N° 691

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juin 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement
durable (1) sur la proposition de loi visant à
renforcer la protection des ressources
en
eau potable contre les pollutions diffuses,

Par M. Hervé GILLÉ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Didier Mandelli,
premier vice-président ;
Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Hervé Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars, secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine,
MM. Jean Bacci, Alexandre Basquin, Jean-Pierre Corbisez, Jean-Marc Delia, Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz,
Franck Dhersin, Alain Duffourg, Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Éric Gold, Daniel Gueret,
Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier Jacquin, Damien Michallet, Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet,
MM. Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Jean-Marc Ruel, Mme Denise Saint-Pé, M. Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, MM. Paul Vidal, Michaël Weber.

Voir les numéros :

Sénat :

421 et 692 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, le 4 juin 2025, n'a pas adopté la proposition de loi visant à renforcer la protection des ressources en eau potable contre les pollutions diffuses, présentée par Florence Blatrix Contat et l'ensemble du groupe socialiste, écologiste et républicain, sur le rapport d'Hervé Gillé.

Ne pouvant que déplorer les échecs persistants du cadre normatif et des stratégies de reconquête de la qualité des eaux brutes, la commission souligne la nécessité de définir des politiques publiques et des outils de protection à la source des captages d'eau potable plus transversaux et de s'inscrire dans une logique d'accompagnement et d'aide à la transition des pratiques et méthodes culturales.

Au-delà des mécanismes d'accompagnement volontariste proposés par le rapporteur mais qui n'ont pas été retenus par la commission, le présent texte mobilise le levier coercitif, en interdisant d'ici 2031 l'utilisation et le stockage des produits phytosanitaires et des engrais minéraux au sein des périmètres de protection des aires d'alimentation des captages. Si cette approche est pertinente dans certains cas, notamment là où les pressions sur la ressource sont les plus fortes, ce profond changement des pratiques agricoles risque de fragiliser la viabilité agronomique et économique des exploitations concernées. À ce titre, il est indispensable que les prises de risque des agriculteurs soient compensées par des mesures et de puissants mécanismes d'accompagnement.

Les initiatives parlementaires ne pouvant pas créer ou aggraver une charge publique, les marges de manoeuvre du rapporteur pour rééquilibrer le texte en conciliant mieux prévention et coercition étaient donc fortement contraintes. En dépit d'une prise de conscience aiguë de la nécessité d'une action publique transformatrice, la lutte contre les pollutions diffuses ne sera efficace qu'à la condition d'associer le monde agricole, mais aussi l'ensemble des acteurs de l'eau. Ne souhaitant pas créer une contrainte nouvelle sans accompagnement spécifique, ni interférer avec les travaux en cours dans le cadre de la feuille de route gouvernementale « Améliorer la qualité de l'eau par la protection de nos captages » tout juste présentée le 28 mars dernier, la commission n'a donc pas adopté de texte.

En conséquence, la discussion en séance publique portera sur le texte de la proposition de loi initiale telle que déposée sur le Bureau du Sénat.

I. LA RECONQUÊTE DE LA QUALITÉ DES EAUX BRUTES, UN ÉCHEC PERSISTANT EN DÉPIT D'UNE MULTIPLICITÉ DE NORMES ET DE STRATÉGIES DÉDIÉES

A. LES CAPTAGES, UN PATRIMOINE INDISPENSABLE À LA FOURNITURE D'EAU POTABLE QUI SE RÉDUIT CHAQUE ANNÉE

Les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) sont majoritairement produites selon l'une des deux modalités suivantes : le prélèvement par captage dans une nappe souterraine ou le prélèvement par pompage dans une ressource superficielle d'eau douce.

Force est de constater que ce patrimoine se réduit chaque année du fait de l'abandon de certains équipements : sur la période 1980-2024, près de 14 300 captages ont été fermés. La première cause de fermeture des captages est imputable à la dégradation de la qualité de la ressource en eau, dans un tiers des cas. Cette situation ne peut se poursuivre indéfiniment, car elle affaiblit la résilience hydrique des territoires et entraîne une dépendance accrue vis-à-vis d'un nombre plus réduit de points d'approvisionnement.

Depuis 2019, nous sommes confrontés chaque année à la fermeture de quelques centaines de captages, soit environ 1 % de l'ensemble des captages. Parmi les captages fermés, environ 20 % le sont pour des raisons de contamination microbiologique ou chimique ; la contamination par les nitrates et les pesticides explique la fermeture de 10 % à 15 % des captages tous les ans, soit quelques dizaines de captages abandonnés pour ce motif. Ces chiffres, relativement stables d'une année sur l'autre, ne diminuent pas, signe que les stratégies mises en oeuvre achoppent sur la reconquête de la qualité des eaux.

Confirmant cette analyse statistique, un rapport inter-inspections1(*) a récemment fait état de l'échec global de la préservation de la qualité des ressources en eau pour ce qui concerne les pesticides, ainsi qu'une « gestion des non-conformités qui pose de sérieuses difficultés aux acteurs de terrain ». Les inspecteurs dressent un sévère constat d'insuffisance des politiques de protection des captages et mettent en garde : sans mesures préventives ambitieuses et ciblées, la reconquête de la qualité des eaux est illusoire.

La contamination des nappes et des aquifères où sont puisées les eaux destinées à la consommation humaine oblige en effet les services publics de l'eau à prendre toute mesure technique appropriée pour modifier la nature ou la propriété des eaux avant qu'elles soient distribuées, afin de réduire ou d'éliminer le risque de non-respect des normes sanitaires.

Ces traitements engendrent naturellement des surcoûts pour les gestionnaires des services publics d'eau et d'assainissement, dont les ordres de grandeur sont estimés entre un et deux milliards d'euros par an, ces coûts étant plus complexes à supporter par les collectivités de petite et moyenne taille. La poursuite de cette tendance n'est pas tenable, ni sur le plan économique, ni sur le plan sanitaire.


* 1 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine, réalisé par l'IGAS, l'IGEDD et le CGAER, juin 2024.

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