C. LA BAISSE DÉMOGRAPHIQUE, UNE OPPORTUNITÉ POUR LES POLITIQUES DE L'ÉDUCATION NATIONALE
1. Des effectifs d'enseignants en légère baisse
Les effectifs des enseignants sont relativement stables depuis 2015. Ainsi, le nombre d'enseignants du premier degré, dans le public, a diminué de 2 %, soit une baisse de 7 911 emplois. Dans le même temps, les effectifs des élèves sont inférieurs de 6,1 % dans le premier degré.
Dans le second degré, le nombre d'enseignants a diminué de 1 %, représentant une baisse de 3 154 emplois. Les établissements du second degré ont dans le même temps gagné 1 % d'effectifs. L'évolution du nombre d'enseignants est donc déjà décorrélée des changements du nombre d'effectifs d'élèves.
Évolution des effectifs d'enseignants du
premier et du second degré public
entre 2015 et
2023
Source : commission des finances d'après la DEPP
Ainsi, l'évolution des effectifs d'enseignants doit être réfléchie au regard des enjeux de baisse en cours et à venir des effectifs d'élèves, comme l'a d'ailleurs évoqué un rapport récent de l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherché (IGESR) dans une revue de dépenses9(*).
Une baisse du nombre de classes difficile à mettre en oeuvre localement
L'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) ont proposé dans une revue de dépenses des recommandations pour limiter les dépenses d'éducation, à travers trois scénarios alternatifs proposant des suppressions de classes dans le premier et le second degré.
Les inspections constatent ainsi que la méthodologie retenue par le MENJ pour prédire les évolutions démographiques sur le territoire et donc les moyens nécessaires associés diffère de celles de la direction du Budget. Elles proposent donc trois scénarios conduisant à une nouvelle répartition des moyens budgétaires entre établissements sur les territoires :
- Le scénario dit n° 1 conduit à supprimer les classes à effectifs réduits sans créer de classes à effectifs trop importants. La méthodologie, qui tient compte notamment de l'indice de position sociale des établissements, conduirait à supprimer près de 600 classes dans le premier degré, entre 1005 et 1436 classes au collège et entre 1387 et 1823 équivalents temps plein (ETP) au lycée.
Ces calculs ne prennent toutefois pas en compte la répartition territoriale. Il serait problématique de supprimer des classes dans des territoires déjà très enclavés, augmentant ainsi fortement le temps de trajet des élèves.
- Le scénario n° 2 conduit à relever le seuil de dédoublement en éducation prioritaire et en éducation prioritaire renforcée. Le taux actuel appliqué est de 12 élèves par professeur. Un seuil de dédoublement à 15 élèves par professeur se traduirait par la fermeture de 839 classes, dont 124 dans l'académie de Créteil et 136 dans celle de Versailles.
- Le scénario n° 3 conduit à adapter le maillage territorial des écoles et des établissements. L'IGF et l'IGESR estiment que 1925 écoles (dont 105 en REP+ et 166 en REP), représentant 4 % du total des écoles et 4927 ETP pourraient être fermées, les élèves ayant accès à une offre scolaire équivalente de proximité. De même, 33 collèges représentant 796 ETP, dont 4 classés REP+ et 6 classés REP, sont identifiés comme pouvant être fermés.
Source : commission des finances
2. Utiliser la baisse démographique comme une opportunité de rééquilibrage des moyens de l'Éducation nationale
La légère baisse des effectifs d'enseignants est toutefois à considérer en regard des politiques récentes qui ont nécessité le redéploiement d'effectifs d'enseignants :
- en particulier, la politique de dédoublement des classes de CP et de CE1 mise en oeuvre dès 2017 a nécessité le redéploiement de 10 800 postes d'enseignants du premier degré.
