B. L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER VOIT SES DOTATIONS BAISSER AU TITRE DU REDRESSEMENT DE NOS FINANCES PUBLIQUES

Créée par la loi du 6 juillet 199040(*), l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est un établissement public national à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Son objet est notamment d'assurer les missions de service public relatives à l'éducation pour les enfants de nationalité française, de contribuer au renforcement de la coopération en matière de systèmes éducatifs, de contribuer au rayonnement de la culture et de la langue française, d'aider les familles françaises à supporter les frais de scolarité et d'accorder des bourses scolaires41(*)

À la rentrée 2024, l'agence coordonnait un réseau de 600 établissements homologués, dont :

68 établissements en gestion directe (EGD), qui correspondent aux services déconcentrés de l'agence ;

168 établissements conventionnés, qui forment, avec les EGD le « réseau de l'AEFE » au sens strict ;

374 établissements partenaires, qui délivrent un programme scolaire français homologués par le ministère de l'éducation nationale mais sont autofinancés, disposent d'une autonomie de gestion et assurent eux-mêmes leurs recrutements.

Sur l'année scolaire 2023-2024, l'AEFE et son réseau scolarisaient 392 142 élèves, avec un objectif de 400 000 élèves à la rentrée 2024. Les effectifs, en dépit des crises régionales successives, sont dynamiques depuis 2018.

Au titre de la mission « Action extérieure de l'État », l'AEFE est financée à la fois sur le programme 151, au titre de l'enveloppe des bourses scolaires dont elle assure la gestion, et sur le programme 185, au titre d'une subvention pour charges de service public. L'agence ne reçoit aucune subvention pour charge d'investissement. Ses dépenses les plus conséquentes, notamment l'immobilier, reposent par conséquent sur ses ressources propres. Les financements en provenance de la mission AEE représentent environ la moitié du budget de l'agence, le reste reposant sur ses ressources propres.

Montant de la dotation du MEAE au bénéfice de l'AEFE

(en millions d'euros et en pourcentage)

 

LFI 2024

PLF 2025

Variation 2024/2025

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P185

454,93

454,93

444,78

444,78

- 2,23 %

- 2,23 %

P151

0

0

113,50

113,50

-

-

Total

454,93

454,93

558,28

558,28

+ 22,72 %

+ 22,72 %

Note n° 1 : les subventions du programme 185 comprennent, outre la subvention pour charges de service public, la dotation de soutien au dispositif des Bourses Excellence Major (BEM) pour 3,70 millions d'euros et la subvention au lycée franco-australien de Canberra pour 500 000 euros.

Note n° 2 : les transferts en provenance du programme 151 correspondent au financement des bourses attribuées aux élèves français scolarisés dans les établissements homologués par l'AEFE.

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

1. Le financement accordé à l'AEFE sur le programme 185 fait l'objet, comme pour l'ensemble des opérateurs, d'une mise à contribution significative

Les crédits du programme 185 comprennent la subvention pour charges de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), opérateur du programme consacré à l'enseignement francophone dans le monde. Pour 2025, la SCSP versée à l'AEFE devrait s'élever à 440,8 millions d'euros, en baisse de 14,1 millions d'euros par rapport à l'exercice précédent. Pour autant, cette dotation avait sensiblement augmenté depuis 2021.

Pour justifier cette réduction de la SCSP, la direction générale de la mondialisation, qui assure la gestion du programme 185, avance deux facteurs principaux :

- d'une part, l'agence a perçu en 2024 une subvention de 10 millions d'euros attribuée pour l'équipement en panneaux photovoltaïques des établissements libanais, non exécutée en raison du conflit en cours.

- d'autre part, une partie de la baisse de la subvention est compensée par un coût inférieur à la prévision initiale de la réforme du statut des personnels détachés de l'AEFE.

Pour rappel, suite à une décision de la cour administrative d'appel de Nantes en mai 202242(*), le régime juridique encadrant la situation des personnels résidents de l'AEFE, et la partie réglementaire du code de l'éducation ont dû faire l'objet d'une modification en juin 202243(*). L'AEFE a dû renoncer à une pratique qui consistait à recruter des enseignants sous un statut de droit local de façon à les faire passer ensuite sur un statut de résident, moins favorable que celui de personnel détaché.

