II. RECONNAÎTRE LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT ET RENFORCER LES EFFORTS EN FAVEUR DE LA SANTÉ PUBLIQUE ET DES GÉNÉRATIONS FUTURES

A. RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT : UNE RECONNAISSANCE JURIDIQUE ET SYMBOLIQUE FONDAMENTALE POUR LES POPULATIONS LOCALES

Les carences fautives et les négligences de l'État concernant l'utilisation du chlordécone font l'objet d'une reconnaissance de la part des juridictions administratives depuis 20223(*). Le Conseil d'État, compétent en dernier ressort, n'a toutefois pas encore eu l'occasion de se prononcer sur une telle reconnaissance. Symboliquement un pas a déjà été franchi, dans son allocution du 27 septembre 2018 en Martinique, le Président de la République estimait que « l'État doit prendre sa part de responsabilité dans cette pollution et doit avancer dans le chemin de la réparation et des projets ».

L'alinéa 1er de l'article 1er du texte affirme la reconnaissance pleine et entière de la responsabilité pour faute de l'État dans les préjudices sanitaires, moraux, écologiques et économiques subis par les populations de Guadeloupe et de Martinique.

Guidée par un souci d'équilibre, la commission, sur proposition de sa rapporteure, a précisé les contours de cette responsabilité de l'État et ses conséquences ( amdt) afin :

- d'admettre « la part » de responsabilité de l'État, laissant ouverte la détermination de coresponsabilités possibles, dans la continuité de la jurisprudence et des propos du président de la République  ;

- de requalifier la notion de « préjudices moraux », en « préjudices moraux d'anxiété » afin d'intégrer la qualification dégagée par la jurisprudence administrative dans la loi.

Cette reconnaissance symbolique et juridique ouvre la voie au chemin de la réparation fixé comme objectif par l'alinéa 5 de l'article 1er, et la possibilité, le cas échéant, d'une indemnisation des victimes de contamination au chlordécone.

B. RÉDUIRE LE RISQUE D'EXPOSITION AU CHLORDÉCONE DANS LES ANTILLES FRANÇAISES : AGIR EN FAVEUR DES GÉNÉRATIONS PRÉSENTES ET FUTURES

Le plan chlordécone IV (2021-2027) (130 millions d'euros) est aujourd'hui la politique publique fer de lance du Gouvernement pour réduire l'exposition de la population à ce pesticide. Il vise notamment à mieux objectiver les atteintes sanitaires, en facilitant l'accès au dépistage grâce à la mise à disposition gratuite de tests de chlordéconémie. Depuis 2021, près de 42 500 personnes ont pu bénéficier de ce dispositif de prévention sanitaire. Bien que les alinéas 3, 7 et 8 de l'article 1er renforcent utilement la prévention sanitaire, certaines propositions sont en décalage avec les recommandations scientifiques actuelles.

Dans un souci de réalisme, la commission, sur proposition de la rapporteure, estime préférable de s'en tenir aux recommandations scientifiques. En conséquence, elle juge plus raisonnable de ne pas retenir l'objectif d'un dépistage systématique du cancer de la prostate (alinéa 7 de l'article 1er) ( amdt), et considère inadaptée la généralisation des tests de chlordéconémie à l'ensemble du territoire - étant précisé qu'il faut entre 4 et 6 mois pour diviser par deux les traces de la substance dans le sang : un métropolitain présente en effet peu de risques de contamination.

Source: Stratégie chlordécone, les essentiels

Les alinéas 2 et 3 de l'article 1er se concentrent sur l'essentiel : la dépollution des terres et des eaux ainsi que le renforcement des mesures en matière de sécurité sanitaire et de l'alimentation. L'affirmation de ces objectifs, déjà poursuivis par le plan chlordécone IV constitue une avancée opportune pour les générations présentes et futures.


* 3 Par une décision du 24 juin 2022 du tribunal administratif de Paris, puis une décision de la cour administrative d'appel de Paris du 11 mars 2025, les juges du fond ont reconnu plusieurs fautes de l'État.

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