu'ils résultent de l'article L. 312-37 seraient majorés d'un montant déterminé au titre de chaque année civile qui résulterait du quotient suivant :

- au numérateur, le cumul des charges de service public de l'énergie résultant de la règle de péréquation tarifaire telles qu'évaluées par la CRE173(*) ;

- au dénominateur, la quantité totale d'énergie relevant des tarifs normaux des catégories fiscales concernées (combustibles et électricité).

Le nouvel article L. 312-37-2 aurait précisément vocation à définir les modalités de constatation de la quantité totale d'énergie relevant des tarifs normaux de ces catégories fiscales.

D'après l'évaluation préalable du présent article, la majoration est évaluée à 4,89 euros par MWh au titre de 2025.

2. La neutralisation des effets de cette majoration pour les consommateurs

Pour neutraliser en 2025 l'effet qu'aurait cette majoration sur les tarifs d'accise auxquels seront effectivement soumis les consommateurs de combustibles et d'électricité, l'article prévoit de réduire les tarifs normaux appliqués à ces consommations.

S'agissant du tarif normal d'accise sur l'électricité, l'intégration de cette compensation a été décrit supra dans les développements relatifs à ce tarif.

S'agissant des combustibles, le b) du 2° du I du présent article propose une modification des tarifs normaux appliqués aux combustibles listés dans le tableau figurant au deuxième alinéa de l'article L. 312-36 du code des impositions sur les biens et services. Ces évolutions se conjuguent à une volonté d'harmonisation conduisant à proposer un tarif normal harmonisé de 10,54 euros par MWh, aligné sur celui appliqué au gaz naturel, pour les consommations de charbon, de fiouls et de pétroles lampants. En réponse au questionnaire du rapporteur général, la direction de la législation fiscale (DLF) a expliqué cette harmonisation des tarifs par le fait « qu'aucune raison objective ne justifie la disparité des tarifs normaux d'accise sur les différents produits énergétiques à usage de combustible ». En revanche, toujours selon la DLF, cet alignement ne pouvait pas concerner le gaz de pétrole liquéfié (GPL) car « l'écart de tarif est trop élevé ».

La DLF a souligné dans ses réponses au rapporteur général que les consommations au tarif normal d'accise pour le charbon, les fiouls et les pétroles lampants sont résiduelles, l'essentiel des consommations bénéficiant d'un tarif réduit. Aussi, l'incidence en termes de pertes de recettes pour l'État de cet alignement de leurs tarifs sur celui du gaz naturel devrait-il être limité à 7 millions d'euros.

Évolution des tarifs d'accise appliqués aux combustibles
résultant des dispositions du présent article

(en euros par MWh)

Combustibles

Tarifs actuels

Tarifs en 2025 résultant des dispositions du présent article

Évolution 2024-2025

Charbons

14,62

10,54

- 4,08

Fiouls lourds

12,555

10,54

- 2,015

Fiouls domestiques

15,62

10,54

- 5,08

Pétroles lampants

15,686

10,54

- 5,146

Gaz de pétrole liquéfiés combustible

5,189

0,30

- 4,889

Gaz naturels combustible

17,17

10,54

- 6,63

Source : commission des finances du Sénat

S'agissant du gaz naturel, la baisse du tarif normal tient compte d'une part de la neutralisation de la majoration liée à la compensation du mécanisme de péréquation, évaluée à 4,89 euros par MWh mais aussi de la neutralisation des effets de l'alignement à la hausse du taux de TVA appliqué à l'abonnement (5,5 %) sur celui appliqué à la fourniture (20 %) évaluée à 1,75 euros par MWh. Cette évolution, proposée au II du présent article est décrite infra.

Facteurs explicatifs de l'évolution du tarif normal d'accise sur le gaz naturel résultant des dispositions de l'article 7

(en euros par MWh)

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'évaluation préalable de l'article 7

Les a) et c) du 2° du I prévoient de supprimer les dispositions introduites par l'article 92 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 qui ont permis au Gouvernement de l'époque, pour la seule année 2024, de majorer par arrêté le tarif normal d'accise sur le gaz naturel jusqu'à 16,37 euros par MWh.

Le d) du même 2° propose quant-à-lui qu'à compter du 1er janvier 2026, les tarifs normaux d'accise appliqués aux combustibles figurant dans le tableau du deuxième alinéa de l'article L. 312-36 soient indexés sur l'inflation.

Le 9° du I du présent article propose quant-à-lui de créer un nouvel article L. 312-44-1 dans le code des impositions des biens et services afin de prévenir un effet de bord non souhaitable de cette révision à la baisse des tarifs normaux d'accise appliqués aux combustibles et à l'électricité. En effet, dans la mesure où ces tarifs normaux servent de base pour mesurer le niveau d'intensité énergétique en valeur ajoutée174(*) qui lui-même est un critère d'éligibilité à des tarifs d'accise réduits, leur diminution aurait eu pour « effet collatéral » de priver sans raisons certaines entreprises des tarifs réduits dont elles bénéficient au titre de l'intensité énergétique de leur activité. Aussi, le nouvel article L. 312-44-1 propose que les tarifs normaux qui sont actuellement prévus pour les combustibles et l'électricité continuent à servir de référence pour le calcul du niveau d'intensité énergétique en valeur ajoutée des entreprises.

3. La définition des modalités d'affectation de cette majoration à la compensation des charges de service public de l'énergie résultant de la règle de péréquation tarifaire au bénéfice des ZNI

Le III du présent article propose quant à lui de modifier le code de l'énergie afin d'encadrer les modalités de l'affectation aux fournisseurs d'électricité qui opèrent en ZNI de la fraction annuelle d'accise sur les énergies qui doit servir à compenser leurs charges de service public de l'énergie résultant du mécanisme de péréquation des tarifs de l'électricité.

Tout d'abord, le a) du 1 exclut175(*) de la compensation effectuée par des crédits du budget de l'État les charges de service public résultant de la péréquation des tarifs d'électricité au bénéfice ZNI.

Ensuite, le b) de ce même 1° propose d'ajouter deux nouveaux alinéas à l'article L. 121-6 du code de l'énergie visant à fonder la base juridique de la nouvelle modalité de compensation, par affectation d'une fraction d'accise sur les énergies, des charges de service public de l'énergie résultant de la péréquation des tarifs d'électricité en ZNI. Ils précisent ainsi que ces charges sont compensées par la fraction du produit de la majoration du tarif normal de l'accise sur les combustibles et l'électricité prévue au nouvel article L. 312-37-1 dont la création est proposée au 4° du I du présent article (voir supra).

Le 2 du III entend apporter une précision rédactionnelle à l'article L. 121-9 du code de l'énergie indiquant que l'évaluation annuelle par la CRE des charges de service public de l'énergie « comprend la constatation des charges au titre de l'année précédente et les charges prévisionnelles au titre de l'année suivante », ce qui est effectivement le cas.

Le 3° du même III propose d'insérer un nouvel alinéa à l'article L. 121-16 du code de l'énergie pour préciser que les compensations des charges de service public de l'énergie résultant de la péréquation tarifaire au bénéfice des ZNI feraient l'objet d'acomptes versés à des « échéances déterminées par voie réglementaire sur la base des montants effectivement encaissés au titre de la majoration » d'accise.

Le c) du 12° du I propose de compléter l'article L. 312-107 du code des impositions sur les biens et services qui liste les dispositions législatives extérieures à ce code qui déterminent l'affectation du produit de l'accise sur les énergies par un nouveau 4° faisant référence à l'article L. 121-6 du code de l'énergie. Tel que modifié par le 1° du III du présent article (voir supra), ce dernier article déterminerait en effet les conditions d'affectation d'une fraction de l'accise sur les énergies aux fournisseurs opérant en ZNI.

Enfin, le 4° du III prévoit quant à lui l'application aux îles Wallis-et-Futuna de cette réforme de la compensation des charges de service public de l'énergie.

C. INTÉGRER LES RECETTES AFFECTÉES AU CAS FACÉ DANS L'ACCISE SUR L'ÉLECTRICITÉ

Le présent article, en cohérence avec les dispositions prévues à l'article 36 du présent projet de loi de finances, propose de supprimer l'actuelle contribution sur les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité affectée au CAS Facé et de substituer à celle-ci une fraction d'accise sur l'électricité. Cette réforme est nécessitée par la grande fragilité juridique de la contribution actuelle au regard du droit de l'Union européenne (voir supra).

Pour ce faire, le 1° du IV du présent article propose une modification de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Cette modification se traduirait par une réécriture de son I bis qui prévoit actuellement la contribution due par les gestionnaires de réseaux publics de distribution d'électricité qui alimente en recettes le CAS Facé. Cette réécriture aboutit à la suppression de ladite contribution. Le I bis de l'article L. 2224-31 mentionnerait dorénavant que « le financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale est régi par l'article 7 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 », les dispositions du 1° de ce dernier article faisant elles-mêmes par ailleurs l'objet d'une proposition de modification, à l'article 36 du présent projet de loi de finances, visant à préciser qu'à compter de 2025, le CAS Facé serait alimenté en recettes par une fraction du produit de l'accise sur l'électricité.

Il est à noter que le 2° du IV du présent article procède à un « toilettage » purement rédactionnel de certaines dispositions du CGCT qui n'avaient pas été ajustées pour tenir compte du changement d'appellation, à partir de 2022 de l'ancienne taxe intérieure sur la consommation d'électricité (TICFE) devenue désormais la fraction appliquée à l'électricité de l'accise sur les énergies.

Le b) du 12° du I propose quant à lui de modifier le 3° de l'article L. 312-107 du code des impositions sur les biens et services qui cite les dispositions législatives extérieures à ce code qui déterminent l'affectation du produit de l'accise sur l'électricité. Il prévoit ainsi d'ajouter à ce 3° la référence de la disposition qui définit les recettes du CAS Facé dont la modification est par ailleurs proposée à l'article 36 du présent projet de loi de finances, c'est à dire le « 1° du I de l'article 7 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ». Comme indiqué supra, la nouvelle rédaction de cette dernière disposition telle qu'elle résulterait des dispositions de l'article 36 indiquerait que le CAS Facé serait alimenté en recettes par une fraction du produit de l'accise sur l'électricité.

D. MAINTENIR JUSQU'À LA FIN DE L'ANNÉE 2025 LA MINORATION EXCEPTIONNELLE DU TARIF D'ACCISE SUR L'ÉLECTRICITÉ APPLIQUÉ AUX INDUSTRIES ÉLECTRO-INTENSIVES, Y COMPRIS LES CENTRES DE STOCKAGE DE DONNÉES

Le présent article propose de maintenir jusqu'à la fin de l'année 2025 pour les seules industries électro-intensives, y compris les centres de stockage de données (« data centers »), la minoration du tarif d'accise sur l'électricité à son niveau minimum autorisé par le droit de l'Union européenne, à savoir, 0,5 euro par MWh.

Pour ce faire, le VI prévoit de maintenir à 0,5 euro par MWh les tarifs réduits d'accise sur l'électricité définis aux articles L. 312-70, L. 312-71 et L. 312-72 du code des impositions sur les biens et services.

Tarifs réduits d'accise sur l'électricité appliqué aux industries électro-intensives et aux centres de stockage de données

Consommations d'électricité

Niveau minimal d'électro-intensivité

(en % de la valeur ajoutée)

Article du code des impositions sur les biens et services

Tarifs de droit commun

(en euros par MWh)

Tarifs minorés appliqués depuis 2022 et que l'article propose de prolonger jusqu'au 31 décembre 2025

(en euros par MWh)

Centres de stockage de données

2,25 %

L. 312-70

12

0,5

Consommations des entreprises ayant une activité industrielle

0,5 %

L. 312-71

7,5

0,5

3,375 %

L. 312-71

5

0,5

6,75 %

L. 312-71

2

0,5

Consommations des installations industrielles relevant de certains secteurs d'activité exposés à la concurrence internationale

0,5 %

L. 312-72

5,5

0,5

3,375 %

L. 312-72

2,5

0,5

6,75 %

L. 312-72

1

0,5

13,5 %

L. 312-73

0,5

0,5

Source : commission des finances du Sénat

E. INTÉGRER AU TARIF DE DROIT COMMUN DE L'ACCISE SUR LES CARBURANTS LES ACTUELLES MAJORATIONS RÉGIONALES ET FAIRE ÉVOLUER LA FISCALITÉ DES CARBURANTS SPÉCIFIQUE À LA CORSE

1. L'intégration, dès 2025, des actuelles majorations régionales au sein du tarif normal d'accise sur les gazoles et les essences

Le présent article supprime les majorations régionales des tarifs d'accise sur les énergies appliquées aux gazoles et aux essences, y compris sur le tarif réduit appliqué à l'essence sans-plomb 95-E10 pour incorporer ces majorations à leur niveau plafond au sein des tarifs normaux d'accise appliqués à ces différents carburants.

Ainsi, le 5° du I abroge l'article L. 312-39 du code des impositions sur les biens et services qui prévoit actuellement ces majorations régionales.

Le 1° du I du présent article procède à la modification du tableau figurant à l'article L. 312-35 du même code afin d'intégrer les actuelles majorations régionales au sein tarifs normaux de l'accise appliquée sur les gazoles et les essences pour leur montants plafonds, c'est à dire 1,35 euro par MWh pour les gazoles et 0,821 euro par MWh pour les essences.

Le 11° du I procède quant à lui à la modification du tableau figurant à l'article L. 312-79 du même code afin d'intégrer l'actuelle majoration régionale (plafonnée à 0,821 euro par MWh) au tarif particulier appliqué à l'essence sans-plomb 95-E10.

Évolution des tarifs d'accise appliqués aux gazoles et aux essences résultant des dispositions du présent article

(en euros par MWh)

Carburants

Tarifs actuels

Tarifs en 2025 résultant des dispositions du présent article

Évolution 2024-2025

Gazoles

59,40

60,75

+ 1,35

Essences

76,826

77,647

+ 0,821

Essence SP95-E10

74,576

75,397

+ 0,821

Source : commission des finances du Sénat

Afin d'assurer la neutralité de cette évolution pour les budgets des régions, le présent article prévoit l'affectation aux régions du produit des fractions du tarif normal d'accise correspondant aux anciennes majorations.

Pour ce faire, le 3° du IV propose de modifier le a) de l'article L. 4331-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) qui détermine le produit des contributions et taxes prévues par le code général des impôts ou le code des impositions sur les biens et services affectées à la section de fonctionnement des régions.

Le b) de ce 3° supprime ainsi la mention de l'affectation des majorations régionales d'accise (le dernier alinéa du 4° de l'article L. 4331-2) tandis que le a) de ce même 3° réécrit l'avant dernier alinéa du 4° de l'article L. 4331-2 qui prévoit l'affectation aux régions d'une fraction du tarif normal d'accise pour indiquer que désormais les régions se verraient affecter « une fraction égale à 2,5 euros par hectolitre pour les produits soumis au tarif normal relevant des catégories fiscales des gazoles et des essences et pour l'essence E10 ». Il précise par ailleurs que, pour la Corse, cette fraction est égale au montant déterminé par l'article L. 4425-28-1 du CGCT dont la création est proposée par le 4° du IV du présent article (voir infra l'analyse spécifique des dispositions relatives à la Corse).

Le a) du 12° du I propose en conséquence de modifier le 1° de l'article L. 312-107 du code des impositions sur les biens et services qui liste les dispositions législatives extérieures à ce code qui déterminent l'affectation du produit de l'accise sur les énergies appliquée aux gazoles et aux essences.

Cette modification vise ainsi :

- à préciser la référence aux dispositions du CGCT pour tenir compte des modifications de ce code proposées par le 3° du IV du présent article (voir supra)176(*) ;

- à abroger la mention du 11° de l'article L. 1241-14 du CGCT qui cite parmi les ressources d'IDFM le produit de la majoration de l'accise sur les énergies perçue sur les gazoles et essences en Île-de-France prévue à l'article L. 312-40 du code des impositions sur les biens et services.

Enfin, le V du présent article procède à des coordinations légistiques au sein des dispositions de l'article 60 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

2. Le cas particulier de la majoration spécifique à IDFM ne sera traité qu'en 2026

Pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2026, le 6° du I abroge l'article L. 312-40 du code des impositions sur les biens et services qui prévoit actuellement les majorations applicables en région Île-de-France, déterminées par IDFM et affectées à son budget.

3. Une réforme de la fiscalité des carburants spécifique à la Corse conditionnée à une autorisation de la Commission européenne

a) La neutralisation de la hausse des tarifs normaux d'accise sur les carburants résultant de l'intégration des majorations régionales à ces tarifs

En modifiant le premier alinéa de l'article L. 312-41 du code des impositions sur les biens et services, le a du 7° du I du présent article propose d'augmenter la minoration du tarif normal de l'accise appliqué aux essences en Corse afin de compenser la hausse de ce tarif résultant de l'intégration des majorations régionales à leur montant plafond, soit de 0,821 euro par MWh. Cette minoration progresserait ainsi de 1,125 euro par MWh aujourd'hui à 1,946 euro par MWh.

Dans le même objectif mais pour les gazoles, le b) du même 7° ajoute quant à lui un nouvel alinéa à cet article L. 312-41 pour prévoir que le tarif normal d'accise sur les gazoles en Corse serait minoré de 1,35 euro par MWh.

b) Le maintien de l'affectation actuelle à la collectivité de Corse d'une fraction du produit de l'accise appliquée aux gazoles et aux essences

Afin de maintenir inchangé l'affectation d'une fraction du produit de l'accise sur les carburants à la collectivité de Corse et dans la mesure où cette dernière n'applique pas aujourd'hui les majorations régionales ayant vocation à être intégrées au tarif normal d'accise, la rédaction proposée de l'avant dernier alinéa du 4° de l'article L. 4331-2177(*) renvoie à une nouvelle disposition spécifique la détermination des montants d'affectation relatifs à cette collectivité (voir supra).

C'est pour cette raison que le  du IV présent article propose la création d'un nouvel article L. 4425-28-1 dans le code général des collectivités territoriales (CGCT) qui prévoit que la fraction du produit de l'accise sur les énergies résultant des consommations d'essences et de gazoles soumises au tarif normal affectée à la Collectivité de Corse, comme le prévoit le 4° du a de l'article L. 4331-2 du même code (voir supra la description des dispositions du 3° du IV du présent article), est égale à :

1,15 euro par hectolitre pour les gazoles ;

- et à 1,77 euro par hectolitre pour les essences178(*).

Ces montants correspondent au niveau d'affectation actuel puisque la Corse n'applique pas le dispositif de majorations optionnelles.

c) Après autorisation de l'Union européenne, la création d'un mécanisme de minoration des tarifs d'accise sur les carburants en Corse qui viendrait se substituer au taux réduit de TVA qui s'applique aux produits pétroliers livrés sur l'île

Le VII du présent article prévoit la création d'un mécanisme de minoration des tarifs normaux d'accise appliqués aux essences et aux gazoles sur ce territoire en substitution du taux réduit de TVA à 13 % appliqué aujourd'hui aux produits pétroliers livrés en Corse et prévu par le 6° du 1 du I de l'article 297 du code général des impôts.

Ce VII prévoit en effet que par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'énergie, ces tarifs pourraient être minorés :

- pour les essences, à hauteur d'un montant compris entre 11 euros et 15 euros par MWh ;

- pour les gazoles, à hauteur d'un montant compris entre 9 euros et 12 euros par MWh.

Il est précisé que ces minorations seraient déterminées en fonction des surcoûts liés à l'approvisionnement de ces produits sur le territoire de la Corse.

Cette réforme, visant à consolider le régime de fiscalité réduite sur les carburants en Corse a vocation à être neutre pour les consommateurs ainsi que pour les recettes locales et de l'État.

Toutefois, ces dispositions ne pourront s'appliquer qu'après que la France ait obtenue de la part de la Commission européenne l'autorisation d'appliquer ce dispositif au titre de l'article 19 de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003. Cet article prévoit la possibilité qu'un État-membre puisse sous certaines conditions demander à la Commission européenne l'application de tarifs réduit d'accise sur les carburants non explicitement autorisés par la directive. L'article prévoit notamment que « la Commission examine la demande en prenant en considération, notamment, le bon fonctionnement du marché intérieur, la nécessité d'assurer une concurrence loyale et les politiques communautaires de la santé, de l'environnement, de l'énergie et des transports ». Il précise aussi que, si elles sont autorisées, ces mesures dérogatoires à la directive « sont accordées pour une période maximale de 6 ans, pouvant être renouvelée ».

Article 19 de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité

1. Outre les dispositions des articles précédents, en particulier les articles 5, 15 et 17, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser un État membre à introduire des exonérations ou des réductions supplémentaires pour des raisons de politique spécifiques.

Tout État membre souhaitant introduire une telle mesure en informe la Commission et lui communique également toutes les informations pertinentes et nécessaires.

La Commission examine la demande en prenant en considération, notamment, le bon fonctionnement du marché intérieur, la nécessité d'assurer une concurrence loyale et les politiques communautaires de la santé, de l'environnement, de l'énergie et des transports.

Dans les trois mois qui suivent la réception de toutes les informations pertinentes et nécessaires, la Commission soit présente une proposition par laquelle le Conseil autorise une telle mesure, soit informe le Conseil des raisons pour lesquelles elle n'a pas proposé l'autorisation d'une telle mesure.

2. Les autorisations visées au paragraphe 1 sont accordées pour une période maximale de 6 ans, pouvant être renouvelée conformément à la procédure prévue au paragraphe 1.

3. Si la Commission considère que les exonérations ou réductions visées au paragraphe 1 ne peuvent plus être maintenues, notamment pour des raisons de concurrence déloyale ou de perturbation du fonctionnement du marché intérieur, ou pour des motifs liés à la politique communautaire de la santé, de protection de l'environnement, de l'énergie ou des transports, elle présente des propositions appropriées au Conseil, qui statue à l'unanimité à leur sujet.

Source : directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité

Dans ces conditions, le premier alinéa du VII prévoit que ces dispositions n'entreraient en vigueur qu'à compter d'une date déterminée par décret, et au plus tard trois mois après la notification de l'autorisation de la Commission européenne.

F. LA MISE EN CONFORMITÉ AVEC LE DROIT EUROPÉEN DES TAUX DE TVA RELATIFS À L'ÉLECTRICITÉ ET AU GAZ PAR UNE SUPPRESSION DES TAUX RÉDUITS PORTANT SUR L'ABONNEMENT

1. La suppression du taux réduit de TVA de 5,5 % sur l'abonnement aux offres de gaz naturel

Le a du 1° du II du présent article modifie le premier alinéa du B de l'article 278-0 bis du CGI pour supprimer le gaz naturel combustible de la liste des offres d'énergie dont l'abonnement est soumis au taux réduit de TVA de 5,5 %.

2. La suppression du taux réduit de TVA de 5,5 % sur l'abonnement aux offres d'électricité

Le b du 1° du II du présent article modifie le premier alinéa du B de l'article 278-0 bis du CGI pour supprimer l'électricité d'une puissance maximale inférieure ou égale à 36 kVA de la liste des offres d'énergie dont l'abonnement est soumis au taux réduit de TVA de 5,5 %.

En conséquence, le 2° du II du présent article supprime le second alinéa du B de l'article 278-0 bis du CGI, qui précisait le mode de détermination de la puissance maximale d'électricité prise en compte pour le bénéfice du taux réduit de TVA.

En vertu du B du IX du présent article, la fin du taux réduit de TVA pour les abonnements d'électricité entre en vigueur le 1er février 2025 et s'applique aux abonnements se rapportant à des périodes débutant à compter de cette même date.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : S'IL EST IMPÉRATIF D'ACHEVER LA SORTIE DU BOUCLIER TARIFAIRE, LA PRESSION FISCALE EXERCÉE SUR LA CONSOMMATION ÉLECTRIQUE NE DOIT PAS ÊTRE RELEVÉE AU-DELÀ DE SON NIVEAU D'AVANT CRISE

A. ACCISE SUR LES CARBURANTS : DES INTÉGRATIONS DE MAJORATIONS RÉGIONALES AU TARIF NORMAL QUASIMENT NEUTRES ET DES ÉVOLUTIONS DE LA FISCALITÉ DES CARBURANTS EN CORSE SUSPENDUES À UNE AUTORISATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

1. L'intégration au tarif normal d'accise sur les carburants des majorations régionales existantes : une mesure de simplification qui sera quasiment neutre pour les régions et les automobilistes

L'existence des majorations régionales optionnelles des tarifs d'accise sur les carburants induit une complexité de gestion, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre des mécanismes de remboursement a posteriori appliqués aux bénéficiaires de tarifs réduits, au premier rang desquelles les entreprises de transport routier de marchandises. L'évaluation préalable du présent article pointe ces difficultés, soulignant que ces majorations sont « source d'une très grande complexité puisqu'elles impliquent un suivi, par l'administration et les professionnels, de l'ensemble des flux de produits entre régions après la mise à la consommation, ainsi que des régularisations. Elles rendent également plus complexes les diverses procédures de remboursement de taxe mises en place pour assurer la bonne application des tarifs réduits ».

En outre, alors que la quasi-totalité des régions les ont mises en place à leur niveau plafond, le maintien de ces majorations en tant que dispositif « optionnel » n'apparaît plus nécessaire. La simplification apportée par l'intégration de ces majorations dans les tarifs normaux nationaux, tout en préservant l'affectation de leur rendement aux régions apparaît ainsi comme une mesure de bon sens.

Pour les douze régions de la France hexagonale qui appliquent actuellement les minorations à leur niveau plafond, l'intégration de ces minorations dans les tarifs normaux de l'accise n'aura aucun impact ni sur leurs recettes ni sur les consommateurs qui s'approvisionnent en carburant dans ces régions.

Seule la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui n'applique pas la majoration à son niveau plafond verra le tarif d'accise appliqué aux carburants vendus sur son territoire, et donc les recettes affectées à ce titre à sa section de fonctionnement, augmenter de 0,27 euro par MWh pour les gazoles et de 0,653 euro par MWh pour les essences. D'après l'évaluation préalable de l'article, le surcoût pour les automobilistes qui s'approvisionnent régulièrement dans cette région serait de l'ordre de 2 euros par an.

2. La réforme de la fiscalité des carburants spécifique à la Corse devra être validée par la Commission européenne

La réforme envisagée de la fiscalité des carburants en Corse doit permettre de tenir compte des spécificités liées aux coûts d'approvisionnement en produits pétroliers propres à l'île. Elle doit permettre de garantir de manière plus simple et plus lisible, à travers des minorations des tarifs d'accise sur les carburants, le même niveau de fiscalité que le régime dérogatoire appliqué aujourd'hui.

La réforme permettra également de sécuriser ce régime au titre du droit de l'Union européenne puisqu'elle s'inscrit dans le cadre des dérogations prévues par l'article 19 de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 (voir supra). Son entrée en vigueur effective dépendra cependant de son autorisation préalable par la Commission européenne.

B. LA NECÉSSITÉ DE SÉCURISER LE FINANCEMENT DU CAS FACÉ PAR UNE RÉFORME TRANSPARENTE POUR LES CONSOMMATEURS COMME POUR LES AUTORITÉS ORGANISATRICES DE LA DISTRIBUTION D'ÉNERGIE (AODE)

La réforme du financement du CAS Facé prévue par le présent article sera neutre pour le montant annuel des aides à l'électrification rurale, qui restera déterminé chaque année en loi de finances initiale, et leur répartition entre bénéficiaires. Elle sera également neutre pour les consommateurs dans la mesure où le financement de ces aides à l'électrification rurale restera, comme aujourd'hui, inclus dans leur facture d'électricité toutes taxes comprises (TTC). Une simple opération de vases communicants interviendra entre le Turpe, au sein duquel la contribution se répercute aujourd'hui, et la fiscalité puisque ce financement sera désormais intégré au tarif normal d'accise sur l'électricité. L'évolution sera ainsi transparente pour les consommateurs comme pour les autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE).

Eu égard aux éléments transmis par l'administration au rapporteur général au sujet de la grande fragilité juridique de la contribution actuelle (voir supra), cette réforme du mode de financement du CAS Facé apparaît comme nécessaire à sécuriser sur le long terme les ressources affectées aux aides à l'électrification rurale.

C. UNE RÉFORME DU FINANCEMENT DE LA PÉRÉQUATION TARIFAIRE AU BÉNÉFICE DES ZNI QUI RÉDUIRA LE NIVEAU DE DÉPENSES PUBLIQUES ET SERA NEUTRE À COURT TERME POUR LES CONSOMMATEURS

La réforme du financement du mécanisme de péréquation des tarifs d'électricité en faveur des ZNI se traduira par une baisse structurelle des dépenses de l'État. En 2025, cette baisse représentera environ 3 milliards d'euros.

Globalement, cette évolution a cependant vocation à être neutre pour le budget de l'État dans la mesure où, pour compenser l'impact de cette mesure sur les factures des consommateurs de combustibles, y compris d'électricité, les tarifs normaux d'accise sur les énergies concernées sont révisés à la baisse. À court terme, la baisse de dépenses de l'État résultant de cette mesure se trouve ainsi compensée par de moindres recettes pour un montant équivalent.

Toutefois à terme, selon les évolutions des charges de service public liées au mécanisme de soutien aux ZNI, cette mesure pourrait ne pas être neutre, tant pour les consommateurs que pour le budget de l'État. En effet, désormais, ce seront les consommateurs de combustibles de chauffage, à travers la nouvelle majoration d'accise dédiée au financement du mécanisme de péréquation, qui se trouveront exposés à l'évolution des charges de service public de l'énergie correspondante et non plus le budget de l'État comme aujourd'hui.

Dans ces conditions, si dans les années qui viennent ces charges sont amenées à augmenter, ce seront les consommateurs qui financeront cette hausse via la fiscalité appliquée à leur consommation de combustibles. Inversement, si ces charges venaient à diminuer, la moindre recette consentie en 2025 par l'État à travers une révision à la baisse des tarifs normaux d'accise pourrait s'avérer supérieure aux dépenses qui auraient résulté du maintien du mode de financement actuel par crédits budgétaires inscrits au programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, mobilité et développement durables ». Il apparaît cependant qu'historiquement, ces charges s'avèrent plutôt dynamiques.

D. LA MISE EN CONFORMITÉ DES TAUX DE TVA APPLICABLES À L'ÉLECTRICITÉ ET AU GAZ SE TRADUIT PAR UN ALIGNEMENT VERS LE HAUT SUR LE TAUX NORMAL, QUI DEVRAIT ÊTRE NEUTRALISÉ PAR LA BAISSE DE L'ACCISE POUR LES MÉNAGES

1. Une mise en conformité avec la jurisprudence européenne qui fait le choix d'un alignement vers le haut des taux de TVA applicables à l'électricité et au gaz

Selon l'évaluation préalable du Gouvernement annexée au projet de loi de finances pour 2025179(*), la suppression des taux réduits de TVA sur les abonnements d'électricité et de gaz s'impose au regard des évolutions du droit européen, ainsi que du développement de nouvelles offres brouillant la frontière entre abonnement et consommation, à l'image des offres de rechargement des véhicules électriques.

D'après cette évaluation, « tant la jurisprudence européenne (...) que la récente révision de la directive TVA d'avril 2022 en matière de taux réduits (...) imposent de mettre fin au système dual entre la TVA pesant sur l'abonnement et la TVA pesant sur la consommation (...). En outre, ce système dual crée des distorsions de concurrence importantes dans le cadre du développement des offres de fourniture d'électricité dédiées au rechargement des véhicules électriques. En effet, pour ces dernières, la frontière entre les parts « abonnement » et « consommation » présente un caractère moins univoque »180(*).

Cependant, ainsi que l'administration fiscale l'avait indiqué dans le cadre des travaux de la Commission supérieure de codification181(*), la mise en conformité du régime français avec la jurisprudence européenne pouvait consister en deux solutions alternatives :

soit une extension du taux réduit de 5,5 % à la fourniture ;

soit une suppression du taux réduit de 5,5 %, pour appliquer le taux normal de 20 % à l'ensemble de la livraison (abonnement comme fourniture).

Aussi, le choix retenu dans le cadre du présent article revient donc à un alignement vers le haut des taux de TVA applicables.

2. Une mesure recommandée par le Conseil des prélèvements obligatoires et par l'Inspection générale des finances

Dans son rapport sur la TVA de février 2023182(*), le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) avait rappelé que cet impôt devait rester « un impôt de rendement avec pour objectif prioritaire le financement des services publics » et que « d'autres instruments apparaiss[aient] plus efficaces que la TVA pour réduire les inégalités et relever les défis environnementaux ».

Concernant plus particulièrement les taux réduits de TVA en matière d'énergie, le CPO relevait qu'« il pourrait (...) être étudié un scénario de convergence des tarifs des accises sur l'électricité et le gaz réalisée à budget constant (...) Cet alignement des tarifs d'accise pourrait être l'occasion d'unifier les taux de TVA applicables aux offres de gaz, d'électricité, de bois et de chaleur, en les fixant au taux normal de 20 %, mettant ainsi fin à un risque contentieux devant la CJUE ».

De même, dans son rapport sur l'adaptation de la fiscalité aux exigences de la transition écologique de mai 2023183(*), l'Inspection générale des finances recommandait expressément, dans le cadre de la sortie du bouclier tarifaire, de supprimer le taux réduit de TVA sur l'abonnement aux offres d'électricité et de gaz naturel.

3. Un impact positif en recettes estimé à 1,2 Md€ neutralisé par une baisse équivalente des tarifs normaux d'accise pour les ménages

Selon l'évaluation préalable du présent article, l'impact en termes de recettes fiscales supplémentaires de la suppression des taux réduits de TVA sur les abonnements d'électricité et de gaz naturel représenterait un gain de 1,2 Md€.

Pour les consommateurs, l'effet du relèvement de la TVA s'élèverait à 4,96 €/MWh pour l'électricité et 1,75 €/MWh pour le gaz.

Néanmoins, comme précisé supra, ces montants sont « compensés à due proportion par une baisse de l'accise (uniquement pour le tarif dont relèvent les ménages et personnes assimilés, qui seuls supportent la TVA) pour assurer la neutralité »184(*) du dispositif.

Dans ces conditions, la commission des finances est favorable à cet alignement des taux de TVA appliqués aux abonnements de gaz et d'électricité sur ceux appliqués à la consommation de ces énergies qui permettra de sécuriser le droit fiscal national sans incidence sur les consommateurs.

E. S'IL EST LÉGITIME DE RÉTABLIR LA FISCALITÉ SUR L'ÉLECTRICITÉ À SON NIVEAU D'AVANT CRISE, IL N'EST PAS RAISONABLE DE L'AUGMENTER AU-DELÀ

1. Si la sortie du bouclier tarifaire est un impératif, la fiscalité appliquée à la consommation électrique ne doit pas être augmentée au-delà du niveau qui était le sien avant la crise des prix de l'énergie

a) La crise est derrière nous : la baisse substantielle des prix de l'électricité sur les marchés de gros

Alors qu'ils avaient atteint des sommets historiques et totalement inédits au cours de l'été 2022, dépassant les 1 000 euros par MWh, les prix de l'électricité sur les marchés de gros se sont continuellement et progressivement repliés entre la fin de l'année 2022 et le début de l'année 2024 pour retrouver des niveaux, certes supérieurs aux prix constatés jusqu'en 2021 (environ 50 euros par MWh) mais, notamment en tenant compte de l'inflation, beaucoup plus habituels et raisonnables.

Évolution du prix à terme de l'électricité
pour une livraison à un horizon de douze mois (janvier 2014 - octobre 2024)

(en euros par MWh)

Source : site internet du courtier Opéra énergie

Ainsi, depuis le début de l'année 2024, les prix à terme de l'électricité pour une livraison un an plus tard, la principale référence des contrats de fourniture, sont relativement stables, évoluant dans une fourchette comprise entre 68 euros par MWh et 90 euros par MWh pour une moyenne de 78 euros par MWh. À titre de comparaison, cette moyenne était encore de 162 euros par MWh en 2023185(*).

Le 30 octobre 2024, les prix à terme à un an (livraison 2025) s'établissaient à un niveau de 71 euros par MWh.

Évolution des prix à terme de l'électricité
pour des livraisons en 2025, 2026, 2027, 2028 et 2029
(novembre 2023 - octobre 2024)

(en euros par MWh)

Source : site internet du courtier Opéra énergie

Les prix à terme pour des livraisons à deux (2026) ou trois ans (2027) sont encore un peu plus bas. Ainsi, le 30 octobre 2024, les prix de marchés à terme pour des livraisons en 2026 et en 2027 s'établissaient-ils respectueusement à 65 euros par MWh et à 63 euros par MWh.

Prix à terme de l'électricité en 2024 pour des livraisons en 2025, 2026 et 2027

(en euros par MWh)

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Depuis le début de l'année 2024, les prix de gros de l'électricité en France pour une livraison en 2025 sont inférieurs à ceux constatés dans de nombreux pays voisins.

Prix à terme de l'électricité en 2024 pour une livraison en 2025
(France, Italie, Allemagne, Belgique et Royaume-Uni)

(en euros par MWh)

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Ces évolutions des prix de marché montrent que la crise des prix de l'électricité est désormais derrière nous. Alors que ces évolutions à la baisse vont pleinement se répercuter sur les factures en début d'année prochaine, en raison notamment du calendrier d'actualisation des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe), elles impliquent de mettre un terme aux dispositifs exceptionnels très coûteux pour les finances publiques qui ont été mis en place au plus fort de l'augmentation des prix pour soutenir les consommateurs. Le volet fiscal du bouclier tarifaire qui s'est traduit par une minoration exceptionnelle des tarifs de l'accise sur l'électricité fait partie de ces dispositifs.

b) Dans le cadre des dispositions du présent article, la marge de manoeuvre d'augmentation de l'accise sur l'électricité dépendrait de l'évolution des prix de marchés et de celle du tarif d'utilisation du réseau public d'électricité (Turpe)

Le Gouvernement a pris l'engagement, confirmé dans l'évaluation préalable, que l'augmentation de la fiscalité sur l'électricité qu'il prévoit au titre des dispositions du présent article devra être calibrée pour qu'en dépit de celle-ci, les TRVe, et donc les factures d'électricité de l'essentiel des ménages français, baissent d'au moins 9 % en 2025.

Aussi, dans les conditions actuellement prévues par le présent article, la marge de manoeuvre de l'exécutif pour augmenter la fiscalité de l'électricité serait-elle déterminée par les autres facteurs qui influent sur l'évolution des TRVe, c'est-à-dire essentiellement, les évolutions des prix de marchés et du tarif d'utilisation du réseau public d'électricité (Turpe) qui rémunère les infrastructures de transport et de distribution d'électricité.

Autrement dit, la faculté dont disposerait le Gouvernement pour augmenter la fiscalité sur l'électricité par arrêté serait dépendante de la prochaine évolution des TRVe hors taxes (HT). Celle-ci sera, comme chaque année proposée par la CRE dans une délibération de janvier 2025 pour une entrée en vigueur des nouveaux tarifs au 1er février 2025.

Dans un communiqué daté du 17 octobre 2024, la CRE a indiqué que le Turpe pourrait augmenter d'environ 10 % en 2025, soit, au sein de la structure des TRVe HT 2025, une augmentation qui pourrait représenter environ 10 euros par MWh dans la construction des TRVe 2025. Si cette augmentation intervient habituellement au 1er août, la CRE a proposé de l'appliquer dès le 1er février afin d'éviter un phénomène de « yoyo » qui conduirait à une baisse des TRVe au 1er février 2025 en raison de la diminution des prix de marchés puis à une hausse de ces mêmes TRVe au 1er août 2025 du fait de la réévaluation du Turpe. De telles évolution seraient assurément peu lisibles pour les consommateurs. Une autre option possible dans le cadre des dispositions prévues par le présent article serait qu'après avoir augmenté le tarif normal d'accise sur l'électricité par arrêté au 1er février 2025, le Gouvernement prévoit une baisse de ce tarif majoré au 1er août 2025 afin de neutraliser l'évolution du prix des factures résultant de la hausse du Turpe.

Par ailleurs la baisse des prix de marché va se traduire mécaniquement par une forte diminution de la composante fourniture d'électricité des TRVe et donc par une baisse significative des TRVe HT au 1er février prochain.

L'évaluation préalable de l'article anticipait une baisse en février 2025 d'environ 40 euros par MWh des TRVe qui se décomposerait de la façon suivante :

- une baisse de 50 euros par MWh due à la diminution des prix de marché ;

- une hausse de 10 euros par MWh du Turpe.

Comme décrit supra, les dispositions du présent article permettraient en théorie au Gouvernement de relever par voie d'arrêté les tarifs normaux de l'accise sur l'électricité d'au moins 5 euros par MWh et dans une limite de 25 euros par MWh.

En tenant compte des effets de l'alignement du taux de TVA sur l'abonnement électrique, de la réforme du financement du CAS Facé et de la majoration d'accise qui devra financer le soutien aux ZNI, les dispositions du présent article conduiraient ainsi à autoriser le Gouvernement à augmenter la pression fiscale sur la consommation électrique entre 5 euros par MWh et 25 euros par MWh par rapport à une situation dans laquelle aucune de ces dispositions contenues dans le présent article ne seraient prises et qui se traduirait ainsi par un simple retour aux tarifs d'accise d'avant crise.

Si l'on compare l'évolution prévisionnelle de la fiscalité sur l'électricité rendue possible par le présent article avec la situation qui prévaut en 2024, c'est-à-dire des tarifs minorés de 21 euros par MWh pour les ménages et 20,5 euros par MWh pour les entreprises, les hausses pourraient ainsi se situer entre 19 euros par MWh et 44 euros par MWh.

Hypothèse d'évolution de la fiscalité sur la consommation électrique des ménages résultant des dispositions de l'article 7

(en euros par MWh)

Scénario 1 : législation inchangée

Scénario 2 : réforme du financement du CAS Facé

Scénario 3 : réforme du financement du CAS Facé, majoration d'accise pour le financement du soutien aux ZNI et suppression du taux réduit sur l'abonnement électrique

Scénario 4 : scénario 3 + système de modulation du tarif normal d'accise prévu par le 3° du I de l'article 7

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'article 7 et son évaluation préalable

Les augmentations de fiscalité sur l'électricité sur les factures annuelles des consommateurs qui pourraient résulter de la possibilité laissée au Gouvernement de majorer par arrêté le tarif normal d'accise entre 5 et 25 euros par MWh sont présentées dans le tableau ci-après qui présente la situation de quatre consommateurs types.

À titre d'illustration, pour une famille de 4 personnes vivant dans une maison de 100 m2 qui consomme 14,1 MWh d'électricité par an, l'augmentation de la fiscalité sur sa consommation électrique pourrait se situer :

entre 70,5 euros et 352,5 euros par an si l'on prend pour base de référence un retour de la fiscalité de l'électricité à son niveau d'avant crise (soit l'achèvement stricte de la sortie du dispositif de bouclier tarifaire) ;

entre 267,9 euros et 620,4 euros si l'on prend pour base de référence la fiscalité minorée appliquée en 2024 (un tarif d'accise sur l'électricité de 21 euros par MWh).

Impacts prévisionnels sur la facture d'électricité de consommateurs types
des augmentations de la fiscalité sur l'électricité permises
par les dispositions du présent article

(en euros sur le cumul annuel des factures d'électricité)

Consommateurs types

Comparaison avec une hypothèse dans laquelle aucune disposition ne serait prise dans ce PLF

(retour aux tarifs d'accise d'avant crise)

Comparaison avec le niveau de fiscalité appliqué sur l'électricité en 2024

(tarifs d'accise minorés de 21 euros par MWh pour les ménages et 20,5 euros par MWh pour les entreprises)

Augmentation du montant de fiscalité sur la facture annuelle en cas de hausse « plancher » du tarif normal d'accise (+ 5 euros par MWh) par l'arrêté ministériel

Augmentation du montant de fiscalité sur la facture annuelle en cas de hausse « plafond » du tarif normal d'accise (+ 25 euros par MWh) par l'arrêté ministériel

Augmentation du montant de fiscalité sur la facture annuelle en cas de hausse « plancher » du tarif normal d'accise (+ 5 euros par MWh) par l'arrêté ministériel

Augmentation du montant de fiscalité sur la facture annuelle en cas de hausse « plafond » du tarif normal d'accise (+ 25 euros par MWh) par l'arrêté ministériel

Personne seule dans un appartement de 30 m2 en « tout électrique »186(*) qui consomme 3,6 MWh par an

+ 18 euros

+ 90 euros

+ 68,4 euros

+ 158,4 euros

Ménage de 3 personnes dans un appartement de 80 m2 en « tout électrique » qui consomme 6,7 MWh par an

+ 33,5 euros

+ 167,5 euros

+ 127,3 euros

+ 294,8 euros

Famille de 4 personnes dans une maison de 100 m2 en « tout électrique » qui consomme 14,1 MWh par an

+ 70,5 euros

+ 352,5 euros

+ 267,9 euros

+ 620,4 euros

Boulanger qui consomme 99 MWh par an

+ 495,0 euros

+ 2 475,0 euros

+ 1 065,2 euros

+ 3 045,2 euros

Source : commission des finances du Sénat

Si les prévisions actuelles d'évolution des TRVe HT en 2025 se confirmaient, il semble que l'atteinte de l'objectif d'une baisse des TRVe TTC de 9 % pourrait permettre à l'État de majorer par arrêté le tarif d'accise de l'ordre de 13,5 euros par MWh en moyenne sur l'année 2025187(*).

Dans cette hypothèse, les augmentations annuelles en euros de la fiscalité sur l'électricité selon différents types de ménages seraient celles présentées dans le tableau ci-dessous.

Impacts prévisionnels sur la facture d'électricité de consommateurs types
des augmentations de la fiscalité sur l'électricité si le Gouvernement majorait
par arrêté le tarif d'accise sur l'électricité de 13,5 euros par MWh

(en euros sur le cumul annuel des factures d'électricité)

Consommateurs types

Comparaison avec une hypothèse dans laquelle aucune disposition ne serait prise dans ce PLF

(retour aux tarifs d'accise d'avant crise)

Comparaison avec le niveau de fiscalité appliqué sur l'électricité en 2024

(tarifs d'accise minorés de 21 euros par MWh pour les ménages et 20,5 euros par MWh pour les entreprises)

Personne seule dans un appartement de 30 m2 en « tout électrique »188(*) dans qui consomme 3,6 MWh par an

+ 48,5 euros

+ 98,7 euros

Ménage de 3 personnes dans un appartement de 80 m2 en « tout électrique » dans qui consomme 6,7 MWh par an

+ 90,5 euros

+ 183,9 euros

Famille de 4 personnes dans une maison de 100 m2 en « tout électrique » dans qui consomme 14,1 MWh par an

+ 190,4 euros

+ 387,0 euros

Boulanger qui consomme 99 MWh par an

+ 1 336,5 euros

+ 1 906,7 euros

Source : commission des finances du Sénat

c) Une augmentation potentielle déraisonnable de la fiscalité de l'électricité

La crise des prix de l'électricité est désormais derrière nous. La baisse des prix sur les marchés de gros va se traduire par une diminution très attendue du prix des factures d'électricité en février prochain. Dans ces conditions il est légitime d'achever la sortie du dispositif de bouclier tarifaire en procédant au rétablissement du niveau de fiscalité sur la consommation électrique qui était en vigueur avant la crise. Ce « retour à la normale » de la fiscalité sur l'électricité est même un impératif compte-tenu de l'état des finances publiques.

Cependant, il n'apparaît pas raisonnable, comme le prévoit le présent article, d'augmenter, potentiellement dans des proportions très substantielles, la fiscalité appliquée à la consommation d'électricité au-delà du niveau qui prévalait avant la crise. Une telle augmentation s'appliquerait sans distinction à l'ensemble des Français. Nos concitoyens les plus modestes ainsi que les classes moyennes seraient tout particulièrement affectés tant les factures d'énergie représentent une part tout aussi significative que contrainte de leurs dépenses.

Au-delà des particuliers, l'augmentation de la pression fiscale sur les consommations électriques toucherait toutes les entreprises ne bénéficiant pas de tarifs réduits. Le tissu de nos TPE et de nos PME, déjà très fragilisé par la crise des prix de l'énergie, serait particulièrement affecté.

En outre, il convient de rappeler que, grâce notamment à son parc de réacteurs nucléaire, l'électricité en France est décarbonée à près de 95 %. Dans ces conditions, une hausse de la pression fiscale sur cette énergie n'irait pas « dans le sens de l'histoire ». En effet, l'augmentation potentiellement très substantielle de la fiscalité sur l'électricité sous-jacente aux dispositions du présent article constituerait un contre-signal peu cohérent avec l'impératif de transition écologique et la nécessaire décarbonation des usages. Parce qu'elle creuserait dans des proportions déraisonnables et au détriment de l'électricité, l'écart de fiscalité avec les combustibles d'origine fossile, notamment le gaz, elle pourrait même devenir un puissant facteur désincitatif à la transition écologique.

C'est pour toutes ces raisons que par l'amendement I-2 (FINC.2), la commission propose de limiter l'évolution de la fiscalité appliquée à l'électricité au strict retour au niveau qui était le sien avant la période de crise. Ce principe suppose de supprimer la possibilité laissée à l'exécutif de majorer par arrêté le tarif normal d'accise sur l'électricité.

2. La compétitivité des industries électro-intensives sera préservée en 2025

La commission d'enquête sénatoriale de juillet dernier portant sur la production, la consommation et les prix de l'électricité189(*) l'a souligné, le niveau du prix de l'électricité est un « risque existentiel » pour certains secteurs industriels électro-intensifs exposés à la concurrence internationale. Si le prix de l'électricité pour les industriels en France est globalement compétitif vis-à-vis de nos partenaires européens, il n'en va pas de même avec d'autres régions du monde avec lesquelles certains secteurs sont en concurrence directe. Sur cette question, la commission d'enquête sénatoriale soulignait que la situation était très préoccupante : « face à des régions du monde telles que l'Amérique du Nord ou l'Asie, l'écart de compétitivité lié aux prix de l'électricité se creuse dans des proportions très inquiétantes ». D'après l'Union des industries utilisatrices d'énergie (Uniden), dans les principales régions du monde en concurrence avec l'Europe, les industriels électro-intensifs ont accès à des prix compris entre 25 et 50 euros par MWh. Le secteur de la chimie semble par exemple dans une situation extrêmement précaire, exposé à des risques de délocalisations massives hors des frontières européennes.

Dans ces conditions, la prolongation jusqu'à la fin de l'année 2025 de la minoration du tarif d'accise à son niveau minimum autorisé par le droit de l'Union européenne, soit 0,5 euro par MWh, appliqué aux industries électro-intensives, permettra de préserver la compétitivité de secteurs extrêmement exposés à la concurrence internationale et pour lesquels les prix de l'électricité sont absolument décisifs.

Le rapporteur général note que cette minoration ne pèserait pas sur les finances publiques dans la mesure où le présent article prévoit que son coût soit financé par une majoration de 1,38 euro par MWh sur le tarif normal d'accise sur l'électricité appliqué aux entreprises qui ne bénéficient pas de tarifs réduits.

F. ÉVITER UN ACROISSEMENT DE LA PRESSION FISCALE DE 3,4 MILLIARDS D'EUROS GÉNÉRALISÉ SUR L'ENSEMBLE DES CONSOMMATEURS D'ÉLECTRICITÉ QUI TOUCHERAIT FORTEMENT LES CLASSES MOYENNES ET POPULAIRES

Comme le précise l'évaluation préalable du présent article, en prenant pour référence la situation qui aurait prévalue sans que les dispositions de cet article ne soit prévues, c'est-à-dire notamment un retour des tarifs d'accise sur l'électricité à leur niveau d'avant crise majoré de l'inflation (soit 33,78 euros par MWh pour les ménages), le cumul des différentes dispositions du présent article pourrait générer une augmentation de 2,4 milliards des recettes de l'État. Cette évaluation repose notamment sur l'hypothèse que les estimations les plus actualisées sur l'évolution des prix de marché de l'électricité d'ici à la fin de l'année soit confirmée, et qu'ainsi, le Gouvernement puisse majorer par arrêté les tarifs normaux d'accise sur l'électricité de 13,5 euros par MWh pour l'année 2025190(*).

Elle se décompose de la façon suivante :

1,2 milliard d'euros d'augmentation des recettes de TVA lié au relèvement des taux appliqués aux abonnements d'électricité et de gaz ;

0,4 milliard d'euros de diminution de recettes d'accise sur les combustibles fossiles, essentiellement, s'agissant du gaz, pour neutraliser la hausse du taux de TVA appliqué aux abonnements ainsi qu'en raison de l'harmonisation des tarifs d'accise sur les différents types de combustibles fossiles (voir supra) ;

1,6 milliard d'euros d'augmentation des recettes d'accise sur l'électricité dont les facteurs explicatifs sont décrits infra.

Impacts prévisionnels sur les recettes de l'État (par rapport à une situation de référence correspondant à un retour au niveau de fiscalité d'avant crise)
des dispositions du présent article

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'évaluation préalable de l'article 7

En revanche, si l'on prend comme base de référence les tarifs d'accise sur l'électricité minorés appliqués en 2024, la hausse des recettes pour l'État constatée entre 2024 et 2025 correspondrait à 4,8 milliards d'euros dans la mesure où la sortie du bouclier tarifaire sur l'électricité, c'est-à-dire le retour aux tarifs d'accise sur l'électricité appliqués avant la crise, se traduira par une hausse du rendement de cette accise estimée à 2,4 milliards d'euros.

Impacts prévisionnels sur les recettes de l'État (par rapport à la fiscalité dérogatoire appliquée en 2024 dans le cadre du bouclier tarifaire)
des dispositions du présent article

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de l'administration au questionnaire du rapporteur général

En prenant pour référence de départ un retour des tarifs normaux d'accise sur l'électricité à leur niveau d'avant crise, les effets budgétaires prévisionnels sur le strict périmètre de cette accise qui résulteraient des dispositions du présent article et dans les hypothèses de majoration du tarif normal par arrêté précisées supra, seraient les suivants :

des moindres recettes cumulées à hauteur de 1,8 milliard d'euros résultant des baisses du tarif normal d'accise destinées à neutraliser pour les consommateurs les effets liés à la hausse du taux de TVA sur l'abonnement électrique et à la majoration destinée à financer le dispositif de soutien aux ZNI ;

une augmentation de recettes de 3,4 milliards d'euros qui résulterait de l'emploi par le Gouvernement de la marge d'augmentation du tarif d'accise dont il disposerait selon les prévisions les plus actualisées d'évolution des TRVe HT en 2025, tout en respectant l'objectif d'une baisse de 9 % des TRVe TTC l'année prochaine.

L'addition de ces deux phénomènes, de sens opposés, aboutit à un solde de 1,6 milliard d'euros d'augmentation de recettes d'accise sur l'électricité.

Impacts prévisionnels sur le rendement de l'accise sur l'électricité
(par rapport à une situation de référence correspondant à un retour au niveau de fiscalité d'avant crise) des dispositions du présent article

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de l'administration au questionnaire du rapporteur général

En prenant en revanche comme base de référence la situation de 2024, c'est-à-dire l'application de taux normaux d'accise minorés à 21 euros par MWh pour les ménages et 20,5 euros par MWh pour les particuliers, l'augmentation des recettes prévisionnelles d'accise sur l'électricité entre 2024 et 2025 résultant des dispositions du présent article représenterait 4 milliards d'euros.

G. RÉTABLIR UNE COHÉRENCE ENTRE LA FISCALITÉ DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ DANS UN OBJECTIF DE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Rehausser le niveau de l'accise sur l'électricité, tout en laissant inchangée celle sur le gaz, est également problématique au regard des objectifs de transition énergétique que s'est fixés la France.

L'usage du gaz naturel comme combustible conduit à des émissions de dioxyde de carbone d'environ 500 grammes par kWh, tandis qu'elles ne représentent que 25 grammes par kWh pour l'hydroélectricité et 12 grammes par kWh pour la production nucléaire. Comme rappelé supra, l'électricité en France est décarbonée à près de 95 %.

En outre, le gaz est une énergie importée pour l'essentiel. Plus d'un tiers du gaz consommé en France provient de Norvège, et surtout le gaz russe représente encore environ 20 % des importations.

Trop favoriser la consommation de gaz au détriment de celle de l'électricité n'est donc pas seulement contraire à nos ambitions climatiques, mais pose également un véritable risque pour la souveraineté énergétique de la France. Il convient à l'inverse de favoriser l'électrification des usages. Pour cela, il est essentiel de renforcer l'« ordre de mérite » (merit order), c'est-à-dire d'adapter la fiscalité sur les énergies de sorte à ce que l'usage de l'électricité reste plus avantageux que celui du gaz.

Ainsi, par l'amendement I-1 (FINC.1), la commission propose de rehausser le tarif de l'accise sur le gaz naturel à usage combustible de 4 euros par MWh, pour le porter à 14,54 euros par MWh. L'amendement amène au même niveau le tarif d'accise des pétroles lampants, du charbon et du fiouls, par respect du principe selon lequel leur tarif d'accise doit être harmonisé avec celui du gaz.

Cette hausse du tarif conduirait à une augmentation de 4,4 % de la facture de gaz annuelle des ménages, et il est estimé qu'elle devrait engendrer de l'ordre de 1 à 1,2 milliard d'euros de recettes supplémentaires pour le budget général.

F. CORRECTIONS LÉGISTIQUES DIVERSES

Trois amendements proposés par la commission ont pour objet d'apporter des corrections de nature légistique à différents dispositifs prévus par le présent article.

L'amendement I-3 (FINC.3) apporte une correction légistique à la rédaction du nouvel alinéa de l'article L. 121-16 du code de l'énergie proposé par le 3° du III du présent article.

Par ailleurs, la date d'entrée en vigueur de l'abrogation de la mention du 11° de l'article L. 1241-14 du CGCT191(*) qui cite parmi les ressources d'IDFM le produit de la majoration de l'accise sur les énergies perçue sur les gazoles et essences en Île-de-France prévue à l'article L. 312-40 du code des impositions sur les biens et services est entachée d'une erreur matérielle puisqu'en l'état de la rédaction de l'article, elle interviendrait dès le 1er janvier 2025 alors que, comme précisé supra, la majoration spécifique à l'Île-de-France ne doit être supprimée qu'au 1er janvier 2026, date à laquelle le 6° du I du présent article prévoit d'abroger l'article L. 312-40 dont il est question. L'amendement I-4 (FINC.4) proposé par la commission a vocation à corriger cette erreur matérielle.

Enfin, l'amendement I-5 (FINC.5) proposé par la commission vient corriger une erreur matérielle résultant d'une inversion de la référence reportée au IX du présent article consacré aux dates d'entrée en vigueur des différentes dispositions qu'il contient (« 11° » en lieu et place de « 12° »).

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 8

Évolution de la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone
et de la taxe sur la masse en ordre de masse

Le présent article prévoit :

- de durcir progressivement, avec une visibilité sur une période de trois ans, le barème du malus CO2 ;

- d'abaisser en 2026 de 1,6 tonne à 1,5 tonne le seuil à partir duquel un véhicule est imposé au malus poids ;

- de neutraliser ces évolutions pour les véhicules de transport collectif de personnes ;

- de limiter aux véhicules les plus vertueux l'éligibilité à l'abattement de malus poids dont bénéficie aujourd'hui les voitures hybrides non rechargeables.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE MALUS COET LE MALUS POIDS ONT ÉTÉ RÉVISÉS PAR LA LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2024

L'article L. 421-30 du code des impositions sur les biens et services prévoit que les véhicules de tourisme se voient appliquer :

- une taxe sur les émissions de dioxyde de carbone, le « malus CO2 » ;

- et une taxe sur la masse en ordre de marche, parfois qualifiée de « malus poids ».

L'article L. 421-33 du même code dispose que leur fait générateur est constitué par la délivrance d'un certificat d'immatriculation résultant de la première immatriculation en tant que véhicule de tourisme en France.

A. LE BARÈME DU MALUS COEST RENFORCÉ CHAQUE ANNÉE POUR INCITER LA CONVERSION DU PARC DE VÉHICULES PARTICULIERS

1. Une taxe assise sur les émissions des véhicules de tourisme

La taxe sur les émissions de dioxyde de carbone, dite « malus CO2 », est une taxe assise sur les émissions des véhicules de tourisme. Elle intervient à l'occasion de la première immatriculation du véhicule en France. Dans son modèle actuel, le malus COest issu de la réforme des taxes sur l'immatriculation des véhicules réalisée par l'article 55 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

L'article L. 421-59 du code des impositions sur les biens et services dispose que le montant du malus COest égal à un tarif par véhicule déterminé en fonction de ses émissions de dioxyde de carbone. Ce montant figure dans un barème qui dépend de la norme dans laquelle les véhicules ont été réceptionnés et de l'année de première immatriculation.

Cette norme renvoie à la procédure dont font l'objet les véhicules lors de leur homologation appelée « cycle de roulage » ou bien « cycle de conduite ». Cette procédure permet de quantifier certains paramètres du véhicule et notamment ses rejets de COet de polluants. En 2018, un nouveau cycle de conduite dit WLTP (pour Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedures) est venu remplacer l'ancien dit NEDC (pour New European Driving Cycle).

Pour les véhicules les plus anciens qui n'ont pas été homologués selon les normes WLTP ou NEDC, le barème déterminant le montant de la taxe est fonction de leur puissance administrative exprimée en chevaux administratifs.

2. Des barèmes renforcés chaque année pour être rendus plus incitatifs

Les barèmes du malus COsont durcis chaque année192(*). Les évolutions les plus récentes de ces barèmes ont été prévus par les dispositions législatives suivantes :

- pour la période 2021-2023 : l'article 55 de la loi de finances précitée pour 2021 prévoyait ainsi un durcissement pluriannuel des barèmes pour la période 2021-2023 ;

- pour l'année 2024 : l'article 97 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

Ces revalorisations habituelles du barème prévoient notamment un abaissement annuel de 5 g de COpar km (gCO2/km) du seuil plancher d'émissions à partir duquel un véhicule se voyait soumis au malus. Celui-ci est ainsi passé de 138 gCO2/km en 2020 à 118 gCO2/km en 2024.

L'article L. 421-62 du code des impositions sur les biens et services se compose des barèmes relatifs à la méthode d'homologation WLTP. Pour une immatriculation en 2024, le barème en vigueur est présenté ci-après.

Barème de CO2, méthode dite WLTP, pour 2024

Émissions de CO(g/km)

Tarif (euros)

Émissions de CO(g/km)

Tarif (euros)

Émissions de CO(g/km)

Tarif (euros)

Inférieures à 117

0

147

1761

177

17 247

118

50

148

1901

178

18 858

119

75

149

2049

179

20 569

120

100

150

2205

180

22 380

121

125

151

2370

181

24 291

122

150

152

2544

182

26 302

123

170

153

2726

183

28 413

124

190

154

2918

184

30 624

125

210

155

3119

185

32 935

126

230

156

3331

186

35 346

127

240

157

3552

187

37 857

128

260

158

3784

188

40 468

129

280

159

4026

189

43 179

130

310

160

4279

190

45 990

131

330

161

4543

191

48 901

132

360

162

4818

192

51 912

133

400

163

5105

193

55 023

134

450

164

5404

Supérieures à 193

60 000

135

540

165

5715

   

136

650

166

6126

   

137

740

167

6537

   

138

818

168

7248

   

139

898

169

7959

   

140

983

170

8770

   

141

1074

171

9681

   

142

1172

172

10 692

   

143

1276

173

11 803

   

144

1386

174

13 014

   

145

1504

175

14 325

   

146

1629

176

15 736

   

Source : article L. 421-62 du code des impositions sur les biens et services

L'article L. 421-63 du même code comporte quant à lui les barèmes relatifs à l'ancienne méthode d'homologation NEDC tandis qu'à l'article L. 421-64 figure les barèmes exprimés en puissance administrative pour les véhicules les plus anciens. Le barème en puissance administrative pour une première immatriculation en France en 2024 est présenté ci-après.

Barème en puissance administrative pour l'année 2024

Puissance administrative (CV)

Tarif 2024 (en euros)

Inférieure à 4

0

4

1000

5

3250

6

5000

7

6750

8

10 750

9

15 750

10

22 500

11

28 500

12

35 500

13

43 250

14

52 000

15 et plus

60 000

Source : article L. 421-64 du code des impositions sur les biens et services

3. Des exonérations, des abattements et d'autres régimes dérogatoires

Il existe plusieurs types d'exonérations au malus CO2 :

- les véhicules dont la source d'énergie est exclusivement l'électricité, l'hydrogène ou une combinaison des deux (article L. 421-67 du code des impositions sur les biens et services) ;

- les véhicules accessibles en fauteuil roulant (article L. 421-65 du même code) ;

- les véhicules détenus par des personnes titulaires de la carte mobilité inclusion portant la mention « invalidité », d'une carte d'invalidité militaire ou assumant la charge effective et permanente d'un enfant titulaire de l'une de ces deux cartes (article L. 421-69 du même code) ;

- les véhicules exclusivement affectés aux besoins des services d'incendie et de secours (SDIS), des associations de sécurité civile agréées pour participer aux opérations de secours, aux actions de soutien et d'accompagnement des populations victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que des acteurs de la Défense des forêts contre les incendies (article L. 421-70-1 du même code)193(*).

Des abattements au malus CO2 sont également prévus :

pour les véhicules d'au moins huit places assises détenus par une personne morale : un abattement de 80g/km pour les émissions de CO2 ou de quatre chevaux administratifs (article L. 421-66 du même code) ;

- pour une personne qui assume la charge effective et permanente d'au moins trois enfants : un abattement de 20g/km par enfant pour les émissions de CO2 ou d'un cheval administratif par enfant pour la puissance administrative, dans la limite d'un seul véhicule d'au moins cinq places par foyer et pas plus d'une fois tous les deux ans194(*) (article L. 421-70 du même code) ;

- pour les véhicules dont la source d'énergie comprend le superéthanol E85 : un abattement de 40 % des émissions si elles ne dépassent pas 250g/km ou de deux chevaux administratifs si la puissance administrative du véhicule ne dépasse pas 12 chevaux (article L. 421-68 du même code).

D'après les données de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), actuellement, 46,3 % des véhicules neufs immatriculés en France sont exposés au malus CO2. Cependant, pour trois quarts d'entre eux, le montant de malus est inférieur à 1 000 euros. En 2024, le produit du malus COpourrait atteindre environ 750 millions d'euros.

Rendement du malus COdepuis 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les chiffres fournis par l'administration

B. VISANT À FREINER LA TENDANCE À L'ACCROISSEMENT DE LA MASSE DES VÉHICULES, LE MALUS POIDS A ÉTÉ RÉFORMÉ ET DURCI PAR LA LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2024

1. Un mode de détermination du montant du malus profondément réformé en 2024

La taxe sur la masse en ordre de marche des véhicules, dite « malus poids », est issue d'une recommandation qui avait été formulée par la convention citoyenne pour le climat. Elle a été instaurée par l'article 171 de la loi de finances précitée pour 2021 et est entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2022. À l'instar du malus CO2, elle intervient à l'occasion de la première immatriculation du véhicule en France.

Fixée par l'article L. 421-72 du code des impositions sur les biens et services, la méthode de calcul du montant du malus poids a été profondément réformée par l'article 97 de la LFI pour 2024195(*). Celui-ci prévoit depuis 2024 que le montant du malus est fixé en fonction d'un barème qui associe un tarif marginal à chaque fraction de la masse en ordre de marche du véhicule.

Reproduit ci-après, ledit barème figure au deuxième alinéa de l'article L. 421-75 du même code.

Barème du malus poids en vigueur en 2024

Fraction de la masse en ordre de marche (kg)

Tarif marginal (euros)

Jusqu'à 1599

0

De 1600 à 1799

10

De 1800 à 1899

15

De 1900 à 1999

20

De 2000 à 2100

25

À partir de 2100

30

Source : article L. 421-75 du code des impositions sur les biens et services

Cette nouvelle méthode de calcul et l'introduction de ce barème a conduit à imposer au malus poids de nouveaux véhicules puisqu'il a abaissé le plancher de masse en ordre de marche à partir duquel le véhicule est concerné par la taxe de 1 800 kg à 1 600 kg. Par ailleurs, l'introduction d'un barème dont les tarifs marginaux augmentent à chaque fraction de la masse du véhicule a significativement majoré les montants de malus appliqués aux véhicules exposés.

2. Des exonérations, des abattements et d'autres régimes dérogatoires

Il existe plusieurs types d'exonérations au malus masse :

- les véhicules dont la source d'énergie est exclusivement l'électricité, l'hydrogène ou une combinaison des deux (article L. 421-78 du code des impositions sur les biens et services) ;

- les véhicules accessibles en fauteuil roulant (article L. 421-76 du même code) ;

- les véhicules détenus par des personnes titulaires de la carte mobilité inclusion portant la mention « invalidité », d'une carte d'invalidité militaire ou assumant la charge effective et permanente d'un enfant titulaire de l'une de ces deux cartes (article L. 421-80 du même code) ;

- les véhicules exclusivement affectés aux besoins des services d'incendie et de secours (SDIS), des associations de sécurité civile agréées pour participer aux opérations de secours, aux actions de soutien et d'accompagnement des populations victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que des acteurs de la Défense des forêts contre les incendies (article L. 421-81-1 du même code)196(*).

Des abattements au malus masse sont également prévus :

- pour les véhicules d'au moins huit places assises détenus par une personne morale : un abattement de 500 kg197(*) (article L. 421-77 du même code) ;

- à compter du 1er janvier 2025198(*) (ils bénéficient encore actuellement d'une exonération), pour les véhicules hybrides électriques rechargeables de l'extérieur dont l'autonomie équivalente en mode tout électrique en ville est supérieure à 50 kilomètres : un abattement de 200 kg dans la limite de 15 % de la masse en ordre de marche du véhicule (article L. 421-79) ;

- pour les véhicules hybrides non rechargeables : un abattement de 100 kg (article L. 421-79-1)199(*) ;

- pour une personne qui assume la charge effective et permanente d'au moins trois enfants : un abattement de 200 kg par enfant dans la limite d'un seul véhicule d'au moins cinq places par foyer et pas plus d'une fois tous les deux ans (article L. 421-81 du même code).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE ÉVOLUTION TRIENNALE DES BARÈMES DES MALUS AUTOMOBILES

A. UNE ÉVOLUTION PLURIANNUELLE DU BARÈME DU MALUS CO

1. Un barème progressivement renforcé sur une période triennale

Le 1° du I du présent article propose une trajectoire triennale d'évolution du barème des émissions de dioxyde de carbone du malus CO2. Cette trajectoire prévisionnelle propose, comme c'est le cas chaque année depuis 2021, d'abaisser le plancher d'émissions à partir duquel un véhicule se trouve imposé au malus : de 5 gCO2/km en 2025 (soit 113 gCO2/km au lieu de 118 gCO2/km), de 7 gCO2/km en 2026 (soit 106 gCO2/km) puis encore de 7 gCO2/km en 2027 (soit 99 gCO2/km). Ces évolutions se répercutent sur le reste du barème afin d'en conserver la cohérence, la progressivité ainsi que le caractère incitatif.

La trajectoire pluriannuelle d'évolution du barème prévoit une augmentation substantielle du tarif du malus pour les véhicules les plus émetteurs. Ainsi, est-il proposé que le tarif plafond du malus augmente de 60 000 euros aujourd'hui (pour les véhicules qui émettent plus que 193 gCO2/km) à 70 000 en 2025 (pour les véhicules qui émettent plus que 192 gCO2/km), 80 000 euros en 2026 (pour les véhicules qui émettent plus que 189 gCO2/km) puis 90 000 euros en 2027 (pour les véhicules qui émettent plus que 185 gCO2/km).

Les barèmes pour les années 2025, 2026 et 2027 que le présent article propose d'insérer à l'article L. 421-62 du code des impositions sur les biens et services, sont présentés ci-après.

Barème de CO2, méthode dite WLTP, pour l'année 2025

Émissions de CO(g/km)

Tarif (euros)

Émissions de CO(g/km)

Tarif (euros)

Émissions de CO(g/km)

Tarif (euros)

Inférieures à 113

0

142

1761

172

17 247

113

50

143

1901

173

18 858

114

75

144

2049

174

20 569

115

100

145

2205

175

22 380

116

125

146

2370

176

24 291

117

150

147

2544

177

26 302

118

170

148

2726

178

28 413

119

190

149

2918

179

30 624

120

210

150

3119

180

32 935

121

230

151

3331

181

35 346

122

240

152

3552

182

37 857

123

260

153

3784

183

40 468

124

280

154

4026

184

43 179

125

310

155

4279

185

45 990

126

330

156

4543

186

48 901

127

360

157

4818

187

51 912

128

400

158

5105

188

55 023

129

450

159

5404

189

58 134

130

540

160

5715

190

61 245

131

650

161

6126

191

64 356

132

740

162

6637

192

67 467

133

818

163

7248

Supérieures à 192

70 000

134

898

164

7959

   

135

983

165

8770

   

136

1074

166

9681

   

137

1172

167

10 692

   

138

1276

168

11 803

   

139

1386

169

13 014

   

140

1504

170

14 325

   

141

1629

171

15 736

   

Source : article 8 du PLF pour 2025

Barème de CO2, méthode dite WLTP, pour l'année 2026

Émissions de CO(g/km)

Tarif (euros)

Émissions de CO(g/km)

Tarif (euros)

Émissions de CO(g/km)

Tarif (euros)

Inférieures à 106

0

135

1761

165

17 247

106

50

136

1901

166

18 858

107

75

137

2049

167

20 569

108

100

138

2205

168

22 380

109

125

139

2370

169

24 291

110

150

140

2544

170

26 302

111

170

141

2726

171

28 413

112

190

142

2918

172

30 624

113

210

143

3119

173

32 935

114

230

144

3331

174

35 346

115

240

145

3552

175

37 857

116

260

146

3784

176

40 468

117

280

147

4026

177

43 179

118

310

148

4279

178

45 990

119

330

149

4543

179

48 901

120

360

150

4818

180

51 912

121

400

151

5105

181

55 023

122

450

152

5404

182

58 134

123

540

153

5715

183

61 245

124

650

154

6126

184

64 356

125

740

155

6637

185

67 467

126

818

156

7248

186

70 578

127

898

157

7959

187

73 689

128

983

158

8770

188

76 800

129

1074

159

9681

189

79 911

130

1172

160

10 692

Supérieures à 189

80 000

131

1276

161

11 803

   

132

1386

162

13 014

   

133

1504

163

14 325

   

134

1629

164

15 736

   

Source : article 8 du PLF pour 2025

Barème de CO2, méthode dite WLTP, pour les années à compter de 2027

Émissions de CO(g/km)

Tarif (euros)

Émissions de CO(g/km)

Tarif (euros)

Émissions de CO(g/km)

Tarif (euros)

Inférieures à 99

0

128

1761

158

17 247

99

50

129

1901

159

18 858

100

75

130

2049

160

20 569

101

100

131

2205

161

22 380

102

125

132

2370

162

24 291

103

150

133

2544

163

26 302

104

170

134

2726

164

28 413

105

190

135

2918

165

30 624

106

210

136

3119

166

32 935

107

230

137

3331

167

35 346

108

240

138

3552

168

37 857

109

260

139

3784

169

40 468

110

280

140

4026

170

43 179

111

310

141

4279

171

45 990

112

330

142

4543

172

48 901

113

360

143

4818

173

51 912

114

400

144

5105

174

55 023

115

450

145

5404

175

58 134

116

540

146

5715

176

61 245

117

650

147

6126

177

64 356

118

740

148

6637

178

67 467

119

818

149

7248

179

70 578

120

898

150

7959

180

73 689

121

983

151

8770

181

76 800

122

1074

152

9681

182

79 911

123

1172

153

10 692

183

83 022

124

1276

154

11 803

184

86 133

125

1386

155

13 014

185

89 244

126

1504

156

14 325

Supérieures à 185

90 000

127

1629

157

15 736

   

Source : article 8 du PLF pour 2025

Dans la même logique, le 3° du I du présent article prévoit une trajectoire triennale d'évolution du barème en puissance administrative de ce même malus CO2. Dans le cadre de l'évolution proposée, dès 2025, le seuil d'exposition au malus est abaissé de 4 à 3 chevaux administratifs. À compter de 2027, les véhicules d'une puissance administrative inférieure à 3 chevaux se verront eux aussi appliquer un malus de 250 euros.

Pour mettre en oeuvre ces modifications, l'article propose ainsi d'insérer à l'article L. 421 64 du code des impositions sur les biens et services les trois tableaux suivants.

Barème en puissance administrative pour l'année 2025

Puissance administrative (CV)

Tarif 2025 (en euros)

Inférieure à 3

0

3

250

4

1500

5

4000

6

6250

7

8500

8

13 000

9

18 500

10

25 750

11

32 250

12

39 750

13

48 000

14

57 250

15 et plus

70 000

Source : article 8 du PLF pour 2025

Barème en puissance administrative pour l'année 2026

Puissance administrative (CV)

Tarif 2026 (en euros)

Inférieure à 3

0

3

500

4

2000

5

5000

6

7750

7

10 750

8

16 000

9

22 250

10

30 250

11

37 250

12

45 500

13

54 500

14

64 500

15 et plus

80 000

Source : article 8 du PLF pour 2025

Barème en puissance administrative pour l'année 2027

Puissance administrative (CV)

Tarif 2027 (en euros)

Inférieure à 3

250

3

750

4

2500

5

6000

6

9250

7

13 000

8

19 000

9

26 000

10

34 750

11

42 250

12

51 250

13

61 000

14

71 750

15 et plus

90 000

Source : article 8 du PLF pour 2025

2. Le renforcement du barème du malus COserait neutralisé pour les véhicules affectés au transport collectif de personnes

Parallèlement à la détermination d'une trajectoire d'évolution pluriannuelle du malus COet afin de ne pas pénaliser le transport collectif de personnes, le présent article prévoit de renforcer l'abattement accordé aux véhicules d'au moins 8 places assises détenues par une personne morale. Ce renforcement vise à neutraliser pour ces véhicules les effets du durcissement progressif du barème.

L'abattement doit ainsi augmenter de 5 g gCO2/km en 2025, de 7 gCO2/km en 2026 puis encore une fois de 7 gCO2/km supplémentaire en 2027. À cette fin, le 4° du I du présent article propose de modifier l'article L. 421-66 du code des impositions sur les biens et services de la façon. Le a) de ce 4° propose ainsi les évolutions suivantes :

- au 1er janvier 2025, l'abattement augmenterait de 80 gCO2/km à 85 gCO2/km ;

- au 1er janvier 2026, l'abattement serait porté à 92 gCO2/km ;

- au 1er janvier 2027, l'abattement atteindrait 99 gCO2/km.

De la même façon, sur le modèle de la révision du barème en puissance administrative prévue par le 3° du I (voir supra) et pour la neutraliser, au 1er janvier 2027, le b) de ce même 4° porte l'abattement exprimé en puissance administrative de 4 à 5 chevaux.

B. MALUS MASSE : UNE BAISSE À 1 500 KG DU SEUIL D'EXPOSITION DES VÉHICULES EN 2026 ET UN RÉAMÉNAGEMENT DES DISPOSITIFS DÉROGATOIRES

1. À compter de 2026, une baisse à 1 500 kg du seuil d'exposition des véhicules

À compter du 1er janvier 2026, le 5° du I du présent article propose d'abaisser de 1 600 kg à 1 500 kg la masse en ordre de marche à partir de laquelle un véhicule se retrouve exposé au malus poids. Par voie de conséquence, le reste du barème serait renforcé et les tarifs pour les véhicules d'un poids compris entre 1 600 kg et 2 100 kg seraient majorés par rapport à la situation actuelle.

Barème pour les années à compter de 2026

Fraction de la masse en ordre de marche (kg)

Tarif marginal (euros)

Jusqu'à 1499

0

De 1500 à 1699

10

De 1700 à 1799

15

De 1800 à 1899

20

De 1900 à 1999

25

À partir de 2000

30

Source : article 8 du PLF pour 2025

2. Le renforcement du barème du malus poids serait neutralisé pour les véhicules affectés au transport collectif de personnes

Dans la même logique que les aménagements de l'abattement au malus CO(4° du I) proposés pour ce type de véhicules, le présent article prévoit de neutraliser les effets du renforcement proposé du malus poids pour les véhicules d'au moins 8 places assises détenues par une personne morale.

Pour ce faire, le 6° du I propose de modifier l'article L. 421-77 du code des impositions sur les biens et services pour, à compter du 1er janvier 2026, porter l'abattement qui s'applique pour ce type de véhicule de 500 kg à 600 kg.

3. Le conditionnement de l'abattement en faveur des véhicules hybrides non rechargeables

Le 7° du I du présent article prévoit quant à lui de conditionner l'abattement de malus poids de 100 kg qui s'applique au bénéfice des véhicules hybrides.

Il propose en effet de modifier l'article L. 421-79-1 du code des impositions sur les biens et services pour exclure du bénéfice de cet abattement les véhicules dont la puissance maximale nette de leur moteur électrique est inférieure à 30 kilowatts. Cette exclusion vise les véhicules dits « microhybrides ».

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA POURSUITE D'UNE TRAJECTOIRE PROGRESSIVE VISANT À DÉCARBONER LA FLOTTE DES VÉHICULES INDIVIDUELS

A. UNE CONVERSION DE LA FLOTTE DE VÉHICULES ENCADRÉE PAR L'UNION EUROPÉENNE

1. Des engagements européens traduits dans des objectifs nationaux pour verdir la flotte de véhicules

À ce jour, le transport routier représente 95 % des émissions du secteur des transports, soit 28 % des émissions de COen France. Les voitures individuelles représentant 55 % de cette part soit environ 15 % des émissions totales de COen France.

La stratégie nationale bas carbone (SNBC) poursuit l'objectif de réduire les émissions des voitures neuves de 28 % à horizon 2030 par rapport au niveau constaté en 2019 et d'atteindre, à cette même échéance une part de marché des véhicules électriques de 45 % (dont 10 % d'hybrides rechargeables). L'objectif actuellement envisagé pour la future SNBC serait de porter cette ambition à - 41 %.

Trajectoire et leviers de décarbonation de la filière automobile

Source : feuille de route de décarbonation de la chaîne de valeur de l'automobile, mai 2023

Enfin, l'article 103 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (loi dite « climat-résilience ») a complété l'article 73 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) pour prévoir un objectif d'ici au 1er janvier 2030, de « fin de de la vente des voitures particulières neuves émettant plus de 123 gCO2/km ».

Le droit de l'Union européenne prévoyait un objectif d'émissions moyennes des véhicules neufs de 95 gCO2/km pour la période 2020-2024, un niveau atteint dès 2020. À horizon 2030, il a fixé un objectif de réduction de 37,5 % de ces émissions par rapport à leur niveau de 2019, soit 60 gCO2/km. Il prévoit désormais un objectif de 0 g CO2/km en 2035, soit la fin de la vente des véhicules thermiques, y compris hybrides rechargeables.

Incidences prévisionnelles des objectifs fixés par la règlementation européenne
sur les types de motorisation des véhicules neufs vendus (2020-2035)

BEV : véhicule 100 % électrique

FCEV : véhicule hydrogène

PHEV : véhicule hybride rechargeable

HEV : véhicule hybride non rechargeable de l'extérieur

ICE : véhicule 100 % thermique

Source : feuille de route de décarbonation de la chaîne de valeur de l'automobile, mai 2023

En revanche, le droit de l'Union européenne ne prévoit aucun objectif en termes de masse des véhicules.

2. La décarbonation progressive du parc automobile français se poursuit

En France, depuis 2010, les émissions moyennes des voitures particulières neuves sont orientées à la baisse.

Évolution des émissions moyennes des voitures particulières
et des véhicules utilitaires légers neufs (2010-2024)
200(*)

(gCO2/km)

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

En juillet 2024, les émissions moyennes de COdes voitures neuves en France s'élevaient à 98,4 g CO2/km contre 99,6 g CO2/km en juillet 2023 (et 120 g CO2/km en janvier 2020).

Sur les sept premiers mois de l'année 2024, 178 900 voitures électriques neuves ont été immatriculées en France, contre 157 400 sur la même période en 2023. Leur part de marché a ainsi progressé de 1,7 point par rapport aux sept premiers mois de 2023 pour s'établir à 16,9 %.

Évolution de la part de marché des véhicules électriques (2011-2024)

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Il est à noter que de nombreux lancements de nouveaux modèles de véhicules électriques produits en France sont actuellement en cours : Mégane, Scénic, R5 et R4 électriques pour Renault ; 308, 408, 3008, 5008 et CR3 électriques pour Stellantis, ainsi qu'une large gamme d'utilitaires électriques des deux constructeurs.

D'après les chiffres les plus actualisés de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), la masse moyenne des véhicules neufs vendus en France s'est quant-à-elle globalement stabilisée depuis dix ans. En 2022, cette masse moyenne représentait 1 233 kilogrammes.

Évolution de la masse des véhicules légers neuf immatriculés en France
(1990-2024)

(en kilogrammes)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données 2024 de l'Ademe

B. EN 2024, LE MALUS COCONCERNE PRÈS DE 50 % DES VÉHICULES NEUFS VENDUS EN FRANCE ET 4 % POUR LE MALUS POIDS

En juillet 2024, la part des voitures neuves vendues en France dont le taux d'émission de COétait supérieur ou égal à 118 g/km, les exposant ainsi au malus CO2, était de 46,3 %.

Comme l'illustre le graphique ci-après, cette proportion connait une tendance haussière du fait de la diminution chaque année du plancher d'émissions à partir duquel un véhicule est soumis à la taxe. D'après les éléments communiqués par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), pour les trois quarts de ces véhicules, le montant de malus resterait cependant inférieur à 1 000 euros.

Évolution de la proportion des véhicules neufs affectés d'un malus
ou bénéficiant d'un bonus (2010-2024)

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Dans une étude publiée en septembre 2021201(*), l'Institut I4CE (Institute for climate economics) considérait que le barème en vigueur du malus CO2, même en réduisant chaque année de 5 gCO2/km son seuil de déclenchement, ne permettrait pas d'atteindre les objectifs prévus dans la SNBC. L'étude affirmait ainsi que « le barème gouvernemental prévu jusqu'en 2023 n'est pas compatible avec les objectifs de réduction d'émissions du parc neuf estimés à partir du scénario de référence de la SNBC ». Cette même étude ajoutait : « une refonte majeure du barème serait nécessaire pour atteindre les objectifs climats de la feuille de route française ».

