B. UN BUDGET 2025 QUI NE REMET PAS EN CAUSE L'AUGMENTATION DES CRÉDITS ENGAGÉE EN 2024

1. Un budget 2025 stable par rapport à l'exécution 2024, qui vise en priorité à préserver les acquis de la hausse des crédits opérée en 2024

L'ambition affichée par le surcroît de crédits budgétaires ouvert en loi de finances initiale pour 2024 a été tempérée en cours d'exercice, en raison de la dégradation des finances publiques constatée dès février 2024.

Comparaison du volume de la mission entre le projet de loi de finances
pour 2025 et l'exercice 2024

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Note : les montants prennent en compte le transfert des dépenses de titre 2 du programme 209 de la mission APD vers la mission AEE.

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Seulement quelques semaines après l'adoption du budget 2024, le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits a ainsi annulé 174,01 millions d'euros de crédits, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Pour rappel, cette mesure de régulation budgétaire est intervenue alors que le Gouvernement avait émis un avis défavorable sur un amendement visant à réduire de 30 millions les crédits de la mission8(*) et présenté, au nom de la commission des finances, par le rapporteur spécial des crédits de la mission, Nathalie Goulet. Ces annulations se sont réparties entre :

- 134,48 millions d'euros d'annulations sur le programme 105 ;

- 11,49 millions d'euros d'annulations sur le programme 151 ;

- 28,04 millions d'euros d'annulations sur le programme 185.

Selon le MEAE, ces annulations ont été réparties uniformément sur l'ensemble des actions de la mission par une annulation des crédits mis en réserve.

Les annulations de février 2024 ont été prolongées, en juillet 2024, par un surgel à hauteur de 141 millions d'euros des crédits de paiement du MEAE9(*).

De même, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, déposé le 6 novembre 2024 à l'Assemblée nationale, prévoit d'annuler 58,76 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 58,74 millions d'euros de crédits de paiement pour la mission « Action extérieure de l'État ».

Aussi, si le montant des crédits de la mission AEE s'inscrit en baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, avec 3,5 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (- 4,10 %) comme en crédits de paiement (- 3,91 %), il apparaît stable par rapport à l'exécution anticipée de l'exercice 2024.

Évolution des crédits de la mission Action extérieure de l'État

(en millions d'euros - en pourcentage)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P105 - Action de la France en Europe et dans le monde

2 791,48

2 789,67

2 695,08

2 699,64

- 96,4

- 90,03

- 3,45 %

- 3,23 %

P185 - Diplomatie culturelle et d'influence

721,18

721,18

675,94

675,94

- 45,24

- 45,24

- 6,27 %

- 6,27 %

P151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

165,63

165,23

156,53

156,93

- 9,1

- 8,3

- 5,49 %

- 5,02 %

Total de la mission

3 678,28

3 676,08

3 527,54

3 532,51

- 150,74

- 143,57

- 4,10 %

- 3,91 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

2. Un budget pour 2025 se caractérisant par l'absence de mesures structurelles d'économies budgétaires

L'évolution des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » entre 2024 et 2025 ne traduit aucune mesure structurelle d'économie budgétaire opérée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

À l'inverse, la plupart des enveloppes budgétaires se trouvent stabilisées ou en légère baisse. Le budget de la mission comprend également des enveloppes budgétaires en nette hausse, parmi lesquelles les dépenses de titre 2, tirées par la progression du schéma d'emploi du ministère avec la création de 75 ETP.

Il est vrai qu'une partie des dépenses de la mission se trouve particulièrement contrainte et difficile à remettre en question. Il s'agit :

- sur le programme 105, des contributions internationales dont une immense majorité (91 % en 2023) présente un caractère obligatoire ;

- sur le programme 151, des aides à la scolarisation pour les familles françaises de l'étranger, qui représentent les deux tiers des crédits du programme ;

- sur le programme 185, des bourses du Gouvernement français et des dotations versées aux opérateurs, dont le pilotage est complexe.

Néanmoins, force est de constater que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères n'envisage aucune mesure d'économie structurelle sur les années à venir. Les seuls gisements possibles de réduction des dépenses mis en avant par le ministère reposent :

- d'une part, sur la réduction de la quote-part française dans les grandes organisations internationales, qui découle de la baisse du revenu national brut de la France et du dynamisme des économies émergentes. L'indicateur du RNB constitue l'une des principales variables des barèmes intervenant dans le calcul des contributions obligatoires aux entités multilatérales. La contraction tendancielle de la part française du RNB mondial devrait ainsi conduire à une baisse de contributions obligatoires portées par le programme 105 ;

- d'autre part, sur les grands programmes de modernisation de l'administration consulaire qui poursuivent, à terme, un objectif de rationalisation et de mutualisation des services consulaires. Pourtant, à l'heure actuelle, ces projets sont davantage source d'investissement financier que d'économies, comme indiqué infra.

Le MEAE bénéficie, de plus, de la réduction essentiellement conjoncturelle de certaines dépenses. Il en va ainsi de la réduction de 40 millions d'euros de la contribution du ministère à la Facilité européenne pour la paix (FEP), expliquée infra.

Des mesures de bonne gestion budgétaires, mais d'ordre essentiellement comptable, ont également permis de compenser la hausse d'autres enveloppes. Une estimation plus réaliste des capacités du ministère à mettre en oeuvre ses projets immobiliers a conduit à réduire de 10 millions d'euros les dépenses immobilières pour 2025. Bienvenue, cette mesure de sincérisation budgétaire présente un impact limité.

Ce refus de contribuer à l'effort de redressement des comptes publics a pu se constater dans les réponses aux questionnaires budgétaires des rapporteurs spéciaux. À titre d'exemple, à la question « Quelles lignes budgétaires ont été prioritairement préservées ? » pour la budgétisation 2025, la direction générale des affaires politique et de sécurité, responsable du programme 105 a répondu « Les contributions volontaires aux Organisations Internationales (...) [et] Les dépenses d'investissements dans notre outil diplomatique tels que l'informatique, la sécurité des agents à l'étranger et dans son agenda de transformation et ses ressources humaines ». Or ces lignes budgétaires constituent la majorité des dépenses du programme 105.

À cet égard, il est possible de citer la Cour des comptes qui indiquait dans sa dernière note d'exécution budgétaire que « les nouveaux moyens consacrés à certaines politiques portées par le ministère ne doivent pas exonérer le MEAE de maintenir un effort de maîtrise et d'optimisation de la dépense »10(*).

À noter que le Gouvernement a annoncé qu'il déposerait un amendement de baisse des crédits pour reporter sur la mission « Action extérieure de l'État », les mesures relatives aux indemnités journalières et aux jours de carence. D'un montant de 5,52 millions d'euros, ces économies se répartiraient entre :

- 4,3 millions d'euros en AE et en CP sur le programme 105, sur les dépenses de titre 2 de la mission ;

- 1,2 million d'euros en AE et en CP sur le programme 185 sur les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs de la mission.


* 8 Soit une modération à hauteur de 10 % de la hausse des crédits prévue par le projet de loi de finances pour 2024.

* 9 Comprenant le programme 209 de la mission APD.

* 10 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire - Mission Action extérieure de l'État, avril 2024.

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