N° 463
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 mars 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents,
Par M. Francis SZPINER,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (17ème législ.) : |
448, 628 et T.A. 52 |
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Sénat : |
343 et 464 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Déposée en octobre 2024 par Gabriel Attal et plusieurs députés du groupe Ensemble pour la République (EPR), et inspirée par les réflexions menées à la suite des émeutes de l'été 2023, la proposition de loi visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents a été adoptée par l'Assemblée nationale, après l'engagement par le Gouvernement de la procédure accélérée, le 13 février 2025.
Dans un contexte où l'actualité témoigne, de manière à la fois dramatique et fréquente, de l'importance des faits de violence de toute nature (règlements de comptes, participation - parfois à haut niveau - à des trafics de stupéfiants, préparation d'attentats, homicides, etc.) commis par des mineurs, parfois très jeunes, le texte entend apporter des aménagements au régime de responsabilité pénale et civile des parents de jeunes délinquants ainsi qu'au code de la justice pénale des mineurs, en vigueur depuis moins de quatre ans, qui, succédant à l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, a permis une refonte substantielle de la procédure pénale des mineurs.
I. LA DÉLINQUANCE DES MINEURS : UNE RÉALITÉ ENCORE MAL APPRÉHENDÉE
Malgré les travaux, y compris législatifs et de contrôle, consacrés au sujet, la délinquance des mineurs demeure une réalité encore mal appréhendée. Les auditions du rapporteur ont néanmoins permis d'établir la baisse volumétrique tendancielle de cette délinquance, contrebalancée par l'augmentation de la gravité des faits de violence et le rajeunissement de leurs auteurs. Or, si le code de la justice pénale des mineurs a été source d'avancées, notamment en ce qui concerne l'accélération des délais de jugement, l'évaluation de son efficacité pour endiguer les nouvelles formes de délinquance des mineurs constitue un exercice complexe.
A. MALGRÉ UNE TENDANCE BAISSIÈRE DE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS, CELLE-CI DEMEURE ALARMANTE AU REGARD DE LA GRAVITÉ DES FAITS POURSUIVIS
La délinquance des mineurs est un phénomène aussi ancien que protéiforme, qu'il est malaisé de résumer en quelques chiffres. Toutefois, une tendance à la baisse émerge des statistiques transmises par le ministère de la justice au rapporteur. Ainsi, le nombre d'affaires poursuivables concernant un mineur a connu une diminution de 31 % entre 2017 et 2023, pour s'établir à 119 485. 86,1 % d'entre elles ont obtenu une réponse pénale, une proportion qui décroît depuis plusieurs années. Les juridictions pour mineurs ont quant à elles prononcé 40 329 peines et mesures en 2023, soit 21 % de moins qu'en 2018. Le constat d'une baisse quantitative de la délinquance des mineurs, mesurée sous le prisme de l'activité judiciaire, semble donc faire consensus.
Cette tendance à la baisse ne doit toutefois pas masquer le caractère profondément préoccupant de la délinquance des mineurs, notamment au regard de la gravité des faits incriminés. S'opère ainsi un glissement vers une délinquance de plus en plus violente, qui s'illustre notamment par la surreprésentation des mineurs dans les délits d'atteinte aux personnes - 21 % des affaires concernant des mineurs ont pour fondement des faits de coups et blessures volontaires, une proportion supérieure de trois points à celle des adultes1(*) - ou encore par la participation massive de mineurs aux émeutes de l'été 2023, illustrée par le rapport d'information de la commission des lois « Émeutes de juin 2023 : comprendre, évaluer, réagir »2(*). Autre élément fortement inquiétant : approximativement 10 % des mineurs poursuivables sont âgés de moins de 13 ans.
* 1 « Les chiffres clés de la justice », édition 2024.
* 2 Rapport d'information n° 521 (2023 - 2024) de François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois, “Émeutes de juin 2023 : comprendre, évaluer, réagir”, déposé le 9 avril 2024