En 2024, le malus poids ne concernait quant à lui qu'environ 4 % des véhicules vendus et aucune voiture produite en France. Cependant, du fait de la réduction à 1 600 kg du seuil d'exposition des véhicules à cette taxe à compter du 1er janvier prochain202(*), cette part pourrait progresser à environ 10 % en 2025. Hormis en Norvège, le malus masse en vigueur en France n'existe nulle part ailleurs en Europe.

C. LES CONSÉQUENCES POSSIBLES ENTRE 2025 ET 2027 DES ÉVOLUTIONS PRÉVUES PAR LE PRÉSENT ARTICLE

1. À l'horizon 2027 plus de 80 % des véhicules neufs pourraient être soumis au malus CO2

Le tableau ci-dessous présente un échantillon des hausses de malus COqui seraient constatées, en montant et en pourcentage, entre 2024 et 2025 si le barème du présent article entrait en vigueur. Elles vont de 50 euros, pour les véhicules émettant 113 gCO2/km qui entrent dans le dispositif du fait de la baisse du seuil de déclenchement du malus à ce niveau d'émissions jusqu'à 14 977 euros pour les véhicules émettant 192 gCO2/km qui seraient désormais frappés du nouveau montant plafond de 70 000 euros alors qu'en 2024 ils se voient appliqué un malus de 55 023 euros. Le montant plafond serait désormais déclenché dès 193 gCO2/km contre 194 gCO2/km aujourd'hui.

Évolution du montant de malus COentre le barème 2024
et le barème 2025 proposé par le présent article

Émissions de COen g/km

Hausse, en euros

Évolution en %

113-117

De 50 à 150 euros

100 %

118

120 euros

240 %

130

230 euros

74 %

135

443 euros

82 %

140

521 euros

53 %

150

914 euros

41 %

160

1 436 euros

34 %

170

5 555 euros

58 %

180

10 555 euros

47 %

190

15 255 euros

33 %

193 et plus

De 10 000 à 14 977 euros

De 17 % à 27 %

Source : commission des finances du Sénat

Du fait de la nouvelle diminution du seuil d'émissions à partir duquel le malus COse déclenche, la majorité des modèles des petites citadines, et notamment l'ensemble des versions thermiques des Clio, et Peugeot 208, vont désormais être frappées d'un malus de 50 euros à 150 euros.

Du fait de la trajectoire de renforcement progressive du malus COprévue par le présent article, en 2027, de premiers modèles de véhicules hybrides tels que la Yaris Cross ou la Peugeot 308 (produite en France) se verraient également taxés.

D'après les estimations réalisées par la filière automobile, en appliquant la trajectoire de révision du barème du malus COprévue par le présent article la part de véhicule neufs taxés pourrait progresser à 67 % en 2025 puis 79 % en 2026 et 86 % en 2027.

Part des véhicules neufs immatriculés en France soumis au malus CO2
depuis 2021

Source : commission des finances du Sénat, d'après les estimations de la filière automobile

Cependant, il est important de garder à l'esprit que le malus COest une taxe dite « incitative ». Autrement dit, l'objectif poursuivi est également d'orienter les comportements vers les activités ou les produits dont on considère qu'ils présentent la plus grande utilité sociale et qui, en conséquence, ne sont pas ou moins taxés. En l'occurrence, l'objectif poursuivi par le malus COest d'orienter les acquéreurs de véhicules neufs vers les modèles les moins émetteurs, électriques ou hybrides rechargeables. Si l'évolution prévue du barème du malus permet d'accentuer cette incitation, il est permis d'espérer que la part des véhicules neufs exposés au malus à l'horizon 2027 sera moins importante que l'analyse prospective réalisée par la filière dans les conditions actuelles.

2. Plus de 20 % des véhicules neufs pourraient être soumis au malus poids en 2026

Selon la filière automobile, la baisse du seuil d'entrée dans le malus masse prévue par le présent article à compter du 1er janvier 2026 pourrait exposer 23 % des véhicules neufs à cette taxe contre 4 % en 2024.

Part des véhicules neufs immatriculés en France
soumis au malus poids depuis 2021

Source : commission des finances du Sénat, d'après les estimations de la filière automobile

S'agissant du malus poids, la baisse du seuil prévu conduira notamment à taxer les modèles de véhicules hybrides rechargeables Peugeot 3008 et Peugeot 5008 produits en France.

3. Un rendement prévisionnel des malus en hausse de 316 millions d'euros en 2025 puis jusqu'à 827 millions d'euros en 2027

D'après l'évaluation préalable de cet article annexée au présent projet de loi de finances, les dispositions prévues par le présent article pourraient générer une augmentation du rendement des malus COet poids de 316 millions d'euros dès 2025. En comparaison du niveau de recettes perçues en 2024, les hausses annuelles pourraient ensuite atteindre 531 millions d'euros en 2026 puis 827 millions d'euros en 2027.

Évolution prévisionnelle annuelle du rendement des malus COet poids
par rapport au niveau de recettes constaté en 2024 résultant de la mise en oeuvre des dispositions prévues au présent article

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'évaluation préalable

D. LA POURSUITE D'UNE TRAJECTOIRE D'ÉVOLUTION ANNUELLE RÉGULIÈRE ET DONNANT DE LA VISIBILITÉ À LA FILIÈRE

Depuis la création du malus CO2, son barème est chaque année révisé et renforcé afin de le rendre plus incitatif et d'accompagner la transition écologique progressive du parc de véhicule. Le seuil plancher d'entrée dans le dispositif est ainsi abaissé chaque année de 5 gCO2/km. C'est ce que prévoit le présent article en 2025 avant d'accélérer légèrement cette trajectoire en 2026 puis en 2027 en abaissant le plancher de 7 gCO2/km.

Comme l'avait fait l'article 55 de la loi de finances précitée pour 2021, le présent article, par le caractère pluriannuel de la trajectoire d'évolution du barème qu'il prévoit, donne de la visibilité au secteur et aux futurs acquéreurs de véhicules.

Alors que l'article 14 du projet de loi de finances pour 2024 ne prévoyait qu'un durcissement du barème pour 2025 sans donner de visibilité à la filière pour les années suivantes, le Sénat avait adopté en séance publique, avec un avis de sagesse de la commission des finances, un amendement déposé par Michel Canévet visant à prévoir une trajectoire triennale d'évolution du barème du malus pour la période 2024-2026. Cette trajectoire prévoyait de poursuive l'abaissement annuel du seuil plancher au rythme de 5 gCO2/km. Cette disposition n'avait malheureusement pas été retenue par le Gouvernement de l'époque dans le texte qu'il avait fait adopter en recourant à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

Aujourd'hui, pour tenir nos engagements de décarbonation de la mobilité routière, il s'agit de poursuivre la révision progressive des dispositifs fiscaux qui y participent en les rendant plus incitatif. Le rythme de leur évolution doit cependant rester mesuré pour d'une part ne pas pénaliser nos concitoyens qui n'ont pas d'autres alternatives que la voiture dans de nombreux territoires enclavés et, d'autre part, éviter de fragiliser la filière automobile qui traverse une période de transition délicate.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 9

Adaptation de la réfaction de la taxe sur les émissions
de dioxyde de carbone et de la taxe sur la masse en ordre de masse
pour les véhicules d'occasion

Le présent article prévoit :

- d'une part, d'affiner la méthode de réfaction des malus des véhicules d'occasion lors de leur première immatriculation en tant que véhicule de tourisme en France (soit parce qu'ils ont été immatriculés à l'État neuf à l'étranger, soit parce qu'ils ont fait l'objet d'une modification technique après leur première immatriculation) afin de la mettre en cohérence avec les exigences européennes et la réalité économique relative à la décote de la valeur des véhicules ;

- d'autre part, de s'assurer que les véhicules qui répondent aux conditions de taxation mais qui n'avaient pas été imposés à leur état neuf (là encore soit qu'ils aient été immatriculés une première fois à l'étranger, soit qu'ils aient fait l'objet d'une modification technique) soient bien tous soumis au malus CO2 et au malus poids.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES VÉHICULES D'OCCASION IMPORTÉS ET LES VÉHICULES TRANSFORMÉS SONT IMPOSÉS AUX MALUS AVEC UNE DÉCOTE FONCTION DE LEUR ANCIENNETÉ

A. LA NOTION DE VÉHICULE DE TOURISME EMPORTE L'APPLICATION DU MALUS CO2 ET DU MALUS POIDS

1. La définition du véhicule de tourisme emporte l'application du malus CO2 et du malus poids

La notion de véhicule de tourisme constitue une catégorisation propre à la fiscalité des véhicules qui n'a pas d'existence en dehors de celle-ci. Elle n'est donc pas inscrite sur le certificat d'immatriculation mais se déduit d'informations qui y figurent. Pour les véhicules particuliers, deux taxes régies par le code des impositions des biens et services, s'appliquent aux voitures qui répondent à la définition d'un « véhicule de tourisme » : la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone, dite « malus CO2 » et la taxe sur la masse en ordre de marche, dite « malus poids »203(*).

Cette notion de véhicule de tourisme est définie par les dispositions de l'article L. 421-2 du code des impositions sur les biens et services et s'appuie sur des catégories, sous-catégories, dénominations et carrosseries de véhicules elles-mêmes régies par le droit dérivé de l'Union européenne204(*).

En vertu de l'article L. 421-2 précité, cette notion comprend les voitures particulières relevant de la catégorie européenne M1 à l'exception des véhicules à usage spécial autres que ceux qui sont accessibles en fauteuil roulant. La catégorie M1 regroupe les véhicules conçus et construits pour le transport de personnes et comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum205(*).

Elle s'étend également, sous conditions, à certains véhicules de la catégorie N1206(*) « déterminés par décret qui, compte tenu de leur carrosserie, de leurs équipements et de leurs autres caractéristiques techniques, sont susceptibles de recevoir les mêmes usages que les véhicules ».

L'article L. 421-30 du code des impositions sur les biens et services dispose que l'immatriculation d'un véhicule est soumise à une taxe fixe (de 11 euros), une taxe régionale ou encore, pour les véhicules des catégories N, M2 et M3 à une taxe sur les véhicules de transport.

Ce même article prévoit la définition des véhicules soumis aux malus à vocation écologique. Cette définition est légèrement plus restrictive que celle du véhicule de tourisme tel qu'il est défini à l'article L. 421-2 car elle exclut explicitement ceux dont la carrosserie est « camionnette ». Ainsi, les véhicules qui répondent à cette définition restrictive du « véhicule de tourisme » se voient-ils appliquer :

- une taxe sur les émissions de dioxyde de carbone, le « malus CO2 » ;

- et une taxe sur la masse en ordre de marche, le « malus masse ».

2. Fait générateur des malus, la notion de « première immatriculation en tant que véhicule de tourisme en France » peut aussi concerner des véhicules d'occasion importés de l'étranger ou bien des véhicules déjà immatriculés en France et ayant fait l'objet par la suite d'une transformation

S'agissant de ces deux taxes, l'article L. 421-33 du même code dispose que leur fait générateur est constitué par la délivrance d'un certificat d'immatriculation résultant de la première immatriculation en tant que véhicule de tourisme en France.

En effet, les malus ne s'appliquent qu'une seule fois au cours du cycle de vie d'un véhicule. En principe, et en règle générale, ils sont prélevés lorsqu'un véhicule de tourisme neuf est immatriculé en France pour la première fois. Cependant, les malus peuvent aussi s'appliquer à des véhicules d'occasion importés de l'étranger ou bien des véhicules déjà immatriculés en France et ayant fait l'objet par la suite d'une transformation qui en a fait des véhicules de tourisme soumis aux malus.

C'est pour répondre à ces différentes situations que l'article L. 421-36 du code des impositions sur les biens et services définit ce qu'il faut entendre par la notion de « première immatriculation en tant que véhicule de tourisme en France ». Selon les dispositions de cet article, celle-ci peut ainsi recouvrir différentes situations.

D'abord, il peut s'agir de la première immatriculation en France d'un véhicule qui répond, lors de cette immatriculation, à la définition du véhicule de tourisme207(*) ce qui implique notamment que la codification européenne208(*) de sa carrosserie qui figure sur son certificat d'immatriculation n'est pas de type « Camionnette »209(*). Cette première immatriculation en France peut être celle d'un véhicule d'occasion qui aurait été importé de l'étranger.

Il peut également s'agir d'une immatriculation qui fait suite à une première immatriculation en France d'un véhicule transformé qui réunit les deux conditions cumulatives suivantes :

- il ne répondait pas à la définition d'un véhicule de tourisme lors de cette première immatriculation ;

- une modification des caractéristiques techniques de ce véhicule en a fait un véhicule de tourisme.

Enfin, il peut s'agir d'un véhicule qui aurait bénéficié de l'exonération des malus car il était accessible aux fauteuils roulants (exonérations prévues aux articles L. 421-65 et L. 421-76 du code des impositions sur les biens et services) et dont une modification postérieure à sa première immatriculation lui aurait fait perdre le bénéfice de ces exonérations. Autrement dit, un véhicule qui aurait subi une modification qui le rendrait inaccessible aux fauteuils roulants.

B. UNE DÉCOTE DES MALUS LINÉAIRE DE 10 % PAR ANNÉE D'ANCIENNETÉ POUR LES VÉHICULES D'OCCASION IMPORTÉS DE L'ÉTRANGER ET POUR LES VÉHICULES TRANSFORMÉS

Lors de leur « première immatriculation en tant que véhicule de tourisme en France » au sens des dispositions de l'article L. 421-36 (voir supra), les véhicules transformés et les véhicules d'occasion importés de l'étranger voient néanmoins le montant de leur malus CO2 et de leur malus poids réduit en fonction de leur ancienneté. Il s'agit par ce mécanisme de prévoir une décote du montant des malus afin de tenir compte de la perte de valeur du véhicule.

Ainsi, les articles L. 421-60, pour le malus CO2, et L 421-73, pour le malus poids, prévoient-ils une réduction (également qualifiée de « taux de réfaction ») de 10 % du montant des malus par année d'ancienneté du véhicule. Cette réduction est calculée à partir du premier jour du septième mois qui sépare le véhicule de sa première immatriculation en France ou à l'étranger. Aussi, un véhicule de moins de six mois ne bénéficie-t-il pas de ce système de décote du montant de ses malus. Du fait de ce système également, un véhicule de plus de dix ans est considéré comme n'ayant plus de valeur et se voit ainsi appliquer des montants de malus égaux à zéro euro.

Ce système prévoit ainsi une décote linéaire des montants des malus au fur et à mesure de l'ancienneté des véhicules alors que dans la réalité économique, la perte de valeur subie par un véhicule n'est pas linéaire et se trouve accentuée au cours des premiers mois.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : AFFINER LA MÉTHODE DE CALCUL DE LA RÉFACTION DES MALUS POUR LES VÉHICULES D'OCCASION POUR LA PREMIÈRE FOIS IMMATRICULÉS EN FRANCE ET ÉVITER QUE CERTAINS VÉHICULES QUI DEVRAIENT L'ÊTRE NE SOIENT JAMAIS IMPOSÉS

A. UN TAUX DE RÉFACTION AFFINÉ SELON L'ANCIENNETÉ DES VÉHICULES ET EN FONCTION DU KILOMÉTRAGE PARCOURU

Le présent article propose d'affiner le dispositif de réfaction du malus CO2 et du malus poids appliqué aux véhicules d'occasion au moment de leur première immatriculation en France afin de le rendre plus cohérent avec la réalité économique, en l'occurrence, avec la perte de valeur réelle des véhicules. Les modifications prévues en ce sens visent à rendre le dispositif actuel, considéré comme trop « frustre », conforme aux exigences européennes.

Aussi, pour affiner le dispositif de réfaction actuel, le présent article propose-t-il de :

- mieux tenir compte de la perte de valeur réelle du véhicule liée à son ancienneté ;

- prendre en compte les kilomètres parcourus par le véhicule dans l'estimation de sa perte de valeur.

En vertu du  du présent article, ces évolutions seraient traduites via la création d'un nouveau paragraphe 2 bis intitulé « Décote d'un véhicule » après le paragraphe 2 de l'unique sous-section de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre IV du code des impositions sur les biens et services.

1. Mieux tenir compte de la perte de valeur réelle du véhicule liée à son ancienneté

Le a) du 1° du présent article propose de créer, au sein du nouveau paragraphe 2 bis « Décote d'un véhicule » et pour une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2025, un article L. 421-7-2 qui précise dans un tableau (reproduit ci-après) le coefficient forfaitaire de décote de la valeur d'un véhicule (en pourcentage) selon son ancienneté évaluée en mois et depuis le premier mois (et non plus le septième comme aujourd'hui) de sa première immatriculation.

L'application de cette nouvelle méthodologie conduirait à accorder un taux de réfaction aux véhicules qui ont été immatriculés depuis moins de sept mois (3 % pour les véhicules immatriculés depuis moins de trois mois et 6 % pour ceux immatriculés depuis quatre à six mois), contrairement à la situation actuelle. Les tarifs de malus auxquels ils sont imposés serait ainsi diminué.

Inversement, le nouveau système prévoit que la valeur du véhicule ne soit ramenée à zéro qu'au bout de quinze ans (180 mois). Ainsi, alors que dans le système actuel les véhicules immatriculés il y a dix ans ou plus ne sont pas exposés aux malus, cette nouvelle méthodologie de calcul de la décote conduirait à les exposer jusqu'à quinze ans.

La perte de valeur d'un véhicule n'étant dans les faits pas linéaire, la nouvelle méthodologie tient compte de cette réalité. Aussi, de façon générale, cette évolution conduirait-elle à alléger entre 3 % et 6 % le montant de malus pour les véhicules dont l'ancienneté est inférieure à deux ans et à le durcir pour les plus anciens.

Coefficient de décote forfaitaire résultant de l'ancienneté du véhicule
proposé par l'article 9

Ancienneté du véhicule

(en mois)

Coefficient forfaitaire de décote

(en pourcentage)

De 1 à 3

3

De 4 à 6

6

De 7 à 9

9

De 10 à 12

12

De 13 à 18

16

De 19 à 24

20

De 25 à 36

28

De 37 à 48

33

De 49 à 60

38

De 61 à 72

43

De 73 à 84

48

De 85 à 96

53

De 97 à 108

58

De 109 à 120

64

De 121 à 132

70

De 133 à 144

76

De 145 à 156

82

De 157 à 168

88

De 169 à 180

94

À partir de 181

100

Source : article 9 du PLF pour 2025

2. Prendre en compte les kilomètres réellement parcourus par le véhicule dans l'estimation de sa perte de valeur

Le b) du même 1° prévoit quant-à-lui d'insérer au même paragraphe « Décote d'un véhicule » et à compter cette fois du 1er janvier 2027, deux nouveaux articles L. 421-7-1 et L. 421-7-3 qui auraient vocation à inclure, à partir de cette date, les kilomètres parcourus par les véhicules dans l'estimation de leur décote et par voie de conséquence dans le taux de réfaction des malus dont ils font l'objet.

Le nouvel article L. 421-7-1 disposerait ainsi que le coefficient forfaitaire de décote d'un véhicule doit s'entendre de l'addition entre le « coefficient d'ancienneté » du véhicule tel qu'il résulte du tableau de l'article L. 421-7-1 (voir supra) et le « coefficient d'usage », lié au kilométrage du véhicule, fixé par le nouvel article L. 421-7-3.

Ce nouvel article L. 421-7-3 déterminerait ainsi, au moyen du tableau reproduit ci-après, le « coefficient d'usage » du véhicule défini en fonction de la distance moyenne annuelle qu'il a parcouru.

« Coefficient d'usage » résultant de la distance moyenne annuelle parcourue par le véhicule proposé par l'article 9

Distance moyenne annuelle parcourue

(en kilomètres)

Coefficient d'usage

(en pourcentage)

Jusqu'à 20 000

0

De 20 001 jusqu'à 25 000

1

De 25 001 jusqu'à 30 000

1,5

De 30 001 jusqu'à 35 000

2

De 35 001 jusqu'à 40 000

2,5

De 40 001 jusqu'à 45 000

3

À partir de 45 001

3,5

Source : article 9 du PLF pour 2025

3. La traduction des nouvelles règles d'estimation de la décote de la valeur des véhicules dans les dispositifs de réfaction du malus CO2 et du malus poids

a) La traduction de la nouvelle méthodologie de décote dans le mécanisme de réfaction du malus CO2

Le  du présent article prévoit d'intégrer la nouvelle méthode de détermination de la décote de la valeur des véhicules210(*), « le coefficient forfaitaire de décote », dans le mécanisme de réfaction du malus CO2.

Pour ce faire, il propose une réécriture de l'actuel article L. 421-60 du code des imposition sur les biens et services. Celui-ci prévoirait ainsi désormais que le montant du malus CO2 est « réduit à hauteur du coefficient forfaitaire de décote » régi par les dispositions du paragraphe 2 bis « Décote d'un véhicule ». Pour que le dispositif n'ait pas d'effet rétroactif pour les véhicules dont la première immatriculation remontrait à plus de dix ans en 2025, la nouvelle rédaction de cet article L. 421-60 préciserait que « toutefois, le montant de la taxe est nul pour les véhicules dont la première immatriculation (...) est antérieure au 1er janvier 2015 ».

b) La traduction de la nouvelle méthodologie de décote dans le mécanisme de réfaction du malus poids

À l'instar du 3° pour le malus CO2, le  du présent article prévoit d'intégrer la nouvelle méthode de détermination de la décote dans le mécanisme de réfaction du malus poids.

Dans cette perspective, il prévoit une réécriture de l'article L. 421-73 du code des imposition sur les biens et services. Sur le modèle de la nouvelle rédaction de l'article L. 421-60, celui-ci prévoirait ainsi dorénavant que le montant du malus poids est « réduit à hauteur du coefficient forfaitaire de décote » régi par les dispositions du même paragraphe 2 bis. Lui aussi prévoirait de ne pas imposer au malus poids les véhicules immatriculés avant 2015 afin que la mesure n'ait pas d'effet rétroactif.

B. ÉVITER QUE CERTAINS VÉHICULES NON IMPOSÉS À LEUR ÉTAT NEUF QUI DEVRAIENT ÊTRE SOUMIS AUX MALUS N'ÉCHAPPENT À LA TAXATION

Le  du présent article vise à prévoir que tous les véhicules qui répondent aux critères d'imposition aux malus et qui, à l'état neuf n'ont pas été soumis à ces taxes, soit parce qu'ils ont été immatriculés à l'étranger, soit parce qu'ils ont été transformés, soient effectivement imposés au malus CO2 ainsi qu'au malus poids.

En excluant a priori les véhicules de tourisme dont le code de carrosserie est « camionnette » de l'application des malus, la législation actuelle, dans certains cas, ne permet pas que des véhicules immatriculés une première fois à l'étranger ou en France avec un code de carrosserie de type « camionnette » mais transformés par la suite et répondant désormais aux critères d'application des malus soient effectivement taxés.

Dans cette perspective, le a) de ce 2° propose une modification de l'article L. 421-30 du code des impositions sur les biens et services pour préciser que l'ensemble des véhicules de tourisme, y compris ceux dont le code de carrosserie est de type « camionnette » sont par principe soumis au malus CO2 ainsi qu'au malus poids.

Cependant, cette évolution n'a pas pour vocation d'imposer les véhicules neufs dont le code de carrosserie est de type « camionnette » mais des véhicules qui, après une première immatriculation avec une carrosserie « camionnette », auraient été réaménagés dans des conditions qui les conduiraient à répondre aux critères de l'imposition aux malus.

C'est pourquoi, dans le même temps, le b) de ce même 2° propose la création d'un nouvel article L. 421-30-1 qui prévoit explicitement l'exemption de malus pour les véhicules de tourisme dont le code de carrosserie est de type « camionnette ».

Le c) du même 2° propose quant-à-lui de modifier l'article L. 421-36 du code des impositions sur les biens et services, qui concerne spécifiquement la définition de la notion de « première immatriculation en tant que véhicule de tourisme en France », c'est-à-dire le fait générateur des taxes sur l'immatriculation des véhicules, dans les cas des véhicules qui n'ont pas été soumis aux malus à leur état neuf mais qui pour autant répondent désormais aux conditions d'imposition.

Ce c) modifie ainsi le 1° de cet article L. 421-36, qui concerne les véhicules qui ont été, dans un premier temps, immatriculés à l'étranger pour préciser que, par principe, tous les véhicules de tourisme, y compris ceux dont le code de carrosserie est de type « camionnette », sont exposés au malus CO2 ainsi qu'au malus poids. Toutefois, comme précisé supra et en vertu de la rédaction proposée du nouvel article L. 421-30-1, si au moment où le véhicule est immatriculé en France sa carrosserie est toujours de type « camionnette », il sera exempté de malus.

Ce c) modifie aussi le 2° de l'article L. 421-36 qui concerne quant-à-lui les véhicules qui avaient été immatriculés une première fois en France sans être soumis aux malus dans la mesure où ils ne répondaient pas aux critères d'imposition mais qui, à la suite d'une transformation de leur configuration, se trouvent, dans un deuxième temps, imposables. Plutôt que de faire une référence, comme c'est le cas dans le droit existant, à la catégorie du véhicule, la nouvelle rédaction proposée prévoit de fonder le fait générateur constitué par une immatriculation postérieure à une première immatriculation en France sur les deux conditions cumulatives suivantes :

- d'une part la constatation d'une absence d'imposition lors de la première immatriculation ;

- d'autre part le fait qu'une modification technique conduit le véhicule à être soumis aux malus pour un montant non nul à l'occasion de cette nouvelle immatriculation.

Nouvelle rédaction proposée par le présent article du 2° de l'article L. 421-36
du code des impositions sur les biens et services

2° L'immatriculation en France postérieure à la première qui répond aux conditions cumulatives suivantes :

a) Elle porte sur un véhicule qui, lors de sa première immatriculation en France (...) n'a pas été soumis, selon le cas, à la taxe sur les émissions de dioxyde carbone ou à la taxe sur la masse en ordre de marche, ou a fait l'objet d'une taxe d'un montant nul ;

b) Elle résulte de la première modification conduisant à soumettre le véhicule à l'une des taxes mentionnées au a à un montant non nul.

Source : article 9 du PLF pour 2025

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MISE EN COHÉRENCE AVEC LES RÈGLES EUROPÉENNES ET LES RÉALITÉS ÉCONOMIQUES

Il ne peut être contesté que le système actuel de décote linéaire du montant des malus appliqué aux véhicules d'occasion importés ainsi qu'aux véhicules transformés n'est pas cohérent avec la réalité économique de la perte de valeur des véhicules, quand bien même c'est pourtant la raison d'être de ce système.

Cette situation fait courir un risque juridique significatif à un dispositif manifestement en infraction avec les normes européennes, notamment en matière d'imposition discriminatoire. L'évaluation préalable du présent article révèle en effet que cette évolution a été demandée par la Commission européenne aux autorités françaises à la suite d'une plainte ayant été formulée à l'encontre de ce système. La même évaluation préalable précise qu'il « résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne (7 avr. 2011, aff. C-402/09, Tatu ; 15 sept. 2002, aff. C-101/00, Tulliasiamies et Sillin et CJUE, 16 juin 2016, aff. C-200/15, Comm. c/ Portugal) que la fixation de règles de décote fiscale cohérentes avec la réalité économique est un élément essentiel dans l'appréciation des discriminations ».

Il apparaît également nécessaire d'éviter de laisser subsister des vides ou autres ambiguïtés juridiques qui pourraient laisser un espace pour des contournements de la fiscalité de nature à créer des injustices économiques et des distorsions de marchés. Aussi apparaît-il utile de clarifier les définitions des véhicules de tourisme et de leur « première immatriculation en France » et ce pour s'assurer que tous les véhicules transformés ou importés qui répondent aux conditions de taxation soient bien soumis aux malus.

Enfin, accessoirement, les mesures prévues par cet article pourraient accroître les recettes de l'État de l'ordre de 20 millions d'euros par an. Cependant, cette estimation doit être considérée avec prudence tant l'évaluation préalable insiste sur les difficultés de l'administration à l'établir faute de données suffisamment précises concernant les décotes de malus appliquées aux véhicules d'occasion importés en France ainsi qu'aux véhicules transformés.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 10

Mise en cohérence avec le droit de l'Union européenne des taux réduits de TVA sur les opérations liées au chauffage

Le présent article prévoit une mise en conformité du champ du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la chaleur et le froid avec les évolutions récentes du droit européen, notamment la directive (UE) 2024/1275 du 24 avril 2024 sur la performance énergétique des bâtiments.

En premier lieu, cette mise en conformité avec le droit européen se traduit par l'extension du taux réduit de TVA de 5,5 % à la fourniture de chaleur lorsqu'elle est produite au moins à 50 % à partir de l'énergie ambiante.

En second lieu, le dispositif proposé prévoit l'exclusion du bénéfice de tout taux réduit de TVA pour les prestations comprenant la fourniture ou l'installation d'une chaudière susceptible d'utiliser des combustibles fossiles. Alors que l'installation de chaudières au fioul ou au charbon est interdite depuis juillet 2022, cette mesure vise en pratique la fourniture ou l'installation de chaudières au gaz, qui équipent actuellement environ 35 % des ménages.

Si le remplacement progressif de l'ensemble du parc des chaudières au gaz, par des solutions de chauffage moins émettrices de gaz à effet de serre (GES), constitue à terme un enjeu considérable, l'exclusion des taux réduits de TVA pour l'installation de nouvelles chaudières représente une solution intermédiaire et équilibrée, qui concilie ambition environnementale et préservation du pouvoir d'achat des consommateurs. D'une part, cette mesure porte uniquement sur la fourniture et l'installation de nouveaux équipements, et non sur l'ensemble du parc existant. D'autre part, l'exclusion des taux réduits de TVA s'inscrit dans une logique d'incitation financière et non d'interdiction pure et simple, permettant une meilleure prise en compte des contraintes techniques des différents types de bâtiments.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : L'APPLICATION DE TAUX RÉDUITS DE TVA À LA FOURNITURE ET À L'INSTALLATION DE CHAUDIÈRES

A. LA FOURNITURE ET L'INSTALLATION DE CHAUDIÈRES BÉNÉFICIENT, SELON LES CAS, DE TAUX RÉDUITS DE TVA DE 10 % OU DE 5,5 %

1. L'application du taux réduit de TVA de 10 % aux travaux de rénovation hors rénovation énergétique comprenant la fourniture ou l'installation de chaudières

En vertu de l'article 279-0 bis du code général des impôts (CGI), la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) s'applique au taux réduit de 10 % pour les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien autres que ceux mentionnés à l'article 278-0 bis A du même code, c'est-à-dire pour les travaux de rénovation hors prestations de rénovation énergétique.

Pour bénéficier du taux réduit de 10 %, les travaux doivent répondre aux conditions alternatives suivantes :

- porter sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans ;

- porter, dans le cadre de locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans, sur la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers ou l'acquisition de gros équipements fournis dans le cadre de travaux d'installation ou de remplacement du système de chauffage, des ascenseurs, de l'installation sanitaire ou de système de climatisation dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget.

Par dérogation, le taux normal de 20 % s'applique :

- d'une part, aux travaux, réalisés sur une période de deux ans au plus, qui concourent à la production d'un immeuble neuf ou à l'issue desquels la surface de plancher des locaux existants est augmentée de plus de 10 % ;

- d'autre part, aux travaux de nettoyage ainsi qu'aux travaux d'aménagement et d'entretien des espaces verts.

2. L'application du taux réduit de TVA de 5,5 % aux prestations de rénovation énergétique comprenant la fourniture ou l'installation de chaudières

Aux termes de l'article 278-0 bis A du CGI, la TVA s'applique au taux réduit de 5,5 % pour les prestations de rénovation énergétique répondant à trois conditions cumulatives (I de l'article 278-0 bis A) :

- elles sont effectuées dans des locaux achevés depuis au moins deux ans ;

- les locaux sont affectés ou destinés à être affectés, à l'issue des travaux, à un usage d'habitation ;

- ces prestations portent sur la pose, l'installation, l'adaptation ou l'entretien de matériaux, d'équipements, d'appareils ou de systèmes ayant pour objet d'économiser l'énergie ou de recourir à de l'énergie produite à partir de sources renouvelables par l'amélioration de l'isolation thermique, du chauffage et de la ventilation ou de la production d'eau chaude sanitaire.

Ainsi, si le critère des locaux achevés depuis au moins deux ans et affectés à un usage d'habitation est similaire à celui applicable pour le taux réduit de TVA de 10 %, le bénéfice du taux réduit de TVA de 5,5 % est réservé aux prestations ayant pour objet d'économiser l'énergie ou de recourir à de l'énergie renouvelable.

Un arrêté conjoint des ministres chargés du budget, du logement et de l'énergie précise la nature et le contenu des prestations ainsi que les caractéristiques et les niveaux de performance des matériaux, équipements, appareils et systèmes concernés (II de de l'article 278-0 bis A).

Par dérogation, le taux normal de 20 % s'applique aux prestations, réalisées sur une période de deux ans au plus, qui concourent à la production d'un immeuble ou à l'issue desquelles la surface de plancher des locaux existants est augmentée de plus de 10 %.

Le V de l'article 65 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 précise que, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'arrêté conjoint des ministres, et au plus tard jusqu'au 1er octobre 2024211(*), les prestations éligibles au taux réduit de TVA de 5,5 % sont la pose, l'installation et l'entretien des matériaux et équipements mentionnés au 1 de l'article 200 quater du CGI, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, sous réserve que :

- ces matériaux et équipements respectent les caractéristiques techniques et critères de performances minimales fixés à l'article 18 bis de l'annexe IV au CGI, dans sa rédaction en vigueur le 1er janvier 2021 ou, le cas échéant, dans sa dernière rédaction qui mentionne le matériel ou équipement en cause ;

- ces prestations ne relèvent pas du N de l'article 278-0 bis du CGI, soit les prestations de pose, d'installation et d'entretien d'infrastructures de recharge pour véhicules électriques installées dans des locaux à usage d'habitation et destinées aux résidents.

L'arrêté conjoint des ministres n'ayant pas été publié, les prestations éligibles au taux réduit de TVA de 5,5 % sont donc les prestations mentionnées au 1 de l'article 200 quater du CGI, dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2018, portant sur les dépenses éligibles au crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), lequel a été remplacé depuis le 1er janvier 2021 par la prime de transition énergétique MaPrimeRénov'.

Ainsi, le taux réduit de TVA de 5,5 % s'applique notamment :

- à l'acquisition de chaudières à haute performance énergétique (1° du b du 1 de l'article 200 quater du CGI dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2018) ;

- à l'acquisition d'équipements de chauffage ou de fourniture d'eau chaude sanitaire utilisant une source d'énergie renouvelable, dans la limite d'un plafond de dépenses par mètre carré de capteurs solaires pour les équipements de chauffage ou de fourniture d'eau chaude sanitaire utilisant l'énergie solaire thermique, fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'énergie, du logement et du budget (1° du c du 1 de l'article 200 quater du CGI dans sa rédaction indiquée supra) ;

à l'acquisition de chaudières à micro-cogénération gaz d'une puissance de production électrique inférieure ou égale à 3 kilovolt-ampères par logement212(*) (g du 1 de l'article 200 quater du CGI dans sa rédaction indiquée supra).

Les chaudières à haute performance énergétique (HPE) sont définies, à l'annexe V du règlement du 28 avril 2015213(*), par une efficacité énergétique saisonnière pour le chauffage des locaux égale à 96 % pour les chaudières à cogénération à combustible fossile, 90 % pour les chaudières à condensation et 84 % pour les autres chaudières à combustible fossile.

De fait, ces chaudières HPE peuvent comprendre des chaudières fonctionnant à partir d'énergies fossiles, notamment des chaudières au fioul ou au gaz.

B. L'INTERDICTION DE L'INSTALLATION DE NOUVELLES CHAUDIÈRES AU GAZ A ÉTÉ ABANDONNÉE EN JUILLET 2023 FACE À L'OPPOSITION DES ACTEURS DU SECTEUR

1. L'installation des chaudières au fioul ou au charbon est interdite en France depuis juillet 2022 pour tous les bâtiments, de même que l'installation des chaudières au gaz pour les bâtiments neufs

En vertu du décret n° 2022-8 du 5 janvier 2022214(*), pris sur le fondement de l'article L. 171-1 du code de l'énergie215(*), l'installation des chaudières au fioul ou au charbon est interdite en France depuis le 1er juillet 2022, pour les bâtiments neufs comme pour les bâtiments existants.

En effet, ce décret a inséré un nouvel article R. 171-13 au sein du code de la construction et de l'habitation, lequel prévoit que, pour pouvoir être installé dans un bâtiment, y compris en remplacement d'un équipement existant, un équipement de chauffage ou de production d'eau chaude sanitaire doit présenter un niveau des émissions de gaz à effet de serre (GES) inférieur à 300 gCO2eq / kWh PCI216(*) (I de l'article R. 171-13).

Par dérogation (II de l'article R. 171-13), cette disposition n'est pas applicable aux bâtiments existants pour lesquels il est justifié :

- soit d'une impossibilité technique de remplacer l'équipement existant en cas de non-conformité à des servitudes ou aux dispositions législatives ou réglementaires relatives au droit des sols ou au droit de propriété ;

- soit d'une absence de solution de raccordement à des réseaux de chaleur ou de gaz naturel, et de ce que l'installation du nouvel équipement nécessite des travaux de renforcement du réseau de distribution publique d'électricité.

Ces dispositions sont applicables aux constructions de bâtiments neufs dont la demande de permis de construire est déposée après le 1er juillet 2022 et aux bâtiments existants dont les travaux sont engagés après cette même date (IV de l'article R. 171-13).

Concernant les chaudières au gaz, la règlementation environnementale RE2020 a interdit leur installation dans les maisons individuelles neuves dont le permis de construire a été déposé après le 1er janvier 2023 (en imposant un seuil maximal d'émission de COde 4kg/m²/an).

Cette interdiction devrait également s'appliquer aux logements collectifs à partir de 2025 (avec des seuils maximaux d'émission de 8 kgCO2eq/m²/an pour les logements collectifs raccordés à un réseau de chaleur urbain et de 6,5 kgCO2eq/m²/an pour les autres logements collectifs)217(*).

Seuils maximaux d'émission pour les systèmes de chauffage
fixés par la règlementation environnementale RE2020

(en kgCO2eq/m²/an)

 

2022

Entrée en vigueur

2025

2028

2031

Maisons individuelles

4

4

4

4

Logements collectifs

14

6,5

6,5

6,5

- dont réseaux de chaleur urbains

14

8

6,5

6,5

Source : Dossier de presse, Règlementation environnementale RE2020, février 2021

2. L'application de cette interdiction aux chaudières au gaz, initialement envisagée à l'horizon 2026, a été abandonnée à l'issue de la consultation publique sur la décarbonation du bâtiment en juillet 2023

Dans le cadre d'une concertation relative à la décarbonation des bâtiments, lancée du 5 juin au 28 juillet 2023, le Gouvernement a mis en débat la piste d'une interdiction totale de l'installation des chaudières à combustibles fossiles. Ainsi, le dossier de concertation évoquait l'application de cette interdiction de pose pour « toutes les chaudières alimentées à partir d'énergies fossiles (gaz, GPL218(*) et fioul), hors pompes à chaleur hybrides, selon les différentes configurations des bâtiments »219(*).

Alors qu'une application de cette interdiction à compter de 2026 était envisagée, le Gouvernement a finalement renoncé à cette mesure.

C. LA DIRECTIVE DU 24 AVRIL 2024 SUR LA PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE DES BÂTIMENTS PRÉVOIT LA SUPPRESSION DES INCITATIONS FINANCIÈRES DE LA PART DES ÉTATS-MEMBRES POUR L'INSTALLATION DE CHAUDIÈRES À COMBUSTIBLES FOSSILES

1. La directive du 24 avril 2024 sur la performance énergétique des bâtiments interdit la mise en oeuvre d'incitations financières pour l'installation de chaudières autonomes à combustibles fossiles à partir de 2025

Entrée en vigueur en mai dernier, la nouvelle directive (UE) 2024/1275 du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2024 sur la performance énergétique des bâtiments prévoit la suppression progressive du recours aux combustibles fossiles pour le chauffage et le refroidissement. À ce titre, la directive impose aux États membres de s'efforcer d'éliminer à terme les chaudières autonomes utilisant des combustibles fossiles et, dans un premier temps, à partir de 2025, de ne plus accorder d'incitation financière à l'installation de telles chaudières.

Ainsi, le paragraphe 15 de l'article 17 de la directive dispose expressément que « à partir du 1er janvier 2025, les États membres ne fournissent aucune incitation financière pour l'installation de chaudières autonomes utilisant des combustibles fossiles »220(*). En conséquence, l'article 35 du même texte prévoit pour cette disposition, par exception au principe d'une transposition au plus tard en mai 2026, un délai de transposition abrégé au plus tard au 1er janvier 2025.

Au sens de la directive, le champ des incitations financières visées apparaît très large et inclut nommément les mesures fiscales. En effet, le paragraphe 7 de l'article 17 énonce que « pour concourir à la mobilisation des investissements » nécessaires en vue de transformer leur parc immobilier en bâtiments à émissions nulles pour 2050 au plus tard, les États membres favorisent la mise en place effective et l'utilisation de financements et d'outils financiers de base tels que « des incitations fiscales, par exemple des taux d'imposition réduits sur les travaux et les matériaux de rénovation ».

Incitations financières visées par l'article 17 de la directive (UE) 2024/1275
du 24 avril 2024 sur la performance énergétique des bâtiments

« Les États membres prévoient un financement approprié, des mesures de soutien et d'autres instruments permettant de lever les barrières commerciales afin de garantir les investissements nécessaires recensés dans leur plan national de rénovation des bâtiments en vue de transformer leur parc immobilier en bâtiments à émissions nulles pour 2050 au plus tard (...).

Pour concourir à la mobilisation des investissements, les États membres favorisent la mise en place effective et l'utilisation de financements et d'outils financiers de base, tels que des prêts et hypothèques écoénergétiques pour la rénovation de bâtiments, des contrats de performance énergétique, des mécanismes financiers de paiement en fonction des économies réalisées, des incitations fiscales, par exemple des taux d'imposition réduits sur les travaux et les matériaux de rénovation, des systèmes de financement sur fiscalité et sur facture, des fonds de garantie, des fonds ciblant les rénovations en profondeur, des fonds ciblant les rénovations garantissant un seuil minimal significatif de gains d'énergie et des normes afférentes aux portefeuilles de prêts hypothécaires (...) ».

Source : directive (UE) 2024/1275 du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2024 sur la performance énergétique des bâtiments, paragraphes 1 et 7

Ces dispositions ont fait l'objet d'une précision dans le cadre d'un récent avis de la Commission européenne publié le 18 octobre 2024221(*).

Dans cette communication, la Commission indique que, si la notion d'incitations financières n'est pas définie dans la directive, « ces incitations sont comprises au sens large comme étant des aides économiques accordées par un organique public et/ou provenant de ressources publiques ».

Selon la Commission, ces incitations peuvent ainsi prendre « différentes formes, notamment, mais pas exclusivement, celle de subventions directes aux acheteurs, aux installateurs et aux tiers, ou celles financements et outils financiers dont la liste non exhaustive est visée à l'article 17, paragraphe 7 de la directive », « en particulier les incitations fiscales (par exemple des taux d'imposition réduits) ».

Concernant le champ d'application de l'interdiction de mettre en oeuvre des incitations financières pour l'installation de chaudières autonomes utilisant des combustibles fossiles, la Commission apporte des précisions concernant les caractéristiques des chaudières concernées. Sont ainsi visés l'achat, le montage et la mise en service de chaudières répondant aux conditions cumulatives suivantes :

l'usage de combustibles fossiles, « c'est-à-dire de sources d'énergie non renouvelables basées sur le carbone telles que les combustibles solides, le gaz naturel et le pétrole » ;

- l'autonomie de la chaudière, « qui n'est donc pas combinée avec un autre générateur de chaleur utilisant de l'énergie renouvelable qui fournit une part considérable de la production énergétique globale du système combiné ».

Ainsi, l'interdiction de mettre en place des incitations financières à l'installation ne s'applique pas aux chaudières dites « hybrides », combinant une part de combustibles fossiles et une part d'énergie renouvelable, dès lors que la part d'énergie renouvelable est qualifiée de « considérable ». Ces systèmes de chauffage hybrides peuvent notamment procéder de la combinaison d'une chaudière avec le solaire thermique ou avec une pompe à chaleur. Dans ce cas, l'incitation financière éventuelle doit être proportionnelle à la part d'énergie renouvelable utilisée.

L'avis de la Commission ne définit pas la notion de « part considérable d'énergie renouvelable » pour l'appréciation des systèmes de chauffage hybrides, renvoyant cette définition à la compétence des États membres.

Si cette marge de manoeuvre permet aux États de continuer à soutenir des unités hybrides dont la part d'énergie renouvelable serait en réalité limitée, la Commission rappelle que « les systèmes de chauffage hybrides ne devraient bénéficier de mesures d'incitation à titre de solution transitoire que s'il est réaliste de penser que l'utilisation des combustibles fossiles dans le système est transitoire, afin d'éviter toute dépendance aux combustibles fossiles ».

2. Une définition des énergies renouvelables incluant l'énergie ambiante

Le point 14 de l'article 2 de la directive du 24 avril 2024 définit l'énergie issue de sources renouvelables comme « une énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables, à savoir l'énergie éolienne, l'énergie solaire (solaire thermique et solaire photovoltaïque) et géothermique, l'énergie osmotique, l'énergie ambiante, l'énergie marémotrice, houlomotrice et d'autres énergies marines, l'énergie hydroélectrique, la biomasse, les gaz de décharge, les gaz des stations d'épuration d'eaux usées et le biogaz ».

Ainsi, cette définition inclut l'énergie ambiante, qui désigne en droit français222(*) :

- d'une part, l'énergie thermique naturellement présente ;

- d'autre part, l'énergie accumulée dans un environnement fermé, qui peut être emmagasinée dans l'air ambiant, hors air extrait, dans les eaux de surface ou dans les eaux usées.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA SUPPRESSION DES TAUX RÉDUITS DE TVA POUR LA FOURNITURE ET L'INSTALLATION DE CHAUDIÈRES RECOURANT À DES COMBUSTIBLES FOSSILES

Les différentes dispositions prévues par le présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2025 (II du présent article).

A. L'EXCLUSION DU BÉNÉFICE DES TAUX RÉDUITS DE TVA POUR LES PRESTATIONS DE RÉNOVATION COMPRENANT LA FOURNITURE OU L'INSTALLATION DE CHAUDIÈRES À COMBUSTIBLES FOSSILES

1. L'exclusion du bénéfice du taux réduit de TVA de 10 % pour les travaux de rénovation hors rénovation énergétique comprenant la fourniture ou l'installation de chaudières à combustibles fossiles

Le 4° du I du présent article supprime le taux réduit de TVA de 10 % pour la fourniture ou l'installation de chaudières à combustibles fossiles dans le cadre de travaux de rénovation hors rénovation énergétique, en réécrivant le bis de l'article 279-0 bis du CGI.

Selon le dispositif proposé, le taux normal de TVA de 20 % s'applique aux travaux suivants :

- les travaux de nettoyage (déjà soumis au taux normal en vertu du droit existant) ;

- les travaux d'aménagement ou d'entretien des espaces verts (déjà soumis au taux normal en vertu du droit existant) ;

les travaux comprenant la fourniture ou l'installation d'une chaudière susceptible d'utiliser des combustibles fossiles.

2. L'exclusion du bénéfice du taux réduit de TVA de 5,5 % pour les prestations de rénovation énergétique comprenant la fourniture ou l'installation de chaudières à combustibles fossiles

Le 3° du I du présent article supprime le taux réduit de TVA de 5,5 % pour la fourniture ou l'installation de chaudières à combustibles fossiles dans le cadre de prestations de rénovation énergétique, en insérant un III bis après le III de l'article 278-0 bis A du CGI.

Cette disposition prévoit ainsi que le taux normal de TVA de 20 % s'applique aux prestations de rénovation énergétique comprenant la fourniture ou l'installation d'une chaudière susceptible d'utiliser des combustibles fossiles.

B. L'EXTENSION DU TAUX RÉDUIT DE TVA DE 5,5 % À LA FOURNITURE DE CHALEUR PRODUITE À PARTIR DE L'ÉNERGIE AMBIANTE

Les 1° et 2° du I du présent article élargissent l'application du taux réduit de TVA de 5,5 % à la fourniture de chaleur produite à partir de l'énergie ambiante dans le cadre de prestations de rénovation énergétique, en procédant à une modification rédactionnelle au III de l'article 278-0 B du CGI et à l'ajout d'un renvoi au code de l'énergie au premier alinéa du B de l'article 278-0 bis du CGI.

Ainsi, selon le dispositif proposé, l'énumération des sources d'énergie renouvelable dont l'utilisation majoritaire (à plus de 50 %) permet de rendre la fourniture de chaleur éligible au taux réduit de TVA de 5,5 %, qui était mentionnée au premier alinéa du B de l'article 278-0 bis du CGI, est remplacée par un renvoi à la définition des énergies renouvelables énoncée à l'article L. 211-2 du code de l'énergie, complété par la référence à un processus dont l'objet n'est pas la production de chaleur.

Ce renvoi au code de l'énergie permet notamment d'inclure l'énergie ambiante.

Sources d'énergie renouvelables dont l'utilisation à plus de 50 %
permet de rendre la fourniture de chaleur éligible au taux réduit de TVA de 5,5 %

Droit en vigueur

Droit proposé

Biomasse

Géothermie

Energie solaire thermique

Déchets

Energie de récupération

Energie éolienne

Energie solaire thermique

Energie solaire photovoltaïque

Energie géothermique

Energie ambiante

Energie marémotrice

Energie houlomotrice

Energie osmotique

Autres énergies marines

Energie hydroélectrique

Biomasse

Gaz de décharge

Gaz des stations d'épuration d'eaux usées

Biogaz

Source : commission des finances, d'après le projet de loi de finances pour 2025

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MISE EN CONFORMITÉ AVEC LE DROIT EUROPÉEN QUI CONCILIE OBJECTIFS ENVIRONNEMENTAUX ET PRÉSERVATION DU POUVOIR D'ACHAT DES CONSOMMATEURS

A. LA SUPPRESSION DES TAUX RÉDUITS DE TVA POUR LES PRESTATIONS DE RÉNOVATION RELATIVES AUX CHAUDIÈRES À COMBUSTIBLES FOSSILES CONSTITUE ESSENTIELLEMENT UNE MESURE D'INCITATION À VISÉE ENVIRONNEMENTALE, AVEC UN EFFET BUDGÉTAIRE LIMITÉ

1. La suppression des taux réduits de TVA devrait inciter les ménages à privilégier des modes de chauffage moins émetteurs de GES, alors que le chauffage aux combustibles fossiles représente la moitié des émissions du secteur du logement en France

Au 1er janvier 2020, le chauffage des résidences principales reposait majoritairement sur deux énergies finales en France métropolitaine :

l'électricité, pour 37,2 % des logements, dont 5,1 % par une pompe à chaleur ;

le gaz de réseau, pour 35,8 % des logements, essentiellement par du gaz naturel.

Les autres sources d'énergie étaient utilisées à titre principal par un peu plus d'un quart des ménages : bois (10,5 %), fioul (9,6 %), réseaux de chaleur (5,3 %) et gaz de pétrole liquéfié (GPL) stocké localement en citerne ou en bouteille (1,5 %).

Ainsi, 47 % des ménages utilisaient directement un combustible fossile (gaz de réseau, GPL, fioul) comme source de chauffage de leur résidence principale.

Répartition des logements en 2020 selon leur énergie principale de chauffage

Note : les logements concernés sont les résidences principales de France métropolitaine.

Source : réponses de la direction générale de l'énergie et du climat au questionnaire du rapporteur général, d'après le service des données et études statistiques (SDES), enquête logement 2020

De fait, l'installation de nouvelles chaudières aux combustibles fossiles a connu une forte diminution dans la période récente. En 2023, 340 000 chaudières au gaz ont été installées en France, en dépit d'une nette baisse des prix du gaz. En comptant les chaudières au fioul, la diminution s'élevait à 23 % par rapport à 2022. Or, l'année 2022 avait déjà été marquée par une baisse massive, de 30 %, sous l'effet des aides accordées pour les pompes à chaleur et de l'augmentation significative des prix du gaz.

Dans ce contexte, la suppression des taux réduits de TVA poursuit principalement une finalité incitative, dans une logique de fiscalité comportementale ou « pigouvienne »223(*). Il s'agit en effet d'accompagner l'évolution des comportements, en concentrant l'incitation financière qui découle des taux réduits d'imposition sur des systèmes de chauffage moins émetteurs de GES.

D'après l'évaluation préalable présentée par le Gouvernement en annexe au projet de loi de finances224(*), « les mesures proposées, d'une part favoriseront le recours aux livraisons de chaleur par réseau et, s'agissant des appareils individuels, limiteront le recours aux appareils utilisant des combustibles fossiles ». Ce faisant, la suppression des taux réduits de TVA devrait « rédui[re] notre dépendance aux énergies fossiles importées et contribue[r] à l'atteinte des objectifs climatiques nationaux en orientant les acteurs vers l'installation d'équipements fonctionnant aux énergies renouvelables ».

De fait, l'empreinte carbone diffère fortement selon les systèmes de chauffage. Selon une estimation du cabinet Carbone 4225(*), sur la base de données de 2018, à consommation de chauffage équivalente, une chaudière au gaz émet 54 % de carbone de plus qu'un radiateur électrique, 2,3 fois plus qu'un réseau de chaleur, 4,6 fois plus qu'une pompe à chaleur et 7,6 fois plus qu'une chaudière au bois226(*).

Empreinte carbone pour la consommation de 1 kWh de chauffage en 2018

(en gCO2eq)

Source : Carbone 4 (novembre 2019)

Or, le chauffage aux combustibles fossiles (majoritairement au gaz) représente une part significative de l'empreinte carbone totale en France, de l'ordre d'un dixième. Selon Carbone 4227(*), l'empreinte carbone moyenne en France s'établit à environ 10 tCO2eq par personne en 2021. Après les transports (27 %) et l'alimentation (25 %), le logement constitue le troisième poste d'émissions de carbone avec une part de 19 %, dont 9 % pour le chauffage au gaz et au fioul. Ainsi, le chauffage aux combustibles fossiles représente la même part d'empreinte carbone que la consommation de viande et plus du double de celle du transport aérien (4 %).

Empreinte carbone moyenne en France en 2021

(en kgCO2eq par personne)

Source : Carbone 4 (mai 2023), d'après le ministère de la transition écologique, le Haut Conseil pour le Climat, le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique, Agribalyse V3 et INCA 3 (données du ministère de la transition écologique retraitées en ajoutant notamment l'impact des traînées de condensation et de la déforestation importée)

D'après les éléments d'information du dossier de concertation sur la décarbonation du bâtiment de juin 2023228(*), les émissions de GES du secteur du bâtiment en France devront baisser de 75 MtCOen 2021 à 30 MtCOen 2030. Sur un effort de diminution de 45 MtCO2, la quasi-totalité devrait porter sur les émissions de GES liées à la combustion du fioul ou du gaz, à hauteur de 40 MtCO2.

Selon le document de concertation, « cela signifie réduire drastiquement les émissions liées au fioul », « mais également celles liées au gaz par le remplacement d'un nombre très important de chaudières et par l'isolation des logements ».

Ainsi, le changement des chaudières au gaz et l'isolation des logements devraient contribuer à une diminution des émissions de 25 MtCO2, contre 16 MtCOpour le changement des chaudières au fioul.

Bilan des émissions du bâtiment par source et projection indicative à 2030

(en MtCO2)

Note : l'objectif d'émission de GES en 2030 indiqué et les baisses en fonction des sources d'émissions (en italique) sont des projections indicatives, qui peuvent évoluer en fonction des travaux de la stratégie française énergie climat.

Source : Dossier de concertation, Accélérer la décarbonation du bâtiment (juin 2023), d'après les données d'émissions Secten 2022 et le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique

Dans cet optique de finalité incitative, le rendement budgétaire d'un dispositif de fiscalité comportementale est destiné à diminuer progressivement à mesure de la disparition de l'assiette d'imposition du fait de la modification des comportements.

Aussi, d'après l'évaluation préalable du Gouvernement, le rendement prévisionnel attendu de la mesure proposée devrait demeurer modéré, de l'ordre de 150 millions d'euros par an, dont environ la moitié pour l'État, à compter de 2025229(*).

L'estimation du Gouvernement, reposant sur des données du ministère du logement, se fonde :

- d'une part, sur un nombre de chaudières fossiles installées, dont l'efficacité énergétique est supérieure à 92 %, de 250 000 par an (installations actuellement soumises au taux réduit de TVA de 5,5 %) ;

- d'autre part, sur un nombre de chaudières fossiles installées, dont l'efficacité énergétique est inférieure à 92 %, de 50 000 par an (installations actuellement soumises au taux réduit de TVA de 10 %).

Quant au prix des prestations considérées, l'évaluation du Gouvernement retient un prix moyen d'installation hors taxes de 5 000 euros.

Compte tenu du nombre d'installations observées en 2023, de 340 000 chaudières au gaz, et de la tendance à la baisse enregistrée depuis 2021, l'hypothèse d'un nombre d'installations totales de 300 000 pour 2025 apparaît relativement prudente.

2. Conçue pour s'appliquer uniquement lors du renouvellement des équipements de chauffage, la mesure proposée de mise en conformité avec le droit européen représente une solution plus réaliste et plus acceptable qu'une interdiction pure et simple des chaudières au gaz

Dans son rapport sur la TVA de février 2023230(*), le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) relevait que les taux réduits de TVA présentaient « une efficacité (...) limitée pour atteindre des objectifs économiques » et constituaient « une source de complexité pour les entreprises ». En particulier, le CPO soulignait que, du fait de son ciblage insuffisant, la TVA « n'[était] pas le meilleur instrument face aux défis environnementaux ».

Dans ce contexte, le recours aux taux réduits de TVA est destiné à se restreindre au strict nécessaire, l'instrument fiscal pouvant éventuellement être préféré à un dispositif budgétaire, à titre temporaire, en raison d'une célérité accrue de ses effets. Face à des enjeux structurels tels que la lutte contre le changement climatique, le recours au levier fiscal des taux réduits de TVA doit ainsi être limité et concentré sur les équipements dont l'empreinte carbone est la moins élevée.

Dès lors, non seulement la suppression des taux réduits de TVA pour l'installation des chaudières à combustibles fossiles représente une mesure de mise en conformité nécessaire au regard de l'évolution du droit européen et plus particulièrement de la nouvelle directive sur la performance énergétique des bâtiments, mais elle constitue une solution cohérente avec la poursuite des objectifs environnementaux de la France.

Aussi, cette solution de suppression des taux réduits de TVA a fait l'objet d'une recommandation expresse de l'Inspection générale des finances (IGF) dans un rapport de mai 2023231(*), qui proposait de « verdir les assiettes » des dispositifs fiscaux applicables aux travaux de rénovation des logements.

Selon le rapport de l'IGF, « pour les dépenses fiscales considérées comme neutre [taux réduit de TVA à 10 % pour les travaux de rénovation et déduction des dépenses de rénovation-amélioration des revenus fonciers], il s'agirait de supprimer de leur assiette des équipements controversés sur le plan environnemental, en particulier les travaux et prestations afférents à des systèmes de chauffage aux énergies fossiles ». Concernant l'assiette du taux réduit à 5,5 % (applicable aux chaudières fossiles à haute performance énergétique), le rapport recommandait de la même manière « d'exclure les chaudières à gaz ou au fioul, quelle que soit leur performance énergétique ».

De fait, cette mesure d'incitation fiscale, qui vise à accompagner l'évolution des comportements plutôt qu'à les contraindre, contraste avec l'interdiction pure et simple des chaudières au gaz qui avait été envisagée par le Gouvernement en 2023 et qui ne permettait pas de prendre en compte les spécificités techniques des différents types de bâtiments.

Selon les typologies de bâtiment, il existe de nombreuses solutions de chauffage performantes et renouvelables. Parmi les logements collectifs chauffés au gaz, 47 % ont un chauffage collectif232(*), ce qui permet de répartir le coût du renouvellement du système de chauffage entre les différents occupants.

Parc de logement par type de chauffage en France en 2020

(en pourcentages)

Note : pour ce graphique, le terme chauffage électricité englobe les pompes à chaleur.

Source : Dossier de concertation, Accélérer la décarbonation du bâtiment, juin 2023

De surcroît, l'impact de la suppression des taux réduits de TVA sur le coût TTC de l'installation d'une chaudière au gaz devrait demeurer modéré :

500 euros pour la fourniture ou l'installation d'une chaudière dans le cadre de travaux actuellement soumis au taux réduit de 10 % (hors prestations de rénovation énergétique) ;

725 euros pour la fourniture ou l'installation d'une chaudière dans le cadre de travaux actuellement soumis au taux réduit de 5,5 % (prestations de rénovation énergétique).

Alors que la durée de vie moyenne d'une chaudière au gaz est comprise généralement entre 15 et 25 ans, l'impact annuel lissé sur l'ensemble de la durée de vie du système de chauffage serait ainsi limité pour les consommateurs à 50 euros par an au maximum.

Quant au choix du remplacement par une pompe à chaleur, principale alternative aux chaudières fossiles (avec le raccordement à un réseau de chaleur pour les systèmes de chauffage collectifs), si le prix d'un tel équipement peut certes approcher 15 000 euros (hors dispositifs d'aide), la comparaison en termes de coût complet sur la durée du cycle de vie atténue cette différence de prix, les pompes à chaleur consommant trois fois moins d'énergie233(*).

Il convient également de noter que le prix d'une pompe à chaleur peut être sensiblement inférieur au niveau de 15 000 euros. Selon Duncan Gibb234(*), ingénieur expert des énergies renouvelables au sein du think tank Regulatory Assistance Project, le prix moyen pour un équipement de 8 kilowatts, une puissance classique pour une rénovation, était en France en 2021 de 8 900 euros, auxquels s'ajoutent 1 800 euros de pose (hors dispositifs d'aide).

B. UNE MISE EN COHÉRENCE OPPORTUNE DU CHAMP DES ÉNERGIES RENOUVELABLES UTILISÉES DANS UN RÉSEAU DE CHALEUR ÉLIGIBLES AU TAUX RÉDUIT DE TVA DE 5,5 %

Le renvoi au code de l'énergie pour la définition du champ des énergies renouvelables, dont l'utilisation majoritaire dans un réseau de chaleur rend les livraisons de chaleur éligibles au taux réduit de TVA de 5,5 %, permet d'inclure explicitement l'énergie ambiante.

Cette inclusion représente une mise en conformité nécessaire au regard de la définition visée à l'article 2 de la directive du 24 avril 2024 sur la performance énergétique des bâtiments.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 11

Instauration d'une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises

Le présent article prévoit la création d'une contribution exceptionnelle temporaire sur les bénéfices des grandes entreprises applicable aux deux exercices consécutifs clos à compter du 31 décembre 2024, soit en pratique les exercice 2024 et 2025 pour une majorité d'entreprises.

Cette mesure de rendement a pour effet, sans remettre en cause le taux normal d'impôt sur les sociétés (IS) fixé à 25 %, d'augmenter la charge fiscale associée à l'impôt sur les sociétés (IS) pour les entreprises dont le chiffre d'affaires excède un milliard d'euros en créant une surtaxe assise sur le montant d'impôt sur les sociétés dû pour l'exercice concerné.

L'article prévoit des taux variables pour la contribution échelonnés entre 10,3 % et 41,2 % selon le chiffre d'affaires de l'entreprise et l'exercice concerné.

Pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à un milliard d'euros et inférieur ou égal à trois milliards d'euros, le taux d'impôt sur les sociétés (IS) effectivement supporté sera porté à 30,2 % au titre de l'exercice 2024 et à 27,6 % au titre de l'exercice 2025.

Pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à trois milliards d'euros, le taux d'impôt sur les sociétés (IS) effectivement supporté sera porté à 35,3 % au titre de l'exercice 2024 et à 30,2 % au titre de l'exercice 2025.

La contribution exceptionnelle, qui s'applique temporairement sur les résultats de deux exercices, est ciblé sur un nombre restreint de moins de 500 grandes entreprises et représente un rendement prévisionnel de huit milliards d'euros, soit une hausse de 14 % des recettes nettes d'impôt sur les sociétés par rapport à la recette nette d'IS en 2025 hors contribution exceptionnelle.

Dans un contexte où l'urgence commande de remédier à la situation extrêmement dégradée des finances publiques, cette contribution, ciblée temporellement et matériellement, permet de faire participer les grandes entreprises au redressement des finances publiques sans modifier la charge fiscale d'impôt sur les sociétés qui pèse sur la majorité des entreprises.

Au regard du caractère temporaire de la contribution exceptionnelle et pour faire obstacle à toute manipulation comptable à des fins d'optimisation, la commission propose d'adopter un amendement I-6 (FINC.6) ayant pour objet la mise en place d'un dispositif « anti-évitement » prévoyant que les entreprises assujetties au titre du premier exercice d'application de la contribution restent assujetties au titre de l'exercice suivant.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS (IS) EST LE PRINCIPAL PRÉLÈVEMENT OBLIGATOIRE À LA CHARGE DES ENTREPRISES AVEC UN RENDEMENT ESTIMÉ À 56,2 MILLIARDS D'EUROS EN 2025 

A. L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS (IS) EST UNE TAXE PROPORTIONNELLE DU BÉNÉFICE DES ENTREPRISES DONT LE TAUX DE DROIT COMMUN EST FIXÉ À 25 % DEPUIS 2022 ET DONT LE RENDEMENT ANNUEL EST DE 56,2 MILLIARDS D'EUROS

L'impôt sur sociétés (IS) est un prélèvement obligatoire auquel sont assujettis les sociétés de capitaux ainsi que les personnes morales qui leur sont fiscalement assimilées235(*). L'assiette de l'impôt sur les sociétés est constituée du résultat net dégagé par l'ensemble des opérations de toute nature effectuées par l'entreprise, y compris les cessions d'éléments de l'actif236(*).

Le taux normal de l'impôt sur les sociétés est, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022, de 25 %. Ce taux de 25 % résulte d'une réduction du taux normal d'impôt sur les sociétés qui est passé de 33,3 % à 25 % entre 2018 et 2022 en application d'une trajectoire fixée et aménagée successivement par la loi de finances initiale pour 2017237(*), par la loi de finances initiale pour 2018238(*), par la loi du 24 juillet 2019239(*) puis enfin par la loi de finances initiale pour 2020240(*).

Trajectoire simplifiée de réduction du taux normal
d'impôt sur les sociétés (IS)

Note : le taux retenu est le taux applicable pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 250 millions d'euros pour la fraction du bénéfice supérieure à 500 000 euros.

Source : commission des finances

Par ailleurs, le taux d'impôt sur les sociétés (IS) effectivement supporté par les entreprises est modulé à la fois par l'existence d'un taux réduit en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) et par l'existence d'une contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés mise à la charge des sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à 7 630 000 euros.

En premier lieu, les entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas 10 millions d'euros bénéficient241(*) d'un taux réduit fixé à 15 %, dans la limite d'une fraction de 42 500 euros de leur bénéfice imposable242(*).

En second lieu, les entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés (IS) dont le chiffre d'affaires excède 7 630 000 euros sont soumises243(*) à la contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés qui est contribution au taux de 3,3 % assise sur le montant d'impôt sur les sociétés après application d'un abattement de 763 000 euros par période de douze mois.

L'impôt sur les sociétés (IS) constitue la principale imposition sur les entreprises et a représenté une recette fiscale nette de 56,8 milliards d'euros en 2023 répartie entre 2,4 millions de redevables244(*). L'impôt sur les sociétés représente à cet égard 18 % des recettes fiscales nettes de l'État en 2023.

Part de l'impôt sur les sociétés (IS) dans les recettes fiscales nettes
de l'État en 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

B. L'INSTITUTION D'UNE SURTAXE SUR LE BÉNÉFICE DES GRANDES ENTREPRISES POUR AUGMENTER LE RENDEMENT DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS EST UN LEVIER QUI A ÉTÉ DÉJÀ MOBILISÉ PLUSIEURS FOIS, DONT NOTAMMENT EN 2017 POUR GÉNÉRER UN COMPLÉMENT DE RECETTES DE 5 MILLIARDS D'EUROS

Le Gouvernement précise dans l'évaluation préalable des articles du projet de loi de finances pour 2025 que la création d'une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (CEBGE) poursuit un « objectif de rendement », c'est-à-dire a pour fonction de faire contribuer les grandes entreprises « au redressement des finances publiques »245(*).

Le rapporteur général relève que l'alourdissement de la fiscalité pesant sur les entreprises pour atteindre un objectif de rehaussement des recettes fiscales est un levier qui a plusieurs fois été utilisé depuis les années 1970, soit par la création de contribution ciblée soit par l'alourdissement généralisé de l'impôt sur les sociétés pour augmenter le rendement de cet impôt.

Les précédentes contributions exceptionnelles sur les bénéfices des entreprises créées dans un objectif de rendement depuis 1974

La création d'une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des entreprises est une mesure de rendement qui a été plusieurs fois mises en oeuvre depuis les années 1970 pour répondre à des situations de dégradation des finances publiques.

En 1974, dans le contexte du premier choc pétrolier de 1973, une contribution exceptionnelle de 18 % a été créée246(*) sur l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 1973 pour certaines entreprises avec notamment un seuil de chiffre d'affaires.

En 1976, dans le contexte de la grande sécheresse de 1976, une contribution exceptionnelle de 4 % a été créée247(*) sur l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 1975.

En 1995, dans le contexte du financement du plan de relance pour l'emploi, une contribution exceptionnelle de 10 % a été créée248(*) sur l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos à partir de 1995. Cette contribution a été prolongée avec un taux progressivement réduit jusqu'à l'exercice 2005 inclus.

En 1997, dans le contexte de qualification de la France pour l'euro, une contribution exceptionnelle de 15 %, dont étaient exonérées les petites et moyennes entreprises (PME), a été créée249(*) sur l'impôt sur les sociétés au titre des exercice 1997 et 1998, ramené à 10 % pour l'exercice 1999.

En 2011, dans l'objectif de réduire le déficit public, une contribution exceptionnelle de 5 %, avec un seuil d'assujettissement de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires, a été créée250(*). Cette contribution, dont le taux a été ramené à 10,7 % à partir de l'exercice 2014, a été prolongée jusqu'à l'exercice 2015 inclus.

Enfin, en 2017, dans le contexte de participation des grandes entreprises au financement des coûts du contentieux fiscal sur la taxation des dividendes, deux contributions exceptionnelles de 15 %, avec des seuils d'assujettissement de 1 milliard et 3 milliards d'euros, ont été créées251(*) sur l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2017252(*).

L'exemple le plus récent d'une mesure de rendement prenant la forme d'un alourdissement de l'impôt sur les sociétés est donc constitué par la création par la loi du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017253(*) de deux contributions exceptionnelles sur l'exercice 2017 pour un surcroît de recettes de 5 milliards d'euros.

Sur le contexte et les motivations de cette mesure de rendement, le rapporteur général relève que les contributions exceptionnelles de 2017 diffèrent de celle proposée par le projet de loi de finances pour 2025. En effet, les contributions exceptionnelles sur l'exercice 2017 ont été créées dans le contexte du contentieux fiscal relatif à la taxe sur les dividendes instituée par la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012254(*) et déclaré inconstitutionnelle par une décision du Conseil constitutionnel du 6 octobre 2017255(*).

Le coût associé à ce contentieux fiscal a atteint 9,4 milliards d'euros répartis entre 5,2 milliards d'euros en 2017 et 4,2 milliards d'euros en 2018. Par suite, les contributions exceptionnelles sur l'exercice 2017 était présentées par le Gouvernement comme une « solution qui partage la charge [du contentieux] à égalité entre l'État et les plus grandes entreprises françaises »256(*), les 5 milliards d'euros de recettes supplémentaires étant complétés par 5 milliards d'euros de crédits budgétaires pour couvrir le coût complet du contentieux. Le rapporteur général de la commission des finances, qui avait proposé de réduire l'alourdissement de la fiscalité proposé pour tenir compte du dynamisme de la croissance257(*), ne s'était pas opposé au principe de ces contributions exceptionnelles pour couvrir une partie du coût de ce contentieux fiscal258(*).

Sur les caractéristiques de ces contributions additionnelles, le rapporteur général relève que le Gouvernement avait retenu les mêmes seuils d'assujettissement de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires pour la contribution exceptionnelle et de 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour la contribution additionnelle. Les taux de ces contributions assises sur le montant d'impôt sur les sociétés étaient en revanche légèrement inférieurs avec un taux de 15 % pour les deux contributions ce qui aboutissait à une surtaxe allant de 15 % à 30 % de l'impôt sur les sociétés. À la différence de la contribution additionnelle proposée par le projet de loi de finances pour 2025, qui porte sur deux exercices, les contributions exceptionnelles créées en 2017 portaient sur le seul exercice 2017.

Les contributions exceptionnelles sur l'exercice 2017 ont généré, conformément aux prévisions du Gouvernement, des recettes complémentaires de 5 milliards d'euros réparties entre 4,9 milliards d'euros en 2017 et 100 millions d'euros en 2018.

Il est enfin à relever que le caractère exceptionnel et temporaire des contributions sur l'exercice 2017 a été préservé et que cette mesure de rendement n'a fait l'objet d'aucune prolongation dans le temps.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA CRÉATION D'UNE CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE SUR LES BÉNÉFICES DES GRANDES ENTREPRISES (CEBGE) POUR GÉNÉRER UN RENDEMENT ADDITIONNEL DE LA FISCALITÉ SUR LES ENTREPRISES À HAUTEUR DE 12 MILLIARDS D'EUROS RÉPARTIS SUR DEUX ANS

A. LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE SERAIT DUE AU TITRE DE DEUX EXERCICES PAR LES ENTREPRISES DONT LE CHIFFRE D'AFFAIRES DÉPASSE 1 MILLIARD D'EUROS

1. La contribution exceptionnelle s'appliquerait en pratique au titre des exercices 2024 et 2025 

Le I de l'article prévoit l'institution d'une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (CEBGE) pour une période limitée. Cet alinéa prévoit que cette contribution est instituée au titre des deux exercices constitutifs clos à compter du 31 décembre 2024. En pratique, de nombreuses entreprises clôturant leur exercice le 31 décembre, cette contribution s'appliquera aux exercices 2024 et 2025. Par suite, un reliquat de recettes de cette contribution exceptionnelle pourra être perçu en 2027 dans le cas des entreprises clôturant leur exercice après le début du mois de septembre.

Le rapporteur général relève à ce titre que le Gouvernement a fait le choix, au regard du caractère temporaire de cette taxe, de ne pas procéder à sa codification.

2. La contribution exceptionnelle s'appliquerait aux redevables de l'impôt sur les sociétés dont le chiffre d'affaires annuel dépasse 1 milliard d'euros

Le II de l'article fixe le périmètre de la contribution exceptionnelle, qui inclut les redevables de l'impôt sur les sociétés sous réserve que leur chiffre d'affaires soit supérieur ou égal à 1 milliard d'euros.

Par analogie avec le seuil de chiffre d'affaires applicable à la contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés, le chiffre d'affaires retenu pour apprécier l'assujettissement devrait être constitué du montant hors taxe des recettes réalisées par le redevable dans l'accomplissement de son activité normale et courante, à l'exclusion des recettes exceptionnelles et des produits financiers sauf spécificité sectorielle259(*).

Parallèlement, ces alinéas prévoient que, pour les groupes d'entreprises placés sous le régime d'intégration fiscale260(*), le seuil de chiffre d'affaires s'apprécie en additionnant les chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres du groupe et que la contribution additionnelle est mise à charge de la société mère du groupe.

B. LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE SERAIT ASSISE SUR LE MONTANT D'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS (IS) AVEC UN TAUX VARIABLE ET DÉGRESSIF DANS LE TEMPS S'ÉCHELONNANT DE 41,2 % À 10,3 %

1. La contribution exceptionnelle serait assise sur le montant d'impôt sur les sociétés brut de l'exercice

Le III de l'article détermine l'assiette de la contribution exceptionnelle, qui est constituée par le montant brut d'impôt sur les sociétés du redevable, c'est-à-dire avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature. La contribution additionnelle fonctionne par conséquent comme une surtaxe qui vient augmenter pour les redevables concernés le taux d'imposition effectivement supporté au titre de l'impôt sur les sociétés.

L'alinéa 6 précise que, pour les groupes de sociétés placés sous le régime de l'intégration fiscale, la contribution exceptionnelle est assise sur le montant de l'impôt sur les sociétés afférent au résultat d'ensemble et à la plus-value nette d'ensemble du groupe.

2. Le taux de la contribution exceptionnelle serait échelonné de 10,3 % à 41,2 % selon l'exercice concerné et le montant du chiffre d'affaires

Le IV de l'article fixe les taux de la contribution exceptionnelle, selon l'exercice concerné et le chiffre d'affaires du redevable.

Taux majoré d'imposition sur les bénéfices des sociétés
au titre de l'exercice 2024

Note : CA : Chiffre d'affaires. La contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés n'est pas prise en compte.

Source : commission des finances

En premier lieu, le A du IV de l'article fixe les taux applicables pour les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est compris entre un et trois milliards d'euros. Ce taux est de 20,6 % pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2024, soit en pratique l'exercice 2024, et de 10,3 % pour l'exercice suivant, soit en pratique l'exercice 2025. L'application de cette surtaxe se traduit pour les entreprises concernées par un taux majoré d'impôt sur les sociétés porté à 30,15 %261(*) pour l'exercice 2024 et à 27,58 % pour l'exercice 2025, sans tenir compte de la contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés.

En second lieu, le B du IV de l'article fixe les taux applicables pour les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est supérieur à trois milliards d'euros. Ce taux est de 41,2 % pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2024, soit en pratique l'exercice 2024, et de 20,6 % pour l'exercice suivant, soit en pratique l'exercice 2025. L'application de cette surtaxe se traduit pour les entreprises concernées par un taux majoré d'impôt sur les sociétés porté à 35,3 % pour l'exercice 2024 et à 30,15 % pour l'exercice 2025, sans tenir compte de la contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés.

Taux majoré d'imposition sur les bénéfices des sociétés
au titre de l'exercice 2025

Note : CA : Chiffre d'affaires. La contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés n'est pas prise en compte.

Source : commission des finances

3. La contribution exceptionnelle prévoit des mécanismes de lissage des taux pour modérer les effets de seuil pour les chiffres d'affaires supérieurs mais proches des seuils d'un ou de trois milliards d'euros

Les alinéa 8 et 10 de l'article prévoient deux mécanismes de lissage des effets de seuil pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est proche soit du seuil d'un milliard d'euros soit du seuil de trois milliards d'euros. Le rapporteur général relève que des mécanismes de lissage similaires avait été prévus dans le cadre des contributions exceptionnelles au titre de l'exercice 2017262(*).

En premier lieu, pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à 1 milliard d'euros et inférieur à 1,1 milliard d'euros, le taux applicable de la contribution exceptionnelle est modulé en étant multiplié par un coefficient de proximité au seuil qui est égale au rapport entre la différence entre le chiffre d'affaires et 1,1 milliard d'euros au numérateur et 100 millions d'euros au dénominateur. Par suite, le coefficient et le taux applicable associé augmentent progressivement jusqu'au seuil 1,1 milliard d'euros de chiffre d'affaires à partir duquel les taux de droit commun sont appliqués.

Exemple d'application du mécanisme de lissage de l'effet de seuil
à un milliard d'euros de chiffre d'affaires au titre de l'exercice 2024

Entreprise Ë

Chiffre d'affaires

1 050 M€

Résultat imposable

105 M€

Taux normal d'IS

25 %

Montant d'IS

26,3 M€

Taux contribution exceptionnelle sans mécanisme de lissage

20,6 %

Montant contribution exceptionnelle sans mécanisme de lissage

5,4 M€

Coefficient de proximité au seuil

(1 050 - 1 000) / 100 = 0,5

Taux de contribution exceptionnelle avec mécanisme de lissage

0,5 x 20,6 % = 10,3 %

Montant contribution exceptionnelle avec mécanisme de lissage

2,7 M€

Réduction d'impôt par le mécanisme de lissage

(5,4 - 2,7) = 2,7 M€

Note : Par hypothèse, le résultat imposable atteint 10 % du chiffre d'affaires.

Source : commission des finances

En second lieu, pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à 3 milliards d'euros et inférieur à 3,1 milliards d'euros, le taux applicable de la contribution exceptionnelle est modulé par un coefficient de proximité au seuil qui est égal au rapport entre la différence entre le chiffre d'affaires et 3,1 milliards d'euros au numérateur et 100 millions d'euros au dénominateur. Par cohérence263(*), ce coefficient multiplicateur n'est pas directement appliqué au taux de la contribution mais seulement à la fraction du taux qui excède le taux applicable aux redevables dont le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à un milliard d'euros et inférieur à trois milliards d'euros.

Ces mécanismes de lissage ont un effet limité sur le rendement de la contribution, estimée à 36 millions d'euros en 2025 et 18 millions d'euros en 2026264(*).

C. LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE REPRÉSENTERAIT UN RENDEMENT DE 8 MILLIARDS D'EUROS EN 2025 ET 4 MILLIARDS D'EUROS EN 2026

Les V à IX de l'article fixent les modalités de recouvrement de la contribution exceptionnelle.

En premier lieu, les V et VI prévoient, d'une part, que les réductions et crédits d'impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution exceptionnelle et, d'autre part, que la contribution exceptionnelle ne constitue pas une charge déductible pour la détermination du résultat imposable.

Ces deux dispositions ont pour effet de renforcer les recettes fiscales, d'une part, en augmentant le rendement de la contribution qui ne sera pas réduit par l'imputation de créances fiscales et, d'autre part, en faisant obstacle à ce que la contribution exceptionnelle se traduise par une réduction du rendement de l'impôt sur les sociétés en réduisant l'assiette de cet impôt.

En second lieu, le VII de l'article prévoit que la contribution exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Cet alinéa renvoie également aux règles applicables à l'impôt sur la société pour la compétence juridictionnelle sur les réclamations afférentes à la contribution exceptionnelle.

En troisième lieu, le VIII de l'article prévoit que le paiement de la contribution exceptionnelle est réalisé spontanément par le redevable au plus tard à la date limite fixée pour le versement du solde de liquidation de l'impôt sur les sociétés. Pour rappel, le code général des impôts prévoit que la date limite de versement du solde de liquidation de l'impôt sur les sociétés est fixé au 15 du quatrième mois qui suit la clôture de l'exercice. Pour les entreprises qui clôturent leur exercice le 31 décembre, la date limite est fixée au 15 mai de l'année suivante265(*).

En quatrième lieu, le IX prévoit une mise à jour de l'ordonnance du 19 septembre 2013 relative à l'adaptation du code des douanes, du code général des impôts, du livre des procédures fiscales et d'autres dispositions législatives fiscales et douanières applicables à Mayotte266(*) pour assurer l'application de la contribution additionnelle dans ce territoire.

Enfin, le rapporteur général relève que le Gouvernement estime le rendement de cette contribution exceptionnelle à 8 milliards d'euros en 2025 et à 4 milliards d'euros en 2026267(*).

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA NÉCESSITÉ D'UNE CONSOLIDATION RAPIDE DES COMPTES PUBLICS JUSTIFIE DE FAIRE PARTICIPER LES GRANDES ENTREPRISES PAR UNE CONTRIBUTION CIBLÉE ET TEMPORAIRE

A. LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE PROPOSÉE REPOSE SUR UN CIBLAGE TEMPOREL ET MATÉRIEL DES REDEVABLES POUR CONCENTRER L'EFFORT SUR LES PLUS GRANDES ENTREPRISES ET LIMITER L'EFFET SUR LA COMPÉTITIVITÉ DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE

Le dispositif proposé, qui constitue une mise à contribution temporaire des grandes entreprises au redressement de la situation des finances publiques, permet de concentrer la hausse de fiscalité sur une période limitée et sur un nombre restreint d'entreprises.

En premier lieu, le rapporteur général relève que le recours à une contribution temporaire sur les bénéfices permet d'augmenter les recettes fiscales associées à l'impôt sur les sociétés sans modifier le taux normal de cet impôt. En effet, la trajectoire de réduction du taux normal d'impôt sur les sociétés qui a été ramené de 33,3 % à 25 % entre 2018 et 2022 est un acquis qui doit être préservé. Au regard de la moyenne du taux d'impôt sur les sociétés, qui est de 23,6 % parmi les membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2023, la trajectoire de réduction du taux de l'impôt sur les sociétés a constitué une normalisation de la fiscalité française sur les entreprises qui continue de représenter un enjeu essentiel de compétitivité pour les entreprises produisant en France.

Le choix du Gouvernement de créer un nouvel impôt temporaire et de limiter sa période d'application à deux ans préserve l'acquis de la normalisation du taux d'impôt sur les sociétés tout en permettant une mise à contribution des entreprises au redressement des finances publiques.

En second lieu, le rapporteur général relève que le dispositif proposé permet un ciblage resserré de la contribution exceptionnelle qui devrait concerner 450 redevables en tout, dont 294 redevables ayant un chiffre d'affaires supérieur à trois milliards d'euros.

Répartition des recettes nettes d'impôt sur les sociétés au titre de 2022
par catégories d'entreprises

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données de la DGFiP

Le ciblage du dispositif permettra de faire contribuer en priorité les grandes entreprises auxquelles l'ampleur de leur chiffre d'affaires octroie des marges de manoeuvre pour supporter ce complément d'imposition. Par suite, la mise en oeuvre de la contribution exceptionnelle aura pour effet de relever la contribution fiscale des grandes entreprises, qui représentaient 27 % en 2022 des recettes nettes de l'impôt sur les sociétés, sans modifier la charge fiscale supportée directement par les petites et moyennes entreprises (PME) et par la majorité des entreprises de taille intermédiaire (ETI).

B. L'INSTITUTION DE CETTE CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE TEMPORAIRE PERMETTRA DE GÉNÉRER RAPIDEMENT DES RECETTES SUPPLÉMENTAIRES POUR CONSOLIDER LA SITUATION DES FINANCES PUBLIQUES

La proposition du Gouvernement d'instituer une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises intervient dans un contexte spécifique de dégradation rapide et inquiétante des finances publiques.