À la suite d'une décision interministérielle de juin 2022, l'État a pris à sa charge 50 % du surcoût lié à la réforme, les 50 % restants devant être internalisés dans le budget de l'agence. En loi de finances initiale pour 2024, ce sont 15 millions d'euros qui ont été rebasés dans la SCSP de l'AEFE à cet effet (7 millions d'euros en 2023 et 8 millions d'euros supplémentaires en 2024). Afin de demeurer à hauteur de 50 % du surcoût pris en charge par l'État, la SCSP de l'AEFE est diminuée de 6,2 millions d'euros au titre de cette réforme.

Évolution de la subvention pour charges de service public de l'AEFE

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

La SCSP versée sur le programme 185 permet notamment à l'AEFE d'assurer le financement de sa masse salariale. Le schéma d'emploi de l'agence s'élève en effet à 10 593 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2025, dont 5 579 ETPT sous plafond et 5 161 ETPT hors plafond. Le plafond d'emploi est baissé de 15 ETPT en 2025, du fait d'une sous-consommation les années précédentes.

S'agissant des dépenses immobilières, leur financement dépend du niveau de trésorerie de l'agence et de son réseau. En 2024, la trésorerie de l'AEFE est estimée à 283,8 millions d'euros, contre 308,8 millions d'euros fin 2023. Elle se décompose entre :

214,11 millions d'euros au titre de la trésorerie des établissements en gestion directe (EGD), en réalité plus difficilement mobilisable du fait d'opérations immobilières déjà engagées, d'emprunts à rembourser et de difficultés de transferts bancaires vers les services centraux ;

69,5 millions d'euros au titre de la trésorerie des services centraux, soit 31 jours de fonctionnement.

La baisse de trésorerie s'explique par l'avancée de plusieurs opérations immobilières, ainsi que par la dégradation du solde budgétaire dans les EGD. Le rapporteur spécial suivra avec attention l'évolution du niveau de trésorerie de cet opérateur, dès lors qu'il conditionne la capacité de ce dernier à financer ses dépenses immobilières en l'absence d'un mode de financement alternatif durable.

Dans la lignée de ses remarques sur le réseau consulaire, le rapporteur spécial souligne que la réduction des moyens du réseau d'enseignement français à l'étranger ne pourra que conduire à une révision à la baisse des objectifs fixés au cours des dernières années. Pourtant, les conclusions des « consultations sur l'enseignement français à l'étranger », organisées en 2023, ont été pour le ministère et l'AEFE l'occasion de confirmer l'objectif de doublement du nombre d'élèves inscrits dans le réseau des établissements français à l'étranger d'ici 2030, prévu dans le plan pour la langue française et le plurilinguisme présenté par le Président de la République en 2018.

Compte tenu des moyens engagés, le rapporteur spécial estime, comme l'année précédente, que cet objectif de doublement des effectifs semble trop ambitieux, voire peu réaliste, au regard de la progression actuelle du nombre d'élèves. L'AEFE estime qu'une croissance annuelle de 5 % est nécessaire pour atteindre l'objectif présidentiel.

Une réflexion sur le mode de financement de l'AEFE au point mort

Relevant de la catégorie des organismes divers d'administration centrale (ODAC), l'AEFE est limitée dans ses capacités d'emprunt. En application de l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 201444(*), les organismes relevant de cette catégorie « ne peuvent contracter auprès d'un établissement de crédit ou d'une société de financement un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois, ni émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée ».

En conséquence, le financement de l'AEFE repose sur trois canaux :

- la subvention pour charges de service public, qui est versée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ainsi que les autres transferts opérés par l'État, notamment le financement des bourses scolaires sur le programme 151 de la mission « Action extérieure de l'État » ;

- les ressources propres de l'AEFE ;

- les avances de l'Agence France Trésor (AFT), de courte durée (un an maximum) et théoriquement réservées aux besoins de financement imprévues.

Cet encadrement des modalités de financement de l'AEFE limite de fait les capacités de cette dernière à financer des projets immobiliers de long terme.

