EXAMEN EN COMMISSION (13 FÉVRIER 2025)
Au cours d'une réunion tenue le jeudi 13 février 2025, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission a examiné le rapport de Mme Elisabeth Doineau, rapporteure générale.
M. Philippe Mouiller, président. - Après avoir effectué un parcours parlementaire que nous avons tous à l'esprit, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 est considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, en conséquence du rejet successif des trois motions de censure ayant suivi l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur chacune de ses parties.
Comme lors de la première lecture, la procédure d'adoption diffère de celle des lois ordinaires. Ainsi, nous n'adoptons pas de texte de commission et c'est le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale qui sera examiné en séance publique par le Sénat.
Nous nous réunirons lundi 17 février en début d'après-midi, afin d'examiner les amendements déposés sur ce texte. À ce stade de l'examen, seuls les amendements présentant un lien direct avec une disposition restant en discussion seront recevables, selon la règle dite « de l'entonnoir », qui découle de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - (La rapporteure générale projette une présentation PowerPoint en complément de son propos.) Depuis hier soir, à lire et écouter la presse et les médias, j'ai le sentiment que le PLFSS a déjà été adopté ! Le travail du Sénat est oublié. Certes, la procédure est longue nous aspirons tous à ce qu'elle aboutisse, notamment pour donner une perspective d'avenir à certains professionnels, comme ceux qui travaillent dans les établissements sanitaires et médico-sociaux, qui n'ont toujours pas accès à des données importantes alors qu'ils traversent des situations budgétaires difficiles. Nous convenons tous de la gravité de la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Il ressort des chiffres publiés en octobre 2024 par la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) qu'en l'absence de mesures législatives ou réglementaires, le déficit de la sécurité sociale s'élèverait à environ 30 milliards d'euros en 2025. L'enjeu de ce PLFSS est donc particulièrement important.
J'en viens au parcours législatif du texte. Dès le début, la discussion était mal engagée. En effet, le texte a été déposé avec retard en raison de la constitution tardive du Gouvernement. De plus, les députés n'ont pas respecté le délai constitutionnel de 20 jours pour achever leur examen du texte.
Certes, la commission mixte paritaire (CMP) sur le PLFSS a été conclusive, un aboutissement heureux pour la première fois depuis 2011. Cependant, eu égard aux dispositions retenues, je ne suis pas certaine qu'il s'agisse d'un succès à part entière.
Le gouvernement Barnier ayant été censuré sur cette base, une loi spéciale a été adoptée, notamment pour autoriser la sécurité sociale à emprunter - ce dernier point n'étant prévu par aucun texte.
Nous procédons à présent à une nouvelle lecture. Le Gouvernement a eu recours au 49.3 sur chacune des trois parties du texte, qui est donc considéré comme adopté par l'Assemblée nationale. Mes collègues rapporteurs de branche et moi-même vous proposons d'adopter le texte conforme. En effet, les équilibres ne pourront plus significativement évoluer, d'autant que, en nouvelle lecture, seuls sont recevables les amendements ayant un lien direct avec une disposition en discussion. Par ailleurs, il convient de mettre un terme à ce feuilleton qui dure depuis trop longtemps.
Au-delà des questions juridiques, il faut rappeler les enjeux financiers. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024 était la première LFSS à ne pas prévoir de réduction du déficit à moyen terme. Ainsi, le déficit était censé augmenter jusqu'à 17,2 milliards d'euros en 2027.
Dans le cas du PLFSS pour 2025, le texte initial retombait, comme par magie, sur ce déficit de 17,2 milliards d'euros en 2027. Cependant, le déficit augmentait ensuite fortement, pour atteindre 19,9 milliards d'euros en 2028.
Le texte adopté par le Sénat a amélioré cette trajectoire, en diminuant un peu le déficit pour 2025 par rapport au texte initial - 15 milliards d'euros au lieu de 16 milliards - et, surtout, en stabilisant à peu près le déficit à son niveau de 2025 jusqu'en 2028.
Le texte de la CMP prévoyait un déficit nettement supérieur à ceux qui sont prévus par le texte du Sénat et le texte initial : 18,3 milliards d'euros en 2025 et 21,5 milliards d'euros en 2028.