Pour l'exercice 2024, les prévisions révisées du Gouvernement font apparaître un déficit pour l'ensemble des administrations publiques (APU) de 6,1 % du PIB. Par conséquent, l'objectif de 5 % de déficit public en 2025 ne pourra être atteint que par une mobilisation coordonnée de l'ensemble des leviers disponibles pour limiter la dépense publique et augmenter les recettes publiques.

La contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises constitue l'un des dispositifs majeurs proposé par le Gouvernement pour augmenter les recettes publiques en 2024 et 2025. En effet, l'augmentation ponctuelle de la charge fiscale pesant sur les grandes entreprises constitue une mesure de rendement qui a déjà été mise en oeuvre précédemment et qui permet de générer un montant conséquent de recettes fiscales, sans modifier la charge fiscale pesant directement sur la majorité des entreprises.

En l'espèce, la mesure proposée générerait un rendement de 8 milliards d'euros en 2025 ce qui représente une augmentation de 14 % des recettes associées à l'impôt sur les sociétés prévues en 2025.

Prévisions de recettes associées à l'impôt sur les sociétés en 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

Parallèlement, la commission propos un amendement I-6 (FINC.6) ayant pour effet de mettre en place un dispositif « anti-évitement » qui a pour objet, au regard du caractère temporaire du dispositif, de faire obstacle à toute manipulation comptable aux fins d'optimisation en prévoyant que les entreprises assujetties au titre du premier exercice d'application de la taxe au taux ordinaire ou au taux majoré de la contribution exceptionnelle restent, pour le second exercice d'application de la taxe, assujetties au même régime de taux, indépendamment de l'évolution de leur chiffre d'affaires.

Le dispositif « anti-évitement » prévoit trois ajustements relatifs à la mise en oeuvre de la contribution exceptionnelle.

En premier lieu, le périmètre de la contribution est modifié pour inclure, pour les deux exercices concernés, l'ensemble des entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à un milliard d'euros au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2024. Une entreprise assujettie au titre du premier exercice sera nécessairement assujettie au titre du second, indépendamment de l'évolution de son chiffre d'affaires. La nouvelle rédaction prévoit également d'assujettir les entreprises dont le chiffre d'affaires serait inférieur à un milliard d'euros au titre du premier exercice et supérieur au titre du second.

Par cohérence, la rédaction prévoit également qu'une entreprise soumise au taux majoré du fait d'un chiffre d'affaires supérieur à trois milliards d'euros au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2024 soit nécessairement soumise au taux majoré au titre du second exercice, indépendamment de l'évolution de son chiffre d'affaires.

En second lieu, les entreprises qui étaient assujetties au taux ordinaire au titre du premier exercice et dont le chiffre d'affaires est inférieur à un milliard d'euros au titre du second exercice, qui restent assujetties à la contribution en application du dispositif anti-évitement, se voient appliquer un taux de 10,3 % pour le second exercice.

En troisième lieu, les mécanismes de lissage sont aménagés pour tenir compte de la situation d'une entreprise se trouvant dans le périmètre d'un mécanisme de lissage au titre du premier exercice et dont le chiffre d'affaires est inférieur au seuil au titre du second exercice.

En conclusion, au regard de la situation dégradée des finances publiques, du rendement substantiel de la contribution exceptionnelle et de son ciblage sur une période limitée à deux ans et sur un périmètre restreint concernant seulement les plus grandes entreprises, il vous est proposé d'adopter ce dispositif de création d'une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises modifié par l'amendement I-6 (FINC.6) précité.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 12

Création d'une contribution exceptionnelle sur le résultat d'exploitation des grandes entreprises de transport maritime

Le présent article prévoit d'instituer, pour les exercices 2025 et 2026, une contribution exceptionnelle sur le résultat d'exploitation pour les grandes entreprises de transport maritime, soumises à la taxation forfaitaire au tonnage, réalisant un chiffre d'affaires supérieur ou égal à 1 milliard d'euros. Pour 2025, le taux de la contribution serait fixé à 9 % du résultat d'exploitation. Pour 2026, ce taux serait réduit à 5,5 %.

Cette mesure de taxation exceptionnelle, destinée à contribuer au redressement des finances publiques, s'inscrit dans la même logique que la contribution exceptionnelle générale prévue pour les grandes entreprises des autres secteurs par l'article 11 du projet de loi de finances, avec des seuils de chiffre d'affaires et des taux d'imposition effectifs des bénéfices très proches. En effet, les entreprises de transport maritime ne sont pas soumises à l'impôt sur les sociétés pour la part de leurs activités assujettie à la taxation au tonnage et ne sont, dans cette mesure, pas visées par l'article 11.

Compte tenu des paramètres retenus, cette contribution spécifique devrait s'appliquer en pratique à une seule entreprise, CMA CGM, pour un rendement prévisionnel estimé à 500 millions d'euros en 2025 et 300 millions d'euros en 2026.

En cohérence avec la position de la commission concernant la contribution exceptionnelle prévue à l'article 11 du projet de loi de finances, la contribution instituée dans le cadre du présent article devra demeurer temporaire, sous peine de remettre en cause la compétitivité des entreprises concernées et plus largement l'attractivité des ports français. Cette exigence est d'autant plus forte dans le cas du transport maritime que ce secteur est, par essence, particulièrement exposé à la concurrence internationale et que son activité est très volatile, notamment au regard des aléas de la conjoncture géopolitique.

Afin de prévenir tout risque d'optimisation, le rapporteur général s'interroge sur l'opportunité, pour la détermination de la contribution, de ne pas tenir compte des restructurations touchant les entreprises ayant opté pour le régime de la taxation au tonnage lorsque ces opérations de restructuration sont intervenues au cours des exercices d'application de ce régime. Une telle mesure permettrait de s'assurer de l'absence d'optimisation du montant dû par le biais de la création de nouvelles filiales ou d'une modification de la répartition des activités des entreprises concernées.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES ENTREPRISES DE TRANSPORT MARITIME ÉTABLIES EN FRANCE BÉNÉFICIENT D'UN RÉGIME FISCAL SPÉCIFIQUE : LA TAXATION FORFAITAIRE AU TONNAGE

A. LES ENTREPRISES DE TRANSPORT MARITIME BÉNÉFICIENT, SUR OPTION, D'UN RÉGIME DÉROGATOIRE POUR L'IMPOSITION DE LEURS ACTIVITÉS

1. Depuis 2003, la France a institué un régime de taxation forfaitaire au tonnage pour le transport maritime, dérogatoire au régime de droit commun d'imposition des bénéfices

Depuis le 1er janvier 2003, les entreprises de transport maritime établies en France peuvent, sur option, bénéficier d'un régime dérogatoire pour l'imposition de leurs bénéfices.

Codifié à l'article 209-0 B du code général des impôts (CGI), ce régime permet de déterminer forfaitairement le résultat fiscal des activités de transport maritime soumis à l'impôt sur les sociétés (IS), par application d'un barème défini en fonction du tonnage net de la flotte de navires268(*).

En vertu du I de l'article 209-0 B du CGI, les entreprises éligibles au régime de la taxation au tonnage sont celles dont le chiffre d'affaires provient pour 75 % au moins de l'exploitation de navires armés au commerce, qui exploitent sous pavillon d'un État membre de l'Union européenne269(*) une proportion de tonnage net au moins égale à 25 % et qui s'engagent à maintenir ou à augmenter cette proportion durant la période de validité de l'option pour ce régime.

Sont éligibles au régime de taxation au tonnage les navires armés au commerce :

- qui ont une jauge brute égale ou supérieure à 50 unités du système de jaugeage universel (UMS) ;

- qui soit sont possédés en pleine propriété ou en copropriété, à l'exception de ceux donnés en affrètement coque nue à des sociétés qui ne leur sont pas liées directement ou indirectement ou à des sociétés liées n'ayant pas elles-mêmes opté pour le régime, soit sont affrétés coque nue ou à temps, soit sont pris en location et dans le cadre d'opérations de location avec option d'achat ;

- qui sont affectés au transport de personnes ou de biens, au remorquage en haute mer, au sauvetage ou à d'autres activités d'assistance maritime, à des opérations de transport en relation avec l'exercice de toutes autres activités nécessairement fournies en mer ;

- dont la gestion stratégique et commerciale est assurée à partir de la France ;

- qui n'ont pas été acquis auprès de sociétés liées directement ou indirectement n'ayant pas opté elles-mêmes pour ce régime.

Aux termes du II de l'article 209-0 B du CGI, le résultat imposable provenant des opérations directement liées à l'exploitation des navires éligibles est déterminé en appliquant, à chacun des navires concernés, un tarif, par jour et par tranche de jauge nette de 100 UMS, selon le barème suivant.

Barème du régime de taxation forfaitaire au tonnage

(tonnage en unités du système de jaugeage universel - UMS)

Tonnage

Jusqu'à 1 000

De 1 000 à 10 000

De 10 000 à 25 000

Plus de 25 000

Montant
(en euros)

0,93

0,71

0,47

0,24

Source : article 209-0 B du code général des impôts

Conformément au III de l'article 209-0 B du CGI, l'option pour le régime de la taxe au tonnage est formulée pour une période irrévocable de dix années et est renouvelable au terme de cette période.

2. La taxation forfaitaire au tonnage se traduit en pratique par un faible niveau d'imposition des entreprises de transport maritime, pour un coût pour les finances publiques estimé à 1,4 milliard d'euros pour 2025

Le régime de taxation forfaitaire au tonnage procure un avantage aux entreprises de transport maritime qui dégagent des bénéfices, en minorant l'assiette à laquelle est appliqué le taux de l'impôt sur les sociétés. Inversement, ce régime est défavorable pour les entreprises déficitaires, l'application des règles de droit commun de l'impôt sur les sociétés aboutissant à un montant d'impôt nul. Cependant, les déficits issus d'activités non éligibles au régime de la taxe au tonnage peuvent être imputés sur le résultat déterminé de manière forfaitaire270(*).

De fait, après quasiment deux décennies durant lesquelles le coût du régime de taxation au tonnage pour le budget de l'État a été relativement minime, oscillant entre 15 millions d'euros et 200 millions d'euros, celui-ci a connu dans la période récente une très forte augmentation à mesure de la hausse des bénéfices des entreprises concernées.

Selon le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution budgétaire 2023, la taxation au tonnage a constitué en 2023 la troisième dépense fiscale en termes de coût pour les finances publiques, avec 5,6 milliards d'euros, derrière le crédit d'impôt en faveur de la recherche (CIR) et le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile. En 2022, elle représentait la quatrième dépense fiscale, avec 3,8 milliards d'euros, derrière l'abattement de 10 % sur les pensions et retraites au titre de l'impôt sur le revenu.

Les 10 principales dépenses fiscales en 2023

(en millions d'euros)

Impôt

Dispositif

2022

2023

IS

Crédit d'impôt en faveur de la recherche (CIR)

7 193

7 185

IR

Crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile

5 670

5 920

IS

Détermination du résultat imposable des entreprises de transport maritime en fonction du tonnage de leurs navires

3 815

5 615

IR

Abattement de 10 % sur les pensions et retraites

4 443

4 494

IR

Exonération des sommes versées au titre de la participation, de l'intéressement aux plans d'épargne salariale et aux PERCO

2 580

2 580

TVA

Taux de 10 % pour les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien hors rénovation énergétique

2 240

2 090

TICPE

Application au département de Mayotte et en Guadeloupe, Guyane, Martinique et à La Réunion de la taxe spéciale de consommation

2 022

2 022

IR

Exonération des heures supplémentaires et complémentaires

1 707

1 867

IR

Exonération des prestations familiales et de l'allocation aux adultes handicapés

1 765

1 850

IR

Réduction d'impôt au titre des dons

1 725

1 777

Source : commission des finances, d'après Cour des comptes, analyse de l'exécution budgétaire 2023, Dépenses fiscales, avril 2024

Coût du régime de taxation au tonnage pour le budget de l'État

(en millions d'euros)

Note : les valeurs indiquées pour 2024 et 2025 sont des données prévisionnelles.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

B. DES RÉGIMES SIMILAIRES ONT ÉTÉ ADOPTÉS DANS DE NOMBREUX PAYS DANS UN CONTEXTE DE CONCURRENCE FISCALE INTERNATIONALE

1. La faculté d'instituer un régime de taxation au tonnage est reconnue en droit européen depuis les années 1990 et a été exercée par une grande majorité d'États membres

La taxation au tonnage n'est pas une spécificité française. Elle a été introduite pour la première fois en Grèce en 1957271(*) et adoptée ensuite dans de nombreux pays. Alors que la règlementation européenne des aides d'État aurait pu s'opposer à sa mise en oeuvre, la validité de ce régime a été reconnu dès 1997 par la Commission européenne, qui a publié des orientations communautaires définissant un cadre dérogatoire aux règles relatives aux aides d'État pour le transport maritime272(*). Ces orientations ont été actualisées en 2004 dans une nouvelle communication de la Commission273(*).

Dans ce cadre, une vingtaine d'États membres274(*), réunissant quasiment tous les États dotés d'une façade maritime, dont l'Italie (siège d'origine de MSC, la première compagnie mondiale, aujourd'hui basée en Suisse), le Danemark (siège de Maersk, la deuxième compagnie mondiale) et les Pays-Bas (dont le port de Rotterdam constitue le premier port européen en termes de trafic), ont adopté un régime de taxation forfaitaire au tonnage pour la détermination du bénéfice des entreprises de transport maritime. La France ne se distingue pas ainsi de ses partenaires européens sur cette question.

2. Au-delà de l'Union européenne, plusieurs pays ont mis en oeuvre un système d'imposition dérogatoire pour les entreprises de transport maritime

En Europe, le régime de taxation au tonnage est également appliqué en Norvège et au Royaume-Uni. Sur les autres continents, ce régime est mis en oeuvre par les Etats-Unis, Taïwan, la Corée du Sud ou encore le Japon275(*).

Par ailleurs, plusieurs États, à l'image de Malte ou de Singapour, ont institué des régimes alternatifs exonérant d'impôt une large partie des bénéfices tirés de l'exploitation de navires de transport de marchandises.

Au total, en 2023, 86 % de la flotte mondiale était concernée par la taxation au tonnage ou un dispositif dérogatoire équivalent276(*).

De ce point de vue, la Chine constitue une exception, n'ayant pas institué de régime dérogatoire pour les entreprises de transport maritime. En revanche, elle applique une taxe assise sur le tonnage des navires, payée pour l'entrée et le stationnement dans les ports chinois.

Dans ce contexte, l'imposition des bénéfices des entreprises de transport maritime selon des règles dérogatoires du droit commun apparaît comme un principe largement partagé au sein des pays membres de l'OCDE. La spécificité de l'imposition du transport maritime a été réaffirmé dans le cadre du « pilier 2 » des règles globales anti-érosion de la base d'imposition (Base Erosion and Profit Shifting en anglais, ou BEPS), adopté en octobre 2021, qui a exclu les bénéfices tirés des activités de transport maritime du champ de l'impôt minimal mondial au taux effectif de 15 %277(*).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE DES GRANDES ENTREPRISES DE TRANSPORT MARITIME ALIGNÉE SUR LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE GÉNÉRALE PRÉVUE POUR LES AUTRES GRANDES ENTREPRISES

A. UNE CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE ASSISE SUR LE RÉSULTAT D'EXPLOITATION DES GRANDES ENTREPRISES DE TRANSPORT MARITIME QUI PRÉSERVE LA SPÉCIFICITÉ DU RÉGIME DE TAXATION AU TONNAGE

1. Une contribution exceptionnelle conçue pour être temporaire et ciblée sur les grandes entreprises de transport maritime

Le I du présent article prévoit l'institution d'une contribution exceptionnelle sur les entreprises qui déterminent leur résultat imposable à l'impôt sur les sociétés dans les conditions prévues à l'article 209-0 B du CGI, c'est-à-dire les entreprises de transport maritime assujetties à la taxation forfaitaire au tonnage.

Cette contribution s'applique aux deux exercices consécutifs clos à compter du 31 décembre 2024, c'est-à-dire aux exercices 2025 et 2026 (pour les entreprises dont l'exercice social correspond à l'année civile).

Le II du présent article prévoit un seuil de chiffre d'affaires minimal pour être redevable de la contribution fixé à 1 milliard d'euros. L'atteinte ou non de ce seuil est mesurée par référence au chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition ramené le cas échéant à douze mois.

Dans le cas d'un groupe d'entreprises278(*), la redevabilité de la contribution est appréciée au niveau de chaque entreprise qui remplit individuellement la condition de chiffre d'affaires minimal de 1 milliard d'euros.

Le III du présent article détermine l'assiette de la contribution, qui correspond au résultat d'exploitation retracé dans le compte de résultat de l'entreprise279(*), pour la part correspondant aux opérations de transport maritime assujetties à la taxation forfaitaire au tonnage.

Le résultat d'exploitation

Le résultat d'exploitation, ou résultat opérationnel, est le résultat du processus d'exploitation et d'investissement de l'exercice. Il traduit l'accroissement de richesse dégagé par l'activité industrielle et commerciale de l'entreprise.

À la différence de l'excédent brut d'exploitation (EBE), qui se concentre sur le cycle d'exploitation, le résultat d'exploitation prend également en compte le processus d'Investissement par le biais des charges calculées (dotations aux amortissements et provisions).

Le résultat d'exploitation ne tient compte ni des charges et produits financiers - qui permettent de calculer le résultat financier - ni des charges et produits exceptionnels, ni encore de l'impôt sur les sociétés, qui, pris ensemble, déterminent le résultat net de l'entreprise.

Le concept de résultat d'exploitation est largement utilisé en analyse financière, notamment dans le calcul de la rentabilité économique car il n'est pas affecté par la structure financière de l'entreprise.

Cet agrégat est très proche de l'EBIT (Earnings before interest and taxes) anglo-saxon.

Source : commission des finances, d'après le site internet Vernimmen.net

Le IV fixe les taux applicables à cette contribution exceptionnelle :

9 % pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2024 ;

5,5 % pour le second exercice clos à compter de cette même date.

2. Des règles d'assiette qui visent à éviter tout contournement de l'objectif de rendement de la contribution

Les V et VI du présent article prévoient des règles anti-contournement afin d'éviter une érosion du produit de la nouvelle contribution.

D'une part, les réductions et crédits d'impôts et les créances fiscales de toute nature ne pourront pas être imputés sur la contribution exceptionnelle.

D'autre part, cette contribution ne pourra pas être admise dans les charges déductibles pour la détermination du résultat imposable dans le cadre de l'impôt sur les sociétés.

3. Des règles de contrôle et de recouvrement alignées sur l'impôt sur les sociétés

En vertu du VII du présent article, la contribution exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.

En application du VIII, la contribution est payée spontanément au comptable public compétent au plus tard à la date du versement du solde de liquidation de l'impôt sur les sociétés, telle que prévue au 2 de l'article 1668 du CGI, soit : le 15 du quatrième mois qui suit la clôture de l'exercice ; si l'exercice est clos au 31 décembre ou si aucun exercice n'est clos en cours d'année, le 15 mai de l'année suivante.

4. Une application à Mayotte

Le IX du présent article prévoit d'ajouter un 2° ter à l'article 7 de l'ordonnance n° 2013-837 du 19 septembre 2013 relative à l'adaptation du code des douanes, du code général des impôts, du livre des procédures fiscales et d'autres dispositions législatives fiscales et douanières applicables à Mayotte, afin d'assurer l'application de la nouvelle contribution à Mayotte.

B. UNE MESURE ALIGNÉE SUR LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE GÉNÉRALE PRÉVUE POUR LES AUTRES GRANDES ENTREPRISES

1. L'article 11 du PLF 2025 institue une contribution exceptionnelle générale assise sur l'impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises autres que celles du transport maritime

Dans le cadre du redressement des finances publiques recherché par le Gouvernement, l'article 11 du projet de loi de finances pour 2025 prévoit la création d'une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises.

Comme la contribution instituée par le présent article pour le transport maritime, cette mesure s'applique à titre temporaire aux deux exercices clos à compter du 31 décembre 2024, c'est-à-dire aux exercices 2025 et 2026 (pour les entreprises dont l'exercice social correspond à l'année civile).

Les seuils de chiffre d'affaires minimum prévus pour cette contribution générale sont comparables à celui fixé par le présent article. En effet, cette contribution s'applique aux redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur ou égal à 1 milliard d'euros, avec deux séries de taux différents :

- d'une part, un taux de 20,6 % pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2024, réduit à 10,3 % pour le second exercice clos à compter de cette même date, pour les redevables dont le chiffre d'affaires est compris entre 1 milliard d'euros et 3 milliards d'euros ;

- d'autre part, un taux de 41,2 % pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2024, réduit à 20,6 % pour le second exercice clos à compter de cette même date, pour les redevables dont le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à 3 milliards d'euros.

À la différence de la contribution instituée pour le transport maritime, l'assiette de la taxe générale n'est pas le résultat d'exploitation mais l'impôt sur les sociétés calculé sur l'ensemble des résultats imposables, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature.

De la même manière que la mesure prévue pour le transport maritime, la contribution générale prévoit des règles anti-contournement :

- d'une part, les réductions et crédits d'impôt et les créances fiscales de toute nature ne pourront pas être imputés sur cette contribution ;

- d'autre part, cette contribution ne pourra pas être admise dans les charges déductibles pour la détermination du résultat imposable dans le cadre de l'impôt sur les sociétés.

Pour une présentation détaillée de cette mesure, il est renvoyé au commentaire de l'article 11 du projet de loi de finances pour 2025 au sein du présent rapport.

2. Les seuils de chiffre d'affaires et les taux d'imposition effectifs retenus sont globalement alignés entre le transport maritime et les autres secteurs

D'après les services de la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA), interrogés par la commission des finances, si les seuils de chiffre d'affaires et les taux effectifs d'imposition des bénéfices (pour la seule part correspondant à la contribution exceptionnelle) étaient entièrement alignés sur ceux fixés à l'article 11 du PLF 2025, le rendement prévisionnel de la mesure proposée par le présent article pour le transport maritime ne serait pas très différent de celui envisagé sans cet alignement intégral, « en raison de l'absence de différence de seuil entre les deux mesures et [de] la faible différence de taux »280(*).

Néanmoins, selon la direction de la législation fiscale (DLF), la comparaison entre les deux contributions demeure délicate. En effet, d'après la DLF, « on ne saurait comparer les taux des contributions exceptionnelles définies respectivement aux articles 11 et 12 du PLF 2025, car leurs assiettes respectives sont difficilement comparables : à l'article 11, l'assiette est grosso modo l'IS [impôt sur les sociétés] dû par l'entreprise, alors qu'à l'article 12, l'assiette correspond au résultat d'exploitation au titre des activités des entreprises éligibles au régime « tonnage » (sachant que ces activités représentent au moins 75 % du chiffre d'affaires de l'entreprise) »281(*).

Pour autant, la DLF reconnaît que les seuils de chiffre d'affaires d'entrée dans le champ d'application de ces deux contributions exceptionnelles sont effectivement alignés, à 1 milliard d'euros.

3. Une exception à l'alignement entre la contribution exceptionnelle générale et la contribution exceptionnelle sur le transport maritime : les règles relatives à l'imposition des groupes de sociétés

Les deuxième et troisième alinéas du II du présent article prévoient des règles d'imposition des groupes de sociétés différentes de celles inscrites au II de l'article 11 du PLF 2025.

Alors que le deuxième alinéa du II de l'article 11 dispose que, pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis du CGI282(*), le seuil de chiffre d'affaires est apprécié au regard de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres du groupe, le deuxième alinéa du II de l'article 12 ne prévoit pas une telle règle.

De même, alors que le troisième alinéa du II de l'article 11 dispose que, pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis du CGI, la contribution exceptionnelle générale est due par la société mère, le troisième alinéa du II de l'article 11 précise que, pour les entreprises membres d'un groupe au sens des dispositions du CGI précitées, la contribution exceptionnelle applicable aux grandes entreprises de transport maritime est due par chaque entreprise qui remplit individuellement le seuil de chiffre d'affaires.

Comparaison des règles d'imposition des groupes de sociétés
prévues respectivement par l'article 11 et l'article 12 du PLF 2025

Deuxième et troisième alinéas
du II de l'article 11
(contribution exceptionnelle générale)

Deuxième et troisième alinéas
du II de l'article 12
(contribution exceptionnelle
sur le transport maritime)

« Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent II s'entend du chiffre d'affaires réalisé en France par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition ramené, le cas échéant, à douze mois et, pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis du code général des impôts, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis du code général des impôts, la contribution exceptionnelle est due par la société mère. »

« Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent II s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition ramené le cas échéant, à douze mois.

Pour les entreprises membres d'un groupe au sens des articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, la taxe exceptionnelle est due par chaque entreprise qui remplit individuellement la condition de chiffre d'affaires prévue au premier alinéa du présent II. »

Source : projet de loi de finances pour 2025

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE CONTRIBUTION QUI S'APPLIQUERA EN PRATIQUE À UNE SEULE ENTREPRISE ET QUI DEVRA RESTER TEMPORAIRE, AFIN DE NE PAS AFFECTER LA COMPÉTITIVITÉ ET L'ATTRACTIVITÉ DU TRANSPORT MARITIME FRANÇAIS

A. APRÈS UNE LONGUE PÉRIODE DE DIFFICULTÉS, LES ENTREPRISES DE TRANSPORT MARITIME ÉTABLIES EN FRANCE ONT RÉALISÉ DES PROFITS RECORDS ENTRE 2020 ET 2023, BÉNÉFICIANT D'UN CONJONCTURE TRÈS FAVORABLE À L'ÉCHELLE INTERNATIONALE

1. Les tensions sur les chaînes d'approvisionnement créées par la forte reprise du commerce international qui a suivi la sortie de la crise sanitaire se sont traduites par une hausse très élevée des taux de fret

La sortie de crise sanitaire a été marquée par une forte hausse des taux de fret, c'est-à-dire des prix d'expédition des conteneurs283(*), résultant de la conjonction entre une relance massive de la demande et une raréfaction de l'offre découlant de l'attentisme des entreprises du transport maritime.

Alors que l'ampleur des restrictions sanitaires au premier trimestre 2020 avait conduit à une forte baisse des volumes de production de biens et services et à une chute marquée du commerce international, les transporteurs et producteurs de conteneurs ont d'abord réduit leur offre, en diminuant de 30 % leur flotte sur les routes commerciales, afin de stabiliser les prix du fret maritime.

Avec la réouverture des économies et sous l'effet des plans de relance massifs engagés aux Etats-Unis et en Europe, la demande mondiale a ensuite enregistré un rebond inattendu dans son intensité, notamment pour les biens électroniques. En particulier, l'épargne accumulée par les ménages et la généralisation du télétravail favorisent l'essor du commerce en ligne, dont l'essentiel des produits est assemblé en Asie.

En dépit de l'envolée de la demande, les transporteurs maritimes, appréhendant une reprise « en feu de paille », n'ont relancé leurs liaisons que très progressivement. Cet attentisme a donc suscité une pénurie de conteneurs qui a nourri une forte augmentation des prix du fret. Les taux de fret ont ainsi atteint, en 2021 et en 2022 des niveaux supérieurs à 10 000 dollars pour acheminer un conteneur de 20 pieds entre Shanghai et Rotterdam, avec un pic à 15 000 dollars à fin 2021-début 2022, soit dix fois le tarif habituel pré-crise sanitaire.

De fait, la fin de l'année 2022 et le premier semestre 2023 ont été marqués par un net ralentissement des échanges mondiaux et donc une baisse des taux de fret qui sont temporairement revenus à leur niveau pré-Covid.

Cependant, depuis le deuxième semestre 2023, le recul de l'inflation, la croissance économique aux Etats-Unis et les tensions géopolitiques (attaques des rebelles yéménites houthis en mer Rouge, inquiétudes liées à l'entrée en vigueur de restrictions commerciales) ont poussé la demande de transport et les taux de fret à la hausse, sans cependant atteindre les niveaux post-Covid.

Évolution des prix du conteneur de 20 pieds

(en dollars)

Source : L'Usine nouvelle, d'après Drewry World Container Index

Comme le souligne la DGAMPA, « les risques de surcapacités nés des commandes massives de nouveaux porte-conteneurs ont momentanément été atténués par l'allongement de la route maritime reliant l'Asie à l'Europe qui contourne désormais l'Afrique »284(*) afin d'éviter les attaques des Houthis en mer Rouge. Cet allongement se traduit par une hausse mécanique du prix des trajets, les armateurs étant contraints d'augmenter le nombre de navires dédiés au transport entre les deux continents et de modifier les escales prévues tout au long du parcours.

2. Les entreprises de transport maritime françaises ont enregistré des bénéfices records dans la période récente, en particulier CMA CGM qui est devenue l'entreprise française la plus profitable de l'histoire

Dans ce contexte globalement très favorable aux entreprises de transport maritime, les grands armateurs ont réalisé des profits historiquement élevés en 2021 et en 2022, avant de connaître un reflux relatif de leurs bénéfices en 2023.

Selon la DGAMPA, « les grands armateurs au conteneur ont (...) pu préserver leur rentabilité et continuent d'enregistrer de bons résultats bien que largement inférieurs à 2021 et 2022. Ces profits sont réinvestis dans des acquisitions variées visant à accroître et verdir les flottes ou encore à intégrer des activités logistiques afin d'améliorer la maîtrise des flux et se prémunir contre les cycles économiques du transport maritime »285(*).

En particulier, CMA CGM, entreprise établie en France et troisième armateur mondial de porte-conteneurs avec 12,7 % de part de marché derrière la compagnie italo-suisse MSC (20 %) et le transporteur danois Maersk (14,6 %), a enregistré une profitabilité record entre 2020 et 2023, avec un résultat net moyen de 11,5 milliards d'euros et un résultat d'exploitation moyen de 10 milliards d'euros.

Classement des douze premiers armateurs mondiaux au conteneur
par capacité, au 1er janvier 2024

(en équivalents 20 pieds - EVP)

Note : l'équivalent 20 pieds est une mesure basée sur le volume d'un conteneur de 20 pieds (6,1 mètres).

Source : Le Marin, d'après Alphaliner

En 2022, CMA CGM est devenue l'entreprise la plus profitable de l'histoire économique française, avec un résultat net de 24,1 milliards d'euros, pour un résultat d'exploitation de 22,7 milliards d'euros.

En 2023, en dépit du reflux des taux de fret, la compagnie affichait un niveau de profitabilité conséquent, avec un résultat net de 4,1 milliards d'euros et un résultat d'exploitation de 2,1 milliards d'euros.

Extraits des comptes sociaux de CMA CGM (toutes activités confondues)

(en millions d'euros)

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Chiffre d'affaires

13 572

15 538,6

16 847,0

17 972,7

35 763,7

52 082,3

27 353,5

Résultat d'exploitation

407,3

- 247,3

11,3

1 391,6

13 810,1

22 670,6

2 138,6

Résultat avant intéressement et impôt

1 005,4

303,6

522,3

3 203,8

14 662,0

24 293,6

4 176,0

Impôt sur les sociétés

16,6

4,7

28,7

6,6

106,8

126,6

106,1

Résultat net

986,2

317,2

539,8

3 184,2

14 543,4

24 133,1

4 106,8

Source : commission des finances, d'après les comptes sociaux de CMA CGM

En 2024, le groupe CMA CGM devrait connaître un chiffre d'affaires en forte croissance, dans un contexte de dynamisme du commerce international et de tensions géopolitiques qui influent à la hausse sur les taux de fret286(*). Comme le souligne le groupe, « le transport par conteneurs a continué à montrer un dynamisme certain, avec une demande toujours soutenue donnant lieu à une « Peak Season »287(*) à la fois précoce et caractérisée par des volumes élevés (...) Ainsi, le niveau des volumes transportés sur les principales routes maritimes est resté très soutenu ce troisième trimestre. Cette forte demande s'explique notamment par un phénomène d'anticipation et de restockage dans un contexte toujours marqué par les tensions géopolitiques, ainsi que la perspective de grèves dans les ports de la Côte Est des États-Unis et, enfin, l'élection présidentielle américaine du 5 novembre ».

Au troisième trimestre 2024, le chiffre d'affaires de CMA CGM (toutes activités confondues) s'est élevé à 15,8 milliards de dollars (14,7 milliards d'euros), en hausse de 38,5 % par rapport au troisième trimestre 2023, principalement porté par l'activité de transport maritime. Le chiffre d'affaires de l'activité maritime atteint en effet 10,9 milliards de dollars (10,2 milliards d'euros) sur le trimestre, en augmentation de 43,4 % par rapport à la même période en 2023. L'EBITDA288(*) de l'activité maritime progresse à 4,4 milliards de dollars (4,1 milliards d'euros), en croissance de 179 % par rapport au troisième trimestre 2023, soit un quasi triplement.

Dans ce contexte, et compte tenu du taux d'imposition de 9 % et du rendement de 500 millions euros prévus pour 2025, le résultat d'exploitation de l'activité de transport maritime de CMA CGM devrait s'élever à 5,6 milliards d'euros en 2024.

En 2025, avec un taux d'imposition de 5,5 % et un rendement prévisionnel estimé à 300 millions d'euros pour 2026, le résultat d'exploitation de cette activité devrait représenter 5,5 milliards d'euros.

Ainsi, même sans renouer avec les niveaux records de profitabilité des années 2021 et 2022 (près de 40 milliards d'euros de résultat net cumulés sur deux ans pour l'ensemble des activités du groupe), CMA CGM devrait enregistrer des résultats opérationnels considérables au titre de son activité de transport maritime en 2024 et en 2025 (plus de 11 milliards d'euros de résultat d'exploitation cumulés sur deux ans pour cette seule activité).

B. LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE, TELLE QUE PROPOSÉE PAR LE GOUVERNEMENT, NE DOIT PAS CONDUIRE À REMETTRE EN CAUSE LA COMPÉTITIVITÉ ET L'ATTRACTIVITÉ DU TRANSPORT MARITIME FRANÇAIS

1. Une contribution justifiée par l'objectif de redressement des finances publiques, qui s'appliquera en pratique uniquement à CMA CGM, pour un rendement estimé à 500 millions d'euros en 2025

Selon l'évaluation préalable du Gouvernement annexée au projet de loi de finances pour 2025, le dispositif proposé permet de « faire contribuer l'ensemble des plus grandes entreprises à l'effort de redressement des finances publiques, en ciblant les grandes entreprises du secteur maritime ayant une large capacité contributive et qui, du fait de la « taxe au tonnage », ne sont pas pleinement soumises à la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises »289(*) prévue à l'article 11 du même projet de loi de finances.

D'après les estimations du Gouvernement, le rendement prévisionnel de la contribution exceptionnelle sur le transport maritime devrait s'élever à 500 millions d'euros en 2025 et à 300 millions d'euros en 2026.

Selon la DGAMPA, cette contribution devrait s'appliquer en pratique, compte tenu du seuil de chiffre d'affaires minimal de 1 milliard d'euros, à une seule compagnie, sur les 69 entreprises bénéficiant du régime de taxation au tonnage, à savoir CMA CGM.

Il convient de relever la singularité d'une telle contribution au niveau international. En effet, d'après les éléments communiqués par la DLF, interrogée par le rapporteur général, « aucun des principaux partenaires de la France n'a instauré de contribution exceptionnelle sur le résultat d'exploitation des grandes entreprises de transport maritime ».

Cependant, le cas de la Croatie peut constituer un précédent intéressant. Celle-ci avait mis en place à titre temporaire un impôt sur les bénéfices exceptionnels sous la forme d'un prélèvement unique au taux de 33 % applicable aux bénéfices supplémentaires réalisés en 2022, dû par les sociétés résidentes, quel que soit leur secteur d'activité, dès lors que leurs revenus dépassaient un seuil de chiffre d'affaires déterminé et que leur bénéfice imposable excédait d'au moins 20 % leur bénéfice imposable annuel moyen généré au cours des quatre exercices fiscaux précédents. Cet impôt était notamment applicable aux entreprises soumises à la taxe au tonnage.

2. Une mesure qui devra rester temporaire afin de préserver les emplois et les investissements du transport maritime en France

Alors que le contexte de très forte concurrence internationale et la grande volatilité des actifs maritimes représentent des risques majeurs pour la compétitivité et le rendement fiscal, la contribution exceptionnelle proposée envoie un « signal négatif »290(*) susceptible de porter atteinte à l'attractivité de la France et de son pavillon auprès des armateurs français mais également étrangers. Comme le relève la DGAMPA, cette mesure pourrait notamment réduire la capacité d'investissement dans la décarbonation de la flotte, qui nécessite d'importants fonds propres.

Pour autant, le choix d'une contribution exceptionnelle, pour une durée temporaire, devrait permettre de « capter des bénéfices conjoncturels exceptionnels, sans remettre en cause la politique d'attractivité mise en place depuis 20 ans »291(*).

D'une part, il convient de souligner que le régime de taxation forfaitaire au tonnage continuera de s'appliquer à l'immense majorité des 69 entreprises actuellement assujetties sans se conjuguer à la contribution exceptionnelle, qui sera limitée à CMA CGM292(*).

D'autre part, si la politique de soutien à la compétitivité du transport maritime repose fortement sur la taxation au tonnage, celle-ci ne s'y réduit pas. Ainsi, les entreprises du secteur bénéficient d'un ensemble de mesures administratives (guichet unique du registre international français - RIF), budgétaires (exonérations de cotisations sociales) et fiscales (en plus de la taxation au tonnage, des dispositifs spécifiques ont été institués pour le crédit-bail et le suramortissement vert).

Enfin, la durée limitée de la mesure proposée, qui devrait s'éteindre en 2026, de même que la contribution exceptionnelle générale prévue à l'article 11 du projet de loi de finances, est destinée à garantir le maintien d'une imposition favorable à long terme pour les entreprises de transport maritime établies en France.

Selon la DGAMPA, « une remise en cause plus pérenne ou plus forte du dispositif [de taxation au tonnage en France] inciterait les entreprises d'armement maritime à adopter de nouveaux schémas d'implantation de leurs centres de décision dans des pays bénéficiant de la taxe au tonnage »293(*).

Dans cette hypothèse, la délocalisation des centres de décision et le dépavillonnement des navires auraient des conséquences importantes sur l'emploi (en mer et à terre) et réduiraient fortement le rendement fiscal de la contribution.

De fait, le groupe CMA CGM emploie 20 374 personnes en France, sur 160 000 collaborateurs dans le monde294(*). Avec 6 000 salariés localisés à Marseille, le siège du groupe, dont 2 900 dans la Tour CMA CGM, la compagnie constitue le premier employeur privé de la cité phocéenne295(*).

Par ailleurs, selon une modélisation réalisée par le cabinet Asterès, mandaté par CMA CGM296(*), un emploi direct au sein de l'armateur générerait 3,9 emplois dans le reste de l'économie française, contre un effet multiplicateur de 1,8 en moyenne nationale tous secteurs confondus et 1,2 dans le secteur du transport et de l'entreposage. Selon cette étude, l'impact du groupe CMA CGM en France est évalué à 20,4 milliards d'euros d'activité et 93 700 emplois en équivalent temps plein.

Plus largement, l'emploi maritime commercial français, sans l'armée, représenterait 26 000 emplois directs et 80 000 emplois indirects (agents maritimes, assureurs, sociétés de classification, dockers, etc.). Les compagnies françaises elles-mêmes emploieraient directement 46 000 salariés dans le monde297(*). Au total, la filière maritime française dans son ensemble, une fois ajoutés les services sur terre lié à la mer et les activités maritimes sur terre, compterait près de 400 000 salariés298(*).

Aussi, la presse spécialisée299(*) a fait état, dans le contexte des débats budgétaires sur l'imposition du transport maritime, de la révision par CMA CGM d'un certain nombre de ses projets d'investissements en France. Seraient notamment concernés le projet d'extension des ports de Guadeloupe et de Martinique, de même que le fonds géré par Bpifrance300(*), prévu initialement pour être abondé de 200 millions d'euros, destiné à la décarbonation de la filière maritime.

Si ces signes négatifs doivent être pris en considération, il convient néanmoins de relever qu'une telle révision des projets du groupe fait suite à une phase d'investissements très soutenus dans de nombreux secteurs (non nécessairement liés au transport maritime), qui appelait probablement un ralentissement pour assurer l'intégration des nouvelles activités.

En effet, dans la période récente, CMA CGM a investi dans GEFCO, dans Air France et dans des avions cargos, pour devenir un opérateur de transport maîtrisant toute la chaîne logistique. Le groupe a également acquis l'armateur de ferries La Méridionale et pris une participation dans Britanny Ferries.

De surcroît, l'intérêt de CMA CGM pour les médias s'est matérialisé par la reprise des journaux régionaux La Provence et Corse-Matin en 2022, pour un prix de 81 millions d'euros, le rachat de La Tribune en 2023, ainsi que plus récemment l'acquisition des activités de Altice Media (comprenant notamment BFM-TV et RMC), finalisée en juillet 2024, pour un montant de 1,55 milliard d'euros.

3. L'application de la nouvelle contribution pourrait être garantie par une disposition anti-optimisation concernant les groupes de sociétés

Comme détaillé supra, le présent article prévoit des règles d'imposition des groupes de sociétés différentes de celles inscrites à l'article 11 concernant la contribution exceptionnelle générale applicable aux grandes entreprises des autres secteurs. Alors que la contribution instituée par l'article 11 s'appliquerait de manière consolidée au niveau du groupe, la contribution prévue par le présent article serait déterminée au niveau de chaque entreprise individuellement, ce qui pourrait créer un risque d'optimisation du montant dû par le biais de la création de nouvelles filiales ou de la modification de la répartition des activités des entreprises concernées.

Selon la direction de la législation fiscale (DLF), interrogée par les services de la commission des finances du Sénat, l'alignement des règles d'imposition des groupes de sociétés sur celles inscrites à l'article 11 serait source d'une complexité excessive au regard du risque d'optimisation évoqué. En effet, « une consolidation au niveau du groupe rendrait nécessaire un retraitement du chiffre d'affaires afin de tenir compte exclusivement de celui réalisé par les entreprises relevant de l'imposition forfaitaire assise sur le tonnage »301(*).

Or, d'après la DLF, le risque d'évitement de la contribution ne serait pas avéré à court terme compte tenu de l'organisation des grands groupes de transport maritime. En effet, ces groupes localisent en pratique l'activité de transport maritime éligible à la taxation au tonnage au sein d'une seule société opérationnelle, les autres sociétés du groupe développant des activités non éligibles à ce dispositif. Par ailleurs, la filialisation et la restructuration des groupes constituent des opérations longues et coûteuses, qui seraient « disproportionnées par rapport à l'impact financier (...) de la contribution pour les grands groupes visés et à sa durée limitée à deux ans ».

Cependant, au regard de l'importance des montants de contribution en jeu (500 millions d'euros prévus pour 2025 et 300 millions d'euros prévus pour 2026), on ne peut négliger le risque d'optimisation par des opérations de filialisation ou de transfert d'activités au sein d'un groupe.

Certes, s'il devait être constaté une restructuration des activités d'une société dont l'objectif serait d'échapper à la contribution prévue par le présent article, les services de la Direction générale des Finances publiques (DGFiP) pourraient en remettre en cause les effets fiscaux sur le fondement de la procédure d'abus de droit302(*).

Néanmoins, à titre complémentaire, et afin de garantir la mise en oeuvre du dispositif de contribution exceptionnelle tout en supprimant le risque d'inégalité de traitement par rapport aux grandes entreprises des autres secteurs qui seront imposées au niveau du groupe dans le cadre de l'article 11, il pourrait être opportun de prévoir une mesure anti-optimisation pour la détermination de la contribution spécifique au transport maritime. Dans le cadre de cette mesure, il ne serait pas tenu compte des restructurations touchant les entreprises ayant opté pour le régime de la taxation au tonnage lorsque ces opérations de restructuration sont intervenues au cours des exercices d'application de ce régime.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 13

Précisions apportées au dispositif d'imposition minimale mondiale
des groupes d'entreprises multinationales et des groupes nationaux

Le présent article précise et complète le dispositif d'imposition minimale mondiale (IMM) des grands groupes introduit en droit français par la loi de finances initiale pour 2024 en transposant la directive (UE) du 14 décembre 2022. Le dispositif résulte d'un accord international adopté en décembre 2021 sur un corpus de règles communes (règles GloBE) au sein du Cadre inclusif OCDE/G20.

Les précisions et aménagements prévus par cet article ne remettent pas en cause les principaux paramètres ni l'économie générale de ce mécanisme qui a pour objet de fixer un seuil minimum de 15 % pour le taux effectif d'imposition (TEI) auquel les entités constitutives des grands groupes sont soumises. Ils permettent de mettre à jour le dispositif français en tenant compte des instructions administratives publiées par l'OCDE.

Le mécanisme d'imposition minimale mondiale des grands groupes constitue une avancée en matière de justice fiscale internationale. La mise à jour du dispositif français pour tenir compte des instructions administratives de l'OCDE est opportune dès lors qu'elle garantit une application harmonisée du mécanisme entre la France et les autres État membres de l'Union ainsi que les autres pays membres du Cadre inclusif OCDE/G20.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2024 A TRANSPOSÉ DANS LE DROIT FISCAL FRANÇAIS LE MÉCANISME D'IMPOSITION MINIMALE MONDIALE (IMM) CONFORMÉMENT AUX RÈGLES ADOPTÉES EN 2021 PAR LES PAYS DU CADRE INCLUSIF DE L'OCDE ET DU G20

A. LA FIXATION D'UN TAUX MINIMUM D'IMPOSITION DE 15 % POUR LES GRANDES ENTREPRISES MULTINATIONALES CORRESPOND AU « PILIER 2 » DU CADRE INCLUSIF DE L'OCDE ET DU G20 QUI RÉUNIT 147 ÉTATS ET TERRITOIRES

1. L'OCDE et le G20 ont constitué en 2016 un cadre inclusif sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices qui a adopté en décembre 2021 les règles globales anti-érosion de la base d'imposition (règles GloBE)

Dans le sillage de la crise économique et financière de 2008, les membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et les membres du groupe des vingt (G20) ont adopté en 2013 un plan d'action concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices ou plan BEPS (Base Erosion and Profit Shifting)303(*). Pour structurer la coopération internationale en matière fiscale, l'OCDE et le G20 ont créé en 2016 le Cadre inclusif de l'OCDE et du G20 sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (Cadre inclusif OCDE/G20). Alors que ce format réunissait 82 membres lors de sa réunion constitutive en 2016, il réunit 147 pays et juridictions en mai 2024.

Dans un programme de travail adopté en mai 2019304(*), les membres du Cadre inclusif OCDE/G20 ont décidé d'organiser la coopération fiscale internationale en vue d'aboutir à deux réformes prioritaires de la fiscalité internationale. En premier lieu, le « pilier 1 » qui a pour objet de corriger les conséquences de la numérisation de l'économie sur la répartition des bases imposables entre les pays. En second lieu, le « pilier 2 » qui a pour objet de lutter contre l'érosion de la base d'imposition et la concurrence fiscale.

Les négociations relatives à la mise en oeuvre du « pilier 2 » ont abouti à l'adoption le 14 décembre 2021 par le Cadre inclusif OCDE/G20 des règles globales anti-érosion de la base d'imposition, ou règles GloBE (Global anti-Base Erosion).

2. L'article 33 de la loi de finances initiale pour 2024 a transposé en droit français le mécanisme d'imposition minimale mondiale prévu par la directive (UE) du 14 décembre 2022 qui met en oeuvre les règles GloBE au sein de l'Union européenne

Pour mettre en oeuvre le « pilier 2 » du Cadre inclusif OCDE/G20 de manière coordonnée dans l'ensemble des pays de l'Union européenne, le Conseil de l'Union européenne a adopté la directive (UE) du 14 décembre 2022 visant à assurer un niveau minimum d'imposition mondial pour les groupes d'entreprises multinationales et les groupes nationaux de grandes envergures dans l'Union305(*). Pour garantir la compatibilité des règles GloBE avec le principe de liberté d'établissement, la directive (UE) du 14 décembre 2022 prévoit que le mécanisme d'imposition minimale mondiale est applicable non seulement aux groupes d'entreprises multinationales mais également aux groupes nationaux de grande envergure.

L'article 33 de la loi de finances initiale pour 2024306(*) a procédé à la transposition de cette directive notamment par la création dans le code général des impôts d'un nouveau chapitre régissant « l'imposition minimale mondiale des groupes d'entreprises multinationales et des groupes nationaux »307(*).

Le mécanisme d'imposition minimale mondiale (IMM) créé par cet article s'applique pour les exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023 à l'exception des dispositions relatives à l'impôt complémentaire au titre de la règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés (RBII) qui s'appliquent pour les exercices ouverts à compter du 31 décembre 2024.

B. LE MÉCANISME D'IMPOSITION MINIMALE MONDIALE (IMM) FIXE DES RÈGLES D'IDENTIFICATION DES ENTREPRISES SOUS-IMPOSÉES ET DE TAXATION DES BÉNÉFICES CORRESPONDANTS POUR ATTEINDRE UN SEUIL D'IMPOSITION EFFECTIF DE 15 %

1. Le mécanisme d'imposition minimale mondiale applique un cadre standard d'identification des cas de « sous-imposition », c'est-à-dire à un taux effectif inférieur à 15 %, des entités constitutives d'un groupe d'entreprises multinationales ou d'un groupe national de grande envergure

Le mécanisme d'imposition minimale mondiale transposé en droit français308(*) fixe un seuil minimum d'imposition de 15 %309(*) pour les groupes nationaux et multinationaux de grande envergure. Le champ d'application de ce mécanisme et les règles de détermination du taux effectif d'imposition (TEI) sont harmonisés avec les dispositions des « règles GloBE » et de la directive (UE) du 14 décembre 2022 pour identifier les entités qui sont sous-imposées au regard du seuil de 15 %.

Le champ d'application de l'imposition minimale mondiale recouvre les entités constitutives membres d'un groupe d'entreprises multinationales ou d'un groupe national dont le chiffre d'affaires310(*) est d'au moins 750 millions d'euros au cours d'au moins deux des quatre exercices précédents.

Le mécanisme d'imposition minimale mondiale définit le taux effectif d'imposition (TEI) d'un groupe dans un État comme le rapport entre la somme des impôts couverts corrigés311(*) des entités constitutives de ce groupe situé dans cet État et la somme des résultats qualifiés312(*) de ces entités. Les groupes dont le taux d'imposition effectif est inférieur au seuil de 15 % se trouvent dans une situation de sous-imposition susceptible de déclencher l'assujettissement à un impôt complémentaire.

2. La loi de finances initiale pour 2024 a créé un impôt complémentaire ayant pour objet d'assurer un taux effectif d'imposition de 15 % pour les entités constitutives des groupes nationaux et multinationaux de grande envergure

Le mécanisme d'imposition minimale mondiale (IMM) prévoit trois modalités distinctes pour l'application d'un impôt complémentaire. Ces trois modalités sont hiérarchisées et ont vocation, comme l'indique le Manuel pour la mise en oeuvre de l'impôt minimum de l'OCDE, à s'appliquer « conformément à un ordre convenu »313(*).

À titre principal, l'impôt complémentaire prend la forme de l'impôt national complémentaire qualifié (INC) mise à la charge des entités constitutives faiblement imposées situées en France.

À titre secondaire, l'impôt complémentaire prend la forme de l'impôt complémentaire au titre de la règle d'inclusion du revenu qualifié (RIR) mise à la charge de l'entité mère ultime (EMU) ou, lorsque l'EMU n'est pas soumise à cette règle dans l'État où elle est située, d'une entité mère intermédiaire (EMI) située en France.

À titre subsidiaire, l'impôt complémentaire prend la forme de l'impôt complémentaire au titre de règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés (RBII) mis à la charge des entités constitutives pour permettre le recouvrement des impôts complémentaires dus par les entités sous-imposées d'un groupe n'ayant pas pu être appréhendés par l'application de la RIR, en appliquant une clé de répartition de cet impôt complémentaire entre les entités constitutives fondée sur le nombre d'employés et la valeur nette comptable des actifs corporels situés dans chacun des État concernés.

Pour la détermination du montant de l'impôt complémentaire, le taux retenu est la différence entre le seuil de 15 % et le taux effectif d'imposition du groupe. L'assiette est constituée par le bénéfice excédentaire qui correspond à la somme des résultats qualifiés des entités constitutives minorée d'une déduction fondée sur la substance. Cette déduction fondée sur la substance, introduite pour que l'impôt complémentaire ne porte que sur la part « excédentaire » des bénéfices du groupe concerné, est calculée en additionnant une fraction forfaitaire des charges de personnel et de la valeur nette comptable des actifs corporels du groupe concerné.

Enfin, pour les exercices ouverts jusqu'au 31 décembre 2026 et clos au plus tard le 30 juin 2028, les articles 223 VZ à 223 VZ octies du code général des impôts instituent un « régime de protection transitoire » en application duquel les groupes ne sont pas assujettis à l'impôt complémentaire sous réserve de respecter trois critères simplifiés (test de minimis, test du taux effectif d'imposition, test de substance) au regard des données contenues dans la déclaration pays par pays314(*) (CbCR315(*)).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'ARTICLE PRÉVOIT DE PRÉCISER, COMPLÉTER ET CLARIFIER CERTAINES RÈGLES APPLICABLES AU MÉCANISME D'IMPOSITION MONDIALE (IMM) CONFORMÉMENT AUX INSTRUCTIONS ADMINISTRATIVES PUBLIÉES PAR L'OCDE

A. L'ARTICLE COMPLÈTE LE DISPOSITIF EN FIXANT LES RÈGLES DE CONVERSION APPLICABLES POUR LES DEVISES AUTRES QUE L'EURO

Le 27° du A du I de l'article complètent le dispositif en fixant des règles de conversion applicables pour les devises autres que l'euro.

Ces règles ont été fixées en application des instructions administratives publiées par l'OCDE le 17 juillet 2023316(*). Elles renvoient notamment à un taux de conversion de référence publié par la Banque centrale européenne (BCE) pour la conversion des seuils utilisés par le mécanisme d'imposition minimale mondiale (IMM).

B. L'ARTICLE PRÉCISE LES MODALITÉS DE CALCUL DE LA DÉDUCTION FONDÉE SUR LA SUBSTANCE

Les 18° à 22° du A du I de l'article précisent les modalités de calcul de la déduction fondée sur la substance.

Ces règles ont été fixées en application des instructions administratives publiées par l'OCDE le 17 juillet 2023317(*). Elles précisent notamment le fait que, pour le calcul de déduction fondée sur la substance, une entité constitutive peut prendre en compte l'intégralité des charges et valeurs du personnel et des actifs mobiles dès lors qu'ils passent la majorité de leur temps dans l'État concerné.

C. L'ARTICLE COMPLÈTE LE DISPOSITIF EN ÉTABLISSANT UN RÉGIME DE PROTECTION AU TITRE D'UN IMPÔT NATIONAL COMPLÉMENTAIRE QUALIFIÉ.

Le 25° du A du I de l'article complète le dispositif en établissant un régime de protection au titre d'un impôt national complémentaire qualifié.

Ces règles ont été fixées en application des instructions administratives publiées par l'OCDE le 17 juillet 2023318(*). Elles prévoient que lorsque les entités constitutives d'un groupe d'entreprises multinationales sont assujetties dans un État à un impôt complémentaire qualifié qui respecte plusieurs conditions dont notamment le fait d'être intégré au processus d'évaluation par les pairs mis en oeuvre par le Cadre inclusif OCDE/G20, ce groupe d'entreprise n'est pas assujetti à un impôt complémentaire au titre de la règle d'inclusion du revenu qualifié (RIR) ou de la règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés (RBII) pour les entités constitutives concernées.

D. L'ARTICLE PRÉCISE LES MODALITÉS D'APPLICATION DU RÉGIME DE PROTECTION TRANSITOIRE

Les 14° et 15°, à l'exception du dernier alinéa ajouté à l'article 223 VZ bis du code général des impôts, du A du I de l'article précisent les modalités d'application du régime de protection transitoire.

Ces règles ont été fixées en application des instructions administratives publiées par l'OCDE le 18 décembre 2023319(*). Elles précisent notamment le fait que les groupes doivent respecter un principe de cohérence des données utilisées pour contrôler le respect des trois critères simplifiés (test de minimis, test du taux effectif d'imposition, test de substance) prévus dans le cadre du régime de protection transitoire.

E. L'ARTICLE PRÉCISE LA PRISE EN COMPTE DE CERTAINES ÉCONOMIES D'IMPÔT POUR LE CALCUL DU TAUX EFFECTIF D'IMPOSITION (TEI)

Les 4° et 9° du A du I de l'article précisent les modalités de prise en compte de certaines économies d'impôt (moins-values sur participations, crédits d'impôts et avantages fiscaux) pour le calcul du taux effectif d'imposition (TEI) d'un groupe dans un État.

Ces règles ont été fixées en application des instructions administratives publiées par l'OCDE le 2 février 2023 et des instructions administratives publiées par l'OCDE le 17 juillet 2023320(*). Sans revenir sur le principe en application duquel les plus ou moins-values sur participations sont exclues du résultat qualifié d'une entité constitutive, elles prévoient notamment la possibilité d'intégrer au résultat qualifié d'une entité constitutive le résultat qualifié remontant d'une entité transparente321(*) détenue par cette entité.

F. L'ARTICLE PRÉCISE LES MODALITÉS DE PRISE EN COMPTE DES PERTES LATENTES DANS LE CALCUL DU RÉSULTAT QUALIFIÉ DANS LE CADRE DU RÉGIME DE PROTECTION TRANSITOIRE

Le dernier alinéa ajouté à l'article 223 VZ bis du code général des impôts par le 15° du A du I de l'article précise les modalités de prise en compte des pertes latentes dans le calcul du résultat qualifié dans le cadre du régime de protection transitoire applicable aux exercices ouverts jusqu'au 31 décembre 2026.

Ces règles ont été fixées en application de l'instruction administrative « Régimes de protection et allègement des sanctions » publiée le 20 décembre 2022322(*). Sans revenir sur le principe en application duquel les gains et pertes latentes sur titres sont exclus du résultat qualifié, elles prévoient que, dans le cadre de l'application du régime de protection transitoire, l'exclusion des moins-values latentes du calcul du résultat qualifié ne s'applique que pour les moins-values excédant 50 millions d'euros.

G. L'ARTICLE PRÉCISE LES MODALITÉS DE PRISE EN COMPTE DE CERTAINS IMPÔTS DANS LA DÉTERMINATION DE L'IMPÔT NATIONAL COMPLÉMENTAIRE

Les 10° à 13° du A du I de l'article précisent les modalités de prise en compte de certains impôts dans la détermination de l'impôt national complémentaire.

Ils prévoient notamment de ne pas tenir compte de certains impôts couverts (régime des sociétés étrangères contrôlées (SEC), impôt dû au titre d'une entité hybride ou d'un établissement stable, impôt dû au titre du bénéfice distribué par une autre entité) pour la détermination de l'impôt national complémentaire dès lors qu'ils sont attribués à une autre entité constitutive par les règles GloBE.

H. L'ARTICLE PRÉCISE LE PÉRIMÈTRE DE L'IMPÔT NATIONAL COMPLÉMENTAIRE EN PRÉVOYANT L'ASSUJETTISSEMENT DES COENTREPRISES ET DE LEURS FILIALES

Les 16° et 17° et le e du 24° du A du I de l'article précisent le périmètre de l'impôt national complémentaire en prévoyant l'assujettissement des coentreprises et de leurs filiales.

Cet assujettissement est une des options prévues par les instructions administratives publiées par l'OCDE le 17 juillet 2023323(*). L'article prévoit par surcroît que l'impôt national complémentaire est dû par une coentreprise et ses filiales pour la part qui leur est affectée en appliquant les mêmes règles que pour les entités constitutives.

I. L'ARTICLE PRÉCISE LES MODALITÉS DE COLLECTE DE L'IMPÔT NATIONAL COMPLÉMENTAIRE EN CAS DE SOUS-IMPOSITION D'ENTITÉS D'INVESTISSEMENT ET D'ENTITÉ D'INVESTISSEMENT D'ASSURANCE

Le cinquième alinéa du c du 24° du A du I de l'article précise les modalités de collecte de l'impôt national complémentaire en prévoyant la possibilité pour un groupe de désigner une ou plusieurs autres entités constitutives du même groupe comme redevable de l'impôt national complémentaire en cas de sous-imposition d'entités d'investissement et d'entité d'investissement d'assurance.

Cette modalité de paiement est une des options prévues par les instructions administratives publiées par l'OCDE le 17 juillet 2023324(*).

J. L'ARTICLE RÉFORME LES MODALITÉS DE RÉPARTITION DE LA CHARGE DE L'IMPÔT NATIONAL COMPLÉMENTAIRE ENTRE LES ENTITÉS CONSTITUTIVES D'UN MÊME GROUPE

Les c, en dehors du cinquième alinéa, et d du 24° du A du I de l'article réforment les modalités de répartition de la charge de l'impôt national complémentaire entre les entités constitutives d'un même groupe. Les modalités de répartitions actuelles, qui reposent sur un ratio représentant le poids du résultat qualifié de cette entité au sein du résultat qualifié de l'ensemble des entités du groupe en France, risquent de faire peser une fraction de l'impôt national complémentaire sur des entités ne se trouvant pas individuellement en situation de sous-imposition. La nouvelle modalité de répartition proposée - qui repose sur le rapport entre l'impôt complémentaire calculé individuellement par l'entité et la somme des impôts complémentaires calculés par les entités du groupe en France - permet de ne répartir la charge de l'impôt national complémentaire qu'entre les entités se trouvant en situation de sous-imposition.

Cette modalité de répartition est une des options ouvertes par les instructions administratives publiées par l'OCDE le 17 juillet 2023325(*) qui consacrent la liberté de choix de l'État pour la répartition de son impôt national complémentaire.

K. L'ARTICLE CRÉE DEUX NOUVELLES CATÉGORIES DE CRÉDITS D'IMPÔTS DANS LE CADRE DU MÉCANISME D'IMPOSITION MINIMALE MONDIALE DES GROUPES D'ENTREPRISES

Les a et b du 1° du A du I de l'article créent deux nouvelles catégories de crédit d'impôt : les crédits d'impôts transférables négociables et les crédits d'impôts transférables non négociables, dans le cadre du mécanisme d'imposition minimale mondiale des groupes d'entreprises qui prévoit des règles spécifiques de traitement des crédits d'impôts pour la détermination du taux effectif d'imposition (TEI).

Ces définitions sont transposées en droit français en application des instructions administratives publiées par l'OCDE le 17 juillet 2023326(*). Si aucun crédit d'impôt en droit interne ne correspond aux deux catégories créées, la transposition en droit français reste nécessaire pour sécuriser l'application du mécanisme d'imposition minimale mondiale des groupes d'entreprises à des groupes français disposant de filiales à l'étranger.

L. L'ARTICLE SIMPLIFIE LE MODE DE CALCUL DU RÉSULTAT QUALIFIÉ D'UNE ENTITÉ CONSTITUTIVE NON-SIGNIFICATIVE

Le c du 1°, les 2° et 3° et le 8° du A du I de l'article simplifient le mode de calcul du résultat qualifié d'une entité constitutive non-significative.

Ce mode de calcul a été fixé en application des instructions administratives publiées par l'OCDE le 18 décembre 2023327(*). Il prévoit notamment que le résultat qualifié d'une entité constitutive non-significative328(*) peut être réputé égal au chiffre d'affaires de cette entité déterminée dans le cadre des obligations de déclaration pays par pays du groupe.

M. L'ARTICLE PRÉCISE DIVERS DISPOSITIONS DU MÉCANISME D'IMPOSITION MINIMALE MONDIALE DES GRANDS GROUPES

Les d et e du 1°, les 5° à 7°, le 23°, les a et b du 24°, le 26°, le 28° du A du I et le B du I de l'article précisent sur divers points les dispositions du mécanisme d'imposition minimale mondiale des grands groupes adoptées dans le projet de loi de finances initiale pour 2024329(*). L'article prévoit notamment de préciser la définition d'entité d'investissement d'assurance et d'entité d'investissement ; de préciser le régime de répartition du résultat qualifié d'une entité interposée ; de préciser la règle de détermination du ratio d'inclusion de l'entité mère à l'égard d'une entité d'investissement ou d'une entité d'investissement d'assurance ; de prévoir une solidarité de paiement en matière de recouvrement de l'impôt national complémentaire ou de l'impôt complémentaire dû au titre de la règle des bénéfices insuffisamment imposés ; de préciser certaines règles transitoires applicables lors de l'entrée d'un groupe dans le champ d'application de l'impôt complémentaire.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA MISE À JOUR PROGRESSIVE DU MÉCANISME D'IMPOSITION MINIMALE MONDIALE DES GRANDS GROUPES EN DROIT INTERNE EST NÉCESSAIRE POUR GARANTIR LA CONFORMITÉ DU DROIT FISCAL FRANÇAIS AUX MODÈLES ÉTABLIS PAR LE CADRE INCLUSIF DE L'OCDE ET DU G20

A. LA MISE À JOUR DU MÉCANISME D'IMPOSITION MINIMALE MONDIALE DES GRANDS GROUPES ÉTAIT PRÉVUE PAR LA DIRECTIVE (UE) DU 14 DÉCEMBRE 2022 ET GARANTIT LA CONFORMITÉ DU DROIT INTERNE AUX RÈGLES GLOBE

En premier lieu, la mise à jour en droit interne des règles fixées dans le cadre du mécanisme d'imposition minimale mondiale des grands groupes est prévue par la directive (UE) du 14 décembre 2022 qui a institué à l'échelle de l'Union européenne le mécanisme330(*) et dont le dispositif français constitue la transposition par la loi de finances initiale pour 2024331(*).

En effet, le onzième considérant de la directive (UE) du 14 décembre 2022 prévoit expressément que la directive doit être « interprétée à la lumière de toute nouvelle orientation fournie par l'OCDE » et le vingt-quatrième considérant prévoit que les États membres s'appuient sur le modèle de règles OCDE pour la mise en oeuvre de la directive332(*). Ce schéma de transposition qui se traduit par l'évolution du droit national pour tenir compte des instructions administratives de l'OCDE sans mise à jour de la directive soulève des questions relatives à la hiérarchie des normes et à la sécurité juridique du dispositif du point de vue de la conformité du droit national vis-à-vis du droit de l'Union européenne qui ont été exposées par le rapporteur général à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2024333(*).

Si la transposition en droit interne de précisions techniques en application des instructions administratives publiées par l'OCDE permet une application cohérente entre la France et les autres États membres de l'Union européenne ainsi que le reste des pays membres du Cadre inclusif OCDE/G20, il convient d'être attentif à la sécurité juridique du dispositif au regard de sa conformité au droit de l'Union.

En second lieu, les règles GloBE prévoient expressément qu'un impôt complémentaire national doit être « appliqué et administré conformément aux effets prévus aux termes des règles GloBE »334(*). Par suite, la conformité du dispositif de droit interne à l'interprétation des règles GloBE par l'OCDE est déterminante pour consolider la sécurité juridique du dispositif de droit national et garantir la qualification du dispositif français dans le cadre du mécanisme de revue par les pairs mis en oeuvre par le Cadre inclusif OCDE/G20.

Le rapporteur général relève enfin que ces ajustements techniques avaient été anticipés par les services du ministère des finances qui prévoyaient dès 2023 de transposer par un véhicule législatif certaines précisions liées à la publication des instructions administratives de l'OCDE. Le présent article n'épuise du reste pas la mise à jour à opérer du mécanisme d'imposition minimale mondiale des grands groupes et le Gouvernement prévoit l'adaptation à venir du dispositif législatif, postérieurement à l'examen de ce projet de loi de finances, notamment pour tenir compte de l'instruction administrative publiée par l'OCDE le 17 juin 2024.

B. L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU MÉCANISME D'IMPOSITION MINIMALE MONDIALE DES GRANDS GROUPES EST UN LEVIER DE RÉDUCTION DE LA CONCURRENCE FISCALE INTERNATIONALE ET DEVRAIT GÉNÉRER 1,5 MILLIARD DE RECETTES ANNUELLES À PARTIR DE 2026

En premier lieu, l'accord international adopté en 2021 entre les 135 membres du Cadre inclusif OCDE/G20 constitue une avancée majeure qui doit être saluée. La convergence des États non seulement sur le principe de fixation d'un seuil minimal d'imposition de 15 % mais également sur un corpus de règles opérationnelles, les règles GloBE, pour en assurer la mise en oeuvre, constitue une illustration de la possibilité de construire des solutions efficaces au service de la justice fiscale internationale.

Comme le rapporteur général l'avait relevé lors de l'examen de l'article de transposition du dispositif dans le projet de loi de finances pour 2024, l'inscription en droit français d'un mécanisme d'imposition minimale mondiale des grands groupes constitue « une avancée sans précédent dans l'histoire de la fiscalité internationale »335(*). L'institution de ce seuil minimal de 15 % est par surcroît un levier efficace pour réduire le processus de concurrence fiscale entre les pays en application duquel la réduction des taux d'impôt sur les sociétés dans le monde avait abouti à une érosion globale de la base fiscale des grands groupes.

En second lieu, la création du mécanisme d'imposition minimale mondiale des grands groupes a pour effet induit de générer de nouvelles recettes fiscales, parallèlement à la lutte contre l'évasion fiscale qu'il renforce. À l'échelle mondiale, les recettes nouvelles annuelles associées à la pleine mise en oeuvre du mécanisme ont été estimées à 220 milliards de dollars par l'OCDE soit une hausse de 9 % des recettes globales des impôts sur les bénéfices des entreprises dans le monde.

En France, les estimations réalisées par les services du ministère des finances en appliquant le seuil de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires prévoient des recettes annuelles de 1,5 milliard d'euros. Il est par ailleurs à relever que ce nouvel impôt serait particulièrement concentré puisque le nombre de redevables est estimé à 42 et que plus de 40 % du rendement serait assurée par le seul secteur économique de l'information et de la communication336(*).

Le rapporteur général relève toutefois que ces recettes ne se matérialiseront pas avant 2026, dès lors que le dispositif est entré en vigueur au début de l'exercice 2024 en conséquence de quoi les résultats réalisés en 2024 seront taxés en 2025 ce qui permettra la collecte en 2026 d'un impôt complémentaire pour les entités sous-imposées concernées.

En conclusion, le rapporteur général estime que les précisions apportées par cet article au mécanisme d'imposition minimale mondiale des grands groupes sont opportunes dès lors qu'elles permettront d'harmoniser sa mise en oeuvre au sein des pays de l'Union européenne et des pays membres du Cadre inclusif OCDE/G20.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 14

Coopération administrative dans le domaine fiscal : échange d'informations sur les crypto-actifs, supervision des obligations déclaratives, mise en conformité au regard du droit de l'Union européenne

Le présent article prévoit la mise en conformité du droit français avec la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, dite directive « DAC ». En particulier, il transpose les obligations issues de la dernière révision de ce texte, la directive (UE) 2023/2226 du Conseil du 17 octobre 2023 dite « DAC 8 ».

Les dispositions de l'article permettent en outre à la France de conformer son droit au standard d'échange de renseignements adopté par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui a participé à inspirer le droit européen.

Concrètement, l'article 14 du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 crée une obligation de déclaration par les prestataires de services sur crypto-actifs relative aux transactions réalisées par les utilisateurs de crypto-actifs par leur intermédiaire, tout en garantissant la protection des données des utilisateurs récoltées à cette fin.

L'article définit aussi les modalités pour mettre en oeuvre cette déclaration, les sanctions auxquelles les prestataires s'exposent en cas de non-respect de leurs obligations légales ainsi que les exceptions dans lesquelles une telle déclaration n'est pas requise.

L'article précise en outre la portée du droit au secret professionnel des avocats dans le cadre des déclarations qui leur incombent dans la mise en oeuvre de dispositifs fiscaux transfrontières.

En outre, l'article donne autorité à l'administration fiscale pour contrôler les opérateurs de plateforme, les prestataires de services et les institutions financières qui ne relèvent ni du contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ni de celui de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Enfin, l'article prévoit la possibilité de communiquer les informations récoltées par l'administration fiscale à certaines autorités administratives françaises et européennes pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN CADRE EUROPÉEN TOUJOURS PLUS EXIGEANT POUR LUTTER CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME

Le développement des crypto-actifs et son incidence
sur le financement des activités criminelles

Les crypto-actifs sont des représentations numériques de valeurs ou de droits, échangés et conservés sur des chaînes de blocs (blockchains). Ces chaînes de blocs constituent des registres dont les informations sont partagées par tous leurs utilisateurs. Par conséquent, un utilisateur de crypto-actifs peut effectuer des transactions sans recourir à un tiers de confiance.

Le première monnaie virtuelle, le Bitcoin, a été créé en 2009. Depuis, de nombreuses innovations ont eu lieu dans le domaine, avec des usages variés. La valorisation du marché des crypto-actifs avoisinait 1 100 milliards de dollars fin 2023, contre 18 milliards de dollars début 2017.

Du fait de l'anonymat que rendent possible les chaînes de blocs et de l'absence de tiers de confiance sur les marchés d'échanges de crypto-actifs, l'administration fiscale peine à connaître le nombre d'utilisateurs et les usages qui sont faits de cet outil. La Cour des comptes337(*) indique fin 2023 que le nombre de Français qui utiliseraient ces actifs représenterait entre 3 % et 9 % de la population adulte, soit à 1,5 à 5 millions de Français.

La France a été pionnière dans la définition de ces actifs particuliers. En 2019, la notion d'« actifs numériques » est apparue dans le code monétaire et financier, aux articles L. 552-2 et L. 54-10-1. L'Union européenne (UE), s'est dotée en avril 2023 d'un règlement MiCA338(*) - markets in crypto-assets, c'est-à-dire marchés de crypto-actifs -, afin de mieux appréhender le phénomène, sécuriser le fonctionnement de ces marchés et favoriser la transparence des transactions.

Les crypto-actifs, initialement conçus comme des alternatives aux monnaies étatiques, ont favorisé les échanges dans le but de financer des activités illicites ou frauduleuses. L'absence d'intermédiaire, l'anonymat et le caractère virtuel qui caractérisent les marchés de crypto-actifs les rendent en effet attrayant. La règlementation française et européenne, dès lors, cherche à mieux encadrer les échanges en crypto-actifs pour réduire les risques financiers et mieux lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Source : commission des finances.

A. LA DIRECTIVE « DAC 8 » VISE À FAVORISER LE PARTAGE D'INFORMATIONS SUR LES TRANSACTIONS RÉALISÉES AVEC DES CRYPTO-ACTIFS

La directive 2023/2226/UE du Conseil du 17 octobre 2023 modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération en matière fiscale, dite « DAC 8 », constitue la dernière évolution du droit de l'Union européenne (UE) pour favoriser l'échange d'informations entre États membres dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

La première directive « DAC 339(*) », adoptée le 15 février 2011, a introduit dans l'UE des règles relatives à la coopération administrative entre les autorités fiscales nationales. Ainsi :

- les États membres doivent nommer une institution financière déclarante (IFD) responsable de collecter certaines informations fiscales ;

- les différentes IFD européennes se demandent et échangent des données par voie informatique. Ces échanges sont spontanés dans le cas où les informations détenues pourraient causer une perte fiscale dans un autre État membre ;

- les informations échangées sont conservées pendant au moins 5 ans.

Ce premier pas a été suivi de plusieurs mises à jour du texte qui ont, peu à peu, élargi le spectre des informations partagées. Ainsi, la directive « DAC 3340(*) » impose l'échange d'informations en anticipation de la mise en oeuvre de décisions fiscales ayant une incidence transfrontière ; la directive « DAC 4341(*) » demande de déclarer diverses données par zone géographique, dont le bénéfice avant impôt, des groupes d'entreprises multinationales ; la directive « DAC 6342(*) » impose la mise en oeuvre par les autorités nationales d'une procédure de déclaration des dispositifs fiscaux transfrontières par les intermédiaires qui les mettent en oeuvre.

Récemment, la directive « DAC 7343(*) » exige des plateformes numériques qu'elles déclarent les opérations de vente en ligne, accordant le droit européen au développement de l'économie numérique.

Enfin, la directive « DAC 8344(*) », adoptée le 17 octobre 2023, étend les échanges d'informations aux transactions réalisées en crypto-actifs. Les États membres doivent prendre les mesures adéquates afin que les prestataires de services sur crypto-actifs agrègent et fournissent un certain nombre d'informations aux autorités fiscales nationales :

- leur nom, adresse, numéro d'identification fiscal (NIF) et, si disponible, numéro d'identification individuel fourni lors de l'enregistrement ;

- le nom, adresse, État membre de résidence, NIF, date et lieu de naissance des utilisateurs couverts par la règlementation ;

- le montant payé, les unités concernées et la valeur de marché des crypto-actifs utilisés, pour chaque transaction réalisée.

Les autorités nationales partagent automatiquement les informations reçues par les fournisseurs de services, pour un premier échange prévu le 1er janvier 2026.

La Commission européenne, pour sa part, est chargée de normaliser un formulaire pour uniformiser l'échange d'informations, de déterminer les modalités pratiques et techniques d'enregistrement des opérateurs de crypto-actifs et de rendre opérationnel, au plus tard le 31 décembre 2025, un registre des crypto-actifs et un répertoire central à destination des États membres.

B. LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE (CJUE) A PRÉCISÉ EN 2022 LA PORTÉE DE LA NOTION DE SECRET PROFESSIONNEL POUR LES AVOCATS PRÉVUE DANS LA DIRECTIVE « DAC 6 »

La mise en oeuvre des obligations prévues dans les versions précédentes de la directive « DAC » a fait émerger des questions juridiques tranchées par la CJUE.

Ainsi, la portée du droit au secret professionnel a été précisée dans le cadre de la mise en oeuvre de la directive « DAC 6 ». Cette dernière met en place un mécanisme de déclaration des dispositifs fiscaux transfrontières potentiellement agressifs, par les intermédiaires impliqués dans leur mise en oeuvre, aux autorités fiscales nationale compétentes.

Le texte prend en compte le secret professionnel prévu dans le droit national : les États membres peuvent dispenser les avocats considérés comme intermédiaires de l'obligation de déclaration s'ils en venaient à violer le secret professionnel. Néanmoins, la directive prévoyait que les avocats exemptés devaient notifier à tous les autres intermédiaires impliqués dans le dispositif concerné par la déclaration qu'ils devaient effectuer cette déclaration.

Saisie par deux organisations d'avocats flamands qui dénonçaient l'atteinte au secret professionnel que constituait cette obligation générale de notification, la Cour constitutionnelle belge a saisi la CJUE pour obtenir une clarification de l'application de la directive.

L'arrêt de la CJUE rendu le 8 décembre 2022345(*) précise ainsi qu'un avocat dispensé par la directive de notification d'un dispositif dont il serait intermédiaire n'est obligé de notifier que les intermédiaires qui seraient ses propres clients. Dès lors, les autorités nationales doivent prendre les mesures adéquates pour protéger les avocats soumis au secret professionnel.

C. LA MISE EN oeUVRE DES EXIGENCES DU CADRE OCDE ET DU DROIT DE L'UE RELATIFS À L'ÉCHANGE D'INFORMATIONS VISANT À LUTTER CONTRE LA FRAUDE EST INCOMPLÈTE EN FRANCE

Plusieurs dispositifs prévus par le standard d'échange de renseignements de l'OCDE ou par le droit de l'UE n'ont pas été mis en oeuvre en France de façon satisfaisante.

D'une part, seules l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) sont aujourd'hui chargées de superviser les obligations de déclaration des opérateurs soumis aux directives « DAC ». Or, l'AMF et l'ACPR n'ont autorité que sur les institutions financières dites « régulées », ce qui laisse certains acteurs non supervisés dans leurs obligations de déclaration. Ainsi, selon la Direction de la législation fiscale, ces institutions financières non régulées (IFNR) sont des entités qui effectuent de la gestion pour leur propre compte ou celui de leur groupe sans constituer une institution financière au sens du code monétaire et financier346(*). Les trusts, par exemple, en font partie. Une vingtaine d'entités représentant moins de 90 comptes déclarables se sont aujourd'hui recensées en France par l'administration fiscale. Il doit être remédié à cette lacune pour que la France applique pleinement les règles du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements de l'OCDE.

D'autre part, la directive « DAC 7 » demande aux intermédiaires assujettis à l'obligation de déclaration d'informer les personnes concernées du traitement de leurs données personnelles. Ces derniers doivent informer chaque personne physique que des informations les concernant seront recueillies puis transférées à l'administration. Ils doivent en outre lui transmettre ces données avant leur communication aux autorités pour lui permettre d'exercer ses droits en matière de protection des données. Cette obligation, d'après les échanges ayant eu lieu entre la Commission européenne et l'administration fiscale, doit être précisée.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA DÉCLARATION À L'ADMINISTRATION FISCALE DES TRANSACTIONS RÉALISÉES EN CRYPTO-ACTIFS ET DIVERSES ADAPATATIONS ISSUES D'OBLIGATIONS ANTÉRIEURES

A. LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE « DAC 8 » PERMET DE MIEUX CONTRÔLER LES TRANSACTIONS RÉALISÉES PAR CRYPTO-ACTIFS

1. L'élargissement des domaines concernés par les échanges d'informations aux crypto-actifs

Le dispositif proposé pour transposer la directive « DAC 8 » modifie principalement le code général des impôts (CGI).

Ainsi, le 1° du A du I du présent article introduit, dans le titre du 01 du chapitre premier du titre premier de la troisième partie du livre premier, la mention des crypto-actifs.

Ensuite, le 2° du A du I du de l'article propose d'insérer, après l'article 1649 AC du CGI, cinq nouveaux articles, numérotés de 1649 AC bis à 1649 AC sexies.

L'article 1649 AC bis prévoit que :

- les prestataires de services sur crypto-actifs souscrivent une déclaration relative aux transactions réalisées par les utilisateurs ;

- cette déclaration doit contenir plusieurs informations :

- les éléments permettant d'identifier le déclarant ;

- les éléments permettant d'identifier les utilisateurs347(*) de crypto-actifs par leur NIF, nom et adresse ainsi que leur État de résidence ;

- les éléments relatifs aux transactions effectuées : dénomination du type de crypto-actifs utilisés, montant et nombre d'unités échangés, valeur de marché de l'actif ;

L'article 1649 AC ter prévoit pour sa part que :

- les prestataires soumis aux obligations de déclarations sont ceux agréés par les autorités françaises, ou disposant d'un siège en France, ou résidant fiscalement en France, ou enfin que la transaction passe par une succursale établie en France ;

- les prestataires qui devraient souscrire la déclaration peuvent en être exemptés s'ils opèrent en France mais que leur résidence fiscale se trouve dans un État partenaire qui les soumettent aux mêmes obligations348(*), ou que la succursale située en France par laquelle a lieu la transaction effectue la déclaration dans un État partenaire.

L'article 1649 AC quater prévoit que les prestataires sont soumis aux obligations déclaratives lorsque des utilisateurs qui sont résidents en France ou dans un territoire partenaire ont réalisé au moins une transaction. Les transactions réalisées par les entités publiques, les organisations internationales, les banques centrales et d'autres entités de confiance ne sont pas concernées. 

L'article 1649 AC quinquies prévoit que les prestataires sont chargés de vérifier la fiabilité des informations récoltées et doivent être diligents dans leur démarche : en cas de refus après deux relances et passés soixante jours de délai, les prestataires doivent interdire à l'utilisateur qui refuse de réaliser des transactions. Les prestataires informent les utilisateurs des informations qu'ils transmettent à l'administration fiscale. Ces dernières sont conservées de cinq à dix ans.

Enfin, l'article 1649 AC sexies prévoit que les prestataires s'enregistrent auprès de l'administration fiscale qui leur attribue un numéro unique d'identification. Ce numéro leur est retiré en cas de cessation d'activité dans l'UE, de refus de mise en conformité aux obligations déclaratives après un premier délai de trois mois puis un second de trente jours. La perte du numéro interdit d'exercer et la demande d'un nouveau numéro ne peut se faire qu'après un délai de six mois.

2. Le contrôle de la bonne application de ce nouveau dispositif est confié à l'administration fiscale

Afin de contrôler la bonne application de ce dispositif et de lui donner une portée effective dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, le livre des procédures fiscales (LPF) est modifié par le II du présent article afin de donner à l'administration fiscale la charge de cette supervision.

Le 1° du II de l'article crée au titre II de la première partie du LPF un chapitre Ier nonies composé d'un article unique L. 80 R.

Cet article nouvellement créé permet à l'administration fiscale de contrôler le respect des nouvelles obligations de déclarations des institutions financières opératrices sur crypto-actifs non soumises au contrôle de l'ACPR ou de l'AMF, des prestataires de services et des opérateurs de plateforme concernés.

En outre, afin de rendre possible le partage des informations entre les diverses administrations qui luttent contre la fraude, plusieurs évolutions sont prévues.

Le 2° du II du présent article complète l'article L. 83 A du LPF pour permettre aux agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP) de transmettre les informations récoltées par déclaration aux agents de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).

Le 3° du même II modifie l'article L. 114 A du même code pour autoriser le partage de renseignements dans l'UE pour favoriser la législation commune sur les douanes, la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment de capitaux. Il s'agit d'un élargissement de la finalité pour laquelle le partage de renseignement peut avoir lieu. Jusqu'à présent, ce dernier est limité à l'application de la législation fiscale : à la mise en oeuvre de l'article, les données échangées pourront être utilisées à des fins d'établissement, de construction et d'administration de la législation fiscale - dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme - et non seulement pour son application.

Enfin, le 4° du II du présent article crée un article L. 167 bis au sein du LPF et permet la communication des informations recueillies via la directive « DAC » aux autorités mentionnées au I de l'article L. 167 du même code. Les autorités en question sont, principalement, des autorités judiciaires, des agents de la DGDDI et de la DGFiP pour le recouvrement, des agents de police judiciaires, des autorités de contrôle et de renseignement habilitées.

3. Le dispositif proposé organise des sanctions et laisse aux prestataires concernés par les nouvelles obligations le temps de se mettre en conformité

Les amendes liées au non-respect des obligations créées dans les nouveaux articles 1649 AC bis du CGI sont détaillées par un ajout à l'article 1736 du même code, opéré par le 1° du C du I du présent article. Ces amendes, de 15 euros par transaction mal ou non déclarée dans une limite de 2 millions d'euros par année et prestataire, ne s'appliquent pas si le prestataire répare son omission spontanément ou à la première demande de l'administration et n'en a pas commis d'autre dans les trois années précédentes.

Le 2° du C du I du présent article modifie de même l'article 1736 du CGI. Il prévoit que les institutions financières qui n'entrent pas dans le champ du contrôle de l'ACPR ou de l'AMF peuvent subir une amende fiscale si elles ne mettent pas en oeuvre un contrôle interne pour appliquer les nouvelles dispositions ou ne diligentent pas la collecte des données. Ces amendes sont limitées à 50 000 euros.

Enfin, le III du présent article modifie l'article L.564-2 du Code monétaire et financier (CMF). Les prestataires de services soumis aux nouvelles obligations de déclaration sur les transactions en crypto-actifs doivent désormais créer un dispositif interne chargé de faire respecter les nouvelles dispositions.

4. Les dispositions relatives à la transposition des nouvelles obligations concernant les crypto-actifs sont mises en oeuvre de façon différée

Le IV de l'article 14 prévoit qu'entrent en vigueur seulement le 1er janvier 2026 :

- le 2° du A du I, qui décrit la procédure de déclaration des opérateurs sur crypto-actifs. Les transactions concernées sont celles réalisées à partir du 1er janvier 2026 et devant faire l'objet d'une déclaration en 2027 ;

- le 2°, le 3° et le 4° du II qui donne autorité à la DGFiP pour transmettre largement à des administrations françaises et européennes les informations recueillies dans le cadre de ces nouvelles obligations.

Ceci permet aux opérateurs concernés de se préparer à effectuer leur déclaration et à prendre les mesures pour être effectivement capables de répondre à leurs nouvelles obligations. Il s'agit en outre de mettre en oeuvre le délai de transposition inscrit dans la directive « DAC 8 » : cette dernière doit être opérationnelle le 1er janvier 2026 dans l'UE. Par conséquent, le transfert d'information de la DGFiP vers d'autres administrations fiscales de l'UE commencera au moment où ces administrations seront-elles-mêmes en mesure de fournir les informations.

B. L'ADAPTATION DE DISPOSITIFS ISSUS DE LA TRANSPOSITION DES VERSIONS PRÉCÉDENTES DE LA DIRECTIVE PERMET À LA FRANCE DE DEMEURER EN CONFORMITÉ AVEC LE DROIT DE L'UNION

1. La prise en compte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) permet de préciser la portée du droit au secret professionnel pour les avocats

L'article 14 propose également de mettre en conformité le droit français avec les conclusions de la CJUE dans la décision de la CJUE du 8 décembre 2022 - Orde van Vlaamse Balies e.a., affaire C-694/20.

Le 3° du A du I de l'article modifie ainsi l'article 1649 AE du CGI pour protéger le droit au secret professionnel des avocats. Un avocat, intermédiaire dans la mise en oeuvre d'un dispositif fiscal transfrontière impliquant une obligation de déclaration, exempté de la déclaration si cette dernière le forcerait à trahir le secret professionnel. Il est cependant tenu de notifier les intermédiaires qui seraient ses clients de l'obligation de déclaration qui leur incombe concomitamment.

Cette nouvelle écriture de l'article 1649 AE du CGI favorise la prise en compte de la décision C-694/20 de la CJUE, qui indique que le secret professionnel est préservé dans la mesure où le nom de l'avocat n'est pas transmis aux autorités fiscales.

L'avocat intermédiaire, dispensé de la déclaration, ne transmet pas son nom et, en ne notifiant qu'à ses propres clients leur obligation de notification, il ne permet pas que son nom soit divulgué par des tiers qui n'auraient pas à connaître son activité.

La CJUE, sans limiter la portée de la directive « DAC 6 », lui donne une portée effective tout en protégeant le secret professionnel des avocats.

2. L'ajustement de dispositifs précédemment transposés à la suite d'échanges avec la Commission sont le gage d'une meilleure conformité du droit français avec celui de l'UE

À la suite de la transposition de la directive « DAC 7 », la Commission européenne a notifié à l'administration fiscale que certaines dispositions devaient être précisées, ce à quoi procèdent certaines dispositions du présent article 14.

D'une part, par modification du 3° du A du I de l'article 1649 ter B du CGI, opérée par le B du I du présent article, il est précisé les obligations déclaratives à la charge des opérateurs de plateforme peuvent être limitées voire suspendues pour les opérations réalisées dans le cadre d'une convention qui permet un échange automatique des informations recueillies, est conclue avec l'ensemble des États membres de l'UE et fait l'objet d'une reconnaissance d'équivalence par un acte d'exécution de la Commission européenne.

D'autre part, le I de l'article 1649 AG du CGI est complété par le 4° du A du I du présent article, pour respecter les obligations d'information des personnes sur le traitement de leurs informations personnelles prévues par les articles 12 à 15 du Règlement général sur la protection des données (RGPD)349(*). L'intermédiaire qui réalise la déclaration transmet à toutes les personnes physiques les données contenues dans la déclaration qui la concerne et sont envoyées aux autorités, avant d'effectuer la déclaration. Il doit aussi les informer que ces données seront transmises par l'administration aux administrations des autres États membres. Ceci permet aux personnes concernées d'exercer leur droit en matière de protection des données en communiquant ces données aux intéressés avant leur transmission aux autorités.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF BIENVENU QU'IL EST PROPOSÉ D'ADOPTER SANS MODIFICATION

A. L'EXIGENCE CONSTITUTIONNELLE DE TRANSPOSITION DU DROIT EUROPÉEN IMPOSE L'ADOPTION DE NOUVELLES MESURES EN DROIT NATIONAL

1. La jurisprudence constitutionnelle ne laisse aucun doute sur l'obligation pour la France de transposer les directives européennes

L'article 88-1 de la Constitution du 4 septembre 1958 dispose que « la République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ».

Le Conseil constitutionnel a tiré de cet article le fait que « la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle » 350(*).

Par conséquent, la France, pour respecter ses engagements européens mais surtout pour se conformer aux exigences de sa propre Constitution, est tenue de transposer le droit de l'UE dans les délais impartis. En l'occurrence, la directive « DAC 8 » devant être opérationnelle au 1er janvier 2026, l'administration fiscale a jugé que le vote des nouvelles dispositions pouvait avoir lieu en loi de finances pour 2025. Cela permettra aux entreprises de se préparer aux nouvelles exigences déclaratives et de conserver un délai pour clarifier ou affiner certaines dispositions en cas de nécessité.

2. La France met en outre en oeuvre ses engagements internationaux extra-européens en se mettant en conformité avec le droit de l'Union européenne

Les directives européennes relatives à la communication d'informations fiscales pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme s'inscrivent dans une démarche internationale plus large portée au niveau de l'OCDE.

La France y participe activement et vise à répondre aux standards internationaux en la matière. Elle se soumet ainsi aux évaluations menées par le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements de l'OCDE. Dès lors, en intégrant les nouvelles évolutions du droit européen et en ajustant les dispositifs existants, la France participe aussi à se conformer à ses engagements internationaux extra-européens.

B. UN DISPOSITIF ÉQUILIBRÉ QUI PERMET UNE MISE EN CONFORMITÉ DE LA FRANCE DANS UN CALENDRIER SEREIN

1. Le dispositif apporte une transposition équilibrée des nouveaux dispositifs européens et porte une approche efficace sans lourdeurs excessives

Le dispositif se borne à transposer les évolutions contenues dans la directive « DAC 8 » et ses versions précédentes, évolutions auxquelles la France ne peut se soustraire en vertu de ses engagements européens et internationaux. Il convient dès lors de soutenir la mise en oeuvre dans le droit national de ces engagements, d'autant que ces évolutions sont de nature à favoriser une lutte plus efficace contre la fraude, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Comme l'indique la Cour des comptes, les données sur les plus-values réalisées sur des portefeuilles d'actifs numériques en France sont aujourd'hui peu documentées. Ainsi, la DGFiP indique en 2021 avoir reçu la notification de 400 millions d'euros de plus-values imposables issus de transactions liées à des actifs numériques. Une étude de la société Chainanalysis351(*) estime pour 2021 ce même chiffre à près de 3,5 milliards d'euros. Ces écarts importants sont bien l'indication des lacunes aujourd'hui d'un phénomène probablement sous-estimé d'utilisation des crypto-actifs. Les obligations déclaratives mises en oeuvre, outre la dynamique informative qu'elles vont enclencher, permettront certainement de lutter plus efficacement contre la fraude.

Il convient de constater que les obligations déclaratives mises en oeuvre aux 1° et 2° du I du dispositif apparaissent comme une transposition stricte du contenu de la directive DAC 8. Le gouvernement propose ainsi un dispositif qui ne souffre pas de lourdeurs supplémentaires par rapport aux exigences du droit européen.

Les opérateurs sur crypto-actifs opérant en France ne risquent dès lors pas de souffrir d'une concurrence déloyale de ceux issus des autres États membres, dans la mesure où l'obligation déclarative est similaire dans tous les membres.

Le gouvernement a par ailleurs prévu une certaine souplesse dans les amendes prévues dans le 1° du C du I du dispositif : les défauts de transmission dans les délais ainsi que les inexactitudes et omissions relevées dans les déclarations n'entraînent pas d'amende s'il s'agit de la première infraction au cours de l'année civile en cours et des trois précédentes, ou que l'opérateur a réparé son erreur spontanément ou à la première demande de l'administration. Cette souplesse dans la mise en oeuvre des sanctions est une manière d'accompagner utilement les opérateurs soumis aux nouvelles obligations dans le déploiement de ces nouvelles servitudes.

2. L'article est en outre favorable à un renforcement des exigences de protection des droits des contribuables

Le dispositif proposé, en outre, vient apporter les corrections nécessaires à la bonne application des versions précédentes de la directive « DAC », relevées par la Commission européenne ou lors d'évaluations dans le cadre de la participation de la France à l'OCDE.

Le dispositif créé aux articles 1649 AC bis à 1649 AC sexies garantit aux utilisateurs de crypto-actifs, au III et au IV de l'article 1649 AC quinquies, que les informations qui sont recueillies sur eux et transmises à l'administration fiscale leur sont communiquées en amont de leur transmission. Dans la mesure où ces données peuvent ensuite être éligibles à une transmission à des services fiscaux dans toute l'UE, l'information du contribuable, en conformité avec la réglementation européenne sur les données352(*), doit permettre la communication des informations aux personnes physiques concernées.

En outre, l'équilibrage trouvé par la CJUE sur la protection du secret professionnel des avocats constitue une avancée qui ne remet pas en cause l'efficacité de l'obligation de notification des dispositifs transfrontières potentiellement agressifs. En effet, le juge européen a constaté dans les conclusions présentées sur le sujet, que « la connaissance de l'identité de l'avocat intermédiaire est inutile [aux autorités fiscales] puisque (...) le secret professionnel l'exonère d'une quelconque obligation de déclaration353(*) ». Le même juge indique que « l'utilisation d'un schéma [...] ne comprenant pas le nom de l'avocat permettrait d'atteindre l'objectif de la lutte contre la planification fiscale agressive354(*) ».

3. Le délai de transposition permet aux acteurs concernés de préparer sereinement la mise en oeuvre du dispositif

L'adoption du dispositif en loi de finances pour 2025 laisse une année aux opérateurs en crypto-actifs concernés par les nouvelles obligations déclaratives pour se conformer au droit. Dès lors le gouvernement fait le choix d'une inscription des obligations un an avant leur mise en oeuvre.

Ceci est l'occasion pour les acteurs concernés de prendre en considération les aspects concrets des nouvelles obligations, d'échanger avec l'administration fiscale afin de préparer la correction éventuelle de certaines procédures. Ce délai favorise la visibilité et permet de préparer de façon sereine la mise en oeuvre du dispositif, ce qui est nécessaire alors que le secteur des crypto-actifs est jusqu'à présent assez peu réglementé. La coopération des acteurs concernés n'en sera que plus grande si tous sont prévenus en amont et qu'ils ont le temps de se préparer à répondre à de nouvelles obligations.

Le rapporteur général, soucieux de l'appropriation de la loi par les acteurs concernés, salue l'existence de ce délai d'un an qui semble proportionné et favorable à la stabilité du développement du marché des crypto-actifs.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 14

Normalisation des aides aux entreprises dans le domaine de la recherche et de l'innovation

Le présent article additionnel, que la commission propose d'introduire dans le texte par son amendement I-7 (FINC.7), prévoit de normaliser deux dispositifs d'aides aux entreprises dans le domaine de la recherche et de l'innovation.

L'article met en place deux mesures proposées par l'Inspection générale des finances (IGF) dans sa revue de dépenses remise au Gouvernement en avril 2024 sur les aides aux entreprises.

En premier lieu, cet article prévoit un ajustement du crédit d'impôt recherche (CIR) en recentrant son assiette sur les dépenses de recherche et développement, en supprimant le dispositif « jeunes docteurs », exorbitant du droit commun, et en ramenant à 40 % le taux forfaitaire appliqué aux dépenses de personnel pour le calcul des frais de fonctionnement éligibles. Cette mesure de normalisation permet de réduire le coût du crédit d'impôt recherche (CIR) à hauteur de 400 millions d'euros par an, soit 5 % de la dépense fiscale annuelle de ce crédit d'impôt.

En second lieu, cet article prévoit de relever à 15 % le taux réduit de taxation des revenus issus de certains actifs de propriété industrielle (IP box). Le taux de 15 % continue de constituer un avantage fiscal au regard du taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés fixé à 25 %. Cette mesure de normalisation permet de réduire le coût de la « IP box » de 200 millions d'euros par an, soit 17 % de la dépense fiscale annuelle de cet avantage.

La normalisation proposée des aides aux entreprises en matière de recherche et d'innovation réduit le coût des deux dispositifs concernés à hauteur de 600 millions d'euros par an, soit 7 % de la dépense fiscale annuelle associée à ces dispositifs.

La commission des finances propose d'adopter cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LE CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE (CIR) ET LE TAUX RÉDUIT DE TAXATION DES REVENUS ISSUS DE CERTAINS ACTIFS DE PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE (« IP BOX ») CONSTITUENT DEUX DÉPENSES FISCALES DE SOUTIEN À LA RECHERCHE ET À L'INNOVATION DES ENTREPRISES DONT LE COÛT ANNUEL TOTAL ATTEINT NEUF MILLIARDS D'EUROS

A. LE CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE (CIR) EST UN MÉCANISME DE RÉDUCTION DE LA CHARGE SUPPORTÉE PAR LES ENTREPRISES POUR LEURS DÉPENSES DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT QUI CONSTITUE LA PREMIÈRE DÉPENSE FISCALE DE L'ÉTAT AVEC UN COÛT ANNUEL DE 7,9 MILLIARDS D'EUROS

1. Le crédit d'impôt recherche (CIR) bénéficie à 16 000 entreprises en 2024 pour un coût estimé à 7,9 milliards d'euros

Le crédit d'impôt recherche (CIR) a été créé par la loi de finances initiale pour 1983355(*). Dans sa version initiale, ce crédit d'impôt permettait de soutenir l'augmentation des dépenses de recherche et développement (R&D) entre deux exercices et son assiette était constitué de la hausse incrémentale de ces dépenses.

Le CIR a connu une première transformation structurelle en 2004 en devenant un dispositif hybride comportant à la fois une part incrémentale calculée selon la dynamique des dépenses de R&D et une part en volume calculée selon le montant des dépenses exposées.

Enfin, la version actuelle du CIR est issue d'une réforme mise en oeuvre par la loi de finances initiale pour 2008356(*). Depuis le début de l'exercice 2008, le CIR est une dépense fiscale entièrement assise sur le volume des dépenses de recherche et développement (R&D) des entreprises bénéficiaires, indépendamment de la dynamique de ces dépenses.

Pour l'exercice 2024, le CIR bénéfice à 15 507 entreprises, pour une dépense fiscale totale de 7 858 millions d'euros. Il s'agit de la première dépense fiscale du budget de l'État357(*).

Les statistiques du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) font apparaître que le crédit d'impôt recherche (CIR) bénéficie à l'ensemble des catégories d'entreprises. En particulier, le nombre de petites et moyennes entreprises (PME) bénéficiaires du CIR en 2021 est de 13 665 et les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) représentent un montant de dépense fiscale de 3 951 millions d'euros, soit 58 % de la dépense fiscale en 2021.

Répartition par catégories d'entreprises de la dépense fiscale du CIR

(en millions d'euros et en 2021)

Source : commission des finances, d'après les données du MESR

Au regard des dépenses éligibles, qui sont les dépenses de recherche et développement, les entreprises bénéficiaires du CIR sont concentrées dans le secteur de l'industrie manufacturière, qui concentre 61 % des dépenses éligibles en 2021.

Répartition par secteurs des dépenses éligibles au CIR

(en points de pourcentage et en 2021)

Source : commission des finances, d'après les données du MESR

2. La créance du CIR est calculée en appliquant un taux de droit commun de 30 % à une assiette composée essentiellement de dépenses de recherche et développement

Le régime du CIR est fixé par l'article 244 quater B du code général des impôts qui prévoit qu'il bénéfice aux entreprises industrielles et commerciales ou agricoles qui exposent des dépenses de recherche au cours de l'année.

L'assiette des dépenses de recherche prise en compte pour le calcul du crédit d'impôt est fixée par le II de l'article 244 quater B.

Catégories de dépenses entrant dans l'assiette du crédit d'impôt recherche (CIR)

Section du II de l'article 244 quater B

Catégorie de dépenses éligibles

a et a bis

Dotations aux amortissements

b et b bis

Dépenses de personnel

c

Dépenses de fonctionnement

d bis et d ter

Dépenses de recherche externalisée

e, e bis et f

Dépenses liées aux brevets

g

Dépenses de normalisation

j

Dépenses de veille technologique

Source : commission des finances

Pour les critères d'identification des « opérations de recherche scientifique et technique », auxquelles les dépenses de recherche et développement (R&D) éligibles au CIR sont liées, le code général des impôts s'appuie358(*) sur un document de référence international élaboré dans le cadre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : le manuel de Frascati359(*), qui distingue trois types de recherche et développement (R&D) repris dans le code : la recherche fondamentale, la recherche appliquée et le développement expérimental.

Le code général des impôts prévoit par ailleurs des règles spécifiques de prise en compte de plusieurs éléments de l'assiette des dépenses éligibles au CIR, notamment dans le cas des frais de fonctionnement et des charges de personnels des jeunes docteurs.

En premier lieu, les frais de fonctionnement entrant dans l'assiette des dépenses éligibles sont calculés en additionnant, d'une part, une fraction forfaitaire de 75 % des dotations aux amortissements des immobilisation et, d'autre part, une fraction forfaitaire de 43 % des dépenses de personnel.

En second lieu, le dispositif « jeunes docteurs » prévoit que les dépenses de personnel sont doublées dans le calcul de l'assiette du CIR lorsqu'elles sont liées à une personne employée en contrat de travail à durée indéterminée et titulaire d'un doctorat pendant deux ans à partir de son premier recrutement. Ce dispositif est complété par le fait que les dépenses de personnels liées à un « jeune docteur » sont prise en compte avec un taux forfaitaire de 200 % pour le calcul des frais de fonctionnement entrant dans l'assiette des dépenses éligibles.

Le taux applicable à l'assiette des dépenses éligibles pour déterminer le montant du CIR dépend du montant total de cette assiette.

Le code général des impôts prévoit l'application d'un taux de droit commun de 30 % de l'assiette des dépenses éligibles dans la limite de 100 millions d'euros de dépenses éligibles. Les dépenses exposées par l'entreprise au-delà de 100 millions d'euros se voient appliquer un taux réduit de 5 % pour la détermination du montant du crédit d'impôt.

Le rapporteur général relève également que des taux dérogatoires aux taux de droit commun sont applicable pour les dépenses exposées en Corse et dans les outre-mer.

B. LE TAUX RÉDUIT DE 10 % APPLIQUÉ À LA TAXATION DES REVENUS ISSUS DE CERTAINS ACTIFS DE PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE (« IP BOX ») EST UNE DÉPENSE FISCALE D'UN COÛT ANNUEL DE 1,2 MILLIARD D'EUROS AU SOUTIEN DES ENTREPRISES DONT LES BÉNÉFICES SONT ISSUS DE L'EXPLOITATION DE BREVETS OU ASSIMILÉS

Les revenus issus de la concession de licences d'exploitation des actifs de propriété industrielle, c'est-à-dire les brevets et autres actifs incorporels assimilés, bénéficient depuis 1971 d'un régime de taxation dérogatoire au droit commun de l'impôt sur les sociétés.

Ce régime de taxation à un taux réduit, préalablement fixé à 15 %, a fait l'objet d'une réforme structurelle mise en oeuvre par la loi de finances initiale pour 2019360(*) et codifiée à l'article 238 du code général des impôts.

Le nouveau régime de taux réduit de taxation des revenus issus de certains actifs de propriété industrielle, ou « industrial property (IP) box », constitue un régime optionnel qui peut être activé par les entreprises concernées soit actif par actif soit sur un bien un service soit sur une famille de biens et services.

La liste des catégories d'actifs de propriété industrielle entrant dans le champ de ce régime, qui a été mise à jour en 2019, comprend principalement les brevets, les certifications d'obtention végétale et les logiciels protégés par le droit d'auteur.

Catégories d'actifs incorporels entrant dans le champ
du régime de l'IP box

Catégories d'actifs éligibles

Brevets, certificats d'utilité et certificats complémentaires de protection

Certificats d'obtention végétale

Logiciels protégés par le droit d'auteur

Procédés de fabrication industrielle (sous certaines conditions)

Source : commission des finances

Les entreprises qui activent cette option se voient appliquer un régime dérogatoire au taux de droit commune de 25 % d'impôt sur les sociétés pour la part de leur revenus issus de certains actifs de propriété industrielle. Le taux réduit, qui était de 15 % avant la réforme de 2019361(*), a été fixé à 10 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019.

Pour la détermination du résultat associé aux revenus de propriété industrielle - qui fait l'objet d'une déduction extra-comptable et d'une imposition à part aux taux réduit de 10 % - la réforme de 2019 a introduit deux spécificités.

En premier lieu, le régime prévoit un système de « capture des dépenses » en application duquel, au moment de l'activation de l'option, l'ensemble des dépenses antérieures en lien direct avec l'actif sont prises en compte.

En second lieu, la réforme a intégré « l'approche Nexus » promue par l'OCDE, en application de laquelle les régimes fiscaux préférentiels en matière de propriété industrielle doivent intégrer un critère de substance pour garantir « que les contribuables bénéficiant de ces régimes se trouvent bien à la source [des activités de recherche associées] et ont engagé des dépenses réelles à l'égard de celles-ci »362(*).

La mise en oeuvre de cette approche Nexus se traduit par l'introduction d'un coefficient Nexus, ou rapport d'assujettissement au taux réduit, utilisé pour l'établissement du résultat net imposé au taux réduit.

Dans un premier temps, le résultat net est calculé en déduisant des revenus tirés des actifs concernés les dépenses de recherche et développement directement rattachés à ces actifs et réalisées directement ou indirectement par l'entreprises.

Dans un second temps, le résultat net imposé est déterminé en appliquant au résultat net, dans la limite de 100 %, un « coefficient Nexus » calculé selon la formule suivante363(*) :

Le régime de l'IP box concerne 973 entreprises en 2024 et représente une dépense fiscale de 1 208 millions d'euros.

Le régime de l'IP box bénéfice par surcroît principalement aux grandes entreprises qui représentent en 2024 une dépense fiscale de 898 millions d'euros, soit 74 % de la dépense fiscale totale.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : UNE NORMALISATION DES AIDES AUX ENTREPRISES EN MATIÈRE DE RECHERCHE ET D'INNOVATION QUI RÉDUIT DE 7 % LE MONTANT GLOBAL DES DÉPENSES FISCALES CONCERNÉES

Au regard de la situation dégradée des finances publiques, le Gouvernement a engagé un exercice de « revue de dépenses » pour identifier les économies budgétaires pouvant résulter d'une meilleure efficience de l'usage de l'argent public.

Dans le cadre de cet exercice, l'Inspection générale des finances a été saisie en novembre 2023 par le Premier ministre pour engager un travail de cartographie des aides aux entreprises et d'identification des économies rendues possibles par un recentrage de ces aides364(*).

En avril 2024, l'Inspection générale des finances a remis au Gouvernement une revue de dépenses relative aux aides aux entreprises365(*).

Dans le champ des aides aux entreprises dans le domaine de la recherche et de l'innovation, cette revue de dépenses identifie notamment un volume d'économie à hauteur de 600 millions d'euros par an par la normalisation du crédit d'impôt recherche (CIR) et du taux réduit d'imposition des revenus issus de certains actifs de propriété industrielle (« IP box »).

Le présent article, que l'amendement I-7 (FINC.7) propose d'insérer au sein du présent texte, met en oeuvre deux pistes d'économies identifiées par cette revue de dépenses.

A. LA NORMALISATION DU CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE (CIR) SE TRADUIT PAR UN RECENTRAGE DE SON ASSIETTE SUR LES DÉPENSES DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT ET UNE RÉFORME PARAMÉTRIQUE DE SON MODE DE CALCUL

1. L'exclusion de l'assiette du CIR des dépenses ne constituant pas des dépenses de recherche et développement selon les standards internationaux

En premier lieu, l'assiette des dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche (CIR) intègre des catégories de dépenses qui ne constituent pas des dépenses de recherche et développement au regard du standard international fixé par le manuel de Frascati publié par l'OCDE.

En particulier, les dépenses liées aux brevets, les dépenses de normalisation et les dépenses de veille technologique ne constituent pas des dépenses de recherche et développement (R&D) au sens de l'OCDE. L'annexe générale au projet de loi de finances 2025 relative aux politiques nationales de recherche et de formations supérieures souligne à ce titre que la prise en compte de ces dépenses pour la détermination de l'assiette du CIR est un choix du législateur « bien qu'elles soient en dehors du champ des dépenses de R&D définies dans le référentiel international que constitue le manuel de Frascati »366(*).

Par suite, le rapporteur général propose de recentrer l'assiette des dépenses éligibles au CIR en excluant de cette assiette les dépenses liées aux brevets, les dépenses de normalisation et les dépenses de veille technologique.

Ce recentrage de l'assiette du CIR permet une réduction de la dépense fiscale estimée à 250 millions d'euros par an.

2. La mise en extinction du dispositif « jeunes docteurs » exorbitant du droit commun

En deuxième lieu, le dispositif « jeunes docteurs » présente un caractère exorbitant du droit commun qui alourdit le coût de la dépense fiscale associée au crédit d'impôt recherche.

Le rapporteur général relève même, à la suite de l'Inspection générale des finances, que la combinaison de l'effet du dispositif sur les charges de personnel prises en compte et sur les frais de fonctionnement pris en compte peut aboutir au versement à l'entreprise d'une aide supérieur à la charge effective qu'elle supporte du fait de l'emploi d'un jeune docteur.

Le rapporteur général relève également que les docteurs travaillant sur des projets de recherche continueront à bénéficier du CIR dans le cadre des règles de droit commun.

Le rapporteur général propose par suite de supprimer le dispositif « jeunes docteurs », ce qui permet une réduction de la dépense fiscale estimée à 90 millions d'euros par an.

3. La fixation à 40 % du taux forfaitaire appliqué aux dépenses de personnel pour la détermination des dépenses de fonctionnement

Enfin en troisième lieu, la formule actuelle de calcul de frais de fonctionnement éligibles au CIR est la suivante :

Le rapporteur général relève que le taux forfaitaire appliqué aux dépenses de personnel pour la détermination des frais de fonctionnement a été ramené de 50 % à 43 % en 2020367(*) sans que cela n'entame le dynamisme des dépenses éligibles au CIR.

Par suite, le rapporteur général propose de ramener le taux forfaitaire appliqué aux dépenses de personnel pour la détermination des frais de fonctionnement à 40 %, ce qui permet une réduction de la dépense fiscale estimée à 60 millions d'euros par an.

B. LA FIXATION À 15 % DU TAUX DE TAXATION RÉDUIT DES REVENUS DE CERTAINS ACTIFS DE PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE (« IP BOX ») PERMET DE RÉDUIRE LA DÉPENSE FISCALE EN MAINTENANT UN SOUTIEN PUBLIC AUX ENTREPRISES INNOVANTES

Le coût du régime fiscal préférentiel de l'IP box est très dynamique et la dépense fiscale représenté par ce régime est passé de 770 millions d'euros en 2020 à 1 208 millions d'euros prévus en 2024, soit une hausse de 57 %. Cette dynamique démontre que la réforme de 2019, qui a réduit le taux de taxation de 15 % à 10 %, modifié l'assiette de cette dépense fiscale et introduit des éléments structurels nouveaux dont notamment le coefficient Nexus, n'a pas eu pour effet de limiter la dynamique de cette dépense.

Par suite, conformément à la recommandation formulée par l'Inspection générale des finances dans sa revue de dépense, le rapporteur général propose de relever le taux réduit de taxation des revenus de certains actifs de propriété industrielle pour le fixer à 15 %, c'est-à-dire le taux en vigueur avant la réforme structurelle de 2019.

Le rendement de cette mesure de normalisation est estimé à 200 millions d'euros par an.

Les mesures de normalisation proposées par le rapporteur général représentent une réduction des dépenses fiscales associées aux aides aux entreprises en matière de recherche et d'innovation de 600 millions d'euros par an, soit 7 % de la dépense fiscale totale dans le périmètre du CIR et du taux de taxation réduit pour les revenus issus de certains actifs de propriété industrielle (IP box).

Il est par suite à relever que ces mesures relèvent de la normalisation, est n'auront pas pour effet de revenir sur l'économie générale de notre système de soutien à l'innovation et de défense de l'attractivité du territoire français pour la localisation des activités privées de recherche et d'innovation.

Dépenses fiscales de soutien à la recherche et à l'innovation

(en 2025 et en millions d'euros)

Note : Le périmètre retenu correspond au CIR et à l'IP box.

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article.

ARTICLE 15

Report de trois ans de la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

Le présent article prévoit un report de trois ans de la trajectoire de suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Cette suppression progressive était initialement programmée entre les années 2025 et 2027 et devrait donc intervenir de manière identique mais entre les années 2028 et 2030.

Parallèlement, cet article ajuste le plafonnement de la valeur ajoutée (PVA), qui permet de limiter le poids de la contribution économique territoriale (CET)368(*) pour les entreprises qui y sont assujetties. La trajectoire de hausse du taux de la taxe additionnelle à la CVAE (TA-CVAE), dont sont affectataires les chambres de commerce et d'industrie (CCI), est également reportée, afin de neutraliser les effets du report de la trajectoire de suppression de la CVAE sur leur financement.

La commission prend acte de la décision du Gouvernement de repousser la trajectoire de suppression de la CVAE, qui apparait nécessaire pour redresser nos finances publiques à court terme. Elle réitère toutefois sa position sur la nécessité de mener cette suppression à son terme, afin de limiter la pression fiscale sur les investissements et l'activité économique.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA SUPPRESSION DE LA COTISATION SUR LA VALEUR AJOUTÉE DES ENTREPRISES EST PROGRAMMÉE À L'HORIZON 2027

A. LA COTISATION SUR LA VALEUR AJOUTÉE DES ENTREPRISES EST, AVEC LA COTISATION FONCIÈRE DES ENTREPRISES, L'UNE DES COMPOSANTES DE LA CONTRIBUTION ÉCONOMIQUE TERRITORIALE

1. Depuis 2010, la contribution économique territoriale a remplacé la taxe professionnelle

Avant sa suppression en loi de finances pour 2010369(*), la taxe professionnelle (TP), héritière de la patente370(*), constituait le principal impôt local acquitté par les entreprises, représentant 30 milliards d'euros en 2009. Sa suppression avait été avant tout motivée par le caractère « anti-économique » de cet impôt, accusé de pénaliser l'investissement et l'emploi du fait de son assiette composite comprenant la valeur locative des immeubles, des équipements et biens mobiliers (matériels, outillages, etc.), la masse salariale et les recettes. La TP constituait ainsi l'un des principaux exemples d'impôt de production.

Les impôts de production

Selon l'Insee, les impôts de production englobent l'ensemble des impôts que les unités légales (entreprises, associations, établissements publics) supportent du fait de leurs activités de production, indépendamment de la quantité ou de la valeur des biens et services qu'elles produisent ou vendent. Ces prélèvements sont à distinguer de la fiscalité sur les produits, qui est acquittée par le consommateur (TVA, en particulier), et de la fiscalité sur le résultat (impôt sur les sociétés et impôt sur le revenu).

La fiscalité de production peut être appréhendée de deux façons :

- au sens large, elle englobe des prélèvements assis sur des facteurs de production, à savoir la masse salariale et le capital ou les actifs de l'entreprise comme le foncier utilisé ;

- au sens strict, ils correspondent à des impôts frappant directement la production et non ses facteurs, dans la mesure où leur assiette repose sur un produit du compte de résultat.

Source : commission des finances

En remplacement de la TP, la loi de finances pour 2010 a instauré une contribution économique territoriale (CET) composée de deux cotisations :

la cotisation foncière des entreprises (CFE), régie par les articles 1447 à 1448 du code général des impôts (CGI) ;

- la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), régie par les articles 1586 ter à 1586 nonies du CGI, et objet du présent article.

2. La contribution économique territoriale fait l'objet d'un plafonnement en fonction de la valeur ajoutée

Afin de limiter le poids de la CET pour les entreprises qui y sont assujetties, le législateur a instauré un mécanisme de plafonnement sur la valeur ajoutée (PVA).

Ainsi, en application de l'article 1647 B sexies du CGI, le montant total dû par une entreprise au titre de la CET ne pouvait excéder, en 2024, 1,531 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise371(*), calculée selon les mêmes modalités et au cours de la même période de référence que celles utilisées pour déterminer l'assiette de la CVAE (voir infra).

La différence entre le montant théoriquement dû et l'application de ce plafonnement fait l'objet d'un dégrèvement. D'après les informations contenues dans l'évaluation préalable de la loi de finances pour 2022, « les entreprises exploitant un établissement industriel au sens foncier représentent ainsi environ 75 % des sommes dégrevées au titre du PVA ».

Les caractéristiques de la CVAE, qu'il s'agisse de l'établissement de son assiette ou de la détermination du taux applicable, conduisent à rattacher celle-ci à la catégorie des impôts de production.

B. UN IMPÔT ASSIS SUR LA VALEUR AJOUTÉE DES ENTREPRISES, SANS PARVENIR À LA MÊME NEUTRALITÉ ÉCONOMIQUE QUE LA TVA

Sont assujetties à la CVAE les entreprises :

- situées dans le champ d'application de la CFE, soit toutes les personnes physiques ou morales, ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale, qui exercent à titre habituel une activité professionnelle ;

- dont le chiffre d'affaires réalisé au cours de la période de référence est supérieur à 152 500 euros hors taxe372(*).

L'assiette imposable est calculée à partir de la valeur ajoutée réalisée au cours de la période de référence, en principe l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année, lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile373(*).

Alors que les charges de personnel ne sont pas déductibles de la valeur ajoutée et afin de répondre aux situations d'entreprises à forte intensité de main d'oeuvre, la valeur ajoutée imposable est plafonnée. Elle ne peut excéder un pourcentage du chiffre d'affaires fixé à :

- 80 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur ou égal à 7,6 millions d'euros ;

- 85 % pour celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7,6 millions d'euros.

Aucun plafonnement n'est en revanche appliqué pour les établissements de crédits et les entreprises d'investissement agréées, les entreprises de gestion d'instruments financiers, les sociétés créées pour une opération de financement d'immobilisations corporelles et les entreprises d'assurance et assimilées374(*).

Cette valeur ajoutée, calculée en application de l'article 1586 sexies du CGI, est une valeur ajoutée « brute ». La CVAE vient frapper, selon les mots du Conseil d'analyse économique, « un solde de gestion très en amont du résultat net de l'entreprise, sans rapport avec sa rentabilité » 375(*). Pour le calcul de la valeur ajoutée, les entreprises ne peuvent pas déduire un certain nombre de charges, et notamment les dépenses de personnel.

Détermination de la valeur ajoutée imposable au titre de la CVAE
pour la généralité des entreprises

« La valeur ajoutée est égale à la différence entre :

a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré :

- des autres produits de gestion courante à l'exception, d'une part, de ceux pris en compte dans le chiffre d'affaires et, d'autre part, des quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun ;

- de la production immobilisée, à hauteur des seules charges qui ont concouru à sa formation et qui figurent parmi les charges déductibles de la valeur ajoutée ; il n'est pas tenu compte de la production immobilisée, hors part des coproducteurs, afférente à des oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques inscrites à l'actif du bilan d'une entreprise de production audiovisuelle ou cinématographique, ou d'une entreprise de distribution cinématographique pour le montant correspondant au versement du minimum garanti au profit d'un producteur, à condition que ces oeuvres soient susceptibles de bénéficier de l'amortissement fiscal pratiqué sur une durée de douze mois ;

- des subventions d'exploitation ;

- de la variation positive des stocks ;

- des transferts de charges déductibles de la valeur ajoutée, autres que ceux pris en compte dans le chiffre d'affaires ;

- des rentrées sur créances amorties lorsqu'elles se rapportent au résultat d'exploitation ;

b) Et, d'autre part :

- les achats stockés de matières premières et autres approvisionnements, les achats d'études et prestations de services, les achats de matériel, équipements et travaux, les achats non stockés de matières et fournitures, les achats de marchandises et les frais accessoires d'achat ;

- diminués des rabais, remises et ristournes obtenus sur achats ;

- la variation négative des stocks ;

- les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus, à l'exception des loyers ou redevances afférents aux biens corporels pris en location ou en sous-location pour une durée de plus de six mois ou en crédit-bail ainsi que les redevances afférentes à ces biens lorsqu'elles résultent d'une convention de location-gérance ; toutefois, lorsque les biens pris en location par le redevable sont donnés en sous-location pour une durée de plus de six mois, les loyers sont retenus à concurrence du produit de cette sous-location ;

[...]

- les autres charges de gestion courante, autres que les quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun ;

- les dotations aux amortissements pour dépréciation afférentes aux biens corporels donnés en location ou sous-location pour une durée de plus de six mois, donnés en crédit-bail ou faisant l'objet d'un contrat de location-gérance, en proportion de la seule période de location, de sous-location, de crédit-bail ou de location-gérance ;

- les moins-values de cession d'éléments d'immobilisations corporelles et incorporelles, lorsqu'elles se rapportent à une activité normale et courante. »

Source : article 1586 sexies du code général des impôts

C. LA CVAE A FAIT L'OBJET DE PLUSIEURS RÉFORMES VISANT, À TERME, À SA SUPPRESSION

1. Dans le cadre du plan de relance, la suppression de la part de CVAE affectée aux régions par la loi de finances initiale pour 2021 

L'article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a procédé à une première réduction de la CVAE, dans le cadre du plan de relance. En effet, le Gouvernement affiche alors un objectif de réduction de 10 milliards d'euros par an des impôts de production pour les entreprises. Dans ce cadre, le taux de CVAE est divisé par deux, pour un coût direct d'un peu plus de 7 milliards d'euros.

Taux effectif d'imposition des entreprises redevables de la CVAE
avant et après la réforme de la loi de finances initiale (LFI) pour 2021

Chiffre d'affaires

Taux effectif d'imposition

(avant 2021)

Taux effectif d'imposition

(2021 - 2022)

CA < 500 000 €

0 %

0 %

500 000 € = CA = 3 000 000 €

0,5 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

0,25 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

3 000 000 € < CA = 10 000 000 €

0,5 %+ [0,9 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

0,25 %+ [0,45 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

10 000 000 € < CA = 50 000 000 €

1,4 % + [0,1 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

0,7 % + [0,05 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

CA > 50 000 000 €

1,5 %

0,75 %

Source : commission des finances du Sénat

2. La suppression en deux ans de la CVAE par la LFI pour 2023 a ensuite été rééchelonnée sur quatre ans par la LFI pour 2024

a) La loi de finances initiale pour 2023 prévoyait la suppression en deux temps de la CVAE par moitié

L'article 55 de la LFI pour 2023376(*) a prévu la suppression de la CVAE en 2024 et, pour 2023, la division par deux des taux de CVAE, ainsi que la hausse temporaire de la taxe additionnelle à la CVAE au profit des chambres de commerce et d'industrie, et une adaptation du plafonnement appliqué à la valeur ajoutée (PVA).

Ainsi, en 2023, le produit de la CVAE a été directement affecté à l'État et non plus aux collectivités territoriales, et les différents taux utilisés pour déterminer la CVAE due par les entreprises en fonction de leur chiffre d'affaires ont été réduits.

Taux effectif d'imposition des entreprises redevables de la CVAE
en 2022 et en 2023

Chiffre d'affaires

Taux effectif d'imposition
(2022)

Taux effectif d'imposition
(2023)

CA < 500 000 €

0 %

0 %

500 000 € = CA = 3 000 000 €

0,25 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

0,125 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

3 000 000 € < CA = 10 000 000 €

0,25 %+ [0,45 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

0,125 %+ [0,225 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

10 000 000 € < CA = 50 000 000 €

0,7 % + [0,05 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

0,35 % + [0,025 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

CA > 50 000 000 €

0,75 %

0,375 %

Source : commission des finances du Sénat

L'article 55 de la loi de finances initiale pour 2023 a également procédé à trois ajustements :

- la baisse du plafonnement appliqué à la valeur ajoutée (PVA), passant de 2 % à 1,625 % en 2023 puis à 1,25 % en 2024 ;

- la division par deux du dégrèvement complémentaire applicable aux entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros, qui passe de 500 à 250 euros pour 2023 ;

- la division par deux du montant minimal de CVAE dont sont redevables les entreprises en 2023, qui passe de 125 à 63 euros.

En parallèle, le taux de la taxe additionnelle à la CVAE (TA-CVAE) au profit des chambres de commerce et d'industrie (CCI) a été augmenté en 2023 pour palier la baisse de l'impôt sur lequel elle est assise.

Par ailleurs, l'article 55 de la loi de finances initiale pour 2023 avait prévu la compensation aux collectivités territoriales de la suppression de la CVAE par l'attribution d'une fraction de la TVA377(*).

b) La LFI pour 2024 a rééchelonné sur quatre ans la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

L'article 79 de la loi de finances pour 2024378(*), a rééchelonné la trajectoire de suppression de la CVAE. Alors que la CVAE devait disparaitre au 1er janvier 2024, ce même article prévoit suppression de cet impôt en 2027, avec une réduction d'un quart par an son montant jusqu'en 2026.

Taux effectif d'imposition des entreprises redevables de la CVAE
en 2024, 2025 et en 2026

Chiffre d'affaires

Taux d'imposition
(2024)

Taux d'imposition
(2025)

Taux d'imposition

(2026)

CA < 500 000 €

0 %

0 %

0 %

500 000 € = CA = 3 000 000 €

0,094 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

0,063 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

0,031 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

3 000 000 € < CA = 10 000 000 €

0,094 %+ [0,169 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

0,063 %+ [0,113 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

0,031 %+ [0,056 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

10 000 000 € < CA = 50 000 000 €

0,263 % + [0,019 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

0,175 % + [0,013 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

0,087 % + [0,006 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

CA > 50 000 000 €

0,28 %

0,19 %

0,09 %

Source : commission des finances du Sénat

Cet article prévoit, en conséquence, une adaptation de la trajectoire de baisse du PVA. Ainsi, il est prévu que le PVA soit égal à 1,531 % en 2024, 1,438 % en 2025 et à 1,344 % en 2026. Il retrouvera le niveau initialement prévu pour 2024, à savoir 1,25 %, en 2027.

Il est également prévu une augmentation progressive du taux de la TA-CVAE, afin de maintenir sur cette période le rendement de cette taxe au profit des CCI.

Cet article prévoit enfin une réduction progressive du dégrèvement de CVAE, qui est ramené à 250 euros en 2023, 188 euros en 2024, 125 euros en 2025, 63 euros en 2026.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA TRAJECTOIRE DE SUPPRESSION PROGRESSIVE DE LA CVAE EST DÉCALÉE DE 3 ANS

Le présent article prévoit un report de 3 ans de la suppression progressive de la CVAE. Cette suppression, prévue initialement entre les années 2025 et 2027, devrait donc intervenir de manière identique entre les années 2028 et 2030.

Pour ce faire, les I et II du présent article modifient respectivement l'article 55 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 et l'article 79 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, qui définissent les dates d'entrée en vigueur de la réforme de la CVAE.

Le 1° et 2° du I et le II prévoient :

- le maintien des taux de CVAE pour les années 2025 à 2027 au même niveau que pour l'année 2024, ainsi qu'une diminution progressive de taux de CVAE en 2028 et 2029 ;

- le maintien du taux du PVA pour les années 2025 à 2027 au même montant pour l'année 2024, puis une diminution à 1,438 % en 2028 et 1,334 % en 2029, en cohérence avec la baisse des taux de CVAE ;

- le maintien du dégrèvement barémique dont bénéficient les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros à 188 euros jusque en 2027, puis une baisse de ce barème à 125 euros en 2028 et 63 euros en 2029.

Le 3° du I prévoit de décaler la suppression de définitive de la CVAE à 2030, contre 2027 dans le droit actuel.

Les 4°, 5° et 6° du I décalent la trajectoire de hausse du taux de TA-CVAE, afin de neutraliser les effets du report de la trajectoire de suppression de la CVAE sur le financement des CCI. Ainsi, le taux de TA-CVAE est maintenu à 9,23 % pour les années 2025 à 2027, et sera ensuite relevé à hauteur de 13,84 % en 2028 et 27,68 % en 2029.

Taux effectif d'imposition des entreprises redevables de la CVAE
entre 2024 et 2029 dans le dispositif du présent article

Chiffre d'affaires

Taux d'imposition
entre 2024 et 2027

Taux d'imposition
en 2028 

Taux d'imposition

en 2029 

CA < 500 000 €

0 %

0 %

0 %

500 000 € = CA = 3 000 000 €

0,094 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

0,063 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

0,031 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

3 000 000 € < CA = 10 000 000 €

0,094 %+ [0,0169 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

0,063 %+ [0,113 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

0,031 %+ [0,056 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

10 000 000 € < CA = 50 000 000 €

0,263 % + [0,019 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

0,175 % + [0,013 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

0,087 % + [0,006 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

CA > 50 000 000 €

0,28 %

0,19 %

0,09 %

Source : commission des finances du Sénat

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : SI LE DÉCALAGE DE LA TRAJECTOIRE DE SUPPRESSION DE LA CVAE SE JUSTIFIE POUR CONTRIBUER AU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES, CETTE RÉFORME DEVRA ÊTRE MENÉE À SON TERME POUR PRÉSERVER LA COMPÉTITIVITÉ DE NOS ENTREPRISES

A. LE REPORT DE LA TRAJECTOIRE DE SUPPRESSION DE LA CVAE EST JUSTIFIÉE PAR LA DÉGRADATION DES FINANCES PUBLIQUES

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances 2024, le rapporteur général avait fait part de son scepticisme sur le choix du précédent Gouvernement de retarder la trajectoire de suppression de la CVAE. Ce revirement n'était à l'époque justifié par aucun évènement économique majeur, et intervenait à peine un an après que ce Gouvernement ait engagé sa responsabilité devant l'Assemblée pour supprimer la CVAE.

Le décalage de la trajectoire de suppression de la CVAE prévue dans le présent article s'inscrit dans un contexte très différent, marqué par une dégradation exceptionnelle des comptes publics de la France en 2024, résultant des errances des précédents Gouvernements379(*).

Face à ce constat, il n'apparait plus possible de procéder à des baisses de recettes fiscales non financées. À cet égard, l'évaluation préalable du présent article indique que le report de la suppression de la CVAE permettra d'apporter un surcroît de recette d'environ 1 milliard d'euros en 2025, de 2 milliards d'euros en 2026 et de 3 milliards d'euros en 2027, soit un total de 6 milliards d'euros sur l'ensemble de la période.

Recettes supplémentaires attendues en application du présent article

 

2025

2026

2027

Total

Recettes de CVAE pour l'État

1 milliard d'euros

2 milliards d'euros

3 milliards d'euros

6 milliards d'euros

Source : évaluation préalable du projet de loi de finances pour 2025

B. TOUTEFOIS LA SUPPRESSION DE LA CVAE DEVRA ÊTRE MENÉE À SON TERME DANS UN SOUCI DE BAISSE DE LA PRESSION FISCALE PESANT SUR LES INVESTISSEMENTS ET L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

Il n'en demeure pas moins que la suppression de la CVAE devra être menée à son terme. En effet, les impôts de production en France sont parmi les plus élevés d'Europe : si l'on excepte la situation spécifique de la Suède, la France est le pays qui impose le plus la production dans l'Union européenne. Ces impositions visent un agrégat intermédiaire, sans rapport avec la profitabilité de l'activité de l'entreprise. Elles dégradent donc la situation financière de toutes les entreprises, y compris celles qui ne réalisent aucun bénéfice.

La CVAE nuit directement à la productivité et à la compétitivité des entreprises, et la prise en compte du chiffre d'affaires pour déterminer le taux d'imposition à la CVAE contribue à ce caractère anti-économique. Surtout, comme le relevait le Conseil d'analyse économique (CAE) dans sa note Les impôts pour (ou contre) la production : la CVAE « peut s'assimiler à deux taxes s'appliquant, avec le même taux, sur, d'une part, la masse salariale et, d'autre part, l'excédent brut d'exploitation (EBE). En taxant l'EBE et donc les amortissements, cet impôt affecte directement les capacités d'investissement des entreprises, bien plus que l'IS. En effet, les entreprises ne peuvent avec la CVAE déduire de la base taxable des charges économiquement liées à la production (les amortissements), ce qui pénalise tout particulièrement celles qui ont besoin de procéder à un renouvellement régulier de leur outil productif. La CVAE conduit ainsi à distordre la rentabilité des investissements en fonction des secteurs en concentrant son impact sur les secteurs les plus intensifs en capital ».

La commission prend donc acte de la décision du Gouvernement de repousser la trajectoire de la suppression de la CVAE, qui apparait nécessaire pour redresser nos finances publiques à court terme. Elle réitère toutefois sa position sur la nécessité de maintenir la suppression de la CVAE à moyen terme, afin de limiter la pression fiscale sur les investissements et l'activité économique.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 16

Clarification des modalités de calcul de l'atténuation des variations de valeurs locatives des locaux professionnels

Le présent article prévoit, à la suite de deux décisions rendues par le Conseil d'État contestant les modalités de calcul du « planchonnement » de la valeur locative des locaux professionnels appliquées par l'administration fiscale jusqu'alors, de consacrer explicitement la fixité des modalités de calcul retenues.

La modification s'appliquerait de manière rétroactive aux impositions dues à compter de l'exercice 2023, à l'exception des situations de contentieux introduites avant le 10 octobre 2024.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : DES AMORTISSEURS FACE AUX EFFETS DE LA RÉVISION DE LA VALEUR LOCATIVE CADASTRALE DES LOCAUX PROFESSIONNELS

Les collectivités territoriales et leurs groupements perçoivent tout ou partie du produit d'impôts fonciers, telles que la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et sur les logements vacants (THRS et THLV), la cotisation foncière des entreprises (CFE) ou encore la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM). Ces impôts sont assis sur la valeur locative cadastrale des biens immobiliers concernés, laquelle permet la détermination de l'assiette retenue. Un décalage s'est progressivement instauré entre la valeur effective des biens et la valeur locative cadastrale en raison des réticences qui ont longtemps prévalu à revaloriser, de manière générale, la valeur locative cadastrale.

Les modalités d'appréciation de la valeur locative cadastrale varient selon les types de locaux, selon qu'il s'agit de locaux d'habitation, de locaux professionnels ou de locaux industriels. Cette distinction est posée à l' article 1 494 du code général des impôts (CGI).

A. UNE REVALORISATION DES BASES LOCATIVES CADASTRALES DES LOCAUX PROFESSIONNELS

Un décalage entre la valeur réelle du bien et la valeur locative cadastrale est donc progressivement apparu et n'a cessé de s'accroître à mesure que les décisions de revalorisation étaient reportées. La volonté de mettre un terme à ce décalage a abouti à une révision des bases locatives cadastrales des locaux professionnels qui avait été initiée, sur le principe, en 2010380(*) mais reportée, et corrigée dans ses modalités, en 2015381(*).

Le dispositif qui en a résulté fixe de nouvelles bases d'imposition au titre des impôts locaux fonciers payés par les entreprises. La nouvelle valeur locative révisée est déterminée en fonction de l'état du marché locatif à partir d'une formule appliquant à une surface pondérée un tarif surfacique différant selon la nature et la destination des locaux ( article 1 498 du CGI). Ce dispositif, vertueux, a permis d'initier un rattrapage pour que la valeur locative cadastrale se rapproche progressivement de la valeur réelle et qu'à terme les deux soient corrélées de manière évolutive.

Pour que ce rapprochement soit effectif, le législateur a introduit, dans le calcul de la valeur cadastrale des locaux professionnels des critères destinés à coller autant que possible à la réalité du marché. S'agissant de locaux professionnels, le législateur a considéré que la localisation géographique du bien, sa « gamme » qualitative, sa superficie ainsi que la nature de l'activité professionnelle qui y était exercée conditionnait le prix effectif de location d'un bien immobilier professionnel et devait donc être pris en compte dans la valeur castrale. Il a également prévu de prendre en compte le cas très particulier de biens dont la valeur locative est très difficilement évaluable comme les autoroutes, etc. Est ainsi appliqué un tarif par mètre carré, propre à chaque catégorie de local, en prenant en compte le sous-groupe de local considéré.

Le législateur a renvoyé au titulaire du pouvoir règlementaire le soin de déterminer les modalités d'application par l'administration fiscale de cette réforme afin que celle-ci puisse déterminer le montant effectif de la valeur locative cadastrale de chaque local à partir des critères de principe posés en dur dans la loi. Un décret fixe ainsi 10 catégories et 39 sous-catégories de locaux professionnels382(*).

Catégories de locaux professionnels par sous-groupes pris en compte dans la détermination de la valeur locative cadastrale des locaux professionnels

Sous-groupe I : magasins et lieux de vente :

Catégorie 1 : boutiques et magasins sur rue.

Catégorie 2 : commerces sans accès direct sur la rue.

Catégorie 3 : magasins appartenant à un ensemble commercial.

Catégorie 4 : magasins de grande surface (surface principale comprise entre 400 et 2 500 m2).

Catégorie 5 : magasins de très grande surface (surface principale supérieure ou égale à 2 500 m2).

Catégorie 6 : stations-service, stations de lavage et assimilables.

Catégorie 7 : marchés.

Sous-groupe II : bureaux et locaux divers assimilables :

Catégorie 1 : locaux à usage de bureaux d'agencement ancien.

Catégorie 2 : locaux à usage de bureaux d'agencement récent.

Catégorie 3 : locaux assimilables à des bureaux, mais présentant des aménagements spécifiques.

Sous-groupe III : lieux de dépôt ou de stockage et parcs de stationnement :

Catégorie 1 : lieux de dépôt à ciel ouvert et terrains à usage commercial ou industriel.

Catégorie 2 : lieux de dépôt couverts.

Catégorie 3 : parcs de stationnement à ciel ouvert.

Catégorie 4 : parcs de stationnement couverts.

Catégorie 5 : installations spécifiques de stockage.

Sous-groupe IV : ateliers et autres locaux assimilables :

Catégorie 1 : ateliers artisanaux.

Catégorie 2 : locaux utilisés pour une activité de transformation, de manutention ou de maintenance.

Catégorie 3 : chenils, viviers et autres locaux assimilables.

Sous-groupe V : hôtels et locaux assimilables :

Catégorie 1 : hôtels « confort » (4 étoiles et plus, ou confort identique).

Catégorie 2 : hôtels « supérieur » (2 ou 3 étoiles, ou confort identique).

Catégorie 3 : hôtels « standard » (1 étoile, ou confort identique).

Catégorie 4 : foyers d'hébergement, centres d'accueil, auberges de jeunesse.

Catégorie 5 : hôtels-clubs, villages de vacances et résidences hôtelières.

Sous-groupe VI : établissements de spectacles, de sports et de loisirs :

Catégorie 1 : salles de spectacles et locaux assimilables.

Catégorie 2 : établissements ou terrains réservés à la pratique d'un sport ou à usage de spectacles sportifs.

Catégorie 3 : salles de loisirs diverses.

Catégorie 4 : terrains de camping confortables (3 étoiles et plus, ou confort identique).

Catégorie 5 : terrains de camping ordinaires (1 ou 2 étoiles, ou confort identique).

Catégorie 6 : établissements de détente et de bien-être.

Catégorie 7 : centres de loisirs, centres de colonies de vacances, maisons de jeunes.

Sous-groupe VII : établissements d'enseignement et locaux assimilables :

Catégorie 1 : écoles et institutions privées exploitées dans un but non lucratif.

Catégorie 2 : établissements d'enseignement à but lucratif.

Sous-groupe VIII : cliniques et établissements du secteur sanitaire et social :

Catégorie 1 : cliniques et établissements hospitaliers.

Catégorie 2 : centres médico-sociaux, centres de soins, crèches, haltes-garderies.

Catégorie 3 : maisons de repos, maisons de retraite (médicalisées ou non).

Catégorie 4 : centres de rééducation, de thalassothérapie, établissements thermaux.

Sous-groupe IX : carrières et établissements industriels non évalués selon la méthode comptable :

Catégorie 1 : établissements industriels nécessitant un outillage important autres que les carrières et assimilés.

Catégorie 2 : carrières et établissements assimilables.

Sous-groupe X : établissements présentant des caractéristiques exceptionnelles :

Catégorie 1 : locaux ne relevant d'aucune des catégories précédentes par leurs caractéristiques sortant de l'ordinaire.

Source : commission des finances

Les loyers moyens constatés pour le même type de bien servent de base au calcul du tarif appliqué, lequel fait ensuite l'objet d'un coefficient dit de localisation qui peut aboutir à majorer ou à minorer la valeur locative. La valeur locative révisée brute est donc égale à la surface pondérée multipliée par le coefficient de localisation. Compte tenu de la très grande variété des situations potentielles, une commission départementale des valeurs locatives (CDVL) est compétente pour, à partir de propositions formulées par l'administration fiscale, délimiter les secteurs et les parcelles et fixer les tarifs qui s'y appliquent. Cette commission est composée de parlementaires du département, d'élus locaux et de représentants des contribuables locaux383(*).

Le législateur a également introduit des mécanismes destinés à pouvoir réviser régulièrement la valeur locative des locaux professionnels pour coller au mieux à la réalité du marché locatif : il s'agit de faire en sorte que la réévaluation des bases locatives des locaux professionnels soit permanente pour éviter qu'un décalage puisse de nouveau se produire et que de futures réévaluations massives soient nécessaires.

Cette mise à jour continue de la valeur locative des locaux professionnels procède de l'action concertée de tous les acteurs concernés dont l'intervention est calquée sur le déroulement du mandat communal.

D'abord, l'administration fiscale doit mettre à jour annuellement les tarifs des loyers moyens constatés ( I de l'article 1 518 ter du CGI).

Ensuite, la CDVL peut modifier l'application des coefficients de localisation, après avis des commissions communales ou intercommunales des impôts directs, au cours des troisième et cinquième années qui suivent celle du renouvellement général des conseils municipaux ( II de l'article 1 518 ter du CGI).

Enfin, est prévu un mécanisme d'actualisation sexennale de l'ensemble des paramètres (tarif des loyers, secteurs d'activité et coefficient de localisation) au III de l'article 1 518 ter du CGI, effectuée par principe dans l'année qui suit le renouvellement de l'assemblée délibérante communale, même si loi de finances pour 2023384(*) puis la loi de finances pour 2024385(*) ont respectivement repoussé l'échéance de prise en compte de cette actualisation dans les bases d'imposition à 2025 puis à 2026.

B. LA MISE EN PLACE D'AMORTISSEURS POUR GRADUER LES EFFETS DE LA REVALORISATION

Afin d'éviter que le rattrapage opéré ne soit trop brutal, le législateur a instauré des mécanismes amortisseurs pour lisser, à la fois dans le temps et en valeur, la revalorisation ainsi amorcée de la valeur locative des locaux professionnels. On comptabilise trois amortisseurs temporaires.

En premier lieu, le législateur a prévu une forme de « règle d'élasticité » entre la valeur locative des locaux professionnels, d'une part, et celle des autres locaux, d'autre part, qualifié de coefficient de neutralisation. L'objectif est d'éviter qu'un décalage progressif s'instaure entre les trois types de locaux (d'habitation, professionnels ou industriels) qui connaissent des rythmes de revalorisation de la valeur cadastrale locative très différents. Ce coefficient de neutralisation cherche donc à maintenir la part que représente chacun des types de locaux dans l'assiette des impositions foncières de chaque collectivité.

Pour ce faire, il est appliqué un coefficient de neutralisation unique, déterminé pour chaque impôt et à chaque niveau de collectivité territoriale qui est égal, pour simplifier, au rapport entre, au numérateur, la somme des valeurs locatives non révisées des locaux professionnels de la collectivité et, au dénominateur, la somme des valeurs locatives révisées de ces mêmes locaux.

Le I de l'article 1518 A quinquies prévoit ainsi que : « Ce coefficient est égal, pour chaque taxe et chaque collectivité territoriale, au rapport entre, d'une part, la somme des valeurs locatives non révisées au 1er janvier 2017 des propriétés bâties mentionnées au même I de l'article 1498 imposables au titre de cette année dans son ressort territorial, à l'exception de celles mentionnées au 2 du présent I386(*), et, d'autre part, la somme des valeurs locatives révisées de ces mêmes propriétés à la date de référence du 1er janvier 2013 ».

Ce coefficient de neutralisation a une existence limitée dans le temps puisqu'il cessera d'être pris en compte une fois entrée en vigueur la nouvelle base des valeurs locatives des locaux d'habitation ( II de l'article 1518 A quinquies du CGI).

En deuxième lieu, la variation des valeurs locatives est encadrée dans un « couloir » afin de limiter les effets de la révision pour les acteurs concernés. Pour simplifier, ce dispositif réduit de 50 % la variation entre l'ancienne et la nouvelle valeur, que celle-ci s'effectue à la hausse (on procède en pareil cas à un plafonnement) ou à la baisse (on fait alors jouer un plancher). Ce mécanisme instaurant simultanément un plancher et un plafonnement est qualifié de « planchonnement ». Là aussi, la mesure a été limitée dans le temps pour s'appliquer en théorie dix ans. Elle s'appliquera donc annuellement jusqu'aux impositions dues au titre de l'année 2025 ( III de l'article 1518 A quinquies du CGI).

Pour les impositions dues au titre des années 2017 à 2025, il est ainsi prévu deux cas de figure :

1) Lorsque la différence entre la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 et la valeur locative révisée est positive, la valeur locative cadastrale est majorée d'un montant égal à la moitié de cette différence.

2) Lorsque la différence entre la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 et la valeur locative révisée est négative, celle-ci est minorée d'un montant égal à la moitié de cette différence ;

Dans la pratique, l'administration fiscale a fait le choix de figer la valeur locative révisée au 1er janvier 2017, ce qui n'est pas expressément mentionné dans le droit en vigueur, et qui favorise les situations où le différentiel est plus important (puisque l'on fait la différence avec un référentiel révisé plus longtemps auparavant, donc moins important en valeur absolue), d'où des majorations de valeur locative cadastrale moins importantes dans le cas où cette différence est positive et des minorations moins importantes dans le cas où cette différence est négative.

En dernier lieu, les variations de cotisations issues de la prise en compte des valeurs locatives révisées font l'objet d'un dispositif de lissage sur dix ans à compter de 2017 pour rendre progressifs les effets de la réforme jusqu'en 2026. Ce lissage ne s'applique pas à la valeur locative du local professionnel elle-même mais à la cotisation due. Ce lissage est déterminé en calculant la différence entre la cotisation théorique issue de l'ancienne valeur locative et la nouvelle cotisation résultant de la valeur neutralisée et planchonnée. Ce différentiel est amputé de 10 % chaque année pour disparaître progressivement sur la décennie.

C. LA NAISSANCE D'UN CONTENTIEUX AUTOUR DE L'INTERPRÉTATION DE L'APPLICATION DU PLANCHONNEMENT

Compte tenu de la rédaction retenue387(*) par le législateur au III de l'article 1518 A quinquies du CGI, le Conseil d'État a considéré388(*), par deux décisions, que le mécanisme de planchonnement, dont bénéficie chaque local existant au 1er janvier 2017, n'est pas figé à cette date, mais que la valeur locative révisée employée pour le déterminer doit être recalculée chaque année.

Sans se prononcer sur le fond de cette interprétation, il apparaît que les deux décisions rendues, combinées au stock important de contentieux dans lequel un nombre important de sociétés se sont lancées, font courir des risques juridiques et budgétaires importants, d'autant que l'on peut anticiper un accroissement significatif du nombre de procédures contentieuses puisque 84,5 % des locaux professionnels révisés font l'objet d'un planchonnement communal, soit environ 3,1 millions de locaux.

Sur ces locaux, 2,9 millions sont affectés par une augmentation de leur valeur locative, donnant un intérêt à agir à leurs propriétaires ou leurs exploitants pour former une réclamation. Au 19 juin 2024, il apparait que 108 affaires contentieuses ont été enregistrées au niveau national, pour un contentieux portant sur 37 millions d'euros. Ces 108 affaires sont réparties sur le calcul des impositions dues au titre de 2020 (22), 2021 (21), 2022 (35) et 2023 (30). Au total, quinze directions départementales des finances ont signalé des demandes de recalcul de « planchonnement ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : CONSACRER LA FIXITÉ DU PLANCHONNEMENT JUSQU'EN 2025

L'article 16 modifie le III de l'article 1518 A quinquies du CGI afin de rétablir pour les impositions directes locales dues à compter de 2023 la fixité du planchonnement telle que l'administration fiscale a cherché à l'appliquer jusqu'à présent. Concrètement, pour les impositions dues au titre des années 2023, 2024 et 2025, le planchonnement s'effectuera en comparant la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 à la valeur locative révisée au 1er janvier 2017 (I de l'article 16).

L'entrée en vigueur de cette mesure serait rétroactive pour les impositions à compter de l'exercice 2023, tout en respectant les modalités légales de réclamation389(*). La rétroactivité de la mesure s'appliquerait aux impositions dues au titre de l'année 2023 et 2024 sauf dans l'hypothèse de contentieux introduits devant le juge administratif au plus tard le 10 octobre 2024390(*) débouchant sur une décision de justice exécutoire (II de l'article 16).

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ADOPTER LE DISPOSITIF POUR SÉCURISER LES RESSOURCES FISCALES DES COLLECTIVITÉS TOUT EN S'INTERROGEANT SUR LA CONSTITUTIONNALITÉ D'UN MÉCANISME RÉTROACTIF ORIGINAL

Le rapporteur général considère que la revalorisation des bases locatives qui a été initiée et qui doit être poursuivie constitue un impératif. Le consentement à l'impôt passe par la justice fiscale qui doit conduire le législateur à aligner autant que possible l'assiette des impositions et la valeur économique réelle.

Il considère également que l'État comme les collectivités territoriales doivent pouvoir bénéficier de ressources prévisionnelles fiables. Il est donc essentiel d'éteindre la source contentieuse que constitue la rédaction actuelle de l'article 1518 quinquies A du CGI. C'est pourquoi il propose d'adopter le dispositif proposé par le présent article. Le désaccord d'interprétation entre le juge administratif et l'administration fiscale place cette dernière dans une situation d'autant plus inconfortable qu'elle devrait pour appliquer la jurisprudence du juge modifier les systèmes d'information utilisés pour la détermination des valeurs locatives des locaux professionnels, ce qui n'est techniquement pas faisable dans des délais très brefs.

Le rapporteur général s'interroge toutefois sur la constitutionnalité d'un dispositif rétroactif de fixité du planchonnement, au regard du principe de non-rétroactivité des lois en matière répressive, qui ne peut souffrir d'exceptions qu'au regard d'un « motif d'intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles »391(*). Dans l'évaluation préalable du présent article, le Gouvernement soutient que « pourrait constituer un motif d'intérêt général suffisant la volonté d'éviter un désordre dans le fonctionnement des services publics ». Le rapporteur général partage cette analyse.

En revanche, cette disposition n'a pas d'impact sur la question des impositions dues au titre de l'année 2026. En l'absence de dispositions nouvelles, le planchonnement est en effet le premier amortisseur ayant vocation à disparaître et il ne sera donc plus nécessaire d'en déterminer des modalités de calcul au-delà de 2026.

S'agissant des deux autres amortisseurs (cf. supra), le lissage de la cotisation par tranche de 10 % se poursuivra jusqu'aux impositions dues au titre de l'exercice 2026, tandis que le coefficient de neutralisation s'appliquera aussi longtemps que ne sera pas entrée en vigueur la nouvelle base des valeurs locatives des locaux d'habitation.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 17

Aménagement du régime spécial des fusions à la suite de l'adoption
de l'ordonnance n° 2023-393 du 24 mai 2023 portant réforme du régime
des fusions, scissions, apports partiels d'actifs et opérations transfrontalières des sociétés commerciales

Le présent article procède à une adaptation du régime spécial des fusions (RSF) qui permet, sous certaines conditions, d'assurer la neutralité fiscale des opérations de restructuration économique.

Cet article tire les conséquences de la réforme du régime des fusions, scissions et opérations assimilées prévue par l'ordonnance n° 2023-393 du 24 mai 2023. Cette ordonnance, qui transpose la directive 2019/2121 du 27 novembre 2019 en droit national, a introduit deux nouvelles catégories d'opérations de restructuration économique :

- un nouveau cas de fusion ou de scission sans échange de titres, lorsque les sociétés qui fusionnent sont détenues par les associés dans les mêmes proportions et lorsque ces proportions sont conservées à l'issue de l'opération ;

- un nouveau régime de « scission partielle », applicable tant pour les opérations nationales que transfrontalières.

Le présent article vise donc à adapter les dispositions du code général des impôts (CGI) relatives au RSF, de manière à ce que les deux nouvelles opérations de restructuration créées par l'ordonnance du 24 mai 2023 soient incluses dans le champ d'application de ce régime de faveur.

La commission partage les objectifs poursuivis par cet article qui permet, au regard du droit fiscal, de traiter de manière identique les opérations de restructuration nouvellement créées par l'ordonnance du 23 mai 2024 et les autres opérations prévues dans le droit national. Il permet également de mettre en conformité le régime national des fusions avec le droit européen, qui oblige les États membres à prévoir un régime de neutralité fiscale pour les opérations de restructuration transfrontalières.

La commission regrette toutefois que l'évaluation préalable du présent article ne fournisse aucune estimation du nombre d'opérations de restructuration qui seraient concernées par ces nouvelles dispositions, rendant impossible l'évaluation de leur l'impact budgétaire en 2025.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN RÉGIME FISCAL DÉROGATOIRE A ÉTÉ PRÉVU POUR FAVORISER LES OPÉRATIONS DE RESTRUCTURATION D'ENTREPRISES

Les restructurations d'entreprises sont définies aux articles L. 236-1 à L. 236-32 du code de commerce. Plusieurs types d'opérations doivent être distinguées.

La fusion, définie à l'article L. 236-1 du code de commerce, désigne l'opération par laquelle deux ou plusieurs sociétés réunissent leur patrimoine pour ne plus en former qu'une seule, soit en créant une société nouvelle, soit en les transférant à une société préexistante.

La scission, définie à l'article L. 236-18 du même code, désigne l'opération inverse à la fusion, et se traduit par la transmission du patrimoine d'une société à deux ou plusieurs sociétés préexistantes ou nouvelles.

L'article 236-3 du code du commerce prévoit également des cas où la fusion ou la scission ne s'accompagnent pas d'un échange de titres. C'est le cas :

- lorsque l'ensemble de ces titres sont détenues par la société bénéficiaire ou l'une des sociétés qui disparaissent392(*) ;

- lorsque la fusion ou la scission concerne des « sociétés soeurs » détenues à 100 % par une société mère393(*) ;

- depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 23 mai 2024 (cf. infra), lorsque les sociétés concernées sont détenues par les associés dans les mêmes proportions et que ces proportions sont conservées à l'issue de l'opération394(*).

Enfin, l'apport partiel d'actif, défini à l'article L. 236-27 du même code, consiste en l'apport, par une société sans qu'elle soit dissoute, d'une partie de ses éléments d'actif à une société nouvelle ou préexistante, en contrepartie de la remise de titres représentatifs du capital de la société bénéficiaire de l'apport.

Ces opérations de réorganisation d'entreprises peuvent relever de deux régimes d'impositions :

- le régime de droit commun, prévu aux articles 201 et 221 du code général des impôts (CGI) ;

- le régime spécial des fusions (RSF), prévu aux articles 210-0-A à 210 C du CGI.

A. LE RÉGIME DES FUSION DE DROIT COMMUN IMPLIQUE L'IMPOSITION IMMÉDIATE DES OPÉRATIONS DÉCOULANT DE LA RESTRUCTURATION MAIS S'APPLIQUE EN PRATIQUE DE MANIÈRE EXCEPTIONNELLE

Le régime de droit commun applicable aux cessions d'entreprises est prévu à l'article 201 du CGI, en ce qui concerne les entreprises redevables de l'impôt sur le revenu, et à l'article 221 du CGI en ce qui concerne les entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés.

Le fait de placer une opération de fusion sous le régime de droit commun emporte les conséquences fiscales d'une cessation totale d'entreprise au sens du 2 de l'article 221 du CGI, c'est-à-dire395(*) :

- l'imposition immédiate au nom de la société absorbée de l'ensemble des bénéfices non encore taxés ;

l'imposition du boni de fusion396(*) au nom des associés de la société absorbée en tant que revenus distribués ;

- la fin de la possibilité de reporter en avant les déficits antérieurs de la société.

Les fusions, tout comme les scissions ou les apports d'actif, constituent ainsi des opérations taxables selon le droit commun. Toutefois, ce principe ne s'applique dans les faits que de manière exceptionnelle, puisque généralement, les entreprises concernées par l'opération de restructuration revendiquent le bénéfice du régime spécial prévu par l'article 210 A du code général des impôts.

B. LE RÉGIME SPÉCIAL DES FUSIONS : UN RÉGIME DE NEUTRALITÉ FISCALE VISANT À FACILITER LES REGROUPEMENTS D'ENTREPRISES

Les conséquences fiscales du régime de droit commun peuvent avoir pour effet de dissuader les restructurations en entraînant l'imposition d'opérations ne dégageant pas de liquidités. Pour remédier à ce biais, la loi n° 65-566 du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux ýmobiliers a créé un régime spécial des fusions (RSF) visant à faciliter les regroupements d'entreprises.

1. Le régime spécial des fusions considère les opérations de restructuration comme des opérations « intercalaires » n'entrainant pas d'imposition immédiate

Dans le cadre du RSF, la fusion est considérée comme une opération intercalaire : la société absorbante ou nouvelle est appréhendée, au regard de l'impôt sur les sociétés, comme continuant purement et simplement l'exploitation des sociétés absorbées en se substituant à celles-ci dans leurs droits et obligations397(*).

Par conséquent, la fusion ne donne pas lieu en elle-même à une imposition : un « sursis à imposition » des profits et des plus-values d'apport s'applique dans l'attente de leur réalisation effective. Ainsi, l'article 210-A du code général des impôts indique ainsi que « les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés » et que « l'impôt sur les sociétés n'est applicable aux provisions figurant au bilan de la société absorbée que si elles deviennent sans objet ».

L'article 210-0 A du CGI prévoit que ce dispositif est applicable, sous certaines conditions, aux scissions et apports partiels d'actifs.

Dans la même logique que pour l'imposition de bénéfices, les 1 et 2 de l'article 115 du CGI prévoient un mécanisme de neutralisation de l'imposition de la distribution résultant, pour les associés des sociétés faisant l'objet d'une restructuration, des titres qui leur sont attribués dans le cadre de cette opération.

L'éligibilité d'une restructuration au RSF est conditionnée au respect de conditions cumulatives :

- l'opération doit s'opérer entre entités passibles de l'impôt sur les sociétés398(*) ;

- les apports d'actifs doivent être rémunérés par la remise d'actions ou de parts sociales de la société absorbante aux associés de la société absorbée ;

- l'opération ne doit pas concerner une société ayant son siège dans un État ou territoire n'ayant pas conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales399(*) ;

- l'opération ne doit pas avoir pour objectif principal la fraude ou l'évasion fiscale400(*) ;

- la société absorbante doit s'engager, dans l'acte de fusion, à reprendre à son passif les provisions dont l'imposition est différée et à se substituer à la société absorbée pour la réintégration des résultats dont la prise en compte avait été différée pour l'imposition de cette dernière401(*).

2. Des dispositions spécifiques aux opérations de fusions ou scissions sans échanges de titres

La loi 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés, dite « loi Soilihi », a créé un nouveau régime de fusion ou scission sans échange de titres, ce qui a nécessité, pour garantir l'application d'un régime fiscal comparable entre les différentes catégories d'opérations de restructuration, l'adaptation du RSF. L'article 43 de la LFI pour 2020 ont donc modifié les dispositions du CGI relatives au calcul du bénéfice imposable, au traitement des plus-value de long terme, et à l'application du régime « mère fille » aux revenus distribués.

Ainsi, l'application du RSF aux fusions ou scissions sans échange de titres fait l'objet de dispositions spécifiques :

- dans le cas d'une fusion ou scission sans échange de titre entre sociétés soeurs, l'article 38 du CGI prévoit que l'augmentation d'actif net qui résulte, pour la société absorbante, de cette opération, ne constitue pas un élément de son résultat imposable ;

- dans le cas d'une fusion ou scission sans échange de titre entre une société mère et ses filiales, les dispositions de l'article 145 du CGI offrent la possibilité à la société mère d'exonérer les produits de participations qu'elle perçoit de ses filiales, sous réserve que ces titres soient détenus depuis une durée de 2 ou 5 ans selon les cas de figure définis par ce même article402(*). Lorsque les titres sont apportés dans le cadre d'une fusion relevant du RSF, le point de départ du délai de conservation est la date de souscription ou d'acquisition des titres par la société apporteuse403(*). Le terme du délai est fixé à la date de cession des titres par la société ayant bénéficié de l'apport404(*) ;

- l'article 39 duodecies du même code précise par ailleurs les conditions d'application du régime d'imposition des plus-values de long terme après la réalisation d'une opération de fusion ou de scission sans échange de titres ;

- enfin, l'article 112 du CGI définit les règles relatives à l'imposition des sommes placées en report à nouveau, et qui, à l'occasion d'une fusion ou scission sans émission de titres, sont distribuées aux associés.

C. DE NOUVEAUX CAS DE RESTRUCTURATIONS ONT RÉCEMMENT ÉTÉ PRÉVUS PAR LES LÉGISLATEURS EUROPÉEN ET NATIONAL, NÉCESSITANT UNE NOUVELLE ADAPTATION DU RÉGIME SPÉCIAL DES FUSIONS

La directive 2019/2121 du 27 novembre 2019 modifiant la directive 2017/1132405(*) (dite « directive mobilité ») a introduit de nouvelles règles encadrant la réalisation de transformations et de scissions transfrontalières, et complète le régime applicable aux fusions transfrontalières. Elle a été transposée en droit interne par l'ordonnance n° 2023-393 du 24 mai 2023, ratifiée par l'article 4 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024.

L'article 3 de l'ordonnance du 24 mai 2023 précitée a introduit à l'article L. 236-3 du code de commerce un nouveau cas de fusion ou scission sans échange de titres. Désormais, le champ d'application de ces opérations s'étend aux opérations dans lesquelles les sociétés sont détenues « par les associés des sociétés qui fusionnent dans les mêmes proportions, (...) lorsque ces proportions sont conservées à l'issue de l'opération ».

L'article 5 de l'ordonnance du 24 mai 2023 prévoit également un nouveau cas de « scission partielle », applicable tant pour les opérations nationales que transfrontalières406(*). Ce type de restructuration, défini à l'article 160 ter de la directive 2019/2121 du 27 novembre 2019 comme les cas où « une société scindée transfère une partie de ses éléments d'actif et de passif à une ou plusieurs sociétés bénéficiaires (...) », ne s'appliquait en effet qu'aux opérations transfrontalières.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE EXTENSION DU RÉGIME FISCAL DES FUSIONS AUX NOUVELLES OPÉRATIONS DE RESTRUCTUION ISSUES DE L'ORDONNANCE DU 24 MAI 2023

A. L'APPLICATION DU RÉGIME SPÉCIAL DES FUSIONS À L'ENSEMBLE DES OPÉRATIONS SANS ÉCHANGE DE TITRES

Le a du 3° du I du présent article complète l'article 210-0 A du CGI en incluant parmi les opérations de fusions ou scissions sans échange de titres éligibles au RSF les cas dans lesquels les sociétés fusionnées ou scindées sont détenues par les associés dans les mêmes proportions, si ces proportions sont conservées à l'issue de l'opération.

Par ailleurs, afin de garantir la neutralité fiscale de ces nouvelles opérations, le 1° du I procède à plusieurs coordinations dans le CGI, afin de garantir que le nouveau cas de restructuration réalisée sans échange de titres prévu par l'ordonnance du 24 mai 2023 entre bien dans le champ d'application :

- de l'article 38 relatif à la neutralisation des sommes incorporées aux capitaux propres pour le calcul du bénéfice imposable dans le cadre d'une restructuration sans échange de titres entre deux sociétés soeurs ;

- de l'article 39 duodecies relatif aux conditions d'application du régime des plus-values de long terme après la réalisation d'une opération de restructuration sans échange de titres ;

- du c du I de l'article 145 concernant le délai de conservation des titres éligibles au régime mère-fille dans le cadre d'une restructuration sans échange de titres ;

- du c du 1° de l'article 112 concernant le traitement des sommes incorporées aux capitaux propres à la suite d'une opération de restructuration sans échange de titres.

B. L'ADAPTATION DU RÉGIME SPÉCIAL AUX OPÉRATIONS NATIONALES DE SCISSION PARTIELLE

Le b du 3° du I complète l'article 210-0 A du CGI en intégrant dans son champ d'application les opérations de scissions partielles.

Par ailleurs, le 2° du I modifie l'article 115 du CGI de manière à inclure aux scissions partielles le mécanisme de neutralisation de l'imposition des dividendes résultant, pour les associés des sociétés faisant l'objet d'une restructuration, des titres qui leur sont attribués dans ce cadre.

Le 4° du I permet en outre aux sociétés bénéficiaires d'un apport dans le cadre d'une scission partielle de former un groupe avec les filiales apportées dès l'exercice de l'apport.

Enfin, le II du présent prévoit une application rétroactive des dispositions du présent article aux opérations répondant aux conditions prévues par l'article 13 de l'ordonnance du 24 mai 2023, c'est-à-dire à celles ayant fait l'objet d'un dépôt au greffe du tribunal de commerce à compter du 1er juillet 2023.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE BIENVENUE POUR ASSURER LA NEUTRALITÉ FISCALE DES OPÉRATIONS DE RESTRUCTURATION D'ENTREPRISES

Le rapporteur général partage les objectifs poursuivis par le présent article, qui garantit la neutralisé fiscale de opérations de restructuration économique en traitant de manière identique les nouvelles opérations créées par l'ordonnance du 23 mai 2024 et les autres opérations déjà prévues dans le droit national.

Ces dispositions visent par ailleurs à mettre en conformité le cadre national applicable aux opérations de restructuration avec la « directive fusions » de 2009, qui oblige les États membres à prévoir un régime de neutralité fiscale pour les opérations de restructurations transfrontalières. Cette directive prévoit en effet que les « fusions, scissions, scissions partielles, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents (...) ne devraient pas être entravées par des restrictions, des désavantages ou des distorsions particuliers découlant en particulier des dispositions fiscales des États membres. Il importe, par conséquent, de prévoir pour ces opérations des règles fiscales neutres au regard de la concurrence (...) ».

Le rapporteur général regrette toutefois que l'évaluation préalable du présent article ne fournisse aucune estimation du nombre d'opérations de restructuration qui seraient concernées par ces nouvelles dispositions. Il est par conséquent impossible d'évaluer leur l'impact budgétaire en 2025.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 18

Aménagement des dispositifs de déductions et d'exonérations applicables au secteur agricole

Le présent article modifie trois dispositifs fiscaux applicables aux exploitations agricoles :

- il encourage le recours à la déduction pour épargne de précaution en créant une exonération d'impôt sur le revenu de 30 % des sommes réintégrées au résultat de l'exploitation, lorsque ces dernières sont utilisées pour faire face à certaines pertes résultant d'un évènement sanitaire ou climatique ouvrant droit à indemnisation au titre d'un contrat d'assurance, d'un fonds de mutualisation ou au titre de la solidarité nationale (pour un total en année pleine estimé à 14 millions d'euros) ;

- il institue une provision pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes, qui se substituerait à la déduction créée par la loi de finances pour 2024, afin d'atténuer les effets de l'inflation sur la valeur des stocks des éleveurs bovins. Cette provision, comptablement enregistrée, pourra être imputée à la fois sur le résultat imposable et l'assiette des cotisations sociales, en tenant compte de la hausse réelle de la valeur des stocks de vaches. Pour favoriser une recapitalisation du cheptel bovin, cette provision sera définitivement acquise pour les exploitants qui constateront une hausse en valeur ou en nombre de leur cheptel au terme d'une période de six ans (ce dispositif devrait représenter 90 millions d'euros au titre des dépenses sociales ainsi que 45 millions d'euros de dépenses fiscales, soit un coût global de 135 millions d'euros) ;

- enfin, il relève le taux d'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) en faveur des terres agricoles de 20 % à 30 %, tout en compensant la perte pour le bloc communal (pour un coût estimé de 50 millions d'euros en année pleine).

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE ADAPTATION DU RÉGIME D'IMPOSITION LIÉES AUX SPÉCIFICITÉS DU SECTEUR AGRICOLE

A. LE BÉNÉFICE AGRICOLE EST IMPOSÉ SELON DES RÈGLES SPÉCIFIQUES

Le bénéfice réel d'une exploitation agricole est calculé et imposé selon les modalités applicables aux entreprises industrielles et commerciales, sous réserve de « règles et modalités adaptées aux contraintes et caractéristiques particulières de la production agricole, et de leur incidence sur la gestion » ( article 72 du code général des impôts).

L'imposition des activités agricoles suppose en effet de tenir compte de l'irrégularité potentielle des revenus, d'une rentabilité au temps long et du caractère bien souvent non amortissable des moyens de production : le législateur a donc ouvert la voie à des mécanismes destinés à lisser dans le temps l'imposition ou à atténuer la forte variabilité des éléments pris en compte. Le temps fiscal cherche à épouser la courbe des revenus issus de la production agricole.

Les exploitants agricoles bénéficient en conséquence de la faculté :

- de comptabiliser leurs stocks de produits ou d'animaux jusqu'à la vente de ces biens « à la valeur déterminée à la clôture de l'exercice précédant celui au titre duquel l'option est exercée » ( article 72 bis B du CGI) : en effet, la comptabilisation des stocks de produit ou d'animaux ne peut pas, dans la pratique, être actualisée en continu, en tenant compte de la valeur du produit ou de l'animal au moment même de chaque vente ;

- d'étaler les revenus exceptionnels dans le temps, entendus comme la fraction qui dépasse 25 000 euros et représente au moins une fois et demi la moyenne des revenus des trois années précédentes. Cet étalement peut s'effectuer par fraction sur l'exercice concerné par le revenu exceptionnel et sur les six exercices suivants au maximum, soit une possibilité de fractionner par septième la prise en compte du revenu exceptionnel dans le revenu imposable ( article 75-0-A du CGI)407(*) ;

- de lisser leurs revenus, même s'ils ne sont pas considérés comme exceptionnels, au moyen de deux dispositifs de déduction, la déduction pour épargne de précaution (DEP) et la déduction pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes.

1. La déduction pour épargne de précaution : un outil au bénéfice des exploitants agricoles renforcé ces dernières années par le législateur

Afin que le secteur agricole puisse supporter économiquement un contexte devenu particulièrement défavorable au regard de la hausse des prix de l'énergie, de la baisse du pouvoir d'achat des consommateurs français au cours de la poussée inflationniste de 2023, de la concurrence internationale et de la multiplication des crises alimentaires, animales et climatiques, le législateur a cherché à faciliter le recours des exploitants à la déduction pour épargne de précaution (DEP).

Il s'agit d'un mécanisme incitatif à la constitution d'une épargne professionnelle, institué par l'article 51 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 qui s'est substitué à la déduction pour investissement (DPI) et à la déduction pour aléa (DPA). Initialement bornée au 31 décembre 2022, la DEP a été prorogée jusqu'au 31 décembre 2025 par la loi de finances pour 2023.

Concrètement, l'exploitant ampute son revenu imposable en plaçant une somme qu'il garde pour affronter de futurs aléas. Le montant plafond des sommes concernées et le type de dépenses vers lesquelles ces sommes doivent être orientées est déterminé par le législateur. Ces montants sont réactualisés chaque année en fonction de l'indice des prix ( article 34 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023).

Ils ont de surcroit fait l'objet d'une revalorisation exceptionnelle en loi de finances pour 2024 ( article 94 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024) qui s'est traduite, à l'article 73 du code général des impôts, par l'application, depuis le 1er janvier 2024, des plafonds de déduction pour épargne de précaution (DEP) suivants pour chacune des cinq tranches concernées :

la totalité du bénéfice imposable, jusqu'à 32 608 euros de revenu imposable (contre 28 612 euros auparavant, soit une hausse de 13,9 % du fait de la loi de finances pour 2024) ;

32 608 euros (au lieu de 28 612 euros), majorés de 30 % du bénéfice au-delà, entre 32 608 euros et 60 385 euros (contre 52 985 euros auparavant) ;

40 942 euros (au lieu de 35 924 euros), majorés de 20 % du bénéfice au-delà de 60 385 euros, pour un bénéficie compris entre 60 385 euros et 90 579 euros (contre 79 478 euros auparavant) ;

46 979 euros (au lieu de 41 222 euros), majorés de 10 % du bénéfice au-delà de 90 579 euros (au lieu de 79 478 euros), entre 90 579 euros et 120 771 euros (contre 105 970 euros auparavant) ;

50 000 euros (au lieu de 43 872 euros), au-delà de 120 771 euros (contre 105 970 euros auparavant).

L'article 73 du CGI prévoit en outre la situation des groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) et des exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) qui n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux : les plafonds qui leur sont applicables sont multipliés par le nombre d'associés exploitants, dans la limite de quatre, sans pouvoir excéder le montant du bénéfice imposable.

De surcroit, cette déduction est pratiquée après application de différents abattement fiscaux applicables dans certains territoires au régime fiscal particulier :

- les bassins d'emploi à redynamiser ( article 44 duodecies du CGI) ;

- les zones de restructuration de la défense ( article 44 terdecies du CGI) ;

- les départements, régions ou collectivités à statut unique d'outre-mer relevant de l'article 73 de la Constitution : Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion ( article 44 quaterdecies du CGI).

De la même manière, la DEP est calculée sur la base d'un revenu imposable déterminé après déduction d'abattements s'appliquant spécifiquement aux jeunes agriculteurs ( article 73 B du CGI).

Afin d'orienter cette épargne vers la protection effective de l'exploitant contre les aléas, plusieurs mécanismes encadrent son utilisation. L'exploitant agricole doit inscrire sur un compte dédié une somme représentant entre 50 % et 100 % du montant de la déduction dans les six mois suivant la clôture de l'exercice et au plus tard à la date limite de dépôt de la déclaration des résultats se rapportant à l'exercice au titre duquel la déduction est pratiquée. Il peut, dans une certaine limite, substituer à l'épargne monétaire une « épargne » correspond aux coûts engendrés par l'acquisition ou la production des stocks de fourrage destinés à être consommés par les animaux de l'exploitation ou des stocks à rotation lente, c'est-à-dire dont le cycle de rotation est supérieur à un an (cf. infra).

Les montants déduits du revenu imposable par le biais de la DEP doivent être utilisés pour des dépenses professionnelles effectuées lors des dix exercices qui suivent celui au cours duquel la déduction a été effectuée.

2. La déduction pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes : un mécanisme récent qui ne permet pas encore de contrecarrer la diminution du cheptel

L'instauration d'une déduction fiscale pour hausse de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes résulte de l' article 70 de la loi de finances pour 2024, adopté dans un contexte d'augmentation de la valeur des prix agricoles décorrélée de la valeur effective des biens, consécutive à une hausse du prix des matières premières agricoles depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par les russes.

Ce contexte a conduit à augmenter artificiellement les actifs agricoles et donc le bénéfice imposable des éleveurs alors que la situation des exploitants demeurait préoccupante, en surévaluant la valeur de leurs produits ou de leurs animaux. Cette nouvelle déduction fiscale a été instaurée afin de permettre aux éleveurs de lisser dans le temps les effets fiscaux de cette revalorisation, et afin de leur permettre de ne pas amputer leur trésorerie.

Le recours à la déduction pour hausse de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes est ouvert à l'exploitant qui constate une hausse de la valeur de ses stocks supérieure de 10 % au moins à la valeur lors de l'ouverture de l'exercice précédent ou de l'ouverture de l'exercice considéré (en neutralisant l'effet nombre d'animaux composant le cheptel). La déduction est applicable pour un montant de 150 euros par vache pouvant s'appliquer jusqu'à un plafond de 15 000 euros. Les sommes déduites doivent ensuite être rapportées au résultat imposable de l'exercice de sortie du stock, ou au plus tard, au résultat du sixième exercice suivant celui au titre duquel la déduction a été pratiquée. La réintégration peut être reportée si la sortie du stock a été compensée par l'entrée d'une nouvelle tête au cours du même exercice. Par ailleurs, la déduction pour stock de vaches laitières ou allaitantes n'est pas cumulable avec le dispositif de blocage des stocks à rotation lente.

À ce stade, ce mécanisme, exclusivement fiscal, n'a pas eu les effets escomptés attendus par les éleveurs qui font face à une forte hausse des importations de vaches laitières et allaitantes en raison de la baisse du cheptel français408(*), directement issue de la baisse du nombre d'exploitations, laquelle est bien plus rapide que la baisse de la consommation.

B. LES EXPLOITANTS AGRICOLES SONT PARTIELLEMENT EXONÉRÉS DE TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS NON BÂTIES DANS DES CAS LIMITATIVEMENT ÉNUMÉRÉS

La taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) est due annuellement par tout propriétaire d'un terrain situé en France. Son montant est calculé sur le fondement de la « valeur locative cadastrale » après application d'une déduction de 20 % ( article 1 396 du CGI). Le produit de la TFNB, environ 1,25 milliard d'euros en 2023409(*), est alloué au bloc communal. La TFNB fait l'objet d'un régime complexe d'exonérations qui peuvent être permanentes ou temporaires. Les exonérations décidées par le législateur donnent lieu à une compensation de l'État aux collectivités percevant les recettes de TFNB. Ces compensations s'élevaient à 117 millions d'euros en 2023 d'après les évaluations annexées au projet de loi de finances pour 2025.

Certaines catégories de propriétés non bâties font l'objet d'une exonération permanente de la taxe : sans prétendre à l'exhaustivité, on citera les routes nationales, les chemins départementaux, les voies communales, les rivières, les cimetières, les jardins attenants aux bâtiments publics ou encore les sols et terrains passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties ( article 1 394 du CGI). 

En outre, l'article 18 de l'Instruction générale sur l'évaluation des propriétés non bâties du 31 décembre 1908 regroupe en treize grandes catégories les propriétés non bâties dont certaines font l'objet d'exonérations totales ou partielles de TFNB.

Les treize catégories de propriétés non bâties définies par l'instruction ministérielle du 31 décembre 1908

1° Terres ;

2° Prés et prairies naturels, herbages et pâturages ;

3° Vergers et cultures fruitières d'arbres et arbustes, etc. ;

4° Vignes ;

5° Bois, aulnaies, saussaies, oseraies, etc. ;

6° Landes, pâtis, bruyères, marais, terres vaines et vagues, etc. ;

7° Carrières, ardoisières, sablières, tourbières, etc. ;

8° Lacs, étangs, mares, abreuvoirs, fontaines, etc., canaux non navigables et dépendances : salins, salines et marais salants ;

9° Jardins autres que les jardins d'agrément et terrains affectés à la culture maraîchère, florale et d'ornementation ; pépinières, etc. ;

10° Chantiers, lieux de dépôt, terrains à bâtir, rues privées, etc. ;

11° Terrains d'agrément, parcs, jardins, pièces d'eau, etc. ;

12° Chemins de fer, canaux de navigation et dépendances ;

13° Sols des propriétés bâties et des bâtiments ruraux, cours et dépendances, etc.

Parmi ces treize catégories, les propriétés non bâties constituant des terrains à usage agricole (c'est-à-dire les 1° à 9° à l'exception du 7°) bénéficient d'exonérations de TFNB dont le taux varie selon leur localisation :

- en totalité lorsqu'ils sont situés en Corse ( article 3 de la loi n° 94-1131 du 27 décembre 1994 portant statut fiscal de la Corse) ;

- à hauteur de 80 % lorsqu'ils sont situés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion ;

- à concurrence de 20 % sur le reste du territoire français ( article 1394 B bis du CGI).

Par ailleurs, les assemblées délibérantes des entités du bloc communal peuvent instaurer certaines exonérations de TFNB pour les terrains, agricoles ou non, plantés en oliviers ainsi que pour les terrains soumis à « obligation réelle environnementale » (ORE), un contrat signé par son propriétaire en vue de protéger la biodiversité sur sa propriété.

D'autres exonérations de TFNB sont temporaires ( articles 1 395 à 1 395 G du CGI).

Exonérations temporaires de TFNB résultant des articles 1395 à 1395 G
du code général des impôts

Catégories

Taux d'exonération

Durée

Terrains ensemencés, plantés ou replantés en bois

100 %

30 premières années (10 ans pour les peupleraies / 50 ans pour les feuillus et bois non résineux)

Terrains boisés en nature de futaies ou de taillis sous futaie autres que des peupleraies qui ont fait l'objet d'une régénération naturelle

100 %

30 ans à partir de la déclaration de réussite de la régénération pour les bois résineux (50 ans pour les bois feuillus et autres bois)

Terrains nouvellement plantés en arbres truffiers

100 %

50 premières années

Propriétés classées dans les 2e et 6e catégories de l'instruction de 1908 (*) situées en zones naturelles et respectant des conditions d'engagement

100 %

5 ans renouvelables

Propriétés classées dans les 1ère, 2e, 3e, 5e, 6e et 8e catégories de l'instruction ministérielle du 31 décembre 1908 situées sur un site Natura 2000 et respectant des conditions d'engagement

100 %

Propriétés classées dans les 2e et 6e catégories de l'instruction ministérielle du 31 décembre 1908 situées en zones humides et respectant des conditions d'engagement

50 %

Terrains boisés présentant un état de futaie irrégulière en équilibre de régénération

25 %

15 ans (renouvelables) à partir de la déclaration de l'état.

Source : Commission des finances du Sénat

Les assemblées délibérantes des entités du bloc communal peuvent instaurer certaines exonérations de TFNB. Cela concerne :

- les terrains nouvellement plantés en noyers ( article 1395 A du CGI), les cultures fruitières d'arbres et arbustes et les vignes vergers ( article 1395 A bis du CGI) pour une exonération allant jusqu'à huit ans ;

- les bois et forêts relevant du régime forestier en Guyane pour une exonération allant jusqu'à huit ans ( article 1395 A ter) ;

- les terrains à usage agricole exploités selon un mode de production biologique pour une exonération totale pendant cinq ans ( article 1 395 G).

L' article L. 415-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit, s'agissant des terres agricoles louées, que le montant de l'exonération doit être « intégralement rétrocédé aux preneurs des terres considérées » : c'est pourquoi l'exploitant qui bénéficie de cette exonération doit la déduire du montant de TFNB que celui-ci rembourse au propriétaire du terrain. Le contrat de bail prévoit en effet, dans le cas des fermages et des métayages, une répartition libre du paiement de la TFNB entre l'exploitant et le propriétaire 410(*).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : ATTÉNUER LA PRESSION FISCALE SUR LES REVENUS AGRICOLES EN ÉLARGISSANT LE PÉRIMÈTRE DES DÉDUCTIBILITÉS

A. DÉDUIRE UNE PARTIE DE LA DEP RÉINTÉGRÉE AU RÉSULTAT LORSQU'IL S'AGIT DE FAIRE FACE À UN ALÉA CLIMATIQUE, SANITAIRE OU ENVIRONNEMENTAL

La densification et la multiplication d'évènements climatiques et sanitaires de forte intensité conduit le Gouvernement à proposer des mécanismes incitatifs à la constitution d'une trésorerie prudentielle plus développée de la part des exploitants agricoles en parallèle de la réforme du système assurantiel des agriculteurs qui se déploie progressivement.

C'est pourquoi le 1° du I de l'article 18 modifie l' article 73 du CGI afin d'exonérer d'impôt sur le revenu une partie des sommes préalablement déduites au titre de la DEP et réintégrées au résultat imposable.

Les sommes rapportées par l'exploitant à son résultat ne seront imposables qu'à hauteur de 70 % de leur montant, dans un plafond de 50 000 euros par exercice, si elles ont été utilisées pour faire face aux dépenses résultant de la survenance d'un aléa climatique, sanitaire ou environnemental.

Trois situations d'utilisation de l'épargne de précaution ouvriraient droit au déclenchement du mécanisme. Il s'agit des dépenses engagées pour faire face :

- à l'apparition d'un foyer de maladie animale ou végétale ou d'un incident environnemental remplissant les conditions pour ouvrir droit à une indemnisation par un fonds de mutualisation agréé. L'article L. 361-3 du code rural et de la pêche maritime renvoie à un décret le soin de fixer ces conditions, lesquelles sont donc définies à l' article R. 361-51 du même code. Sont concernées les maladies réglementées411(*), les maladies émergentes, certaines maladies identifiées par le ministre de l'agriculture et quelques situations résultant d'organismes nuisibles ;

- à une « perte de récoltes ou de cultures liée à des dommages du fait d'aléas climatiques (...) remplissant les conditions pour ouvrir droit à une indemnisation au titre des contrats d'assurance412(*) (...) ou fondée sur la solidarité nationale » ;

- à des pertes, ouvrant droit à indemnisation, résultant des « calamités agricoles » entendues comme « les dommages résultant de risques, autres que ceux considérés comme assurables (...) d'importance exceptionnelle dus à des variations anormales d'intensité d'un agent naturel climatique, lorsque les moyens techniques de lutte préventive ou curative employés habituellement dans l'agriculture, compte tenu des modes de production considérés, n'ont pu être utilisés ou se sont révélés insuffisants ou inopérants » ( article L. 361-5 du code rural et de la pêche maritime).

B. TRANSFORMER LA DÉDUCTION POUR STOCK DE VACHES EN UNE PROVISION

Dans le cadre du « plan gouvernemental renforcé de reconquête de notre souveraineté sur l'élevage », le Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé, en février 2024, une réforme de la déduction pour stock de vaches afin de la transformer en provision comptable pour générer des effets à la fois sociaux et fiscaux et inciter à la recapitalisation du cheptel (cf. supra).

Cette promesse fait l'objet du 2° du I du présent article 18 qui rétablit un article 73 A au sein du code général des impôts et institue une provision pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes. Cette provision, à la différence de la déduction actuellement existante, a vocation à être comptablement enregistrée : elle minorera à la fois le résultat imposable et l'assiette des cotisations sociales de l'exploitant.

Les entreprises sont autorisées à déduire de leur résultat fiscal, d'une part, les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou des charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables ( 5° de l'article 39 du CGI) et, d'autre part, certaines provisions dites « réglementées ». Parmi ces provisions réglementées figurent la provision pour hausse de prix qui permet aux entreprises de déduire une part des dépenses destinées à reconstituer leur stock lors de séquences inflationnistes.

Le dispositif proposé sera applicable au titre des exercices clos entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2027, ce qui entrainera une application simultanée du régime de déduction créé l'an dernier (jusqu'à ce qu'il épuise ses effets) et du nouveau régime de provision. C'est pourquoi les deux dispositifs ne seraient pas cumulables (B du III de l'article 73 A du CGI rétabli par le présent article).

La provision instituée par le présent article s'applique aux stocks de vaches laitières et allaitantes lorsqu'il est constaté une hausse de la valeur de ces stocks entre l'ouverture et la clôture d'un même exercice, dans la limite de 15 000 euros par exercice. Le recours au dispositif est facilité par rapport aux critères de la déduction instituée par la loi de finances pour 2024, puisque toute augmentation de la valeur des stocks permet de constituer une provision (il faut une hausse de la valeur des stocks d'au moins 10 % pour le régime de la déduction actuellement en vigueur) et son montant tient désormais compte de la hausse réelle413(*) de la valeur des stocks (ce montant est forfaitisé à hauteur de 150 euros par tête avec le régime de la déduction en place actuellement).

Pour inciter les exploitants à s'inscrire dans une démarche de contractualisation pluriannuelle, et donc atténuer la forte volatilité des revenus agricole, l'article 73 A qu'il est proposé de rétablir au sein du CGI prévoirait ainsi de minorer le montant de la réduction en cas d'absence de conclusion d'un contrat de vente de produits agricoles (au sens de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche). Le montant de la provision et son plafond serait dégressif (aucune minoration pour les exercices clos en 2024, minoration de 10 % pour les exercices clos en 2025, 20 % en 2026 et 25 % en 2027).

Le reliquat de provision doit être repris au plus tard au titre du sixième exercice suivant lequel cette dernière a été pratiquée. Cependant, si une hausse en valeur ou en nombre du cheptel par rapport à l'exercice au cours duquel la provision a été pratiquée est constatée à l'issue du sixième exercice, l'exploitant en est exonéré, toujours pour inciter à la recapitalisation du cheptel laitier et allaitant.

C. RELEVER L'EXONÉRATION DE TFNB

L'article 18 vise enfin à relever l'exonération de taxe foncière sur le non bâti dont bénéficient les exploitants de terres agricoles en majorant le taux d'exonération mentionné au I de l' article 1394 B bis du CGI de 20 à 30 % (3° du I du présent article 18).

Il procède en conséquence (II de l'article 18) aux coordinations nécessaires à l'article L. 415-3 du code rural et de la pêche maritime qui fixe les modalités de rétrocession de la part de TFNB supérieure au taux exonéré aux « preneurs des terres » (désormais la rétrocession s'effectuerait pour la part supérieure à 30 %, et non plus au-delà de 20 %, avec application d'un coefficient multiplicateur sur le différentiel qui ne serait plus de 1,25 mais de 1,43).

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ADOPTER UN DISPOSITIF QUI TRADUIT LES ENGAGEMENTS PRIS PAR LE GOUVERNEMENT PRÉCÉDENT

La commission des finances s'est prononcée en faveur des trois dispositifs proposés, en relevant l'effort financier important qu'ils représentaient : selon les estimations fournies par le Gouvernement, les différentes mesures prévues par le présent article auront un coût global d'approximativement 200 millions d'euros pour l'État et la sécurité sociale suivant les années, dont un peu moins de la moitié sera supporté par la sécurité sociale (55 millions d'euros de dépenses fiscales par an pour la provision pour stock de vaches ainsi que 90 millions d'euros de dépenses sociales50 millions d'euros pour le rehaussement de dix points de l'exonération de TFNB et 14 millions d'euros pour la DEP).

Le rapporteur général a précisé, s'agissant du rehaussement du taux d'exonération de TFNB de 20 % à 30 %, que les représentants qu'ils avaient auditionnés lui avaient fait savoir que ce rehaussement ne résolvait pas les quelques contentieux de répartition de l'exonération entre propriétaires et fermier : il arrive fréquemment que la rétrocession pourtant prévue par la loi ne soit pas pratiquée.

De manière plus générale, la commission a tenu à envisager le présent article à l'aune de l'ensemble des dispositifs actuellement examinés par les pouvoirs publics pour répondre aux attentes des agriculteurs à la suite des tensions sociales qu'ont connues de nombreux États européens, dont la France, au premier semestre 2024, et qui ont conduit le Gouvernement de Gabriel Attal, puis le Gouvernement de Michel Barnier, à formaliser 70 engagements en faveur des agriculteurs.

Certaines aides d'urgence ont d'ores et déjà été versées en cours d'année 2024 pour un total de 270 millions d'euros destinés à plus de 30 000 agriculteurs (fonds d'urgence pour les agriculteurs dont le troupeau est touché par la maladie hémorragique épizootique MHE, aide d'urgence pour l'agriculture biologique, fonds d'urgence pour la filière viticole, fonds d'urgence en raison des aléas climatiques, etc.).

D'autres mesures d'urgences ont été annoncées et sont en cours de mobilisation : un fonds hydraulique agricole (20 millions d'euros), un fonds pour l'agriculture méditerranéenne doté de 50 millions d'euros (dont 30 millions d'euros feront l'objet d'un appel à projet qui sera lancé par FranceAgriMer au mois de décembre prochain).

Certaines mesures attendues, non budgétaires ou fiscales, ont par ailleurs été prises (nouveau plan national « loup », publication de mesures règlementaires sur le contentieux agricole, sur les obligations légales de débroussaillement, sur la simplification des mesures administratives préalables au curage, etc.) ou ont vocation à être prises à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (prise en compte des 25 meilleures années pour le calcul de la pension de retraite, relèvement de 1,2 à 1,25 SMIC du seuil de dégressivité du dispositif travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi, dit TODE) ou du projet de loi d'orientation agricole dont l'examen devrait reprendre en janvier 2025.

Les dispositions du présent article permettent donc de tenir un nombre significatif d'engagements pris par le précédent Gouvernement et le rapporteur général souscrit à leur objectif.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 19

Mesures d'incitation à la transmission des exploitations agricoles
au profit de jeunes agriculteurs

Le présent article prévoit une série de mesures incitatives à la transmission des exploitations agricoles au profit de jeunes agriculteurs s'installant pour la première fois. Elles s'inscrivent dans le plan de 77 mesures présenté lors du 3e conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO) du 13 juin 2024 relatif à la simplification et comprennent :

- un renforcement du dispositif d'abattement sur les plus-values de cession de titres lorsque la cession est réalisée au profit d'un jeune agriculteur (article 150-0 D ter du code général des impôts) ;

- un relèvement du seuil de recettes ouvrant droit à une exonération sur plus-values professionnelles de cessions d'une entreprise exerçant une activité agricole (article 151 septies du CGI) ;

- une extension du champ d'application de l'exonération des plus-values de cession de droits ou parts d'une société ou d'un groupement relevant de l'impôt sur le revenu, dégagées à l'occasion du départ à la retraite du cédant (article 151 septies A du CGI) ;

- un rehaussement des seuils et plafonds du dispositif d'exonération des plus-values réalisées à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité (article 238 quindecies du CGI) ;

- un relèvement du seuil d'exonération partielle des DMTG pour les biens ruraux loués à de jeunes agriculteurs (article 793 bis du CGI).

Par ailleurs, cet article prévoit une revalorisation du seuil micro-exploitant applicable aux groupements agricoles d'exploitation en commun et une actualisation des références juridiques relatives aux jeunes agriculteurs (prévues à l'article 73 B du CGI).

Si les dépenses fiscales en faveur de la transmission peuvent bénéficier aux exploitants agricoles, il existe, en l'état du droit, peu de dispositifs spécifiques aux jeunes agriculteurs. Il en ressort que la cession des terres au profit de l'agrandissement d'une ferme existante ou d'un changement de destination des terres apparaît bien souvent plus attractive pour le cédant.

Pour cette raison, les dispositions du présent article devraient renforcer les incitations à la transmission des exploitations à de jeunes agriculteurs alors que le secteur primaire se trouve confronté à un enjeu de renouvellement générationnel.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA TRANSMISSION DES EXPLOITATIONS AGRICOLES EST FAVORISÉE PAR UNE SÉRIE DE DÉPENSES FISCALES INCITATIVES

A. LA DÉFINITION DU STATUT DE JEUNE AGRICULTEUR

Le statut de jeune agriculteur renvoie au régime juridique d'attribution des aides à l'installation des jeunes agriculteurs, en application de la programmation de la politique agricole commune (PAC). Ces aides à l'installation, dont le cadre juridique est fixé aux articles D. 343-2 à D. 343-25-6 du code rural et de la pêche maritime, sont constitués d'une dotation jeunes agriculteurs en capital et de prêts bonifiés à moyen terme spéciaux414(*). La dotation jeunes agriculteurs est financée à 80 % par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Elle poursuit un double objectif de soutien au niveau de vie des agriculteurs et de constitution d'une base de fonds propres visant à remédier à une faible capacité d'autofinancement des exploitations, notamment en phase de démarrage.

Pour être éligible aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs, l'agriculteur candidat au bénéfice de ces aides doit satisfaire une série de conditions cumulatives415(*), à savoir :

- être âgé de moins de quarante ans à la date du dépôt de la demande ;

- être de nationalité française ou ressortissant d'un autre État membre de l'Union européenne (UE), ou ressortissant d'un pays non membre de l'UE et justifier d'un titre de séjour l'autorisant à travailler sur le territoire français ;

- s'installer pour la première fois comme chef d'exploitation, à titre individuel ou comme associé exploitant non salarié ;

- justifier, à la date du dépôt de la demande d'aide, de la capacité professionnelle agricole attestée par la possession cumulée, en premier lieu, d'un diplôme titre, ou certificat enregistré au répertoire national des certifications professionnelles, de niveau égal ou supérieur au baccalauréat professionnel spécialité « conduite et gestion de l'entreprise agricole » ou au brevet professionnel option « responsable d'entreprise agricole », procurant une qualification correspondant à l'exercice du métier de responsable d'exploitation agricole, ou d'un diplôme européen équivalent et, d'autre part, d'un plan de professionnalisation personnalisé validé par le préfet de département ;

- présenter dans un plan d'entreprise un projet de développement de l'exploitation d'une durée de quatre ans viable ;

- s'installer sur une exploitation répondant à la définition de micro ou petite entreprise416(*) ;

- s'installer sur une exploitation répondant à des exigences minimales et maximales de potentiel de production brute standard (PBS) définies par arrêté du ministre chargé de l'agriculture.

À noter que deux dispositifs fiscaux soutenant l'installation des jeunes agriculteurs ne sont pas visés par le présent article :

- d'une part, le dégrèvement temporaire de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les parcelles exploitées par les jeunes agriculteurs bénéficiant d'une aide à l'installation (article 1647-00 bis du CGI) ;

- d'autre part, le taux réduit à 0,70 % (contre 3,80 %) de la taxe sur la publicité foncière ou du droit d'enregistrement pour l'acquisition par un jeune agriculteur d'un immeuble situé dans une zone France ruralités revitalisation ou FRR (I du E de l'article 1594 F quinquies du CGI) et lorsqu'un nouvel acquéreur d'un immeuble en FRR s'engage à le louer par bail rural à long terme ou cessible à un jeune agriculteur (II du E de l'article 1594 F quinquies du CGI).

B. DES DISPOSITIFS D'INCITATION À LA CESSION ET À LA TRANSMISSION D'ENTREPRISES QUI PEUVENT BÉNÉFICIER AUX EXPLOITANTS AGRICOLES

1. Un abattement d'assiette sur les plus-values de cession de titres réalisées par les dirigeants de PME partant à la retraite

L'article 150-0 D ter du code général des impôts prévoit un abattement d'assiette fixe de 500 000 euros sur les plus-values de cession de titres réalisées entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2024 par les dirigeants de petites et moyennes entreprises (PME) soumises à l'impôt sur les sociétés partant à la retraite417(*).

L'abattement est applicable en cas de départ à la retraite du dirigeant dans les deux ans suivant ou précédant la cession. Il porte sur les gains nets retirés de la cession à titre onéreux ou du rachat par la société émettrice d'actions, de parts de sociétés ou de droits démembrés pourtant sur ces actions ou ces parts. Cet abattement sur le montant de la plus-value est fixe et ne dépend pas de la valeur des éléments cédés.

En application de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, cinq conditions cumulatives subordonnent le bénéfice de cet abattement :

- premièrement, la cession doit porter sur l'intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant dans la société dont les titres ou droits sont cédés ou sur plus de 50 % des droits de vote ou, dans le cas où seul l'usufruit est détenu, sur plus de 50 % des droits dans les bénéfices sociaux de cette société ;

- deuxièmement, le cédant doit avoir exercé de manière continue, durant les cinq dernières années précédant la cession, les fonctions de gérant (société à responsabilité limitée ou en commandite), d'associé en nom (société de personnes), ou encore de président, de directeur général, de président du conseil de surveillance ou de membre du directoire (société par actions). Ces fonctions doivent avoir été effectivement exercées et avoir donné lieu à une rémunération normale. Cette dernière, qui doit représenter au moins la moitié des revenus du cédant à l'exclusion des revenus non professionnels, est soumise à l'impôt sur le revenu. Le cédant, ou l'un de ses ayants droit418(*), doit avoir détenu directement ou par l'intermédiaire d'une société au moins 25 % des droits de vote dans les cinq ans précédant la cession. Enfin, il doit avoir cédé toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et avoir fait valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession ;

- troisièmement, la société dont les titres ou droits sont cédés doit être une petite ou moyenne entreprise au sens de l'annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014419(*), exercer depuis au moins cinq ans une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière et être soumis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ;

- quatrièmement, les titres ou droits cédés doivent avoir été détenus depuis au moins un an à la date de la cession ;

- cinquièmement, le cédant ne doit pas détenir, directement ou indirectement, de droits de vote ou de droits dans les bénéfices sociaux de l'entreprise cessionnaire.

Initialement applicable jusqu'en 2013, ce dispositif a été prorogé jusqu'en 2017 par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 puis jusqu'en 2024 par la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

2. Un régime d'exonération des plus-values en faveur des entreprises soumises à l'impôt sur le revenu

Aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts, les plus-values professionnelles de cessions réalisées dans le cadre d'une activité de nature commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, exercée à titre professionnel, en fonction des recettes réalisées par l'entreprise, sont exonérées d'imposition, sous conditions. L'exonération est conditionnée à ce que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans420(*).

Elle peut être totale ou partielle, selon des seuils liés au montant des recettes annuelles de l'entreprise. Ces seuils varient selon la nature de l'entreprise, l'article 151 septies retenant trois types d'entreprises : les entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement ; les entreprises non agricoles ou les titulaires de bénéfices non commerciaux et les entreprises exerçant une activité agricole.

Lorsque l'exonération est partielle, la détermination du montant exonéré de la plus-value est déterminée en lui appliquant un taux dont le calcul est précisé à l'article 151 septies, et détaillé dans le tableau infra.

À noter que les seuils spécifiques, lorsque les plus-values sont réalisées par des entreprises exerçant une activité agricole, sont issus de l'article 94 de la loi de finances pour 2024421(*) qui a porté le seuil d'exonération total à 350 000 euros au lieu de 250 000 euros et le seuil d'exonération partielle à 450 000 euros au lieu de 350 000 euros. Cette mesure s'inscrivait en compensation de l'augmentation des tarifs d'accise réduits dont bénéficient le secteur agricole sur le gazole non routier.

Application de l'exonération prévue à l'article 151 septies du CGI

Catégorie d'entreprise

Seuil d'exonération totale

Seuil d'exonération partielle

Détermination du montant de l'exonération

Entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement

250 000 euros

Entre 250 000 et 350 000 euros

Application au montant de la plus-value d'un taux égal au rapport entre, au numérateur, la différence entre 350 000 euros et le montant des recettes et, au dénominateur, le montant de 100 000 euros

Entreprises non agricoles ou les titulaires de bénéfices non commerciaux

90 000 euros

Entre 90 000 et 126 000 euros

Application au montant de la plus-value d'un un taux égal au rapport entre, au numérateur, la différence entre 126 000 euros et le montant des recettes et, au dénominateur, le montant de 36 000 euros

Entreprises exerçant une activité agricole

350 000 euros

Entre 350 000 et 450 000 euros

Application au montant de la plus-value d'un taux égal au rapport entre, au numérateur, la différence entre 450 000 euros et le montant des recettes et, au dénominateur, le montant de 100 000 euros

Source : commission des finances d'après l'article 151 septies du CGI

3. Une exonération d'impôt des plus-values professionnelles de cession lors du départ à la retraite du cédant

L'article 151 septies A du code général des impôts prévoit une exonération d'impôt des plus-values professionnelles de cessions réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole à l'occasion du départ à la retraite, sous réserve notamment que le cédant cesse toute fonction dans l'entreprise cédée et fasse valoir ses droits à la retraite dans les deux ans suivant ou précédant la cession.

Pour rappel, les plus-values professionnelles désignent les profits à caractère exceptionnel et imposable dégagés lors de la cession volontaire d'un actif immobilisé d'une entreprise. Elles sont définies aux articles 39 duodecies à 39 quindecies du code général des impôts.

L'exonération prévue à l'article 151 septies A du CGI est subordonnée au respect de six conditions cumulatives :

- l'activité doit avoir été effectuée pendant cinq ans ;

- la cession doit être réalisée à titre onéreux et porter sur une entreprise individuelle ou sur l'intégralité des droits ou parts détenus par un contribuable qui exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société ou d'un groupement dont les bénéfices sont soumis en son nom à l'impôt sur le revenu et qui sont considérés comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession ;

- le cédant doit cesser toute fonction dans l'entreprise individuelle cédée ou dans la société ou le groupement dont les droits ou parts sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite, dans les deux années suivant ou précédant la cession ;

- il ne doit pas détenir, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de l'entreprise cessionnaire ;

- l'entreprise individuelle cédée ou la société ou le groupement dont les droits ou parts sont cédés emploie moins de 250 salariés et soit a réalisé un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros au cours de l'exercice, soit à un total de bilan inférieur à 43 millions d'euros ;

- le capital ou les droits de vote de la société ou du groupement dont les droits ou parts sont cédés ne sont pas détenus à hauteur de 25 % ou plus par une entreprise ou par plusieurs entreprises ne répondant pas aux conditions précisées supra, de manière continue au cours de l'exercice.

4. Une exonération d'impôt des plus-values professionnelles conditionnée au prix ou à la valeur des éléments transmis

Aux termes de l'article 238 quindecies du code général des impôts, les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole lors de la transmission, à titre onéreux ou à titre gratuit, d'une entreprise individuelle, d'une branche complète d'activité ou, par assimilation, de l'intégralité des droits ou parts de sociétés de personnes considérés comme des éléments d'actif professionnels peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d'une exonération d'impôt422(*).

Cette exonération est totale lorsque le prix stipulé des éléments transmis, ou leur valeur vénale, auxquels sont ajoutées les charges en capital et les indemnités stipulées au profit du cédant, est inférieur à 500 000 euros, et partielle lorsque ce prix ou cette valeur est compris entre 500 000 euros et 1 000 000 euros. Dans ce dernier cas, le montant exonéré des plus-values est déterminé en leur appliquant un taux égal au rapport entre, au numérateur, la différence entre le montant de 1 000 000 euros et la valeur des éléments transmis et, au dénominateur, le montant de 500 000 euros.

Le bénéfice de cette exonération est subordonné au respect de plusieurs conditions :

- l'activité doit avoir été exercée pendant au moins cinq ans ;

- la personne à l'origine de la transmission est soit une entreprise dont les résultats sont soumis à l'impôt sur le revenu ou un contribuable qui exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu, soit un organisme sans but lucratif, soit collectivité territoriale, un établissement public de coopération intercommunale ou l'un de leurs établissements publics. Il peut également s'agir d'une une société soumise à l'impôt sur les sociétés, sous certaines conditions (une PME, dont aucune autre société ne détient plus de 25 % des droits, avec une clause dérogatoire pour les sociétés de capital-risque) ;

- le cédant ou l'un de ses associés qui détient directement ou indirectement au moins 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux ou y exerce une direction effective ne peut pas exercer la direction effective ou détenir au moins 50 % des parts de l'entreprise cessionnaire.

Lorsque la personne à l'origine de la transmission est une société soumise à l'impôt sur les sociétés, le bénéfice de l'exonération constitue une aide d'État au sens des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Le quatorzième alinéa de l'article 238 quindecies du CGI subordonne donc son application au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du TFUE aux aides de minimis, du règlement (UE) n° 1408/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du TFUE aux aides de minimis dans le secteur de l'agriculture ou du règlement (UE) n° 717/2014 de la Commission du 27 juin 2014 concernant l'application des articles 107 et 108 du TFUE aux aides de minimis dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture.

5. Une exonération partielle des DMTG pour les en cas de transmission de biens ruraux loués par bail à long terme ou par bail cessible

Aux termes de l'article 793 du code général des impôts, les biens ruraux donnés à bail de long terme ou à bail cessible423(*) et les parts de groupements fonciers agricoles et celles des groupements agricoles fonciers424(*), font l'objet d'une exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) à concurrence des trois-quarts de la fraction de la valeur.

L'article 793 bis du même code dispose néanmoins que cette exonération est subordonnée à la condition que le bien en question demeure la propriété du donataire, héritier et légataire pendant cinq ans à compter de la date de la transmission à titre gratuit. Dans l'hypothèse où cette condition ne serait pas respectée, les DMTG font l'objet d'un rappel, majoré d'un intérêt de retard.

De plus, lorsque la valeur totale des biens transmis susceptibles de bénéficier de l'exonération partielle excède 300 000 euros, l'exonération partielle de DMTG est ramenée à 50 % au-delà de cette limite. La limite est portée à 500 000 euros lorsque le donataire, héritier et légataire conserve le bien pendant une durée supplémentaire de cinq ans supplémentaires, soit une durée totale de dix ans425(*).

Récapitulatif des modalités d'application des dispositifs fiscaux
relatifs aux cessions et transmissions visés par le présent article

 

Cession à titre onéreux

Cession à titre onéreux et transmission à titre gratuit

Transmission entre vifs ou après un décès

Article

Article 150-0 D ter du CGI

Article 151 septies du CGI

Article 151 septies A du CGI

Article 238 quindecies du CGI

Article 793 bis du CGI

Régime fiscal applicable

Société soumise à l'impôt sur les sociétés

Société soumise à l'impôt sur le revenu

Société soumise à l'impôt sur le revenu

Société soumise à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés

-

Dispositif

Abattement fixe applicable aux cessions de titres ou droits par les dirigeants de PME partant à la retraite

Exonération totale ou partielle des plus-values réalisées par les entreprises dont les recettes n'excèdent pas certains seuils

Exonération des plus-values professionnelles en cas de cession à titre onéreux d'une entreprise

Exonération des plus-values professionnelles réalisées à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité

Exonération des droits de mutation à titre gratuit en cas de transmission de biens ruraux loués par bail à long terme ou par bail cessible hors du cadre familial ou des parts de GFA ou de GAF conservées cinq ans

Coût budgétaire

177 millions d'euros

83 millions d'euros

110 millions d'euros

79 millions d'euros

50 millions d'euros

Note : les montants indiqués renvoient à l'exercice 2024, sauf pour les articles 151 septies et 238 quindecies du CGI dont le coût budgétaire est celui de l'exercice 2021, faute de données plus récentes.

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires et les données de la Cour des comptes

Lorsqu'une opération entre dans le champ d'application de plusieurs dispositifs, ces derniers s'appliquent du plus spécifique au plus général, à savoir, pour une entreprise soumise à l'impôt sur le revenu, d'abord celui prévu à l'article 151 septies A du code général des impôts, puis celui prévu à l'article 238 quindecies du même code.

C. LES DISPOSITIFS FISCAUX PERMETTANT D'ALLÉGER LA FISCALITÉ DES JEUNES AGRICULTEURS

1. Le régime d'imposition des micro-bénéfices agricoles

Le régime des micro-exploitants (dit régime « micro-BA »), prévu à l'article 64 bis du CGI constitue, avec le régime du bénéfice réel simplifié et le régime du bénéfice réel normal, l'un des trois modes d'imposition des bénéfices agricoles. Le régime d'imposition applicable au titre d'une année donnée est déterminé en fonction de la moyenne des recettes des trois années précédentes426(*). Aux termes de l'article 69 du CGI, sous réserve de possibilités d'option et de cas particuliers, le régime des micro-exploitants est applicable de plein droit aux exploitants agricoles dont la moyenne des recettes des trois années précédentes n'excède pas 120 000 euros. Au-delà, un régime d'imposition d'après le bénéfice réel s'applique. C'est l'article 94 de la loi de finances pour 2024 qui a opéré une revalorisation de ce seuil en le portant de 91 900 euros à 120 000 euros.

Le 1° de l'article 71 du CGI prévoit toutefois une exception à la limite de 120 000 euros s'agissant des groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC).

Pour mémoire, les GAEC sont des sociétés civiles de personnes, régies par les articles 1832 et suivants du code civil et par les articles L. 323-1 à L. 323-16 du code rural et de la pêche. Ces groupements ont pour objet la réalisation d'un travail en commun, dans des conditions comparables à celles existant dans les exploitations de caractère familial. Un GAEC est dit total quand il a pour objet la mise en commun par ses associés de l'ensemble de leurs activités de production agricole. Lorsqu'une partie seulement de ces activités est mis en commun, le groupement est dit partiel427(*).

Aux termes de l'article 71 du code général des impôts, le régime des micro-exploitants s'applique aux GAEC lorsque la moyenne des recettes est égale à 60 % de la limite prévue pour les exploitants individuels multipliée par le nombre d'associés428(*). Cependant, ce seuil s'élève à 100 % de la limite prévue pour les exploitants individuels multipliée par le nombre d'associés lorsque la moyenne des recettes est inférieure ou égale à 367 000 euros. Si l'article 94 de la loi de finances pour 2024 a revalorisé le seuil de droit commun du régime de micro-BA, il n'a pas relevé le seuil dérogatoire applicable aux GAEC.

2. Un abattement sur les bénéfices imposables réalisés au cours des soixante premiers mois d'activité des jeunes agriculteurs

Aux termes du I de l'article 73 B du code général des impôt, les jeunes agriculteurs soumis à un régime réel d'imposition et attributaires d'aides à l'installation429(*) bénéficient d'abattements sur les bénéfices imposables réalisés au cours des soixante premiers mois d'activité, à compter de la date d'octroi de la première aide. L'abattement est proportionné à la tranche des revenus concernés. Selon les documents budgétaires, annexés au présent projet de loi de finances, 14 276 entreprises bénéficiaient de ce dispositif en 2023.

Abattements applicables en application du I de l'article 73 B du CGI

Montant du bénéfice imposable

Taux de l'abattement (année d'octroi des aides)

Taux de l'abattement (autres années)

Inférieur ou égal à 43 914 euros

100 %

75 %

Supérieur à 43 914 euros :

   

- fraction du bénéfice inférieure ou égale à 43 914 euros

100 %

50 %

- fraction du bénéfice supérieure à 43 914 euros et inférieure ou égale à 58 552 euros

60 %

30 %

- fraction du bénéfice supérieure à 58 552 euros

0 %

0 %

Source : commission des finances d'après le bulletin officiel des finances publiques430(*)

Pour rappel, ce dispositif avait été modifié par l'article 126 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 afin de cibler les plus faibles bénéfices. L'abattement a ainsi été renforcé pour les jeunes agriculteurs dont le bénéfice imposable est inférieur ou égal à 43 914 euros et plafonné pour les autres.

Impact budgétaire de l'abattement sur les bénéfices réalisés
par les jeunes agriculteurs entre 2015 et 2025

(en millions d'euros)

Note : les montants sont en prévision pour les exercices 2024 et 2025

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

À noter qu'au titre du régime des aides d'État, le bénéfice de cet abattement est subordonné au respect de l'article 18 du règlement (UE) 2022/2472 de la Commission du 14 décembre 2022 déclarant certaines catégories d'aides dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'INSERTION DE DÉROGATIONS SPÉCIFIQUES AUX JEUNES AGRICULTEURS DANS LES DISPOSITIFS FAVORISANT LA TRANSMISSION D'EXPLOITATIONS AGRICOLES

Le présent article prévoit une série de mesures incitatives à la transmission des exploitations agricoles au profit de jeunes agriculteurs s'installant pour la première fois.

A. DES INCITATIONS RENFORCÉES À LA TRANSMISSION AU BÉNÉFICE DE JEUNES AGRICULTEURS

1. Le renforcement du dispositif d'abattement sur les plus-values de cession de titres lorsque la cession est réalisée au profit d'un jeune agriculteur

Le C du I du présent article insère un II bis au sein de l'article 150-0 D ter du code général des impôts qui dispose que l'abattement fixe de 500 000 euros sur les plus-values de cession de titres par les dirigeants de PME soumises à l'impôt sur les sociétés partant à la retraite est porté à 600 000 euros lorsque la cession est réalisée au profit :

- soit d'une ou plusieurs personnes physiques justifiant de l'octroi des aides à l'installation des jeunes agriculteurs au titre de cette cession ;

- soit d'une société ou groupement dont chacun des associés ou membres justifie de l'octroi de ces mêmes aides au titre de cette même cession.

L'application de cet abattement fixe de 600 000 euros est subordonnée au respect de huit conditions cumulatives :

- premièrement, la cession doit être réalisée dans le cadre d'un contrat de cessions échelonnées portant sur l'intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant. Cette condition d'un contrat de cession échelonnées vise à privilégier la reprise des exploitations par des jeunes agriculteurs qui ne disposent pas de la capacité financière pour acheter une exploitation en une seule fois. Pour l'application de l'abattement à un contrat de cessions échelonnées, le reliquat d'abattement fixé non utilisé lors de la première cession est imputable sur les autres cessions ;

- deuxièmement, le cédant doit avoir exercé de manière continue, durant les cinq dernières années précédant la cession, les fonctions de gérant (société à responsabilité limitée ou en commandite), d'associé en nom (société de personnes), ou encore de président, de directeur général, de président du conseil de surveillance ou de membre du directoire (société par actions). Ces fonctions doivent avoir été effectivement exercées et avoir donné lieu à une rémunération normale. Cette dernière, qui doit représenter au moins la moitié des revenus du cédant à l'exclusion des revenus non professionnels, est soumise à l'impôt sur le revenu. Le cédant, ou l'un de ses ayants droit, doit avoir détenu directement ou par l'intermédiaire d'une société au moins 25 % des droits de vote dans les cinq ans précédant la cession. Ces conditions sont appréciées à la date de la première cession du contrat de cessions échelonnées ;

- troisièmement, le cédant doit cesser toute fonction dans la société dont les actions, droits ou parts sont cédés et avoir fait valoir ses droits à la retraite au plus tôt dans les deux années précédant la première cession et au plus tard dans les deux années suivant la dernière cession ;

- quatrièmement, la société dont les titres ou droits sont cédés doit être une petite ou moyenne entreprise au sens de l'annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014, exercer depuis au moins cinq ans une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière et être soumis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ;

- cinquièmement, les titres cédés doivent avoir été détenus depuis au moins un an à la date de la première cession ;

- sixièmement, la cession est réalisée au profit d'une ou plusieurs personnes physiques justifiant de l'octroi des aides à l'installation des jeunes agriculteurs au titre de cette cession ou d'une société ou groupement dont chacun des associés ou membres justifie de l'octroi de ces mêmes aides au titre de cette même cession ;

- septièmement, l'intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant doit être cédée dans un délai de soixante-douze mois à compter de la première cession ;

- huitièmement, le cédant ne doit pas détenir, directement ou indirectement, de droits de vote ou de droits dans les bénéfices sociaux de l'entreprise concessionnaire à la date de la première et de la dernière cession et pendant toute la période entre ces deux dates.

En outre, le C du présent article complète également le IV de l'article 150-0 D ter du CGI afin de préciser les hypothèses de remise en cause de l'abattement.

Ainsi, si à la date de la première cession, la troisième ou la septième condition présentée supra n'est pas satisfaite aux termes des délais fixés par ces mêmes conditions, l'abattement est remis en cause. De plus, si le contrat de cessions échelonnées fait l'objet d'une résiliation, l'abattement est remis en cause pour l'ensemble des cessions réalisées au titre de l'année au cours de laquelle intervient la résiliation.

De même, l'abattement est remis en cause au titre de l'année qui suit la première cession si le cédant n'est pas en mesure de justifier, au plus tard à la date de dépôt de la déclaration de revenus relative à cette année, de l'octroi, à l'ensemble des personnes bénéficiaires de la cession des aides à l'installation des jeunes agriculteurs.

Par ailleurs, le II du présent article modifie l'article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 afin de proroger le dispositif d'abattement applicable aux plus-values réalisées par un dirigeant de PME partant à la retraite, prévu à l'article 150-0 D ter du CGI et applicable aux cessions et rachats jusqu'au 31 décembre 2024, jusqu'au 31 décembre 2031.

2. Le relèvement du seuil de recettes ouvrant droit à une exonération sur plus-values professionnelles de cessions d'une entreprise exerçant une activité agricole

Le D du I du présent article complète l'article 151 septies du CGI pour relever les seuils et plafonds d'application de l'exonération sur plus-values professionnelles de cessions d'une entreprise exerçant une activité agricole. Ces plafonds et seuils rehaussés s'appliquent lorsque la cession porte sur une entreprise individuelle, sur une branche complète d'activité ou sur l'intégralité des droits ou parts détenus par un contribuable qui exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont soumis en son nom à l'impôt sur le revenu et qui sont considérés comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, et que cette cession est réalisée au profit :

- d'une ou plusieurs personnes physiques justifiant de l'octroi des aides à l'installation des jeunes agriculteurs au titre de cette cession ;

- d'une société ou groupement dont chacun des associés ou membres justifie de l'octroi de ces mêmes aides au titre de cette même cession.

Dans ce cas, l'exonération est totale lorsque les recettes annuelles sont inférieures ou égales à 450 000 euros et partielle lorsque les recettes sont supérieures à 450 000 euros et inférieures à 550 000 euros. Dans le cas d'une exonération partielle, le montant exonéré de la plus-value est déterminé en lui appliquant un taux égal au rapport entre, au numérateur, la différence entre 550 000 euros et le montant des recettes et, au dénominateur, le montant de 100 000 euros.

3. L'extension du champ d'application de l'exonération des plus-values de cession de droits ou parts d'une société ou d'un groupement relevant de l'impôt sur le revenu, dégagées à l'occasion du départ à la retraite du cédant

Le E du I du présent article étend le champ d'application du dispositif de l'article 151 septies A du CGI aux cessions échelonnées de droits ou parts lorsqu'elles sont réalisées au profit :

- soit d'une ou plusieurs personnes physiques justifiant de l'octroi des aides à l'installation des jeunes agriculteurs au titre de cette cession ;

- soit d'une société ou groupement dont chacun des associés ou membres justifie de l'octroi de ces mêmes aides au titre de cette même cession.

L'intégralité des droits ou parts doit avoir été cédée dans un délai de 72 mois à compter de la première cession.

4. Le rehaussement des seuils et plafonds du dispositif d'exonération des plus-values réalisées à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité

Le F du I du présent article modifie l'article 238 quindecies du code général des impôts pour prévoir un relèvement des seuils et plafonds du dispositif d'exonération des plus-values lorsque la transmission, à titre onéreux ou à titre gratuit, d'une entreprise individuelle, d'une branche complète d'activité ou, par assimilation, de l'intégralité des droits ou parts de sociétés de personnes considérés comme des éléments d'actif professionnels est réalisée au profit :

- soit d'une ou plusieurs personnes physiques justifiant de l'octroi des aides à l'installation des jeunes agriculteurs au titre de cette cession ;

- soit d'une société ou groupement dont chacun des associés ou membres justifie de l'octroi de ces mêmes aides au titre de cette même cession.

Dans ce cas de figure, l'exonération est totale lorsque le prix stipulé des éléments transmis, ou leur valeur vénale, auxquels sont ajoutées les charges en capital et les indemnités stipulées au profit du cédant, est inférieur à 700 000 euros, et partielle lorsque ce prix ou cette valeur est compris entre 700 000 euros et 1 200 000 euros. Dans ce dernier cas, le montant exonéré des plus-values est déterminé en leur appliquant un taux égal au rapport entre, au numérateur, la différence entre le montant de 1 200 000 euros et la valeur des éléments transmis et, au dénominateur, le montant de 700 000 euros.

Pour bénéficier de ce dispositif, la transmission doit respecter les conditions prévues au 1 et au 2 du II de l'article 238 quindecies du CGI, à savoir la condition relative à la durée d'exercice de l'activité et la condition relative à la personne à l'origine de la transmission. En revanche, la condition relative à l'absence de liens entre le cédant et le cessionnaire n'est pas applicable.

Par ailleurs, le 1° du F du présent article remplace, à l'article 238 quindecies du CGI, la mention du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 par un renvoi au règlement (UE) 2023/2831 du 13 décembre 2023431(*). Ce dernier est en effet désormais applicable pour déterminer l'encadrement des aides dites de minimis.

5. Le relèvement du seuil d'exonération partielle des DMTG pour les biens ruraux loués à de jeunes agriculteurs

Le G du I du présent article complète le deuxième alinéa de l'article 793 bis du code général des impôts pour prévoir un nouveau seuil de 600 000 euros au-delà duquel l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit est ramenée à 50 %. L'effet recherché est d'accroître le champ des exploitations agricoles pour lesquelles l'exonération serait de 75 %. Ce seuil est applicable, sous la même condition de durée de conservation des biens ou parts reçus, lorsque le bail a été conclu avec une personne justifiant de l'octroi des aides à l'installation des jeunes agriculteurs.

B. DES MESURES COMPLÉMENTAIRES FAVORABLES AUX JEUNES AGRICULTEURS

1. La revalorisation du seuil micro-exploitant applicable aux GAEC

Le A du I du présent article modifie le 1° de l'article 71 du code général des impôt pour actualiser le montant du seuil de recettes au-delà duquel un régime d'imposition d'après le bénéfice réel s'applique aux GAEC et non plus un régime « micro-BA ». Actuellement fixé à 367 000 euros, ce seuil est porté à 480 000 euros par le présent article. Ce rehaussement s'opère dans la même proportion que celui opéré par l'article 94 de la loi de finances pour 2024 précitée pour le seuil de droit commun du régime micro-BA, aujourd'hui fixé à 120 000 euros.

2. L'actualisation des références juridiques relatives aux jeunes agriculteurs

Le B du I du présent article opère une modification du renvoi figurant au I de l'article 73 B du code général des impôts s'agissant des aides à l'installation des jeunes agriculteurs. Le renvoi à l'article D. 343-3 du code rural et de la pêche maritime est remplacé par un renvoi à l'article L. 330-1 du même code.

L'article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l'article 38 de la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture, renvoie aux aides à l'installation de jeunes agriculteurs et de nouveaux agriculteurs et à la création de nouvelles entreprises rurales, mentionnées à l'article 75 du règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021432(*).

Les dispositions de l'article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime précisent les règles d'attribution des différentes aides à l'installation. Elles disposent ainsi que, pour l'attribution de ces aides, dans le respect des définitions de jeune agriculteur et de nouvel agriculteur fixées par voie réglementaire, les autorités de gestion régionales vérifient :

- que les candidats élaborent un projet global d'installation intégrant les aspects économiques et environnementaux ;

- et qu'ils justifient de leur capacité à réaliser un projet viable par la détention d'un niveau de diplôme ou d'expérience professionnelle, préalablement à leur installation. Ce niveau peut être atteint progressivement par le candidat au cours de l'installation.

L'actualisation du renvoi prévu à l'article 73 B du code général des impôts se répercute sur l'ensemble des dispositifs visés par le présent article.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES INCITATIONS BIENVENUES À L'INSTALLATION DES JEUNES AGRICULTEURS

A. LE RENOUVELLEMENT GÉNÉRATIONNEL DES AGRICULTEURS FAIT FACE À DES OBSTACLES STRUCTURELS

Le renouvellement générationnel des exploitations agricoles constitue sans conteste un enjeu majeur pour le secteur primaire de l'économie française et pour la souveraineté alimentaire de notre pays dans les années à venir. En ce sens, la transmission, qu'elle découle d'un départ à la retraite ou d'un changement professionnel, apparaît comme un moment propice à une réorientation des pratiques et des outils de productions.

En moins de soixante-dix ans, le nombre d'exploitants a été divisé par cinq : de plus de 2,5 millions en 1955, le nombre d'exploitants est passé à 764 000 en 2000 puis à 496 000 en 2020. Corollaire de cette évolution, le nombre d'exploitations agricoles diminue fortement pour se situer en France métropolitaine à 389 000 en 2020.

Évolution du nombre d'exploitations agricoles entre 1970 et 2020

Source : commission des finances d'après les résultats de l'enquête sur la structure des exploitations agricoles (ESEA)

Comme le relevait la Cour des comptes dans une enquête remise à la commission des finances au titre du 2° de l'article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances433(*), 43 % des exploitants sont à l'heure actuelle âgés de 55 ans ou plus, et susceptibles de partir à la retraite d'ici à 2033. L'âge moyen des agriculteurs français est ainsi passé de 50,2 ans en 2010 à 51,4 ans en 2020. Or, le profil des candidats à l'installation évolue lui aussi. Si la transmission des exploitations s'est longtemps faite dans un cadre familial, elle s'opère également aujourd'hui au profit de nouveaux arrivants. Comme le rappelait en 2020 le Conseil économique, social et environnemental434(*), 32 % des installations réalisées avec le soutien d'une dotation « jeunes agriculteurs » l'ont été hors du cadre familial en 2017. En outre, les nouveaux installés sont plus âgés et mieux formés435(*).

Dans ce contexte de renouvellement générationnel, il est possible de constater une difficulté pour les potentiels cédants à anticiper la transmission de leurs exploitations, ce qui pèse sur la fluidité du marché. Il existe pourtant des dispositifs d'accompagnement à la transmission et à la préparation de la cessation d'activité. Ils sont mal connus et peu appréhendés par les exploitants en fin de carrière.

Pyramide des âges des exploitants agricoles

À ces problématiques s'ajoute une difficulté structurelle dans l'accès au foncier agricole. Par rapport à d'autres pays européens, le prix des terres agricoles reste abordable en France. Pour autant, certains facteurs concourent à stimuler les prix du foncier agricole. En ce sens, des situations de concurrence d'usage peuvent émerger lorsque des perspectives de vente plus intéressantes sont présentées au cédant. Un changement de destination des sols est susceptible de renchérir le coût du foncier.

Outre le prix des terres, d'autres facteurs contribuent à la difficulté pour les jeunes agriculteurs de reprendre des exploitations. Il existe ainsi une concurrence réelle entre agrandissement et installation. Lors de la vente d'une exploitation, il est en effet fréquent que l'exploitation voisine reprenne le bien au détriment de l'installation d'un nouveau porteur de projet. De plus, l'absence de transparence du marché crée des asymétries d'information pour les repreneurs potentiels qui ne sont pas issus du milieu agricole.

B. LES MESURES D'INCITATION À LA TRANSMISSION DEVRAIENT PERMETTRE DE SOUTENIR LE RENOUVELLEMENT DES EXPLOITATIONS

Le présent article permet de cibler les mesures fiscales visées pour encourager les transmissions d'exploitations agricoles au profit de jeunes agriculteurs.

En l'état actuel du droit, ces dispositifs sont, pour l'essentiel, transversaux et non spécifiquement ciblés vers les agriculteurs. Les dispositifs de la fiscalité des transmissions spécifiques au secteur agricole demeurent marginaux. Si les effets sur l'activité agricole des outils de droit commun, dont peuvent bénéficier les agriculteurs sont difficiles à évaluer, ils ne permettent pas d'orienter les transmissions au bénéfice des jeunes agriculteurs.

Dans leur rapport d'information sur les aides à l'installation des agriculteurs436(*), les rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » de la commission des finances Patrice Joly et Vincent Segouin regrettaient une forme d'étanchéité entre l'évolution de la population agricole et les dispositifs de soutien à l'installation.

Dans le même sens, le rapporteur général tient à souligner que la politique de soutien à la transmission des exploitations agricoles ne peut reposer sur le seul volet fiscal. L'impact budgétaire des mesures prévues par le présent article est loin d'être négligeable dans un contexte de solde budgétaire très dégradé. Pour autant, ni l'étude d'impact, ni l'administration interrogée sur ce point par le rapporteur général n'ont été en mesure d'apporter une évaluation précise du coût de l'ensemble de ces mesures. Seul le relèvement des seuils et plafonds prévus respectivement aux articles 151 septies et 238 quindecies du CGI fait l'objet d'une estimation, de l'ordre de 14 millions d'euros. La prorogation de l'article 150-0 D ter du CGI, non spécifique aux jeunes agriculteurs, est également évaluée, pour un montant de 93 millions d'euros. L'évaluation préalable du présent article indique ainsi pudiquement : « Faute de données suffisantes la plupart des mesures ne sont pas chiffrables ». L'administration fiscale, comme le ministère de l'agriculture, juge ne pas disposer de données suffisantes sur les niveaux des plus-values ou les rythmes et volumes de cessions. Cette absence de données, dans un contexte budgétaire contraint, est particulièrement regrettable.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 20

Maintien du tarif d'accise applicable au gazole utilisé pour les travaux agricoles et forestiers

Le présent article prévoit le maintien du tarif réduit d'accise applicable au gazole non routier (GNR) utilisé pour les besoins des travaux agricoles et forestiers à son niveau en vigueur jusqu'au 31 décembre 2023, soit 3,86 €/MWh.

Cette mesure suspend la hausse du tarif réduit d'accise applicable au GNR agricole de 2,85 €/MWh par an à compter du 1er janvier 2024, prévue par la loi de finances pour 2024, et qui devait conduire à une augmentation progressive du tarif réduit de 3,86 €/MWh à 23,86 €/MWh en 2030.

Annoncée lors de la présentation des mesures d'urgence en faveur des exploitants agricoles le 26 janvier 2024, l'entrée en vigueur de cette disposition est rétroactive et ne remet pas en question les mesures prévues par la loi de finances pour 2024 afin d'accompagner le secteur agricole dans la transition énergétique.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN TARIF D'ACCISE SUPER-RÉDUIT DONT LA FIN PROGRAMMÉE A ÉTÉ ACTÉE EN LOI DE FINANCES POUR 2024

A. LES TRAVAUX AGRICOLES ET FORESTIERS BÉNÉFICIENT D'UN TARIF D'ACCISE SUPER-RÉDUIT DE 3,86 €/MWH

1. Un régime fiscal favorable aux agriculteurs, autorisé par le droit européen

L'expression « gazole non routier » (GNR) désigne le gazole utilisé pour le fonctionnement de moteurs ne servant pas à la propulsion de véhicules sur route. Selon les termes de l'article L. 312-35 du code des impositions sur les biens et services (CIBS), cette notion recouvre les « gazoles consommés pour les besoins des moteurs qui réalisent des travaux statiques aux fins de la réalisation d'activités économiques et des moteurs de propulsion des engins qui ne circulent pas habituellement sur les voies ouvertes à la circulation publique ».

Identique au gazole ordinaire, le GNR est, en raison de l'avantage fiscal qui lui est attaché, distribué par un réseau spécifique et coloré en rouge écarlate.

De fait, un tarif réduit de taxe sur les carburants a été institué pour le GNR dès 1966 afin de soutenir la mécanisation de certains secteurs de l'économie, dont l'agriculture437(*). Maintenu par la suite, cet avantage fiscal s'est mué en une aide à la compétitivité des secteurs concernés.

Ce tarif avantageux se traduit aujourd'hui par un tarif réduit d'accise sur le GNR utilisé pour les travaux agricoles et forestiers, prévu à l'article L. 312-61 du CIBS, environ quinze fois inférieur au tarif normal et environ six fois inférieur à celui du GNR utilisé pour les autres secteurs.

En effet, fixé à la deuxième ligne de la dernière colonne du tableau de l'article L. 312-60 du CIBS, le tarif de l'accise sur le GNR des exploitants agricoles et forestiers est de 3,86 €/MWh438(*), contre 24,81 €/MWh pour le GNR non agricole439(*) et 59,40 €/MWh pour le gazole routier440(*).

Le différentiel avec le GNR non agricole est donc de 20,95 €/MWh441(*) et celui avec le gazole routier est de 55,54 €/MWh.

Conversion des unités de mesure des tarifs d'accise appliqués aux énergies

Les articles L. 312-25 et L. 312-26 du CIBS prévoient que les tarifs appliqués à l'ensemble des énergies sont désormais exprimés en euros par mégawattheure, même si la base d'imposition et les modalités déclaratives continuent à s'appuyer sur les unités précédemment appliquées et reprises à l'article L. 312-19 du CIBS (c'est-à-dire, pour le gazole, en euros par hectolitre).

S'agissant des produits pétroliers et des biocarburants, la base d'imposition peut ainsi être exprimée en litres, en kilogrammes ou en mètres cubes, en fonction de la nature ou de l'état physique du produit concerné.

Pour obtenir les tarifs exprimés en euros par mégawattheure, une conversion est réalisée. Cette conversion s'effectue, pour les tarifs normaux et les tarifs réduits propres à certains usages, sur la base du contenu énergétique du produit de référence ou d'une moyenne des contenus énergétiques des produits les plus représentatifs de la catégorie fiscale et, pour les tarifs particuliers propres à un produit, sur la base du contenu énergétique de ce produit.

Source : commission des finances, d'après le code des impositions sur les biens et services

La possibilité de mettre en oeuvre un tarif réduit d'accise sur les énergies, et en particulier sur le gazole, employées dans le cadre des travaux agricoles et forestiers, a été explicitement reconnue par le droit dérivé de l'Union européenne442(*).

2. Un avantage accordé en pratique, jusqu'en 2024, sous la forme d'un remboursement d'accise

Selon la procédure mise en oeuvre jusqu'au premier semestre 2024, les exploitants agricoles s'approvisionnaient dans un premier temps en GNR « rouge » au tarif d'accise de 24,81 €/MWh. Ils sollicitaient ensuite auprès de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) un remboursement du différentiel entre leur tarif spécifique (3,86 €/MWh) et le tarif d'accise de droit commun sur le GNR. 

Cette procédure de remboursement était dématérialisée. Elle était annuelle et nécessitait la compilation et la vérification de l'ensemble des factures d'achats de carburants non routier des exploitants agricoles, si bien qu'elle représentait une charge administrative importante. Elle conduisait ainsi les exploitants agricoles, au titre d'une année donnée, à consentir, au moment de l'achat du carburant, une avance de trésorerie égale à la différence de fiscalité entre carburant sous condition d'emploi et carburant à usage agricole. Cette avance n'était remboursée que l'année suivante avec la demande de restitution.

3. Un coût élevé pour les finances publiques

Selon le tome II du rapport « Voies et Moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2025443(*), les tarifs réduits de l'accise sur les énergies applicables aux gazoles, aux fiouls lourds et aux gaz de pétrole liquéfiés utilisés pour les travaux agricoles et forestiers auraient représenté pour l'État une dépense fiscale de 1,1 milliard d'euros en 2023 (le même montant est anticipé en 2024 et en 2025), pour un total de 138 984 entreprises bénéficiaires.

B. ALORS QUE LA SUPPRESSION PROGRESSIVE DE CET AVANTAGE FISCAL AVAIT ÉTÉ PRÉVUE PAR LA LOI DE FINANCES POUR 2024, SON GEL A ÉTÉ ANNONCÉ DÈS JANVIER 2024, EN RÉPONSE AU MOUVEMENT DES AGRICULTEURS

1. Une suppression envisagée depuis 2019, enfin actée par la loi de finances pour 2024 selon un calendrier progressif jusqu'en 2030

Après une première tentative de suppression de l'ensemble des tarifs réduits de GNR à l'occasion du projet de loi de finances pour 2019444(*), le tarif réduit sur le GNR agricole a été exempté de l'évolution prévue par l'article 60 de la loi de finances pour 2020445(*). Cette disposition supprimait progressivement les tarifs réduits de GNR en trois étapes entre le 1er juillet 2020 et le 1er janvier 2022.

Cependant, cette mesure a connu trois reports entre 2020 et 2023 :

- par l'article 6 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020446(*), adoptée dans le contexte de la crise sanitaire, avec un report au 1er juillet 2021 et l'abandon du caractère progressif de la disparition de l'avantage fiscal ;

- par l'article 7 de la première loi de finances rectificative pour 2021447(*), avec un report au 1er janvier 2023 ;

- par l'article 22 de la première loi de finances rectificative pour 2022448(*), avec un report au 1er janvier 2024.

Enfin, après une concertation avec les secteurs concernés, le G de l'article 94 de la loi de finances pour 2024 a étalé sur six ans, jusqu'en 2030, la suppression des tarifs réduits d'accise sur le GNR, en incluant le secteur agricole à travers une trajectoire spécifique.

Ainsi, le tarif d'accise sur le GNR non agricole devait progresser de 5,99 €/MWh par an, pour atteindre le tarif normal de 59,40 €/MWh
en 2030
.

Dans le cas du GNR agricole, le tarif d'accise devait connaître une hausse de moindre ampleur, de 2,85 €/MWh par an, pour aboutir au montant de 23,81 €/MWh en 2030.

Trajectoires d'évolution des tarifs d'accise applicables
au GNR non agricole et au GNR agricole prévues par la loi de finances pour 2024

(en €/MWh ou c€/L)

 

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

GNR non agricole

24,81

30,80

36,79

42,78

48,77

54,76

59,40

GNR agricole

6,71

9,56

12,41

15,26

18,11

20,96

23,81

Source : commission des finances, d'après l'article 94 de la loi de finances pour 2024

Par ailleurs, l'article 94 de la loi de finances pour 2024 a précisé les dispositions relatives à la procédure de remboursement au titre du GNR non agricole, en ouvrant la possibilité de bénéficier d'une avance sur le montant de remboursement.

Ainsi, deux nouveaux articles L. 312-104-1 et L. 312-104-2 ont été insérés dans le CIBS, prévoyant qu'un décret détermine les situations dans lesquelles la personne qui acquiert un produit pour lequel l'accise devenue exigible a été constatée à un tarif supérieur à celui dont relève l'usage auquel elle destine ce produit peut bénéficier d'une avance de remboursement.

Ce décret devait fixer :

- les produits, usages et catégories de redevables concernés ;

- la date à laquelle l'avance est sollicitée ou versée à l'initiative de l'administration, au plus tôt le 1er janvier de l'année d'exigibilité du remboursement, ainsi que les modalités de sollicitation et de versement ;

- la date à laquelle l'avance est régularisée, au plus tard à la fin de l'année civile qui suit celle de l'exigibilité du remboursement, et les modalités de cette régularisation ;

- le nombre des avances, qui ne peut excéder trois par année civile ;

- les règles de détermination du montant des avances.

C'est sur ce fondement qu'a été pris le décret n° 2024-76 du 2 février 2024 prévoyant une avance sur le remboursement partiel d'accise sur les produits énergétiques utilisés pour la réalisation de travaux agricoles ou forestiers.

Afin de compenser la hausse des charges découlant de l'augmentation du tarif réduit d'accise, trois mesures d'accompagnement spécifiques au secteur agricole ont également été prévues :

- le relèvement, dès le 1er janvier 2024, des plafonds de la déduction pour épargne de précaution (DEP) ;

- la hausse des seuils de recettes ouvrant droit à une exonération totale ou partielle sur les plus-values de cession professionnelles. Ces seuils ont été relevés respectivement de 250 000 à 350 000 euros pour l'exonération totale et de 350 000 euros à 450 000 euros pour l'exonération partielle ;

l'augmentation, de 91 900 euros à 120 000 euros, du plafond de la moyenne des recettes des trois dernières années permettant de bénéficier du régime d'imposition à l'impôt sur le revenu dit « micro-BA ».

2. L'annonce en janvier 2024 de l'abandon de la trajectoire de hausse prévue par la loi de finances pour 2024

Afin de répondre au mouvement de contestation des agriculteurs, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé, le 26 janvier 2024, l'abandon de la hausse progressive du tarif réduit d'accise sur le GNR agricole qui avait été engagée à compter du 1er janvier 2024.

En complément de ce maintien du tarif réduit à son niveau antérieur, le Premier ministre a également annoncé la fin du système de remboursement au profit d'une « déduction fiscale en bas de facture », dès l'achat. Précisée dans deux décrets449(*), cette déduction fiscale à l'achat a été mise en oeuvre le 1er juillet 2024.

Dans l'attente du déploiement de ce nouveau système, une aide à la trésorerie a été mise en place par le biais du versement d'une avance représentant 50 % du remboursement dû au titre des consommations de GNR effectuées en 2024. Versée en février 2024, cette avance de remboursement s'est élevée à 215 millions d'euros.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN MAINTIEN DU TARIF RÉDUIT D'ACCISE SUR LE GNR AGRICOLE À SON NIVEAU EN VIGUEUR JUSQU'EN 2023

A. L'ABROGATION DE LA HAUSSE DU TARIF D'ACCISE PRÉVUE PAR LA LOI DE FINANCES POUR 2024

Le I du présent article revient sur l'augmentation du tarif réduit d'accise sur le GNR agricole, pour l'année 2024, en remplaçant le tarif de 6,71 €/MWh par le tarif de 3,86 €/MWh, à la deuxième ligne de la dernière colonne du tableau de l'article L. 312-60 du code des impositions sur les biens et services.

Quant au II du présent article, il acte l'abandon de la trajectoire de hausse progressive du tarif réduit d'accise, en abrogeant le G du II de l'article 94 de la loi de finances pour 2024, qui associait un montant croissant à chaque année entre 2024 et 2030.

B. UNE APPLICATION RÉTROACTIVE AU 1ER JANVIER 2024

Le III du présent article prévoit une application rétroactive du maintien du tarif réduit d'accise sur le GNR agricole à 3,86 €/MWh, en disposant que ce maintien s'applique à compter du 1er janvier 2024.

C. UNE TRAJECTOIRE INCHANGÉE POUR LE GNR NON AGRICOLE

Le dispositif proposé ne modifie pas la trajectoire de hausse progressive prévue pour le GNR non agricole, qui s'appliquera notamment aux secteurs du bâtiment et des travaux publics.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE DESTINÉE À SOUTENIR LA COMPÉTITIVITÉ DU SECTEUR AGRICOLE FRANÇAIS QUI NE DOIT CEPENDANT PAS REMETTRE EN CAUSE SES EFFORTS DE DÉCARBONATION

A. UNE DÉPENSE FISCALE « BRUNE » REPRÉSENTANT UN COÛT CONSÉQUENT POUR LES FINANCES PUBLIQUES MAIS MAINTENUE POUR SAUVEGARDER LA SOUTENABILITÉ FINANCIÈRE DES EXPLOITATIONS AGRICOLES FRANÇAISES

1. L'utilisation du GNR contribue à près de 15 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur agricole

Principale source d'énergie utilisée par le secteur agricole, essentiellement employée pour alimenter les tracteurs et engins automoteurs, le GNR représentait, en 2021, 55 % de la consommation finale d'énergie du secteur.

En 2022, la consommation d'énergies fossiles contribuait à 14,2 % des émissions de COdu secteur agricole et 2,7 % des émissions nationales450(*). La consommation d'énergies fossiles représente ainsi le troisième poste d'émissions du secteur, après l'élevage pour 59,3 % des émissions et les cultures (fertilisation) pour 26,5 %.

Contribution du secteur agricole et sylvicole aux émissions totales
de gaz à effet de serre de la France

(en millions de tonnes de CO2 équivalents)

Source : Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA)

Entre 1990 et 2022, les émissions cumulées de tous les GES (hors CObiomasse) du secteur agricole ont diminué de 16 %. Cependant, la contribution de ce secteur aux émissions totales de CO2e451(*) en France métropolitaine a légèrement augmenté sur la période : il était responsable de 16,4 % des émissions en 1990, contre 18,7 % en 2022.

Alors que les deux sous-secteurs culture et élevage ont connu une évolution à peu près semblable sur la période et contribuent de façon différenciée à ces émissions (respectivement 27 % et 60 %), la part des émissions liées à la consommation énergétique des tracteurs, engins et chaudières agricoles est pratiquement stable sur la période, entre 12 % et 14 %.

Répartition des émissions de CO2e du secteur agricole et sylvicole en France (Métropole et Outre-mer UE)

(en millions de tonnes d'équivalents CO2)

Source : Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA)

2. Le tarif d'accise super-réduit appliqué par la France est l'un des plus faibles parmi les pays européens et constitue une dépense fiscale très coûteuse

Le tarif réduit d'accise appliqué au GNR non agricole est une dépense fiscale lourde pour les finances publiques (1,7 milliard d'euros en 2022 en incluant la fiscalité dérogatoire sur les fiouls lourds et les gaz de pétrole liquéfié), qualifiée de « brune » dans la mesure où elle bénéficie à un carburant d'origine fossile.

Il apparaît par ailleurs que le tarif d'accise appliqué au GNR agricole en France est plus faible que celui en vigueur dans la majeure partie des principaux pays producteurs agricoles en Europe, à l'exception de la Belgique, qui applique un tarif nul.

3. Une mesure de maintien du tarif super-réduit justifiée par la situation dégradée des exploitants agricoles, pour un manque à gagner à terme pour l'État de 250 millions d'euros

Comme le rappelle l'évaluation préalable du Gouvernement annexé au projet de loi de finances pour 2025, « l'entrée en vigueur de la trajectoire de hausse du tarif réduit d'accise applicable au carburant utilisé dans le cadre des travaux agricoles et forestiers s'est heurtée aux difficultés du secteur agricole, toujours confronté à la hausse des prix de l'énergie et l'inflation affectant les coûts de production »452(*). Le maintien du montant d'accise réduit constitue dès lors une mesure de soutien aux exploitants agricoles.

Selon l'évaluation du Gouvernement, « la mesure permet de ne pas renchérir le coût du gazole consommé pour les besoins des travaux agricoles et forestiers et ne remet pas en cause les mesures d'accompagnement dans la transition énergétique prévues par la loi de finances pour 2024 ni les mesures d'aides d'urgence instaurées depuis le début de l'année ».

Ces mesures d'aides d'urgence, mises en oeuvre au cours du premier semestre 2024, visent à consolider la trésorerie des agriculteurs :

- d'une part, par la mise en place d'une avance de 50 % du remboursement dû au titre des consommations de GNR effectuées en 2024, versée en février 2024 ;

- d'autre part, par l'application du tarif réduit d'accise à l'achat à compter du 1er juillet 2024.

Dans ce contexte, la diminution nette des recettes fiscales pour l'État devrait s'élever à - 160 millions d'euros en 2025, - 150 millions d'euros en 2026, - 190 millions d'euros en 2027, - 230 millions d'euros en 2028 et - 250 millions d'euros à terme453(*).

Interrogée par la commission des finances, la direction de la législation fiscale (DLF) a indiqué que cet impact pouvait se décomposer en deux sous-impacts liés respectivement à la suppression de la hausse du tarif réduit agricole (impact « tarif ») et au changement de mode de gestion de ce tarif réduit, soit la gestion directe à compter du 1er juillet 2024 plutôt que par remboursement ex post (impact « gestion »)454(*).

Décomposition du coût pour l'État de 2025 à 2027

(en millions d'euros)

 

2025

2026

2027

Impact tarif

- 50

- 90

- 130

Impact gestion

- 110

- 60

- 60

Coût total

- 160

- 150

- 190

Source : commission des finances, d'après la direction de la législation fiscale

B. LA NÉCESSITÉ DE DÉVELOPPER DES MOTORISATIONS ALTERNATIVES AU GNR

Les équipementiers agricoles développent actuellement des motorisations alternatives au GNR mais ne permettant pas encore à ce jour d'assurer une véritable substitution aux engins thermiques.

Dans son rapport sur la décarbonation de l'agriculture455(*), le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) met ainsi en avant la perspective, plus ou moins lointaine, de plusieurs options de substitution. Il s'agit notamment de l'usage :

- du biodiesel (dit B100) y compris après une opération de « rétrofit » (qui se heurte cependant à des problématiques d'homologation et ainsi d'assurance) sur un engin à motorisation thermique ;

- du biogaz naturel pour véhicule (bioGNV) qui nécessite néanmoins le développement d'infrastructures collectives d'avitaillement ;

- de l'hydrogène à un horizon nettement plus lointain.

En revanche, l'usage de l'électricité semble devoir rester très circonscrit du fait des spécificités des travaux agricoles qui supposent des puissances fortes et des autonomies prolongées.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 21

Mesures diverses de correction, clarification et coordination
en matière de fiscalité sectorielle

Le présent article prévoit, d'une part, des mesures de coordination pour organiser le transfert du recouvrement de certaines taxes de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) à la direction générale des finances publiques (DGFiP). En particulier, le transfert du recouvrement de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers, du droit de perception des passeports, du droit de francisation et de navigation, des taxes intérieures sur certains carburants, de la taxe intérieure sur le gaz naturel et le méthane, de la taxe spéciale de consommation, de la TGAP, de la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants, de la TVA produits pétroliers, de la TVA et des contributions indirectes est repoussé du 1er janvier 2026 au 1er janvier 2028.

Il propose des mesures de correction d'erreurs dans la codification du code des impositions sur les biens et les services à droit constant.

Le présent article supprime l'affectation d'un douzième des recettes de la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue durée aux communes et aux départements, au profit de l'Agence française des infrastructures de transport (AFIT France).

Il ratifie l'ordonnance du 20 décembre 2023 portant création du titre V du code des impositions sur les biens et services et portant diverses autres mesures de recodification de mesures non fiscales.

Enfin, il demande l'autorisation de légiférer par ordonnance pour transformer les redevances pour services rendus de surveillance et de certification perçues par la DSAC en impositions de toute nature, afin de sécuriser leur régime juridique.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES REDEVANCES POUR SERVICES RENDUS PERÇUES PAR LA DSAC EN SITUATION D'INSÉCURITÉ JURIDIQUE ; UN TRANSFERT RATIONNEL DU RECOUVREMENT DE CERTAINES TAXES DE LA DGDDI À LA DGFIP

A. LA DSAC ACTUELLEMENT FINANCÉE PAR DES REDEVANCES, UNE SITUATION D'INSÉCURITÉ JURIDIQUE

1. Des redevances perçues au titre des services rendus de surveillance des activités d'aviation civile

La direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC), service à compétence nationale rattaché au directeur général de l'aviation civile, est l'autorité nationale de surveillance456(*) de l'aviation civile instituée en vertu du règlement européen457(*) du 4 juillet 2018. Elle doit veiller au respect des normes applicables au domaine de l'aviation civile, en matière de sécurité et d'environnement. La DSAC est chargée notamment de la délivrance des documents obligatoires ainsi que des titres recognitifs des qualifications des personnels de l'aviation civile, en vue d'assurer la sécurité et la sûreté de l'aviation civile.

Conformément à l'article L. 611-5 du code de l'aviation civile, la DSAC perçoit des redevances pour services rendus, au titre de :

- l'instruction de décisions individuelles attestant la navigabilité des aéronefs ;

- la délivrance des autorisations concernant l'entretien des aéronefs, la sécurité de l'exploitation de transport aérien, la qualité de la formation, les manifestations aériennes, la sécurité des services de navigation aérienne ;

- l'organisation des examens aéronautiques et la validation des diplômes et qualifications du personnel de l'aviation civile ;

- « l'instruction, la délivrance et le suivi de l'application des approbations, des autorisations, certificats et agréments prévus par le présent code et les règlements communautaires en vue d'assurer la sûreté des vols ». 

L'intégralité du coût est pris en compte pour fixer le montant des redevances, notamment « les charges de personnel, y compris les pensions de retraite et les charges de formation initiale et continue, les coûts d'études, les coûts du capital et de l'amortissement des immobilisations et les coûts de fonctionnement, y compris du système d'assurance de la qualité, ainsi qu'une quote-part des frais d'administration des personnels, de gestion financière et de communication correspondant à leur participation à l'exécution de ces services ».

Les articles R. 611-3 à R. 611-6 du code de l'aviation civile précisent le régime de ces redevances. L'article R. 611-3 précise ainsi le champ des entreprises comptables des redevances. Les articles R. 611-4 et R. 611-5 définissent les activités donnant lieu à redevances, telles qu'elles sont désignées à l'article L. 611-5. L'article R. 611-6 dispose enfin que les redevances sont recouvrées par l'administration civile et sont perçues par « l'agent comptable du budget annexe contrôle et exploitation aériens ».

2. Les redevances de la DSAC, une recette de 28,9 millions d'euros

Les redevances de surveillance et de certification représentent pour la DSAC une recette de 28,85 millions d'euros en 2025, contre 27,1 millions d'euros en 2024. Elles ne représentent que 1,1 % des recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens »

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les recettes des redevances de surveillance et de certification ont augmenté de moitié depuis 2021, et devraient encore augmenter de 12,5 % d'ici à 2027.

Évolution des recettes des redevances de surveillances et de certification
entre 2021 et 2027

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

3. Un risque d'insécurité juridique lié à la qualification de redevances

Si ces recettes constituent un financement important pour la DSAC, et se justifient de plus au regard des services rendus, des analyses juridiques du Conseil d'État ont récemment remis en question leur qualification en « redevances pour services rendus », lors des travaux conduits pour la codification du code des transports.

Le Conseil d'État a en effet estimé que ces redevances sont la contrepartie des frais d'organisation de l'instruction des demandes de certificats ou d'autorisations ou de l'organisation d'examens dans le cadre des compétences de l'État en matière de la police de la sécurité aérienne. L'objectif de ces titres est d'assurer la sécurité des usagers des services aériens et des populations survolées. Leur délivrance n'est donc pas principalement justifiée par l'intérêt des entreprises qui produisent le matériel ou qui assurent les services liés aux transports aériens. En ce sens, ces recettes ne peuvent véritablement être considérées comme des redevances pour services rendus aux entreprises concernées, mais tiennent davantage de l'imposition de toute nature. Or, les impositions de toute nature relèvent du domaine de la loi, au sens de l'article 34 de la Constitution. Les redevances de surveillance et de certification de la DSAC sont donc en situation d'insécurité juridique, puisqu'elles sont déterminées par le pouvoir règlementaire, alors qu'elles relèvent du domaine législatif.

Le principal inconvénient de cette situation est que la modification du régime définissant ces redevances est très compliquée, en raison de l'insécurité juridique. Or, des règlementations récentes de l'Union européenne impliquent un renforcement des exigences en matière de surveillance pour la sécurité de l'aviation civile. Une évolution des formules de calcul et d'actualisation des redevances est rendue nécessaire pour tenir compte de ces évolutions du droit de l'Union européenne. En ce sens, il est urgent de transformer les redevances perçues par la DSAC en impositions de toute nature.

B. LE TRANSFERT DU RECOUVREMENT DE CERTAINES TAXES DE LA DGDDI À LA DGFIP, UNE MESURE D'EFFICIENCE

Le Gouvernement a amorcé en 2018 une réforme du recouvrement des impositions, taxes et amendes, à la suite de plusieurs recommandations en ce sens de la Cour des comptes et après une mission confiée à Alexandre Gardette458(*), administrateur général des finances publiques, pour la préparer. Dans une optique de rationalisation fiscale, l'idée majeure était de transférer à la direction générale des finances publiques (DGFiP) le recouvrement et souvent la gestion de la quasi-totalité des impositions, taxes et amendes jusqu'ici recouvrées et gérées par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) ou, dans une moindre mesure, par d'autres organismes.

Des premiers transferts ont eu lieu par la voie législative ordinaire, dans le cadre de dispositions adoptées en loi459(*) de finances pour 2019 (taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), contributions sur les boissons non alcooliques).

L'article 184 de la loi460(*) de finances pour 2020 a ensuite habilité le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi et visant au transfert :

- de taxes sur les véhicules (1er janvier 2021) ;

- des taxes intérieures de consommation sur le gaz naturel et ses équivalents lorsqu'ils sont utilisés comme combustible, sur les houilles, les lignites et les cokes destinées à être utilisées comme combustible ainsi que sur la consommation finale d'électricité. L'article 80 de la loi461(*) de finances pour 2022 a toutefois décalé le transfert du recouvrement des accises sur les produits énergétiques autres que les charbons, les gaz naturels et l'électricité au 1er janvier 2025, par rapport à la date initialement prévue du 1er janvier 2024.

Étaient également concernés :

le droit de francisation et de navigation et le droit attaché à la délivrance d'un nouvel acte de francisation ainsi que la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA) et la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E) et par les distributeurs de services de télévision (TST-D), recouvrées par le Centre national du cinéma et de l'image animée - CNC (transfert ayant eu lieu au 1er janvier 2022) ;

- des amendes autres que celles de nature fiscale prévues par le code des douanes ou le code général des impôts (1er janvier 2023) ;

- des accises sur les alcools, les boissons alcooliques et les tabacs manufacturés (1er janvier 2024).

L'article 161 de la loi462(*) de finances pour 2021 a complété l'article 184 de la loi de finances initiale pour 2020 en ajoutant aux impositions transférées à compter du 1er janvier 2024 :

- la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) utilisés comme carburant ou combustible ;

- la taxe spéciale de consommation sur les produits énergétiques (TSC) dans les départements d'outre-mer de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte et de La Réunion ;

- la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants (TIRIB), renommée « taxe incitative à l'utilisation d'énergie renouvelable » ou TIRUERT à partir du 1er janvier 2022.

En complément, l'article 155 de la loi de finances précitée pour 2021 a transféré la gestion des taxes d'urbanisme à la DGFiP à compter du 1er janvier 2021, et l'article 180 de cette même loi lui a transféré, à compter du 1er janvier 2023, la gestion de la taxe due par les employeurs de main-d'oeuvre étrangère permanente, temporaire ou saisonnière, gérée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

L'article 128 de la loi463(*) de finances pour 2022 a de nouveau modifié l'article 184 de la loi de finances pour 2020, notamment pour procéder à des ajustements de calendrier. Il a également `octroyé au Gouvernement une nouvelle habilitation à légiférer par ordonnance pour continuer à procéder à l'organisation du transfert de la gestion de certaines taxes et impositions à la DGFiP ainsi qu'à la construction du code des impositions sur les biens et services, le travail de codification concernant désormais :

- les impositions générales sur les biens et services (TVA, octroi de mer) ;

- les taxes annexes sur les produits soumis à accises ;

- les taxes sur les autres secteurs d'activité (alimentation-agriculture-pêche, environnement, numérique-communication-culture, paris et jeux de hasard, santé, finance).

L'article 80 de la loi464(*) de finances pour 2023 a finalement abrogé l'article 184 de la loi de finances initiale pour 2020 et ratifié l'ordonnance du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne, en apportant plusieurs changements dans le cadre de la mise en oeuvre du transfert du recouvrement.

En particulier, après un premier report au 1er janvier 2023 par l'article 128 de la loi de finances pour 2022, le transfert du recouvrement des trois taxes affectées au CNC (TSA, TST-E et TST-D) a été définitivement abandonné, du fait de la forte opposition de ce dernier.

Par ailleurs, outre de nouveaux ajustements de calendrier et la clarification des règles relatives à la liquidation de la taxe acquittée par les employeurs de main-d'oeuvre étrangère permanente, temporaire ou saisonnière, cet article a également permis le maintien des prérogatives de contrôle de la Douane pour l'accise sur les carburants et les taxes qui lui sont associées.

Enfin, l'article 111 de la loi465(*) de finances pour 2024 a prévu :

- l'unification du recouvrement par la DGFiP pour les accises d'alcool et du tabac avec le transfert du recouvrement des taxes annexes applicables à ces produits, soit la cotisation de sécurité sociale sur les boissons alcooliques (CSS), le droit de licence pour le tabac, la taxe sur les mélanges de boissons alcooliques et boissons sucrées (dite taxe « prémix ») et la cotisation finançant le régime d'allocations viagères des gérants de débits de tabac ;

- le transfert du recouvrement de la taxe sur le transport maritime de passagers à destination d'espaces naturels protégés et du droit de francisation et de navigation et la taxe sur le transport aérien de passagers par la DGAC avec le transfert des majorations en Corse et en outre-mer, à compter du 1er janvier 2026.

La DGDDI conserve toutefois compétence dans certains cas : notamment sur les mesures de sécurisation de la base imposable de la TVA sur les produits pétroliers ou à l'importation ou encore sur les compétences autres que le recouvrement concernant les accises sur les alcools et les tabacs. Concernant la taxe annuelle sur les engins maritimes à usage personnel, les actes liés à la procédure de francisation des navires et ainsi que la gestion de la taxe sont transférés à la direction générale des affaires maritimes de la pêche et de l'aquaculture.

Le transfert de la compétence de recouvrement de certaines taxes de la DGDDI à la DGFiP a été opéré parallèlement à la codification du code des impositions sur les biens et services, opérée depuis le 1er janvier 2022.

C. DES PRÉLÈVEMENTS À DESTINATION DES COLLECTIVITÉS SUR CERTAINES NOUVELLES TAXES

1. Instauration de l'affectation aux communes et aux départements d'une part de la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance

L'article 100 de la loi de finances pour 2024 a introduit une taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, codifiée aux articles L 425-1 et suivants du code des impositions des biens et services, destinée à financer les investissements massifs de l'État dans les infrastructures, notamment ferroviaires. La taxe s'applique aux entreprises dont les revenus d'exploitation dépassent 120 millions d'euros et dont la rentabilité est supérieure à 7 % en moyenne sur les sept derniers exercices. Les revenus des entreprises répondant à ces deux critères sont taxés à hauteur de 4,6 %. Le décret466(*) du 8 février 2024 précise les contours d'application de cette taxe.

Sur proposition de la commission des finances du Sénat, un amendement avait été adopté prévoyant l'attribution de deux fractions d'un douzième des recettes de la taxe, respectivement aux communes et à leurs groupements et aux départements. L'objectif était de soutenir les collectivités territoriales dans l'entretien de la voirie, la majeure partie du rendement étant issue des concessions autoroutières. Ainsi, en 2022, selon le rapport de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales, les départements ont dépensé 4,6 milliards pour entretenir leur voirie. En 2022, de leur côté, les communes de plus de 3 500 habitants ont dépensé 3,6 milliards d'euros pour l'entretien de leur voirie.

L'estimation du rendement de la taxe en 2025 est de 600 millions d'euros, pour un plafond identique, soit le même montant que prévu pour 2024. En ce sens, le gain pour les communes et leurs groupements ainsi que pour les départements serait de 50 millions d'euros, soit 100 millions d'euros en tout pour les collectivités territoriales.

2. Codification de la part communale de la taxe intérieure sur la consommation d'électricité

L'article 54 de la loi de finances pour 2021 a supprimé la taxe départementale sur la consommation finale d'électricité au 1er janvier 2022, ainsi que la taxe communale sur la consommation finale d'électricité en 2023. Les départements et les communes reçoivent depuis une part de la TICFE, dénommée « accise sur l'électricité » depuis le 1er janvier 2022. L'article L. 2333-2 du code général des collectivités territoriales prévoit concernant la part communale de la taxe intérieure sur la consommation d'électricité :

- en 2023, la part communale est égale au produit de la taxe communale sur la consommation finale d'électricité, augmenté notamment « de l'évolution entre 2020 et 2021 de l'indice des prix à la consommation hors tabac » ;

- à compter de 2024, la part communale est égale au montant perçu au titre de l'année précédente, majoré « de l'évolution, entre cette même année et l'antépénultième année, de l'indice des prix à la consommation hors tabac », soit pour 2024, de l'évolution de l'inflation entre 2024 et 2022.

3. Existence d'un prix plancher sur les cigarettes et le tabac à rouler dans certains territoires d'outre-mer

L'article 30 de l'ordonnance467(*) du 20 décembre 2023 crée notamment un article L. 3512-14-13 du code de la santé publique qui prévoit la possibilité de fixer un prix de cigarettes et de tabacs à rouler en-deçà duquel la vente au détail est interdite dans le département de Mayotte, ainsi que dans les collectivités territoriales de Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, à compter du 1er juillet 2025.

D. CODIFICATION DU CODE DES IMPOSITIONS SUR LES BIENS ET SERVICES

Le code des impositions sur les biens et services (CIBS) a été créé par l'ordonnance468(*) du 22 décembre 2021, qui a été ratifiée par l'article 80 de la loi de finances pour 2023. Il a été complété notamment par l'ordonnance du 20 décembre 2023, avec divers objectifs :

- celle-ci a intégré notamment les dispositions législatives régissant les impositions propres aux secteurs de la communication, de la culture et du numérique. Elle a ainsi opéré la recodification à droit constant des taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée (taxe sur les spectacles cinématographiques, taxe sur les vidéogrammes, taxe sur la publicité télévisuelle et taxe sur l'autorisation d'exercice de l'activité d'exploitant d'établissement de spectacles cinématographiques) ;

- elle a également recodifié, à droit constant, la taxe sur la publicité extérieure, taxe facultative instaurée par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale. Elle s'applique aux entreprises exploitant des supports publicitaires fixes, visibles et en extérieur, qu'il s'agisse de publicité, d'enseignes ou de pré-enseignes.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : DES AJUSTEMENTS DU TRANSFERT DU RECOUVREMENT DES TAXES DE LA DGDDI À LA DGFIP, AVEC DES IMPLICATIONS POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, ET UNE ORDONNANCE DE TRANSFORMATION DES REDEVANCES DE SÛRETÉ AÉRIENNE EN IMPOSITION DE TOUTE NATURE

A. DES MESURES DE PRÉCISION DU CODE DES IMPOSITIONS DES BIENS ET SERVICES

1. Une précision sur l'inclusion des zones économiques exclusives et du plateau continental dans le territoire de taxation

Le 1° du A du I du présent article insère un article L. 112-4-1 nouveau au CIBS qui précise qu'un territoire de taxation comprenant le territoire métropolitain comprend également la zone économique exclusive et le plateau continental, conformément aux dispositions prévues par le I de l'article 19 de l'ordonnance du 8 décembre 2016469(*), selon laquelle « les lois et règlements s'appliquent, pendant le temps où sont exercées en zone économique exclusive ou sur le plateau continental les activités autorisées au titre de l'article 20 et de l'article 40-1 et les activités autorisées au titre du code minier, sur les îles artificielles, installations, ouvrages et leurs installations connexes, comme s'ils se trouvaient en territoire français métropolitain. Ils sont également applicables, dans les mêmes conditions, aux îles artificielles, installations, ouvrages et leurs installations connexes, eux-mêmes ».

Le territoire de taxation est défini à l'article L. 112-4 du code des impositions sur les biens et services, de la manière suivante : « pour l'application de chaque imposition, les territoires suivants sont regardés soit comme formant un territoire unique, soit comme formant cinq territoires distincts :

1° Celui de la métropole ;

2° Celui constitué des territoires de la Guadeloupe et de la Martinique ;

3° Celui de la Guyane ;

4° Celui de La Réunion ;

5° Celui de Mayotte ».

Cet alinéa constitue simplement une application dans le code des impositions et services des dispositions du I de l'article 19 de l'ordonnance470(*) du 8 décembre 2016, précisant que les impositions appliquées aux activités situées dans les zones économiques exclusives et le plateau continental sont les mêmes que sur le territoire métropolitain.

Le 2° du A du I du présent article permet une harmonisation du droit existant. Il insère ainsi un article L. 112-7-1 nouveau au CIBS pour préciser que les règles relatives à la provenance de biens du plateau continental ou de la ZEE sont indiquées par l'article 33 de l'ordonnance précitée, qui dispose que « en matière douanière, les produits extraits du plateau continental ou de la zone économique exclusive sont considérés comme extraits d'une nouvelle partie du territoire douanier prévu par l'article 1er du code des douanes.

Les mêmes produits doivent, pour l'application de la législation fiscale, être considérés comme extraits du territoire français métropolitain ». Le territoire douanier comprend « les territoires et les eaux territoriales de la France continentale, de la Corse, des îles françaises voisines du littoral, de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Mayotte et de Saint-Martin », conformément à l'article 1er du code des douanes.

2. Subordination du bénéfice des tarifs réduits pour les entreprises en difficulté aux conditions prévues par le règlement général de minimis

Le 7° du A du I du présent article, qui complète l'article L. 312-42 du code des impositions des services, prévoit que le bénéfice des tarifs réduits sur l'accise sur les énergies pour les aides aux entreprises en difficulté est conditionné au respect des règles soit du règlement général de minimis471(*), du règlement de minimis dans le secteur agricole472(*) ou du règlement de minimis dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture473(*).

L'article L. 312-42 du CIBS prévoit en effet que « le bénéfice des tarifs réduits constitutifs d'une aide d'État prévus au présent paragraphe est subordonné au respect des conditions prévues à l'article 44 du règlement général d'exemption par catégorie ».

Un tel tarif réduit est en effet constitutif d'une aide d'État, au sens de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Or, en règle générale, les aides d'État accordées aux entreprises doivent être notifiées et autorisées par la Commission européennes avant leur octroi, conformément aux articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Par exception, le règlement général d'exemption par catégorie474(*) a pour objet de permettre aux gouvernements de l'Union européenne d'attribuer des financements publics importants à des entreprises, sans demander préalablement la permission à la Commission.

Toutefois, conformément au c du 4 de son article premier, ledit règlement ne peut s'appliquer aux aides aux entreprises en difficulté.

En revanche, les règlements de minimis, de minimis dans le secteur agricole et de minimis dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture s'appliquent aux aides aux entreprises en difficulté. Ils disposent que les aides d'un montant inférieur à 300 000 euros n'ont pas à faire l'objet d'une notification à la Commission.

Soumettre le bénéfice de tarifs réduits sur les accises sur les énergies concernant les aides aux entreprises en difficulté aux règlements de minimis constitue ainsi une application du droit de l'Union européenne.

3. Modification de l'exonération de la taxe sur l'utilisation par les poids lourds du domaine public routier pour les exploitants agricoles

Le 20° du A du I du présent article modifie l'article L. 421-215 du CIBS, qui liste l'ensemble des véhicules pouvant bénéficier d'exonérations de la taxe sur l'utilisation par les poids lourds de certaines voies du domaine public routier. Dans sa version actuelle, en particulier les véhicules affectés au « transport par les exploitants agricoles de leurs récoltes et le transport du bois par les exploitants sylvicoles » sont exonérés de ladite taxe. La nouvelle rédaction proposée de l'article L.421-15 remplace cette catégorie de véhicules, par l'ensemble des véhicules énumérés à l'article L. 421-155 du CIBS.

En vertu de la rédaction de l'article L. 421-155 du CIBS entrée en vigueur le 23 octobre 2024, la liste des exonérations possibles s'allonge notamment aux véhicules utilisés pour le transport d'animaux ou de minéraux et dont l'entreprise affectataire est un exploitant agricole ou forestier ou une coopérative agréée dans les conditions prévues à l'article L525-1 du code rural et de la pêche maritime. Selon la direction de la législation fiscale, le nombre de bénéficiaires devrait rester limité, l'exonération ne concernant que les poids lourds utilisés par des exploitants agricoles ou sylvicoles pour par leurs coopératives uniquement pour le transport nécessaire à leur activité agricole.

4. Rectification de la codification des taxes recouvrées par le Centre national du cinéma et de l'image animée

Le 27° du I du A insère un article L. 452-9-1 nouveau au CIBS, qui prévoit que la taxe sur les spectacles cinématographiques est constatée par le centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Le CNC assure déjà les autres fonctions liées au recouvrement de la taxe.

Le 28° du A du I complète l'article L. 452-11 du CIBS pour préciser que la taxe sur les spectacles cinématographiques n'est pas acquittée par les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques n'organisant qu'une séance par semaine ou pour lesquels le montant cumulé de la taxe n'excède pas 30 euros. Il s'agit d'une correction de codification en vue d'harmoniser le CIBS avec l'article L. 115-3 du code du cinéma et de l'image animée.

Dans la même logique, le 29° du A du I rectifie le taux d'imposition de la taxe sur les vidéogrammes pour le baisser de moitié, la rédaction actuelle constituant une erreur de codification.

Le 31° du A du I concerne la taxe sur les services d'accès à des contenus audiovisuels à la demande, créée par l'ordonnance475(*) du 20 décembre 2023. Conformément à l'article L. 453-40 du CIBS, le taux d'imposition de cette taxe est fixé charque année par arrêté des ministres chargés du budget, des transports et du travail, dans la limite supérieure de 5 %. Le présent article supprime l'obligation de publier un arrêté pour chaque année civile.

Le 34° du A du I, qui concerne la taxe sur la publicité télévisuelle et les autres ressources liées à la diffusion des services de télévisions, codifie au sein du CIBS une disposition de l'article 57 de la loi de finances initiale pour 2024 qui étend l'exonération de la taxe précitée aux services de télévision diffusant peu d'oeuvres éligibles aux aides financières du CNC. Le c du 34° abroge l'exonération précitée au 1er janvier 2026.

5. Rectification de la codification des tarifs normaux des taxes sur la publicité extérieure

Le 37° du A du I rehausse les tarifs normaux appliqués aux taxes sur la publicité extérieure (appliquées aux faces des dispositifs publicitaires et des pré-enseignes numériques et non numériques et des faces d'enseigne), pour le mettre en accord avec l'article L. 2333-9 du code général des collectivités territoriales (CGCT), désormais abrogé. Le 38° du A du I harmonise les conditions d'imposition d'un taux majoré sur ces taxes avec les dispositions existantes de l'article L. 2333-10 du CGCT, également abrogé.

6. Extension de la possibilité de fixer un prix plancher des cigarettes à la Guadeloupe et à la Réunion

Le 2° du XIV, en modifiant le iii du c du 1° de l'article 30 de l'ordonnance du 20 décembre 2023 précitée, étend la possibilité de fixer un prix de cigarettes et de tabacs à rouler en-deçà duquel la vente au détail est interdite aux départements de la Guadeloupe et de La Réunion.

Cette possibilité est actuellement réservée exclusivement au département de Mayotte, aux collectivités territoriales de Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Il s'agit de la correction d'une erreur matérielle de codification.

7. Rectification de la codification de la règlementation appliquée aux appareils de distillation d'alcool

Le 3° du XIV modifie l'article 33 de l'ordonnance du 20 décembre 2023, qui lui-même inscrivait dans le code de la pêche rurale et maritime des obligations précédemment contenues à l'article 306 du code général des impôts concernant la règlementation des appareils de distillation d'alcools. Le présent alinéa indique que la réparation ou la transformation d'un appareil de distillation est soumise à déclaration à l'administration, et non à autorisation de l'administration. Il s'agit de la mise en oeuvre d'une promesse de l'ancien ministre du budget Thomas Cazenave, en réponse à la demande du secteur.

Le 4° du XIV avance l'entrée en vigueur des articles L. 3322-4 et L. 3322-5 du code de la santé publique du 1er juillet 2025 au 1er janvier 2025. L'article L. 3322-4 interdit tout mélange d'alcool avec des corps de la famille des alcools pour un mélange destiné à la santé humaine. Cette interdiction est comprise à l'article 402 du code général des impôts, en vigueur jusqu'au 1er juillet 2025. L'article L. 3322-5 interdit la vente de cidres et poirés sous cette dénomination qui sont impropres à la consommation au sens du 4°du I de l'article L. 412-1 du code de la consommation.

Le XV ratifie l'ordonnance du 20 décembre 2023 portant création du titre V du livre IV du code des impositions sur les biens et services et portant diverses autres mesures de recodification de mesures non fiscales.

B. DES MODIFICATIONS SUBSTANTIELLES CONCERNANT LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Annulation de l'affectation aux communes d'une part de la taxe exploitation des infrastructures de transport de longue distance

Le 25° du A du I supprime le II de l'article L 412-20 du CIBS, qui dispose que : « à compter de 2024, une fraction égale à un douzième du produit de la taxe est affectée aux communes exerçant la compétence définie au 5° de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre auxquels cette compétence a été transférée dans les conditions prévues au II de l'article L. 5214-16, au I de l'article L. 5215-20, au I de l'article L. 5215-20-1 ou au II de l'article L. 5216-5 du même code.

À compter de 2024, une fraction égale à un douzième du produit de la taxe est affectée aux départements, à la Ville de Paris, au Département de Mayotte, à la métropole de Lyon, à la collectivité territoriale de Guyane, à la collectivité territoriale de Martinique, à la collectivité de Corse et à la collectivité européenne d'Alsace.

La répartition de ces fractions entre les affectataires est déterminée en fonction de la longueur de voirie en gestion selon des modalités définies par décret ».

Il s'agit de la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, dont un douzième ne serait finalement pas affectée aux communes ou aux EPCI exerçant la compétence relative à l'entretien de la voie communale, ni aux départements. En lieu et place, cette taxe serait transférée à l'Agence de financement des infrastructures de France.

Le produit de la taxe s'élèverait en 2024 et 2025 à 600 millions d'euros, soit un manque à gagner de 50 millions d'euros pour les communes et les EPCI et de 50 millions d'euros pour les départements.

2. Modification des modalités de calcul de la part communale de la taxe intérieure sur la consommation d'électricité

Le II du présent article modifie l'article L. 2333-2 du code général des collectivités territoriales en disposant que la part communale de la taxe intérieure sur la consommation d'électricité est égale au montant perçu au titre de l'année précédente, majoré de l'évolution de l'inflation entre la même année et l'année d'avant, non de l'antépénultième année comme le codifie le droit actuel.

Ainsi, en 2024, la part communale de la taxe intérieure sur la consommation d'électricité sera majorée de l'évolution de l'inflation entre 2024 et 2023, et non entre 2024 et 2022. L'inflation cumulée entre janvier 2022 et janvier 2024 devrait représenter 10,5 %, alors qu'elle ne représenterait que 5,1 % entre janvier 2023 et janvier 2024.

Toutefois, il s'agit essentiellement d'une mesure de rectification d'une erreur de codification : la rédaction actuelle conduit à prendre en compte deux années de suite l'inflation entre deux années. Ce n'était d'ailleurs pas le mode de calcul de la précédente taxe communale sur la consommation d'électricité.

C. LA POURSUITE DU TRANSFERT DU RECOUVREMENT DE TAXES DE LA DGFIP À LA DGDDI

1. Allongement du délai de transfert du recouvrement de l'accise sur les carburants de la DGDDI à la DGFIP

Le 1° du X du présent article supprime une disposition de l'article 80 de la loi de finances pour 2023, qui a créé l'article L. 312-106 du CIBS. Elle dispose que la répression de l'absence de « vérification que l'utilisation effective d'un produit est la même que celle au titre de laquelle un remboursement est obtenu ou sollicité en application de l'article L. 311-36 » concernant les tarifs réduits appliqués à l'accise sur les énergies autres que le charbon, les gaz naturels et l'électricité est régie par le code des douanes. Cette vérification sera opérée par la DGFiP à partir de la date d'application de la présente loi, conformément à l'article L. 180-1 du code général des impôts. Toutefois, la répression de l'absence de « contrôle des mesures de suivi et de gestion » relève toujours de la DGDDI.

De plus, le 2° du X reporte le transfert de la DGDDI à la DGFiP du recouvrement de l'accise sur les produits autres que les charbons, les gaz naturels et l'électricité de 2025 à 2027, en modifiant l'article 80 de la loi de finances initiale pour 2023.

Ainsi, le 9° du A du I vise à instituer deux régimes successifs : un régime temporaire de 2025 à 2027, qui couvre la période de report du transfert ; puis un régime définitif à compter de 2027.

Il crée ainsi un article L. 312-106-1 dans le CIBS, qui complète les dispositions de l'article L. 312-106 prévoyant que « sauf s'agissant des charbons, des gaz naturels et de l'électricité, l'accise sur les énergies est, pour les éléments mentionnés à l'article L. 180-1, régie par les dispositions du code des douanes ». L'article L. 312-106-1 nouvellement créé prévoit que par exception l'accise exigible en cas de changement d'utilisation des gazoles ou essences pour les taxis, les transports publics de personnes et les transports de marchandises est régie par l'article L. 180-1 du code général des impôts et non par le code des douanes.

L'accise exigible en cas de changement d'utilisation d'un carburant pour des travaux agricoles et forestiers est également régie par le B du III de l'article 55 de la loi de finances pour 2010, qui dispose que « donne lieu à l'application d'une majoration de 10 % tout retard dans le paiement des créances qui font l'objet d'un titre de perception que l'État délivre dans les conditions prévues à l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'il est habilité à recevoir.

Cette majoration, perçue au profit de l'État, s'applique aux sommes comprises dans le titre qui n'ont pas été acquittées le 15 du deuxième mois qui suit la date d'émission du titre de perception. » Il s'agit du régime historique du remboursement agricole.

Le 10° du A du I abroge cet article L. 312-106-1 du code général des impôts au 1er janvier 2027. En effet, à cette date normalement l'ensemble de l'accise sur les produits énergétiques autres que le charbon, les gaz naturels et l'électricité aura été transféré à la DGFiP, rendant l'article L 312-106-1 de facto inutile.

Le IX du présent article modifie l'article 130 de la loi de finances476(*) pour 2022 afin de repousser la date d'entrée en vigueur du transfert de la DGDDI à la DGFiP du recouvrement de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers, du droit de perception des passeports, du droit de francisation et de navigation, des taxes intérieures sur certains carburants, de la taxe intérieure sur le gaz naturel et le méthane, de la taxe spéciale de consommation, de la TGAP, de la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants, de la TVA produits pétroliers, de la TVA et des contributions indirectes du 1er janvier 2026 au 1er janvier 2028.

2. Autres mesures d'harmonisation du transfert des taxes de la DGDDI à la DGFiP

Le 1° du IV du présent article procède à une harmonisation du code des douanes pour tenir compte du transfert de la rémunération au titre du stockage des produits pétroliers de la DGDDI à la DGFiP. Le 5° du IV procède de même à une harmonisation du droit existant en supprimant les articles 285 et 285 bis du même code, qui n'ont plus lieu d'être depuis le transfert du recouvrement des taxes liées à l'importation de la DGDDI à la DGFiP.

Le V vise à permettre à l'administration d'utiliser le droit de communication prévu au premier alinéa de l'article L. 83 A du livre des procédures fiscales dans le cadre du contrôle du régime économique des tabacs régi par les articles 565 à 574 du code général des impôts. Conformément au droit de communication défini aux articles précités, « les agents de la direction générale des finances publiques, les agents de la direction générale des douanes et droits indirects et les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes peuvent se communiquer spontanément ou sur demande tous documents et renseignements détenus ou recueillis dans le cadre de l'ensemble de leurs missions respectives ». Il s'agit d'une exception aux conditions d'exercice du droit de communication énoncées par l'article L. 81 du livre des procédures fiscales, qui limite ce droit aux renseignements liés à « l'assiette, le contrôle et le recouvrement des impôts. »

Le VI modifie l'article L. 5321-3 du code des transports pour harmoniser les modalités de recouvrement du droit de port, maintenant transféré à la DGFiP.

Le VII procède à des modifications du code général des impôts portant sur le droit de port. En particulier, le 2° du VII instaure que pour le droit de port perçu par l'État et versé aux collectivités, un pourcentage fixé par arrêté du ministre du budget est prélevé pour compenser les frais d'assiette et de recouvrement. Une procédure similaire existait à l'article 285 du code des douanes. Le présent article ajoute toutefois que les frais prélevés ne peuvent être inférieurs à 0,5 %, ni supérieurs à 2,5 % du montant des redevances.

Le XIII `prolonge le prélèvement par l'État de 2,5 % des sommes recouvrées au titre de transport maritime de passagers à destination d'espaces naturels protégés mentionnée à l'article L. 423-57 du CIBS, en modifiant l'article 111 de la loi de finances pour 2024, qui avait prévu sa suppression. En effet, la suppression avait été prévue lorsqu'il était question de transférer à la DGFiP le recouvrement de la taxe sur le transport maritime de passagers à destination d'espaces naturels protégés.

D. UNE ORDONNANCE PRÉVUE POUR LA TRANSFORMATION DES REDEVANCES PERÇUES PAR LA DSAC EN IMPOSITIONS DE TOUTE NATURE

Le XVI prévoit d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai d'un an, des mesures portant création de nouvelles impositions ou de modification d'impositions existantes pour financer les missions de la direction générale de l'aviation civile en matière de surveillance et de certification pour la sécurité de l'aviation civile. Les objectifs de cette ordonnance sont les suivants :

- « assurer la sécurité juridique » relativement aux redevances pour services rendus ;

- harmoniser le recouvrement des nouvelles impositions, tout en « préservant des modulations tarifaires » pour inciter au respect de la loi ou du droit de l'Union européenne en matière de sécurité et de sûreté de l'aviation civile ;

- « améliorer la lisibilité des dispositions concernées » ;

- « assurer le respect de la hiérarchie des normes ».

E. DES MODIFICATIONS DE FORME ET UNE CORRECTION DES ERREURS MATÉRIELLES DU CODE DES IMPOSITIONS SUR LES BIENS ET SERVICES

Le présent article procède enfin à des corrections d'erreurs matérielles ainsi qu'à des modifications de forme.

Les 3°, 4°, 5°, 6°, 8°, 11°, 12°, 13°, 14°, 15°, 16°, 17°, 21°, 23°, 24°, 26°, 30°, 32°, 33°, 35°, 39°, 43° du A du I procèdent à des corrections d'erreurs matérielles ou à rectifications de rédaction dans le code des impositions des biens et services. Le III procède également à une correction d'erreur matérielle dans le code de la propriété intellectuelle.

Le 4° du IV, le VIII, le 1° du XIV procèdent également à une correction d'erreur matérielle.

Les 19°, 36°, 45° du A du I permettent de préciser la rédaction du code des impositions des biens et services. Le XI et le XII permettent de préciser la rédaction de l'ordonnance477(*) du 22 décembre 2021 codifiant le CIBS.

Le 22° du A du I précise la disposition de l'article L. 421-233 qui prévoit que « les catégories fiscales du tarif des émissions de dioxyde de carbone sont constituées des classes mentionnées à l'article L. 421-204 subdivisées selon les classes d'émissions de dioxyde de carbone ou de regroupements de ces classes ». Le présent article précise simplement qu'une même catégorie fiscale déterminée par l'autorité compétente peut concerner plusieurs de ces subdivisions.

Le 40° du A du I précise que conformément à l'article L. 471-22 du CIBS, les taxes sur les produits de l'industrie et de l'artisanat ne s'appliquent pas pour les biens d'occasion des industries de l'horlogerie, de la bijouterie-joaillerie, de l'orfèvrerie et des arts de la table.

Le 41° du A du I précise par ailleurs via la création de l'article L. 471-29-1 au sein du CIBS que la livraison d'un bien incorporant un bien des industries mécaniques et pour lequel l'incorporation a été réalisée sur le territoire de taxation constitue également un fait générateur de la taxe. Cette situation était précédemment exemptée de taxe, conformément à l'article L. 471-32 du même code, dont le 42° du A du I du présent article supprime le 8° en coordination avec l'alinéa 41°. Le 43° du A du I crée un article L. 471-45-1 qui précise que le montant pris en compte pour l'application du taux des taxes sur les produits de l'industrie et de l'artisanat est celui de l'incorporation du bien mécanique réalisée sur le sol français. Il s'agit de la sécurisation juridique d'une pratique historique des acteurs.

Le B du I dispose que les délibérations mentionnées à cet article au titre de l'année 2025 peuvent intervenir jusqu'au 31 décembre 2024, et non jusqu'au 1er juillet comme l'énonce l'article L. 454-47 du CIBS.

Le C du I précise que les dispositifs du A et du B sont applicables dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises.

Le 2° du IV procède à une précision d'une disposition comprise dans l'article 266 sexies du code des douanes portant sur l'imposition de la taxe générale sur les activités polluantes. Le 3° du IV procède également à une précision de l'article 266 nonies ainsi qu'à la correction d'erreurs matérielles.

Le XVII prévoit une entrée en vigueur de l'article le 1er janvier 2025, à l'exception des dispositions prévoyant une entrée en vigueur ou une date d'application propre.

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L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES MESURES DE RATIONALISATION FISCALES BIENVENUES

A. LE TRANSFERT DU RECOUVREMENT DES TAXES DE LA DGDDI À LA DGFIP ET LA CODIFICATION DU CODE DES IMPOSITIONS DES BIENS ET SERVICES : UNE SIMPLIFICATION DU DROIT EXISTANT

Le transfert du recouvrement des taxes de la DGDDI à la DGFiP constitue une rationalisation du mode de recouvrement fiscal et des moyens qui lui sont alloués bienvenue. Par conséquent, le décalage du transfert de certaines taxes est regrettable, même si les contraintes sont évidemment importantes. En effet, des développements informatiques importants sont nécessaires pour permettre le recouvrement de ces accises par la DGFiP et impliquent un délai supplémentaire.

Le rapporteur général recommande de poursuivre le travail pour permettre un recouvrement effectif unifié des taxes.

Toutefois, les systèmes de la DGFIP peuvent permettre d'assurer le recouvrement de l'accise sur les produits énergétiques autres que le charbon, les gaz naturels et l'électricité pour certaines catégories de consommateurs.

Concernant les taxes affectées au CNC (taxe sur les spectacles cinématographiques, taxe sur les vidéogrammes, taxe sur la publicité télévisuelle et taxe sur l'autorisation d'exercice de l'activité d'exploitant d'établissement de spectacles cinématographiques), il est regrettable que le recouvrement n'ait pas été transféré du CNC à la DGFiP. Le régime en aurait ainsi été rationalisé. Le rapporteur général souhaite donc que le travail se poursuive, pour permettre un transfert effectif du recouvrement des taxes à la DGFiP et lever les obstacles.

Par ailleurs, il est également dommage que le transfert de la taxe sur le transport de passagers à destination d'espaces naturels protégés n'ait pas été opéré.

B. LES PARTS COMMUNALE ET DÉPARTEMENTALE DE LA TAXE SUR LES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE LONGUE DISTANCE

L'affectation de la majeure partie du rendement de la taxe sur les infrastructures de transport de longue distance à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France) est légitime dans la perspective de contribuer à la transition écologique du secteur des transports. Ainsi, elle participera notamment au financement des investissements nécessaires à la régénération et à la modernisation du réseau ferroviaire.

Toutefois, dans la mesure notamment où la majeure partie du rendement de cette impositions est issu des concessions autoroutières, il est aussi parfaitement justifié qu'une fraction de celui-ci bénéficie aux usagers des réseaux routiers départementaux et communaux.

Alors que l'entretien des voiries départementale et communale est trop dépendant des aléas de la situation financière de ces collectivités, il apparaissait également légitime que le produit de la taxation perçue sur le réseau concédé puisse être très partiellement redistribué au profit des réseaux routiers départementaux et communaux.

Le rapporteur général s'interroge donc sur la possibilité de rétablir l'affectation prévue par la loi de finances pour 2024.

C. LA TRANSFORMATION DES REDEVANCES PERÇUES PAR LA DSAC EN IMPOSITIONS DE TOUTE NATURE, UNE MESURE INDISPENSABLE DE SÉCURITÉ JURIDIQUE

La transformation des redevances perçues par la DSAC en impositions de toute nature constitue une mesure indispensable pour assurer la sécurité juridique d'un dispositif nécessaire au financement des missions de surveillance et de sécurisation du transport aérien. Des propositions pour opérer ladite transformation existent déjà, afin de veiller à ne pas impacter le secteur aérien.

Le rapporteur général relève qu'il avait été envisagé de supprimer les redevances au profit d'une augmentation du tarif de l'aviation civile de la taxe sur le transport aérien de passagers et de la taxe sur le transport aérien de marchandises. Il s'interroge sur les raisons qui ont poussé à ne pas retenir l'option tout en neutralisant le coût de la taxe pour les passagers aériens.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 22

Mise en conformité des dispositions fiscales avec la règlementation européenne en matière d'aides d'État

Le présent article prévoit une mise à jour, dans le droit national, des renvois au règlement (UE) du 13 décembre 2023 relatif aux aides de minimis et à un régime cadre informé relatif aux aides à la recherche, au développement et à l'innovation.

L'exactitude des références inscrites dans le droit national assure la bonne information des bénéficiaires d'aides.

Par suite, l'actualisation des renvois opérée par l'article constitue une mesure de mise en conformité utile qui renforce l'accessibilité du droit pour les entreprises et consolide la sécurité juridique des dispositifs d'aide concernés.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE D'AIDE D'ÉTAT A FAIT L'OBJET D'ÉVOLUTIONS ADOPTÉES PAR DES RÈGLEMENTS (UE) DE LA COMMISSION EUROPÉENNE EN 2023

A. LE DROIT PRIMAIRE DE L'UNION EUROPÉENNE PRÉVOIT QUE CERTAINES AIDES D'ÉTAT PEUVENT ÊTRE EXEMPTÉES DE L'OBLIGATION DE NOTIFICATION, NOTAMMENT DANS LE CAS DES AIDES D'UN MONTANT RÉDUIT OU RELEVANT DE CATÉGORIES SPÉCIFIQUES

Pour garantir la libre concurrence sur le marché intérieur, le droit primaire de l'Union européenne consacre l'irrégularité des aides d'État qui sont incompatibles avec le marché intérieur478(*).

Par suite, la qualification des aides publiques comme « aides d'État » et, le cas échéant, la compatibilité de ces aides avec le marché intérieur constituent des enjeux majeurs de conformité du droit national au droit de l'Union européenne.

La qualification d'une aide publique comme aide d'État repose sur quatre critères cumulatifs prévus par l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

- le critère de ressources publiques en application duquel une aide d'État est financée par une personne publique ;

- le critère de sélectivité en application duquel une aide d'État, par opposition aux mesures générales de soutien à l'économie, favorise certaines entreprises ;

- le critère relatif à la concurrence en application duquel une aide d'État fausse ou menace de fausser la concurrence ;

- le critère relatif aux échanges entre États membres en application duquel une aide d'État affecte les échanges entre État membres.

Les aides d'un montant réduit, qualifiées d'aides « de minimis », ne sont pas, sous certaines conditions, qualifiées comme aides d'État au motif que ces sommes limitées ne remplissent pas les critères relatifs à la concurrence et aux échanges entre État membre. Pour assurer un contrôle effectif du respect des plafonds des aides de minimis, la réglementation européenne impose que les entreprises qui reçoivent une aide de minimis soient informées du caractère de minimis de l'aide, « en se référant directement au présent règlement »479(*). Pour les aides de nature fiscale, la France assure l'information des entreprises par la mention expresse du règlement de minimis dans les dispositions applicables du droit national. Par suite, dès lors que l'information des bénéficiaires est une condition de fond pour assurer la régularité de l'aide de minimis, l'exactitude de la référence inscrite dans les textes en vigueur est une nécessité pour consolider la sécurité juridique des dispositifs concernés.

Par surcroît, le droit primaire de l'Union480(*) prévoit que certaines aides d'État sont régulières dès lors qu'elles sont compatibles avec le marché intérieur.

Plus spécifiquement, le cadre applicable aux aides d'État prévoit que certaines aides d'État sont réputées compatibles avec le marché intérieur et sont à ce titre exemptées481(*) de la procédure de notification préalable par la France à la Commission482(*). Les critères d'identification de ces aides ainsi que les plafonds, pour chaque catégorie d'aide, dans la limite desquels les aides sont exemptées de notification préalable sont fixés par un règlement (UE) de la Commission désigné comme le règlement général d'exemption par catégorie (RGEC)483(*).

Dans le cadre de l'application du règlement général d'exemption par catégorie (RGEC), la France peut mettre en oeuvre des régimes cadres « informés », c'est-à-dire des régimes entrant dans le champ du RGEC pour lesquels la France est tenue de procéder à une information de la Commission, pour lui permettre d'exercer un contrôle de conformité a posteriori, dans les vingt jours ouvrables qui suivent son entrée en vigueur484(*).

Le régime informé applicable de la France relatif aux aides à la recherche, au développement et à l'innovation (RDI) pour la période 2024-2026 prévoit que les aides accordées sur la base de ce régime doivent y faire directement référence485(*). En matière fiscale, l'information des entreprises est assurée par la mention expresse de la référence du régime informé dans les dispositions applicables du droit national. Par suite, l'exactitude de la référence inscrite dans les textes en vigueur est une nécessité pour consolider la sécurité juridique des dispositifs concernés.

B. LE CADRE APPLICABLE AUX AIDES EXEMPTÉES DE L'OBLIGATION DE NOTIFICATION A ÉVOLUÉ EN 2023 AVEC L'ADOPTION DE DEUX RÈGLEMENTS PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE

Les règles de droit de l'Union relatives aux aides de minimis et aux catégories d'aides d'État exemptées de l'obligation de notification ont fait l'objet d'aménagements intervenus en 2023.

En premier lieu, pour les aides de minimis, c'est-à-dire d'un montant réduit, le règlement (UE) 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013486(*) a été remplacé par le règlement (UE) 2023/2831 de la Commission du 13 décembre 2023 relatif aux aides de minimis487(*) entré en vigueur le 1er janvier 2024. Le nouveau règlement de minimis, qui ne change pas l'économie générale du dispositif, a modifié le plafond maximum d'aides de minimis versées à une entreprise sur une période de trois ans qui est passé de 200 000 euros à 300 000 euros.

En second lieu, pour les aides catégorielles exemptées de l'obligation de notification, le règlement (UE) du 17 juin 2014488(*), qui constitue le règlement général d'exemption par catégorie (RGEC) a été modifié par le règlement (UE) du 23 juin 2023489(*). En application de ce règlement, la France a informé la Commission de la mise place du régime d'aide informé relatif aux aides à la recherche, au développement et à l'innovation (RDI) pour la période 2024-2026 qui a été enregistré par la Commission sous la référence n° SA.111 723. Ce régime modifie le régime n° SA.58 995 relatif aux aides à la recherche, au développement et à l'innovation (RDI) pour la période 2014-2023.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE MISE À JOUR DES RENVOIS AUX DÉCISIONS EUROPÉENNES DANS LE DROIT NATIONAL POUR GARANTIR SA CONFORMITÉ AU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE D'AIDES D'ÉTAT

Les 1° et 2° du I, et les II à VI de l'article procèdent à l'actualisation du renvoi au règlement de minimis dans plusieurs articles du code général des impôts, du code des impositions sur les biens et services, de plusieurs lois de finances et la loi « climat et résilience » du 22 août 2021490(*) en substituant à une référence au règlement (UE) du 18 décembre 2013491(*) une référence au règlement (UE) 2023/2831 de la Commission du 13 décembre 2023 relatif aux aides de minimis492(*).

Le 3° du I de l'article procède à l'actualisation du renvoi au régime cadre relatif aux aides à la recherche, au développement et à l'innovation dans l'article du code général des impôts régissant le crédit d'impôt en faveur de la recherche collaborative493(*) en substituant le numéro SA.111 723 au numéro SA.58 995.

Enfin, par cohérence avec la date d'entrée en vigueur de nouveau règlement de minimis et du nouveau régime cadre relatif aux aides à la recherche, au développement et à l'innovation, le VII prévoit une entrée en vigueur des nouvelles références à compter du 1er janvier 2024.

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L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : L'ACTUALISATION PROPOSÉE RENFORCE L'ACCESSIBILITÉ DU DROIT POUR LES ENTREPRISES ET CONSOLIDE LA SÉCURITÉ JURIDIQUE DES AIDES QUI LEUR SONT VERSÉES

L'actualisation proposée du droit national constitue une mesure de mise en conformité avec le droit de l'Union de nature à consolider la sécurité juridique des dispositifs concernés et, partant, celle des entreprises bénéficiaires d'aides d'État.

En effet, en premier lieu, le fait de faire figurer un renvoi mis à jour dans notre droit fiscal améliore l'information du public en général et des bénéficiaires d'aides en particulier. Cet article est par suite un vecteur de renforcement de l'accessibilité du droit pour les entreprises. Il est également un vecteur de consolidation de la sécurité juridique de ces aides dans la mesure où une information précise des bénéficiaires d'aides sur le régime sur le fondement duquel une aide leur est octroyée est prévue par la réglementation applicable.

En second lieu, la mise à jour de la référence relative au règlement de minimis est d'autant plus opportune que depuis 2023 le plafond pour les aides de minimis a été augmenté de moitié en passant de 200 000 à 300 000 euros sur une période de trois ans.

Par conséquent, cet article modifie utilement notre droit pour assurer sa conformité à la réglementation en vigueur.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 23

Sécurisation des modalités d'imposition applicables aux personnes
non-résidentes de France

Le présent article prévoit d'inscrire dans le code général des impôts que les personnes non-résidentes en France par application d'une convention fiscale internationale ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens des dispositions de l'article 4 B du code général des impôts.

Il vise à affirmer au niveau législatif la primauté de la notion conventionnelle de résidence fiscale sur la notion interne de domiciliation fiscale. En effet, le principe de primauté, privilégié par l'administration fiscale, a été remis en cause par une décision du Conseil d'État en date du 5 février 2024.

Cette inscription au niveau législatif permettra ainsi notamment de sécuriser le champ d'application de la retenue à la source spécifique prévue par l'article 182 A du code général des impôts.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : JUSQU'À UNE RÉCENTE DÉCISION DU CONSEIL D'ÉTAT, LA NOTION CONVENTIONNELLE DE RÉSIDENCE L'EMPORTAIT SUR LA NOTION INTERNE DE DOMICILE FISCAL

A. POUR L'ADMINISTRATION FISCALE, UN CONTRIBUABLE RÉSIDENT D'UN AUTRE ÉTAT AU SENS D'UNE CONVENTION FISCALE NE PEUT ÊTRE REGARDÉ COMME FISCALEMENT DOMICILIÉ EN FRANCE

1. Les personnes domiciliées fiscalement hors de France sont passibles de l'impôt sur le revenu sur leurs seuls revenus de source française

Sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus les personnes qui ont en France leur domicile fiscal494(*). S'agissant des personnes dont le domicile fiscal est situé hors de France, elles sont soumises à une obligation fiscale restreinte et sont passibles de l'impôt sur les seuls revenus de source française495(*).

Pour mémoire, l'article 4 B du code général des impôts (CGI) définit la domiciliation fiscale en France. Il fixe des critères alternatifs pour déterminer la domiciliation fiscale :

un critère personnel : la personne a son foyer ou son lieu de séjour principal en France ;

un critère professionnel : la personne exerce une activité professionnelle en France, salariée ou non, sauf si elle justifie que cette activité y est exercée à titre accessoire. À ce titre, la loi de finances pour 2020496(*) a complété l'article 4 B du CGI pour préciser que les dirigeants des entreprises dont le siège est situé en France et qui y réalisent un chiffre d'affaires annuel supérieur à 250 millions d'euros sont considérés comme exerçant en France leur activité professionnelle à titre principal, à moins qu'ils ne rapportent la preuve contraire ;

un critère économique : la personne a en France le centre de ses intérêts économiques.

Dès lors que l'un de ces critères est rempli, le contribuable est considéré comme fiscalement domicilié en France497(*). En miroir, les personnes ne remplissant aucun des critères précités sont considérées comme non-domiciliées fiscalement sur le territoire.

Aux termes de l'article 197 A du CGI, l'impôt sur le revenu dû par les personnes domiciliées hors de France sur leurs revenus de source française498(*) est calculé selon les règles de droit commun applicables aux contribuables domiciliés en France. Pour autant, dès lors que ces revenus ne représentent qu'une partie du revenu dont disposent ces contribuables, ils ne bénéficient pas de l'application des réductions et crédits d'impôts, sauf exception.

L'article 197 A du CGI fixe, par ailleurs, un taux minimal d'imposition afin de ne pas avantager indûment les contribuables non fiscalement domiciliés en France par rapport aux résidents. Pour ces derniers, l'impôt est en effet calculé suivant les mêmes règles sur l'ensemble de leurs revenus. Ainsi, pour les contribuables non fiscalement domiciliés en France, le montant de l'impôt ne peut être inférieur à un montant calculé en appliquant un taux de 20 % à la fraction du revenu net imposable inférieure ou égale à la limite supérieure de la deuxième tranche du barème de l'impôt sur le revenu et un taux de 30 % à la fraction supérieure à cette limite. Pour autant, lorsque le contribuable justifie que le taux de l'impôt français sur l'ensemble de ses revenus de source française ou étrangère, soit le « taux moyen », serait inférieur à ces taux minima, ce taux moyen est applicable à ses revenus de source française.

2. Une retenue à la source spécifique est applicable aux revenus de source française des contribuables domiciliés fiscalement hors de France

Du fait de difficultés pratiques dans le recouvrement de l'impôt sur le revenu des personnes domiciliées fiscalement hors de France et afin de garantir les droits du Trésor, leurs revenus de source française font l'objet de retenues à la source spécifiques.

S'agissant des traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française versés à des personnes n'ayant pas leur domicile fiscal en France, l'article 182 A du code général des impôts prévoit qu'ils sont soumis à une retenue à la source. Quelle que soit la durée d'une activité professionnelle salariée exercée en France, les revenus tirées de cette activité sont soumis à cette retenue à la source spécifique.

Ce principe général emporte cependant deux exceptions :

- d'une part, les salaires payés en contrepartie de prestations artistiques fournies ou utilisées en France sont assujettis à la retenue à la source spécifique prévue à l'article 182 A bis du code général des impôts ;

- d'autre part, les salaires payés en contrepartie de prestations sportives fournies ou utilisées en France sont soumis à la retenue à la source prévue à l'article 182 B du code général des impôts.

Champ d'application de la retenue à la source de l'impôt sur le revenu
des contribuables domiciliés hors de France

Note : *payées par un débiteur qui est domicilié ou établi en France.

Source : commission des finances

La base de la retenue à la source, déterminée par le II de l'article 182 A du CGI est constituée du montant net des sommes versées, déterminé conformément aux règles applicables en matière d'impôt sur le revenu, à l'exclusion de celles qui prévoient la déduction des frais professionnels réels.

Le montant de la retenue à la source dont sont passibles les traitements, salaires, pensions et rentes viagères est déterminé par application, en fonction de la durée d'activité ou de la période correspondant au paiement, d'un tarif progressif au montant net des traitements, salaires, pensions et rentes viagères. Ainsi, le III de l'article 182 A du CGI prévoit qu'un décret fixe chaque année les limites de chaque tranche du barème de la retenue à la source. Ces tranches varient dans la même proportion que la limite la plus proche des tranches du barème de l'impôt sur le revenu. Les taux de 12 % et 20 % sont ramenés à 8 % et 14,4 % dans les départements d'outre-mer.

Barème de la retenue à la source prévue à l'article 182 A du CGI
applicable en 2024

Année 2024

Limites des tranches selon la période à laquelle se rapportent les paiements

Taux applicables

Année (en euros)

Trimestre (en euros)

Mois (en euros)

Semaine (en euros)

Journée ou fraction de journée (en euros)

0 % pour la fraction

Inférieure ou égale à 16 820

Inférieure ou égale à 4 205

Inférieure ou égale à 1 402

Inférieure ou égale à 323

Inférieure ou égale à 54

12 % pour la fraction

Supérieure à 16 820 et inférieure ou égale à 48 790

Supérieure à 4 205 et inférieure ou égale à 12 198

Supérieure à 1 402 et inférieure ou égale à 4 066

Supérieure à 323 et inférieure ou égale à 938

Supérieure à 54 et inférieure ou égale à 156

20 % pour la fraction

Supérieure à 48 790

Supérieure à 12 198

Supérieure à 4 066

Supérieure à 938

Supérieure à 156

Source : commission des finances d'après le bulletin officiel des finances publiques

Aux termes de l'article 1671 A du CGI, s'agissant des traitements et salaires, la retenue à la source est calculée et versée au Trésor par l'employeur au plus tard le 15 du mois suivant celui du paiement. Conformément aux dispositions du second alinéa du même article , la retenue n'est ni opérée ni versée au Trésor lorsque son montant n'excède pas 8 euros par mois. Pour le calcul de la retenue, chaque employeur applique le barème correspondant à la durée pendant laquelle la personne concernée a travaillé pour son compte.

Enfin, la retenue à la source prévue par l'article 182 A du CGI a la particularité d'être libératoire pour partie et non libératoire pour une autre :

- d'une part, pour la fraction n'excédant pas la limite au-delà de laquelle le taux de 20 % (14,4 % dans les DOM) est applicable, la retenue à la source prélevée au taux de 12 % (8 % dans les DOM) est libératoire de l'impôt sur le revenu499(*) ;

- d'autre part, la fraction soumise à la retenue à la source au taux de 20 % (14,4 % dans les DOM) est imposée au barème progressif, avec les autres revenus de source française, mais dans les conditions prévues à l'article 197 A du CGI, c'est-à-dire avec application d'un taux minimum égal à 20 % (ou à 14,4 % pour les revenus ayant leur source dans un DOM). La retenue prélevée au taux de 20 % (ou 14,4 %) est déduite du montant de l'impôt ainsi déterminé.

3. Selon la doctrine fiscale, les revenus de source française des personnes non résidentes au sens des conventions internationales sont soumis à la retenue à la source de l'article 182 A du CGI

Aux termes de l'article 55 de la Constitution, les traités internationaux ont une autorité supérieure à celle des lois internes, dès lors qu'ils sont régulièrement ratifiés ou approuvés et dès leur publication. Il s'ensuit que les règles issues des conventions fiscales internationales, dûment ratifiées et publiées, peuvent prévaloir sur les règles de droit interne. Le principe de subsidiarité des conventions fiscales internationales, identifié par le juge administratif, tempère cependant la primauté de ces conventions500(*).

La question de l'application des règles issues des conventions fiscales internationales pour écarter les règles de droit interne se pose s'agissant de la détermination de la résidence fiscale, notamment dans l'hypothèse où un contribuable est considéré comme fiscalement domicilié en France, au regard du droit interne, mais comme résident fiscal d'un autre État que la France au sens d'une convention internationale.

Au sein des conventions fiscales internationales, la notion de résident permet de déterminer le champ d'application de la convention. Elle constitue également un critère de répartition de l'imposition entre les États parties à la convention. L'article 4 du modèle de convention fiscale de l'OCDE définit le résident d'un État contractant comme « toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l'impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue et s'applique aussi à cet État et à toute subdivision politique ou collectivité locale de celui-ci ainsi qu'à un fonds de pension reconnu de cet État »501(*).

En cas de conflit entre la notion conventionnelle de résidence fiscale et la notion interne de domiciliation fiscale, l'administration fiscale considère que la première prime sur la seconde. Les commentaires du Bulletin officiel des finances publiques indiquent en ce sens que « dans les cas où les relations fiscales entre la France et l'un des États contractants avec lesquels elle est liée par une convention fiscale sont appelées à jouer, la notion de « résident », appréciée au sens de la convention qui est en cause, prévaudra toujours sur celle du « domicile fiscal » résultant des dispositions de l'article 4 B du CGI »502(*). Selon cette interprétation, les dispositions de l'article 4 B du CGI ne sont applicables que sous réserve des conventions internationales conclues par la France.

Par conséquent, la retenue à la source spécifique pour les revenus de source française prévue par l'article 182 A du CGI s'applique, d'une part, aux personnes qui ne sont pas domiciliées fiscalement en France au sens de l'article 4 B du CGI et, d'autre part, aux personnes qui ne sont pas résidentes en France au sens d'une convention fiscale internationale, quand bien même elles seraient domiciliées fiscalement en France au sens de l'article 4 B précité.

B. DANS UNE RÉCENTE DÉCISION, LE CONSEIL D'ÉTAT A AFFIRMÉ LA PRIMAUTÉ DE LA NOTION DE DOMICILE FISCAL

Dans une décision du 4 février 2023503(*), le Conseil d'État a écarté l'interprétation de l'administration fiscale. Le juge administratif a en effet estimé que les revenus de source française d'un contribuable fiscalement domicilié en France, au sens de l'article 4 B du code général des impôts, ne pouvaient être soumis à la retenue à la source prévue par l'article 182 A du code général des impôts, et ce alors même que le contribuable était considéré comme résident d'un autre État par une convention fiscale504(*).

De fait, le Conseil d'État considère, sur ce point, que « la circonstance que l'intéressé puisse être regardé, en application des stipulations d'une convention fiscale conclue avec un autre État, comme résident de cet autre État et non comme résident de France étant dépourvue d'incidence à cet égard »505(*).

Or, dès lors que le contribuable est considéré comme fiscalement domicilié en France, il ne peut plus se voir appliquer la retenue à la source prévue à l'article 182 A du CGI mais le prélèvement à la source droit commun applicable à l'ensemble des contribuables résidents et prévu aux articles 204 A et suivants du même code.

En réaction à cette jurisprudence, la direction générale des finances publiques a indiqué, dans un communiqué de presse en date du 29 avril 2024, maintenir son interprétation de l'état de l'état du droit dans l'attente de la prochaine loi de finances506(*). Par conséquent, l'administration fiscale considère que les résidents fiscaux d'un autre État au sens des conventions fiscales internationales continuent de se voir appliquer la retenue à la source de l'article 182 A du CGI pour leurs revenus de source française.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'INSCRIPTION DANS LE CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS DE LA PRIMAUTÉ DE LA RÉSIDENCE FISCALE CONVENTIONNELLE SUR LE DOMICILE FISCAL AU SENS DU DROIT INTERNE

Le présent article complète le 1 de l'article 4 B du code général des impôts par un alinéa précisant que les personnes satisfaisant à au moins un des critères déterminant la domiciliation fiscale ne peuvent toutefois être considérées comme ayant leur domicile fiscal en France, dès lors que, par application des conventions relatives aux doubles impositions, elles ne sont pas considérées comme résidentes en France.

Le présent article ne prévoit aucune mesure relative à son entrée en vigueur.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE CONFIRMATION DE LA DOCTRINE FISCALE PERMETTANT DE CONFORTER LA SÉCURITÉ JURIDIQUE TANT DES NON-RÉSIDENTS QUE POUR LES DÉBITEURS DE SALAIRES DE SOURCE FRANÇAISE

En l'absence d'inscription au niveau législatif, dans le code général des impôts, de la doctrine fiscale de primauté de la notion conventionnelle de résidence fiscale, une partie des contribuables non-résidents se trouveraient confrontés à une complexité accrue de l'imposition de leur revenu.

L'application de la décision du Conseil d'État du 5 février 2024 conduirait, selon l'analyse de l'évaluation préalable du présent projet de loi, à créer une nouvelle catégorie de contribuables : les personnes fiscalement domiciliées en France mais non-résidentes au sens des conventions internationales.

La domiciliation fiscale en France emporterait des conséquences importantes sur le recouvrement de l'imposition de leur revenu. Les personnes fiscalement domiciliées en France mais non-résidentes au sens des conventions internationales se verraient appliquer non plus la retenue à la source spécifique prévue à l'article 182 A du CGI mais le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu prévu aux articles 204 A et suivants du même code. Dès lors, ces contribuables perdraient, pour une partie d'entre eux, le bénéficie de la fraction libératoire de l'impôt sur le revenu de la retenue à la source de l'article 182 A, ce qui augmenterait mécaniquement leur imposition. Dans le même temps, ces contribuables devraient se référer aux conventions fiscales internationales applicables pour déterminer certaines modalités d'imposition, en premier lieu le barème.

Il en va de même pour les débiteurs de traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française, responsables de la collecte de l'impôt sur le revenu et soumis à des pénalités lorsque la retenue à la source de l'article 182 A du CGI n'est pas opérée. Ces derniers ne seraient pas forcément en mesure de déterminer le statut des contribuables concernés.

En pérennisant une pratique constante de l'administration fiscale, connue des contribuables, le présent article permet de garantir la stabilité fiscale des non-résidents. Il renforce également la sécurité juridique des contribuables concernés par un conflit de qualification juridique de leur statut de résident entre le droit conventionnel et le droit interne, d'une part, et des débiteurs de leurs revenus de source française, d'autre part.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 24

Réintégration des amortissements admis en déduction dans l'assiette
de la plus-value imposable réalisée lors de la cession de locaux ayant fait l'objet d'une location meublée dans le cadre d'une activité exercée
à titre non professionnel

Le présent article prévoit de réintégrer les amortissements déduits dans le calcul des plus-values imposables réalisées lors de la cession de locaux ayant fait l'objet d'une location meublée non professionnelle (LMNP).

Le calcul de la plus-value immobilière réalisée à la cession d'un local d'habitation meublé loué de façon non professionnelle, à ce jour, n'intègre pas la valeur de l'amortissement du bien. Dès lors, le prix d'acquisition n'est pas minoré, au moment du calcul de la plus-value, de l'amortissement du bien.

La plus-value pour les meublés non professionnels étant soumise aux règles des plus-value des particuliers, elle se calcule comme la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition. Par conséquent, la non réintégration des amortissements dans le calcul de la plus-value tend à la minorer. Un tel avantage apparaît aujourd'hui excessif.

En effet, outre le coût pour l'État de ce dispositif qui allège la fiscalité des LMNP, l'effet de leur prolifération peut mener, dans certaines zones, à l'attrition de logements longue durée lorsque les biens meublés sont mis au service de l'accueil de touristes. Cet article vient ainsi rétablir plus d'équité entre les différents modes de location et réduit un avantage qui favorise excessivement la LMNP.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE RÉGIME FISCAL ACTUEL EST PARTICULIÈREMENT FAVORABLE À LA LOCATION MEUBLÉE NON PROFESSIONNELLE

A. IL EXISTE UNE GRANDE DIVERSITÉ DE RÉGIMES FISCAUX POUR ENCADRER LES DIFFÉRENTS TYPES DE LOCATION

1. La location meublée et la location non meublée sont soumises à des régimes fiscaux différents

En fonction du type de bien proposé à la location, les revenus qu'en tire le propriétaire sont considérés différemment par l'administration. Ainsi, la location nue est considérée comme une activité de gestion d'un patrimoine foncier et les revenus afférents sont fiscalisés comme des revenus fonciers, en vertu de l'article 14 du code général des impôts (CGI). A l'inverse, la location meublée relève du secteur marchand : ses revenus dépendent du régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), en vertu du 5° bis du I de l'article 35 du CGI.

Cette distinction est issue d'un héritage jurisprudentiel ancien du Conseil d'État507(*). Le juge administratif avait voulu prévenir toute distorsion de concurrence avec les exploitants hôteliers pour les particuliers qui loueraient en meublé.

2. L'existence de deux régimes, micro et réel, permet aux contribuables de gagner en simplicité dans la déclaration de leurs revenus locatifs

Dans une logique de lisibilité et de simplicité pour les loueurs non professionnels, des régimes dits « micro » ont été mis en place. Dans la limite d'un certain plafond de revenus liés à l'activité, les propriétaires peuvent opter pour ce régime. Il existe ainsi un régime dit « micro-BIC » pour la location meublée, dont les critères sont définis à l'article 50-0 du CGI et un régime dit « micro-foncier » pour la location nue, dont les critères sont définis à l'article 32 du CGI.

Ce régime simplifié permet d'appliquer un abattement forfaitaire pour les charges liées à la location, qui diffère selon que la location est nue ou meublée. Le micro-foncier, pour lequel il est possible d'opter lorsque le revenu ne dépasse pas 15 000 euros, offre 30 % d'abattement sur le revenu. Le micro-BIC, accessible aux propriétaires en location meublée longue durée ou d'immeubles de tourisme classés permet d'obtenir un abattement de 50 % quand le revenu ne dépasse pas 77 700 euros et de 30 % pour les meublés touristiques non classés avec un plafond de 15 000 euros. Cette architecture résulte de l'adoption récente de la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale508(*).

Dans le régime réel509(*), l'abattement pour charges n'est pas forfaitaire mais repose sur une comptabilisation des charges réelles. La location meublée permet de comptabiliser dans ces charges l'amortissement de l'immeuble, là où la location nue ne le permet pas, ce qui confère un avantage certain à la location meublée.

Ce régime permet aussi de déduire le déficit éventuel de l'activité du revenu global ou de la location, selon les cas510(*) ; en outre, il permet de reporter le déficit de 6 à 10 ans selon les cas ; enfin, il permet de déduire du résultat les intérêts d'emprunt. Par conséquent, le régime réel est plus complexe à mettre en oeuvre, car il implique pour le loueur de tenir une comptabilité précise de ses charges ainsi que d'être bien conseillé pour imputer correctement ses intérêts d'emprunt et pour gérer dans le temps la gestion de ses déficits. Néanmoins, le régime réel est, tant pour la location nue que meublée, globalement plus attractif que le régime micro511(*).

3. La distinction entre location meublée professionnelle et non professionnelle ajoute à la complexité du panorama

À ces différences de traitement fiscal selon la nature de l'activité et selon le régime choisi, s'ajoute une dernière distinction au sein de la location meublée. Cette dernière, d'abord scindée entre location occasionnelle et professionnelle lors de la loi de finance initiale pour 1981512(*), a été confirmée en 2016 dans une loi de finances rectificative513(*) qui a créé un régime différent pour la location meublée professionnelle (LMP) et non professionnelle (LMNP).

Le 2 du IV de l'article 155 du CGI définit l'activité de location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés à titre professionnel (LMP) qui nécessite que les deux conditions suivantes soient cumulativement réunies :

- les recettes annuelles retirées de cette activité par l'ensemble des membres du foyer fiscal excèdent 23 000 € ;

- ces recettes excèdent les revenus du foyer fiscal soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires au sens de l'article 79 du CGI, des BIC autres que ceux tirés de l'activité de location meublée, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux et des revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62 du CGI.

À défaut, l'activité de location meublée est considérée comme exercée à titre non professionnel et est fiscalement traitée comme telle. Les revenus de LMP et de LMNP sont considérés tout deux comme des BIC et les deux types de location permettent d'accéder au régime micro. Néanmoins, plusieurs différences sont notables :

- la déduction du déficit pour la LMNP s'applique sur les seuls revenus tirés des locations meublées, quand elle est permise pour la LMP sur le revenu global de l'entreprise ;

- le régime des plus-values pour la LMNP est celui des plus-values des particuliers514(*), en vertu du VII de l'article 151 septies du CGI ; les plus-values de cession des locaux loué en LMP sont soumises au régime des plus-values professionnelles515(*).

Le tableau ci-après récapitule les différents régimes fiscaux applicables aux locations, selon qu'elles sont nues, meublées, louées de façon professionnelle ou non, et que le propriétaire opte pour le régime micro ou pour le régime réel.

Synthèse des régimes fiscaux s'appliquant aux locations nues et meublées

 

Location nue

Location meublée professionnelle

(revenus locatifs > 23 000 euros ET

> revenus professionnels du foyer)

Location meublée non professionnelle

(revenus locatifs < 23 000 euros OU

< revenus professionnels du foyer)

Régime fiscal

Micro-foncier

Foncier réel

Micro-BIC

BIC réel

Micro-BIC

BIC réel

Seuil de revenus

Revenus

< 15 000 euros

Revenus

> 15 000 euros

OU au choix

Revenus

< 77 700 euros OU

< 15 000 euros si tourisme non classé

Revenus

> 77 700 euros OU

> 15 000 euros si tourisme non classé OU au choix

Revenus

< 77 700 euros OU

< 15 000 euros si tourisme non classé

Revenus

> 77 700 euros OU

> 15 000 euros si tourisme non classé OU au choix

Abattement pour charges

30 % des revenus

Charges réelles
hors amortissement

50 % OU

30 % si tourisme non classé

Charges réelles
et amortissement (immeuble compris)

50 % OU

30 % si tourisme non classé

Charges réelles
et amortissement (immeuble compris)

Déductibilité des intérêts d'emprunt

Non

Oui

Non

Oui

Non

Oui

Imputation du déficit

Non

Oui

- 10 700 euros par an maximum sur le revenu de l'activité (21 400 euros si rénovation énergétique globale)

- puis sans limite sur le revenu global à l'exception des intérêts d'emprunt

Non

Oui

- sans limite
- sur les BIC puis sur le revenu global

Non

Oui

- sans limite

- sur les revenus tirés de l'activité de location meublée uniquement

Report pluriannuel de déficit

Non

Oui

- pendant 6 ans sur le revenu global hors intérêts d'emprunt

- pendant 10 ans sur les revenus fonciers

Non

Oui

Pendant 6 ans

Non

Oui

Pendant 10 ans

Régime d'imposition des plus-values de cession

Régime des plus-values des particuliers

Régime des plus-values professionnelles

Régime des plus-values des particuliers

sans réintégration des amortissements déduits en cours d'exploitation au calcul

Source : commission des finances, à partir de la Note n° 9 du Conseil des prélèvements obligatoires, octobre 2024, mise à jour des conclusions de la CMP sur les meublés de tourisme

B. LA FISCALITÉ SUR LA LOCATION MEUBLÉE NON PROFESSIONNELLE EST AVANTAGEUSE

1. La location meublée bénéficie d'un régime favorable par rapport à la location nue pour ce qui est du bénéfice imposable

Pour ce qui est de la définition du bénéfice imposable, la location nue est moins avantagée fiscalement que la location meublée.

En effet, la location meublée, qu'elle soit professionnelle ou non, est comparativement plus intéressante, même après les évolutions apportées par la proposition de loi précitée visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, qui réduit ces avantages.

Le régime micro-foncier est ainsi moins avantageux que le régime micro-BIC, malgré un début d'alignement permis par l'accord trouvé en CMP le 28 octobre dernier sur le sujet :

- d'une part, le taux d'abattement en régime micro-BIC est de 50 % pour toutes les locations meublées516(*), à l'exception des meublés de tourisme non classés qui, seuls, sont à égalité d'abattement avec le régime micro-foncier de la location nue avec un taux de 30 % ;

- d'autre part, le seuil de revenus pour bénéficier de ce régime micro-BIC est en outre plus élevé que pour le micro-foncier : 77 700 euros contre 15 000 euros. Seuls les meublés de tourisme faisant l'objet d'une location ont rejoint, du fait de la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, le seuil du micro-foncier, à 15 000 euros.

Cet avantage de la location meublée se retrouve en outre dans le régime réel. Ainsi, le BIC réel bénéficie d'avantages dont le foncier réel ne bénéficie pas :

- d'une part, les charges d'exploitations peuvent être imputées du résultat d'activité en régime réel quelle que soit la nature des revenus. Cependant, le régime BIC réel permet de prendre en compte, outre les charges courantes, l'amortissement lié à l'activité517(*), à l'inverse du régime foncier réel. L'amortissement en BIC réel est d'ailleurs entendu de façon très large et comprend l'ensemble des charges utiles à l'exploitation du bien immobilier, incluant ainsi les frais de son acquisition ou la possibilité de l'amortir518(*) ;

- d'autre part, le bénéfice réalisé peut-être imputé du potentiel déficit de l'activité sans limite dans le cas du BIC réel. Dans le cas de la LMP, il ne s'impute qu'au résultat tiré de l'activité de location, mais il peut s'imputer, dans le cadre d'une LMNP, au revenu global du foyer soumis à l'impôt sur le revenu. À nouveau, le régime foncier réel est moins avantageux car il limite à 10 700 euros - 21 400 euros en cas de rénovation énergétique globale - la valeur du déficit qui peut être imputé au résultat de l'activité d'ameublement. Il permet, sans limite, d'imputer le résultat au revenu global mais exclut les intérêts d'emprunts, qui constituent une charge majeure pour les investisseurs locatifs ;

- enfin, le régime foncier réel est également limité en ce qui concerne le report pluriannuel du déficit. Au foncier réel, les intérêts d'emprunt ne sont pas comptabilisés dans le déficit qu'il est possible de reporter sur le revenu global, pendant 6 ans. Le BIC réel permet en revanche un report sans condition, durant 10 ans pour le LMNP et durant 6 ans pour le LMP. Le foncier réel permet le report du déficit pendant 10 ans sans restriction du calcul du déficit, mais il n'est reporté que sur les revenus fonciers.

Le régime d'exploitation du régime BIC, en réel comme en micro, est bien plus avantageux fiscalement que celui du régime foncier. Par conséquent, il en ressort un attrait pour la location meublée, professionnelle ou non, par rapport à la location nue.

2. Le régime des plus-values de la location meublée non professionnelle est particulièrement avantageux

Le régime LMNP se distingue par un avantage supplémentaire quant à la taxation de la cession des biens loués meublés de façon non professionnelle.

En effet, ce régime est soumis au régime de plus-values des particuliers519(*). Cependant, pour les contribuables relevant de la LMNP, le calcul de la plus-value de cession est minoré car les amortissements déduits depuis l'acquisition du bien ne sont pas pris en compte dans la détermination de la valeur imposable de cette plus-value.

L'article 150 V du CGI dispose que la valeur de la plus-value des biens en LMNP est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant.

Le prix d'acquisition est défini par l'article 150 VB du CGI en son I comme le prix effectivement acquitté par le cédant lorsque ce dernier a acheté précédemment le bien.

Le prix d'acquisition peut être majoré de divers frais qui ont été à la charge du cédant, listées au II de l'article 150 VB du CGI. En particulier, le 4° précise que les dépenses de travaux de construction, de reconstruction, d'agrandissement et d'amélioration, peuvent venir majorer le prix d'acquisition, ce qui a pour effet de minorer la plus-value brute, dans le cas où ces dépenses n'ont pas déjà été prises en compte pour la détermination du revenu imposable du foyer. S'il n'il n'y a pas de justificatif, ou que les dépenses ont déjà été prises en compte, le prix d'acquisition est majoré d'un forfait de 15 %.

En outre, afin de lutter contre la spéculation immobilière, un taux d'abattement sur les plus-values immobilières s'applique, qui s'accroît en fonction de la durée de détention. Depuis le 1er septembre 2014, cette disposition concerne l'ensemble des plus-values immobilières, quelle que soit la nature du bien ou du droit cédé. Les plus-values sont soumises à l'impôt sur le revenu et à des prélèvements sociaux, qui connaissent des taux d'abattement variables :

- pour l'impôt sur le revenu, comme le prévoit l'article 150 VC du CGI, le taux de l'abattement est fixé à :

- 6 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième ;

- 4 % au titre de la vingt-deuxième année de détention.

Il en résulte une exonération totale au terme de vingt-deux ans de détention.

- pour les prélèvements sociaux, comme le prévoit l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, le taux de l'abattement est fixé à :

- 1,65 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième ;

- 1,60 % pour la vingt-deuxième année de détention ;

- 9 % pour chaque année de détention au-delà de la vingt-deuxième année de détention.

Il en résulte une exonération totale au terme de trente ans de détention.

Une fois le calcul de la plus-value immobilière nette effectuée, cette dernière est imposée au taux global de 36,2 % :

- 19 % au titre de l'impôt sur le revenu ;

- 17,2 % au titre des prélèvements sociaux.

Par ailleurs, une taxe spécifique sur les plus-values supérieures à 50 000 euros s'applique selon un barème progressif, comme le prévoit l'article 1609 nonies G du CGI.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA RÉINTÉGRATION DANS LE CALCUL DES PLUS-VALUES DE CESSION DE BIENS LOUÉS MEUBLÉS À TITRE NON PROFESSIONNEL DES AMORTISSEMENTS DÉDUITS

Le dispositif proposé par le présent article modifie l'article 150 VB du code général des impôts (CGI) en réintégrant la valeur de l'amortissement déduit du revenu imposable dans le cadre de la LMNP au calcul de la valeur de la plus-value de cession nette soumise à l'impôt.

L'article 24 complète ainsi l'article 150 VB précité par un III qui indique que le prix d'acquisition est minoré du montant des amortissements admis en déduction du revenu locatif imposable, selon les modalités de l'article 39 C du CGI. Il exclut cependant de cette minoration l'amortissement des dépenses de travaux de construction, de reconstruction, d'agrandissement et d'amélioration définies au 4° du II de l'article 150 VB qui ont été prises en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu.

Cas concret détaillant l'effet de l'article 24 du PLF

Soit un contribuable qui a acheté un bien meublé 100 000 € et qui a fait le choix de le louer dans le cadre de la LMNP. En se plaçant dans un régime réel, ce contribuable a pu réduire son revenu imposable en déduisant les charges de l'exploitation de son bien, mais aussi l'amortissement.

En supposant que l'amortissement de son bien lui a permis de déduire 20 000 euros des BIC imposables au fil des ans et que ce contribuable revend son bien meublé à 150 000 euros :

Dans le droit actuel, la plus-value imposable vaut :prix de cession - prix d'acquisition

soit ici : 150 000 euros - 100 000 euros, soit 50 000 euros

Le dispositif proposé réintègre la valeur de l'amortissement dans le calcul de la plus-value. Ainsi, le prix d'acquisition sera minoré de l'amortissement déduit des revenus de location. Dès lors, si la mesure est adoptée, la plus-value imposable de ce même contribuable vaudra :

prix de cession - (prix d'acquisition - amortissement déduit)

150 000 euros - (100 000 euros - 20 000 euros), soit 70 000 euros

Source : commission des finances

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : REMÉDIER AUX EFFETS EXCESSIFS D'UN RÉGIME FISCAL TROP FAVORABLE AU LMNP

A. LE RÉGIME FISCAL DES PLUS-VALUES EN LMNP INDUIT UNE DISTORSION DISPROPORTIONNÉE

La France se distingue, dans le monde entier, comme le seul pays avec la Corée du Sud à appliquer un régime fiscal différent pour la location nue et la location meublée. Cette dualité ne constitue pas en soi une difficulté et se justifie notamment par des raisons historiques.

En effet, la location meublée apparaît par nature plus commerciale que la location nue, en particulier lorsqu'il s'agit de location touristique de courte durée. Le propriétaire fournit en effet les meubles, les locataires sont remplacés plus fréquemment et les services adossés à la location, pris en charge par le propriétaire, induisent des charges a priori plus lourdes que la location non meublée.

Cependant, il convient de ne pas introduire une distorsion trop grande entre les deux régimes, ce qui est aujourd'hui le cas. En effet, selon le rapport de la députée Annaïg Le Meur520(*), près de 70 % des LMNP déclarant leurs revenus en BIC réel ne paient pas d'impôts sur ces revenus, en raison de la facilité de constituer des déficits grâce à l'imputation des charges et de l'amortissement. En comparaison, seul 14 % des bailleurs en location nue au régime foncier réel présentent des déficits et échappent ainsi à l'impôt pendant la phase d'exploitation.

Cette distorsion au moment de la phase d'exploitation est aujourd'hui renforcée par le régime des plus-values de cession qui encourage de manière disproportionnée la location meublée non professionnelle.

Alors que le marché immobilier est soumis à de fortes tensions aujourd'hui, l'avantage fiscal de la LMNP tend à renforcer les tensions en accentuant le recours aux locations courtes au détriment de la location longue durée. Les propriétaires sont en effet incités à louer en meublé, une situation qui permet aisément de basculer en location courte. La réduction de l'avantage dans le calcul des plus-values est ainsi une mesure qui peut favoriser l'accès au logement et mettre fin aux incitations économiques en faveur de la location courte durée, en particulier dans des zones tendues et touristiques.

À l'occasion des débats portant sur la proposition de loi précitée visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, dont le texte initial proposait, en son article 4, cette évolution du régime des plus-values, le Sénat avait proposé de renvoyer au projet de loi de finances son examen. En effet, les évaluations préalables présentées à ce moment manquaient de clarté et l'administration n'avait pas été en mesure de donner les éléments nécessaires à ce que le débat s'engage sur des fondements suffisamment solides.

L'approfondissement de l'étude d'impact de cette mesure et l'option préférentielle pour l'intégration des mesures fiscales dans les lois de finances permettent au Sénat, aujourd'hui, de se prononcer en faveur du dispositif.

B. LA MISE EN oeUVRE DE CETTE RÉFORME, OUTRE L'ÉQUITÉ ET LA SIMPLIFICATION QU'ELLE INDUIT, CONTRIBUE À AMÉLIORER L'ÉQUILIBRE DES FINANCES PUBLIQUES

Cette réforme favorise l'équité fiscale entre les bailleurs, indépendamment des choix pour lesquels ils ont opté.

Par ailleurs, cette réforme simplifie la lisibilité du système fiscal lié à la location de logements. En effet, sans différence dans les modalités de calcul des plus-values entre location meublée non professionnelle et location nue, les propriétaires pourront plus clairement déterminer le schéma pour lequel ils optent. En réduisant un des critères qui différencient la LMNP et la location nue, cet article participe à ramener plus de rationalité dans les choix des bailleurs. Dans une logique de simplification du système fiscal, cette réforme est une avancée souhaitable.

En outre, la réforme permet de maintenir l'incitation à l'amélioration des logements donnés en LMNP, car il est toujours possible de majorer le prix d'acquisition des dépenses de travaux liés à la construction, de reconstruction, d'agrandissement et d'amélioration du bien, sans que l'amortissement de ces travaux ne soit réintégré au calcul de la plus-value.

Enfin, la réforme pourrait contribuer à améliorer l'équilibre des finances publiques, en générant selon les estimations du ministère de l'économie près de 180 millions d'euros par an de recettes fiscales supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu. Cet ordre de grandeur, obtenu à partir des données de détention moyenne du par cet des montants moyens d'amortissement annuel déclarés par les bailleurs en LMNP, se fonde sur deux effets :

- à court terme, un retour de certains bailleurs en LMNP vers la location nue, mieux appréhendée fiscalement, en raison de la perte d'attractivité du premier régime ;

- à moyen ou long terme, un rendement direct lié à l'imposition de plus-values issues de la cession de biens loués en LMNP, qui seront majorées par l'intégration de l'amortissement par rapport à ce qu'elles sont aujourd'hui.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 25

Sécurisation du régime des bons ou droits de souscription d'actions
et des titres acquis en exercice de ceux-ci

Le présent article prévoit, à la suite de décisions d'annulation par le Conseil d'État de certains éléments de la doctrine fiscale relatifs à l'imposition des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE) et aux titres éligibles au plan d'épargne en actions (PEA) et de l'adoption de la loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France, de sécuriser juridiquement les dispositions législatives qui les encadrent.

Le Conseil d'État a en effet estimé que les gains nets réalisés à l'occasion de la cession des BSPCE devaient bénéficier, à la différence de l'interprétation par l'administration fiscale, de l'ensemble du régime fiscal applicable aux plus-values mobilières, et en particulier du sursis et du report d'imposition. Par ailleurs, il a estimé que les titres acquis ou souscrits en exercice de BSPCE pouvaient être inscrits dans un PEA. Indépendamment de cette décision, la commission des finances du Sénat, dans le cadre de l'examen de la loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France, avait adopté un dispositif visant à rendre éligibles au PEA les droits ou bons de souscription ou d'attribution de titres eux-mêmes éligibles au PEA, revenant ainsi sur une interdiction instituée par la loi de finances rectificative pour 2013.

Le présent article établit, s'agissant des BSPCE, une distinction entre les gains d'exercice, de nature salariale, et les gains de cession, de nature patrimoniale. Les premiers correspondent à la différence entre la valeur des titres souscrits au jour de l'exercice des bons et le prix d'acquisition. Ils sont imposés au titre de l'impôt sur le revenu au barème du prélèvement forfaitaire unique - sauf option pour le barème progressif - et ne peuvent bénéficier du sursis d'imposition que dans le cas d'un échange sans soulte. Les seconds correspondent à la différence entre le prix de cession et la valeur des titres souscrits. Ils sont imposés dans les conditions des plus-values mobilières et bénéficient ainsi des dispositifs de sursis et de report d'imposition en vigueur.