Le contrat d'objectifs et de moyens 2021-2023 (COM) conclu entre l'État et son opérateur avait prévu la réunion d'un groupe de travail réunissant l'AEFE, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère des comptes publics. Il devait ainsi proposer un mécanisme de financement pérenne de l'AEFE qui « pourra reposer sur une mise en commun ponctuelle des réserves de trésorerie disponibles au sein du réseau ou la constitution d'un fonds mutualisé à partir de contributions des établissements », selon les termes du COM. Ce nouveau mécanisme devrait remplacer le recours aux avances de l'AFT. Toutefois, au moment de la rédaction du présent rapport, ce groupe de travail n'a donné nul signe de vie. Le groupe de travail n'a toujours pas présenté ses conclusions ou formulé de proposition.

Source : commission des finances

2. L'enveloppe des bourses scolaires du programme 151 décroît, au risque de fragiliser les ressources des établissements d'enseignement français et la capacité des familles françaises à y scolariser leurs enfants

L'objectif des bourses scolaires versées aux familles françaises expatriées est d'atténuer le coût financier de l'inscription dans un établissement français à l'étranger. Cette aide à la scolarisation est versée par les établissements mais l'enveloppe globale est gérée par l'AEFE. Les règles d'application des bourses sont fixées chaque année par une instruction spécifique. Les bourses sont versées dans la devise du pays d'accueil et peuvent donc connaître un effet de change assez conséquent.

À noter que les crédits de soutien à l'enseignement français représentent en 2025 près de 73 % des financements du programme 151.

Pour 2025, le montant des bourses scolaires versé depuis le programme 151 s'élève à 111,5 millions d'euros, soit une baisse de 5,5 % par rapport à l'exercice précédent lorsque cette enveloppe s'élevait à 118 millions d'euros. La direction des Français de l'étranger avance deux arguments au soutien de cette contraction des aides à la scolarité :

- en premier lieu, une baisse du nombre de boursiers de l'ordre de 17 % entre l'année scolaire 2022-2023 et l'année scolaire 2023-2024 ;

- en second lieu, un recul de l'indice de parité de pouvoir d'achat (IPPA) dans plusieurs pays.

La baisse de l'enveloppe des bourses a cependant été partiellement compensée par un retour, en juin 2024 à une contribution progressive de solidarité (CPS) à 2 points, après la hausse de 2 à 7 points, intervenue en 2023.

Évolution du montant de l'enveloppe des bourses scolaires
et du nombre de boursiers entre 2017 et 2022

(en millions d'euros - échelle de droite,
en nombre de boursiers - échelle de gauche)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les exercices précédents s'étaient caractérisés par une
sous-consommation chronique de l'enveloppe des bourses scolaires gérées par l'agence et à la constitution d'une soulte. Cette dernière a toutefois fait l'objet d'un apurement définitif en 2023.

Dans un contexte d'inflation mondiale et alors que les frais de scolarité progressent sensiblement, le rapporteur spécial rappelle l'importance de ce mécanisme d'aide à la scolarisation qui permet, d'une part, aux établissements de conserver un vivier d'élèves français et, d'autre part, de garantir aux enfants français un accès au service public de l'éducation.

Outre l'enveloppe des bourses stricto sensu, un budget spécifique de deux millions d'euros (+ 33 %) est prévu pour l'aide à la scolarisation des élèves en situation de handicap. Ce dispositif, créé en 2018 et généralisé en 2021 aux non-boursiers, permet de financer le recrutement et la formation des AESH (accompagnant(e) d'un élève en situation de handicap) nécessaires à la scolarisation de ces élèves. Il concernait en 2024 environ 440 élèves.

Par ailleurs, une expérimentation de « Pass Éducation langue française », initiée en 2024 et visant à soutenir l'apprentissage de la langue française chez des élèves français scolarisés hors du réseau de l'AEFE est reconduite en 2025.


* 40 Loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

* 41 Article L.452-2 du code de l'éducation.

* 42 Cour administrative d'appel de Nantes, 6e chambre, 15 mai 2020, n° 18NT02702.

* 43 Décret n° 2022-896 du 16 juin 2022 modifiant les modalités de recrutement, de rémunération et de gestion des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger.

* 44 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

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