EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Santé ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 12 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial, sur la mission Santé.

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons maintenant les crédits de la mission « Santé ».

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la mission « Santé ». - La mission « Santé » est composée de trois programmes : l'aide médicale d'État (AME), qui représente plus de 80 % des crédits de la mission ; un programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » peu à peu vidé de toute substance ; et enfin un programme autorisant des compensations à la sécurité sociale, créé lors de la crise sanitaire pour les transferts de fonds européens vers la sécurité sociale. La pertinence de cette mission, qui se résume de plus en plus à l'AME, me paraît, comme chaque année, douteuse.

Les crédits de la mission « Santé » sont, en apparence, drastiquement réduits dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 : ils baissent de 40 %, soit une perte de 1,1 milliard d'euros. Cette baisse, toutefois, est due uniquement à l'épuisement du financement du programme 379 dédié aux compensations à la sécurité sociale. Créé en 2022, ce programme recueille les crédits européens du plan de facilité pour la reprise et la résilience (FRR) destinés à la France, qui soutiennent le volet investissement du Ségur de la santé.

Ce volet représente un montant total de 19 milliards d'euros, dont 6 milliards proviennent du plan de facilité pour la reprise et la résilience. Entre 2021 et 2024, plus de 4,8 milliards d'euros ont été versés à la mission « Santé » par ce biais, soit 80 % de la somme promise. Un versement très faible est prévu pour 2025, et il est étonnant de permettre un versement de 1,2 milliard d'euros pour la seule année 2026. Il s'agit d'un point d'attention, notamment pour l'année prochaine.

Par ailleurs, si ce programme améliore la traçabilité des fonds européens, il ne constitue qu'un simple canal de transmission à l'assurance maladie et ne redonne aucune substance particulière à la mission « Santé » en termes de politique publique.

De nombreuses actions financées par le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » ont été transférées à l'assurance maladie au fil des années. Les dépenses restantes se concentrent sur quatre postes principaux : les dépenses de contentieux, la prise en charge du système de santé à Wallis-et-Futuna, les subventions pour l'Institut national du cancer (Inca) et pour l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui en reçoivent aussi d'autres missions.

La dotation pour l'Inca se stabilise par rapport à 2024, après une baisse de 5 millions d'euros l'année dernière. L'institut avait constitué un fonds de roulement important qui justifiait une baisse de sa dotation de fonctionnement. Il semble que le résultat de l'Inca de cette année soit négatif et ne lui permette pas de remplir toutes ses missions, notamment concernant la mise en oeuvre du plan de prévention contre le cancer du poumon. La situation financière de l'Inca constitue donc un point de vigilance.

Le financement des dépenses de contentieux demeure stable par rapport à 2024. La direction de la sécurité sociale n'a signalé aucun nouveau contentieux susceptible de grever les finances du programme 204 dans les années à venir.

La situation de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna est inquiétante. En raison des crises sanitaires et inflationnistes, ainsi que de la situation en Nouvelle-Calédonie, le déficit de l'agence serait de 8,5 millions d'euros en 2024. Celle-ci a cessé de payer ses fournisseurs à la mi-octobre. Une telle situation n'est pas acceptable et explique pourquoi la dotation à l'agence de santé augmentera de 1,7 million d'euros en 2025. Il est également important de poursuivre la mise en oeuvre d'un plan de maîtrise des dépenses efficient, afin d'améliorer la résilience de l'agence face aux crises.

Quant aux fonds de concours attachés à la mission 204, ils sont très faiblement abondés par des fonds européens cette année, à hauteur de 500 000 euros seulement.

Comme les années précédentes, le programme 204 finance également un certain nombre d'actions dispersées, pour des montants généralement faibles. Elles paraissent loin de disposer d'une masse critique suffisante pour avoir un impact sur les objectifs de santé publique poursuivis. Repenser les financements de ce programme, de manière à éviter un saupoudrage trop important, constitue une piste de réflexion à explorer.

