N° 663

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 mai 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI),

Par M. Hervé REYNAUD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

416, 659 et 664 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

Le Sénat s'est résolument engagé, au cours des dernières années, pour mieux armer les élus locaux face aux inondations, risque naturel d'envergure, recouvrant des phénomènes différenciés selon les territoires et aux conséquences dramatiques, dont les dégâts majeurs constatés dans le Pas-de-Calais en 2023 sont l'illustration.

Partant du constat de « réalités territoriales souvent complexes, de la diversité des acteurs concernés et de la nécessité d'une coordination accrue en matière de prévention des inondations », les auteurs de la proposition de loi - Anne Chain-Larché et Pierre Cuypers - ambitionnent ainsi :

- d'instituer une nouvelle faculté de délégation des EPCI à fiscalité propre au département de tout ou partie de la compétence relative à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) ;

- de faciliter l'articulation de la compétence GEMAPI avec celles relatives au ruissellement et à l'érosion des sols.

Deux autres mesures, relatives au financement de la compétence GEMAPI, ont été déléguées à la commission des finances.

Favorable à l'adoption de nouveaux outils à la main des élus locaux pour mieux assurer l'exercice de leurs compétences, la commission a adopté la proposition de loi, après l'avoir précisée par trois amendements du rapporteur, Hervé Reynaud, afin de sécuriser juridiquement la procédure de délégation et de mieux assurer le lien entre les compétences de prévention des inondations et de lutte contre le ruissellement.

I. LA GEMAPI : UNE COMPÉTENCE RÉCEMMENT ATTRIBUÉE AU BLOC COMMUNAL DONT LA MISE EN oeUVRE DEMEURE CONTRASTÉE MALGRÉ UNE RECRUDESCENCE DES RISQUES

A. LES LOIS « MAPTAM » ET « NOTRE » : UNE STRUCTURATION DE LA GEMAPI POUR FAIRE FACE AU MORCELLEMENT DES RESPONSABILITÉS

Le législateur a fait le choix, par l'adoption des lois « MAPTAM » du 27 janvier 2014 et « NOTRe » du 7 aout 2015, de confier à titre obligatoire et exclusif la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) aux établissements publics à fiscalité propre (EPCI-FP) afin de lutter contre l'émiettement de la gouvernance préexistant en la matière. Ainsi, depuis le 1er janvier 2018, l'exercice de la compétence GEMAPI dans ses quatre principales composantes a été transféré des communes aux EPCI-FP.

Avant l'adoption de ces deux lois, la GEMAPI n'était ni identifiée comme telle, ni attribuée à une catégorie de collectivités territoriales ou de groupements. Les missions qui en relèvent étaient exercées, à titre facultatif, par l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements. Les uns et les autres disposaient à cette fin, en vertu de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, de diverses prérogatives de puissance publique leur permettant de prescrire ou d'effectuer des travaux d'intérêt général ou d'urgence, y compris sur des terrains privés.

Il en résultait un morcellement et un enchevêtrement des responsabilités, qui ne favorisaient pas une vision stratégique de la compétence à l'échelle d'un bassin-versant, et un défaut de structuration de la maîtrise d'ouvrage. Les inondations dramatiques survenues dans le Var en 2010 et en 2011, de même que les ravages causés en 2010 par la tempête Xynthia dans plusieurs départements de la côte atlantique, témoignaient de cette absence de gestion intégrée de ladite compétence.

La compétence GEMAPI est sécable et comprend quatre principaux domaines d'intervention, en application de l'article L. 211-7 du code de l'environnement :

- l'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique ;

- l'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau, y compris les accès à ce cours d'eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d'eau ;

- la défense contre les inondations et contre la mer ;

- la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines.

Compte tenu du caractère sécable de la compétence, le bloc communal peut transférer ou déléguer tout ou partie des missions constituant la compétence GEMAPI à un syndicat mixte ; il n'est pas obligatoire qu'une même personne publique exerce l'ensemble des missions constitutives de la GEMAPI.

Au surplus, plusieurs autres missions, en lien avec les quatre précédentes, peuvent être transférées par les communes membres à l'EPCI-FP de manière facultative, notamment s'agissant de l'approvisionnement en eau ou de la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement.

En somme, l'attribution de compétence au bloc communal vise à assurer un lien étroit et pérenne entre les politiques d'urbanisme (notamment en intégrant le risque d'inondation et de dégradation des milieux naturels dans l'aménagement du territoire et dans les documents d'urbanisme) et les missions relatives à la prévention des risques d'inondation et à la gestion des milieux aquatiques. Elle permet aussi de clarifier les responsabilités que les maires assument déjà en la matière, en vertu de leur pouvoir de police générale1(*), tout en leur fournissant les outils juridiques et financiers nécessaires à son exercice.


* 1 Voir article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. La police municipale comprend notamment « le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que (...) les inondations, les ruptures de digues », etc.

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