Par ailleurs, le présent article prévoit de circonscrire le dispositif adopté à l'initiative du Sénat s'agissant des titres éligibles aux PEA aux droits préférentiels de souscription (DPS) qui, à la différence des bons de souscription d'actions, ne comportent pas de dimension spéculative. L'article prévoit ainsi que les DPS, lorsqu'ils sont attribués au titulaire du PEA à raison des titres des sociétés concernées qu'il y détient et que ces titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation, sont éligibles au PEA.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : DES CONTRADICTIONS ENTRE LA DOCTRINE FISCALE ET LA JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE S'AGISSANT DU RÉGIME FISCAL DES BONS DE SOUSCRIPTIONS DE PARTS DE CRÉATEUR D'ENTREPRISE ET DES TITRES ÉLIGIBLES AU PLAN D'ÉPARGNE EN ACTIONS

A. CERTAINES ENTREPRISES PEUVENT ATTTRIBUER DES BONS DE SOUSCRIPTION DE PARTS DE CRÉATEUR D'ENTREPRISE

Les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE) constituent une forme d'options sur titres attribuées à titre gratuit par des sociétés remplissant des conditions particulières. Ils permettent à leurs bénéficiaires de souscrire des titres représentatifs d'une quote-part du capital de leur société à un prix définitivement fixé le jour de leur attribution par l'assemblée générale extraordinaire (AGE). Concrètement, les bénéficiaires de ces bons peuvent acquérir des actions de la société à un prix avantageux, fixé par avance, pendant une période fixe. Les bons de souscription confèrent un droit et non un devoir d'acheter des titres supplémentaires de la société.

1. Les sociétés pouvant émettre des BSPCE

Aux termes du premier alinéa du II de l'article 163 bis G du code général des impôts, les sociétés par actions peuvent émettre des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise. Comme le précise la doctrine fiscale521(*), il s'agit des sociétés anonymes (SA), des sociétés par actions simplifiées (SAS), des sociétés en commandite par actions (SCA) et des sociétés européennes dont le régime est déterminé par les articles L. 229-1 à L. 229-15 du code de commerce. Les sociétés à responsabilité limitée (SARL), les sociétés en commandite simple (SCS) et les sociétés en nom collectif (SNC) sont par conséquent exclues du dispositif.

Pour pouvoir émettre des BSPCE, les sociétés visées au premier alinéa du II de l'article 163 bis G du CGI doivent respecter cinq conditions cumulatives.

Premièrement, elles doivent être passibles de l'impôt sur les sociétés en France. Il s'agit des sociétés entrant dans le champ de l'impôt sur les sociétés et qui n'en sont pas exonérées totalement ou de manière permanente par une disposition particulière.

Deuxièmement, le capital de la société concernée doit être détenu directement et de manière continue pour 25 % au moins par des personnes physiques ou par des personnes morales elles-mêmes directement détenues pour 75 % au moins de leur capital par des personnes physiques.

Troisièmement, la société ne doit pas avoir été créée dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension ou d'une reprise d'activités préexistantes.

Par exception, peuvent émettre des BSPCE, les sociétés créées dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension ou d'une reprise d'activités préexistantes lorsqu'elles répondent aux conditions prévues au I de l'article 39 quinquies H du CGI522(*). Cette exception vise les sociétés créées par voie d'« essaimage », constituées par certains membres du personnel d'une entreprise et qui bénéficient son soutien financier sous la forme d'un prêt à taux privilégié ou d'une souscription en numéraire au capital de la société créée.

Quatrièmement, il doit s'agir d'une société non cotée ou dont la capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d'euros. La capitalisation boursière d'une société est déterminée par le produit du nombre de ses titres de capital mentionnés aux articles L. 212-1 et L. 212-6-2 du code monétaire et financier, admis aux négociations à l'ouverture du jour de négociation précédant celui de l'émission des bons par la moyenne des cours d'ouverture des soixante jours de négociation précédant celui de l'émission des bons, c'est-à-dire celui de l'attribution des bons.

Toutefois, le 1° du II bis de l'article 163 bis G du CGI précise que, lorsque le seuil de capitalisation boursière de 150 millions d'euros est dépassé, la société concernée peut, sous réserve de respecter les autres conditions, continuer à attribuer des BSPCE pendant les trois années suivant ce dépassement.

Cinquièmement, ces sociétés doivent avoir moins de quinze ans, c'est-à-dire que leur inscription au registre du commerce et des sociétés doit être inférieure à quinze ans à la date d'attribution des bons.

Par ailleurs, le III bis de l'article 163 bis G du CGI précise que les sociétés dont le siège est établi dans un État membre de l'Union européenne ou dans un État ou territoire ayant conclu une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales peuvent émettre des BSPCE, dès lors qu'elles remplissent les conditions exposées supra. S'agissant de la condition relative à l'impôt sur les sociétés, elle est réputée respectée lorsque ces sociétés sont passibles dans l'État de siège de la société d'un impôt équivalent à l'impôt sur les sociétés français.

2. Les modalités d'émission des BSPCE

Les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise sont émis dans les conditions prévues aux articles L. 228-91 et L. 228-92 du code de commerce, applicables aux valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital. L'émission des bons est autorisée par l'assemblée générale extraordinaire (AGE) des actionnaires, sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire et sur le rapport spécial des commissaires aux comptes. L'AGE opère, dans le même temps, l'autorisation d'émission des titres auxquels les BSPCE permettent de souscrire.

Le prix d'acquisition des titres est déterminé par l'AGE le jour de leur attribution. Ce prix peut notamment être fixé à la juste valeur du titre au jour de l'attribution, en application des méthodes financières objectives retenues en matière d'évaluation de titres.

3. Les bénéficiaires de BSPCE

Le II de l'article 163 bis G du CGI précise la qualité des bénéficiaires pouvant se voir attribuer par la société émettrice des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise.

Il peut s'agir, en application du premier alinéa du II de cet article, des membres du personnel salarié de la société, de ses dirigeant soumis au régime fiscal des salariés et aux membres de son conseil d'administration, de son conseil de surveillance ou, pour le cas des SAS, de tout organe statutaire équivalent.

Les deuxième et troisième alinéas du II de l'article 163 bis G du CGI disposent que la société émettrice peut également attribuer ces bons aux membres du personnel salarié, aux dirigeants soumis au régime fiscal des salariés et aux membres de conseil d'administration, du conseil de surveillance ou, pour le cas des SAS, de tout organe statutaire équivalent, de ses filiales523(*).

B. UN RÉGIME D'IMPOSITION SPÉCIFIQUE ET FAVORABLE DES GAINS DE CESSION DES TITRES SOUSCRITS EN EXERCICE DE BONS DE SOUSCRIPTION DE PARTS DE CRÉATEUR D'ENTREPRISE

Les gains nets réalisés lors de la cession des titres souscrits en exercice de bons de souscription de parts de créateur d'entreprise sont imposés selon un régime fiscal de faveur, ad hoc, prévu à l'article 163 bis G du CGI. Ces gains nets correspondent à la différence entre le prix de cession des titres souscrits en exercice de BSPCE net de frais et taxes acquittés par le cédant et leur prix d'acquisition.

Aux termes du I de l'article 163 bis G du CGI, les gains nets réalisés lors de la cession des titres souscrits en exercice de BSPCE sont imposés à l'impôt sur le revenu selon des modalités spécifiques en fonction de la date d'attribution du bon et de la durée d'exercice de l'activité du bénéficiaire dans la société émettrice524(*).

Pour les bons attribués jusqu'au 31 décembre 2017, le gain net de cession fait l'objet d'une imposition à un taux de 19 %525(*).

Pour les bons attribués depuis le 1er janvier 2018, le gain net de cession est imposable au taux forfaitaire de 12,8 % en application du B du 1 de l'article 200 A du code général des impôts. Alternativement, le contribuable peut opter pour une imposition de ses gains nets de cession au barème progressif de l'impôt sur le revenu, aux termes du 2 de l'article 200 A du CGI.

Que le contribuable opte pour la taxation forfaitaire ou l'application du barème progressif de l'impôt sur le revenu, il peut se voir appliquer, lorsqu'il satisfait l'ensemble des conditions, l'abattement fixe de 500 000 euros, prévu à l'article 150-0 D ter du CGI, applicable aux cessions de titre de petites et moyennes entreprises réalisées par les dirigeants lors de leur départ à la retraite.

Toutefois, lorsque le bénéficiaire exerce son activité au sein de la société émettrice526(*) depuis moins de trois ans, à la date de la cession des titres, le gain net de cession est imposé selon un taux majoré de 30 %, aux termes du second alinéa de l'article 163 bis G du CGI. Dans ce cas de figure, il ne dispose pas de la possibilité d'opter pour le barème progressif de l'impôt sur le revenu et ne peut bénéficier de l'abattement fixe de 500 000 euros, prévu par l'article 150-0 D ter du CGI.

Dans l'ensemble des hypothèses présentées supra, le gain net de cession est soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine au taux de 17,2 % et ce, dès le premier euro. Les prélèvements sociaux sont dus sur la totalité des gains nets de cession.

À noter que les contribuables non fiscalement domiciliés en France au sens de l'article 4 B du CGI se voient appliquer, sur leurs gains nets de cession de BSPCE, la retenue à la source sur les gains de source française provenant de dispositifs d'actionnariat salarié, prévue à l'article 182 A ter du CGI. La retenue à la source est appliquée selon les taux exposés supra.

C. DEUX DÉCISIONS RÉCENTES DU CONSEIL D'ÉTAT ONT CONTREDIT L'INTERPRÉTATION DE L'ADMINISTRATION FISCALE DU RÉGIME DES BSPCE

1. Le juge administratif a estimé que les gains résultant de l'apport de titres souscrits en exercice de BSPCE étaient éligibles au régime de sursis d'imposition

Dans un rescrit fiscal du 25 mai 2023527(*), l'administration fiscale a estimé que les gains résultant de l'apport de titres souscrits en exercice de bons de souscription de parts de créateur d'entreprise n'étaient pas éligibles au régime de sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du CGI. Selon ce rescrit, le renvoi opéré par l'article 163 bis G du CGI à l'article 150-0 A du même code visait à définir les modalités d'assiette applicables au gain résultant de la cession de titres souscrits en exercice de BSPCE. Il ne s'agissait pas d'un renvoi implicite au régime des plus-values mobilières, prévu à l'article 150-0 A du CGI.

En conséquence, le gain issu de l'apport de titres reçus en exercice de BSPCE ne pouvait bénéficier du régime de sursis d'imposition de l'article 150-0 B du CGI et faisait donc l'objet d'une imposition au titre de l'année de l'apport de titres.

La plus-value obtenue de la vente des titres reçus en rémunération de l'apport de titres était par la suite imposée selon le régime des plus-values mobilières à la date de la cession.

Par une décision du 5 février 2024528(*), le Conseil d'État a annulé le rescrit du 25 mai 2023 en estimant que le législateur avait entendu soumettre le gain net réalisé lors de la cession de titres souscrits en exercice de BSPCE au régime de droit commun des plus-values de cession de valeurs mobilières prévu aux articles 150-0 A et suivants du CGI, sous la seule réserve des règles particulières de taux qu'il édicte. En application de cette jurisprudence, le gain résultant d'un apport de titres souscrits en exercice de BSPCE à une société non contrôlée par l'apporteur n'est pas immédiatement taxable et bénéficie du sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du CGI.

Le régime de sursis d'imposition de l'article 150-0 B du CGI

L'article 150-0 B du CGI prévoit un régime de sursis d'imposition pour les plus-values réalisées lors d'une opération d'échange de titres. Concrètement, ce dispositif ne permet d'imposer la plus-value réalisée à cette occasion qu'au moment de la revente des titres obtenus en échange des titres apportés.

L'objectif de ce dispositif est de prendre en compte la situation du contribuable qui, participant à une opération d'échange, ne dispose pas de suffisamment de liquidités pour acquitter immédiatement l'impôt dû puisque les titres qui lui sont remis à l'issue de cet échange viennent remplacer les titres apportés.

Aux termes de l'article 150-0 B du CGI, les plus-values réalisées dans le cadre d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable, de conversion, de division, ou de regroupement, réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, bénéficient d'un sursis d'imposition.

Ce sursis d'imposition est applicable, en cas d'échange avec soulte, aux opérations pour lesquelles le montant de la soulte reçue par le contribuable n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus. Lorsque la soulte excède 10 % de la valeur nominale des titres reçues, la plus-value réalisée à l'occasion de l'opération est, dans sa totalité, imposable immédiatement.

Il conduit à traiter de plein droit l'opération d'échange de titres comme une opération intercalaire, sous réserve de l'imposition établie en cas de perception d'une soulte. Aussi, lorsque l'opération d'échange de titres génère une plus-value, cette dernière n'est pas retenue pour l'établissement de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux, à l'exception de la fraction correspondant au montant de la soulte perçue, le cas échéant.

Lors de la cession ultérieure des titres reçus en échange des titres apportés, le gain net est calculé à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres remis à l'échange.

À noter que le régime de sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du CGI n'est pas applicable aux plus-values générées lors d'opérations d'apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou droits s'y rapportant à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent lorsque cette société est contrôlée par l'apporteur des titres. Dans ce cas de figure, les dispositions de l'article 150-0 B ter du CGI sont applicables.

Source : commission des finances

2. Pour le Conseil d'État, les titres acquis ou souscrits en exercice de BSPCE peuvent être inscrits dans un PEA

L'article 13 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 a retiré les droits ou bons de souscription ou d'attribution de la liste des emplois possibles des sommes versées sur un plan d'épargne en actions (PEA), fixée à l'article L. 221-31 du code monétaire et financier. Par conséquent, à compter du 1er janvier 2014, les droits ou bons de souscription ou d'attribution ne pouvaient plus être inscrits sur un PEA. Ceux inscrits avant cette date pouvaient toutefois y demeurer.

PEA, PEA-PME, PEE, PERCO : de quoi parle-t-on ?

Le plan d'épargne en actions (PEA) est un support d'investissement permettant d'investir dans des actions d'entreprises françaises et européennes tout en bénéficiant d'une fiscalité avantageuse. Ainsi, conformément à l'article 157 du code général des impôts, les gains réalisés dans le cadre du PEA sont exonérés d'impôt sur le revenu. Ces gains ne sont en revanche pas exonérés lorsque les retraits interviennent dans un délai inférieur à cinq ans à compter de l'ouverture du plan et si les revenus sont tirés de titres non cotés.

Le plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (PEA-PME) reprend pour l'essentiel les règles de fonctionnement du PEA. Il s'en distingue principalement par la nature des titres éligibles et le plafond des versements pouvant y être effectués. Il s'agit d'un produit permettant aux épargnants dont le domicile fiscal est situé en France de se constituer un portefeuille en actions et en titres investis directement ou via des fonds, et principalement dans des PME.

Le plan d'épargne entreprise (PEE) est un système d'épargne collectif, dont le régime est fixé aux articles L. 3332-1 et L. 3332-28 du code du travail, ouvrant aux salariés d'une entreprise et, sous certaines conditions tenant à l'effectif de l'entreprise, à ses dirigeants, la faculté de participer, avec l'aide de l'entreprise, à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières. Les sommes investies sur un PEE ne sont pas imposables à l'impôt sur le revenu et ne supportent pas de charges sociales, mais sont soumises à la CSG et à la CRDS au taux de 9,7 %.

Le plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) est un plan d'épargne salariale, régi par les articles L. 3334-1 à L. 3334-16 du code du travail, dans lequel les sommes ou valeurs sont bloquées jusqu'au départ à la retraite, sauf dans un nombre limitatif de situations. Les sommes placées sur le PERCO sont exonérées d'impôt sur le revenu dans certains cas, tandis que la partie imposable de la rente, laquelle est exonérée entre 30 % et 70 % selon l'âge du titulaire, est soumise aux prélèvements sociaux au taux de 17,2 %.

Le plan d'épargne interentreprises (PEI) est un plan d'épargne prévu aux articles L. 3333-1 et suivants du code du travail et mis en place à un niveau supérieur à l'entreprise, soit entre plusieurs entreprises précisément dénommées, soit au niveau professionnel, soit au niveau local, soit en combinant ces deux derniers critères.

Source : commission des finances d'après les commentaires publiés au Bofip

Jusqu'à récemment, la doctrine fiscale étendait l'interdiction d'inscrire bons ou droits de souscription ou d'attribution dans un PEA aux titres acquis ou souscrits en exercice de BSPCE. Ainsi, avant leur modification le 16 mai 2024, les commentaires de l'administration fiscale au bulletin officiel des finances publiques (Bofip)529(*) indiquaient que ceux-ci ne pouvaient être inscrits dans un PEA quand bien même ils y seraient éligibles. La liste des titres ne pouvant être employés sur un PEA comprenait donc les « bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise (BSPCE) ainsi que les titres souscrits en exercice de ces bons »530(*).

L'administration fiscale justifiait cette exclusion par le souci d'éviter un cumul d'avantages entre le PEA et d'autres dispositifs fiscaux. En effet, les produits et plus-values que procurent les placements effectués dans le cadre d'un PEA sont exonérés d'impôt sur le revenu531(*) si aucun retrait n'est intervenu sur le plan pendant un délai de cinq ans à compter du premier versement.

Néanmoins, la doctrine fiscale prévoit une tolérance administrative permettant d'inscrire dans un PEA-PME532(*) ou, jusqu'à récemment, dans un PEA classique533(*), les droits préférentiels de souscription, mentionnés à l'article L. 225-132 du code de commerce, émis dans le cadre d'une augmentation de capital et respectant les conditions suivantes :

- être attribué au contribuable à raison des titres des sociétés concernées qu'il détient dans le plan ;

- être admis aux négociations sur un marché réglementé au sens des articles L. 421-1 ou L. 422-1 du code monétaire et financier ou sur un système multilatéral de négociation au sens de l'article L. 424-1 ou de l'article L. 424-9 du même code.

Pour mémoire, les droits préférentiels de souscription (DPS) donnent priorité aux actionnaires déjà présent au capital pour souscrire aux nouvelles actions émises, l'exercice de ce droit permettant d'éviter la dilution des actionnaires et de maintenir, s'ils le souhaitent, leur part dans le capital de la société. Ce sont des titres négociables qui ont une cotation propre pendant leur durée de validité. Ils peuvent être vendus ou exercés par les actionnaires. Leur exercice permet de souscrire aux actions nouvelles, partiellement ou en totalité, afin de maintenir la part dans la société534(*).

Dans une décision en date du 8 décembre 2023535(*), le Conseil d'État est venu contredire l'interprétation de la doctrine fiscale en annulant la décision implicite de refus du ministre d'abroger les paragraphes des commentaires administratifs au Bofip interdisant non seulement d'inscrire sur un PEA des BSPCE mais aussi les titres souscrits en exercices de ces bons. Le juge administratif a en effet estimé qu'en indiquant que les PEA ne peuvent comprendre des actions ou parts acquises par l'exercice de BSPCE « les commentaires attaqués ajoutent incompétemment aux dispositions législatives qu'ils ont pour objet d'expliciter ». Par suite, le Conseil a enjoint à l'administration d'abroger les commentaires concernés.

L'évaluation d'impact du présent article estime cette décision transposable aux autres droits ou bons de souscription ou d'attribution ainsi qu'au régime du PEA-PME.

3. Les droits ou bons de souscription ou d'attribution attachés à des titres éligibles au PEA sont éligibles eux-mêmes au PEA depuis juin 2024

L'article 4 de la loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France, introduit en commission au Sénat par deux amendements identiques du rapporteur Albéric de Montgolfier et de Vanina Paoli-Gagin, est venu étendre le champ de l'article L. 221-31 du code monétaire et financier aux droits ou bons de souscription ou d'attribution attachés aux titres éligibles au PEA.

Faisant le constat que les DPS attachés à des actions détenues par le biais d'un PEA, de même que certains bons de souscriptions d'actions (BSA) assimilables à des DPS, n'étaient pas éligibles au PEA et qu'ils devaient alors être inscrits sur un compte-titres ordinaire supposant des frais de fonctionnement, le rapporteur avait souhaité que les droits préférentiels de souscription et les BSA soient éligibles au PEA.

Ce faisant, il est revenu sur l'interdiction prévue par l'article 13 de la loi de finances rectificative pour 2013 susmentionnée, en rendant éligible au PEA l'ensemble des droits ou bons de souscription ou d'attribution attachés aux titres éligibles au PEA.

Pour mémoire, un BSA est une valeur mobilière qui donne le droit à son bénéficiaire d'acheter une ou plusieurs actions d'une société à un prix fixé à l'avance. À la différence d'un BSPCE, un BSA peut être attribué à toute personne. Généralement acquis dans le but d'être revendu et de générer une plus-value, un BSA a pourtant une nature spéculative difficilement compatible avec l'objectif du PEA.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE RÉVISION DU RÉGIME FISCAL DES BSPCE ET DES TITRES ÉLIGIBLES AU PEA TIRANT LES CONSÉQUENCES DE LA JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE

A. LE RÉVISION DU RÉGIME D'IMPOSITION DES GAINS DES BÉNÉFICIAIRES DE BSPCE

Le présent article opère une distinction entre deux catégories de gains des bénéficiaires de BSPCE, comme l'expose son étude d'impact :

- d'une part, les gains d'exercice, de nature salariale ;

- d'autre part, les gains de cession, de nature patrimoniale.

En l'état du droit, l'article 163 bis G du CGI n'opérait pas de distinction entre les gains d'exercice et les gains de cession. Le présent article prévoit désormais de distinguer les régimes d'imposition applicables aux gains d'exercice et aux gains de cession.

1. Le régime d'imposition des gains d'exercice : une conservation du régime applicable aux BSPCE sans application, sauf exception, d'un sursis d'imposition

Le 1° du D du présent article précise le régime d'imposition applicable aux gains d'exercice. Il modifie le I de l'article 163 bis G du CGI afin de définir le gain d'exercice, ou avantage salarial, comme la différence entre la valeur du titre souscrit au jour de l'exercice du BSPCE et le prix d'acquisition du titre fixé lors de l'attribution du bon. Il précise également que l'avantage salarial est imposable à l'impôt sur le revenu :

- soit au taux forfaitaire prévu au 1° du B du 1 de l'article 200 A, qui correspond au prélèvement forfaitaire unique de 12,8 % ;

- soit, sur option, selon le barème progressif de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires.

Le b du 1° du D du présent article modifie, par conséquent, le deuxième alinéa du même article pour préciser que l'avantage salarial est imposé à un taux forfaitaire de 30 % dès lors le bénéficiaire exerce son activité au sein de la société émettrice536(*) depuis moins de trois ans à la date de la cession des titres. Comme auparavant, le bénéficiaire ne pourra pas opter pour une application du barème progressif de l'impôt sur le revenu.

Le c du 1° du D du présent article introduit au I de l'article 163 bis G du CGI un 2 prévoyant que l'avantage salarial est imposé au titre de l'année de disposition, de cession, de conversion au porteur ou de mise en location des titres souscrits en exercice des bons.

Pour autant, le deuxième alinéa du nouveau 2 du I de l'article 163 bis G du CGI prévoit l'application, dans certains cas, d'un sursis d'imposition. L'impôt est ainsi dû au titre de l'année de disposition, de cession, de conversion au porteur ou de mise en location des actions reçues en échange, dans l'hypothèse d'un échange sans soulte des titres souscrits en exercice de bons résultant d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, de division ou de regroupement. Néanmoins, ce sursis d'imposition ne s'applique pas lorsque l'échange est assorti d'une soulte.

En dépit de sa nature salariale, l'avantage mentionné dans la nouvelle rédaction du 1 du I de l'article 163 bis G du CGI demeurerait soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. A cette fin, le III du présent article modifie le code de la sécurité sociale :

- à son article L. 136-1-1, afin d'exclure l'avantage salarial de l'assiette de la cotisation sociale généralisée (CSG) sur les revenus d'activité ou de remplacement ;

- à son article L. 136-6, afin d'inclure l'avantage salarial dans l'assiette de la CSG sur les revenus du patrimoine537(*).

Par ailleurs, le E du présent article vient modifier l'article 182 A ter du CGI, qui prévoit une retenue à la source sur les gains et avantages salariaux de source française résultant, pour les personnes physiques non fiscalement domiciliées en France, de l'attribution de titres à des conditions préférentielles. Les gains nets de cession de bons de souscription de parts de créateur d'entreprise entraient dans le champ d'application de la retenue à la source.

Le 1° du E du I du présent article vient modifier le I de l'article 182 A ter du CGI pour prévoir que la retenue à la source s'applique aux gains d'exercice des bénéficiaires de BSPCE et non plus aux gains nets de cession. Le 2° du E du I du présent article précise que la base de la retenue à la source correspond au montant du gain d'exercice tel que défini au I de l'article 163 bis G, dans sa rédaction issue du présent article. Le 3° du E du I du présent article modifie le III de l'article 182 A ter pour prévoir que les taux de la retenue à la source sont ceux prévus par le I de l'article 163 bis G du CGI538(*).

2. Le régime d'imposition des gains de cession : une application du régime de droit commun des plus-values mobilières

Le 2° du D du présent article fixe le régime d'imposition applicable aux gains de cession. Il introduit à l'article 163 bis G du CGI un I bis qui définit le gain de cession comme la différence entre le prix de cession des titres souscrits en exercice des BSPCE et la valeur des titres souscrits au jour de l'exercice de ces bons.

Ce nouveau I bis précise que l'imposition de ces gains se fait dans les conditions prévues à l'article 150-0 A du CGI. Il s'agit du régime de droit commun des plus-values de cession de valeurs mobilières. Les gains de cession des titres souscrits en exercice de BSPCE se verront donc appliquer un taux forfaitaire de 12,8 %, sans condition de durée d'exercice de l'activité au sein de l'entreprise. Le bénéficiaire pourra toutefois opter pour l'application du barème progressif de l'impôt sur le revenu.

L'application du régime de droit commun des plus-values de cession de valeurs mobilières prévu à l'article 150-0 A du CGI implique, par voie de conséquence, que les gains de cession puissent bénéficier :

- d'une part, du dispositif de sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du CGI ;

- d'autre part, du dispositif de report d'imposition prévu à l'article 150-0 B ter du même code, en cas d'apport à une société contrôlée.

Par coordination, les A, B et C du I du présent article modifient plusieurs articles du code général des impôts.

Tout d'abord, le A du I modifie l'article 150-0 D du CGI relatif à l'abattement pour durée de détention. Jusqu'alors, cet article prévoyait expressément que les gains nets réalisés lors de la cession des titres souscrits en exercice des BSPCE n'ouvraient pas droit au bénéfice de cet abattement. Le présent article supprime cette exclusion et prévoit l'éligibilité des gains de cession à l'abattement pour durée de détention.

Ensuite, le B du I modifie l'article 150-0 D ter du CGI, relatif à l'abattement fixe applicable aux gains de cession de titres de PME réalisés par les dirigeants lors de leur départ à la retraite, pour supprimer l'exclusion des gains nets de cession de titres souscrits en exercice de BSPCE du bénéfice de cet abattement lorsque la condition d'exercice par le bénéficiaire de son activité pendant au moins trois ans au sein de la société attributrice des bons.

Enfin, le C du I modifie l'article 158 du CGI, relatif à la composition du revenu net global, s'agissant des modalités de prise en compte des gains visés au premier alinéa du I de l'article 163 bis G du même code.

En application du A du V du présent article, ces dispositions s'appliqueront au titre des dispositions, cessions, conversions au porteur ou mises en location de titres souscrits en exercice de BSPCE réalisés à compter du 10 octobre 2024.

B. LA CONFIRMATION DE L'INTERDICTION D'INSCRIRE DES TITRES SOUSCRITS EN EXERCICE DE BSPCE SUR UN PEA

Le présent article opère une confirmation de la doctrine fiscale abrogée par la décision du Conseil d'État du 8 décembre 2023 en introduisant dans le code monétaire et financier l'interdiction d'inscrire des droits de souscription ou d'attribution et des titres souscrits en exercice de ceux-ci sur un PEA.

Le A du II du présent article modifie la liste limitative des titres éligibles au plan d'épargne en actions, fixée par l'article L. 221-31 du code monétaire et financier.

D'une part, il supprime, au sein de la liste des emplois possibles des sommes inscrites sur un PEA, fixée par le 1° du I de l'article L. 221-31 du code monétaire et financier, la mention des droits ou bons de souscription ou d'attribution539(*). Le c du 1° du I de l'article L. 221-31 est réécrit pour insérer dans cette liste les droits préférentiels mentionnés à l'article L. 225-132 du code de commerce, sous réserve qu'ils respectent les conditions suivantes :

- qu'ils soient attribués au titulaire du plan à raison des titres des sociétés concernées qu'il y détient ;

- et qu'ils soient admis aux négociations sur un marché réglementé au sens des articles L. 421-1 ou L. 422-1 du code monétaire et financier ou sur un système multilatéral de négociation au sens des articles L. 424-1 ou L. 424-9 du même code.

Cette modification reprend en partie dans le code monétaire et financier la tolérance administrative, exposée supra, prévue par les commentaires de la doctrine fiscale, au profit des droits préférentiels de souscription émis dans le cadre d'une augmentation de capital.

D'autre part, le 2° du A du II du présent article complète le 1° du II de l'article L. 221-31 du code monétaire et financier, qui liste quant à lui les titres ou parts exclus du PEA, pour indiquer que les titres reçus en exercice de droits ou bons de souscription ou d'attribution ne peuvent être inscrits sur le plan. Cette exclusion prend toutefois en compte l'exception des droits préférentiels mentionnés supra.

En complément, le présent article complète dispositions relatives au plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (PEA-PME), au plan d'épargne entreprise (PEE), au plan d'épargne interentreprises (PEI) et au plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO).

Le B du II du présent article modifie ainsi l'article L. 221-31-2 du code monétaire et financier, relatif aux emplois possibles des sommes investies dans un PEA-PME, pour intégrer parmi ces emplois les droits préférentiels de souscription mentionnés au c du 1° du I de l'article L. 221-31 du même code, dans sa rédaction issue du présent article.

Le IV du présent article modifie L. 3332-15 du code du travail qui prévoit la liste des acquisitions auxquelles peuvent être affectées les sommes inscrites sur un PEE, pour prévoir que ni les BSPCE, ni les titres souscrits en exercice de ces bons ne peuvent être inscrits sur un PEE. Dès lors que, conformément aux articles L. 3334-1 et R. 3334-1 du code du travail, les dispositions relatives aux versements, à la composition, à la gestion du PEE sont applicables aux PERCO et que, conformément à l'article L. 3333-1 du même code, les dispositions relatives au PEE sont applicables aux PEI, la modification apportée par le IV du présent article leur est également applicable.

La mise en oeuvre de ces dispositions est prévue au V du présent article, qui précise qu'elles sont applicables aux BSPCE attribués ou exercés à compter du 10 octobre 2024. Le V du présent article prévoit également :

- à son B, que les droits ou bons de souscription ou d'attribution figurant dans un PEA ou un PEA-PME avant le 10 octobre 2024 peuvent en être retirés en effectuant sur celui-ci, dans un délai maximum de deux mois à compter de la date de ce retrait, un versement compensatoire en numéraire d'un montant égal à la valeur de ces droits ou bons appréciées à cette même date ;

- à son C que les droits ou bons de souscription ou d'attribution figurant dans un PEE avant le 10 octobre 2024 peuvent en être retirés dans des modalités identiques.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE SÉCURISATION BIENVENUE DU RÉGIME FISCAL DES BONS OU DROITS DE SOUSCRIPTION D'ACTIONS

A. LA CLARIFICATION BIENVENUE DU RÉGIME D'IMPOSITION DES BSPCE

La commission ne peut que souligner l'intérêt de sécuriser juridiquement le régime applicable aux BSPCE.

La solution consistant à séparer gains d'exercice, de nature salariale, et gains de cession, de nature patrimoniale, et de les soumettre à des conditions d'imposition de nature différente permet de répondre à la difficulté posée par l'inadéquation entre une doctrine fiscale peut-être trop rigide mais compréhensible, et la jurisprudence administrative.

B. L'ARTICLE PERMET DE CIRCONSCRIRE LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR LE SÉNAT AUX DROITS PRÉFÉRENTIELS DE SOUSCRIPTION, FIDÈLEMENT AUX PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DE L'AMF SUR LE PEA

L'article revient sur des dispositions adoptées à l'initiative du Sénat en juin 2024. Toutefois, il ne dénature pas ces dispositions, puisqu'en lieu et place de l'éligibilité de l'ensemble des droits ou bons de souscriptions ou d'attribution - incluant les bons de souscriptions d'actions - il prévoit que ce sont les droits préférentiels de souscription qui sont, dans certaines conditions permettant de s'assurer de la sécurité des titres et de leur stabilité, éligibles au PEA.

En effet, le rapporteur avait indiqué540(*) reprendre la proposition n° 13 du rapport d'avril 2023 du groupe de travail de l'Autorité des marchés financiers sur le PEA541(*), qui recommandait une modification législative de l'article L. 221-31 du code monétaire et financier « élargissant la liste des éléments éligibles au PEA aux droits préférentiels de souscription ». Or, l'amendement adopté lors de l'examen de la loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France comprenait l'ensemble des droits ou bons de souscription ou d'attributions, et excédait ce périmètre, pour comprendre notamment les bons de souscription d'action. Si, selon l'AMF, certains de ces bons sont assimilables à des DPS, elle ne recommandait pas pour autant de les inclure dans la modification législative recommandée.

Il convient enfin de remarquer que le présent article prévoit également que les titres souscrits en exercice des droits ou bons de souscription ou d'attribution ne sont pas non plus éligibles au PEA.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 26

Instauration pour les grandes entreprises d'une taxe sur les réductions de capital consécutives au rachat de leurs propres titres

Le présent article prévoit de créer, pour les sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur à un milliard d'euros et le siège situé en France, une taxe sur les réductions de capital consécutives au rachat de leurs propres titres. Cette taxe, dont le taux est de 8 %, est assise sur deux éléments : le montant de réduction du capital, ainsi qu'une fraction des primes liées au capital, fraction déterminée comme le rapport entre la réduction du capital et le capital lui-même.

Sont exclues de l'assiette les réductions de capital effectuées pour compenser des augmentations de capital destinées à attribuer des stock-options et des actions gratuites ou celles effectuées au profit des adhérents d'un plan d'épargne d'entreprise, ainsi que celles visant à faciliter une fusion ou une scission par rachat et annulation d'actions représentant au plus 0,25 % du montant du capital social, ou par rachat et annulation d'actions réalisés dans des conditions prévues par une réglementation étrangère équivalente. Des précisions dans le calcul de l'assiette sont également prévues en cas de réductions successives de capital et pour neutraliser l'incorporation des sommes liées à la réduction de capital aux réserves.

La taxe serait déclarée, liquidée et acquittée avec la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Pour éviter des comportements d'optimisation, elle est applicable aux opérations de réduction de capital réalisées à compter du 10 octobre 2024, date de dépôt du présent projet de loi de finances.

Le rendement prévu pour cette taxe est estimé à 200 millions d'euros.

L'assiette de la taxe prévue par le présent article ne reflète que peu les capacités contributives des sociétés imposées puisque, malgré l'existence de deux éléments d'assiette, elle repose essentiellement sur la valeur nominale des titres rachetés et peu sur le montant réel du rachat d'action effectués. Elle paraît dès lors peu équitable et bien peu dissuasive alors même que la pratique des rachats d'action n'est pas sans peser sur l'appareil productif français.

Toutefois, un dispositif ciblant le montant, à leur valeur de marché, des titres rachetés, pourrait présenter un risque de non-conformité au régime fiscal européen applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents, déterminé par la directive « mères-filiales ». En effet, bien que les rachats d'actions se distinguent d'un versement de dividendes, ils pourraient être considérés comme étant d'une nature économique comparable. Or la directive « mères-filiales » s'oppose à la perception, par l'État membre d'une société-mère, d'un impôt à l'occasion de la distribution des dividendes par la société-mère et dont l'assiette est constituée par les montants des dividendes distribués.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES OPÉRATIONS DE RACHATS D'ACTIONS, BIEN QUE CRITIQUÉES ET REPRÉSENTANT DES MONTANTS CROISSANTS, NE FONT L'OBJET QUE D'UNE FISCALISATION MODESTE

A. LES OPÉRATIONS DE RACHATS D'ACTIONS NE FONT L'OBJET QUE D'UNE FISCALISATION MODESTE

1. Les rachats d'actions ont vu leur régime assoupli dans le sillage de la libéralisation financière

Le rachat d'action est une opération par laquelle l'entreprise utilise une partie de ses profits pour racheter des propres actions, avec pour but, en particulier lorsque cette opération s'accompagne d'une annulation, de soutenir le cours de l'action en soutenant la demande, d'augmenter la valeur boursière des actions restantes et d'augmenter le bénéfice - le dividende - par action. Il s'agit de distribuer une partie de l'excès de trésorerie aux actionnaires : on parle d'effet « relutif ».

L'article 217 de loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales avait posé le principe d'une autorisation des opérations de rachat d'action par voie de réduction du capital (rachat d'actions non motivé par des pertes), toutefois enserrée dans un régime juridique contraignant. Elle interdisait en revanche le rachat d'actions sans réduction du capital, sur le fondement du fait qu'une société ne peut être à la fois créancière et débitrice d'elle-même et que le capital social peut être vu comme le gage des créanciers et que sa réduction leur porte atteinte, mais aussi en vertu de la crainte de voir une société spéculer sur ses propres titres.

L'article 217-1 de la loi précitée prévoyait toutefois une dérogation pour le cas où le rachat se ferait en faveur des salariés. Les actions devaient alors être attribuées ou les options consenties dans le délai d'un an à compter de l'acquisition.

L'article 41 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier est venu modifier les articles 217 et suivants de la loi de 1966, désormais codifiés aux articles L. 225-206 et suivants du code de commerce, et a transformé le principe d'interdiction, pour la société, de souscrire ou d'acheter ses propres actions (sauf en cas de réduction de capital non motivée par des pertes), en principe d'autorisation. À partir de cette loi, seule est interdite la souscription d'actions d'une société par elle-même, l'achat devenant autorisé, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 225-206 à L. 225-217, et L. 22-10-62 et suivants du même code.

L'autorisation de rachat d'actions, donnée pour une durée de 18 mois maximum par l'assemblée générale au conseil d'administration ou directoire, ne peut concerner qu'un nombre d'actions représentant au plus 10 % du capital de la société, ou 5 % lorsque les actions rachetées sont utilisées en paiement ou en échange d'actifs dans le cadre d'une opération de croissance externe, de fusion, de scission ou d'apport. Les actions peuvent être annulées dans la limite de 10 % du capital de la société par périodes de 24 mois542(*). Le programme de rachat doit faire l'objet d'une déclaration à l'Autorité des marchés financiers, qui contrôle ces opérations543(*). Ce faisant, le droit français est conforme au règlement européen de 2014 sur les abus de marché544(*) qui, tout en prohibant les activités visant à manipuler les cours, autorise le rachat d'action sous certaines conditions.

Les rachats d'actions sont donc actuellement permis dans le cadre d'opérations visant à attribuer des actions aux salariés, à améliorer la gestion financière des fonds propres de l'entreprise, notamment pour stabiliser la cotation, favoriser la liquidité des titres, réaliser une opération de croissance externe ou encore permettre à la société d'honorer ses obligations liées à des titres de créances, ou encore d'opérations de rachat non motivées par des pertes, le cas échéant en vue d'une réduction de capital.

Dans le contexte de libéralisation financière de l'époque, cette l'évolution qu'introduisait la loi de 1998 se fondait sur des justifications économiques avancées par le Gouvernement : « grâce à cette technique, les sociétés ayant atteint un stade de maturité avancé peuvent rendre leurs capitaux excédentaires au marché, ce dernier finançant ainsi l'investissement d'autres sociétés, en phase de croissance ou de développement rapide »545(*).

2. Les rachats d'actions ne sont soumis qu'à une fiscalité modeste qui ne les vise pas spécifiquement et alimente une contribution dont bénéficie l'Autorité des marchés financiers

Actuellement, l'opération de rachat d'actions fait l'objet d'une taxation comme toute autre transaction financière par le biais de la taxe sur les transactions financières (TTF)546(*), effective depuis 2011. Celle-ci représente 0,3 % du prix d'acquisition d'un titre émis par une entreprise dont le siège social est situé en France et dont la capitalisation boursière excède 1 milliard d'euros. Sont exclus de l'assiette de la taxe les rachats de titres destinés à être cédés aux adhérents d'un plan d'épargne d'entreprise.

En outre, le cédant est imposable au titre de la plus ou moins-value réalisée547(*), tandis que le cessionnaire, qui peut par ailleurs supporter la TTF, n'est susceptible d'être imposé qu'en matière de droit de mutation à titre onéreux au taux de 0,1 %548(*).

Par ailleurs, en vertu de l'article L. 621-5-3 du code monétaire et financier, l'Autorité des marchés financiers prélève, en contrepartie de la supervision qu'elle exerce sur les programmes de rachats d'action, une contribution sur ceux qui sont effectués par les sociétés cotées sur un marché réglementé par un émetteur redevable de la contribution sur la capitalisation boursière prévue au II bis du même article et dont la capitalisation excède 1 milliard d'euros.

Cette contribution, dont le taux est de 0,02 % de la valeur des titres rachetés, représente un rendement de 6 millions d'euros549(*).

B. LES RACHATS D'ACTIONS FONT L'OBJET DE CRITIQUES ET REPRÉSENTENT DES MONTANTS CROISSANTS, REFLET D'UNE CAPACITÉ CONTRIBUTIVE MAL APPRÉHENDÉE PAR LE LÉGISLATEUR

1. Le développement des rachats d'action présente le risque de détourner les capitaux de l'investissement productif et peut entraîner des inégalités de répartition de la valeur

Les critiques à l'égard des opérations de rachat d'action ne sont pas nouvelles. À la fin de L'Argent, roman d'Émile Zola publié en 1891, le personnage principal, Aristide Saccard, directeur de la Banque Universelle - dont le modèle était l'Union générale de Paul Eugène Bontoux -, rachète, malgré l'interdiction en vigueur, les actions de sa société pour en faire remonter les cours et faire revenir la confiance d'investisseurs désabusés par ses errements. Pendant un certain temps, l'on peut croire que l'opération fonctionne, voire que la Banque Universelle sera sauvée, mais le subterfuge ne dure pas, et elle fait faillite. La critique d'une pratique désordonnée servant inutilement à soutenir une société dont les fondamentaux sont altérés est à peine voilée.

Si ces pratiques sont justifiées par leurs défenseurs par le fait de « faire circuler l'argent », en permettant aux actionnaires bénéficiaires de financer les augmentations de capital d'autres entreprises550(*), leur renforcement dans le contexte de financiarisation de l'économie a pu également susciter des critiques d'ordre plus économique.

La libre circulation des capitaux ainsi que la place croissante jouée par les investisseurs institutionnels dans la détention des actions des entreprises - et d'ailleurs dans leur gouvernance - pousse en effet celles-ci à privilégier une forte rentabilité des actifs qu'elles proposent via le versement de dividendes ou le gonflement du prix des actions par le rachat d'actions.

Lorsque les entreprises ne s'astreignent pas à cette discipline, elles prennent le risque de voir les investisseurs institutionnels se désengager et revendre leurs actions, ce qui aboutirait à une baisse du prix de l'action étant donné la part substantielle des actions de l'entreprise souvent détenue par les investisseurs institutionnels. Ce désengagement expose alors l'entreprise au risque d'un rachat hostile par d'autres entreprises sous forme d'une offre publique d'achat (OPA) tandis que la baisse du prix de l'action ou des dividendes ne rentre pas non plus dans l'intérêt des managers lorsqu'une part de leur rémunération est constituée de stock-options551(*). La part des profits consacrée au versement de dividendes augmente ainsi régulièrement en France depuis les années 1980, pour passer de 12 % à environ 25 % dans la décennie 2010552(*).

Dans ce contexte, les entreprises peuvent être poussées à racheter leurs actions pour maintenir leur activité au détriment de leur auto-investissement. Des économistes ont ainsi montré qu'aux États-Unis et au Royaume-Uni, les levées de capitaux sont devenues inférieures aux rachats de leurs propres actions par les entreprises, ce qui indiquerait que les marchés, au lieu d'être source de financement des entreprises, bénéficient maintenant de leurs financements553(*). Si, bien sûr, d'autres causes contribuent à ce phénomène, dans les pays développés, l'investissement tend ainsi à décroître depuis les années 1980, où il en représentait entre 23 et 26 % du PIB, alors qu'il ne dépasse plus les 23 % depuis 2000 et oscille autour de 20 % depuis la crise financière de 2010554(*).

Plus récemment, dans un contexte où le niveau d'inflation pénalise les salaires réels, le développement des programmes de rachats d'actions est critiqué : pour certains, les sommes utilisées pour ces rachats, pourraient bénéficier aux salariés.

2. Une pratique en forte augmentation, reflet d'une capacité contributive encore mal appréhendée par la puissance publique

Si la pratique des rachats d'action est largement plus fréquente aux États-Unis qu'en Europe et notamment en France, elle s'est fortement développée au cours des dernières années.

Les rachats d'actions par les groupes du SBF 120, indice boursier de la Bourse de Paris, s'élevaient en 2023 à 32,3 milliards d'euros555(*), après 27,2 milliards d'euros en 2022556(*)

Si l'on se limite aux entreprises du CAC 40, on constate une augmentation très significative de ces pratiques depuis 2020, reflet d'une capacité contributive encore mal appréhendée par la puissance publique. Alors qu'entre 2011 et 2019, le montant des rachats d'actions oscillait entre 4,6 milliards d'euros et 11 milliards d'euros, il a, depuis 2019, été multiplié par trois, atteignant 30,1 milliards d'euros en 2023. En 2023, les plus grandes contributrices ont été TotalEnergies, avec 9,2 milliards d'euros de rachats d'actions, et BNP Paribas, avec 5 milliards d'euros557(*). Les montants rachetés par LVMH, Stellantis, Axa, Arcelor Mittal et Safran dépassent également le milliard d'euros558(*).

Les dividendes ont suivi une évolution comparable, atteignant 67 milliards d'euros en 2023.

Évolution du montant des rachats d'actions effectués
par les sociétés du CAC 40 entre 2003 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après la lettre Vernimmen n° 214 (janvier 2024)

Si l'on étend la focale à l'ensemble des sociétés, les montants sont légèrement différents et sont, naturellement, plus élevés.

Évolution du montant des rachats d'actions effectués
par les sociétés françaises entre 2016 et 2022

(en milliards de dollars)

Source : commission des finances du Sénat, d'après Janus Henderson Investors559(*)

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE TAXATION NE VISANT PAS L'OPÉRATION DE RACHAT, MAIS LA RÉDUCTION DE CAPITAL CONSÉCUTIVE AU RACHAT D'ACTION

A. UNE TAXE À L'ASSIETTE ÉTROITE ET AU TAUX RELATIVEMENT ÉLEVÉ NE PRÉSENTANT QU'UN LOINTAIN RAPPORT AVEC LES MONTANTS DÉBOURSÉS DANS LE CADRE D'UNE OPÉRATION DE RACHAT D'ACTION

1. Une taxe à l'assiette étroite et au taux relativement élevé

Le I du présent article introduit une nouvelle section XIV ter dans le chapitre III du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôt, instituant une taxe sur les réductions de capital résultant de certaines opérations de rachat de leurs propres actions par certaines sociétés. À cette fin, il crée un nouvel article 235 ter XB, qui détermine l'assiette et le taux de cette taxe.

Selon le I de cet article 235 ter XB, entrent dans le champ des personnes susceptibles d'être redevables de cette taxe les sociétés dont le siège est situé en France et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1 milliard d'euros. Le calcul du chiffre d'affaires s'entend hors taxes, sur le dernier exercice clos - ramené s'il y a lieu à douze mois - et, pour les sociétés comprises dans un périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes, de celui figurant dans les états financiers consolidés ou combinés. Pour celles-ci, les réductions de capital ne sont soumises à la taxe que lorsque les comptes sont consolidés ou combinés par intégration globale ou proportionnelle, c'est-à-dire qu'une société dans laquelle un groupe réalisant un chiffre d'affaires de plus d'un milliard d'euros détient une participation minoritaire n'est pas soumise à cette taxe.

Selon le du III du nouvel article 235 ter XB, la taxe est assise sur deux éléments :

1° le montant de la réduction de capital ;

2° une fraction des sommes qui revêtent sur le plan comptable le caractère de primes liées au capital.

La réduction de capital peut se calculer en multipliant le nombre d'actions annulées par la valeur nominale de l'action (le « pair »), qui constitue la quote-part du capital social représenté par cette action et est normalement fixée dans les statuts de l'entreprise. Il s'agit en général de la valeur initiale des titres. La réduction du capital doit se comprendre d'un point de vue juridique et comptable : elle ne correspond donc pas au montant réel dépensé pour procéder au rachat d'actions.

Les primes liées au capital comprennent les primes d'émission, les primes de fusion, les primes d'apport et les primes de conversion d'obligations en actions et désignent les sommes versées par les actionnaires ou associés en plus du capital nominal lors de la souscription ou de l'achat d'actions ou de parts sociales. Elles peuvent se calculer comme la différence entre la valeur de l'action retenue pour l'opération (augmentation de capital, fusion, apport, etc.) et la valeur nominale. En effet, lors d'une augmentation de capital, par exemple, la société peut chercher à émettre des actions non pas à leur valeur nominale mais à leur valeur « réelle » dans le but de protéger les actionnaires en place, qui pourraient être désavantagés si la souscription se faisait au montant nominal. Au moment du rachat d'action par l'entreprise, elle est en pratique plus proche de la valeur de marché que la valeur nominale, mais ne se confond pas avec elle puisqu'elle procède d'une opération antérieure.

La fraction retenue pour l'intégration des primes liées au capital dans l'assiette est le rapport entre la réduction de capital et le capital de la société.

Le taux de la taxe est de 8 % (IV de l'article 235 ter XB).

2. La taxe n'est pas applicable à certaines réductions de capital

Par ailleurs, le II de l'article 235 ter XB prévoit que la taxe n'est pas applicable aux réductions de capital réalisées aux fins :

- de compenser des augmentations de capital lorsqu'elles sont réalisées afin d'attribuer à certains salariés des stock-options560(*) ou des actions gratuites561(*), ou bien qu'elles sont effectuées au profit des adhérents du plan d'épargne d'entreprise562(*) : les réductions de capital intervenant dans ce cas sont faites afin que les autres actionnaires ne soient pas pénalisés l'augmentation de capital ;

- de faciliter une fusion ou une scission par rachat et annulation d'actions représentant au plus 0,25 % du montant du capital social, ou par rachat et annulation d'actions réalisés dans des conditions prévues par une réglementation étrangère équivalente.

3. L'assiette de la taxe vise à éviter les doubles comptabilisations et à neutraliser certaines opérations

Pour la détermination de l'assiette, certaines précisions sont apportées par le 2 du III de l'article 235 ter XB :

- son a prévoit que lors de réductions de capital successives, le montant des primes liées au capital est réduit de la fraction des primes déjà retenue dans la base de la taxe, et qu'il n'est pas tenu compte des réductions des primes liées au capital résultant de la comptabilisation de l'opération soumise à la taxe. Cela vise à éviter à éviter une comptabilisation multiple des primes en cas d'opérations de réductions de capital multiples ;

- son b prévoit que les sommes incorporées aux réserves à l'occasion d'une réduction de capital non motivée par des pertes ou à l'occasion d'une affectation de primes liées au capital sont regardées, pour le calcul de la taxe, comme n'ayant pas été soustraites, respectivement, au capital ou aux primes liées au capital ;

- son c dispose que les réserves ayant fait l'objet d'une incorporation au capital ou aux primes liées au capital restent considérées comme des réserves.

4. Les montants dus au titre de la taxe ne présentent qu'un lointain rapport avec ceux qui sont déboursés par la société dans le cadre d'une opération de rachats d'action

La première partie de l'assiette, à savoir le montant de la réduction de capital, peut être très faible et très inférieure au montant réel du rachat d'actions. En effet, la valeur nominale est souvent très inférieure à la valeur de marché de l'action : pour LVMH, par exemple, la valeur de marché représente plus de 2 000 fois la valeur nominale de l'action.

Valeur nominale et de marché (au 22 octobre 2024) des actions
des sociétés du CAC40 françaises ayant pratiqué des rachats d'actions
de plus d'un milliard d'euros en 2023

(en euros)

 

Valeur nominale

Valeur de marché

TotalEnergies

2,5

60,3

BNP Paribas

2

65,7

LVMH

0,3

616

Stellantis

0,1

12

Axa

15,25

35,3

Arcelor Mittal

0,9

22,2

Safran

0,2

210,4

Source : commission des finances du Sénat

La seconde partie de l'assiette vise à compléter le faible montant de la première. Ainsi, si la valeur nominale est faible, l'écart entre la valeur nominale et la valeur retenue au moment de l'opération précédente (à savoir la prime d'émission) sera élevé. Toutefois, cet écart est pondéré par le rapport entre la réduction de capital et le capital total : la deuxième partie de l'assiette diminue donc d'autant lorsque la réduction de capital représente un faible montant en comparaison du capital total de la société.

Si l'on fait abstraction des précisions relatives à la détermination de l'assiette évoquées aux 2 et 3 du A du II du présent commentaire, si on considère la valeur de marché actuelle comme une approximation raisonnable de la prime liée au capital de la société, et du prix de l'action en 2023, et si on considère également que tout rachat d'action donne lieu à une réduction de capital sur laquelle est assise la présente taxe, on obtient des versements très disparates selon les sociétés, qui ne paraissent pas en rapport avec la capacité contributive reflétée par le montant du rachat d'actions. Si ces hypothèses sont approximatives et forcément discutables, elles permettent de se faire une première idée des contributions respectives des principales sociétés pratiquant des rachats d'actions.

Formalisation simplifiée du calcul de la taxe

On considère pour simplifier que la taxe est applicable à toutes les réductions de capital, que les dispositions prévues aux a, b et c du 2 du III de l'article 235 ter XB ne modifient pas la détermination de l'assiette et que les primes liées au capital sont les mêmes pour toutes les actions rachetées.

Si on note n la valeur nominale de l'action, a le nombre d'actions annulées, r le prix réel de l'action au moment de son émission - et donc r-n la prime d'émission, apport, etc. -, et k le capital total, on obtient t, soit ce que doit verser l'entreprise qui pratique un rachat d'action :

Source : commission des finances

Montant dû par les sociétés ayant pratiqué des rachats d'actions supérieurs
à 1 Md€ si la taxe avait existé en 2023 et pourcentage par rapport au montant réel de rachats d'actions qu'ils soient suivis ou non de réductions de capital

 

Montant dû hypothétique en 2023 (en euros)

Montant rapporté au montant réel des rachats d'actions (en pourcentage)

TotalEnergies

75 millions

0,82

BNP Paribas

38 millions

0,77

LVMH

640 000

0,04

Stellantis

76 millions

5,08

Axa

43 millions

3,88

ArcelorMittal

8,6 millions

0,77

Safran

2,2 millions

0,14

Note : les montants et pourcentages présentés, malgré leur précision, résultent de calculs retenant des hypothèses fortes et nécessairement discutables. Il convient de les regarder non comme des chiffres stabilisés, mais uniquement comme des ordres de grandeur destinés à approcher l'effet éventuel de la taxe proposée. On verra par exemple que la somme des montants dus hypothétiques est supérieure au rendement de 200 millions d'euros attendu en 2025, certes du fait d'annonce de rachats d'actions inférieurs (7,3 milliards d'euros pour TotalEnergies en 2025 contre 9,2 milliards d'euros) en 2023, mais aussi de ces hypothèses approximatives.

Source : commission des finances

Les montants qui seraient versés par les principales sociétés pratiquant des rachats d'actions varient donc du simple au centuple (montant hypothétique autour de 640 000 euros pour LVMH et autour de 75 millions d'euros pour TotalEnergies). Il en est de même exprimé en pourcentage par rapport au montant réel de rachats d'actions, avec un rapport de 1 à 20 entre TotalEnergies et LVMH mais de 1 à 125 entre LVMH et Stellantis.

En somme, et en première approximation, le montant de la taxe dépend très fortement de la valeur nominale, qui ne reflète pas la capacité contributive de l'entreprise, mais aussi du rapport entre la réduction de capital et le capital total, qui lui ne reflète que trop peu la capacité contributive de l'entreprise puisque plus le capital total est élevé, plus ce rapport est faible. Le montant de la taxe ne dépend que marginalement du montant déboursé par la société à l'occasion de l'opération de rachat d'actions.

B. DES CONDITIONS DE VERSEMENT VISANT À ÉVITER DES COMPORTEMENTS D'OPTIMISATION

Pour éviter des comportements d'optimisation entre le dépôt du budget et le début de l'année 2025, le II du présent article 26 précise que le dispositif fiscal institué au I a un effet rétroactif : il s'applique non pas seulement à partir du 1er janvier 2025, mais aux opérations de réduction de capital réalisées à compter du 10 octobre 2024, bien que les dispositions des b et c du 2 du III de l'article 235 ter XB du code général des impôts créé par l'article 26 s'appliquent aux incorporations comptabilisées à compter de l'exercice en cours au 10 octobre 2024.

Les V, VI et VII de l'article 235 ter XB ainsi que le C du II du présent article 26 précisent que la taxe est déclarée et liquidée sur l'annexe à la déclaration de chiffre d'affaires pour le paiement de la TVA, déposée au titre de la période au cours de laquelle la société a signalé au registre du commerce et des sociétés (RCS) sa réduction de capital, sauf pour celles des opérations de réduction de capital ayant eu lieu entre le 10 octobre 2024 et le 31 mars 2025, déclarée et liquidée sur l'annexe à la déclaration de TVA déposée au titre du mois d'avril 2025. La taxe est acquittée lors du dépôt de cette déclaration tandis que le contrôle, le recouvrement, les sanctions et le contentieux s'appliquent dans les conditions normales.

Le VIII de l'article 235 ter XB précise enfin que la taxe n'est pas déductible de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE TAXATION QUI REFLÈTE MAL LA CAPACITÉ CONTRIBUTIVE DES CONTRIBUABLES MAIS JURIDIQUEMENT SOLIDE

A. UNE TAXATION BIENVENUE DONT LE RENDEMENT EST FAIBLE

Eu égard au caractère potentiellement déstabilisateur pour les entreprises du développement excessif des rachats d'actions observé au cours des quatre dernières années, une telle taxation n'est en effet pas dénuée d'intérêt et de pertinence.

La taxe initialement proposée par le Gouvernement pourrait ainsi remplir un premier objectif de dissuasion de cette pratique, encourageant ou bien une meilleure répartition de la valeur au sein de l'entreprise ou bien un renforcement de l'investissement au niveau macroéconomique. L'argument selon lequel, par apport de cash aux actionnaires, une opération de rachat d'action permettrait, dans un second temps, de réinvestir cet argent dans d'autres sociétés, doit être considéré avec une grande circonspection, puisqu'il s'agit souvent davantage de placer cet argent que de l'investir, l'achat d'actions en dehors d'une opération d'augmentation de capital par la société ne contribuant pas à l'investissement mais simplement à la liquidité des marchés boursiers.

Soulignons cependant que la taxation américaine des rachats nets d'actions prévue par l'Inflation Reduction Act voté le 7 août 2022 et entrée en vigueur le 1er janvier 2023 n'a pas réellement tari cette pratique. Le faible taux de 1 % retenu pour cette taxe n'y est sans doute pas étranger. La présente taxe, dont l'assiette dépend largement de la valeur nominale davantage que de la valeur de marché des titres - à la différence de la taxe américaine - devrait présenter les mêmes caractéristiques.

Le législateur, face au faible effet dissuasif de cette taxe, pourrait en revanche s'attendre à ce qu'elle présente un intérêt en termes de rendement, en particulier à un moment où la situation des finances publiques est aussi dégradée. En dépit de cet « objectif de rendement » affiché dans l'évaluation préalable, celui-ci ne devrait atteindre que 200 millions d'euros, montant faible au regard de l'ampleur et de l'urgence du redressement des comptes publics.

B. LA FISCALISATION DES RACHATS D'ACTIONS FAIT FACE À DES CONTRAINTES JURIDIQUES EUROPÉENNES

Comme indiqué précédemment, le montant dû par les sociétés pratiquant des rachats d'actions au titre de cette taxe dépendra fortement de la valeur nominale de ces actions et peu de leur valeur vénale. Ainsi, pour un même montant de rachats d'actions, le montant dû au titre de la taxe peut fortement varier. Si l'on reprend l'analyse simplifiée présentée ci-dessus, alors que LVMH et Stellantis avaient en 2023 toutes deux racheté leurs actions à hauteur d'1,5 milliard d'euros, elles auraient eu à verser, si la taxe avait été en vigueur cette année-là, respectivement - et approximativement - de l'ordre de 640 000 euros et de 76 millions d'euros.

Par ailleurs, le rendement attendu pour la taxe initiale paraît faible au regard de l'objectif de redressement des finances publiques poursuivi. L'objectif de rendement, et peut-être de dissuasion de cette pratique, semble avoir été intégré, par exemple, par les Etats-Unis, qui avaient envisagé de relever le taux de cette taxe de 1 % à 4 %563(*).

Dans ces conditions, le rapporteur général s'est interrogé sur l'opportunité de modifier l'assiette de la taxe pour que celle-ci intègre davantage la capacité contributive des sociétés procédant à des rachats d'actions, en s'appuyant par exemple par l'assiette constituée par le montant de ces rachats.

Une telle solution est toutefois juridiquement risquée et pourrait exposer les finances publiques de la France.

Un tel dispositif pourrait en effet être déclaré non conforme à la directive « mères-filles »564(*), à la manière de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés de 3 % sur les montants distribués par les sociétés françaises introduite par l'article 6 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012565(*), instituant un nouvel article 235 ter ZCA dans le code général des impôts.

Cette contribution avait été jugée non conforme avec l'article 4 de la directive mères-filles par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui estimait que cet article s'opposait à une mesure fiscale prévoyant la perception d'un impôt à l'occasion de la distribution des dividendes par la société-mère et dont l'assiette est constituée par les montants des dividendes distribués566(*). Le 6 octobre 2017, le Conseil constitutionnel a alors déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l'article 235 ter ZCA du CGI prévoyant cette contribution additionnelle567(*). Cette annulation a eu un effet immédiat sur la globalité de la taxe depuis son origine, conduisant à un impact de l'ordre de 10 milliards d'euros sur les finances publiques du fait du remboursement de la contribution aux contribuables.

Certes, les annulations d'actions consécutives à un rachat se distinguent d'un versement de dividendes. Elles n'aboutissent qu'incidemment et indirectement à des distributions supplémentaires. Ainsi, si le conseil d'administration de la société décide de diminuer le montant global de dividendes, une opération de rachat d'action n'aura pas d'effet sur le versement final de dividende par action.

Par ailleurs, l'opération de rachat d'action permet de renchérir le cours de l'action, ce que ne permet pas le versement d'un dividende, mais accroît pour autant le patrimoine des actionnaires.

Toutefois, il ne saurait être complètement exclu que la CJUE considère que les rachats de titres suivis de leur annulation soient économiquement, au moins pour partie, assimilables à des distributions, puisque ce procédé est également utilisé pour distribuer des résultats aux actionnaires. Les sommes employées pour financer ces rachats proviennent largement des résultats passés, lesquels incluent des dividendes reçus de filiales.

Une telle taxe pourrait être annulée, conduisant à des remboursements ultérieurs de la part de l'État aux contribuables qui ont dû la verser et exposant nos comptes publics à un risque supplémentaire de dégradation.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 27

Intégration des communes anciennement classées en zone de revitalisation rurale dans le nouveau zonage France ruralités revitalisation et prorogation du dispositif d'exonérations fiscales et sociales dans les bassins d'emploi à redynamiser

Le présent article prévoit d'élargir l'accès au zonage France Ruralités Revitalisation (FRR) à toutes les communes auparavant classées en « zones de revitalisation rurale » ne remplissant plus les critères d'accès au nouveau dispositif entré en vigueur le 1er juillet 2024.

En outre, l'article 27 redéfinit les critères d'accès au niveau « FRR + » auquel sont adossées des aides fiscales et non fiscales supplémentaires.

Enfin, il proroge l'existence des bassins d'emploi à redynamiser « BER » jusqu'au 31 décembre 2027, abandonnant le principe d'une fusion avec les FRR prévue à compter du 1er janvier 2025.

À l'initiale du rapporteur général, la commission a adopté un amendement I-8 (FINC.8) par lequel elle octroie la faculté au préfet de région de proposer, dans la limite de 0,5 % des communes de sa région, le classement en FRR d'une commune, membre d'un EPCI qui remplit l'un des deux critères de classement en FRR, cela afin de régler les cas de distorsions fiscales territoriales que la nouvelle cartographie peut générer.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE PREMIÈRE TENTATIVE DE SIMPLIFICATION DES DISPOSITIFS ZONÉS

Le législateur a multiplié les initiatives pour venir en aide, d'une part, aux territoires en reconversion, c'est-à-dire aux territoires qui étaient principalement dépendants d'un type unique d'activité économique aujourd'hui en déclin, et, d'autre part, aux territoires ruraux en difficulté.

S'est progressivement opéré un découpage du territoire en zones, lesquelles ne se superposent pas au découpage administratif : ces fractions de territoire bénéficient d'un régime fiscal particulier selon des critères géographiques (démographie, densité, etc.) ou socio-économiques (taux de chômage, revenu, nombre d'entreprises, etc.).

A. UN NOMBRE IMPORTANT DE DISPOSITIFS ZONÉS

Ainsi, entre 1995 et 2021, plusieurs dispositifs d'exonération d'impôts sur les bénéfices (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés) ainsi que d'exonération d'impôts locaux (taxe foncière sur les propriétés bâties - TFPB - contribution foncière des entreprises - CFE - et contribution sur la valeur-ajoutée des entreprises - CVAE) ont été mis en place au sein de ces zones. Ces allègements fiscaux sont selon les cas imposés par voie législative, donnant droit à compensation, par l'État, aux collectivités territoriales concernées ou simplement laissés à l'appréciation de ces dernières, auquel cas ils ne sont pas compensés. Le classement en zones peut aussi ouvrir droit à des soutiens financiers de nature non fiscale, par exemple par la majoration de certaines dotations versées par l'Etat aux collectivités territoriales.

On dénombre aujourd'hui dix dispositifs principaux de zonages de ce type, auxquels s'ajoutent des zonages antérieurs qui n'ont pas cessé de produire tous leurs effets.

En premier lieu, deux zonages relèvent de la politique de la ville : les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV)568(*) et les zones franches urbaines - territoires entrepreneurs (ZFU-TE)569(*).

En second lieu, cinq zonages ont été mis en place pour soutenir des territoires en reconversion : les bassins urbains à dynamiser (BUD)570(*), les zones de restructuration de la défense (ZRD)571(*), les zones de revitalisation des centres-villes (ZRCV), les zones d'aide à l'investissement pour les petites et moyennes entreprises (ZAI-PME)572(*) et les zones d'aide à finalité régionale (ZAFR)573(*).

Enfin, trois de ces zonages concernent spécifiquement les territoires ruraux : il s'agit des zones « France ruralités revitalisation » (FRR)574(*), des bassins d'emploi à redynamiser (BER) et des zones de développement prioritaire (ZDP).

Le tableau suivant récapitule les principales caractéristiques de chacun de ces dix types de zonage.

Caractéristiques des principaux dispositifs zonés

Type de Zonage (année de création)

Critères

Exonérations d'impôts sur les bénéfices

Exonérations d'impôts locaux

Dispositifs
non fiscaux

Activités économiques ciblées

Coût annuel pour l'État

en millions d'euros

FRR

(2024)

Communes de moins de 30 000 habitants dans un EPCIFP avec faible densité de population et faible revenu médian par habitant + toutes les communes des départements métropolitains dont la densité est inférieure à 35 habitants par km2 avec faible revenu médian (maille intercommunale)

IR et IS

5 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %)

Exonération de CFE sous réserve de délibération de l'entité compétente du bloc communal

Exonérations de cotisations sociales

Majoration de la dotation de solidarité rurale (DSR), de la dotation d'intercommunalité et de certaines dotations spécifiques (dotation France services dans les « FRR + », etc.)

Création ou reprise d'une activité industrielle, commerciale, artisanale ou libérale par une entreprise relevant de la catégorie des micros, petites et moyennes entreprises

nc575(*)

BER

(1995)

Taux de chômage, déclin démographique, déclin de l'emploi

5 ans

Exonération sauf délibération contraire, de

TFPB et de CET de 5 ans

Exonérations de cotisations sociales

Création d'entreprises activité industrielle, artisanale, commerciale ou libérale

(850 sociétés environ)

8

ZDP

(2019)

Taux de pauvreté, chômage des jeunes, densité

Maille régionale et intercommunale

2 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %)

Exonération obligatoire de CET et de TFPB de 7 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %) pour 50 % de la base nette imposable.

CET et TFPB, sur délibération, de 7 ans puis dégressivité sur 3 ans pour les 50 % restant

 

Création d'une PME qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale.

Non connu

QPV

Population minimale, revenu maille infra-communale

 

TFPB, sauf délibération contraire 5 ans

CET, sauf délibération contraire, 5 ans puis dégressivité sur 3 ans pour TPE (60 %, 40 % et 20 %)

Utilisé pour la répartition de la dotation politique

de la ville (DPV)

Création par une entreprise de moins de 50 salariés et 10 M€ de CA d'une activité commerciale

74

ZRD

Zones affectées par la réorganisation des unités militaires et touchées par une baisse d'activité des entreprises et une chute significative de l'emploi

Exonération

d'impôts sur les bénéfices

Exonération de cotisation foncière des entreprises et

de taxe foncière sur les propriétés bâties

Exonération des cotisations patronales

Toutes les entreprises (individuelle ou société), quel que soit leur régime d'imposition (microentreprise, régime réel normal ou simplifié)

activité industrielle, artisanale ou commerciale ou libérale si celle-ci s'exerce en société soumise à l'impôt sur les sociétés (activités agricoles exclues)

activité de location d'immeubles professionnels munis de leurs équipements

Non connu

ZFU-TE (1996)

Population, taux de chômage, jeunesse, déscolarisation, potentiel fiscal par habitant

5 ans puis dégressivité sur 3 ans (60 %, 40 % et 20 %)

   

Création par une entreprise de moins de 50 salariés et 10 millions d'euros de CA d'une activité industrielle, artisanale,

commerciale ou libérale

163

BUD

(2018)

Densité, revenu médian, taux de chômage

(maille communale et intercommunale)

2 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %)

Exonération obligatoire de CET et de TFPB de 7 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %) pour 50 % de la base nette imposable.

Sur délibération, de CET et de TFPB de 7 ans puis dégressivité sur 3 ans pour les 50 % restants.

 

Création d'une PME exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale

2

ZRCV

(2020)

Conclusion d'une ORT, revenu

Maille communale

 

TFPB, CET, sur délibération

   

Non connu

ZAFR

(1980)

PIB par habitant, taux de chômage, densité

Maille communale

2 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %)

TFPB, CET, 2 ans sur délibération, jusqu'à 5 ans pour certaines activités

 

Création d'entreprises exerçant une activité industrielle, artisanale, commerciale ou libérale

81

ZAI-PME

Communes non situées en ZAFR (en IDF, communes de zone urbaine sensible ou de ZRR)

 

CET, sur délibération, jusqu'à 5 ans pour certaines activités

 

Création par une PME d'une activité industrielle ou de recherché scientifique et technique

Non connu

Source : commission des finances du Sénat

B. LA CRÉATION DES FRR EN LOI DE FINANCES POUR 2024 

1. Les zones « FRR » excluent pour l'heure 2 168 communes auparavant classées en « ZRR »

La loi de finances pour 2024576(*) a instauré les zones France ruralités revitalisation (FRR). Le régime qui leur est associé s'est substitué à deux dispositifs antérieurs : les zones de revitalisation rurales (ZRR) et les zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZoRCoMIR). Principalement codifié à l' article 44 quindecies A du code général des impôts, le régime associé aux FRR prévoit un accès de droit commun au dispositif des communes de moins de 30 000 habitants d'un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCIFP577(*)), si ce dernier remplit deux critères cumulatifs :

- une densité de population inférieure ou égale à la densité médiane nationale des EPCIFP de France métropolitaine ;

- un revenu disponible médian par unité de consommation inférieur ou égal à la médiane des revenus médians par établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de France métropolitaine.

Par ailleurs, quatre situations spécifiques complémentaires ont été prévues pour que d'autres communes puissent prétendre au dispositif.

En premier lieu, le législateur a prévu un droit de rattrapage par le représentant de l'Etat dans la région, lequel peut proposer à titre complémentaire le classement en FRR de toutes les communes de France métropolitaine de moins de 30 000 habitants mais dans ce cas de figure à l'échelle d'un même bassin de vie, tel que défini par l'INSEE, à condition que ce bassin de vie remplisse les deux mêmes conditions (densité de population inférieure ou égale à la densité médiane nationale des bassins de vie de France métropolitaine et revenu disponible médian par unité de consommation inférieur ou égal à la médiane des revenus médians des bassins de vie de France métropolitaine).

En second lieu, il a été décidé que toutes les communes de moins de 30 000 habitants d'un même département de France métropolitaine pouvaient avoir vocation à être classées en FRR dès lors que ledit département compte une densité de population inférieure à trente-cinq habitants par kilomètre carré et un revenu disponible médian par unité de consommation inférieur ou égal à la médiane des revenus médians disponibles par unité de consommation par département. Ainsi, 13 départements de France métropolitaine sont intégralement578(*) classés en FRR : Ariège, Aveyron, Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Cantal, Creuse, Gers, Indre, Lot, Lozère, Haute-Marne, Meuse, et Nièvre.

En troisième lieu, la situation particulière des communes situées en zone de montagne a été prise en compte. C'est pourquoi le législateur a prévu que sont classées en zone FRR les communes de moins de 30 000 habitants d'un EPCIFP dont au moins 50 % de la population est située en zone de montagne579(*) et dont la densité de population est inférieure ou égale à la densité médiane nationale des EPCIFP de France métropolitaine.

Enfin, l'article 44 quindecies A du code général des impôts précité prévoit la possibilité pour le Gouvernement de déterminer, par décret simple, le classement en FRR d'une commune située à La Réunion ou en Guyane (voire son classement partiel en raison de la très grande étendue géographique des communes concernées580(*)).

Au total, 17 700 communes bénéficient désormais du classement en zone FRR581(*).

2. Un dispositif « FRR + » aux contours encore assez flous

La loi de finances pour 2024 a instauré une classification en FRR à deux niveaux : un niveau « FRR socle » et un niveau « FRR plus ».

Parmi les communes remplissant les critères de droit commun pour être classées en FRR582(*), sont classées en zone France ruralités revitalisation « plus » les communes membres d'un EPCIFP confronté sur une période d'au moins dix ans à des difficultés particulières, appréciées en fonction d'un indice synthétique.

La loi prévoit que cet indice a vocation à être établi, selon des modalités fixées par décret, en tenant compte des dynamiques liées au revenu, à la population et à l'emploi dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés. Concrètement, il est prévu que ces communes seront listées par ordre décroissant en fonction de l'indice précité : le premier quart de ces communes a vocation à être classé en zone France ruralités revitalisation « plus » par arrêté des ministres chargés des collectivités territoriales et du budget, avec une clause de revoyure tous les six ans.

Plus de dix mois après la promulgation de ladite loi de finances, et alors que l'examen de la loi de finances pour 2025 est en cours, cet arrêté n'a toujours pas été pris, soulignant l'impréparation du précédent Gouvernement quant au dispositif.

Au demeurant, les contours des avantages qui s'attacheront au niveau « FRR plus » demeurent particulièrement limités. La différence entre le niveau « socle » et le niveau « plus » porte principalement sur la taille des entreprises créées ou reprises concernées par les exonérations : les entreprises entre 11 et 49 salariés peuvent bénéficier d'exonérations en FRR « plus ».

C. L'INSÉCURITÉ JURIDIQUE DE COMMUNES MAINTENUES EN ZRR SANS BASE LÉGALE PAR LE PRÉCÉDENT GOUVERNEMENT

Alors que la base légale sur laquelle reposait l'existence des zones de revitalisation rurales (ZRR) a disparu concomitamment à l'apparition des zones « France ruralités revitalisation », le précédent Gouvernement a pris un « arrêté modifiant l'arrêté du 16 mars 2017 constatant le classement de communes en zone de revitalisation rurale583(*) ». Cet arrêté s'apparente donc à une tentative de prorogation, par voie réglementaire, du classement de 2 168 communes dans une dispositif législatif qui n'existe plus depuis le 1er juillet 2024.

D. DES BASSINS D'EMPLOIS À REDYNAMISER (BER) QUI FÊTERONT BIENTÔT LEUR 30 ANS

La loi de finances rectificative pour 2006 a modifié la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire pour créer les bassins d'emploi à redynamiser (BER). Ces derniers constituent un autre dispositif de zonage fiscal ayant vocation à soutenir des territoires en difficulté par des mécanismes favorisant l'installation d'entreprises.

Les critères de classement en BER ont été fixés à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et codifiés à l' article 44 duodecies du code général des impôts :

« Les bassins d'emploi à redynamiser sont reconnus par voie réglementaire parmi les territoires dans lesquels la majorité des actifs résident et travaillent et qui recouvrent en 2006 les zones caractérisées par :

1° Un taux de chômage au 30 juin 2006 supérieur de trois points au taux national ;

2° Une variation annuelle moyenne négative de la population entre les deux derniers recensements connus supérieure en valeur absolue à 0,15 % ;

3° Une variation annuelle moyenne négative de l'emploi total entre 2000 et 2004 supérieures en valeur absolue à 0,75 %. »

Deux bassins d'emploi à redynamiser remplissent les conditions fixées : la vallée de la Meuse dans la région Grand-Est et la zone d'emploi « Lavelanet » en région Occitanie. Le Gouvernement a ainsi placé 352 communes de la zone d'emploi de la vallée de la Meuse et 56 communes d'Occitanie, par voie réglementaire, parmi les communes sur le territoire desquels les entreprises peuvent bénéficier des exonérations propres aux BER.

Une entreprise qui s'installe ou réalise une extension d'établissement dans un bassin d'emploi à redynamiser (BER) peut bénéficier d'exonérations d'impôt sur les bénéfices et d'impôts locaux et de cotisations. Les contribuables qui créent des activités entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2024 dans ces BER sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans le bassin d'emploi et réalisés jusqu'au terme du quatre-vingt-troisième mois suivant le début d'activité dans le bassin d'emploi.

Les contribuables qui créent des activités à compter du 1er janvier 2014 bénéficient de ces mêmes exonérations à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans le bassin d'emploi et réalisés jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant le début d'activité dans le bassin d'emploi, tout en perdant le bénéfice de l'exonération à compter de l'exercice au cours duquel ils procèdent à une distribution de dividendes à leurs actionnaires.

Le bénéfice de ces exonérations est réservé aux contribuables exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale584(*), à l'exception des activités de crédit-bail mobilier, de location d'immeubles à usage d'habitation, ou agricole. L'exonération ne s'applique pas aux créations d'activités dans les bassins d'emploi à redynamiser consécutives au transfert d'une activité précédemment exercée par un contribuable ayant bénéficié, au titre d'une ou plusieurs des cinq années précédant celle du transfert, de certains autres mécanismes d'exonération585(*).

Initialement, le projet de loi de finances pour 2024 envisageait de fondre les BER dans le nouveau dispositif des FRR. Une « fusion ZRR-Zorcomir-BER » constituait en effet le schéma initial de la réforme lors du dépôt du PLF pour 2024. Les débats parlementaires ont progressivement conduit à retarder la disparition des BER au 1er janvier 2025, laquelle demeure, sauf changement du droit, toujours prévue à ce stade.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : METTRE UN TERME EFFECTIF AUX ZRR, ÉLARGIR L'ACCÈS DES COMMUNES AUX FRR ET PROROGER DE NOUVEAU L'EXISTENCE DES BER

A. SUPPRIMER EFFECTIVEMENT LES « ZRR »

Cette prorogation n'a pas été renouvelée par la loi de finances pour 2024. Pourtant, le Gouvernement Attal a postérieurement, par arrêté, maintenu le classement de ces communes en ZRR, alors même que le législateur avait supprimé, sur initiative gouvernementale, la base légale de ce dispositif et lui en avait substitué un autre. La loi s'imposant au pouvoir réglementaire, les entreprises installées en ZRR continueront à bénéficier des effets de ce dispositif jusqu'à épuisement des droits attachés mais les ZRR ont disparu pour les installations d'entreprises postérieures au 1er juillet 2024.

Toutefois, l'arrêté pris créée une véritable confusion sur le régime fiscal applicable aux créations ou reprises d'entreprises dans les communes concernées.

Le premier alinéa du III de l'article 27 du projet de loi de finances pour 2025 vise donc à intégrer de droit, sans qu'elles aient à remplir de critères spécifiques, les 2 168 communes censées sortir du dispositif des ZRR dans l'état actuel du droit dans le nouveau dispositif FRR à compter du 1er janvier 2025 pour écarter le risque d'une annulation par le juge administratif de l'arrêté précité en cas de contentieux. Sur le fond, l'adoption du dispositif prévu au III permettrait, dans le prolongement des apports sénatoriaux lors de l'examen de la loi de finances pour 2024, d'élargir de nouveau l'accès des communes au dispositif FRR et de clore en grande partie le débat sur les insuffisances de la réforme initiée par le Gouvernement Borne.

Concrètement, toutes les communes qui étaient classées en ZRR au 30 juin 2024, ou qui bénéficiaient du classement ZRR (car de nombreuses communes ne remplissaient déjà plus les critères depuis une réforme entrée en vigueur en 20217 mais étaient pourtant maintenues dans le dispositif ZRR par le législateur) et qui ne remplissaient pas les critères pour être classées FRR au 1er juillet dernier, seront éligibles de droit au classement en zone FRR à compter du 1er janvier 2025.

Le III de l'article 27 anticipe par ailleurs la situation particulière des fusions de communes : lorsqu'une commune, classée en ZRR avant le 1er juillet 2024, a fusionné, depuis, avec une ou plusieurs autres communes, son territoire aura vocation à bénéficier du nouveau classement de droit en FRR, et la commune nouvelle ainsi créée pourra donc être partiellement classée en FRR.

B. AJUSTER LE DISPOSITIF DES « FRR » ET DES « FRR + »

1. Tirer les conséquences de l'élargissement de l'accès aux FRR en conférant aux communes les délais nécessaires à la prise des délibérations afférentes

Comme pour les FRR, les dispositifs d'exonération d'impôts locaux attachés aux ZRR sont conditionnés par la prise d'une délibération en ce sens de l'assemblée délibérante de la commune concernée : autrement dit, une commune classée en zone ZRR peut faire le choix de ne pas exonérer les entreprises du paiement des impôts locaux concernés par le dispositif, tandis que les exonérations d'impôts nationaux s'appliquaient de droit pour les entreprises situées sur son territoire, sous réserve pour les entreprises concernées de remplir les critères prévus. En intégrant les communes anciennement classées en ZRR aux FRR, le dispositif rend nécessaire de rouvrir le délai de prise de délibération par les assemblées délibérantes concernées, afin de se prononcer sur l'effectivité de l'exonération des impositions locales.

Plusieurs impositions locales doivent faire l'objet d'une délibération de la commune pour que s'applique aux entreprises concernées une exonération. Les communes bénéficient de délais prolongés pour leur permettre de prendre de nouvelles délibérations (les délais étant les mêmes) en alignant tous les délais de prise de délibération au 28 février 2025 au plus tard (IV de l'article 27).

Dans les anciennes communes classées ZRR devenant FRR de droit, il s'agit de l'exonération de :

- taxe foncière sur les propriétés bâties, pendant une durée de quinze ans, pour les logements visés au 4° de l' article L. 831-1 du code de la construction et de l'habitation (article 1383 E du CGI) ;

- taxe foncière sur diverses catégories de logements touristiques ( article 1383 E bis du CGI) ;

- taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale, pour les meublés de tourisme et les chambres d'hôte ( article 1407 du CGI).

Par cohérence, dans les communes devenues FRR parce qu'elles remplissent les critères pour intégrer le dispositif FRR, les délais de prise des délibérations sont alignés au 28 février 2025 au plus tard, pour l'exonération de :

- taxe foncière sur les propriétés bâties ( article 1383 K du CGI) ;

- contribution foncière des entreprises ( article 1466 G du CGI) ;

- contribution foncière des entreprises versées par les médecins et les auxiliaires médicaux dans l'année qui suit leur installation ( 1° et 2° de l'article 1464 D du CGI).

Enfin, le V de l'article 27 confère aux bénéficiaires potentiels de ces exonérations un délai supplémentaire de transmission à l'administration fiscale des informations dont elle a besoin pour établir la matérialité du droit à l'exonération (lieu de situation et caractéristiques du bien immeuble selon un modèle préétabli par l'administration). Le droit commun prévoit une transmission de ces données avant le 1er janvier de l'année d'établissement de l'exonération. Par cohérence avec le report de la date limite de prise de la délibération communale au 28 février 2025, les entreprises concernées auront jusqu'au 5 mai 2025 pour transmettre ces informations à l'administration fiscale, et ce faisant la demande d'exonération, au titre de l'année 2025. À défaut, l'exonération ne pourra pas être accordée.

2. Réserver l'accès au dispositif « FRR plus » aux seules communes rurales mais dans le cadre d'un maillage élargi

Le dispositif proposé (d du 2° du I de l'article 27) cherche, en outre, à préciser les critères de classement au niveau « plus » du dispositif FRR.

Deux points du droit en vigueur sont modifiés par le texte proposé. En premier lieu, seules les communes rurales au sens de l'Insee586(*) seraient potentiellement concernées par le niveau « plus » du dispositif. En effet, toutes les communes situées en zone « France ruralités revitalisation » ne sont pas des communes « rurales » et le vivier de « FRR plus » comprend donc des communes non rurales. L'accès au niveau « plus » serait donc, en cas d'adoption du dispositif proposé, davantage filtré, en étant ouvert, parmi les communes déjà classées FRR, aux seules communes rurales.

En revanche, parmi ce vivier de communes plus restreint, le dispositif diversifie les critères de classification en niveau « FRR plus » en prévoyant désormais un maillage qui pourra se faire au niveau du bassin de vie et non plus seulement au niveau intercommunal. Le reste du dispositif d'accès aux FRR plus (le premier quart des communes classées selon un indice synthétique) demeurerait inchangé.

Les communes classées « FRR plus » auront 90 jours pour prendre, le cas échéant, les délibérations exonérant les entreprises de taxe foncière sur les propriétés bâties, à compter de la publication de l'arrêté fixant la liste des communes classées en zone France ruralités revitalisation « plus » (C du VI de l'article 27).

C. PROROGER LES « BER », QUI N'ONT DONC PLUS VOCATION À FUSIONNER AVEC LES « FRR »

Le 1° du I de l'article 27 proroge l'existence des BER de trois ans, soit jusqu'au 31 décembre 2027 en modifiant en ce sens l'article 44 duodecies du code général des impôts.

Par coordination, les dispositifs d'exonération d'impositions locales afférentes, qui s'appliquent aux entreprises concernées, sauf délibération contraire de la commune ou de l'EPCIFP, sont eux-mêmes prorogés de trois ans :

- l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (toujours pour une durée de cinq ans) concernerait désormais les immeubles dont le rattachement à l'établissement remplissant les conditions pour être exonéré interviendrait jusqu'au 31 décembre 2027 (le 1° du I de l'article 27 modifie l'article 1383 H du code général des impôts en ce sens) ;

- il en est de même pour l'exonération de contribution foncière des entreprises rendue possible pour une installation ou reprise d'entreprise intervenant désormais jusqu'au 31 décembre 2027 (le 3° du I de l'article 27 vise à modifier en conséquence le premier alinéa du I quinquies A de l'article 1466 A du CGI).

Cartographie des FRR, FRR » plus » et BER au 1er janvier 2025

Source : Commission des finances du Sénat

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ADOPTER LE DISPOSITIF LÉGÈREMENT AJUSTÉ TOUT EN REGRETTANT QU'IL AIT FALLU DÉPLOYER UNE TELLE ÉNERGIE POUR SE RAPPROCHER, AU FINAL, DE LA SITUATION ANTÉRIEURE

L'objectif initial du projet de loi de finances pour 2024 était d'entamer un travail de simplification des zonages fiscaux par une meilleure superposition des zones sur le plan géographique et un rapprochement des régimes associés lorsque c'est possible.

Au final, à l'issue de la réforme, force est de constater que l'objectif de simplification n'est pas atteint :

- il existe cinq situations potentielles d'accès au classement en zones « FRR » ;

- il existe un niveau « FRR socle » et un niveau « FRR plus » qui ne sont que très marginalement distincts ;

- coexistent sur les mêmes territoires, d'une part, les nouvelles zones FRR et, d'autre part, des ZRR qui produisent toujours leurs effets antérieurs jusqu'à achèvement, mais sans que les deux mécanismes ne se voient adosser les mêmes effets, ce qui ne facilite pas la lisibilité des règles applicables tant pour les entreprises que pour les collectivités territoriales ;

- l'intégration des BER dans le dispositif FRR, prévue en début d'année prochaine est désormais remise en cause par le projet de loi de finances pour 2025 ;

- et enfin, les autres zonages ont été, pour la plupart, simplement prorogés sans entamer ce travail de clarification.

Le rapporteur général regrette que les deux précédents gouvernements, qui ont porté la création des FRR, ne soient donc pas parvenus, ne serait-ce qu'à initier la simplification et l'harmonisation des trop nombreux zonages fiscaux dont l'empilement perdure. Cette situation apparaît comme la quintessence d'une complexité administrative et normative dont la France a le secret.

En choisissant d'inscrire dans la loi une réforme non concertée, mal anticipée et non aboutie, le Gouvernement d'Elisabeth Borne a mis les territoires concernés devant le fait accompli et a conduit cette réforme dans l'impasse. En tentant ensuite de contourner par voie réglementaire un dispositif législatif qui souffre encore de lacunes, le Gouvernement de Gabriel Attal a ajouté l'insécurité juridique à l'insatisfaction politique.

La commission des finances appuie donc le dispositif porté par le présent article en ce qu'il réintègre, au final, toutes les communes qui étaient classées en ZRR au 30 juin 2024 dans le dispositif FRR.

L'essentiel réside dans les correctifs apportés aux modalités de classement en FRR, même si le rapporteur général regrette la débauche d'énergie qu'il aura fallu engager pour classer en FRR, peu ou prou, les mêmes communes que celles qui étaient auparavant classées en ZRR.

Avec le même objectif de correction des écueils de la réforme, la commission, à l'initiative du rapporteur général, a adopté un amendement I-8 (FINC.8) visant à élargir la faculté du préfet de région de procéder au rattrapage d'une commune. Le préfet de région pourrait ainsi, de manière très limitée, proposer le classement en FRR d'une commune, membre d'un EPCI qui remplit l'un des deux critères de classement en FRR, cela fin de régler les cas de distorsions fiscales territoriales que la nouvelle cartographie a pu générer.

De la même manière, la commission des finances entérine la prorogation des BER, la primauté aux communes effectivement rurales dans le classement en FRR « plus » ainsi que le renoncement à la fusion entre les BER et les FRR, les deux dispositifs n'étant d'ailleurs pas incompatibles.

Enfin, la commission a renouvelé la position qu'elle avait exprimé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024 en soulignant la nécessité d'évaluer les premiers effets de l'ensemble du dispositif tant du point de vue des collectivités territoriales que des entreprises. Cette évaluation est d'autant plus indispensable que le ministère a indiqué pour ce dispositif, comme il l'a fait pour d'autres mesures en PLF pour 2025, « ne pas disposer de chiffres à jour ». Le rapporteur général est ainsi particulièrement étonné qu'on puisse lui indiquer que « les exonérations associées au FRR ne seront visibles que l'année prochaine », alors même que la réforme est en place depuis plusieurs mois.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 28

Prorogation de l'expérimentation des clubs de jeux à Paris

Le présent article prévoit de proroger d'un an l'expérimentation des clubs de jeux à Paris.

Les clubs de jeux ont été mis en place de manière expérimentale pour remplacer les « cercles de jeux », interdits depuis 2018. En effet, les cercles de jeux, qui - en contrepartie d'un nombre plus restreint de jeux autorisés - étaient soumis à des régimes d'autorisation plus souples que les casinos, avaient conduit au développement d'activités illégales. Les clubs de jeux ont ainsi un statut qui permet un contrôle accru par la puissance publique, et qui les rapproche des casinos. Ils ont également une fiscalité associée.

L'expérimentation est limitée à la ville de Paris, et elle devait durer initialement trois ans. Elle a cependant été prorogée à deux reprises, en raison d'un retard dans la mise en place des clubs de jeux et de la crise sanitaire, et elle doit désormais s'achever le 31 décembre 2024.

À l'heure actuelle, le Gouvernement estime disposer de données fiscales fiables pour les années 2022 et 2023, mais il attend d'avoir celles de 2024 pour mener une évaluation complète du dispositif. En effet, en raison de la crise sanitaire, les recettes de 2021 sont inférieures à celles des années suivantes.

Une prorogation d'un an de l'expérimentation est donc justifiée, mais il sera impératif de mener une évaluation complète du dispositif l'année prochaine afin que les parlementaires puissent se prononcer en toute connaissance de cause sur sa généralisation.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : L'EXPÉRIMENTATION DES CLUBS DE JEUX DE PARIS A ÉTÉ MISE EN PLACE POUR REMPLACER LES CERCLES DE JEUX

A. LE STATUT DES CLUBS DE JEUX SE RAPPROCHE DE CELUI DES CASINOS

L'article 34 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain crée de manière expérimentale une nouvelle catégorie d'établissements de jeux à paris : les clubs de jeux, qui ont remplacé les cercles de jeux au 1er janvier 2018.

L'expérimentation, limitée à la ville de Paris et initialement conçue pour durer trois ans, a été prorogée à deux reprises : une première fois par l'article 219 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, pour une durée allant jusqu'au 31 décembre 2022, et une seconde fois par l'article 148 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, pour deux ans supplémentaires jusqu'au 31 décembre 2024. À la fin de cette année, l'expérimentation aura donc duré sept ans.

Les casinos et les cercles de jeux

Avant la création des « clubs de jeux » en 2018, les deux catégories d'établissements de jeux autorisés étaient les casinos et les cercles de jeux.

Les casinos

Les casinos doivent répondre aux conditions de l'article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure : ils doivent faire l'objet d'une autorisation administrative, qui fixe la durée de la concession et la nature des jeux d'argent et de hasard autorisés. Seuls certains types de communes peuvent avoir l'autorisation d'ouvrir un casino, dont :

- les communes classées stations balnéaires, thermales ou climatiques antérieurement au 3 mars 2009 ;

- les communes classées de tourisme sous certaines conditions ;

- les communes sur le territoire desquelles est implanté au 1er janvier 2023 le site d'une société de courses hippiques ;

- des communes, à raison d'une par département frontalier, où aucun casino n'est autorisé à la date de la demande d'une commune classée commune touristique, membre d'une intercommunalité à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants.

L'article D. 321-14 du code de la sécurité intérieure énumère les jeux qui peuvent être autorisés dans les casinos :

- les jeux dits de « contrepartie » - car les joueurs jouent contre le casino, qui incluent des jeux comme le black jack, la roulette, la bataille, le punto banco le sic bo ;

- les jeux dits « de cercle », où les joueurs jouent les uns contre les autres, et qui incluent, le bingo, le baccara ainsi qu'à certaines formes de poker ;

- les machines à sous.

Les cercles de jeux

Les cercles de jeux étaient constitués sous le statut dassociation relevant de la loi de 1901. Le premier cercle de jeux parisien - le Club anglais - a ouvert ses portes en 1917. Par dérogation au principe général de prohibition des jeux d'argent et de hasard établi par larticle L. 320-1 du code de la sécurité intérieure, les cercles de jeux étaient autorisés à mettre en place une offre de jeux de hasard. L'exploitation des cercles de jeux ne faisait pas non plus l'objet d'une concession de service public conclue avec la commune, comme c'est le cas pour les casinos.

Les articles 47 et 49 de la loi du 30 juin 1923 portant fixation du budget général de l'exercice 1923 ont consacré cette autorisation, sous réserve d'une autorisation du ministère de l'Intérieur et que leur chiffre d'affaires ne soit utilisé que pour le paiement des charges ou le salaire des employés.

Leur offre de jeux était plus restreinte que celle des casinos : elle se limitait aux jeux de commerce, dans lesquels le joueur défend sa propre chance, comme le bridge, et à certains jeux de hasard comme le baccara. Les machines à sous étaient interdites.

Source : commission des finances

Les cercles de jeux étaient le théâtre de plusieurs activités illégales, dont le banditisme, le détournement de fonds et la corruption, si bien qu'à la suite de multiples procédures judiciaires, il ne restait que deux cercles autorisés en 2017. En particulier, la pratique du « banquier », où un joueur assurait la contrepartie du jeu sur ses fonds propres, était utilisé pour du blanchiment d'argent.

Le choix a donc été de supprimer les cercles de jeux, pour les remplacer par des « clubs de jeux », dont le régime d'autorisation est renforcé. La nouvelle réglementation rapproche leur statut de celui des casinos, avec des établissements créés sous forme de sociétés commerciales plutôt que sous statut associatif. La contrepartie est désormais assurée par un commissaire aux comptes travaillant pour l'établissement, et non plus un joueur agissant comme « banquier ».

En outre, les dispositions du code monétaire et financier relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux leur sont désormais applicables dans les mêmes conditions que pour les casinos. Les machines à sous demeurent interdites dans les clubs de jeux.

B. LES CLUBS DE JEUX FONT L'OBJET D'UNE FISCALITÉ SPÉCIFIQUE

La mise en place de lexpérimentation des clubs de jeux a nécessité de réformer limpôt sur les cercles et maisons de jeu institué aux articles 1559 à 1566 du code général des impôts (CGI) et affecté aux communes.

Le barème progressif de ce prélèvement était constitué de trois tranches :

- 10% jusqu'à 30 490 euros ;

- 40% entre 30 491 € et 228 701 euros ;

- 70% au-dessus de 228 701 euros.

Le produit de cet impôt avait considérablement diminué entre 2012 et 2017, passant de 12,7 millions à 1,9 million d'euros, en raison de la fermeture de trois quarts des établissements sur la période.

L'article 34 de la loi n°2027-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 a instauré un prélèvement spécifique pour les clubs de jeux de Paris. Il n'était pas pertinent de leur appliquer directement la fiscalité des casinos, en raison des différences dans leurs activités : les machines à sous - interdites dans les clubs de jeux - représentent environ 90 % du produit brut des jeux des casinos.

Le prélèvement est assis sur le produit brut des jeux, diminué d'un abattement de 30 % effectué afin d'obtenir son produit net. Un barème progressif à 13 tranches est ensuite appliqué, qui va de 5 % sur la fraction inférieure ou égale à 100 000 euros à 70% pour la fraction supérieure à 11,5 millions euros.

Barème du prélèvement progressif appliqué aux clubs de jeux

(en millions d'euros)

Fraction du produit net des jeux

Taux du prélèvement

= 0,1

5 %

> 0,1 = 0,4

15 %

> 0,4 = 0,7

25 %

> 0,7 = 1,2

30 %

> 1,2 = 1,8

35 %

> 1,8 = 2,6

40 %

> 2,6 = 3,5

45 %

> 3,5 = 4,5

50 %

> 4,5 = 5,5

55 %

> 5,5 = 7,0

60 %

> 7,0 = 9,0

65 %

> 9,0 = 11,5

68,5 %

> 11,5

70 %

Source : commission des finances, d'après l'article 34 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017

Une fraction de 20 % du prélèvement est affectée à la Ville de Paris, dans la limite de 12 millions d'euros. Le produit perçu au-delà de ce plafond est versé dans le budget de l'État.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE PROROGATION D'UN AN DE L'EXPÉRIMENTATION DES CLUBS DE JEUX DE PARIS

Le I du présent article modifie le V de l'article 34 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain pour proroger d'un an l'expérimentation des clubs de Paris. L'expérimentation se poursuivrait donc jusqu'à la fin de l'année 2025.

Le II du présent article modifie 2 du II de l'article 34 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 pour proroger d'un an la fiscalité associée.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EXPÉRIMENTATION QUI DOIT ÊTRE POURSUIVIE, MAIS UNE ÉVALUATION QUI DOIT ÊTRE MENÉE EN URGENCE

L'expérimentation des clubs de jeux est justifiée dans son principe. En effet, le rapport remis en mai 2015 au ministre de l'Intérieur par M. Jean-Pierre Duport, préfet de région honoraire, concluait que la fermeture simple des cercles de jeux, sans offre légale de substitution, aurait conduit au développement de jeux clandestins. À la fin de l'année 2023, on compte désormais sept clubs de jeux à Paris titulaires dune autorisation ministérielle temporaire, employant un total de 900 personnes.

L'article 34 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain prévoit que le gouvernement présente au Parlement un rapport d'évaluation de l'expérimentation au plus tard huit mois avant la fin de celle-ci. Ce rapport n'a malheureusement pas été remis.

La première prolongation de l'expérimentation, décidée dans la loi de finances initiale pour 2020, était justifiée par le retard dans l'ouverture des clubs de jeux. Le Gouvernement avait ensuite justifié la seconde prorogation décidée dans la loi de finances pour 2022 par le fait que la crise sanitaire avait empêché de mener une évaluation complète du dispositif.

À présent, le Gouvernement estime qu'il dispose de données fiscales fiables pour les années 2022 et 2023, mais qu'il attend d'avoir celles de 2024 pour mener une évaluation complète de l'expérimentation. En effet, en raison de la crise sanitaire, les recettes de 2021 sont très largement inférieures à celles des années 2022 et 2023.

Recettes du prélèvement appliqué aux clubs de jeux

(en millions d'euros)

 

2021

2022

2023

Recettes totales

12,5

40,4

46,9

Fraction affectée à la ville de Paris

2,5

8,1

9,4

Source : commission des finances

Par conséquent, une prorogation d'un an de l'expérimentation est justifiée. Il sera toutefois impératif de mener une évaluation complète du dispositif avant l'examen du projet de loi de finances pour 2026, pour que les parlementaires puissent se prononcer en toute connaissance de cause sur la généralisation ou non de l'expérimentation.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.


* 2 v. Loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959 portant réforme du contentieux fiscal et divers aménagements.

* 3 Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 4 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

* 5 Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

* 6 Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 7 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 8 Pour rappel, le montant de l'impôt brut est obtenu en réalisant successivement les trois opérations suivantes : calcul du montant de chaque part de revenu en divisant le revenu net imposable par le nombre de parts ; calcul du montant de l'impôt pour chaque part en appliquant le barème de l'impôt au montant de chaque part de revenu ; calcul de l'impôt brut en multipliant le montant de l'impôt pour chaque part par le nombre de parts. Ce montant est arrondi à l'euro le plus proche.

* 9 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 10 Cf., pour une analyse détaillée de la réforme, Sénat, commission des finances, 21 novembre 2019, Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2020, n° 140 (2019-2020), tome II, fascicule 1, art. 2, au rapport de M. Albéric de Montgolfier.

* 11 Voir art. 3 de la loi n° 67-1114 du 21 décembre 1967 de finances pour 1968.

* 12 Cf. Sénat, commission des finances, 7 décembre 2011, Rapport sur le projet de loi de finances rectificatives pour 2011, n° 164 (2011-2012), tome I, art. 12, au rapport de Mme Nicole Bricq.

* 13 Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2025.

* 14 Voir supra.

* 15 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 16 Le rendement de l'impôt sur le revenu en 2024 était initialement surestimé puisqu'il était prévu à hauteur de 93,4 milliards d'euros par la loi de finances initiale pour 2024, soit 5,3 milliards d'euros de plus que l'estimation révisée.

* 17 Conseil des prélèvements obligatoires, Conforter l'égalité des citoyens devant l'imposition, Rapport particulier n° 2 « La progressivité de l'imposition des revenus des personnes physiques », octobre 2024.

* 18 Contribution sociale généralisée, contribution pour le remboursement de la dette sociale, prélèvement de solidarité, CAS.

* 19 « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

* 20 Conseil constitutionnel, n° 2005-530 DC, 29 décembre 2005, Loi de finances pour 2005.

* 21 Conseil constitutionnel, n° 2012-662 DC, 29 décembre 2012, Loi de finances pour 2013.

* 22 Bastien Lignereux, Précis de droit constitutionnel fiscal, LexisNexis, 2e édition, 2023.

* 23 Conseil d'État, avis n° 387402, 21 mars 2013.

* 24 Marc Pelletier, « le contrôle de constitutionnalité et l'évolution de la protection du contribuable », Titre VII, hors-série, juillet 2024.

* 25 Laurent Bach, Antoine Bozio, Arthur Guillouzouic, Clément Malgouyres, Institut des politiques publiques, « Quels impôts les milliardaires payent-ils ? », n° 92, juin 2023.

* 26 Bulletin officiel des finances publiques - Impôts (BOFIP), BOI-IR-CHR, 11 juillet 2017.

* 27 Conseil constitutionnel, n° 2014-435 QPC, 5 décembre 2014.

* 28 À titre d'exemples : l'attribution d'un logement HLM, l'octroi d'une exonération totale ou partielle de taxe d'habitation ou de taxe foncière, le droit d'ouvrir un livret d'épargne populaire (LEP), l'attribution d'une bourse de lycée ou étudiante, l'octroi de tarifs spécifiques pour les frais de cantine ou de crèche, l'octroi du chèque énergie ou l'éligibilité à l'aide juridictionnelle. Pour un inventaire exhaustif de l'usage du RFR pour apprécier les ressources des bénéficiaires des politiques sociales, voir : Conseil d'État, Les conditions de ressources dans les politiques sociales : plus de simplicité, plus de cohérence, Étude adoptée en assemblée générale le 8 juillet 2021.

* 29 Conseil des prélèvements obligatoires, Conforter l'égalité des citoyens devant l'imposition des revenus, octobre 2024, p. 98.

* 30 Conseil constitutionnel, n° 2016-538 QPC, 22 avril 2016, Époux M. D.

* 31 Soit la somme du RFR calculé dans les conditions de droit commun et des revenus de source étrangère qui seraient inclus dans le revenu fiscal de référence s'ils étaient de source française.

* 32 Soit l'année d'imposition et les deux années précédentes.

* 33 Selon les termes de la NOTA de l'article 223 sexies du CGI. À noter que le déficit est « constaté dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 3 du règlement (CE) n° 479/2009 du Conseil, du 25 mai 2009, relatif à l'application du protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au traité instituant la Communauté européenne ».

* 34 Article 13 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 35 Article 73 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

* 36 Par exemple, dans sa n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, Loi de finances pour 2013, le Conseil constitutionnel a estimé que « la volonté du législateur d'assurer en 2013 des recettes supplémentaires liées à la réforme des modalités d'imposition des revenus de capitaux mobiliers ne constitue pas un motif d'intérêt général suffisant pour mettre en cause rétroactivement une imposition à laquelle le législateur avait attribué un caractère libératoire et qui était déjà acquittée ».

* 37 Projet de loi de finances pour 2025, Évaluations préalables des articles du projet de loi.

* 38 Majoré à 15,8 % ou 16,8 % si ces revenus dépassent les seuils d'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Dans ce cas de figure, le prélèvement forfaitaire unique, en incluant les prélèvements sociaux à 17,2 % s'élève à 33 ou 34 %.

* 39 Conseil des prélèvements obligatoires, « Les prélèvements sur le capital des ménages », janvier 2018.

* 40 En comptant une imposition minimale de 20 % sur ces revenus et les prélèvements sociaux à hauteur de 17,2 %.

* 41 Projet de loi de finances pour 2025, Évaluations préalables des articles du projet de loi.

* 42 Les Échos, « Budget 2025 : les doutes grandissent sur le rendement des nouvelles taxes », Sébastien Dumoulin, 18 octobre 2024.

* 43 Rapport n° 1678 (XVIe législature) de la mission d'information relative à la fiscalité du patrimoine fait par Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, déposé le 27 septembre 2023.

* 44 Conseil des prélèvements obligatoires, Conforter l'égalité des citoyens devant l'imposition des revenus, Rapport particulier n° 2 « La progressivité de l'imposition des revenus des personnes physiques », mai 2024.

* 45 Conseil constitutionnel, n° 2019-812 QPC, 15 novembre 2019, M. Sébastien M. et autre, précisant une jurisprudence introduite dans sa décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

* 46 Lignereux, Bastien, Précis de droit constitutionnel fiscal, Lexis Nexis, mars 2020.

* 47 Conseil constitutionnel, n° 2013-682 DC, 19 décembre 2013, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

* 48 Au sens de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH).

* 49 Conseil d'État, n° 308996, 9 mai 2012.

* 50 C'est-à-dire les fournisseurs autres qu'Électricité de France (EDF), l'opérateur historique et autrefois en situation de monopole sur le marché de détail en France.

* 51 Prévue par l'article L. 336 2 du code de l'énergie.

* 52 Ce qui a représenté un coût estimé à environ 8 milliards d'euros pour EDF.

* 53 En encourageant les investissements des fournisseurs alternatifs dans des moyens de production d'électricité.

* 54 Sur les marchés dit « spot ».

* 55 Autorité de la concurrence, Rapport d'évaluation du 18 décembre 2015 sur le dispositif d'Arenh.

* 56 L'organisation des marchés de l'électricité, Cour des comptes, 2022.

* 57 Sénat, Rapport d'information n° 833 (2022-2023) fait au nom de la commission des affaires économiques sur les conditions d'utilisation de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, juillet 2023.

* 58 L'article 181 de la loi n° 2022 1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 avait notamment créé une nouvelle procédure de saisine en urgence du CoRDiS pour examiner des demandes d'interruption de livraison d'Arenh qui lui auraient été soumises par la CRE.

* 59 54,4 milliards d'euros au 31 décembre 2023.

* 60 Éclairer l'avenir : l'électricité aux horizons 2035 et 2050, rapport n° 714 (2023-2024) fait au nom de la commission d'enquête sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050, Franck MONTAUGE (président) et Vincent DELAHAYE (rapporteur), juillet 2024.

* 61 Baptisés « contrats collectifs d'allocation nucléaire » (CCAN).

* 62 Ces derniers seraient déterminés par de nouvelles dispositions du code de l'énergie qui sont également prévues par le présent article (voir infra).

* 63 Déterminés dans les conditions prévues aux articles L. 322-73 à L. 322-76 (voir infra).

* 64 Ce facteur forfaitaire est déterminé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de l'énergie.

* 65 Prévus aux articles L. 322-74 et L. 322-75 (voir infra).

* 66 Coût complets mentionnés à l'article L. 336-3 du code de l'énergie (voir infra).

* 67 Mentionnés à l'article L. 336-3 du code de l'énergie (voir infra).

* 68 Mentionnés à l'article L. 336-4 du code de l'énergie (voir infra).

* 69 Prévus à l'article L. 336-5 du code de l'énergie (voir infra).

* 70 Prévue à l'article L. 336-12 du code de l'énergie (voir infra).

* 71 Dans les conditions prévues par l'article L. 336-14 du code de l'énergie (voir infra).

* 72 Prévue à l'article L. 337-3 décrit infra.

* 73 Prévues à l'article L. 337-3-1 décrit infra.

* 74 Voir infra la présentation de ce « versement nucléaire universel ».

* 75 Voir infra la description de l'article L. 337-3-1 du code de l'énergie.

* 76 À travers la « taxe sur l'utilisation de combustible nucléaire pour la production d'électricité » dont la création est prévue au sein du code des impositions sur les biens et services par le I du présent article.

* 77 À travers un « versement nucléaire universel » décrit infra.

* 78 Voir supra la présentation du nouvel article L. 336-3.

* 79 L'article L. 337-3-4 prévoit à ce titre un dispositif de sanctions en cas de manquements aux dispositions de la sous-section.

* 80 Et des prévisions qu'elle aura réalisée en vertu des nouvelles missions qui lui auront été confiées (voir supra).

* 81 Pour une livraison douze mois plus tard en 2024.

* 82 Sénat, Rapport d'information n° 779 (2022-2023), L'usine à gaz des aides énergies, juin 2023.

* 83 Cour des comptes, Les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l'énergie, mars 2024.

* 84 Pour « European pressurized reactor ».

* 85 Proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie adoptée par le Sénat le 16 octobre 2024.

* 86 Ces prix pouvant être identiques ou différents dans l'hypothèse d'un corridor de prix.

* 87 Décret n° 2000-361 du 26 avril 2000 relatif à la taxe et aux taxes additionnelles auxquelles sont assujetties les installations nucléaires de base en application de l'article 43 de la loi de finances pour 2000.

* 88 Article 5-1 du décret n° 2000-361 du 26 avril 2000 relatif à la taxe et aux taxes additionnelles auxquelles sont assujetties les installations nucléaires de base en application de l'article 43 de la loi de finances pour 2000.

* 89 Arrêté du 24 décembre 2020 fixant les valeurs des coefficients multiplicateurs mentionnés au 3 de l'article 58 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

* 90 VI de l'article 43 de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000.

* 91 Le périmètre est déterminé par les conseils généraux des départements de l'Aube et de la Haute-Marne.

* 92 Arrêté n° DEVP1427082A.

* 93 Loi n° 2024-450 du 21 mai 2024 relative à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.

* 94 Pour « effacement jour de pointe ».

* 95 Paul Lewis Joskow, économiste américain, « Capacity payments in imperfect electricity markets : Need and design », MIT, 2007.

* 96 Groupe de travail sur la maîtrise de la pointe électrique « Rapport Poignant - Sido », avril 2010.

* 97 Par la décision (UE) 2017/503 de la Commission européenne du 8 novembre 2016 concernant le régime d'aides SA.39621 2015/C.

* 98 L'organisation des marchés de l'électricité, Cour des comptes, 2022.

* 99 RTE, Retour d'expérience sur le mécanisme de capacité français, 2021.

* 100 Telles que les cycles combinés au gaz ou les turbines à combustion par exemple.

* 101 Le mécanisme actuel vise à prioriser les effacements de consommation aux capacités de production. Ainsi, l'article L. 335-2 du code de l'énergie dispose-t-il « qu'à coût égal, il donne la priorité aux capacités d'effacement de consommation sur les capacités de production ».

* 102 Quatre ans avant l'année de livraison pour les capacités de production et un an avant pour les capacités d'effacement.

* 103 Voir infra la description du 3° du I du présent article.

* 104 Dans sa rédaction qui résulte de l'article 5 du présent projet de loi de finances pour 2025.

* 105 Les créations de ce titre II et de ce chapitre II sont prévues par l'article 4 du présent projet de loi de finances pour 2025.

* 106 Notion définie à l'article L. 322-8 (voir infra).

* 107 Comme le prévoit l'article L. 322-8.

* 108 Notion définie à l'article L. 322-9 (voir infra).

* 109 L'article L. 322-7 précise par ailleurs que la notion de système électrique en elle-même doit s'entendre de celle qui prévaut pour l'application des dispositions de l'article L. 141-7 du code de l'énergie relatif à l'objectif de sécurité d'approvisionnement.

* 110 Dans les conditions précisées par l'article L. 322-15 (voir infra).

* 111 Les modalités de fonctionnement de ce mécanisme sont décrites infra dans les développements relatifs aux dispositions concernant le code de l'énergie.

* 112 Corrigée des aléas climatiques et des effacements.

* 113 L'article L. 322-17 prévoit à ce titre que les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité transmettent à RTE les données nécessaires pour déterminer ces quantités pour chaque redevable.

* 114 Qui fait l'objet d'acomptes (article L. 322-19).

* 115 Ce principe de certification des installations par RTE est affirmé par l'article L. 321-16 dont la création est prévue par le 10° du II du présent article et qui indique que « le gestionnaire du réseau public de transport certifie les capacités de production, de stockage et d'effacement de consommation qui sont raccordées au réseau public de transport de façon à permettre aux exploitants de ces capacités de conclure un engagement de disponibilité au titre du mécanisme de capacité ».

* 116 À l'article L. 335-3 du code de l'énergie.

* 117 Au sens du code de l'énergie, cette responsabilité correspond au rôle de « titulaire du périmètre de certification ».

* 118 Le même article souligne que « le montant de la pénalité financière est déterminé de manière à assurer, à moyen terme, une incitation économique à la satisfaction des engagements formulés par les exploitants ».

* 119 En vertu des dispositions de l'article L. 321-17 du code de l'énergie.

* 120 En complétant l'article L. 134-19 du code de l'énergie.

* 121 En modifiant l'article L. 134-25 du code de l'énergie.

* 122 À travers laquelle la CRE procède à une mise en demeure qui, si l'intéressé ne se met pas en conformité dans le délai fixé, peut être suivie de sanctions prononcées par le CoRDiS.

* 123 En application de l'article 23 du règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l'électricité.

* 124 Dans les dispositions de l'article L. 335-2 du code de l'énergie.

* 125 La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV).

* 126 RTE dans son Bilan prévisionnel pour 2015, p. 12, définit cet arbitrage d'intérêt général entre « d'une part, les avantages que retirent les consommateurs du fait d'un moindre risque de rupture d'approvisionnement et, d'autre part, le coût supporté par la collectivité des moyens supplémentaires d'offre de production et d'effacement de consommation qu'il faut développer pour réduire ce risque ».

* 127 Décret n°2021-1781 du 23 décembre 2021.

* 128 Retour d'expérience sur le mécanisme de capacité français, RTE, août 2021.

* 129 Délibération n° 2021-192 du 23 septembre 2021 de la CRE portant communication sur le mécanisme de capacité.

* 130 Éclairer l'avenir : l'électricité aux horizons 2035 et 2050, rapport n° 714 (2023-2024) fait au nom de la commission d'enquête sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050, Vincent Delahaye, juillet 2024.

* 131Elle-même descendante de la contribution au service public de l'électricité (CSPE).

* 132 Au tableau C de son annexe 1.

* 133 À son article 5.

* 134 Il s'agit de la réduction chimique, l'électrolyse, les procédés métallurgiques, ainsi que pour les produits taxables en tant que combustible et consommés pour les besoins d'un processus déterminé, la génération d'une substance indispensable à la réalisation de ce processus et ne pouvant être générée qu'à partir de ces produits.

* 135 Cette notion est définie à l'article 17 de la directive 2003/96/CE et concerne les entreprises dont les achats d'énergie représentent au moins 3 % de la valeur de leur production ou dont les taxes énergétiques dépassent 0,5 % de leur valeur ajoutée.

* 136 En France, la consommation d'électricité annuelle de ce type d'entreprises représente en moyenne 25 TWh.

* 137 Correspondant à un niveau d'intensité énergétique d'au moins 13,5 %.

* 138 En France, la consommation d'électricité annuelle de ce type d'entreprises représente en moyenne 15 TWh.

* 139 Cette minoration a été mise en oeuvre à travers des dispositions prévues respectivement aux articles 29 et 64 des lois de finances initiales pour 2022 et 2023.

* 140 Arrêté du 25 janvier 2024 pris en application des I et II de l'article 92 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 141 En incluant les fractions relatives aux anciennes taxes communales et départementales.

* 142 En option de base.

* 143 Éclairer l'avenir : l'électricité aux horizons 2035 et 2050, rapport n° 714 (2023-2024) fait au nom de la commission d'enquête sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050, Franck Montauge (président) et Vincent Delahaye (rapporteur), juillet 2024.

* 144 Ces opérateurs sont au nombre de quatre : EDF Systèmes énergétiques insulaires (EDF SEI), Électricité de Mayotte (EDM), Eau et Électricité de Wallis et Futuna (EEWF) ainsi que l'Agence d'aménagement durable, d'urbanisme et d'énergie de la Corse.

* 145 À travers des versements effectués par douzièmes.

* 146 Évaluation réalisée par la CRE dans le cadre de sa délibération n° 2024-139 du 11 juillet 2024 relative à l'évaluation des charges de service public de l'énergie pour 2025 et à la réévaluation des charges de service public de l'énergie pour 2024.

* 147 La seconde étant l'interconnexion dite SARCO (pour Sardaigne-Corse).

* 148 Article L. 2424-31 du code de l'énergie.

* 149 C'est-à-dire des travaux de premier établissement, d'extension, de renforcement et de perfectionnement des ouvrages de distribution.

* 150 Si ces opérations permettent d'éviter des extensions ou des renforcements de réseaux.

* 151 Lorsque ces opérations permettent d'éviter des extensions ou des renforcements de réseaux.

* 152 La loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie prévoit que le préfet engage une procédure de création d'un syndicat de communes ou d'un syndicat mixte à l'échelle environnementale lorsque la maîtrise d'ouvrage n'est exercée ni par le département, ni par un groupement couvrant le territoire départemental, ni par un groupement de collectivités territoriales dont la population est au moins égale à un million d'habitants.

* 153 Article 16 de l'arrêté du 27 mars 2013 pris en application du décret n° 2013-46 du 14 janvier 2013 relatif aux aides pour l'électrification rurale. Ces minorations ne peuvent représenter plus de 25 % des droits à subvention des AODE concernées.

* 154 Arrêté du 5 juillet 2024 relatif au taux 2024 de la contribution due par les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité pour le financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale.

* 155 Outre-mer, le taux est celui appliqué aux communes rurales sauf pour les grosses communes de ces territoires listées par arrêté qui sont soumises au taux appliqué en zone urbaine : Abymes, Basse-Terre, Pointe-à-Pitre et Saint-Claude dans le département de la Guadeloupe ; Cayenne dans le département de la Guyane ; Fort-de-France, Schoelcher et Trinité dans le département de la Martinique ; Le Port, Saint-Denis et Saint-Pierre dans le département de La Réunion ; Mamoudzou dans le département de Mayotte.

* 156 25 juillet 2018, affaire C-103/17, Messer c/ France, point 43.

* 157 Tarif indiqué à la quatrième ligne du tableau qui figure au deuxième alinéa de l'article L. 312-79.

* 158 Correspondant au mélange d'hydrocarbures et, le cas échéant, de composés oxygénés organiques et d'éthanol, avec une teneur volumique maximale en éthanol d'au moins 10 %.

* 159 Cette affectation est réalisée selon des modalités de répartition prévues au IX de l'article 60 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 160 Article L. 312-40 du code des impositions des biens et services.

* 161 La décision d'exécution (UE) 2019/372 du 5 mars 2019 autorisant la France à appliquer un taux d'imposition réduit à l'essence sans plomb utilisée comme carburant et mise à la consommation dans les départements de Corse, conformément à l'article 19 de la directive 2003/96/CE.

* 162 Taux réduit également appliqué à la contribution tarifaire d'acheminement (CTA) pour le même niveau de puissance.

* 163 Taux normal également appliqué à l'accise sur l'électricité, à l'abonnement pour une puissance souscrite supérieure à 36 kVA et à la CTA pour le même niveau de puissance.

* 164 Taux normal également appliqué à la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN).

* 165 Voir Les Échos du 14 juin 2024.

* 166 Ainsi, à titre d'exemple, d'après des données transmises par le ministère de l'économie et des finances en 2022 à la commission des finances, le rendement total de la TVA sur les factures d'électricité des ménages (abonnement et fourniture) n'était « que » de 4,5 milliards d'euros en 2021 (contre une estimation d'environ 6 milliards d'euros pour la seule fourniture d'électricité si l'on suit les chiffres communiqués en juin 2024).

* 167 Directive UE/2022/542 du Conseil du 5 avril 2022 modifiant les directives 2006/112/CE et (UE) 2020/285 en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée.

* 168 Cette liste comporte 33 catégories de produits. Sur ces 33 catégories, les États membres sont autorisés à appliquer des taux réduits de TVA à 24 catégories de leur choix. La France applique actuellement des taux réduits de TVA à 21 catégories.

* 169 Point 22) de l'annexe III. Avant cela, les États membres souhaitant appliquer un taux réduit sur ces produits et services devaient consulter le comité de la TVA, un organisme composé de fonctionnaires rattaché à la Commission européenne.

* 170 Cour de justice de l'Union européenne, 20 avril 2023, C-282/22.

* 171 Incluant les taxes départementale et communale sur la consommation finale d'électricité, intégrées à l'accise en 2022 et 2023.

* 172 Ce tarif n'était pas indexé sur l'inflation.

* 173 En tenant compte des régularisations a posteriori.

* 174 Comme prévu par les dispositions de l'article L. 312-44 du code des impositions sur les biens et services.

* 175 En modifiant la référence faite au sein de l'article L. 121-6 aux dispositions de l'article L. 121-7 pour définir les charges de service public de l'énergie éligibles à une compensation intégrale par des crédits du budget de l'État.

* 176 L'affectation du produit de l'accise sur les énergies serait ainsi désormais en partie déterminé par « le dernier alinéa du 4 du a) de l'article L. 4331-2 du code général des collectivités territoriales et, pour la Corse, l'article L. 4425-28-1 du même code ».

* 177 Proposée par le a) du 3° du IV du présent article.

* 178 Plus précisément, pour les essences comme les gazoles, il s'agit des produits soumis au tarif normal de l'accise.

* 179 Projet de loi de finances pour 2025, Évaluations préalables des articles du projet de loi.

* 180 Notamment en cas de subventionnement croisé de l'installation de la borne de recharge ou d'offres construites pour permettre aux consommateurs d'accéder à un large réseau de bornes.

* 181 Cf. supra. Cette question fait également l'objet d'une analyse détaillée de la part de l'Inspection générale des finances dans l'annexe XIV de son rapport n° 2023-M-003-03, Adaptation de la fiscalité aux exigences de la transition écologique, mai 2023.

* 182 Conseil des prélèvements obligatoires, La taxe sur la valeur ajoutée (TVA), un impôt à recentrer sur son objectif de rendement pour les finances publiques, février 2023.

* 183 Inspection générale des finances, Adaptation de la fiscalité aux exigences de la transition écologique, rapport n° 2023-M-003-03, annexe XIV, mai 2023.

* 184 Projet de loi de finances pour 2025, Évaluations préalables des articles du projet de loi.

* 185 Pour une livraison douze mois plus tard en 2024.

* 186 Chauffage, eau chaude et cuisson.

* 187 Le cas échéant, pour éviter que les TRVe ne baissent en février avant d'augmenter en août et si la hausse du Turpe n'est pas anticipée au 1er février, en prévoyant une augmentation plus importante au 1er février 2025 qui serait ensuite minorée au 1er août 2025.

* 188 Chauffage, eau chaude et cuisson.

* 189 Op. cit.

* 190 Le cas échéant, pour éviter que les TRVe ne baissent en février avant d'augmenter en août et si la hausse du Turpe n'est pas anticipée au 1er février, en prévoyant une augmentation plus importante au 1er février 2025 qui serait ensuite minorée au 1er août 2025.

* 191 Prévue au ii) du a) du 12° du I du présent article.

* 192 Les précédents durcissements ont été opérés par l'article 54 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, par l'article 45 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, par l'article 51 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 et par l'article 91 de la loi n° 2018 1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 puis par l'article 55 de de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 193 Les véhicules concernés sont ceux des services déconcentrés de l'État chargés de la forêt et de l'Office national des forêts (ONF), des services des collectivités territoriales et de leurs groupements exerçant des missions de lutte contre les incendies, des associations syndicales chargées des travaux de défense contre les incendies et des comités communaux feux de forêt.

* 194 Condition ajoutée par l'article 97 de la LFI pour 2024.

* 195 Il était auparavant égal au produit d'un tarif unitaire fixé à 10 euros par kg par la fraction de la masse en ordre de marche qui excédait un seuil fixé à 1 800 kg.

* 196 Les véhicules concernés sont ceux des services déconcentrés de l'État chargés de la forêt et de l'Office national des forêts (ONF), des services des collectivités territoriales et de leurs groupements exerçant des missions de lutte contre les incendies, des associations syndicales chargées des travaux de défense contre les incendies et des comités communaux feux de forêt.

* 197 Abattement relevé de 100 kg par l'article 97 de la LFI pour 2024.

* 198 En vertu d'une disposition de l'article 97 de la LFI pour 2024.

* 199 Créé par l'article 99 de la LFI pour 2024.

* 200 Au 1er mars 2020, la norme WLTP de mesure des émissions de CO2 des voitures particulières neuves a succédé à la norme NEDC, en vigueur depuis 1973. La norme WLTP induit une rupture de séries dans les statistiques d'émissions : à titre d'exemple, avec la nouvelle norme, les émissions moyennes de CO2, des voitures neuves sur les mois de janvier et février 2020 sont estimées supérieures de 24 % environ à celles observées avec l'ancienne norme NEDC.

* 201 Bonus-malus automobile : la nécessaire évaluation, I4CE, septembre 2021.

* 202 Comme en dispose l'article 97 de la LFI pour 2024.

* 203 Voir pour plus de détail sur ces deux taxes le commentaire de l'article 8.

* 204 Dont les références sont détaillées à l'article L. 421-1 du code des impositions sur les biens et services.

* 205 Article R. 311-1 du code de la route.

* 206 C'est-à-dire, selon l'article R. 311-1 du code de la route, des véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises ayant un poids maximal inférieur ou égal à 3,5 tonnes.

* 207 Aux conditions prévues à l'article L. 421-2.

* 208 Les codes de carrosserie des véhicules font l'objet d'une normalisation et d'une harmonisation au niveau européen dans le cadre notamment du règlement (UE) n° 678/2011 de la Commission du 14 juillet 2011.

* 209 Soit, d'après le droit de l'Union européenne : « un camion dont le compartiment du conducteur et la zone de cargaison se trouvent dans une seule unité ».

* 210Prévue dans le nouveau paragraphe 2 bis « Décote d'un véhicule » (voir supra).

* 211 Cette date, auparavant fixée au 1er janvier 2024, résulte du VIII de l'article 71 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 212 Chaudières à condensation capable de produire simultanément de l'énergie thermique pour le chauffage et de l'électricité.

* 213 Règlement (UE) 2015/1189 de la Commission du 28 avril 2015 portant application de la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences d'écoconception applicables aux chaudières à combustible solide.

* 214 Décret n° 2022-8 du 5 janvier 2022 relatif au résultat minimal de performance environnementale concernant l'installation d'un équipement de chauffage ou de production d'eau chaude sanitaire dans un bâtiment.

* 215 Créé par l'ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l'habitation.

* 216 Le PCI désigne le pouvoir calorifique inférieur : cette valeur correspond au dégagement maximal théorique de chaleur pendant la combustion, hors chaleur de condensation de la vapeur d'eau produite pendant cette combustion.

* 217 En 2028, l'intégralité des logements collectifs devra respecter le seuil de 6,5 kgCO2eq/m²/an.

* 218 Gaz de pétrole liquéfié.

* 219 Dossier de concertation, Accélérer la décarbonation du secteur du bâtiment, juin 2023.

* 220 À l'exception des chaudières autonomes utilisant des combustibles fossiles sélectionnées en vue d'un investissement, avant 2025, conformément au règlement (UE) 2021/241, à l'article 7, paragraphe 1, point h) i), troisième tiret, du règlement (UE) 2021/1058 et à l'article 73 du règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil, c'est-à-dire au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience, du Fonds européen de développement régional, du Fonds de cohésion, du Fonds européen agricole de garantie ou du Fonds européen agricole pour le développement rural.

* 221 Avis de la Commission européenne sur la suppression progressive des incitations financières en faveur des chaudières autonomes alimentées par des combustibles fossiles prévue par la refonte de la directive relative à la performance énergétique des bâtiments, C/2024/6206, 18 octobre 2024.

* 222 Article L. 211-2 du code de l'énergie.

* 223 Du nom de l'économiste britannique Arthur Pigou (1877-1959).

* 224 Projet de loi de finances pour 2025, Évaluations préalables des articles du projet de loi.

* 225 Carbone 4, « Les chaudières gaz sont-elles compatibles avec la lutte contre le changement climatique ? », novembre 2019.

* 226 Ce calcul ne se limite pas aux émissions directes mais intègre le cycle de vie. A ce titre, le facteur d'émissions du gaz de réseau comprend les émissions liées à la combustion du gaz (CO2 directement émis dans l'atmosphère) ainsi que les émissions dites de « l'amont » (extraction du combustible, transport et distribution, etc.). Le facteur d'émissions de l'électricité pour l'usage du chauffage comprend les émissions liées à la production de l'électricité, à l'amont (extraction des combustibles, acheminement, etc.) et aux pertes de distribution.

* 227 Carbone 4, [MyCO2] Empreinte carbone française moyenne : mise à jour 2021, mai 2023.

* 228 Dossier de concertation, Accélérer la décarbonation du bâtiment, juin 2023.

* 229 Projet de loi de finances pour 2025, Évaluations préalables des articles du projet de loi.

* 230 Conseil des prélèvements obligatoires, La taxe sur la valeur ajoutée (TVA), un impôt à recentrer sur son objectif de rendement pour les finances publiques, février 2023.

* 231 Inspection générale des finances, Adaptation de la fiscalité aux exigences de la transition écologique - Annexe XIII, Incitations fiscales applicables aux travaux de rénovation des logements, mai 2023.

* 232 Dossier de concertation, Accélérer la décarbonation du bâtiment, juin 2023.

* 233 D'après le ministère de la transition énergétique cité par le Monde du 23 juin 2023.

* 234 Duncan Gibb, tribune publiée dans le Monde du 27 juillet 2023.

* 235 Art. 206 du code général des impôts. Sont notamment assujettis à l'impôt sur les sociétés (IS) les établissements publics locaux et nationaux et toute personne morale se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif.

* 236 Art. 3 du code général des impôts.

* 237 Art. 11 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 238 Art. 84 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 239 Art. 4 de la loi n° 2019-759 du 24 juillet 2019 portant création d'une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse du taux d'impôt sur les sociétés.

* 240 Art. 3 de la loi n° 2019-147 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 241 Sous réserve que le capital de ces sociétés soit entièrement libéré et détenu à hauteur d'au moins 75 % par des personnes physiques ou des sociétés dont le chiffre d'affaires n'excède pas 10 millions d'euros et dont le capital est libéré et détenue à hauteur d'au moins 75 % par des personnes physiques.

* 242 b du I de l'article 219 du code général des impôts.

* 243 L'exonération de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés pour les entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas 7 630 000 euros est subordonnée au fait que le capital de l'entreprise soit entièrement libéré et détenu à hauteur de 75 % au moins par des personnes physiques ou des sociétés répondant aux mêmes critères.

* 244 Nombre de redevables de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2022.

* 245 Projet de loi de finances pour 2025, Évaluations préalables, art. 11.

* 246 Art. 1er de la loi n° 74-644 du 16 juillet 1974 de finances rectificative pour 1974.

* 247 Art. 3 de la loi n° 76-978 du 29 octobre 1976 de finances rectificative pour 1976.

* 248 Art. 1 de la loi n° 95-885 du 4 août 1995 de finances rectificative pour 1995.

* 249 Art. 1erde la loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997 portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier.

* 250 Art. 30 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

* 251 Art. 1 de la loi n° 2017-1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

* 252 Les contributions exceptionnelles étaient dues sur les exercices clos entre le 31 décembre 2017 et le 30 décembre 2018.

* 253 Art. 1 de la loi n° 2017-1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificatives pour 2017.

* 254 Art. 6 de la loi 2012-958 du 16 août 2012 de finances pour 2012.

* 255 Conseil constitutionnel, 6 octobre 2017, n° 2017-660 QPC, Société de participations financière.

* 256 Audition du ministre de l'économie et des finances devant la commission des finances de l'Assemblée nationale le 2 novembre 2017.

* 257 Projet de loi de finances rectificative pour 2017, 8 novembre 2017, amendement n° 2 présenté par M. Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances.

* 258 Sénat, commission des finances, Rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2017, 8 novembre 2017, n° 76 (2017-2018), au rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, p. 15 et suivantes.

* 259 BOI-IS-AUT-10-10, 1re août 2018.

* 260 Art. 223 A et 223 A bis du code général des impôts. Le régime d'intégration fiscale a pour objet de permettre de mettre à la charge d'une seule société, la société mère, l'impôt sur les sociétés de l'ensemble des sociétés du groupe qui sont détenues à hauteur de 95 % au moins par la société mère.

* 261

* 262 Art. 1 de la loi n° 2017-1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

* 263 Par construction, le chiffre d'affaires des entreprises concernées excède de plus de 100 millions d'euros le premier seuil d'un milliard d'euros.

* 264 Réponse de la direction de la législation fiscale (DLF) au questionnaire du rapporteur général.

* 265 Art. 1668 du code général des impôts.

* 266 Art. 7 de l'ordonnance n° 2013-837 du 19 septembre 2013 relative à l'adaptation du code des douanes, du code général des impôts, du livre des procédures fiscales et d'autres dispositions législatives fiscales et douanières applicables à Mayotte.

* 267 Projet de loi de finances pour 2025, Évaluations préalables, art. 11.

* 268 En revanche, le résultat fiscal des autres activités des entreprises assujetties à ce régime est calculé selon les règles de droit commun de l'impôt sur les sociétés.

* 269 Ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

* 270 BOI-IS-BASE-60-40-30-30, IS - Base d'imposition - Dispositifs particuliers - Régime optionnel de taxation au tonnage des entreprises de transport maritime - Détermination du résultat imposable de la société ayant opté.

* 271 Institut Sapiens (avec le soutien institutionnel des Armateurs de France), « Le transport maritime français en très grand danger face aux débats économiques et budgétaires », note, octobre 2024.

* 272 Orientations communautaires sur les aides d'État au transport maritime (97/C 205/05).

* 273 Communication C(2004) 43 de la Commission, Orientations communautaires sur les aides d'État au transport maritime (2004/C 13/03).

* 274 L'Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, le Danemark, l'Espagne, l'Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Slovénie et la Suède.

* 275 Institut Sapiens (avec le soutien institutionnel des Armateurs de France), « Le transport maritime français en très grand danger face aux débats économiques et budgétaires », note, octobre 2024.

* 276 Institut Sapiens (avec le soutien institutionnel des Armateurs de France), « Le transport maritime français en très grand danger face aux débats économiques et budgétaires », note, octobre 2024.

* 277 Cette exclusion, prévue à l'article 3.3 du modèle de règles globales anti-érosion de la base d'imposition, a été transposé en droit français à l'article 223 VP bis du CGI.

* 278 Au sens des articles 223 A ou 223 A bis du CGI.

* 279 Mentionné au II de l'article 38 de l'annexe II du CGI dans sa version applicable au 31 décembre 2024.

* 280 Réponses de la DGAMPA au questionnaire du rapporteur général.

* 281 Réponses de la DLF au questionnaire du rapporteur général.

* 282 Articles du CGI relatifs aux groupes fiscalement intégrés.

* 283 Ces taux correspondent aux frais de base pour l'acheminement d'un conteneur de taille standard depuis un port A vers un port B.

* 284 Réponses de la DGAMPA au questionnaire du rapporteur général.

* 285 Réponses de la DGAMPA au questionnaire du rapporteur général.

* 286 Communiqué du groupe CMA CGM, Résultats financiers du troisième trimestre 2024, 8 novembre 2024.

* 287 En français, haute saison.

* 288 Earnings before interest, taxes, depreciation and amortization, ou, en français, bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement. Cette notion financière est proche de celle de résultat d'exploitation.

* 289 Projet de loi de finances pour 2025, Évaluations préalables des articles du projet de loi.

* 290 Réponses de la DGAMPA au questionnaire du rapporteur général.

* 291 Réponses de la DGAMPA au questionnaire du rapporteur général.

* 292 Même si les conséquences pour les entreprises sous-traitantes de CMA CGM ne doivent pas être sous-estimées.

* 293 Réponses de la DGAMPA au questionnaire du rapporteur général.

* 294 Asterès (sur mandat de CMA CGM), « L'empreinte socio-économique totale de CMA CGM en France : plus de 93 000 emplois et plus de 20 Mds€ d'activité dans les territoires », étude économique, août 2024. À noter que la part des salariés correspondant aux activités de transport maritime éligibles à la taxation au tonnage n'est pas précisée.

* 295 https://www.cmacgm-group.com/fr/groupe-et-vision/chiffres-clefs.

* 296 Asterès (sur mandat de CMA CGM), « L'empreinte socio-économique totale de CMA CGM en France : plus de 93 000 emplois et plus de 20 Mds€ d'activité dans les territoires », étude économique, août 2024.

* 297 Institut Sapiens (avec le soutien institutionnel des Armateurs de France), « Le transport maritime français en très grand danger face aux débats économiques et budgétaires », note, octobre 2024.

* 298 https://lemarin.ouest-france.fr/shipping/tribune-cluster-maritime-francais-nos-vies-une-histoire-de-conteneurs-cc11d948-394e-11ef-b4c0-3362ee646fd4.

* 299 Le Marin du 21 octobre 2024, « Avec la surenchère fiscale, CMA CGM pourrait quitter la France ».

* 300 Également actionnaire de CMA CGM depuis son entrée au capital du groupe en juin 2013 à hauteur de 6 %, participation ramenée aujourd'hui à 3 %.

* 301 Réponses de la direction de la législation fiscale au questionnaire du rapporteur général.

* 302 Article L. 64 A du livre des procédures fiscales (LPF). L'article 205 A du code général des impôts (CGI) prévoit une disposition spécifique concernant les montages en matière d'impôt sur les sociétés, lorsque ces montages ne sont pas mis en place « pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique ».

* 303 OCDE, juillet 2013, Plan d'action concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices.

* 304 OCDE, mai 2019, Programme de travail visant à élaborer une solution fondée sur un consensus pour relever les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l'économie.

* 305 Directive (UE) 2022/2523 du Conseil du 14 décembre 2022 visant à assurer un niveau minimum d'imposition mondial pour les groupes d'entreprises multinationales et de grande envergure dans l'Union.

* 306 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 307 Art. 223 VJ à 223 WZ du code général des impôts.

* 308 Pour un commentaire complet sur l'imposition minimale mondiale des groupes d'entreprises multinationales et des groupes nationaux, se rapporter à : Sénat, commission des finances, Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2024, 23 novembre 2023, n° 128 (2023-2024), tome II, fascicule 1, au rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur général, p. 212 et suivantes.

* 309 45° de l'article 223 VK du code général des impôts.

* 310 Le chiffre d'affaires retenu est celui figurant dans les états financiers consolidés de l'entité mère ultime.

* 311 Les « impôts couverts corrigés » sont calculés à partir des impôts exigibles et différés après prise en compte de certaines corrections.

* 312 Le « résultat qualifié » ou « résultat GloBE » est calculé après retraitements du résultat net comptable issu des états financiers établis aux fins de consolidation.

* 313 OCDE, 2023, Manuel pour la mise en oeuvre de l'impôt minimum (pilier deux), p. 10.

* 314 En application de la directive (UE) 2016/881 du Conseil du 25 mai 2016 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique obligatoire d'informations dans le domaine fiscal.

* 315 Country by Country Report.

* 316 Instructions administratives du 17 juillet 2023 sur le modèle de règles globales anti-érosion de la base d'imposition (GloBE) du Cadre inclusif OCDE/G20.

* 317 Instructions administratives du 17 juillet 2023 sur le modèle de règles globales anti-érosion de la base d'imposition (GloBE) du Cadre inclusif OCDE/G20.

* 318 Instructions administratives du 17 juillet 2023 sur le modèle de règles globales anti-érosion de la base d'imposition (GloBE) du Cadre inclusif OCDE/G20.

* 319 Instructions administratives du 18 décembre 2023 sur le modèle de règles globales anti-érosion de la base d'imposition (GloBE) du Cadre inclusif OCDE/G20.

* 320 Instructions administratives du 17 juillet 2023 sur le modèle de règles globales anti-érosion de la base d'imposition (GloBE) du Cadre inclusif OCDE/G20.

* 321 C'est-à-dire une entité dont les produits, charges, bénéfices et pertes sont traitées comme s'ils étaient réalisés par le détenteur proportionnellement à sa participation dans l'entité.

* 322 Instructions administratives du 20 décembre 2022 « Régimes de protection et allègement des sanctions » du Cadre inclusif OCDE/G20.

* 323 Instructions administratives du 17 juillet 2023 sur le modèle de règles globales anti-érosion de la base d'imposition (GloBE) du Cadre inclusif OCDE/G20.

* 324 Instructions administratives du 17 juillet 2023 sur le modèle de règles globales anti-érosion de la base d'imposition (GloBE) du Cadre inclusif OCDE/G20.

* 325 Instructions administratives du 17 juillet 2023 sur le modèle de règles globales anti-érosion de la base d'imposition (GloBE) du Cadre inclusif OCDE/G20.

* 326 Instructions administratives du 17 juillet 2023 sur le modèle de règles globales anti-érosion de la base d'imposition (GloBE) du Cadre inclusif OCDE/G20.

* 327 Instructions administratives du 17 juillet 2023 sur le modèle de règles globales anti-érosion de la base d'imposition (GloBE) du Cadre inclusif OCDE/G20.

* 328 Il s'agit des entités constitutives du groupe qui ne sont pas pris en compte dans les états financiers consolidés du fait de leur taille ou de leur intérêt négligeable.

* 329 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 330 Directive (UE) 2022/2523 du Conseil du 14 décembre 2022 visant à assurer un niveau minimum d'imposition mondial pour les groupes d'entreprises multinationales et de grande envergure dans l'Union.

* 331 Art. 33 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 332 Directive (UE) 2022/2523 du Conseil du 14 décembre 2022 visant à assurer un niveau minimum d'imposition mondial pour les groupes d'entreprises multinationales et de grande envergure dans l'Union, considérants 11 et 24.

* 333 Sénat, commission des finances, Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2024, 23 novembre 2023, n° 128 (2023-2024), tome II, fascicule 1, au rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur général, p. 212 et suivantes.

* 334 OCDE, 14 décembre 2021, Les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l'économie - Règles globales anti-érosion de la base d'imposition (Pilier deux) [règles GloBE], p. 68.

* 335 Sénat, commission des finances, Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2024, 23 novembre 2023, n° 128 (2023-2024), tome II, fascicule 1, au rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur général.

* 336 Projet de loi de finances pour 2024, Évaluations préalables, art. 4.

* 337 Cour des comptes, Les crypto-actifs : une régulation à renforcer, décembre 2023.

* 338 Règlement 2023/1114/UE du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs.

* 339 Directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE.

* 340 Directive 2014/107/UE du Conseil du 9 décembre 2014 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal.

* 341 Directive 2016/881/UE du Conseil du 25 mai 2016 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal.

* 342 Directive 2018/822/UE du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration.

* 343 Directive 2021/514/UE du Conseil du 22 mars 2021 modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal.

* 344 Directive 2023/2226/UE du Conseil du 17 octobre 2023 modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal.

* 345 CJUE, arrêt du 8 décembre 2022 - Orde van Vlaamse Balies e.a., affaire C-694/20.

* 346 Articles L.511-1 et suivants du CMF.

* 347 Les utilisateurs sont des personnes physiques ou bien des entités contrôlées par des personnes physiques. Dans le second cas, la déclaration concerne les personnes physiques qui contrôlent l'utilisateur.

* 348 Les territoires partenaires sont les États membres de l'UE, ou les États ou territoires ayant conclu un accord avec l'administration fiscale française ; soit qui est reconnu par un acte d'exécution de la Commission européenne comme produisant un effet équivalent aux territoires dans lesquels le droit européen s'applique ; soit qu'il a pour objet de mettre en oeuvre une norme internationale d'échange de renseignements sur les crypto-actifs considérée équivalente.

* 349 Article 15 du règlement 2016/679/UE du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 général sur la protection des données.

* 350 Décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l'économie numérique.

* 351 Données disponibles en ligne : 2021 Cryptocurrency Gains by Country : Ethereum Leads as Gains

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* 352 Article 15 du règlement 2016/679/UE du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 général sur la protection des données.

* 353 CJUE, arrêt du 8 décembre 2022 - Orde van Vlaamse Balies e.a., affaire C-694/20, considérant 107.

* 354 CJUE, arrêt du 8 décembre 2022 - Orde van Vlaamse Balies e.a., affaire C-694/20, considérant 116.

* 355 Art. 67 de la loi n° 82-1126 du 29 décembre 1982 de finances pour 1982.

* 356 Art. 69 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

* 357 Projet de loi de finances pour 2025, « Évaluation des voies et moyens », tome II (dépenses fiscales), p. 23.

* 358 Art. 49 septies F de l'annexe III du code général des impôts.

* 359 OCDE, octobre 2015, Manuel de Frascati. Lignes directrices pour le recueil et la communication des données sur la recherche et le développement expérimental (7e édition).

* 360 Art. 37 de la loi n°2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 361 Ce taux réduit s'appliquait toutefois à une assiette différente de celle issue de la réforme de 2019.

* 362 OCDE, 2015, Lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables en prenant en compte la transparence et la substance. Action 5 : Rapport final 2015, p. 10.

* 363 Les dépenses de R&D externalisées sont les dépenses réalisées par des entreprises sans lien de dépendance avec le contribuable.

* 364 Courrier du Premier ministre au chef de service de l'Inspection générale des finances en date du 9 novembre 2023.

* 365 Inspection générale des finances, avril 2024, Revue de dépenses : les aides aux entreprises.

* 366 Projet de loi de finances pour 2025, annexe générale, « Rapport sur les politiques nationales de recherche et de formations supérieures », p. 74.

* 367 Art. 130 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 pour 2020.

* 368 La CET est composée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE).

* 369 Article 2 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

* 370 Loi n° 75-678 du 29 juillet 1975 supprimant la patente et instituant une taxe professionnelle.

* 371 Ce taux était fixé à 3 % avant la réforme des impôts de production en loi de finances initiale pour 2021.

* 372 Article 1586 ter du CGI.

* 373 Article 1586 quinquies du CGI.

* 374 Article 1586 sexies du CGI.

* 375 Philippe Martin et Alain Trannoy, Les impôts sur (ou contre) la production, note n° 53 du Conseil d'analyse économique, juin 2019.

* 376 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 377 Pour plus de détails, le lecteur peut se reporter au rapport général n° 115 (2022-2023), tome II, fascicule 1, fait par le rapporteur général Jean-François HUSSON au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 17 novembre 2022 ( commentaire de l'article 5).

* 378 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 379 Il est renvoyé sur ce point à l'exposé général figurant au tome I du présent rapport.

* 380 Article 34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 381 Article 48 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

* 382 Décret n° 2018-535 du 28 juin 2018 codifiant les dispositions relatives à la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et aux commissions départementales des valeurs locatives des locaux professionnels.

* 383 Sur la composition et les modalités de désignation des membres de la CDVL des locaux professionnels, voir la section 1 du chapitre Ier bis C de la troisième partie du Livre premier de l'annexe 2 du CGI.

* 384 Article 103 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 385 Article 152 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 386 C'est-à-dire que les locaux industriels qui font l'objet de règles propres pour la fixation de leur valeur locative cadastrale ne sont logiquement pas pris en compte ici.

* 387 « Différence entre la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 et la valeur locative résultant du I ».

* 388 Il s'agit des décisions n° 474735 et n°474736 du 3 avril 2024.

* 389 Les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes doivent être présentées à l'administration fiscale au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle de la mise en recouvrement du rôle soit au 31 décembre 2024, pour les réclamations portant sur les impôts locaux dus au titre de 2023 et 2024 ( article R. 196-2 du livre des procédures fiscales).

* 390 Il s'agit de la date de présentation en Conseil des ministres du projet de loi de finances pour 2025.

* 391 Considérant n° 21 de la décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001 à propos de la loi de finances pour 2002.

* 392 1° et 2° du II du code de commerce.

* 393 3° du II de l'article L. 236-3 du code de commerce.

* 394 4° du II de l'article L. 236-3 du code de commerce.

* 395 Voir BOI-IS-FUS-10-20220413.

* 396 Le boni de fusion correspond à la différence entre le prix d'acquisition des titres de la société absorbée par l'absorbante et la valeur d'apport de ces titres.

* 397 Voir BOI-IS-FUS-10-20140630.

* 398 Article 210 C du CGI.

* 399 II de l'article 210-0 A du CGI.

* 400 III. De l'article 210-0 A du CGI.

* 401 a) et b) du 3. de l'article 210 A du CGI.

* 402 D'après le c) du 1. de l'article 145 du CGI « les titres de participation doivent avoir été conservés pendant un délai de deux ans lorsque les titres représentent au moins 5 % du capital de la société émettrice ou pendant un délai de cinq ans lorsque les titres représentent 2,5 % du capital et 5 % des droits de vote de la société émettrice ».

* 403 Et non de la société absorbante, qui aurait pour conséquence une perte pour celle-ci du bénéfice de l'exonération pendant ce délai de 2 ou 5 ans.

* 404 c) du 1. De l'article 145 du CGI

* 405 Directive (UE) 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières.

* 406 Articles L. 236-27 et L. 236-48 du code de commerce.

* 407 Est également considéré comme un revenu exceptionnel la différence entre le montant des indemnités perçues en cas d'abattage d'animaux sur ordre de l'administration ( article L. 221-2 du code rural et de la pêche maritime) et la valeur des animaux abattus.

* 408 L'institut de l'élevage estime que la France a perdu 481 000 vaches allaitantes et 356 000 vaches laitières depuis 2018. Cette tendance touche tous les États européens.

* 409 Cf. Annexe 8, tableau 2, du rapport 2024 de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales.

* 410 Toutefois le propriétaire ne peut pas faire reposer l'intégralité de ce montant sur l'exploitant. Par ailleurs, à défaut d'accord amiable entre le propriétaire et l'exploitant, ce dernier prend en charge 20 % du montant de l'impôt.

* 411 Fièvre aphteuse, influenza, maladies hémorragiques, brucelloses, etc.

* 412 Cf. Article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime.

* 413 La fraction reprise sera déterminée en calculant le ratio entre le montant de la provision et le nombre d'animaux inscrits en stocks à la clôture de l'exercice.

* 414 Mentionnés à l'article D. 343-3 du code rural et de la pêche maritime.

* 415 Définies à l'article D. 343-4 du code rural et de la pêche maritime.

* 416 Au sens de l'article 2 de l'annexe 1 du règlement (UE) n° 702/2014 de la Commission du 25 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides, dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales, compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

* 417 Par parallélisme, l'article 151 septies A du code général des impôts prévoit un dispositif d'exonération d'impôt sur le revenu sur les plus-values de cession réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale et agricole lorsque l'exploitant cédant a fait valoir ses droits à la retraite dans les deux ans suivant ou précédant la cession.

* 418 Conjoint, ascendant ou descendant, frère ou soeur.

* 419 Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

* 420 La condition d'exercice de l'activité pendant au moins cinq ans n'est pas requise pour les plus-values réalisées à la suite d'une expropriation ou de la perception d'indemnités d'assurance.

* 421 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 422 En application du V de l'article 238 quindecies du code général des impôts, cette exonération ne s'applique pas aux plus-values portant sur des biens immobiliers ou des droits ou parts d'une société à prépondérance immobilière.

* 423 Conclus dans les conditions prévues aux articles L. 416-1 à L. 416-6, L. 416-8 et L. 416-9 ainsi qu'aux articles L. 418-1 à L. 418-5 du code rural et de la pêche maritime.

* 424 Créés conformément à la loi n° 62-933 du 8 août 1962 et répondant aux diverses caractéristiques des articles L. 322-1 à L. 322-21 et L. 322-23 du code rural et de la pêche maritime.

* 425 Article 793 bis du code général des impôts.

* 426 Article 69 du code général des impôts.

* 427 Article L. 323-2 du code rural et de la pêche maritime.

* 428 À l'exception des associés dont l'âge excède, au premier jour de l'exercice, celui auquel leur est ouvert le droit à une pension de retraite.

* 429 Prévues à l'article D. 343-3 du code rural et de la pêche maritime. Il s'agit de la dotation jeunes agriculteurs et des prêts bonifiés à moyens termes.

* 430 Bulletin officiel des finances publiques - Impôts (Bofip), BOI-BA-BASE-30-10-30, 15 mai 2021.

* 431 Règlement (UE) 2023/2831 de la Commission du 13 décembre 2023 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis.

* 432 Règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l'aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant les règlements (UE) n° 1305/2013 et (UE) n° 1307/2013.

* 433 Cour des comptes, La politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, communication à la commission des finances du Sénat, avril 2023.

* 434 Conseil économique, social et environnemental, Entre transmettre et s'installer, l'avenir de l'agriculture, juin 2020.

* 435 31 % des chefs d'exploitation qui se sont installés en 2018 étaient âgés de plus de 40 ans.

* 436 Rapport d'information n° 521 (2022-2023), fait au nom de la commission des finances pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur la politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, par Patrice Joly et Vincent Segouin, déposé le 12 avril 2023.

* 437 Loi n° 66-923 du 14 décembre 1966 portant modification de diverses dispositions du code des douanes.

* 438 Soit 3,86 euros par hectolitre, ou encore 3,86 centimes d'euros par litre (voir l'encadré infra).

* 439 Dernier alinéa de l'article L. 312-35 du CIBS.

* 440 Deuxième ligne de la dernière colonne du tableau de l'article L. 312-35 du CIBS.

* 441 Avant la loi de finances pour 2024, le différentiel avec le GNR non agricole était de 14,96 €/MWh, le tarif appliqué à celui-ci s'élevant à 18,82 €/MWh.

* 442 Article 15 de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité.

* 443 Évaluation des voies et moyens, Annexe au projet de loi de finances pour 2025, Tome II - Dépenses fiscales.

* 444 Article 19 du projet de loi de finances pour 2019, texte n° 1255, déposé le 24 septembre 2018.

* 445 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 446 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 447 Loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

* 448 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 449 Décret n° 2024-599 du 26 juin 2024 relatif à l'autorisation préalable des établissements des distributeurs de gazole non routier consommé pour les besoins des travaux agricoles ou forestiers ; décret n° 2024-605 du 26 juin 2024 relatif au régime fiscal du gazole non routier.

* 450 Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA), Rapport Secten édition 2024, Émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques en France 1990-2023, juin 2024.

* 451 Équivalents CO2.

* 452 Projet de loi de finances pour 2025, Évaluations préalables des articles du projet de loi.

* 453 Projet de loi de finances pour 2025, Évaluations préalables des articles du projet de loi.

* 454 Réponses de la direction de la législation fiscale au questionnaire du rapporteur général.

* 455 CGAAER, Décarboner 100 % de l'énergie utilisée en agriculture à l'horizon 2050 : c'est possible !, rapport n° 21065, avril 2022.

* 456 Conformément à l'article 2 du décret n° 2008-1299 du 11 décembre 2008 créant la direction de la sécurité de l'aviation civile.

* 457 Article 62 du règlement (UE) 2018/1139 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2018 concernant des règles communes dans le domaine de l'aviation civile et instituant une Agence de l'Union européenne pour la sécurité aérienne.

* 458 Rapport remis le 1er juillet 2019 par Alexandre Gardette aux ministres des solidarité et de la santé et de l'action et des comptes publics.

* 459 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 460 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 461 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 462 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 463 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 464 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 465 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 466  Décret n° 2024-90 du 8 février 2024 précisant les modalités de déclaration et d'acquittement de la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance.

* 467 Ordonnance n° 2023-1210 du 20 décembre 2023 portant création du titre V du livre IV du code des impositions sur les biens et services et portant diverses autres mesures de recodification de mesures non fiscales.

* 468 Ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne.

* 469  Ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française.

* 470  Ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française.

* 471  Règlement (UE) 2023/2831 de la Commission du 13 décembre 2023 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis.

* 472  Règlement (UE) n° 1408/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l'agriculture.

* 473  Règlement (UE) n° 717/2014 de la Commission du 27 juin 2014 concernant l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture.

* 474  Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

* 475  Ordonnance n° 2023-1210 du 20 décembre 2023 portant création du titre V du livre IV du code des impositions sur les biens et services et portant diverses autres mesures de recodification de mesures non fiscales.

* 476  Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 477  Ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne.

* 478 Art. 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

* 479 Art. 7 du règlement (UE) 2023/2381 de la Commission du 13 décembre 2023 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis.

* 480 Art. 106 et 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

* 481 Il est toutefois à relever que l'exemption de notification n'exclut pas le contrôle a posteriori exercé par la Commission européenne.

* 482 3 de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

* 483 Règlement (UE) 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

* 484 Art. 11 du règlement (UE) 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

* 485 Régime cadre exempté d'aides à la recherche, au développement et à l'innovation n° SA.111723.

* 486 Règlement (UE) 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis.

* 487 Règlement (UE) 2023/2381 de la Commission du 13 décembre 2023 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis.

* 488 Règlement (UE) 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

* 489 Règlement (UE) 2023/1315 de la Commission du 23 juin 2023 modifiant plusieurs règlements.

* 490 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 491 Règlement (UE) 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis.

* 492 Règlement (UE) 2023/2381 de la Commission du 13 décembre 2023 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis.

* 493 Art. 244 quater B bis du code général des impôts.

* 494 Article 4 A du code général des impôts, alinéa 1er.

* 495 Article 4 A du code général des impôts, alinéa 2.

* 496 Article 13 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 497 Par ailleurs, les agents de l'État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France.

* 498 Définis à l'article 164 B du code général des impôts.

* 499 Article 197 B du CGI.

* 500 En vertu du principe de subsidiarité des conventions fiscales, le juge de l'impôt établit d'abord l'imposition en vertu de la loi fiscale nationale et examine ensuite si une convention fiscale fait obstacle à son application (Conseil d'État, 19 décembre 1975 n° 84774-91895 ; Conseil d'État, 17 mars 1993, Memmi, n° 85894 ; Conseil d'État, ass., 28 juin 2002, Société Schneider Electric, n° 232276).

* 501 OCDE, Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune, 21 novembre 2017.

* 502 Bulletin officiel des finances publiques (Bofip-Impôts), BOI-INT-DG-20-10-10, § 40, 12 septembre 2012, consulté le 11 octobre 2024.

* 503 Conseil d'État, 5 février 2024, Société Axa Group Opérations, n° 469771.

* 504 En l'espèce, la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales.

* 505 Conseil d'État, 5 février 2024, Société Axa Group Opérations, n° 469771, point 2.

* 506 Direction générale des finances publiques, communiqué de presse, 29 avril 2024.

* 507 Conseil d'État, du 26 décembre 1925, Dupont, n°88369.

* 508 La lecture des conclusions de la CMP a eu lieu le 5 novembre 2024 au Sénat et le 7 novembre à l'Assemblée nationale. Le texte est en cours de publication et sera accessible sur la page du dossier législatif.

* 509 Défini aux articles 29 à 31 du CGI pour les revenus fonciers dont relève la location nue, à l'article 38 du même code pour les BIC dont relève la location meublée.

* 510 Voir la présentation détaillée dans le tableau infra.

* 511 Propositions de réforme de la fiscalité locative, Annaïg Le Meur, mai 2024, paragraphe 2.7.3.

* 512 Loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982.

* 513 Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

* 514 Le régime des plus-values des particuliers est défini aux articles 150 U à 150 VH du CGI.

* 515 Le régime des plus-values professionnelles est défini aux articles 39 duodecies à 39 quindecies du CGI.

* 516 Article 50-0 du CGI.

* 517 II.-1 de l'article 39C du CGI.

* 518 Bulletin Officiel des Impôts, BOI-BIC-CHG-10.

* 519 En vertu du VII de l'article 151 septies du CGI.

* 520 Propositions de réforme de la fiscalité locative, Annaïg Le Meur, mai 2024, paragraphe 2.3.3.3.

* 521 Bulletin officiel des finances publiques (Bofip), BOI-RSA-ES-20-40-10, 23 juin 2023.

* 522 Dans sa rédaction en vigueur avant son abrogation par l'article 30 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 523 Soit les sociétés dont elle détient au moins 75 % du capital ou des droits de vote.

* 524 Lorsque les conditions précisées à l'article 163 bis G du CGI ne sont pas satisfaites, les gains nets réalisés sont considérés comme un complément de salaires et sont imposés selon les règles de droit commun applicables aux salaires et traitements.

* 525 En application du I de l'article 163 bis G du CGI, dans sa rédaction antérieure à l'article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 526 Ou de sa filiale.

* 527 Bulletin officiel des finances publiques (Bofip), BOI-RES-RSA-000127, 25 mai 2023.

* 528 Conseil d'État, 8/3 CHR, n° 476309, 5 février 2024.

* 529 Bulletin officiel des finances publiques (Bofip), BOI-RPPM-RCM-40-50-20-20, fin de publication au 16 mai 2024.

* 530 Ibid.

* 531bis de l'article 157 du CGI.

* 532 Aux termes du Bofip (BOI-RPPM-RCM-40-55, § 260).

* 533 Aux termes du Bofip, supprimé au 15 juin 2024 (BOI-RPPM-RCM-40-50-20-20, § 587).

* 534 Autorité des marchés financiers, 4 avril 2024 : « Bien comprendre les droits préférentiels de souscription ».

* 535 Conseil d'État, 8/3 CHR, n° 482922, 8 décembre 2023.

* 536 Ou de sa filiale.

* 537 Le taux de la CSG sur les revenus du patrimoine est de 9,2 %, comme pour la CSG sur les revenus d'activité ou de remplacement.

* 538 C'est-à-dire le taux de 12,8 %, l'application du barème progressif de l'impôt sur le revenu ou le taux majoré de 30 %.

* 539 Pour rappel, insérée par l'article 4 de la loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France.

* 540 Rapport n° 584 (2023-2024) fait au nom de la commission des finances par Albéric de MONTGOLFIER sur la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France, article 2 bis.

* 541 Autorité des marchés financiers, avril 2023 , Rapport du groupe de travail Plan d'épargne en actions (PEA).

* 542 Article L. 22-10-62 du code de commerce.

* 543 Article L. 22-10-64 du code de commerce.

* 544 Règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché.

* 545 Exposé des motifs du projet de loi.

* 546 Article 235 ter ZD du code général des impôts.

* 547 Cette plus-value est soumise au prélèvement forfaire unique (ou au barème de l'impôt sur le revenu si c'est l'option choisie) pour les personnes physiques et à l'impôt sur les sociétés pour les personnes morales (voir articles 150-0 A, 200 et 39 duodecies du code général des impôts).

* 548 Article 726 du code général des impôts.

* 549 Évaluation préalable du projet de loi de finances pour 2025.

* 550 Selon M. Pascal Quiry, professeur à HEC et co-auteur du Vernimmen, « grâce aux programmes de rachats d'actions de TotalEnergies, les actionnaires peuvent financer les augmentations de capital des producteurs d'énergies renouvelables Voltalia ou Neoen » (cité dans l'article du Monde du 22 avril 2024 « Les rachats d'actions par les entreprises, symbole ultime des dérives du capitalisme financier », Isabelle Chaperon).

* 551 Ces instruments permettent de répondre à la problématique du désalignement entre les intérêts du manager et de l'actionnaire, identifiée notamment par Berle et Means en 1932. Le régime fiscal des stock-options a été fortement assoupli à la fin des années 1990 sous l'impulsion du ministre de l'économie et des finances d'alors, Dominique Strauss-Kahn.

* 552 Trisan Auvray, Thomas Dallery et Sandra Rigot, L'entreprise liquidée. La finance contre l'investissement. Paris, Michalon, 2016, 320 pages.

* 553 Id.

* 554 Id.

* 555 « Les rachats d'actions ont toujours la cote en France », L'Agefi, 21 février 2024.

* 556 « Les rachats d'actions se sont envolés en France l'année dernière », les Echos du 23 mars 2023.

* 557 « Les rachats d'actions par les entreprises, symbole ultime des dérives du capitalisme financier », Le Monde, 22 avril 2024, Isabelle Chaperon.

* 558 D'après la lettre Vernimmen.

* 559 « Global share buybacks surge to a record $1.31 trillion almost equalling dividends », communiqué de presse d'avril 2023

* 560 Le code du commerce parle d'« options de souscription ou d'achat d'actions » (article L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce et article L. 22-10-56 pour les sociétés cotées).

* 561 L'opération correspondante est l'attribution d'action gratuite (AGA) prévue par les articles L. 225-197-1 à L. 225-197-5 (et L. 22-10-59 pour les sociétés cotées) du code de commerce

* 562 Articles L. 3332-18 à L. 3332-24 du code du travail.

* 563 Communiqué de presse de la Maison Blanche du 7 mars 2024 : « Fact sheet : President Biden is fighting to reduce the deficit, cut taxes for working families, and invest in America by making big corporations and the wealthy pay their fair share » (fiche d'information : le Président Biden combat pour réduire le déficit, couper les impôts pour les familles de travailleurs et investir dans l'Amérique en faisant payer les entreprises et les riches à leur juste part).

* 564 Directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents.

* 565 Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 566 CJUE, 1ère chambre, 17 mai 2017, affaire C-365-16, AFEP.

* 567 Décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017.

* 568 Ils concernent des quartiers d'au moins 1 000 habitants, ayant un revenu faible, situés dans des territoires urbains d'au moins 10 000 habitants.

* 569 Il s'agit de quartiers défavorisés, de plus de 8 500 habitants, dans lesquels on cherche à faciliter l'implantation d'entreprises ou le développement d'activités économiques.

* 570 Ensemble d'EPCI contigus denses, d'au moins un million d'habitants, sur le territoire desquels le taux de chômage est élevé.

* 571 Il s'agit d'un dispositif visant à aider les territoires frappés économiquement par les restructurations du ministère de la défense, puis du ministère des armées, ayant fait l'objet d'un contrat de redynamisation.

* 572 Ce dispositif concerne toutes les communes de France à l'exception des communes de ZAFR et des franciliennes qui ne sont pas dans une zone urbaine sensible (ZUS) ou une ZRR.

* 573 Pour les territoires de l'Union européenne présentant des retards de développement économique.

* 574 Issues de la fusion des zones de revitalisation rurale (ZRR) et des zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZoRCoMIR).

* 575 En année pleine, en superposant le coût des dispositifs antérieurs, soit le coût des ZRR, ayant vocation à s'éteindre progressivement, celui des Zorcomir et celui des FRR, on pourrait atteindre un total annuel d'environ 350 millions d'euros mais le ministère se refuse à proposer, à ce stade, une évaluation (cf. infra).

* 576 Article 73 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 577 Abstraction faite du cas très particulier des quatre îles bretonnes mono-communales, par définition non membre d'un EPCIFP, pour lesquelles le maillage demeure communal.

* 578 Ces départements ne comptant que des communes de moins de 30 000 habitants.

* 579 Au sens de l' article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne.

* 580 A ce stade, seules 20 communes de la Réunion sont concernées par ce classement partiel de leur territoire en FRR au regard de l' arrêté du 19 juin 2024 constatant le classement de communes en zone France ruralités revitalisation et aucune en Guyane.

* 581 La liste des 17 700 communes, classées par département, est consultable via l' arrêté du 19 juin 2024 constatant le classement de communes en zone France ruralités revitalisation.

* 582 Communes de moins de 30 000 habitants d'un même EPCIFP, si ce dernier compte une densité de population inférieure ou égale à la densité médiane nationale des EPCIFP de France métropolitaine et un revenu disponible médian par unité de consommation inférieur ou égal à la médiane des revenus médians par EPCIFP de France métropolitaine.

* 583 Arrêté du 19 juin 2024 modifiant l'arrêté du 16 mars 2017 constatant le classement de communes en zone de revitalisation rurale.

* 584 Au sens de l'article 34 et du 5° du I de l'article 35 du Code général des impôts, c'est-à-dire incluant les concessionnaires de mines, les amodiataires et sous-amodiataires de concessions minières, les titulaires de permis d'exploitation de mines et les explorateurs de mines de pétrole et de gaz combustibles.

* 585 Il s'agit des dispositifs d'exonération prévus aux articles 44 sexies, 44 septies, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, 44 octies, dans sa rédaction antérieure à la même loi, 44 octies A, 44 quindecies, 44 sexdecies et 44 septdecies du code général des impôts ou encore de la prime d'aménagement du territoire.

* 586 L'INSEE établit une grille de densité communale au sein de laquelle sont distinctes les communes densément peuplées, les communes de densité intermédiaire et les communes rurales. Parmi ces dernières, la grille distingue les « bourgs ruraux », le « rural à habitat dispersé » et le « rural à habitat très dispersé ».

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