J'en viens enfin à l'AME, qui demeure l'élément principal de la mission « Santé ».

Les dépenses représentent environ 1,32 milliard d'euros, montant en hausse de 9,2 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2024. Cette évolution résulte notamment de la hausse du nombre de bénéficiaires de l'AME : de 411 000 fin 2022, ils sont passés à 456 689 fin 2023 et à plus de 459 000 à la fin du premier trimestre 2024. Le nombre de bénéficiaires a donc augmenté de 11 % entre 2022 et 2023.

Pour endiguer cette augmentation continue, des mesures de régulation ont été mises en place depuis 2020. Depuis le 1er janvier 2020, une condition de durée minimale de séjour irrégulier de trois mois est nécessaire pour bénéficier de l'AME. De même, une obligation de dépôt physique de la première demande d'AME a été instaurée à compter du 1er janvier 2020. L'impact de ces mesures de régulation, estimé à 25 millions d'euros en 2025, apparaît toutefois très limité.

Ces éléments conduisent à reposer la question, plusieurs fois abordée dans notre assemblée, de l'étendue des soins pris en charge par l'AME. À ce titre, je rappelle que, dans les pays européens dont nous avons pu récupérer les documents, seuls les soins urgents, ceux qui sont liés à la maternité et aux mineurs, ainsi que les dispositifs de soins préventifs dans le cadre de programmes sanitaires publics sont pris en charge gratuitement pour les étrangers en situation irrégulière. Par l'éventail des soins couverts, l'AME constitue une exception par rapport aux autres pays européens. Celle-ci semble difficile à justifier dans un contexte d'augmentation continue et non maîtrisée de la charge budgétaire qu'elle constitue.

La situation est dénoncée par le Sénat depuis de nombreuses années. Notre assemblée vote chaque année des mesures de réduction de l'éventail de prise en charge des soins par l'AME. Le rapport Évin-Stefanini de décembre 2023, qui devait servir de base à une réforme de niveau réglementaire du précédent gouvernement et que nous n'avons jamais vue, a effectué plusieurs recommandations en ce sens.

Les auteurs proposent notamment d'adapter le régime de prise en charge des frais relatifs à des prestations programmées non urgentes dans le cadre de l'AME. Ces prestations ne peuvent être délivrées en l'absence d'un accord des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) à l'ensemble des assurés bénéficiant d'une AME depuis moins de neuf mois.

La condition d'ancienneté du régime actuel est étonnante. Il n'y a en effet aucune raison de considérer que la délivrance d'une prestation peut être subordonnée à une autorisation de l'assurance maladie pour certains assurés seulement. Aussi, je vous propose d'adopter un amendement adaptant le régime d'accord préalable en l'étendant à tous les assurés. Quelle que soit la durée de son affiliation à l'AME, un affilié pourrait avoir accès à une prestation incluse dans le panier de soins défini par décret comme « non urgent », sous condition d'accord des CPAM.

Je vous propose également d'adopter un amendement de crédit tirant les conséquences des dispositions de cet amendement de fond. L'objectif est d'encourager le Gouvernement à inclure davantage de prestations dans le panier de soins non urgents. Le rapport Évin-Stefanini recommandait notamment d'inclure les actes de kinésithérapie, l'appareillage auditif et optique, la pose de prothèses dentaires, l'hospitalisation à domicile ou encore les soins médicaux et de réadaptation. En additionnant les gains attendus de la restriction du panier de soins, cet amendement aboutit à une économie estimée à 200 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Je propose donc l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de cet amendement.

Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Santé ». - Comme chaque année, cette mission dédiée pour une large part à l'AME nous conduit à nous interroger. Les conditions d'accès sont, pour certains, surprenantes. Je suis favorable à l'amendement de M. Delahaye, qui apporte un éclaircissement sur le panier de soins et l'accord préalable et qui sera proposé également à la commission des affaires sociales.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je soutiens l'amendement de M. Delahaye, proche de ceux qui ont déjà été adoptés par le passé, car il apporte une modification du dispositif actuel qui prend en compte des critères d'ancienneté. Il s'agit d'être clair sur le sujet : nous devons être attentifs au sort des étrangers en situation irrégulière.

