III. FAVORABLE AU RENFORCEMENT DU POUVOIR DE DÉROGATION, LA COMMISSION EN A ÉLARGI LA PORTÉE ET A LEVÉ LES FREINS À SA MOBILISATION
A. LA COMMISSION A ÉLARGI LA PORTÉE DU POUVOIR PRÉFECTORAL DE DÉROGATION INSCRIT DANS LA LOI
1. Une consécration législative du pouvoir de dérogation attendue et bienvenue
La commission a accueilli favorablement la consécration législative du pouvoir préfectoral de dérogation, dont le renforcement avait été préconisé par le groupe de travail de la présidence du Sénat sur la décentralisation en 20234(*).
L'inscription dans la loi de ce dispositif présente un triple intérêt :
- juridiquement, elle élargit le champ de la dérogation à toutes matières ainsi qu'aux normes arrêtées par les opérateurs de l'État ;
- politiquement, elle permet de reconnaître le rôle du préfet pour apprécier l'intérêt général des projets locaux et adapter la norme nationale aux particularités locales ;
- elle contribue à clarifier les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité pénale des préfets usant de cette prérogative.
2. Un élargissement substantiel de la portée du pouvoir de dérogation
La commission, par l'adoption d'un amendement COM-4 de la rapporteure, a réécrit l'article 1er afin d'élargir et de préciser la portée et le champ du dispositif. Elle a ainsi :
- étendu le champ des normes susceptibles de faire l'objet d'une dérogation : la commission a entendu permettre au préfet de déroger à toute norme relevant de la compétence d'un service de l'État ayant un champ d'action territoriale, incluant l'ensemble des opérateurs et agences étatiques du département ou de la région. En outre, le préfet pourra, au titre de son droit de dérogation, prendre des décisions réglementaires et des décisions individuelles ;
- élargi le champ des bénéficiaires du droit de dérogation : la commission a supprimé la distinction initiale entre les collectivités et les particuliers, afin d'inclure tout autre type d'acteurs (associations, fondations, etc.) ;
- précisé les conditions dans lesquelles le préfet peut déroger à des normes « de fond » : le préfet pourra prévoir des adaptations mineures à ces normes, à condition de poursuivre un objectif de facilitation des projets locaux.
3. Une démarche d'ouverture, au cas par cas, de facultés de dérogation à certaines normes de valeur législative
Soulignant que l'introduction d'un dispositif de portée générale qui permettrait au préfet de déroger à des normes de nature législative ne serait pas conforme aux exigences constitutionnelles, la commission a salué la démarche consistant à octroyer, au cas par cas et pour des objectifs précisément définis, des facultés de dérogation à certaines dispositions législatives.
De façon générale, la commission a jugé utiles les régimes législatifs de dérogation introduits par les articles 2 à 4, tout en considérant que des ajustements pourraient s'avérer nécessaires lors de l'examen de la proposition de loi en séance publique.
En tout état de cause, la commission a adopté trois amendements à l'article 2 :
- d'une part, à l'initiative de la rapporteure (amendement COM-5), elle a supprimé une précision ne relevant pas du domaine de la loi ;
- d'autre part, à l'initiative du groupe Socialiste, Écologique et Républicain (SER) et de Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte (amendements COM-3 et COM-1 rect.), elle a introduit un dispositif spécifique de dérogation à l'obligation de participation minimale financière des collectivités territoriales maîtres d'ouvrage, au bénéfice des petites communes rurales les plus défavorisées, qu'elle avait précédemment adopté, lors de l'examen de la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales5(*).
Enfin, par l'adoption d'un amendement (COM-6) de la rapporteure, la commission a créé une faculté de dérogation en matière d'attribution du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Ainsi, lorsqu'une collectivité réalise un investissement d'un montant particulièrement élevé au regard de sa capacité financière, elle pourra désormais demander au préfet que la compensation correspondante lui soit versée au titre de l'année en cours (année « N », au lieu de « N+2).
* 4 Rapport du groupe de travail du Sénat sur la décentralisation, « Libre administration, simplification, libertés locales : 15 propositions pour rendre aux élus locaux leur « pouvoir d'agir », 6 juillet 2023.
* 5 Rapport n° 324 (2023-2024) du 7 février 2024 d'Hussein Bourgi sur la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales.