II. LA PROPOSITION DE LOI : DES MESURES DONT LA PORTÉE EST TOUTE RELATIVE
C'est dans ce contexte que la proposition de loi, initialement composée de cinq articles, a été présentée à l'Assemblée nationale. Enrichie pendant son examen pour atteindre, à ce stade de la discussion, dix articles6(*), elle a été notamment modifiée par les députés pour tenir compte des conclusions du rapport précité de Jean Terlier (par ailleurs rapporteur du présent texte à l'Assemblée nationale) et Cécile Untermaier sur l'évaluation de la mise en oeuvre du code de la justice pénale des mineurs7(*).
Elle se divise8(*) schématiquement autour de trois enjeux : la responsabilisation des parents des mineurs délinquants, le renforcement ou la création de procédures supposées favorables à plus forte répression et la promotion de mesures de moindre portée tendant à aménager certaines des procédures prévues par le code de la justice pénale des mineurs.
A. LA RESPONSABILISATION DES PARENTS DE MINEURS DÉLINQUANTS
Les trois premiers articles de la proposition de loi, qui ont fait l'objet de peu de modifications lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, visent, selon les mots de l'auteur du texte, à inciter les parents à « assumer » davantage « leurs responsabilités », afin de ne pas « laisser prospérer la spirale de la violence »9(*). Pour ce faire, la proposition de loi s'appuie sur trois leviers : la sanction pénale des parents qui se soustraient à leurs obligations légales, le défèrement des parents aux convocations du juge des enfants statuant en matière d'assistance éducative, et la responsabilité civile de plein droit des parents pour les dommages causés par leurs enfants. Aucun de ces trois leviers n'est toutefois circonscrit au seul cas des parents de mineurs délinquants.
Le levier pénal est assuré par l'article 1er, qui vise à faciliter caractérisation du délit de soustraction, par un parent, à ses obligations légales qui découlent de l'exercice de l'autorité parentale, en substituant à l'actuel critère de résultat qui fonde cette infraction un critère formel. La sanction du manquement du parent à ses obligations, qui s'élève par défaut à deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende, serait en outre renforcée par la création d'une circonstance aggravante dès lors qu'un crime ou plusieurs délits commis par un mineur aurait un lien direct avec la soustraction du parent à ses obligations légales, punie de trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende. Enfin, si le juge peut déjà prononcer des peines de travail d'intérêt général alternatives à l'emprisonnement, l'article 1er lui ouvre la faculté de prononcer une peine complémentaire de travail d'intérêt général pour tous les parents condamnés pour soustraction à leurs obligations légales.
Les articles 2 et 3 relèvent en revanche du droit civil. Ainsi, l'article 2 prévoit d'instaurer une obligation formelle, pour les parents, de déférer aux convocations du juge des enfants statuant en matière d'assistance éducative, sous peine d'être condamnés au paiement d'une amende civile. Il s'agit d'une mesure qu'en l'état du droit le juge des enfants peut déjà prononcer, mais uniquement en matière pénale. Enfin, l'article 3 modifie le régime de responsabilité civile solidaire des parents pour les dommages causés par leur enfant, en supprimant la condition de cohabitation que prévoit le code civil depuis 1804, mais qu'une décision de juin 2024 de la Cour de cassation10(*) a levée.
* 6 L'article 8, inséré en commission puis supprimé en séance publique à l'Assemblée nationale, est exclu de la navette parlementaire.
* 7 Rapport d'information de la mission d'information sur l'évaluation de la mise en oeuvre du code de la justice pénale des mineurs, XVIème législature, n° 1000, 22 mars 2023.
* 8 Sans compter l'article 8, inséré en commission puis supprimé en séance publique (accord du mineur, assisté d'un avocat pour le recours à une audience unique), ni l'article 11, qui se borne à permettre l'application du texte dans les collectivités territoriales d'outre-mer régies par le principe de spécialité législative.
* 9 Voir l'exposé des motifs de la proposition de loi n° 448 (XVIIe législature) visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents.
* 10 Arrêt n° 22-84.760 du 28 juin 2024 de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation.