B. SÉCURISER LA RÉPRESSION DU CONTRÔLE COERCITIF
S'agissant de l'article 3, la commission a estimé que les modalités proposées pour réprimer le contrôle coercitif posaient de multiples difficultés. Outre le risque majeur d'une censure par le Conseil constitutionnel au vu de l'imprécision des termes employés, ce qui porte atteinte à la légalité de l'infraction proposée, elle a jugé :
- de manière générale, qu'il n'était pas opportun d'inscrire dans la loi les termes de « contrôle coercitif », ceux-ci correspondant à un concept sociologique par nature évolutif et dont tous les éléments ne sont pas susceptibles d'être saisis par le droit. Il est en outre apparu aux rapporteures qu'une telle formulation aurait pour effet d'enserrer la notion de « contrôle coercitif » dans une définition législative limitative, ce qui la priverait de son utilité probatoire pour les enquêteurs et les magistrats ;
- au plan pénal, qu'il était préférable de ne pas traiter les faits associés au contrôle coercitif comme une infraction autonome, la multiplication des infractions étant un facteur de risque juridique est de nature à brouiller l'articulation entre les différentes qualifications mobilisables en matière de violences conjugales, donc à complexifier l'engagement des poursuites par les parquets ;
- au plan civil, qu'il n'était pas souhaitable d'intégrer la notion de contrôle coercitif aux dispositions relatives aux modalités d'exercice, à la suspension et au retrait de l'autorité parentale. Le code civil assure en effet déjà la prise en compte des violences psychologiques qui s'apparentent au concept du contrôle coercitif. De telles évolutions pourraient ainsi priver le juge aux affaires familiales de la liberté d'appréciation qui lui permet, en l'état du droit, de protéger les victimes de violences psychologiques et leurs enfants. En outre, certaines modifications prévues porteraient atteinte à l'office même du juge aux affaires familiales, qui doit se prononcer au regard de l'intérêt de l'enfant, et contreviendraient vraisemblablement à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
C'est pourquoi la commission a fait le choix, en adoptant un amendement des rapporteures, d'intégrer les faits et comportements s'apparentant à la notion sociologique de contrôle coercitif dans le cadre des dispositifs réprimant le harcèlement sur conjoint (cette infraction apparaissant mieux adaptée que les violences psychologiques dans tout ce qu'elle suppose de répétition et de continuité des actes délictueux) et de le définir selon des termes juridiques déjà connus et maîtrisés, ainsi qu'aisément compréhensibles par les citoyens.
Le texte adopté par la commission, inspiré des auditions de juristes, de magistrats et d'associations menées par les rapporteures, prévoit dès lors que ce harcèlement sera constitué par des « propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet de restreindre gravement la liberté d'aller et venir de la victime ou sa vie privée ou familiale, de contraindre sa vie quotidienne par des menaces ou des pressions psychologiques ou financières ou de la placer dans une situation de particulière vulnérabilité ».
L'infraction verrait sa répression aggravée dans des circonstances tenant à l'incapacité subie par la victime ou de sa situation initiale de vulnérabilité, à la présence d'un mineur, mais aussi au cumul éventuel entre ces circonstances. De même que pour le harcèlement sur conjoint existant, la loi prévoirait en outre que la peine encourue est portée à dix ans de prison lorsque les faits ont poussé la victime à se suicider ou à tenter de le faire.