La nouvelle lecture à l'Assemblée nationale a conduit à une nouvelle dégradation du solde. Le déficit prévu est désormais de 22,1 milliards d'euros en 2025 et de 24,1 milliards d'euros en 2028. Nous avons le sentiment d'avoir perdu le contrôle, ce qui est rappelé par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dans son avis du 19 janvier 2025 sur le projet de loi de finances (PLF) et le PLFSS.
J'en viens à l'évolution des principales mesures au cours des débats. Au départ, le Gouvernement prévoyait 15 milliards d'euros de mesures d'économies, à peu près également réparties entre mesures réglementaires et législatives, et entre mesures sur les recettes et sur les dépenses. Dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, le montant des mesures d'économies ne s'élève qu'à 9 milliards d'euros et les deux tiers de celles-ci relèvent du domaine réglementaire.
Le rendement de la mesure sur les allégements généraux est passé de 4 milliards d'euros à 1,6 milliard d'euros. La mesure sur la revalorisation des retraites a été abandonnée. La contribution de solidarité par le travail, insérée par le Sénat en première lecture, ne figure pas dans le texte final ; j'espère qu'il ne s'agit pas d'un abandon définitif.
Le Sénat s'est efforcé de compenser partiellement certaines réductions ou suppressions de mesures. L'augmentation de la contribution patronale sur les attributions gratuites d'actions constitue sa principale mesure d'amélioration du solde ; elle devrait rapporter 500 millions d'euros. Cette augmentation résulte de deux amendements identiques de Mmes Cathy Apourceau-Poly et Raymonde Poncet Monge, ce qui traduit le bon fonctionnement de notre assemblée, où majorité et opposition peuvent parvenir à des compromis dans le sens de l'intérêt général. Je rappelle à ce sujet que cette mesure représentait un retour au droit applicable il y a quelques années, qu'elle constituait un alignement sur la fiscalité des stock-options et qu'elle était préconisée par la Cour des comptes.
Le Sénat a également renforcé la fiscalité comportementale. Nos collègues députés l'avaient fait pour les boissons sucrées, mettant en vigueur une recommandation qui figurait notamment dans le rapport d'information que Cathy Apourceau-Poly et moi-même avions remis dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss). Le Sénat a ajouté une réforme de la fiscalité des jeux et une augmentation de la fiscalité du tabac. Cette dernière était également préconisée par le rapport de la Mecss. Chacune de ces trois mesures devait rapporter 200 millions d'euros. La mesure sur le tabac n'a pas survécu à la CMP, et seules demeurent les deux autres, qui rapportent 400 millions d'euros au total.
Parmi les mesures du Sénat permettant d'améliorer le solde, on peut également mentionner les mesures portées principalement par Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie : la mesure sur les médicaments biosimilaires, la consultation obligatoire du dossier médical partagé (DMP) et diverses dispositions de lutte contre la fraude.
Le Sénat a également obtenu la prise en compte d'autres éléments. D'abord, le fonds d'urgence pour les Ehpad est prorogé. Dans le texte de la CMP, le montant obtenu était de 100 millions d'euros et, après négociation, le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale porte ce montant à 300 millions d'euros.
Ensuite, une réforme du concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) aux départements a été obtenue. Elle permet de garantir un niveau de compensation des dépenses de prestation de compensation du handicap (PCH) et d'allocation personnalisée d'autonomie (APA) au moins égal à celui qui a été atteint en 2024, pour un coût estimé à 200 millions d'euros.
Enfin, sur le plan réglementaire, l'augmentation de 12 points du taux de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) aura lieu sur quatre ans au lieu de trois, pour un coût de 500 millions d'euros en 2025.
J'en viens à l'évolution du déficit prévu pour 2025. Celui-ci s'élevait à 18,3 milliards d'euros dans le texte de la CMP et atteint 22,1 milliards d'euros dans le texte que nous examinons aujourd'hui, ce qui représente un écart de 3,8 milliards d'euros.
