III. RENFORCER L'OFFRE DE SOINS DANS LES TERRITOIRES EN TENSION
A. FAVORISER L'INSTALLATION ET L'EXERCICE DANS LES TERRITOIRES LES PLUS FRAGILES
La proposition de loi porte de nombreuses mesures destinées à favoriser l'exercice dans les zones les moins bien dotées en professionnels de santé.
L'article 3 de la proposition de loi vise à réduire les inégalités territoriales d'accès aux médecins, qui continuent de s'aggraver, en soumettant leur installation en zone « sur-dense » à une autorisation préalable du directeur général de l'ARS. Cette autorisation préalable serait conditionnée :
- pour les médecins généralistes, à un engagement de leur part à exercer à temps partiel en zone « sous-dense » ;
- pour les médecins spécialistes, à la cessation concomitante d'activité d'un confrère de la même spécialité exerçant dans la même zone, à un engagement d'exercice à temps partiel en zone « sous-dense » ou à une décision du directeur général de l'ARS motivée par la nécessité de cette installation pour maintenir l'accès aux soins dans le territoire.
De telles mesures de régulation démographique ont d'ores et déjà été mises en place, par voie conventionnelle, pour les autres professions de santé. Le conventionnement des professionnels est ainsi régulé, dans les zones les mieux dotées, depuis 2008 pour les infirmiers, depuis 2018 pour les masseurs-kinésithérapeutes et sages-femmes et depuis le 1er janvier 2025 pour les chirurgiens-dentistes. L'ouverture de pharmacies d'officine ne peut, de la même manière, être autorisée que si elle respecte des seuils géo-démographiques définis, de longue date, par la loi.
Part de la population nationale résidant
dans une zone
à conventionnement régulé
Si ces mesures n'ont pas permis de faire disparaître, à elles seules, les inégalités territoriales d'accès à ces professionnels, leur efficacité est, toutefois, désormais bien documentée. L'assurance maladie observe, ainsi, une stabilisation des effectifs dans les zones « sur-denses » régulées pour ces professions.
Attachée aux libertés sur lesquelles s'est construite la médecine libérale, la commission juge toutefois que l'ampleur et l'aggravation des inégalités d'accès aux médecins justifient pleinement ces dispositions. La mesure préserve la liberté d'installation des médecins, en permettant à ces derniers d'exercer où ils le souhaitent. Elle contraint, en revanche, ceux d'entre eux qui choisiraient de s'installer dans les territoires les mieux dotés à contribuer activement à la maîtrise des inégalités d'accès par des consultations avancées.
Soucieuse de cet équilibre et de l'effectivité de ces dispositions, la commission souhaite que les médecins concernés soient accompagnés et soutenus par l'assurance maladie dans les investissements nécessaires à la conduite de leur activité secondaire.
Pour les mêmes raisons, la commission a jugé nécessaire, en adoptant l'article 4, d'assortir de garanties légales la possibilité, pour les médecins, d'exercer en cabinet secondaire, et de simplifier l'ouverture de ces structures. Elle propose notamment que l'ordre ne puisse plus s'opposer à l'établissement d'un cabinet secondaire pour des motifs tirés d'une méconnaissance de la continuité des soins, mais a souhaité, en adoptant un amendement de sa rapporteure, permettre à l'ordre d'émettre un avis pour alerter, si besoin, les praticiens sur ce sujet afin que ceux-ci respectent à tout moment leurs obligations déontologiques.
Pour inciter les médecins à s'installer dans les zones « sous-denses » ou à y réaliser une part de leur activité, l'article 5 invite les partenaires conventionnels à définir, dans la convention médicale, des tarifs spécifiques applicables dans tout ou partie des zones sous-denses. Il prévoit le lancement sans délai d'une négociation après la promulgation de la présente loi, et l'entrée en vigueur immédiate des tarifs spécifiques qui en résulteront. La commission a soutenu cette mesure et souligné que ces tarifs se distinguaient nettement de dépassements d'honoraires. Dans la mesure où ils seront pris en charge, conjointement, par l'assurance maladie et les contrats solidaires et responsables des complémentaires, ceux-ci n'augmenteront pas, dans la très grande majorité des situations, le reste à charge des patients.
Enfin, diverses dispositions ont pour objet d'assouplir les conditions d'organisation de l'offre de soins pour favoriser l'implantation de services de santé dans les territoires les plus fragiles.
Ainsi, l'article 6 vise à faciliter les remplacements des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes souhaitant s'absenter ponctuellement de leur cabinet pour réaliser des missions concourant au maintien d'une offre de soins dans des zones de sous-densité médicale. Actuellement, la réalisation de telles activités pendant un remplacement est fortement contrainte pour les médecins, et proscrite pour les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes.
L'article 7 s'inspire de l'expérience de l'association Médecins solidaires pour favoriser la création de centres de santé dans des territoires ruraux isolés. Ces centres, qui fonctionnent sur du temps médical partagé et une rotation hebdomadaire des praticiens, répondent aujourd'hui à des besoins de santé non couverts dans des zones carencées en services de santé. Pour consolider ce modèle, l'article fixe les conditions d'une expérimentation qui autorise, pour une durée de 3 ans, des centres de santé à recruter des médecins sur des durées courtes, en dérogeant à certaines règles du code du travail. La commission a soutenu cette mesure, qui encourage par ailleurs la diversification du mode d'exercice des praticiens.