B. UNE COMPENSATION FISCALE EST PRÉVUE PAR L'AVENANT AU PROFIT DE L'ETAT DE RÉSIDENCE DES PERSONNES QUI TÉLÉTRAVAILLENT
Les règles prévues par le nouveau protocole additionnel sur le télétravail introduit par l'avenant dans la convention de 1966 faisant exception au principe général stipulé à l'article 17 de cette dernière (qui veut que les salaires soient imposés dans l'État d'exercice de l'activité) prévoient que l'État contractant qui dispose du droit d'imposer les revenus sur la base de ses dispositions « paie à l'État dans lequel réside le salarié une compensation fixée à 40 % des impôts dus sur les rémunérations versées à raison des activités exercées en télétravail depuis l'État de résidence. » Au-delà de la limite de 40 % de temps de télétravail, la compensation n'est pas due, le régime spécifique prévu par le protocole n'étant plus applicable.
L'existence de cette compensation, justifiée par le renoncement de l'État de résidence à une partie des recettes auxquelles il pourrait en principe prétendre, rend le présent avenant plus favorable que d'autres avenants conclus avec des pays frontaliers, comme par exemple l'avenant du 7 novembre 2022 à la convention fiscale bilatérale franco-luxembourgeoise qui ne prévoit pas une telle compensation au profit de l'État de résidence au titre du télétravail.
Le protocole apporte néanmoins un tempérament au taux de cette compensation pour ce qui concerne les résidents de France exerçant leurs activités en télétravail pour le compte d'un employeur situé dans le canton de Genève. Dans ce cas, la compensation est également fixée à 40 % des impôts dus sur les rémunérations versées à raison des activités exercées en télétravail depuis l'État de résidence (la France) mais pour la seule fraction de télétravail comprise entre 15 % et 40 % du temps de travail par année civile. Il en résulte une forme de franchise de 15 % de compensation au bénéfice de ce canton. Ce seuil de 15 % correspond à un « forfait » de télétravail de 34 jours, qui aligne le régime accordé au canton de Genève sur celui du Luxembourg13(*).
Si cette exception s'inscrit dans le contexte de l'existence d'une compensation financière au profit des départements de l'Ain et de la Haute-Savoie au titre notamment des infrastructures de transport situées du côté français de la frontière et servant aux transfrontaliers allant travailler en Suisse14(*), le lien de causalité n'apparaît pas évident. Au demeurant, cette franchise est d'autant plus favorable au canton qu'elle s'applique sur la part s'étendant de 0 % à 15 % de télétravail sur le temps de travail total, qui concerne davantage de personnes que si c'était la part de 25 % à 40 % par exemple qui avait été exclue.
Par ailleurs, afin d'assurer l'application de l'article 17 de la convention et notamment de calculer le montant de la compensation due, l'article 6 de l'avenant crée un nouvel article 28 ter au sein de la convention, qui prévoit, dans le cadre d'un échange de renseignements automatique devant préserver le secret des informations, que l'État contractant dans lequel l'employeur est situé fournit chaque année à l'État de résidence du salarié des renseignements individuels et nominatifs tenant notamment à l'identité et au domicile des personnes, à la quantité de télétravail réalisée et au montant de la masse totale des rémunérations brutes versés. Il convient de noter qu'il est prévu par l'article 8 de l'avenant que ce dispositif d'échange d'informations s'applique également aux rémunérations des employés qui relèvent du régime des travailleurs frontaliers de l'accord du 11 avril 1983, qui prévoit également un régime de compensation15(*).
Comparaison des conventions bilatérales
conclues avec des États frontaliers de la France
Régime fiscal des travailleurs frontaliers et transfrontaliers |
État concerné |
Imposition dans l'État d'exercice de l'activité |
Andorre, Belgique (depuis 2012), Suisse (convention de 1966), Luxembourg |
Imposition dans l'État de résidence, avec compensation de l'État d'exercice de l'activité |
Allemagne, Suisse (accord frontalier de 1983) |
Imposition dans l'État de résidence, sans compensation de l'État d'exercice de l'activité |
Italie, Espagne, Monaco |
Note : le canton de Genève verse une compensation financière au profit des départements de l'Ain et de la Haute-Savoie aux fins de dédommager ces derniers des infrastructures et services publics à hauteur de 3,5 % des rémunérations brutes perçues par les salariés concernés.
Source : commission des finances
* 13 La convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune du 20 mars 2018, révisée par l'avenant du 7 novembre 2022, prévoit que les résidents de France restent imposables au Luxembourg s'ils ne télétravaillent pas plus de 34 jours par an, sans compensation financière au profit de la France.
* 14 Voir supra.
* 15 Idem.