La commission ne dispose pas du détail des calculs opérés par le Gouvernement pour parvenir à ce chiffre. Toutefois, les données disponibles suggèrent plusieurs éléments d'explication.
Les trois quarts de l'augmentation du déficit s'expliquent par le fait que les mesures réglementaires d'économies ont été revues à la baisse d'environ 3 milliards d'euros, notamment en raison du moindre freinage de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), mais aussi de l'abandon de diverses recettes de poche.
Dans le cas des mesures législatives, le passage de 100 à 300 millions d'euros du budget du fonds d'urgence en faveur des Ehpad constitue la seule modification significative.
Ces évolutions n'expliquent donc qu'un supplément de déficit de 3,2 milliards d'euros, sur les 3,8 milliards observés. L'écart provient peut-être d'une légère révision à la hausse du déficit spontané.
J'en viens aux prévisions de solde à moyen terme, en me référant aux chiffres de l'annexe à la future LFSS. Ces prévisions sont effectuées sur la base des seules mesures connues, y compris les mesures réglementaires annoncées et restant à prendre.
Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale prévoit une trajectoire encore plus dégradée que celle de la LFSS de 2024, qui avait déjà été fortement critiquée, notamment par notre commission, en raison de sa trajectoire d'aggravation continue du déficit.
Notre situation diffère largement de celle des années 2010, et ce à double titre. D'abord, le déficit actuel ne provient pas d'une crise. Ensuite, la trajectoire ne prévoit pas d'amélioration. Au contraire, la situation se dégrade.
Quelles sont les perspectives ? Si nous ne faisons rien, le déficit devrait d'autant plus s'aggraver d'ici à 2028 que les prévisions du Gouvernement, en matière de croissance du PIB et de l'Ondam, reposent sur des hypothèses optimistes, même si le HCFP souligne qu'elles le sont un peu moins que l'an dernier.
Sans mesures supplémentaires et en se fondant sur des prévisions plus réalistes, le déficit pourrait atteindre 35 milliards d'euros en 2028. Nous nous retrouverions alors dans une situation intermédiaire entre celle de la crise financière de 2009 et celle de la crise sanitaire. Cependant, nous n'aurions aucune excuse.
Nous devons adopter ce texte pour que la France dispose enfin d'une LFSS, mais nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un tel déficit. Nous devons fixer une trajectoire crédible de retour à l'équilibre. Les mesures contenues dans ce PLFSS sont d'ordre essentiellement paramétrique, rendant les prestations moins favorables ou augmentant les prélèvements. Il ne s'agit pas de mesures visant à améliorer l'efficience.
Raymonde Poncet Monge et moi-même allons nous efforcer de procéder à un point exhaustif et objectif sur le sujet, dans le cadre de la mission que nous a confiée la Mecss sur le financement de la protection sociale. Je m'en réjouis, car il faut accomplir ce travail.
C'est seulement en nous dotant d'une trajectoire crédible de réduction du déficit que nous pourrons réaliser de nouveaux transferts de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Ce PLFSS porte de un à deux ans l'échéance maximale des emprunts de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), mais l'échéance moyenne ne pourra dépasser un an. Un prochain transfert de dette de l'Acoss vers la Cades paraît nécessaire afin que la dette sociale ne s'accumule pas à l'Acoss, ce qui serait pourrait susciter un risque de liquidité. Le transfert de sommes significatives impliquera de repousser l'échéance d'amortissement de la dette sociale, actuellement fixée à 2033, ce qui impliquera l'adoption d'une disposition organique.
Mme Annick Petrus. - Je voudrais dire ma satisfaction quant à la préservation du dispositif prévu par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodéom). Cette décision illustre le rôle essentiel du Sénat, chambre des territoires, dans la défense des réalités économiques ultramarines.