- Le prolongement de cette politique aux grandes sections de maternelle dès 2020 a entrainé le déploiement de 5 200 emplois dédiés. Ainsi, au total, la politique de dédoublement des classes dans les établissements d'éducation prioritaire a impliqué le déploiement de 16 000 emplois, soit 5 % de l'effectif d'enseignants du premier degré à la rentrée 2023. Il aurait donc été particulièrement difficile de faire baisser le nombre d'enseignants du premier degré dans les mêmes proportions que le nombre d'élèves entre 2017 et 2023 et d'instaurer dans le même temps le dédoublement des classes de grande section, CP et CE1 dans les écoles classées « REP » et « REP + ».
- Dans le second degré, la politique de choc des savoirs a nécessité à la rentrée 2024 l'utilisation de 2 300 emplois dédiés pour créer les « groupes de besoin » dans les classes de sixième et de cinquième. L'extension du dispositif aux classes de quatrième et troisième impliquerait d'y dédier 5 000 emplois supplémentaires, d'après le ministère de l'Éducation nationale.
La baisse des effectifs d'élèves constitue une opportunité pour que la mission « Enseignement scolaire » finance, à budget constant, les politiques d'éducation les plus aptes à favoriser la réussite des élèves.
Une dépense intérieure d'éducation financée essentiellement par l'État
La dépense intérieure d'éducation est composée de l'ensemble des dépenses des dépenses d'éducation allouées par les différents acteurs. L'État fournit plus de la moitié des dépenses d'éducation, notamment via la mission « Enseignement scolaire ». Les collectivités territoriales sont le deuxième financeur principal, à hauteur de 23 %. Enfin, les entreprises contribuent à hauteur de 8 % et les ménages de 10,4 %.
Structure de la dépense intérieure d'éducation par financeur en 2023
(en pourcentage)
Source : commission des finances d'après la DEPP
La dépense moyenne annuelle par élève est de 8 450 euros dans le premier degré et de 11 320 euros dans le second degré, soit une moyenne de 10 470 euros. Elle a augmenté dans le premier degré de 16,1 % entre 2014 et 2023, et de 5,4 % dans le second degré. Si ces évolutions sont appréciables, il est à rappeler que l'inflation a augmenté de 18,1 % en tout. La dépense moyenne par élève a donc diminué en euros constants, que ce soit dans le premier comme dans le second degré.
Évolution de la dépense moyenne par élève entre 2014 et 2023
(en euros, à prix constants)
Source : commission des finances d'après la DEPP
De plus, une attention particulière doit être portée aux écoles rurales. Entre 2015 et 2023, les écoles publiques rurales ont en effet perdu près de 96 000 élèves de niveau élémentaire, soit un recul de 8,6 % des effectifs. Il parait pourtant compliqué de ne cibler que les écoles rurales pour la suppression de postes d'enseignants, au regard des enjeux d'attractivité du territoire et de proximité des services publics dans des endroits parfois très enclavés.
Nombre d'élèves scolarisés
en 2015 et en 2023 dans le premier degré
en
éducation prioritaire, dans le public rural et urbain hors
éducation prioritaire
Source : commission des finances d'après la DEPP
Ainsi, la baisse des effectifs d'élèves ne peut permettre d'imputer mécaniquement une baisse du nombre d'enseignants. L'évaluation doit également tenir compte tant des spécificités des territoires que des politiques mises en oeuvre. Une baisse plus mesurée des effectifs d'enseignants que des effectifs d'élèves permettrait de favoriser les politiques d'éducation, tout en stabilisant les moyens de la mission.
La commission des finances a donc proposé un amendement pour revenir de moitié sur la baisse prévue de 4 000 enseignants. L'amendement revient sur la suppression de 2 000 postes d'enseignants du premier degré, en prenant sur les crédits du Pacte enseignant du programme 141 « Enseignement scolaire du premier degré », qui ont augmenté de 100 millions d'euros entre 2024 et 2025. En effet, si le Pacte constitue un outil utile et pertinent, le rapporteur spécial estime que ces crédits seraient mieux utilisés pour maintenir le nombre d'enseignants, alors que seuls un tiers des enseignants ont adhéré au Pacte.
* 9 « Dispositifs en faveur de la jeunesse », avril 2024.