Mme Isabelle Briquet. - L'AME répond à une triple logique : humanitaire, en donnant accès aux soins aux personnes fragiles ; de santé publique, en permettant d'éviter la propagation des maladies ; et économique, en aidant à prévenir les surcoûts liés à des soins retardés et pratiqués dans l'urgence. Nous sommes attachés à ce que cette aide perdure et soit même confortée. En dépit de l'augmentation des crédits alloués, cela ne suffit pas à assurer la prise en charge des bénéficiaires. Nous ne voterons donc pas les crédits de cette mission.

M. Claude Raynal, président. - Surtout, j'imagine, ainsi amendés.

Mme Isabelle Briquet. - En effet.

M. Éric Jeansannetas. - Ma question porte sur l'indemnisation des victimes de la Dépakine. Le laboratoire Sanofi, en première ligne sur le sujet, a été condamné. La dotation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) reste stable. Il me semble que le mécanisme d'indemnisation fonctionne ainsi : l'Oniam transmet d'abord le dossier à Sanofi, puis le laboratoire fait une proposition d'indemnisation ; et si celle-ci n'est pas suffisante, l'Oniam compense et adresse ensuite des titres de recettes à Sanofi. Ce mécanisme est-il en place ? Des recettes sont-elles liées à la participation de Sanofi ?

M. Pierre Barros. - Nous nous opposerons à vos propositions pour plusieurs raisons. Je m'interroge notamment sur les médecins diplômés étrangers qui occupent environ 60 % des postes des hôpitaux en région parisienne. Que faisons-nous de ces médecins qui, parfois, se trouvent dans des situations administratives compliquées, voire sous obligation de quitter le territoire français (OQTF) ? On ne doit pas s'étonner que des étrangers viennent se faire soigner en France dans la mesure où les médecins qui devraient les soigner sont chez nous. En prenant le sujet par cet angle-là, nous serions plus proches de la réalité.

M. Jean-Baptiste Olivier. - Je remercie le rapport spécial pour ce premier pas. Mais, pour ma part, cela ne va pas assez loin et je m'abstiendrai sur les crédits de la mission.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - Madame Briquet, nous ne proposons pas de supprimer l'AME et l'amendement va moins loin que ce que nous proposons habituellement. Vous souhaitez que l'aide soit confortée et, même si cela vous semble insuffisant, les crédits augmentent de 9,2 %. Je rappelle que l'AME a été créée en 1999, ce qui signifie qu'il n'y avait rien. Nous avons créé un guichet ouvert et peu contrôlé.

La présence des médecins étrangers est liée au fait que nous manquons de médecins. Pendant des années, le numerus clausus nous a limités en matière de formation de médecins. Si ces médecins étrangers devaient quitter notre territoire, cela aggraverait les problèmes.

À ce stade, nous demandons au Gouvernement de tenir compte des pistes proposées par le rapport Évin-Stefanini afin de maîtriser la dépense. Ce que nous proposons me semble raisonnable. Faut-il aller plus loin ? Aujourd'hui, je l'ignore.

Concernant la Dépakine, aucune recette n'est prévue dans la mission. Sanofi a contesté toutes les demandes de recettes de l'ONIAM en justice. Pour l'instant, l'office prend en charge l'indemnisation.

En conclusion, je propose l'adoption des deux amendements, ainsi qu'un vote favorable sur les crédits la mission.

Article 42

L'amendement II-36 (FINC.1) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Santé », sous réserve de l'adoption de son amendement.

Après l'article 64

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - L'amendement II-37 (FINC.2) a pour objet d'adapter le régime de prise en charge des frais relatifs à l'AME. Ainsi, l'ensemble des affiliés sera pris en charge sous réserve de l'accord préalable des CPAM.

L'amendement  II-37 (FINC.2) portant article additionnel est adopté.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

Partager cette page