Les entreprises des outre-mer évoluent dans un environnement bien plus contraint que dans l'Hexagone : éloignement des marchés, surcoûts logistiques, petite taille des économies locales et vulnérabilité accrue aux fluctuations économiques comme aux crises. Le tissu économique ultramarin est fragile, composé en grande majorité de petites et de très petites entreprises, qui ne disposent ni des mêmes marges de manoeuvre ni des mêmes capacités d'adaptation que leurs homologues métropolitaines. Ainsi, toute modification du cadre fiscal ou social peut avoir des conséquences immédiates et lourdes sur leur survie et l'emploi local. En maintenant cette mesure, nous évitons une hausse brutale du coût du travail, qui aurait conduit à un renchérissement des prix et fragilisé des secteurs déjà en difficulté. Je me réjouis que nous ayons pu faire entendre la voix de nos territoires ultramarins dans le cadre de ce débat.
Mme Annie Le Houerou. - Le texte est encore plus catastrophique qu'il ne l'était au départ, alors que nous parlions déjà d'un budget mettant en péril notre système de sécurité sociale. Avec un déficit prévu de 30 milliards d'euros et sans trajectoire de retour à l'équilibre, nous sommes lancés dans une fuite en avant, qui nous conduit à nous interroger sur l'objectif réel de ces gouvernements successifs. Si l'on voulait tuer ce système, nous ne ferions pas mieux. Vous avez évoqué une perte de contrôle et c'est bien de cela qu'il s'agit. Nous ne soutiendrons pas un tel budget.
Au moins, la version du Sénat entérinait quelques progrès sur la question des recettes et des allègements généraux. Dans la copie finale, même de petites mesures positives que nous avions introduites n'ont pas été retenues, comme la taxe sur la publicité pour les alcools, qui devait être mise en place à La Réunion de façon expérimentale.
Pour revoir la question de l'équilibre du système, il nous faut travailler sur les dépenses, mais aussi sur les recettes. À cet égard, je me réjouis aussi du travail que nous allons accomplir au Sénat autour de la question du financement de la sécurité sociale. Nous n'avons pas le choix, car nous sommes dans une impasse.
M. Bernard Jomier. - Il n'y a plus rien à discuter. Cependant, Annie Le Houerou vient d'évoquer une impasse et nous devons regarder au-delà. Nous sommes dans un pays où l'État encaisse environ 300 milliards d'euros par an pour en dépenser 450 milliards, et dont le budget social présente plusieurs dizaines de milliards d'euros de déficit par an. La troïka n'est pas réservée à la Grèce et menace de tomber aussi sur la France. Nous sommes dans cette situation parce que nous sommes des irresponsables. Depuis des années, la dérive a lieu et depuis des années nous disons qu'on ne peut pas laisser les finances sociales dériver ainsi.
Madame la rapporteure générale, le travail que vous allez entamer est positif. Cependant, notre système de protection sociale connaît une mutation qui nécessite d'être pensé. Nous sommes attachés aux principes fondateurs du Conseil national de la Résistance (CNR), mais comment les projeter dans l'avenir ?
Notre groupe a fait preuve de responsabilité en ne censurant pas le gouvernement pour que nous ayons un budget et une LFSS, alors que nous ne croyons pas en la capacité de ces textes à répondre aux enjeux. Nous serons collectivement redevables envers la population, qui ne croit plus en nous, au vu de ce que nous faisons des finances sociales du pays. Nous devons envoyer un message clair au Gouvernement : il faut sortir dès maintenant du paramétrique et ouvrir la discussion sur ces questions.
Mme Anne Souyris. - Ce gouvernement est encore plus irresponsable que le précédent sur la question du déficit de la sécurité sociale. Les mesures d'économies liées aux allègements de cotisations patronales ne cessent de baisser, mais il faut bien trouver l'argent quelque part. Or, lorsqu'on diminue toujours les dépenses, ce sont les plus pauvres qui sont les moins protégés et nous savons quelles inégalités engendré le recours aux mutuelles. Il nous faut regarder les choses en face ; or force est de constater l'insincérité de ce texte. En effet, il annonce un déficit dont on sait qu'il sera inférieur à celui que nous atteindrons. On fait semblant de croire que cela va aller, mais c'est faux. Nous devons tous être responsables. Nous avons tous des stratégies différentes, mais aucun de nous n'a réussi à sauver la sécurité sociale.
Mme Céline Brulin. - Mon intervention vise seulement à prendre date pour l'avenir. En effet, la presse considère que les jeux sont faits, car, de fait, ils le sont.
L'une des mesures qui pèsent le plus lourdement dans le creusement du déficit entre la version du gouvernement Barnier et celle d'aujourd'hui, c'est la baisse de la réduction des allègements de cotisations patronales. Je mets cette mesure en parallèle avec le décret qui vise à augmenter de 12 points les cotisations des employeurs publics à la CNRACL, exerçant sur ces derniers une très forte pression. Il s'agit d'une contradiction majeure. Parmi les sujets qu'il faudra mettre sur la table pour réduire le déficit, on ne pourra pas exclure celui-là.
Nous proposons régulièrement des amendements visant à conditionner ces allègements. Il s'agit d'une piste à travailler, certaines entreprises faisant des choix stratégiques vertueux et d'autres pas. La puissance publique est légitime pour peser sur ces choix, qui permettraient de dégager des ressources.
M. Olivier Henno, rapporteur pour la branche famille. - Nous sommes dans une logique d'extrême gravité et il nous faut regarder les choses en face : notre système de protection sociale ne fait plus consensus, y compris dans l'opinion. Un doute a été créé quant à sa crédibilité, car les gens ont pris conscience que le financement reposait sur un endettement, sur des créances qui pèseront sur les générations à venir.
Cette situation est-elle due au fait que nous ne dépensons pas assez ? Pas du tout. Le budget de la branche maladie représente 12,5 % du PIB et celui de la branche retraite 13,4 % du PIB. Il ne s'agit pas de prélever plus, mais de mieux maîtriser nos dépenses. Nous dépensons trop et mal parce qu'il n'y a pas de réforme structurelle ; c'est le coeur du sujet. L'idée que nous pourrions prélever plus et travailler moins ne peut pas fonctionner et nous entraînera dans une remise en cause globale du système. De plus, comme nous ne maîtrisons pas les dépenses, nous n'investissons pas assez dans l'avenir.
M. Daniel Chasseing. - Le déficit de la sécurité sociale est ancien et, entre 2012 et 2018, l'Ondam a augmenté de moins de 2 %. Il a augmenté depuis et nous avons aussi augmenté les salaires depuis le Ségur de la santé, ce qu'il fallait faire.
Faut-il augmenter les prélèvements s'appliquant aux patrons et aux salariés ? Non. Il faut préserver le pouvoir d'achat des salariés et la compétitivité des entreprises. Nous avons besoin de plus de cotisants, ce qui signifie plus d'emplois et plus de compétitivité. Augmenter les cotisations patronales serait inconscient.
Il faut trouver d'autres financements et nous devons y réfléchir ensemble. Revenir sur le départ à la retraite à 64 ans entraînerait une catastrophe. En revanche, il faut augmenter le nombre de personnes en emploi. Si, comme dans les pays du nord de l'Europe et en Allemagne, 70 % des personnes ayant entre 60 et 64 ans travaillaient, au lieu de 40 % comme c'est le cas actuellement, les recettes augmenteraient. Certes, il faut revoir les dépenses, mais il faut surtout augmenter les recettes et donc augmenter le nombre d'emplois et de cotisants.
Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie. - Le texte issu de la CMP n'était peut-être pas satisfaisant, mais il avait au moins une qualité : le déficit était moins important que dans le texte que nous examinons aujourd'hui. Il demandait aussi des efforts à tous. Or, pour être responsables, comme cela a été évoqué, il faut peut-être commencer par faire des efforts. Ce texte prévoit de dépenser beaucoup, mais il ne s'agit que d'un objectif de dépense, qui sera dépassé, ce qui me désole un peu.
Les gouvernements repoussent le travail qui s'impose. Il faudra peut-être une loi-cadre pluriannuelle, dans laquelle nous pourrions inscrire des mesures de prévention et des objectifs à tenir. Il nous faut savoir ce que nous voulons faire de notre système.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Je suis très étonnée que nous ayons un débat puisqu'il n'y a aucun enjeu et que nous ne pouvons rien faire. J'avais prévu de ne pas intervenir, mais comme certains continuent d'enfiler toujours les mêmes perles idéologiques, je ne peux rester muette.
