C. UN AVENANT UTILE MAIS QUI N'EST PAS SANS ÉCUEIL

1. Des stipulations relatives à l'imposition du télétravail favorables à la sécurité juridique et à la simplification administrative

La neutralisation du recours au télétravail dans les règles d'imposition des salariés résidant dans un pays et travaillant dans l'autre, selon les modalités prévues dans le présent avenant, constitue une mesure de simplification administrative souhaitée par les travailleurs comme par les employeurs des deux côtés de la frontière, ainsi qu'a pu le constater la rapporteure lors des auditions. La pérennisation de la neutralisation sous la forme d'un avenant à la convention de 1966 est également de nature à renforcer la sécurité juridique par rapport à l'accord amiable du 22 décembre 2022. Favorable au recours au télétravail, elle présente enfin des intérêts en termes de réduction du trafic routier dans des zones par ailleurs souvent congestionnées.

Le niveau du plafond choisi de 40 % de télétravail sur le temps total de travail par année civile semble également recueillir globalement l'assentiment collectif. Représentant environ 2 jours de télétravail par semaine, ce taux correspond par exemple à environ 96 jours de télétravail pour un nombre de jours ouvrés de 240 jours. Par ailleurs, cette logique de calcul par taux, à la différence de l'avenant à la convention franco-luxembourgeoise du 7 novembre 2022 qui s'appuie sur un plafond calculé en jours, permet de s'adapter plus facilement au cas du travail à temps partiel.

Il n'en demeure pas moins que pour les travailleurs dont la part de télétravail est supérieur au plafond de 40 %, une imposition en Suisse et en France devra être appliquée.

2. Une évaluation lacunaire des conséquences financières de l'avenant et une prochaine mise en oeuvre qui manque de visibilité

Le présent projet de loi ne chiffre pas les conséquences financières des stipulations prévues s'agissant de l'imposition du télétravail, en particulier concernant la compensation due par l'État de l'employeur. Interrogé par la rapporteure, le Gouvernement a indiqué qu'« aucune évaluation chiffrée » des accords amiables du 22 décembre 2022 n'a été produite.

Si une telle évaluation n'est pas fournie, l'article 11 de l'avenant relatif à son entrée en vigueur stipule que « s'agissant de la période comprise entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre de l'année de l'entrée en vigueur du présent avenant, la Suisse verse à la France, au plus tard le 30 juin de l'année suivant celle au cours de laquelle le présent avenant entre en vigueur, un montant, en francs suisses, correspondant à 2,3 % de l'impôt dû sur les rémunérations versées au titre d'un emploi salarié à des résidents de France, pour chaque année civile comprise dans la période précitée », en lieu et place de la compensation susmentionnée. Cette stipulation constitue une forme de première évaluation de l'impact à prévoir des stipulations de l'avenant, sans qu'un chiffrage en valeur absolue ne soit toutefois présenté dans le projet de loi. Sollicitée par la rapporteure lors de ses auditions, l'administration n'a pas été en mesure d'apporter des données évaluatives complémentaires.

La rapporteure rappelle la nécessité de renforcer la qualité des études d'impact des conventions fiscales.

Par ailleurs, s'agissant de l'échange de renseignements automatique prévu par l'article 6 de l'avenant, permettant notamment d'établir le montant de la compensation, il apparaît qu'il ne pourra être établi avant 2026, selon les informations recueillies par la rapporteure.

3. Une limite posée de dix jours de mission temporaires en dehors de l'État de l'employeur qui est source d'inquiétudes pour les salariés concernés

À l'occasion de ses travaux, la rapporteure a pu constater une forme d'inquiétude quant au plafond spécifique, inclus dans le plafond global de 40 % de jours de télétravail16(*), des 10 jours de mission temporaire en dehors de l'État de l'employeur. Il apparaît en effet que ce plafond, repris de l'accord du 22 décembre 2022, a vocation à être largement dépassé pour certains types de métiers (commerciaux, fonctions d'audit, chercheurs, etc.).

La rapporteure considère que ce sujet devra faire l'objet d'une attention particulière pour l'avenir, notamment à l'occasion de la négociation d'un éventuel avenant futur et en tenant compte de la pratique qui aura pu être constaté au cours des prochains exercices.


* 16 Voir supra.

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