N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 29b

SÉCURITÉS
(Programme 161 « Sécurité civile »)

Rapporteur spécial : M. Jean Pierre VOGEL

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

I. DES CRÉDITS D'INVESTISSEMENT EN BAISSE, MAIS DES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES PRÉSERVÉES À COURT TERME

Pour 2025, les crédits demandés sur le programme 161 « Sécurité civile » s'élèvent à près de 861,0 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 831,4 millions d'euros en crédits de paiement (CP), contre respectivement 901,7 millions d'euros et 880,5 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2024.

Évolution des crédits du programme par action

(en millions d'euros)

Nom de l'action

AE 2024 (LFI)

CP 2024 (LFI)

AE 2025 (PLF)

CP 2025 (PLF)

Variation AE 2025/2024

Variation CP 2025/2024

11 - Prévention et gestion de crises

57,3

83,7

72,2

62,0

+ 26,0 %

- 25,9 %

12 - Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

620,7

541,2

582,6

512,2

- 6,1 %

- 5,4%

13 - Soutien aux acteurs de la sécurité civile

190,6

223,1

173,0

222,0

- 9,1 %

- 0,5 %

14 - Fonctionnement, soutien et logistique

33,2

32,4

33,2

35,2

- 0,3 %

+ 8,3 %

Total

901,7

880,5

861,0

831,3

- 4,5 %

- 5,6 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

A. UNE BAISSE DE CRÉDITS AFFECTANT PRINCIPALEMENT LES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT ET UN SCHÉMA D'EMPLOIS À LA BAISSE

Les crédits alloués au programme 161 font l'objet d'une baisse modérée de 4,5 % en AE et de 5,6 % en CP par rapport à la LFI pour 2024.

La variation à la baisse affecte principalement les dépenses d'investissement. Elles passent de 223,6 millions d'euros d'AE en LFI 2024 à 50,0 millions d'euros en PLF 2025 (- 77 %), et de 198,4 millions d'euros de CP en LFI 2024 à 138,7 millions d'euros en PLF 2025 (- 30 %).

Cette baisse s'explique par l'ouverture, en LFI 2024, de crédits conséquents, pour assurer à la fois le financement de la création d'une nouvelle unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC) à Libourne, le renforcement de la lutte contre les feux de forêts, ou encore l'achat de matériels dans le cadre des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024.

Dans un contexte de contrainte budgétaire, a également été prévu le gel du schéma d'emplois pour 2025 à 2 745 ETP.

B. UN BUDGET NE REMETTANT PAS EN CAUSE LES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES DE LA SÉCURITÉ CIVILE À COURT TERME

La baisse des dépenses d'investissement, qui traduit surtout l'absence de perspective de renouvellement de la flotte de Canadair à moyen terme, est en partie contrebalancée par la hausse des crédits de fonctionnement et la sanctuarisation de dépenses essentielles à la garantie des capacités opérationnelles à très court terme.

Le PLF pour 2025 prévoit ainsi une hausse des dépenses consacrées au maintien en condition opérationnelle (MCO) des avions et hélicoptères de la sécurité civile (245,3 millions d'euros en AE), à la location d'aéronefs (30 millions d'euros en AE et en CP), à la dotation de soutien à l'investissement structurant des SDIS servant le financement des pactes capacitaires (48,6 millions d'euros) ainsi qu'au renforcement des colonnes de renfort (13,3 millions d'euros en AE et en CP).

II. LES PRINCIPAUX ENJEUX DE LA SÉCURITÉ CIVILE

A. DE SON ORGANISATION À SON FINANCEMENT : LE MODÈLE FRANÇAIS DE LA SÉCURITÉ CIVILE EN QUESTION À L'OCCASION DU BEAUVAU DE LA SÉCURITÉ CIVILE

Confrontée à de nouveaux défis, la sécurité civile doit s'adapter aux enjeux d'aujourd'hui et de demain et répondre encore mieux aux besoins de la population. À cet effet, le précédent Gouvernement a lancé les travaux du Beauvau de la sécurité civile, le 23 avril 2024.

Cette grande concertation nationale a vocation à rassembler l'ensemble des acteurs de la sécurité civile autour de grands chantiers thématiques dédiés aux problématiques majeures, de rencontres de terrain au coeur des services opérationnels ou encore d'une grande enquête en ligne accessible à tous.

Après une suspension des travaux du fait du changement de Gouvernement, le 28 septembre dernier, en clôture du congrès national des sapeurs-pompiers à Mâcon, le Premier ministre a chargé le nouveau ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau de relancer et de mener à terme le Beauvau de la sécurité civile.

Ce travail de concertation s'inscrit dans la préparation d'un projet de loi pour la fin du premier semestre 2025 qui devra « poser les bases d'un modèle renouvelé », près de 30 ans après la loi de départementalisation des services d'incendie et de secours et 20 ans après la loi de modernisation de la sécurité civile.

B. DES MOYENS AÉRIENS EXPOSÉS À UN RISQUE DE RUPTURE CAPACITAIRE MALGRÉ UN RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE QUI SE PRÉCISE

1. Un risque de rupture capacitaire au regard de l'état de disponibilité de la flotte d'aéronefs en 2024

Les objectifs concernant le taux de disponibilité des hélicoptères (95% contre 63,8% en 2023) et des avions de la sécurité civile (98% contre 89,1% en 2023) paraissent exagérément optimistes au regard de la vétusté croissante de la flotte et des nombreuses immobilisations pour maintenance observées en 2024. Les résultats satisfaisants de la campagne 2024 de lutte contre les feux de forêts doivent en partie à une météo clémente.

À certaines périodes critiques cet été, seuls trois Canadair sur douze étaient opérationnels : le risque de rupture capacitaire existe donc en cas de multiplication simultanée de feux d'ampleur.

2. La livraison des premiers hélicoptères H145 à la fin de l'année 2024

Le PLF pour 2025 prévoit 100,0 millions d'euros de CP consacrés au renouvellement de la flotte d'hélicoptères « Dragons » EC-145. Cette commande de 36 hélicoptères de type H145, annoncée dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI), et concrétisée en LFI 2023, permettra de porter la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile à un total de 40 appareils.

La fin d'année 2024 sera ainsi marquée par la livraison des 3 premiers hélicoptères, avant une montée en puissance du rythme de livraison jusqu'en 2029.

Calendrier prévisionnel de livraison des hélicoptères H145

(en nombre d'appareils)

 

2024

2025

2026

2027

2028

2029

Total

Livraisons

3

8

8

6

8

3

36

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

3. Un équilibre à définir entre flotte patrimoniale et flotte de location

En complément de sa flotte aérienne de lutte contre les feux de forêt, la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) s'est progressivement dotée d'appareils bombardiers d'eau auprès d'opérateurs privés, dispositif accéléré suite aux besoins de moyens supplémentaires pour faire face aux incendies de l'été 2022.

Les années 2024 et 2025 marquent la pérennisation du choix, à court terme, d'un mix entre flotte patrimoniale et flotte de location (jusqu'à 10 HBE et 6 ABE de type Air tractor mobilisables dans le cadre d'un marché pluriannuel) avec l'inscription pour le PLF 2025 de 30 millions d'euros d'AE et de CP pour la location d'aéronefs.

Les travaux qui seront menés dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile doivent contribuer à la réflexion sur la définition des moyens aériens nécessaires en fonction de l'évolution des risques et à l'adaptation de la doctrine qui sera décidée en conséquence.

4. Canadair : des carences dans le maintien en condition opérationnelle (MCO) de la flotte actuelle et un horizon de renouvellement repoussé à 2030-2035

Un triple enjeu de préparation entoure le budget 2025 et la situation des Canadair : la préparation de la prochaine saison de feux de forêt ; le renouvellement du marché de maintien en condition opérationnelle (MCO) des avions qui arrivera à son terme en 2027 ; le renouvellement de la flotte de Canadair à échéance 2030 - 2035.

La DGSCGC a reconnu l'existence d'une réelle problématique concernant le marché de maintien en condition opérationnelle de la flotte de Canadair avec l'actuel prestataire Sabena technics. Les carences objectives constatées trouvent des causes multiples (vieillissement naturel de la flotte, doctrine d'emploi française génératrice d'usure accélérée, caractéristiques techniques du modèle, potentiels manquements du prestataire) qui doivent être résolues urgemment tandis que le prochain marché de MCO de la flotte d'avions prévu en 2027 doit dès à présent être préparé.

À terme, la garantie de bénéficier d'avions bombardiers d'eau opérationnels passera par le remplacement des 12 Canadair par 16 nouveaux appareils. L'horizon de livraison des deux premiers appareils financés en partie par les fonds européens est désormais en théorie établi à 2028.

En termes budgétaires, les coûts d'acquisition de 2 DHC-515 par pays seront partiellement couverts par la DG ECHO pour les appareil seuls, soit 98,8 millions d'euros (49,4 millions d'euros par appareil dont le cout toutes taxes comprises est estimé à 62 millions d'euros).

Le rapporteur spécial souligne que pour des raisons de souveraineté industrielle et sécuritaire, la DGSCGC continue d'étudier des projets alternatifs aux Canadair. Elle a ainsi très récemment signé deux lettres d'intérêts en faveur de deux projets européens qualifiés de prometteurs.

C. LA POURSUITE DES PACTES CAPACITAIRES : APRÈS LE SOUTIEN DE L'ÉTAT POUR FAIRE FACE AU RISQUE DE FEUX DE FORÊT, PENSER LE RISQUE INONDATION ?

1. La concrétisation des pactes capacitaires « feux de forêt »

48,6 millions d'euros de CP sont inscrits dans le PLF pour 2025 pour la poursuite des pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens opérationnels des services d'incendie et de secours (SIS) par l'acquisition de matériels cofinancés par l'État.

La LFI 2023 prévoyait en effet 158 millions d'euros en AE et 38,5 millions en CP. Les premiers véhicules financés via les pactes ont été livrés aux SIS fin septembre 2024.

Trajectoire prévisionnelle des crédits de paiement
afférents aux pactes capacitaires

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

2026

2027

CP

32

29

49

26

22

Source : réponse de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

2. Le besoin de moyens supplémentaires pour faire face au risque inondation

Les pactes capacitaires constituent un dispositif de financement exceptionnel dont l'entièreté des crédits devrait être consommée d'ici 2027.

Cependant, au regard des importantes inondations récemment vécues par notre pays, il paraît légitime de réfléchir à la mise en place de dispositifs de financement dédiés au renforcement des moyens de prévention et de lutte contre ce risque, par la voie de pactes capacitaires « inondations » ou par l'achat de moyens mutualisés directement par l'État.

Le rapporteur spécial se fait ainsi l'écho des conclusions de la très récente mission de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024 menée par le Sénat1(*) : « le manque d'équipements de pompage lourds et de capacités héliportées a révélé l'impératif d'un renforcement capacitaire (recommandation n° 12) », qui ne trouve pour l'instant pas de traduction budgétaire dans le PLF 2025.

D. NEXSIS : UN CALENDRIER ET UN FINANCEMENT TOUJOURS INCERTAINS

Le programme NexSIS est un projet de mutualisation des systèmes d'information des SIS.

Le calendrier et le budget prévisionnel du programme ont substantiellement évolué : sur la période 2018 à 2031, le coût global du programme est désormais estimé à hauteur de 300 millions d'euros.

À terme, NexSIS, dont l'intérêt opérationnel semble unanimement reconnu, sera synonyme de gains financiers et qualitatifs. Cependant, la vitesse de son déploiement opérationnel dans les SIS semble optimiste tandis que son modèle de financement, qui requiert la participation financière des SIS, apparait encore précaire.

Réunie le mercredi 6 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, à l'exception de ceux émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

Au 10 octobre 2024, date limite prévue par la loi organique relative aux lois de finances pour l'envoi des réponses au questionnaire budgétaire, le rapporteur spécial avait reçu 70 % des réponses.

PREMIÈRE PARTIE 
ANALYSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 161 « SÉCURITÉ CIVILE »

La dotation inscrite en PLF pour 2025 sur le programme « Sécurité civile » s'élève à près de 861,0 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 831,4 millions d'euros en crédits de paiement (CP), contre respectivement 901,7 millions d'euros et 880,5 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2024.

Les crédits alloués au programme 161 font donc l'objet d'une baisse de 4,5 % en AE et de 5,6 % en CP par rapport à la LFI pour 2024.

Évolution des crédits du programme par action

(en millions d'euros)

Nom de l'action

AE 2024 (LFI)

CP 2024 (LFI)

AE 2025 (PLF)

CP 2025 (PLF)

Variation AE 2025/2024

Variation CP 2025/2024

11 - Prévention et gestion de crises

57,3

83,7

72,2

62,0

+ 26,0 %

- 25,9 %

12 - Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

620,7

541,2

582,6

512,2

- 6,1 %

- 5,4 %

13 - Soutien aux acteurs de la sécurité civile

190,6

223,1

173,0

222,0

- 9,1 %

- 0,5 %

14 - Fonctionnement, soutien et logistique

33,2

32,4

33,2

35,2

- 0,3 %

+ 8,3 %

Total

901,7

880,5

861,0

831,3

- 4,5 %

- 5,6 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Évolution des autorisations d'engagement et crédits de paiement
du programme 161 entre 2019 et 2025 

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, les crédits présentés dans le PLF pour 2025 sont plus élevés de 50,0 % en AE et 22,6 % en CP que les montants estimés par la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI)2(*). Celle-ci prévoyait en effet 574 millions d'euros en AE et 678 millions d'euros en CP pour cette même année.

Évolution des autorisations d'engagement du programme 161 entre 2019 et 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Évolution des crédits de paiement du programme 161 entre 2019 et 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

I. DES AJUSTEMENTS À LA TRAJECTOIRE DES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT ET UN SCHÉMA D'EMPLOIS À LA BAISSE

A. UNE BAISSE MODÉRÉE DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT ET DES CRÉDITS DE PAIEMENT AFFECTANT PRINCIPALEMENT LES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT

1. Un recul des autorisations d'engagement expliqué par le rythme des investissements

Les AE demandées pour 2025 font l'objet d'une baisse modérée de 40,7 millions d'euros, soit une diminution de 4,5 % par rapport aux montants inscrits en LFI pour 2024. La baisse des AE du programme 161 doit être relativisée par le fait que les variations de leurs montants entre les exercices sont en grande partie rythmées par les cycles de commandes d'aéronefs et de renouvellement des marchés de maintenance des aéronefs de la sécurité civile.

La variation à la baisse des AE affecte principalement les dépenses d'investissement qui passent de 223,2 millions d'euros en LFI 2024 à 50,0 millions d'euros en PLF 2025 (- 77 %).

Cette baisse s'explique par l'ouverture, en LFI 2024, d'autorisations d'engagement pour financer à hauteur de 200 millions d'euros la création d'une nouvelle unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC) à Libourne et le renforcement de plusieurs postes de dépenses consacrés à la lutte contre les feux de forêts.

Par ailleurs, il convient de noter que les prévisions triennales montrent des montants d'AE également inférieurs à 50 millions d'euros en dépenses d'investissement en 2026 et 2027. Cela semble confirmer qu'aucun crédit destiné à l'acquisition d'avion bombardier d'eau ne devrait être engagé à court terme. Ce constat rejoint l'analyse formulée par le rapporteur spécial dans son rapport du 5 juillet 2023 sur la flotte d'aéronefs bombardiers d'eau de la sécurité civile3(*).

2. Une baisse plus légère des crédits de paiement et qui affecte également l'investissement

Les CP demandés pour 2025 font également l'objet d'une baisse modérée de 49,1 millions d'euros, soit une diminution de 5,6 % par rapport aux montants inscrits en LFI pour 2024.

La variation à la baisse des CP affecte là encore principalement les dépenses d'investissement qui passent de 198,4 millions d'euros en LFI 2024 à 138,7 millions d'euros en PLF 2025 (- 30 %).

Cette baisse dans la programmation 2025 s'explique d'une part par une réduction d'environ 20 millions d'euros des CP de l'action 11 « Prévention et gestion des crises » servant à l'achat des matériels et équipements spécialisés dans la lutte contre les menaces, notamment nucléaire, radiologique, biologique et chimique ou explosive (NRBC-E), après une année 2024 où les besoins étaient importants en raison des Jeux Olympiques et Paralympiques.

D'autre part, le budget enregistre une diminution d'environ 40 millions d'euros des crédits d'investissement de l'action 12 « Préparation et interventions spécialisés ». Or, le rapporteur spécial regrette de ne pouvoir retracer avec exactitude les dépenses qui font l'objet de cette baisse. En effet, lors de l'examen du PLF 2024, le Gouvernement a abondé de façon significative le programme 161 par la voie d'un amendement adopté en cours de navette puis repris dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, sans indiquer de façon précise la destination de ces crédits supplémentaires (215,2 millions d'euros en AE et de 145,9 millions d'euros en CP). Ce sont probablement ces crédits qui supportent la diminution prévue pour 2025.

B. DES DÉPENSES DE PERSONNEL STABLES ET UN SCHÉMA D'EMPLOIS NUL

Les dépenses de personnel du programme poursuivent une légère augmentation en AE et en CP de 10,5 millions d'euros (+ 4,5 %). En l'absence de mesure nouvelle propre aux catégories spécifiques de la sécurité civile, cette augmentation se cantonne à la mise en oeuvre de mesures antérieures à 2024. Elle finance ainsi par exemple la revalorisation des salaires des personnels navigants ainsi que celle des salaires des techniciens et des cadres aéronautiques.

Concernant l'évolution du schéma d'emplois, les effectifs ont connu une évolution à la hausse en 2023 et 2024 sous l'effet conjugué de la trajectoire LOPMI4(*) et des annonces du Président de la République d'octobre 2022 pour la création d'une 4ème unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC), pour laquelle ont eu lieu 65 recrutements en 2023 et 163 en 2024.

Description du schéma d'emplois depuis 2023

(en ETP)

Catégorie d'emplois

Exécution 2023

Prévision 2024
(CRG2)

PLF 2025

Prévision 2026

Personnels administratifs cat A

36

57

57

57

Personnels administratifs cat B

43

49

49

49

Personnels administratifs cat C

46

47

47

47

Personnels techniques

512

537

537

537

Militaires (hors gendarmes)

1461

1658

1658

1658

Ouvriers d'État

50

44

44

44

Hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction et corps de commandement (police nationale)

60

60

60

60

Corps d'encadrement et d'application (police nationale)

292

294

294

294

Total

2 499

2745

2745

2745

Source : réponse de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Néanmoins, dans un contexte de forte contrainte budgétaire, le schéma d'emplois est nul à compter de l'exercice 2025 : la cible d'ETP est donc stable à 2 745 ETP et les variations d'ETPT ne sont plus dues qu'aux effets d'extension en année pleine et à des vacances frictionnelles.

Schéma d'emplois 2025

(en ETP)

Catégorie d'emplois

Sorties prévues

Entrées prévues

Schéma d'emplois

Personnels administratifs cat A

35

35

0

Personnels administratifs cat B

32

32

0

Personnels administratifs cat C

31

31

0

Personnels techniques

50

56

+ 6

Militaires (hors gendarmes)

405

405

0

Ouvriers d'État

6

0

- 6

Hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction et corps de commandement (police nationale)

8

8

0

Corps d'encadrement et d'application (police nationale)

16

16

0

Total

583

583

0

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La DGSCGC a assuré au rapporteur spécial que cette année blanche en matière de recrutement ne devrait pas compromettre l'installation et la montée en puissance progressive de la 4ème UIISC. Grâce aux recrutement opérés dans le cadre des schémas d'emplois 2023 et 2024, 228 militaires seront installés à Libourne à la fin de l'année 2024. Ce chiffre restera stable en 2025 mais devrait suffire à rendre l'unité opérationnelle pour la campagne des feux de forêt 2025. Les recrutements reprendraient en 2026, pour atteindre à terme en 2027 le format définitif de 580 sapeurs-sauveteurs et agents civils.

II. UNE SANCTUARISATION DES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT ET D'INTERVENTION DEVANT PERMETTRE LE MAINTIEN DES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES EN 2025

A. UNE HAUSSE DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT PORTÉE PAR LE CONTRAT PLURIANNUEL DE MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE DES NOUVEAUX HÉLICOPTÈRES H145

Comme l'année dernière, la baisse des AE en investissement est en partie contrebalancée par la hausse des AE en fonctionnement, qui s'élèvent à 337,millions d'euros dans le PLF pour 2025 contre 199,1 millions d'euros en LFI pour 2024, soit une progression de 70 %.

Cette augmentation résulte principalement de la hausse des dépenses consacrées au maintien en condition opérationnelle (MCO) des avions et hélicoptères de la sécurité civile. Le PLF pour 2025 prévoit en effet 245,3 millions d'euros en AE pour ces dépenses de MCO, contre 130,9 millions d'euros en LFI pour 2023. Ces AE serviront notamment à financer le renouvellement du marché MCO « Cellules » des H145 qui couvrira à terme le MCO pour 12 ans de 40 appareils (voir infra) et dont le coût exact est estimé à 165 millions d'euros par la DGSCGC.

Cette augmentation des AE en fonctionnement porte également sur le financement de la poursuite du système d'alerte et d'information des populations (SAIP), et plus particulièrement l'achat et l'installation d'équipements spécifiques avec 14,5 millions d'euros en AE en PLF 2025 contre 1,3 million d'euros en LFI 2024. En outre, le montant destiné à la location de bâtiments, à savoir 22,5 millions d'euros d'AE en PLF 2025 contre 0,5 million d'euros en LFI 2024, s'avère particulièrement élevé mais il s'explique par la prévision d'engagements pluriannuels.

Par ailleurs, dans l'attente de l'arrivée de nouveaux appareils bombardiers d'eau dans sa flotte patrimoniale, la DGSCGC entend, pour l'année 2025, assurer la disponibilité de moyens aériens suffisants par le recours à la location. Cette pratique a en effet donné la preuve de son efficacité lors des saisons 2023 et 2024. Ainsi, les AE et les CP dédiés à la location d'aéronefs sont portés à 30 millions d'euros pour le PLF 2025.

B. UNE STABILISATION DES DÉPENSES D'INTERVENTION INDISPENSABLE À LA POURSUITE DU RENFORCEMENT CAPACITAIRE DE LA SÉCURITÉ CIVILE

Les dépenses d'intervention ont également été préservées à des niveaux proches de la LFI 2024, avec une évolution à - 7 % en AE et + 2 % en CP, afin de sauvegarder les capacités opérationnelles des acteurs de la sécurité civile.

Ainsi, 48,6 millions d'euros de CP sont prévus pour la dotation de soutien à l'investissement structurant des SDIS servant le financement des pactes capacitaires. Pour rappel, ces derniers visent à renforcer les moyens opérationnels des SIS par l'acquisition de matériels rares ou spécifiques cofinancés par l'État. La LFI 2023 avait prévu 158 millions d'euros d'AE, dont 150 millions d'euros pour les moyens consacrés aux « feux de forêt ». Dans ce cadre, 37,5 millions d'euros de CP ont été consommés en 2023 et 29 millions d'euros de CP devraient l'être de nouveau en 2024.

Trajectoire prévisionnelle des crédits de paiement
afférents aux pactes capacitaires

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

2026

2027

CP

32

29

49

26

22

Source : réponse de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Outre les pactes capacitaires, ces dernières années, le soutien de l'État aux déploiements de moyens opérationnels suffisants s'est concrétisé par le renforcement des colonnes de renfort, manifestation d'une solidarité de plus en plus nationale face à l'extension des risques incendies dans le temps et dans l'espace.

Depuis 2023, la DGSCGC a sensiblement augmenté cette ressource passant de l'équivalent de 30 à 51 colonnes de renfort constituées par les SDIS et identifiées pour être engagées localement (colonnes intrazonales) ou sur tout le territoire (extrazonales).

Les crédits prévus au titre des colonnes de renfort pour l'année 2025, à hauteur de 13,3 millions d'euros en AE et en CP, s'inscrivent ainsi dans le prolongement du renforcement des moyens obtenus en 2023 et 2024.

SECONDE PARTIE
LES PRINCIPAUX ENJEUX DE LA SÉCURITÉ CIVILE

I. DE SON ORGANISATION À SON FINANCEMENT : LE MODÈLE FRANÇAIS DE LA SÉCURITÉ CIVILE EN QUESTION À L'OCCASION DU BEAUVAU DE LA SÉCURITÉ CIVILE

Confrontée à de nouveaux défis, la sécurité civile doit s'adapter aux enjeux d'aujourd'hui et de demain et répondre encore mieux aux besoins de la population. À cet effet, le précédent Gouvernement a lancé les travaux du Beauvau de la sécurité civile, le 23 avril 2024.

Cette grande concertation nationale a vocation à rassembler l'ensemble des acteurs de la sécurité civile autour d'un objectif commun : préserver le modèle de sécurité civile français, ce qui fait sa force, au service des populations, et le faire évoluer pour lui permettre d'affronter les défis de demain.

Les travaux du Beauvau s'organisent autour :

- de grands chantiers thématiques dédiés aux problématiques majeures (« Quelles missions pour la sécurité civile de demain ? », « La gouvernance, le financement et les moyens des acteurs de la sécurité civile », « Une population actrice de sa résilience, un citoyen acteur de la sécurité civile », « Bénévoles, volontaires, professionnels : un modèle de sécurité civile attractif, valorisé et protecteur », « Pilotage et animation du continuum de sécurité civile ») ;

- de rencontres de terrain au coeur des services opérationnels répartis sur l'ensemble du territoire national ;

- d'échanges avec les représentants de l'ensemble des métiers et forces vives de la sécurité civile ;

- d'une grande enquête en ligne accessible à tous les acteurs, les élus et les citoyens eux-mêmes.

Après une suspension des travaux et des consultations du fait de la dissolution de l'Assemblée nationale et du changement de Gouvernement, le 28 septembre dernier, en clôture du congrès national des sapeurs-pompiers à Mâcon, le Premier ministre Michel Barnier a chargé le nouveau ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau de relancer et de mener à terme la concertation du Beauvau de la sécurité civile.

Ce travail de concertation s'inscrit dans la préparation d'un projet de loi pour la fin du premier semestre 2025 qui devra « poser les bases d'un modèle renouvelé », près de 30 ans après la loi de départementalisation des services d'incendie et de secours et 20 ans après la loi de modernisation de la sécurité civile.

Le 31 octobre dernier, le ministre chargé de la sécurité du quotidien, Nicolas Daragon, a confirmé, la relance du Beauvau de la sécurité civile qui aura lieu le lundi 25 novembre, en Normandie.

Le rapporteur spécial sera particulièrement attentif à l'avancement des travaux du Beauvau de la sécurité civile qui suscite des attentes importantes de la part de l'ensemble des acteurs rencontrés et entendus.

II. LE RENFORCEMENT DES MOYENS AÉRIENS EN QUESTION

Le rapporteur spécial a constaté, auprès des acteurs de la sécurité civile interrogés, que les objectifs avancés dans le projet annuel de performances concernant le taux de disponibilité des hélicoptères (95 % contre 63,8 % en 2023) et surtout des avions de la sécurité civile (98 % contre 89,1 % en 2023) paraissent exagérément optimistes au regard de la vétusté croissante de la flotte et des nombreuses immobilisations pour maintenance observées en 2024. Le rapporteur spécial continue donc d'être particulièrement attentif aux efforts mis en oeuvre pour répondre aux impératifs d'adaptation, de modernisation et de renouvellement des moyens aériens.

A. LA POURSUITE DU RENFORCEMENT DE LA FLOTTE D'HÉLICOPTÈRES H145

Le PLF pour 2025 prévoit 100,0 millions de CP consacrés au renouvellement de la flotte d'hélicoptères « Dragons » EC-145. Le remplacement de la flotte vieillissante a en effet été acté dans le cadre de la LOPMI, et avait donné lieu à l'inscription en LFI pour 2023 de 471,6 millions d'euros en AE, destinés à financer la commande de 36 nouveaux appareils de type H145.

Ces nouveaux hélicoptères, dont les 3 premiers seront livrés en fin d'année 2024, remplaceront les 33 « Dragons » composant la flotte actuelle, et s'ajouteront aux 4 H145 déjà acquis entre 2021 et 2022. Ainsi, la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile sera portée à 40 appareils d'ici 2029, ce qui devrait permettre, d'après la DGSCGC, d'armer toutes les bases et détachements de la sécurité civile et de disposer de suffisamment d'hélicoptères dédiés à la formation et au maintien en compétence des équipages.

Comme cela avait été développé par le rapporteur spécial dans son rapport du 5 juillet 2023 sur la flotte d'aéronefs bombardiers d'eau de la sécurité civile5(*), les H145 sont équipés d'une capacité d'emport d'eau, et pourront dès lors être mobilisés, pour la lutte contre les feux de forêt de faible et moyenne envergure, contrairement aux « Dragons » actuels, quasi-exclusivement utilisés pour la réalisation d'opérations de secours.

Calendrier prévisionnel de livraison des hélicoptères H145

(en nombre d'appareils)

 

2024

2025

2026

2027

2028

2029

Total

Livraisons

3

8

8

6

8

3

36

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Au total le besoin de financement, sur la période 2023-2029, est de 449,35 millions d'euros.

Échéancier prévisionnel des crédits consacrés à la livraison
des H145 (susceptible d'évolutions)

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

AE

411,9

2,6

3,7

6,1

8,0

8,5

8,5

CP

0

84,2

100,5

95,3

86,4

56,2

26,8

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

B. UN ÉQUILIBRE À TROUVER ENTRE FLOTTE PATRIMONIALE ET FLOTTE DE LOCATION

1. Un dispositif « feux de forêt » renforcé par la location de plusieurs aéronefs depuis 2022 

En complément de sa flotte aérienne de lutte contre les feux de forêts, la DGSCGC s'est progressivement dotée de moyens bombardiers d'eau auprès d'opérateurs privés. Historiquement, les locations portaient uniquement sur les hélicoptères bombardiers d'eau (HBE) d'une capacité de 3 000 litres, puis à compter de 2022 - véritable tournant dans le renforcement de la flotte aérienne en réaction notamment à des incendies d'une rare intensité sur l'ensemble du territoire -, la DGSCGC s'est tournée vers des moyens héliportés plus légers (1 000 litres) ainsi que vers des avions bombardiers d'eau (ABE).

Ainsi, conformément aux engagements du Président de la République du 28 octobre 2022, la DGSCGC s'est dotée de 15 appareils supplémentaires (10 HBE et 5 avions) pour la campagne 2023, soit 5 de plus par rapport à 2022.

2. Une pérennisation d'un mix entre flotte patrimoniale et flotte de location trouvant désormais une traduction dans la programmation budgétaire 2025

Ce dispositif a été maintenu pour 2024, avec le marché de location des HBE (jusqu'à 10 appareils mobilisables) complété par la location de 6 aéronefs ABE de type Air Tractor dans le cadre d'un marché pluriannuel. Prépositionnés en zone sud-ouest, ces avions sont disponibles de juillet à septembre et peuvent intervenir dans les zones sud-ouest, ouest et sud en renfort des moyens nationaux et territoriaux

Modalités d'engagement des HBE loués par la DGSCGC

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Sur le volet financier, le marché des hélicoptères bombardiers d'eau est fondé d'une part sur des coûts d'immobilisation et d'autre part sur le paiement de la consommation effective des heures de vol, sans forfaitisation de ces dernières, permettant ainsi une dépense au plus juste du besoin réel.

Le coût total des HBE loués s'élevait à 14,4 millions d'euros HT soit 17,2 millions d'euros TTC pour la première année d'exécution du marché en 2023, contre 10,7 millions d'euros TTC pour 2022 (marché et réquisitions incluses). Cette hausse de presque 7 millions d'euros s'expliquait logiquement à la fois par l'immobilisation d'un plus grand nombre d'appareils et par un emploi sur une période plus étendue que l'année précédente. Au 31 juillet 2024, année alors caractérisée par une faible intensité des feux, le coût des HBE représentait un total de 7,5 millions d'euros TTC.

Les estimations des coûts pour 2025 sont de l'ordre de 18,4 millions d'euros TTC, comprenant à la fois la révision des prix du marché et la possible activation des moyens de renfort en dehors de la saison estivale, du 1er octobre de l'année n au 31 mai de l'année n+ 1, comme l'autorise désormais le marché.

Contrairement à l'année dernière, ces estimations des coûts des contrats de location des HBE et des avions légers de type Air Tractor trouvent une traduction budgétaire claire et réaliste dans le PLF 2025 avec 30 millions d'euros d'AE et de CP prévus pour la location d'aéronefs.

3. Articulation entre flotte patrimoniale et flotte de location : une réflexion stratégique et budgétaire de long terme à mener dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile

Les travaux qui seront menés dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile doivent contribuer à la réflexion sur la définition des moyens aériens nécessaires en fonction de l'évolution des risques et l'adaptation de la doctrine qui sera décidée en conséquence.

La réflexion concernant l'intégration dans la flotte de la sécurité civile d'hélicoptères lourds multi-missions (lutte contre les feux de forêt et transport logistique) pour répondre aux catastrophes naturelles pose notamment la question du choix entre des appareils en pleine propriété de l'État, en propriété partagée ou en location.

Le rapporteur spécial a déjà eu l'occasion de souligner les limites du recours à la location d'aéronefs pour renforcer le dispositif, en raison notamment de son coût budgétaire important, et d'éventuelles difficultés d'intégration de ces appareils loués dans le dispositif aérien6(*).

Il convient cependant de prendre en compte les délais importants de fabrication de ces appareils (3 ans) auxquels viennent s'ajouter les délais de contractualisation d'un marché spécifique (18 mois minimum).

En outre, il s'agit d'appareils lourds et les coûts associés à leur acquisition en propre dépassent significativement le seul prix d'achat de l'hélicoptère : contrat pluriannuel de MCO, adaptation des infrastructures (hangars...), création d'ETP (personnel navigants, techniciens...). Ainsi, le coût d'acquisition d'un seul appareil (estimé à d'environ 46 millions d'euros pour un H225 neuf en configuration HBE) associé aux coûts d'exploitation dépasse très largement le coût des locations saisonnières (environ 15 millions d'euros par an comme expliqués précédemment) qui permettent de prépositionner jusqu'à 6 hélicoptères lourds simultanément sur le territoire durant plusieurs mois.

Une demande de subvention a été déposée par la DGSCGC auprès de la Commission Européenne le 15 juin 2023 pour l'acquisition d'un hélicoptère lourd. La demande de la DGSCGC incluait l'infrastructure immobilière, la formation, et les personnels associés pour un montant de 77 millions d'euros. Le retour de cette demande, en novembre 2023, montrait plusieurs inconvénients. Tout d'abord, une part importante des coûts ne pouvait être prise en charge par l'Union européenne, dont la TVA et les infrastructures immobilières. D'autre part, cette acquisition était subordonnée à l'obligation d'un positionnement opérationnel de l'appareil dans le quart nord-est de la France, qui ne correspond pas à la zone de risque critique ni donc à la localisation première du besoin capacitaire au niveau national. Dans ces conditions, la DGSCGC a logiquement été conduite à ne pas donner suite à ce projet.

C. L'ENTRETIEN ET LE RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE DE CANADAIR

La DGSCGC a alerté le rapporteur spécial sur le triple enjeu de préparation entourant le budget 2025 de la sécurité civile et la situation des Canadair : la préparation de la prochaine saison des feux de forêt ; le renouvellement du marché MCO des avions qui arrivera à son terme en 2027 ; le renouvellement de la flotte de Canadair à échéance 2030 - 2035.

1. Des carences inquiétantes et un risque de rupture capacitaire à anticiper en vue de « saisons de feux » de plus en plus étendues

À l'aune du réchauffement climatique, qui étend très au-delà de la seule période estivale l'exposition au risque de feux de forêt, la saison des feux s'étire désormais sur la quasi-totalité de l'année. En ce sens, nombre de schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR) classent le risque feu de forêts en risque courant et non plus en risque exceptionnel, traduisant le besoin d'adaptation de la réponse opérationnelle au dérèglement climatique.

Si les résultats de la campagne 2024 de lutte contre les feux de forêts apparaissent satisfaisants, ils le doivent en partie à une météo clémente.

Aussi, le rapporteur spécial est particulièrement vigilant aux moyens alloués à l'entretien et au renouvellement annoncé de la flotte de Canadair. En effet, les difficultés posées par la vétusté croissante de la flotte de Canadair, conduisent à l'immobilisation d'une partie importante de cette dernière pour cause de panne et de maintenance : à certaines périodes critiques cet été, seuls trois appareils sur douze étaient opérationnels, ce qui a limité fortement leur capacité d'intervention et cela pourrait conduire à l'avenir à une situation de rupture capacitaire en cas de multiplication simultanée de feux d'ampleur.

2. Pallier les insuffisances et anticiper le renouvellement du contrat de maintien en condition opérationnelle en 2027

Lors des auditions menées par le rapporteur spécial, la DGSCGC a reconnu l'existence d'une réelle problématique concernant le marché de maintien en condition opérationnelle de la flotte de Canadair avec l'actuel prestataire Sabena technics.

Les difficultés objectives rencontrées cet été trouvent plusieurs causes.

D'une part, la vétusté des Canadair français s'explique par le vieillissement naturel de la flotte accéléré par une doctrine française de lutte contre les feux de forêts exigeant un régime d'emploi intense des avions bombardiers d'eau. D'autres doctrines et stratégies d'utilisation des appareils existent, comme en Espagne où les écopages plus lents et plus progressifs ménagent les appareils mais contraignent à un rythme de largage plus modéré.

D'autre part, certaines difficultés peuvent se justifier par le profil technique singulier des Canadair. En effet, les MCO des avions DASH et des Beechcraft, dont Sabena technics est également en charge, ne soulèvent pas de question. Le Canadair est un appareil amphibie moins répandu, que son rechargement par affleurement d'un plan d'eau soumet à des exigences opérationnelles lourdes. Il présente donc des caractéristiques techniques complexes susceptibles de rendre le remplacement de ses pièces et son entretien plus délicats.

Enfin, les difficultés susceptibles d'être directement imputables au prestataire Sabena technics, telle que l'incapacité à mobiliser des ressources humaines suffisantes en période estivale, doivent être identifiées et discutées pour être corrigées sans délai. Alors que le contrat court jusqu'en 2027, c'est-à-dire trois saisons de feux, sa dénonciation anticipée représenterait un coût budgétaire certain (indemnisation du prestataire, coût du nouveau contrat), sans garantie d'amélioration significative des résultats.

Fort de ces constats, le nouveau marché de MCO de la flotte d'avions de la sécurité civile qui entrera en vigueur 2027 exige d'être préparé dès à présent et d'y consacrer les moyens adéquats.

3. Le remplacement des 12 Canadair par 16 nouveaux appareils
a) Après les effets d'annonce, un échéancier enfin précisé concernant les deux avions français cofinancés par l'Union européenne

Afin de renforcer sa flotte et initier les perspectives de son renouvellement, la France s'est inscrite dans le mécanisme européen entré en vigueur en 2021 qui prévoit de créer une réserve de sécurité civile européenne (RescEU), dotée de moyens subventionnés par l'Union Européenne, l'état-membre acquéreur s'engageant en contrepartie à les rendre disponibles en cas d'activation du mécanisme.

Au terme d'un long processus entre les 6 pays candidats (France, Espagne, Italie, Croatie, Grèce, Portugal), la Commission Européenne (DG ECHO) et l'entreprise De Havilland Canada - DHC, le lancement effectif de la chaîne de production des nouveaux « CANADAIR » (DHC-515) a été officiellement annoncé le 31 mars 2022, sécurisant ainsi le programme RescUE avec au total une expression de commande pour 22 appareils. L'Europe finance 12 avions DHC-515, soit 2 par pays demandeur. Les 6 États européens, la Commission et l'entreprise ont officiellement signé les contrats à l'été 2024.

En termes budgétaires, les coûts d'acquisition de 2 DHC-515 par pays seront couverts par la Direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes de la Commission européenne (DG ECHO) pour les appareil seuls, soit 98,8 millions d'euros (49,4 millions d'euros par appareil). En revanche, demeure à la charge du programme budgétaire : la TVA à l'importation (23 millions d'euros) ainsi que les frais de douanes (3 millions d'euros) et un lot initial de matériels de rechange et provisions (montant estimé entre 13 millions d'euros et 35 millions d'euros). Dans le cadre de cette commande, le coût total d'acquisition d'un appareil est évalué à environ 62 millions d'euros TTC.

Il convient de préciser que les deux Canadair commandés par la France ne sont pas achetés via la DG ECHO mais bien par la France, dans le cadre d'un cofinancement accordé par la DG ECHO au titre de RescUE. Il est par ailleurs prévu dans le contrat de pouvoir commander des appareils sur financement propre.

Comme l'a rappelé le rapporteur spécial dans son rapport du 5 juillet 2023 précité, la principale source de préoccupation réside dans les délais de livraison incertains de ces Canadair. En effet, ces délais ont été plusieurs fois repoussés depuis l'annonce de cette commande en 2018, en raison notamment de la décision tardive de la société De Havilland de relancer la chaîne de production, faute de commandes suffisantes.

Du fait de la primauté de son contrat de subvention avec la Commission européenne, la France est prioritaire dans le calendrier de livraison des appareils, qui doit cependant tenir compte du niveau d'urgence rencontré dans certains pays, dont la Grèce. Aujourd'hui, selon les prévisions, le premier avion français serait attendu en mars 2028, le deuxième en novembre 2028.

Par ailleurs, le contrat signé par la France avec la société canadienne DHC prévoit en option l'acquisition de 14 appareils de type DHC-515, commandables à l'unité et selon les conditions économiques à la date de la commande. Le coût unitaire de ces appareils serait ainsi plus élevé que ceux commandés via la Commission européenne. La butée contractuelle pour affermir tout ou partie ces appareils optionnels est fixée au 30 juin 2030.

b) Des enjeux de financements et de souveraineté industrielle européenne

Le rapporteur spécial alerte à nouveau sur le risque de non-respect du calendrier pour la livraison des deux premiers Canadair. D'une part, si le calendrier prévoit la livraison des deux appareils à horizon 2028, les difficultés intrinsèques à la remise en marche d'une chaîne de production industrielle de ce niveau laisse d'ores et déjà anticipé des retards et une livraison probable à horizon 2030. En outre, au regard des incendies ravageurs qui ont frappé l'Amérique du Nord cet été, certains acteurs de la sécurité civile craignent que ces délais de livraison soient également retardés par la pression des États et des populations en faveur de la livraison prioritaire de ces Canadair au Canada et aux États-Unis plutôt qu'aux États de l'Union européenne.

Dans ces conditions, le rapporteur spécial partage l'analyse des acteurs de la sécurité civile auditionnés : la France et les pays européens ne peuvent pas être dépendants d'un unique industriel ni d'un unique modèle d'avion. Dans un contexte de besoin croissant d'avions bombardiers d'eau et d'un marché qui s'agrandit, le double enjeu de souveraineté industrielle et sécuritaire est de parvenir à faire émerger un modèle d'avion européen aux caractéristiques similaires au Canadair. En ce sens, la DGSCGC étudie actuellement plusieurs projets industriels européens qui présentent des niveaux de développement et de maturité variables. En septembre 2024, à l'occasion du 130ème congrès national des sapeurs-pompiers de France, la DGSCGC a signé des courriers d'intérêt avec deux industriels aux projets qualifiés de prometteurs : KEPPLAIR et HYNAERO.

Dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile, l'objectif de la DGSCGC est d'établir une stratégie de renouvellement de la flotte ABE d'ici le mois de janvier 2025.

III. LA CONTRIBUTION DE L'ÉTAT AU FINANCEMENT DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS

Il convient en premier lieu de souligner que le financement de la sécurité civile repose essentiellement sur les dépenses locales. Ainsi, le budget consolidé des services d'incendie et de secours (SIS) s'élève en 2022 à 5,6 milliards d'euros7(*), et il est donc près de 7 fois supérieur aux crédits de paiement inscrits sur le programme 161 dans le PLF pour 2025. Les SIS sont en effet financés en très grande partie par les collectivités territoriales, et pour une part prépondérante par les départements (58 %).

Dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile, se poursuivra le travail de concertation que la DGSCGC, en lien avec la direction générale des collectivités locales (DGCL), avait engagé avec Départements de France et l'Association des maires de France (AMF), sur le financement des SIS, et plus particulièrement, sur une éventuelle réforme de la part de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) qui leur est affectée en application de l'article 53 de la loi de finances initiale pour 20058(*). Le rapporteur spécial sera particulièrement attentif aux suites données à ces travaux, dont la traduction législative pourrait avoir un impact significatif sur l'équilibre financier des SIS.

A. LA POURSUITE DES « PACTES CAPACITAIRES » ENTRE L'ÉTAT, LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET LES SIS

1. La concrétisation des pactes capacitaires prévus par la LOPMI et ceux consacrés à la lutte contre les feux de forêt

L'année 2023 a été marquée par la mise en oeuvre de pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens opérationnels des SIS par l'acquisition de matériels cofinancés par l'État.

Annoncés dans le cadre de la LOPMI, les pactes capacitaires devaient initialement être dotés d'une enveloppe totale de 30 millions d'euros sur cinq ans, par l'intermédiaire de la DSIS². La budgétisation initiale du programme 161 pour l'année 2023 prévoyait un montant de 8 millions d'euros en AE et d'1 million d'euros en CP au titre de ces pactes capacitaires.

Pour faire face aux feux de forêts, une enveloppe de 150 millions d'euros en AE et 37,5 millions d'euros en CP a ensuite été ajoutée à cette ligne budgétaire en cours de discussion9(*), à l'initiative du Gouvernement, afin de traduire les annonces du Président de la République du 28 octobre 2022, au lendemain des incendies qui ont frappé le pays au cours de l'été 2022. Ces crédits supplémentaires dédiés aux pactes capacitaires « feux de forêts », doivent permettre aux SIS d'acquérir d'ici à 2027, plus de 1 000 engins et matériels au profit d'une centaine de services métropolitains et ultra-marins. Les premiers véhicules ont été livrés à l'occasion du congrès national des sapeurs-pompiers fin septembre 2024.

La signature de conventions spécifiques entre l'État et les 101 SIS ou établissements publics porteurs de projets a permis d'engager l'intégralité des 150 millions d'euros d'AE en 2023, dont la consommation en CP devait ensuite s'étaler sur 4 ans, de 2023 à 2026. 37,5 millions d'euros de CP ont été consommés en 2023 et versés aux SIS au titre des avances prévues dans le cadre de ce cofinancement. 29 millions d'euros devraient l'être en 2024, et 45,0 millions d'euros de CP sont prévus dans le cadre du PLF 2025, complétés par 3,6 millions d'euros destinés à l'acquisition d'équipements visant à couvrir des risques complexes ou émergents prévus dans le cadre de la LOPMI.