Vous dites qu'il faut arrêter d'augmenter les recettes, que ce n'est pas la solution. De mon côté, je dis qu'il faut cesser de baisser les recettes ! Nous comptons 20 milliards d'euros d'exonérations non compensées, dont 10 milliards supplémentaires depuis 2017 ! La politique des cadeaux fiscaux et sociaux menée depuis lors a conduit à un déficit abyssal du budget de l'État et de la sécurité sociale. C'est la Cour des comptes qui le dit. Il faut arrêter de voter des mécanismes qui entraînent des baisses de recettes sociales non compensées.
Effectivement, dans les années 2010, pour présenter une trajectoire de retour à l'équilibre, nous avons comprimé l'Ondam. Cette compression est responsable de l'état actuel de l'hôpital. On peut comprimer les dépenses pour atteindre l'équilibre, mais on voit le résultat.
M. Jean-Luc Fichet. - Quelle protection sociale voulons-nous pour demain ? Doit-il s'agir d'un service public fort ou souhaite-t-on la transférer vers le privé, en abandonnant un certain nombre de gens sur le bord de la route ? Bien sûr, il faut maîtriser les dépenses. Du côté des recettes, certains suggèrent d'augmenter les emplois. Cependant, le développement de l'intelligence artificielle et de la robotisation aura pour effet de détruire des emplois. Ces technologies ne pourraient-elles pas participer au financement de la sécurité sociale ? Il faut explorer d'autres possibilités de financement. Derrière la question de la sécurité sociale, celles de l'état de nos hôpitaux et des déserts médicaux se posent. Nous évoquons ces sujets depuis des années, mais rien n'est fait. Nous devons mener notre réflexion hors des sentiers battus.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Madame Petrus, en ce qui concerne la Lodéom, le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale retient le texte de la CMP, qui reprenait l'amendement que la commission avait proposé au Sénat en première lecture.
Effectivement, madame Le Houerou, nous sommes tous inquiets. Cependant, le groupe socialiste a obtenu quelques améliorations. Certes, ce n'est pas le texte de vos rêves ni des nôtres, mais c'est un texte de circonstance, comme souvent. Un PLFSS ne satisfait jamais tout le monde.
Par ailleurs, si nous avons laissé la situation se dégrader, je ne dirais pas que nous sommes en train de « tuer » la sécurité sociale.
Le système n'est pas adapté aux défis qu'il nous faudra relever dans les prochaines années, notamment au défi démographique.
Monsieur Fichet, vous avez raison : les modèles ont changé. Nous devons y réfléchir et accomplir un travail en profondeur. À cet égard, cette situation nous ouvre des perspectives.
Je suis d'accord, monsieur Jomier, il faut sortir du paramétrique, mais ce ne sera peut-être pas dans le moment politique qui vient.
Nous devons nous poser la question du « mieux dépenser ». Nous avons une obligation et une responsabilité quand nous dépensons l'argent de nos concitoyens.
Madame Brulin, j'ai beaucoup appris sur les enjeux des charges patronales ces deux dernières années, quand nous avons travaillé sur les bandeaux famille et maladie. Il faut trouver un équilibre vertueux, comme nous l'avons lu dans le rapport d'Antoine Bozio et Étienne Wasmer intitulé « Les politiques d'exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire ».
Je n'aime pas l'expression « déserts médicaux ». Il faut les identifier et voir quelles actions nous pouvons mener dans ces territoires. Il y a une responsabilité des élus locaux et des professionnels de santé locaux. De nombreux outils existent et je ne suis pas pour en inventer de nouveaux.
Monsieur Chasseing, les salaires ont augmenté avec le Ségur, ce qui est une très bonne chose, mais vous avez raison, cette augmentation n'a pas été compensée comme il faut.
Madame Imbert, un certain nombre de vos propositions concernant la branche maladie ont été retenues par la CMP, et je veux saluer votre travail.
Enfin, madame Poncet Monge, nous allons travailler ensemble et trouver le chemin pour sauver le système de la sécurité sociale !
La commission propose au Sénat d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale sans modification.