D. LE PROGRAMME 370 : LA POURSUITE DE LA RESTITUTION DES BIENS MAL ACQUIS

En application de la loi de programmation du 4 août 2021, un nouveau programme a été introduit par la loi de finances pour 2022 afin de mettre en oeuvre l'engagement de la France pour la restitution des biens mal acquis. Cette évolution est venue concrétiser une initiative portée par le Sénat qui avait adopté, dès 2019, une proposition de loi relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale.

Le programme 370 est doté au fur et à mesure de l'encaissement du produit de la vente des biens mal acquis par l'Agence de gestion et de recouvrement des biens saisis et confisqués (AGRASC). Cette dernière opère sous la double tutelle du ministère de la justice et du ministère de l'économie et des finances. L'objectif de ce dispositif est de restituer les avoirs issus de la corruption internationale aux populations victimes des infractions, via la mise en oeuvre d'actions de développement dans le pays concerné et en accord avec ce dernier.

En loi de finances initiale pour 2024, le programme 370 avait été alimenté pour la première fois avec l'ouverture de 6,1 millions d'euros en AE=CP. Ce versement correspondait aux cessions issues de l'affaire « Obiang » du nom du fils de l'ancien président et lui-même vice-président de la Guinée-Équatoriale, Teodorín Obiang, condamné définitivement par la Cour de cassation en juillet 2021 dans une affaire de biens mal acquis.

Pour 2025, un total de 140,3 millions d'euros devrait être inscrit sur le programme 370. Un premier versement, issu de la vente de biens confisqués à Rifaat al-Assad, oncle du président Syrien, pourrait notamment intervenir en 2025. Le montant des cessions réalisées s'élève à 32 millions d'euros. Toutefois, l'absence de relations diplomatiques entre la France et la Syrie impose une restitution des biens via le financement d'actions bénéficiant à la société civile syrienne.

E. LE PROGRAMME 384 : UNE INÉVITABLE ET TARDIVE REBUDGÉTISATION DU FONDS DE SOLIDARITÉ POUR LE DÉVELOPPEMENT

La création d'un nouveau programme budgétaire 384 tire, tardivement, les conséquences de la réforme de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. En effet, la loi organique du 1er août 2001, dans sa version révisée par la loi organique du 28 décembre 2021, dispose à son article 2 que « Les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui et sous les réserves prévues par les articles 34, 36 et 51 » et à son article 34 que cette affectation ne peut se faire qu'au profit de personnes morales autres que l'État.

Or, jusqu'alors, le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) faisait l'objet d'un financement à partie du produit de deux taxes affectées : la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) et la taxe sur les transactions financières (TTF). Géré par l'Agence française de développement, le FSD assurait des financements multilatéraux dans le domaine de la santé, du climat et de l'environnement.

Financement du Fonds de solidarité pour le développement

(en millions d'euros)

Taxes affectées

Exécution 2023

Prévisions 2024

Taxe de solidarité sur les billets d'avion

210 millions d'euros

206,85 millions d'euros

Taxe sur les transactions financières

528 millions d'euros

528 millions d'euros

Total

738 millions d'euros35(*)

734,85 millions d'euros

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le fonctionnement actuel du FSD entrait en contradiction directe avec la lettre de la Lolf révisée :

- d'une part, il s'agissait d'un fonds sans personnalité morale ;

- d'autre part, comme la direction du budget, interrogée par les rapporteurs spéciaux, a pu le rappeler, les taxes affectées ne présentaient pas de lien direct entre l'objet de la dépense et l'assiette de la taxe.

La rebudgétisation de cet instrument apparaissait, par conséquent, inévitable. Le nouveau programme 384 est placé sous la responsabilité de la direction générale de la mondialisation. Au sein d'une action unique, deux budgets opérationnels de programme sont créés, respectivement gérés par la DGM et la direction générale du Trésor pour 487 millions d'euros et 251 millions d'euros.

Les rapporteurs spéciaux considèrent toutefois que cette rebudgétisation aurait pu être plus largement anticipée par les ministères et l'AFD. Le remplacement de l'affectation d'une partie du produit de la TSBA et de la TTF a, en effet, suscité de fortes inquiétudes par les organisations de la société civile. La décorrélation entre ces impositions et le fonds fait craindre à ces acteurs, qui se sont exprimés par voie de presse, une baisse des financements du programme 384 dans les années à venir. Il est vrai que la forte mise à contribution de la mission en 2025 ne contribue pas à apaiser ces craintes.

Dès lors que les conditions posées par la Lolf étaient connues, le MEAE, le ministère de l'économie et des finances et l'AFD auraient dû se saisir de cette question plus tôt. Il est simultanément étonnant et regrettable que cela n'ait pas été le cas. La Cour des comptes recommandait depuis plusieurs années dans ses notes d'exécution budgétaires d'opérer cette rebudgétisation36(*).

Pour les années à venir, il importe que les responsables de programme s'interrogent :

- en premier lieu, sur la pertinence du maintien de cette enveloppe sur un programme distinct. Une fois perdu leur mode de financement spécifique, les contributions multilatérales versées par cet instrument ne diffèrent pas de celles portées par les programmes 110 et 209. Il paraît nécessaire d'en interroger la pertinence et les risques de redondance, au même titre que les autres actions de la mission37(*) ;

- en second lieu, sur la sanctuarisation de son montant, dès lors que les crédits de la mission ont fortement diminué, il n'apparaît pas cohérent de préserver cette seule ligne budgétaire.

L'affectation de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et la taxe
sur les transactions financières au FSD avant 2025

Créé par la loi n°2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, le FSD est un fonds sans personnalité juridique, alimenté par deux taxes affectées, pour des montants plafonnés en loi de finances et lui permettant de disposer d'un total des 738 millions d'euros de ressources. Il s'agit :

- depuis 2006, de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, pour un montant plafond de 210 millions d'euros par an ;

- depuis 2013, de la taxe sur les transactions financières pour un montant plafond de 528 millions d'euros par an.

Le mécanisme de plafonnement annuel des taxes affectées à des tiers introduit par la loi de finances initiale pour 2012 a été étendu en 2013 aux taxes affectées au FSD. Pour la taxe sur les transactions financières, le plafond de la part versée au FSD a augmenté progressivement, de 60 millions d'euros à 528 millions d'euros. Il était de 210 millions d'euros pour la TSBA.

La liste des institutions de développement pouvant bénéficier des ressources du FSD est fixée par le décret n° 2006-1139 du 12 septembre 2006 sur le Fonds de solidarité pour le développement. Ce décret fixe les modalités d'utilisation des ressources affectées au fonds, qui peuvent notamment financer le secteur de la santé, du climat et de l'environnement. Le fonds finance principalement des dépenses d'aide multilatérale mais peut aussi, « à titre subsidiaire », financer de l'aide bilatérale.

Source : commission des finances


* 35 Auxquels s'ajoutent 27,19 millions d'euros de solde de l'année passée.

* 36 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire - Aide publique au développement, avril 2024.

* 37 En 2024, le FSD a contribué à de grands fonds et entités internationales comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, la facilité d'achat de médicaments (UnitAid), la facilité de financement internationale pour la vaccination (IFFim) et le Fonds vert pour le climat.

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