Trajectoire prévisionnelle des crédits de paiement
afférents aux pactes capacitaires

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

2026

2027

CP

32

29

49

26

22

Source : réponse de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Il ressort des auditions du rapporteur spécial certains regrets concernant les modalités de mise en oeuvre des pactes capacitaires : effets d'annonce, commandes uniformisées trop contraignantes, concertation de qualité variable entre élus et préfets de zone, incertitudes sur les délais de livraison, enveloppe relativement faible une fois rapportée au nombre de SIS (1,5 million d'euros) au regard des coûts induits par les interventions lors d'une catastrophe naturelle.

Néanmoins, le rapporteur spécial considère que le principe d'une commande massive d'appareils uniformisés représente en tout état de cause un intérêt opérationnel certain, compte tenu de l'extension géographique du risque incendie et de la multiplication des besoins de colonnes de renfort qui en résulte. Cette uniformisation permettra en effet une appropriation beaucoup plus rapide des matériels par les sapeurs-pompiers lorsque ces-derniers seront amenés à prêter mains fortes à leurs voisins d'autres départements pour faire face à une crise d'ampleur. En outre, cette massification aura permis un double gain par la réduction des délais de production et une négociation à la baisse du prix d'achat des équipements.

2. Le besoin de moyens supplémentaires pour faire face au risque inondation

Outre le danger qu'elles font peser sur les vies humaines, les conséquences des inondations sont multiples et représentent des coûts significatifs pour les particuliers et la collectivité : inaccessibilités des routes, suspension des lignes de transport ferroviaires, destruction d'habitations, fermeture des écoles et des lieux recevant du public, perturbation des activités économiques et chômage technique, pertes sur le secteur agricole et de l'élevage...

Les conclusions de la très récente mission de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024 menée par le Sénat soulignent qu'il existe un consensus scientifique sur le fait que l'augmentation des températures ainsi que l'élévation du niveau de la mer conduiront à une hausse de la fréquence des inondations et des submersions marines dans l'avenir. Sur l'ensemble du territoire français, la sinistralité relative aux inondations pourrait connaître une progression située entre 6 % et 19 % à l'horizon 205010(*).

Or, face aux inondations sans précédent, spécifiquement dans le Nord et le Pas-de-Calais, les services de secours ont été confrontés à leurs limites, nécessitant l'intervention de renforts européens. Le manque d'équipements de pompage lourds et de capacités héliportées a révélé l'impératif d'un renforcement capacitaire (recommandation n° 12 du rapport), qui ne trouve pour l'instant pas de traduction budgétaire dans le PLF 2025.

Les pactes capacitaires, aujourd'hui essentiellement dédiés à la lutte contre les feux de forêt, constituent un dispositif de financement exceptionnel dont l'entièreté des crédits devrait être consommée d'ici 2027.

Cependant, au regard des importantes inondations vécues par notre pays fin 2023 et en 2024, il paraît légitime de réfléchir à la mise en place de dispositifs de financement dédiés au renforcement des moyens de prévention et de lutte contre ce risque, par la voie de pactes capacitaires « inondations » ou par l'achat de moyens mutualisés directement par l'État. En ce sens, la DGSCGC est actuellement en réflexion pour doubler la capacité nationale de pompage haut débit pour faire face aux épisodes climatiques de pluies intenses. En cas d'événement majeur, ces équipements lourds seraient utilisables dans le cadre de la solidarité nationale, afin de pallier les délais inhérents au recours à la solidarité européenne. Cette réflexion sera intégrée dans le Beauvau de la sécurité civile dont le rapporteur spécial suivra avec attention les débats et les conclusions.

B. UNE PARTICIPATION DYNAMIQUE DE L'ÉTAT AU BUDGET DE FONCTIONNEMENT DE LA BSPP EN RAISON D'UN PLAN DE MODERNISATION IMPLIQUANT DES DÉPENSES SUPPLÉMENTAIRES

La contribution de l'État au budget de fonctionnement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) est une obligation légale, prévue par l'article L. 2512-18 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

La contribution de l'État au budget de la BSPP

L'article L. 2512-18 code général des collectivités territoriales indique que les recettes et dépenses de la BSPP sont inscrites au budget spécial de la Préfecture de police. L'article L. 2512-19 de ce même code prévoit notamment une contribution de l'État au budget de fonctionnement de la BSPP, égale à 25 % des dépenses suivantes, inscrites au budget spécial :

- la rémunération des militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, y compris l'alimentation des militaires pendant la durée légale du service ;

- les frais d'habillement, de déplacement, de transport et de mission ;

- les dépenses du service d'instruction et de santé ;

- l'entretien, la réparation, l'acquisition et l'installation du matériel de lutte contre l'incendie, du matériel de transport et du matériel de transmission.

Source : code général des collectivités territoriales

Le dynamisme de cette dépense s'est accéléré avec la mise en oeuvre du plan de modernisation de la BSPP, présenté en 2019, et qui visait notamment à permettre à la brigade de répondre aux enjeux de sécurité posés par les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 organisés à Paris. Ainsi, cette contribution est passée de 87,9 millions d'euros en 2019 à 110,1 millions dans le PLF pour 2025, soit une augmentation de 25,3 % en 6 ans.

Ce plan de modernisation se traduit budgétairement par une enveloppe de 202 millions d'euros répartis sur une période de 10 ans entre 2020 et 2029, et vise plus particulièrement à garantir le renforcement des capacités opérationnelles de la BSPP, l'amélioration des conditions de travail et de vie des pompiers de Paris, et l'acquisition d'équipements technologiques modernes.

Évolution de la contribution de l'État au budget de la BSPP
entre 2019 et 2025

(en millions d'euros et en AE = CP)

Source : réponse de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

IV. DES PROJETS DE MODERNISATION DES OUTILS DE LA SÉCURITÉ CIVILE À DES STADES D'AVANCEMENT VARIABLES

A. NEXSIS 18-112 : UN PROJET ENFIN EN VOIE DE RÉALISATION MAIS FRAGILISÉ PAR DES INCERTITUDES QUANT AUX RESSOURCES ALLOUÉES

1. Après les surcoûts et les dérapages calendaires, un projet enfin en voie de réalisation

Le programme NexSIS est un projet de mutualisation des systèmes d'information des services d'incendie et de secours (SIS). Sa conception, son déploiement et sa maintenance sont assurés par l'agence du numérique de la sécurité civile (ANSC), créée en 2018, et dont la tutelle est assurée conjointement par la direction du numérique (DINUM) et par la DGSCGC du ministère de l'intérieur.

Sur la période 2018 à 2031 (soit quatre années supplémentaires par rapport à la durée du projet présenté au précédent rapport du fait de la prise en compte du maintien en conditions opérationnelles), le coût global du programme est désormais estimé à hauteur de 300 millions d'euros. Ce coût était initialement évalué à 52 millions d'euros, mais il ne prenait en compte que la phase de développement de la solution informatique, et couvrait donc une période beaucoup plus courte, de 2018 à 2022. Déjà en 2020, le coût du programme avait été revu à la hausse pour un montant total de 237 millions d'euros. Malgré les explications de la DGSCGC justifiant ce surcoût, entre autres, par une montée en gamme technique et fonctionnelle de la solution informatique, le rapporteur spécial ne peut se satisfaire de cette erreur d'appréciation de la budgétisation globale du programme.

Coût détaillé du projet NexSIS 18-112

(en millions d'euros)

 

2022
et années précédentes

2023
Exécution

2024
Prévision

2025
Prévision

2026
et années suivantes

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Hors titre 2

60,39

49,89

25,93

26,86

36,0

34,00

35,50

37,50

118,20

127,77

276,02

276,02

Titre 2

4,49

4,49

1,20

1,20

2,00

2,00

2,80

2,80

13,49

13,49

23,98

23,98

Total

64,88

54,38

27,13

28,06

38,00

36,00

38,30

40,30

131,69

141,26

300,00

300,00

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le déploiement de NexSIS devrait permettre, par la mutualisation des systèmes d'information des SIS, une meilleure coordination de leurs actions, mais aussi, la réalisation d'économies substantielles, estimées dans le projet annuel de performances (PAP) annexé au PLF à 12,4 millions d'euros par an. Outre ce gain financier, le gain qualitatif bénéficiera aux usagers et aux services de traitement de l'alerte des SIS, en facilitant l'accès au secours et le traitement des communications, ainsi qu'à l'État grâce à un pilotage administratif de l'activité des SIS simplifié.

Dans son rapport sur le programme « Sécurité civile » présenté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur spécial avait mis en lumière un retard important dans le déploiement du programme NexSIS 18-112 au sein des premiers SIS, initialement programmé pour l'année 2021, mais perturbé par plusieurs facteurs, tels que la complexité de certaines opérations de développement, l'impact de la crise du Covid-19 sur l'organisation des travaux, ou les difficultés d'approvisionnement en composants informatiques liées à la persistance de la crise sanitaire et à la guerre en Ukraine.

L'ANSC avait alors indiqué lors de son audition par le rapporteur spécial que cette accumulation de retards avait fragilisé la crédibilité de l'agence vis-à-vis des SIS, et par conséquent, leur adhésion au projet.

Après une année 2023 annonçant la concrétisation du dispositif, l'année 2024 marque enfin l'entrée dans une « dynamique vertueuse de basculement progressive des SDIS vers la plateforme NexSIS 18-112 » d'après la DGSCGC entendue en audition par le rapporteur spécial.

En tout état de cause, le rapporteur spécial a pu désormais percevoir lors de ses auditions un certain enthousiasme de la part de l'ensemble des acteurs de la sécurité civile pour ce projet, dont l'intérêt opérationnel semble désormais faire l'unanimité.

2. Des incertitudes persistantes sur les ressources de l'ANSC et le rythme de déploiement complet du programme dans les SDIS

En 2024, le coût global du programme sur une période allongée est estimé à hauteur de 300 millions d'euros, soit 150 millions d'euros au titre de la construction des solutions NexSIS 18-112 et SECOURIR et 150 millions d'euros au titre de leurs fonctionnements, devant faire l'objet d'un financement réparti entre les deux partenaires financiers de l'ANSC : l'État pour 100 millions d'euros et les services d'incendie et de secours pour 200 millions d'euros.

Le présent calendrier 2018-2031 (déploiement exhaustif de la solution NexSIS 18-112 à fin 2027 au sein des 100 SIS) est établi selon ce modèle de financement : soit 37 millions d'euros en 2025 en crédits de paiement et 24 millions d'euros en moyenne par an sur la période 2026-2031.

Ce modèle de financement requiert également la participation financière au titre du préfinancement des SIS. Or, celle-ci demeure toujours précaire en raison des engagements pris au cours des exercices précédents et des engagements à venir susceptibles d'être remis en cause du fait des contraintes financières qui pèsent également sur ces établissements.

De ce fait, la programmation des crédits correspondants aux besoins de financement annuels de l'ANSC apparaît nécessaire afin de conserver la dynamique du programme. Tout ralentissement d'activité de développements et de déploiement du programme engendrerait en effet un décalage de recettes (les SIS non pourvus de la solution NexSIS 18-112 ne verseraient pas leur contribution à l'ANSC au titre de l'utilisation de l'outil ; les SIS seraient pour certains tenus de prolonger pour une période leurs équipements auprès de leur actuel prestataire provoquant également une perte de financement potentiel pour l'ANSC) et un accroissement de charges.

Or, le rapporteur se fait l'écho des doutes qui lui ont été partagés quant au réalisme des objectifs d'une première mise à l'épreuve du réel dans 50 SIS et d'un déploiement complet dans une vingtaine de SIS en 2025 fixés par le PAP annexé au PLF. Ces objectifs apparaissent en effet compromis si le plafond d'ETPT de l'ANSC n'est pas relevé et si les fonds alloués par l'État diminuent de 16,6 millions d'euros d'AE et de CP en 2024 à 9,5 millions d'euros en 2025.

B. LA VIGILANCE CONTINUE DU RAPPORTEUR SPÉCIAL À L'ÉGARD DE CERTAINS PROJETS DE MODERNISATION NON FINANCÉS PAR LE PROGRAMME 161

1. Le projet FR-Alert, nouveau volet mobile d'alerte et d'information des populations : des défaillances constatées, des responsabilités à assumer

Le système FR-Alert, dont la création a été annoncée par le ministre de l'intérieur en septembre 2020, vise à doter les services intervenant dans le champ de la sécurité publique et de la sécurité civile d'un système de diffusion d'alerte via la téléphonie mobile. Il doit ainsi permettre de compléter le système d'alerte et d'information des populations (SAIP) et son volet « sirènes ».

Ce projet a également vocation à mettre la France en conformité avec la directive européenne du 11 décembre 201811(*), qui prévoit l'obligation pour les États de l'Union européenne de se doter d'un système d'alerte par téléphone d'ici juin 2022.

Le dispositif FR-Alert comprend :

- pour les autorités publiques, un portail numérique de diffusion des alertes, à vocation multicanale ;

- pour les opérateurs de communication électronique, la mise en oeuvre dans leur réseau respectif de deux technologies de diffusion des messages d'alerte : la diffusion cellulaire (Cell Broadcast) et la diffusion de SMS géolocalisés (LB SMS), avec le remboursement par l'État des investissements effectués à ce titre.

Le coût total du programme FR-Alert a été évalué à 50 millions d'euros. Au titre de l'exercice 2024, un budget (hors T2) de 3 millions d'euros est inscrit au financement de la poursuite du produit FR-Alert. L'essentiel est consacré au principe de « juste rémunération » des opérateurs pour les investissements nécessaires dans leurs infrastructures au bénéfice du système d'alerte.

À compter de 2025, un budget annuel socle de 2,5 millions d'euros est nécessaire et permettra de progressivement compléter, puis de finaliser la sécurisation et la résilience du dispositif, principalement dans les régions ultra-périphériques en premier lieu, puis dans les pays et territoires d'Outre-mer en second lieu. Il s'agira ensuite d'engager une diversification des canaux de diffusion afin de répondre aux besoins de certains évènements ou pour étendre fonctionnellement le dispositif par le service européen EWSS (Emergency Warning Satellite Service) de Galileo dont le ministère de l'intérieur a participé à la préfiguration en juin 2023.

Le rapporteur spécial s'inquiète des graves dysfonctionnements constatés récemment. Le 17 octobre 2024, un épisode cévenol d'une grande intensité a frappé différentes régions françaises entrainant des inondations, notamment en Ardèche. Face à cette situation, les autorités ont déclenché le dispositif FR-Alert. Le message envoyé aux smartphones des habitants via le dispositif leur demandait de rentrer chez eux avant 18 heures, de couper l'eau, le gaz et l'électricité par sécurité. Cependant, de nombreux destinataires, abonnés de l'opérateur mobile Free, ont témoigné ne pas avoir reçu les notifications, ou alors plusieurs jours plus tard. D'autres utilisateurs en ont été destinataires alors qu'ils n'étaient pas dans la zone concernée. L'opérateur Free avait déjà rencontré des carences en janvier dernier, lors d'un test d'alerte au tsunami. Alors que la responsabilité de l'opérateur Free semble certaine, la cause exacte de ce dysfonctionnement, qui reste aujourd'hui inconnue, devra être identifiée. En effet, le récent épisode de « goutte froide » qui a touché la région de Valence en Espagne a montré les conséquences de messages d'alerte envoyés trop tardivement aux populations.

2. L'expérimentation du numéro unique d'appel d'urgence face à des blocages politiques

Les acteurs de la sécurité civile préconisaient depuis plusieurs années de façon unanime un développement de plateformes communes d'appels d'urgence, adossées à un numéro unique pour la réception de ces appels.

L'article 46 de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels a concrétisé cette demande en prévoyant l'expérimentation pour deux ans d'un numéro unique d'appel d'urgence, et qui pourrait conduire à sa généralisation sur l'ensemble du territoire à l'issue de ce délai.

Cependant, deux ans après une première alerte du rapporteur spécial, et malgré des retours positifs dans les départements où des dispositifs de numéro d'urgence commun préexistent, les textes d'application pour la mise en oeuvre de l'expérimentation se font attendre. Le rapporteur constate une inertie règlementaire à contrecourant des moyens budgétaires et humains consacrés à la mise en oeuvre d'un dispositif qui a démontré ses preuves chez plusieurs pays voisins.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Sécurités » et donc du programme 161 « Sécurité civile ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 6 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial, sur le programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ».

M. Claude Raynal, président. - Nous en venons maintenant à l'examen des rapports sur la mission « Sécurités ». Nous entendrons d'abord M. Bruno Belin pour les programmes « Gendarmerie nationale », « Police nationale », « Sécurité et éducation routières » et le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » (CAS « Radars »), puis M. Jean-Pierre Vogel pour le programme « Sécurité civile ».

M. Bruno Belin, rapporteur spécial de la mission « Sécurités ». - Je ne fais pas planer le suspense : je vous proposerai d'adopter les crédits de la mission « Sécurités ».

Présenter le budget pour 2025 donne l'occasion de revenir sur l'exercice 2024. Celui-ci aura été particulier sous l'angle de la sécurité, tant pour les personnels de la gendarmerie que pour ceux de la police. Nous avons évidemment en tête les jeux Olympiques et Paralympiques. D'autres événements ont également mobilisé nos forces de l'ordre : les quatre-vingtièmes anniversaires des débarquements de Provence et de Normandie et de la libération de Paris.

Arrêtons-nous un instant sur les jeux Olympiques et Paralympiques. Nous n'en connaissions, un temps, pas le coût exact. Nous disposons désormais de chiffres de plus en plus précis, bien qu'encore provisoires.

Pour leur sécurisation, les jeux ont mobilisé jusqu'à 35 000 policiers et gendarmes. Leur réussite tient non seulement à la ferveur populaire qui les a accompagnés et aux résultats sportifs, mais aussi à une sécurité sans faille, toute à l'honneur de l'ensemble des forces de sécurité qu'elle a impliquée.

La gendarmerie avait d'abord annoncé un coût de 60 millions d'euros, pour la part qui lui revenait en 2024. Nous savons aujourd'hui que le coût pour la police nationale est d'environ 814 millions d'euros, sur la période 2020-2024. En ce qui concerne la gendarmerie, en retenant une période de trois années prenant en compte la préparation des jeux, nous aboutissons à environ 327 millions d'euros. Cela nous permet de dire que la sécurité des jeux a représenté un coût total de l'ordre d'un peu plus de 1,1 milliard d'euros, pour ce qui concerne la police et la gendarmerie nationales.

D'autres événements encore ont pesé en 2024 sur les personnels et les budgets de la sécurité. Je pense à ce qui s'est passé et continue de se passer en outre-mer.

Plus de 3 000 personnels sont intervenus en Nouvelle-Calédonie en renfort des effectifs présents sur place, pour un coût de 155 millions d'euros, réparti à hauteur de 125 millions pour la gendarmerie et de 30 millions pour la police. Un seul chiffre surprend quand on le découvre : l'envoi en avion Antonov, de Châteauroux à Nouméa, de deux véhicules d'intervention Centaure de la gendarmerie représente un coût de 3 millions d'euros ; et on en a envoyé seize en tout... La Martinique a également nécessité la mobilisation de moyens. À Mayotte, la situation a, de même, conduit à mobiliser des forces de sécurité importantes.

Un autre fait d'actualité récent concerne les impayés de loyers de la gendarmerie. Nous avons demandé des précisions lors des auditions que nous avons menées. Derrière, des collectivités ont en effet besoin d'obtenir les flux de trésorerie correspondants. Le rattrapage doit s'effectuer d'ici à la fin de l'année 2024 ouverture de crédits est nécessaire dans le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG).

Quant aux primes qui avaient donné lieu à des engagements avant les jeux Olympiques et Paralympiques pour les gendarmes, elles seront payées avec les salaires de décembre prochain, là encore si une ouverture de crédits est prévue à cet effet dans le PLFG.

L'année 2025 se situera dans la continuité de 2024, avec des éléments de continuité. On retrouve dans la mission « Sécurités », portée à un peu plus de 25 milliards d'euros, une progression inscrite dans la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Pour les forces de sécurité intérieure, la progression bénéficie un peu plus à la gendarmerie qu'à la police.

On y trouve ensuite quelques enjeux bien ciblés. Le Président de la République a annoncé la création de 239 nouvelles brigades de gendarmerie, dont le nombre a ensuite été ramené à 238 . Il va falloir non seulement les monter, mais aussi les doter en effectifs. En 2025, ce sont 57 nouvelles brigades de gendarmerie qui doivent voir le jour. Et ce n'est pas tant la question de l'immobilier qui posera un problème : les collectivités susceptibles d'accueillir ces unités semblent motivées et sollicitent les bailleurs sociaux. La question est davantage celle de la dotation de ces brigades en effectifs.

Le schéma d'emplois attendu initialement était de 500 nouveaux équivalents temps plein (ETP) pour la gendarmerie et de 356 postes pour la police nationale. Plus rien, désormais, n'est prévu en 2025 de ce point de vue. Ce sera, bien évidemment, une difficulté. Faudra-t-il procéder à des redéploiements ? Je m'en entretiendrai dans les prochains jours avec le nouveau directeur général de la gendarmerie nationale. Mais il ne sera pas possible de faire autant avec moins d'effectifs que prévus.

Les militaires de la gendarmerie sont par ailleurs particulièrement sollicités depuis plusieurs mois pour des transfèrements de détenus, après le double assassinat de deux fonctionnaires de l'administration pénitentiaire survenu à un péage de l'Eure, tandis que trois autres agents ont été grièvement blessés. Nous avons aussi vu, à la fin de la semaine dernière, des départements comme l'Ardèche et la Vienne confrontés à des réalités criminelles terribles.

En ce qui concerne la police aux frontières, la création de nouveaux centres de rétention administrative (CRA) a été décidée par le précédent Gouvernement, puis confirmée par le Gouvernement actuel. Certains verront prochainement le jour. Ils nécessitent des moyens humains. Le nouveau ministre de l'Intérieur a donné, à ce sujet, des directives très claires. On voit que les flux de migrants continuent du sud au nord, depuis les Pyrénées ou les Alpes jusqu'à la Manche. Ils mettent très fortement à contribution la police aux frontières, dont les moyens sont donc appelés à devoir augmenter.

La mission « Sécurités » inclut également des crédits pour la sécurité routière. Dans ce domaine, on peut se réjouir de la légère baisse du nombre des décès sur la route. Métropole et outre-mer confondus, il y a eu un peu moins de 3 400 décès en 2023. Mes échanges avec la déléguée interministérielle à la sécurité routière m'ont laissé l'impression que nous avions atteint un niveau en-dessous duquel il sera difficile de descendre. Nous peinons à obtenir une diminution du nombre des accidents liés à la consommation d'alcool ou de stupéfiants.

Ce qu'on appelle le CAS « Radars » collecte les encaissements de verbalisations et les procès-verbaux électroniques, notamment - mais pas seulement - des 4 700 radars disposés le long de nos routes. Le rendement total des amendes affectées au CAS « Radars » est en progression, et s'établirait à 2,2 milliards d'euros en 2025. Ce montant fait l'objet d'une redistribution, pour un peu moins d'un quart en vue du fonctionnement du système, pour un tiers en direction des aménagements et travaux de sécurité routière des collectivités territoriales, et pour un autre tiers aux fins de contribuer au désendettement de l'État. D'autres affectations, plus marginales, sont également prévues.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la mission « Sécurités ». - Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit une dotation de 861 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 831 millions d'euros en crédits de paiement (CP) sur le programme « Sécurité civile », ce qui représente une baisse modérée de 5 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2024. Pris dans sa globalité, le budget de la sécurité civile apparaît donc relativement stable.

Passé cette observation, deux éléments sont à retenir dans l'analyse des crédits.

Premièrement, les crédits d'investissement sont en baisse de presque 90 % en AE et de 30 % en CP. Cette diminution est à nuancer pour deux raisons. D'une part, le niveau d'investissement est extrêmement variable d'une année sur l'autre en fonction des commandes d'aéronefs. Or le renouvellement de la flotte d'avions bombardiers d'eau est reporté à l'horizon de 2030. D'autre part, la LFI 2024 avait prévu d'importants crédits d'investissement pour la création d'une nouvelle unité terrestre ainsi que pour la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Cela me permet d'ailleurs de saluer le travail formidable accompli par l'ensemble des acteurs de la sécurité civile, professionnels et bénévoles, lesquels ont démontré l'efficacité et la résilience du modèle français de sécurité en cette année olympique.

Deuxièmement, la baisse modérée des crédits ne remet pas en cause les capacités opérationnelles de la sécurité civile, du moins à court terme. Le PLF 2025 prévoit ainsi des crédits importants pour la location d'aéronefs, pour le financement des pactes capacitaires ou encore pour le renforcement des colonnes de renfort, autant de moyens indispensables à la mise en oeuvre d'une solidarité nationale face à la double extension temporelle et géographique des risques de catastrophes naturelles.

J'en viens aux enjeux thématiques du programme.

Le sujet des capacités opérationnelles m'amène à évoquer la situation de la flotte d'aéronefs de la sécurité civile.

Si la saison des feux de forêt de l'année 2024 a été sous contrôle, je tiens ici à souligner le caractère heureux de cette réussite. En effet, l'hypermobilisation des agents par les jeux Olympiques, doublée d'un taux de disponibilité anormalement bas des appareils bombardiers d'eau, aurait pu mener à des scénarios bien plus malheureux en cas de fortes chaleurs, avec un risque de rupture capacitaire.

Dans ce contexte, trois points retiennent l'attention quant aux moyens aériens.

Tout d'abord, le renouvellement de la flotte d'hélicoptères se poursuit au rythme prévu, avec la livraison des trois premiers modèles H145 avant la fin de 2024. Le calendrier de livraison de 36 appareils d'ici à 2029 devrait donc être respecté.

Ensuite, le budget 2025 consacre la pérennisation de crédits dédiés à la location d'aéronefs. Dans le PLF 2025, 30 millions d'euros d'AE et de CP permettront la location de dix hélicoptères et de six avions. Dans l'attente de la livraison d'appareils neufs, et face à des saisons de feux d'intensité variable, la location offre une solution viable d'un double point de vue budgétaire et opérationnel.

Enfin, je ne vous cache pas une certaine inquiétude sur l'entretien et le renouvellement de la flotte française de douze canadairs. Ce renouvellement continue d'être repoussé dans le temps, après avoir été promis à l'échéance de 2027. Un contrat avec un industriel canadien a finalement été conclu via la Commission européenne cet été, mais les deux premiers appareils destinés à la France ne devraient être livrés qu'en 2030. Il faut donc composer avec la flotte existante pendant encore au moins cinq à dix ans. Or cette flotte est vieillissante, ce qui contraint à ménager les appareils et conduit à complexifier leur entretien, voire impose de faire évoluer la doctrine française de lutte contre les incendies.

Cependant, les moyens de la sécurité civile ne se résument pas aux aéronefs. Un deuxième sujet thématique est celui des pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens opérationnels des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) par l'acquisition de matériels, notamment des véhicules, cofinancés par l'État. À la suite des incendies de 2022, une enveloppe additionnelle de 150 millions d'euros en AE avait été inscrite dans le PLF pour 2023, afin de faire face aux feux de forêt.

La promesse semble aujourd'hui tenue : 37 millions d'euros de CP ont été consommés en 2023, 29 millions d'euros devraient l'être en 2024, et 45 millions d'euros de CP sont prévus pour 2025, tandis que les premiers véhicules ont été livrés le mois dernier.

Malgré des retards et certaines critiques, ces pactes sont source de satisfaction. Dans un contexte de contrainte budgétaire, la mutualisation des commandes au niveau national a permis de peser sur les industriels et de faire baisser le prix des équipements d'environ 30 %.

Je souligne que les pactes capacitaires, aujourd'hui essentiellement dédiés à la lutte contre les feux de forêt, constituent un dispositif de financement exceptionnel dont l'entièreté des crédits devrait être consommée d'ici à 2027.

Or d'autres défis capacitaires s'imposent à nous, et les travaux du Sénat l'ont démontré.

Les conclusions de la très récente mission de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et en 2024, menée par nos collègues Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux, soulignent le fait que le changement climatique conduira à une hausse de la fréquence des inondations. Or, face à des inondations sans précédent, les services de secours ont été confrontés à leurs limites, nécessitant l'intervention de renforts européens bienvenus, mais avec des délais trop longs au regard de l'urgence des situations. Il paraît donc légitime de réfléchir à la mise en place de dispositifs de financement consacrés au renforcement des moyens de prévention et de lutte contre ce risque, par la voie de pactes capacitaires « inondations » ou par l'achat de moyens mutualisés directement par l'État.

Le sujet des inondations m'amène à celui de la modernisation des dispositifs des systèmes d'information, de communication et d'alerte de la sécurité civile.

De fait, les inondations dramatiques qui ont touché la région de Valence en Espagne la semaine dernière montrent l'impératif de disposer d'outils de communication et d'alerte à la population pleinement fonctionnels. Je reste donc attentif à l'évolution des projets de modernisation comme NexSIS, FR-Alert, ou encore de mise en place d'un numéro unique d'urgence, qui nécessitent financements publics, mise à l'épreuve du réel et volonté politique.

En ce qui concerne FR-Alert, une remarque sur les dysfonctionnements relevés le 17 octobre dernier en Ardèche avec l'un des opérateurs téléphoniques, Free. Avec cet opérateur, l'alerte n'a pas toujours été lancée, ou l'a été avec plusieurs jours de retard, ou l'a été auprès de populations qui n'étaient pas concernées par le secteur du sinistre. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) semble n'y être pour rien ; seul l'opérateur téléphonique paraît avoir été défaillant. Une enquête est en cours ; nous en saurons plus dans les semaines à venir.

Je conclurai sur la question de la volonté politique, en relevant que le Beauvau de la sécurité civile, engagé par le Gouvernement précédent, puis interrompu à la suite de la dissolution, reprendra finalement à la fin du mois. Ce cycle de concertation nationale s'achèvera au printemps 2025, avec à terme un projet de loi ambitieux qui devra « poser les bases d'un modèle renouvelé », près de trente ans après la loi de 1996 de départementalisation des services d'incendie.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, je vous propose d'adopter les crédits du programme « Sécurité civile ».

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Pour résumer la situation de la gendarmerie nationale dans le PLF 2025, je dirai qu'elle n'est ni terrible ni exceptionnelle et qu'elle aurait pu être pire, vu le contexte contraint en matière de finances.

La gestion du budget de 2024 s'est avérée assez compliquée pour la gendarmerie. Deux raisons à cela : le problème de loyers non honorés et la survenue des événements de Nouvelle-Calédonie, qui a conduit à projeter sur place des moyens humains et matériels, pour un coût global évalué entre 130 et 150 millions d'euros.

J'évoquerai devant vous cinq points.

Premièrement, comme chaque année, l'immobilier apparaît comme une difficulté majeure pour nos armées, quelles qu'elles soient, et pour nos gendarmes en particulier. Nous avions chiffré à un montant de 300 à 400 millions d'euros le budget annuel nécessaire afin d'entretenir les bâtiments et de créer des brigades neuves. À cet égard, 2024 a été une année catastrophique. Nous observons une augmentation des crédits pour 2025, mais nous resterons loin de l'objectif, avec des CP de l'ordre de 175 millions d'euros pour ce qui concerne l'investissement.

Deuxièmement - et c'est un point qui revient également tous les ans -l'achat des véhicules légers, indispensables à l'exercice par les gendarmes de leurs missions. Le besoin annuel de renouvellement de leur parc avait été estimé à 3 750 véhicules. Année décidément noire pour la gendarmerie, après une année 2023 elle-même assez médiocre, 2024 a vu l'acquisition de seulement 180 véhicules. En 2025, on pourrait apparemment acquérir 1 780 véhicules. Cette augmentation ne permettra cependant pas de rattraper le retard pris au cours des deux exercices antérieurs.

Troisièmement, et il faut y être extrêmement vigilant, on observe dans toutes les armes, notamment dans la gendarmerie, de petites difficultés de recrutement - quoique dans une moindre mesure qu'en 2023 - et surtout un problème de fidélisation des effectifs. Depuis environ trois ans, les gendarmes quittent de plus en plus leurs fonctions avant les dix-sept ans requis pour toucher une demi-pension. Ce phénomène s'amplifie d'une année sur l'autre.

Quatrièmement, la réserve opérationnelle se révèle indispensable au bon fonctionnement de la gendarmerie, particulièrement en période estivale. Or, en 2025, une réduction de 15 millions d'euros s'annonce dans les crédits qui doivent lui être alloués.

Cinquièmement, il faudra surveiller de très près la création de nouvelles brigades, annoncée à grand renfort de communication. Apparemment, le mouvement se ralentit. En ce qui concerne les brigades fixes, la gendarmerie se repose sur les collectivités territoriales pour obtenir des bâtiments. Compte tenu notamment de ce qui vient de se passer, avec l'absence de versement de loyers, ces dernières semblent moins promptes à s'engager. En outre, la question se pose de l'effectif des nouvelles brigades.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ma première question concerne les nouvelles brigades de gendarmerie. J'entends qu'il existe un certain nombre de difficultés, tant en matière de recrutement que sous l'angle de l'immobilier. Le rapporteur spécial peut-il nous faire le point de la situation ?

Je reste très attaché à ce que, sur ce sujet, l'État assume la mission régalienne qui est la sienne. Il convient de ne pas demander trop systématiquement aux collectivités de porter des projets qui ne ressortissent pas véritablement à leur compétence. D'une part, cela remet en cause le modèle d'une fonction régalienne ; d'autre part, les collectivités se retrouvent en porte-à-faux, quand on leur demande, dans le même temps, des efforts budgétaires supplémentaires.

Ma seconde question porte sur le CAS « Radars ». Il me semble qu'il est prévu, à compter de 2025, une source de financement complémentaire en direction de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai). Qu'est-ce qui la motive ? Est-elle temporaire ?

M. Éric Jeansannetas. - Monsieur Belin, votre présentation des crédits de la mission « Sécurités » n'est-elle pas déjà caduque ? On nous annonce pour vendredi prochain, à Marseille, celle du plan de lutte contre le narcotrafic, un plan issu des travaux de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier dont nos collègues Étienne Blanc et Jérôme Durain étaient respectivement rapporteur et président... Avec quels moyens luttera-t-on ? Vous nous dites que le schéma d'emplois équivaut à zéro et vous posez la question d'un éventuel redéploiement. Quels crédits complémentaires affectera-t-on à la police judiciaire, l'acteur principal des enquêtes sur le narcotrafic ? Nous constatons plutôt une inscription en baisse de plus de 8 %.

Nous connaissons la force et la vigueur des propos du ministre Bruno Retailleau ; mais ne va-t-il finalement pas combattre avec peu de moyens supplémentaires, alors que la situation en requiert beaucoup ? Les maires confrontés à de très grosses difficultés demandent davantage d'effectifs de policiers et le renforcement des commissariats dans leurs villes.

En 2020, un travail a abouti à la publication d'un Livre blanc sur la sécurité intérieure. Nous n'étions pas tous d'accord sur ses propositions, mais il proposait une redéfinition des zones de compétence, à la fois de la gendarmerie et de la police nationale. N'est-il pas temps de regarder comment tout cela peut fonctionner, en renforçant nos structures de sécurité intérieure ?

M. Marc Laménie. - Merci à nos deux rapporteurs spéciaux ainsi qu'au rapporteur pour avis, qui a en partie répondu à mes interrogations sur les recrutements de jeunes gendarmes ou de jeunes policiers et sur la difficulté à fidéliser les effectifs. Avons-nous une idée du nombre de postes vacants ?

Mme Nathalie Goulet. - Ma question concerne le moral des troupes. Le Sénat a commis un rapport sur l'état psychologique, notamment, des gendarmes. Dans l'Orne, nous déplorons le suicide récent d'un jeune gendarme. Quels moyens ont été dédiés au soutien psychologique de nos gendarmes, qui sont mis à rude épreuve ?

M. Laurent Somon. - Je me réjouis d'abord de l'augmentation des CP prévus pour 2025 à destination de la gendarmerie. C'est nécessaire à l'attractivité de ces métiers, notamment en milieu rural.

En revanche, je m'inquiète au sujet de la police, puisque les annulations de crédits de février 2024, à hauteur de 134 millions d'euros, posent des problèmes pour les nouvelles constructions programmées et provoquent des retards de paiement. Il semble que les entreprises construisant actuellement des commissariats soient confrontées à des difficultés de trésorerie, qui empêchent l'État d'honorer les factures dues et les échéances prévues.

Sur la sécurité routière, le décret du 8 mars 2024, pris à la suite de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS), précise les conditions dans lesquelles les collectivités locales peuvent installer ou demander l'installation de radars automatiques. Des installations sont-elles intervenues ? A-t-on une idée de ce que souhaitent les collectivités face à une sécurité routière qui se dégrade ?

M. Stéphane Sautarel. - En matière d'immobilier de la gendarmerie, le rattrapage des loyers dus a été évoqué. Je n'ai cependant pas bien compris si un espoir existe que la situation se rétablisse dès la fin de 2024, ou s'il faudra attendre 2025.

En second lieu, j'insiste beaucoup pour que le programme annoncé sur la création de nouvelles brigades de gendarmerie puisse être déployé. Les crédits relatifs au personnel ne sont pas toujours immédiatement nécessaires ; il faut en effet parfois construire avant de doter les brigades en moyens humains. Il importe en revanche que de telles opérations immobilières, qui souvent reposent sur des bailleurs sociaux, soient confirmées et engagées dans les délais prévus, afin que les brigades puissent rapidement voir le jour sur les territoires.

M. Vincent Delahaye. - Deux questions adressées à nos rapporteurs, que je remercie pour leur travail.

La première porte sur l'augmentation de 4,2 %, soit près de 1 milliard d'euros, du budget de la police et de la gendarmerie nationales. J'imagine qu'elle intègre les dépenses exceptionnelles en lien avec l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques qui ont dû être réalisées en 2024, c'est-à-dire que la hausse atteindrait en réalité 2,1 milliards d'euros en 2025. À quoi cette somme est-elle consacrée ?

La seconde a trait aux amendes. Je note une augmentation de leurs produits de 12,3 %. À quoi est-elle due ? Les recettes attendues ne sont-elles pas l'expression d'une prévision plutôt optimiste ?

M. Grégory Blanc. - Si l'on voit bien une augmentation des crédits du volet sécurité sous l'angle des outils de répression, on relève leur diminution sous celui des secours à la personne. C'est assez symptomatique. Quelques millions d'euros manqueront aux pompiers.

Je partage les alertes du rapporteur spécial Vogel, mais évidemment pas sa conclusion quand il nous invite à voter le budget de la mission, qui plus est à l'aube d'évolutions climatiques et alors qu'on demande aux collectivités de supporter près de la moitié des 25 milliards d'euros de l'effort attendu. Un double problème de financement et d'organisation tant humaine que matérielle des Sdis va se poser. Alors que le Beauvau de la sécurité civile est sur le point de s'ouvrir, comment renouvellera-t-on leurs équipements et investira-t-on dans les nouvelles technologies, en particulier l'intelligence artificielle (IA) ?

Si l'État baisse ses crédits, comment soutiendra-t-on l'effort supplémentaire ? Cela signifie-t-il qu'il faille augmenter ou revoir l'assiette de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) ?

M. Olivier Paccaud. - Je reviens sur la problématique des nouvelles brigades fixes et mobiles de gendarmerie. M. Paul a parlé à leur sujet d'une annonce à grand renfort de communication.

Des chiffres précis les concernent : 239 unités, 80 dès 2024, seize dans les Hauts-de-France, dont sept mobiles. Or il me semble que, dans cette région, une seule est actuellement en place. Dans l'Oise, il devait y en avoir trois, dont une mobile ; on ne l'y trouve pas. Confirmez-vous ce chiffre de 80 ?

M. Bruno Belin, rapporteur spécial. - 80 nouvelles brigades de gendarmerie seront opérationnelles à fin 2024. Ces brigades sont soit fixes, soit mobiles, c'est-à-dire itinérantes. Sur la feuille de route de 2025, 57 autres sont prévues, mais il y a le problème des effectifs dont je parlais précédemment.

La question des loyers nous est évidemment posée. Formellement, la réponse consiste à dire qu'elle devrait être réglée avec le PLFG, si l'ouverture de crédits est suffisante. Je viens d'apprendre qu'il a été présenté ce matin en conseil des ministres.

La difficulté de paiement touche tout de même 5 079 emprises. Le règlement des loyers restaurera la confiance, ce qui est indispensable, car on ne saurait maintenir pendant des mois une dette de la gendarmerie à l'égard des collectivités. La première y perdrait sa crédibilité.

Or, nous avons préconisé des recours aux partenariats public-privé sur de très grosses opérations. Évidemment, les investisseurs privés craindront eux-mêmes de n'être pas payés si on ne règle pas ce problème. Je pense à des opérations indispensables, reportées depuis des années, et qu'il est grand temps d'engager, si l'on veut aussi fidéliser les effectifs de la gendarmerie.

En définitive, c'est notre crédibilité collective qui est en jeu. Nécessaire à la réalisation de ces opérations, elle passe par un apurement des impayés de loyers.

S'agissant du moral des troupes, il s'accommode mal d'immeubles des années 1970 mal entretenus. Je l'ai constaté à Dijon, au cours d'un déplacement, où un code de bonne conduite très exigeant a dû être instauré dans ce type d'immeubles en raison de l'absence de toute isolation phonique qui y prévaut.

La notion de fidélisation des effectifs se situe bien notamment à ce niveau des logements. Rappelons que les gendarmes ont une obligation de vivre sur leur lieu de travail. On peut certes toujours leur dire que la résilience est la première vertu du gendarme, mais derrière se pose la question de la situation des conjoints et des familles.

Plus largement, sur le sujet de l'état psychologique des gendarmes, il faut savoir par exemple que les unités de gendarmerie mobile ont été engagées loin des familles pendant plus de 200 jours en 2024. Des cellules psychologiques les accompagnent lors de ces déplacements. En Nouvelle-Calédonie, les gendarmes ont été confrontés à des scènes de guerre. Plus de 500 gendarmes ont été blessés et deux sont morts.

Comme vous, j'ai entendu qu'un projet de texte de loi sur le narcotrafic, issu du travail de nos collègues, pourrait être mis à l'ordre du jour du Parlement en début d'année 2025. Nous verrons ce qu'il contiendra et nous y serons vigilants, car il s'agit d'un véritable sujet, et pas seulement à Marseille, qui nécessite des moyens humains.

Les collectivités ont désormais la possibilité d'installer des radars routiers. Cela se traduit par l'affectation de 13 millions d'euros supplémentaires en faveur de l'Antai, que le rapporteur général a évoquée, afin de couvrir les frais de gestion associés pour elle. Ce dispositif n'est pas temporaire. À ma connaissance, le déploiement de radars par les collectivités territoriales - hors radars pédagogiques - n'est pas encore effectif. Mais cela ne va plus tarder : elles vont commencer à les installer.

Certains équipements des forces de sécurité intérieure sont particulièrement onéreux. Un véhicule Centaure coûte ainsi environ 1 million d'euros. De même, les nouvelles technologies - drones, cybersécurité - nécessitent qu'on y consacre des moyens importants. Il faudra en évaluer, le moment venu, l'effectivité.

La prévision d'un rendement de 2,2 milliards d'euros des recettes des amendes ne tient pas aux seuls radars, dont le nombre reste stable. Elle inclut également les verbalisations hors radars. La plupart du temps, l'estimation est en réalité dépassée en cours d'année.

Enfin, la gendarmerie explique qu'il existe toujours un taux de vacance des postes de l'ordre de 2 %, par le jeu des rotations entre les départs et les arrivées à la sortie des écoles de formation. Dans tous les cas, il est nécessaire d'augmenter les effectifs.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial. - Le problème du financement de la sécurité civile constitue un véritable sujet. Le financement de la sécurité civile repose essentiellement sur les dépenses locales. Le budget consolidé des services d'incendie et de secours s'élève en 2022 à 5,6 milliards d'euros. Il est donc près de 7 fois supérieur aux crédits de paiement inscrits sur le programme 161 dans le PLF pour 2025.

Le Beauvau de la sécurité devra apporter des réponses à ce problème, notamment sous l'angle de la TSCA. Nous avons interrogé les acteurs de la sécurité civile sur la possibilité de valoriser les actes de sauvegarde des biens. Une hausse des primes d'assurance pourrait ainsi prendre en compte une partie du financement des SDIS. La question du montant de la taxe de séjour se pose également dans des régions qui accueillent un nombre très élevé de touristes à certaines périodes de l'année et doivent consacrer des moyens importants pour garantir leur sécurité.

Aucune baisse significative n'intervient à proprement parler. Des crédits complémentaires avaient été mis en oeuvre en 2024 à l'occasion de l'organisation des jeux Olympiques, notamment en considération des risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) ; nous ne les retrouvons simplement pas dans le PLF pour 2025.

Néanmoins, si les pactes capacitaires ont permis d'acquérir des camions-citernes feux de forêt (CCF), on s'interroge à présent sur le financement de matériels de lutte contre les inondations, en l'occurrence des pompes à très grande capacité, qui coûtent extrêmement cher et qu'il faudrait déployer sur l'ensemble du territoire national. Leur coût suppose l'engagement de moyens nationaux.

Il ne peut en effet être supporté par les SDIS, dont le financement présente la particularité que l'évolution de la contribution communale ou intercommunale, pour les communautés de communes disposant de la compétence incendie, se limite à celle de l'inflation au cours de l'année précédente. Toutes les dépenses nouvelles reviennent donc à la charge des départements. Les contraintes budgétaires particulièrement sévères qui pèsent sur ces derniers les empêchent de faire face au développement des risques, spécialement du secours aux personnes, qui connaît une croissance régulière.

Il conviendrait d'imaginer des pactes capacitaires pour le risque d'inondation, tels qu'ils existent pour les feux de forêt.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, à l'exception de ceux émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSPF)

- Lieutenant-colonel Jean-Paul BOSLAND, président ;

- M. Marc VERMEULEN, contrôleur général, membre du comité exécutif ;

- M. Fabien MATRAS, conseiller relations institutionnelles ;

- M. Guillaume BELLANGER, directeur de cabinet.

Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises
(DGSCGC)

- M. Julien MARION, directeur général ;

- M. Stéphane THEBAULT, sous-directeur des affaires internationales ;

- M. Rémi CAPART, directeur de cabinet adjoint.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)

Départements de France (DF)

Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* 1 Rapport d'information n° 775 (2023-2024), déposé le 25 septembre 2024 par MM. Jean-François RAPIN et Jean-Yves ROUX, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) et de la commission des finances (2) par la mission conjointe de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024.

* 2 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 3 Rapport d'information n° 838 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023.

* 4 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 5 Rapport d'information n° 838 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023.

* 6 Sur ce point, voir les développements du rapport d'information n° 838 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023.

* 7 Réponses au questionnaire budgétaire.

* 8 Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

* 9Ce qui a in fine porté les crédits consacrés aux pactes capacitaires en 2023 à un montant total de 158 millions d'euros en AE et 38,5 millions d'euros en CP.

* 10 Rapport d'information n° 775 (2023-2024), déposé le 25 septembre 2024 par MM. Jean-François RAPIN et Jean-Yves ROUX, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) et de la commission des finances (2) par la mission conjointe de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024.

* 11 Directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen (refonte).

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