B. UN CADRE NORMATIF FOISONNANT QUI N'A PAS PERMIS D'ATTEINDRE LES OBJECTIFS D'AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DES EAUX BRUTES
La protection des captages vis-à-vis des pollutions de toute nature constitue une préoccupation ancienne des pouvoirs publics, fondée sur la réduction des pressions s'exerçant au sein d'un périmètre géographiquement et hydrologiquement pertinent.
Les grandes lois sur l'eau de 1964, 1994 et 2006 ont progressivement enrichi la panoplie des dispositifs normatifs, tantôt facultatifs, tantôt obligatoires, mis en oeuvre par les services publics de l'eau ou l'autorité réglementaire, afin de diminuer les pressions de toute nature s'exerçant sur la qualité de la ressource brute, c'est-à-dire avant les éventuels dépollution et traitement de potabilisation.
L'instauration de périmètres de protection des points de prélèvement d'eau est aujourd'hui obligatoire. La création d'un captage d'eau potable s'accompagne dans tous les cas d'un périmètre immédiat et, le cas échéant, d'un périmètre rapproché, pouvant être complété par un périmètre éloigné. Ce zonage est institué par la voie d'une déclaration d'utilité publique (DUP), qui délimite les périmètres de protection. Plus de 84 % des captages ont actuellement un périmètre de protection, les points de prélèvement non couverts étant majoritairement des petits captages situés en zone montagneuse.
Depuis la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006, des aires d'alimentation des captages (AAC) peuvent être délimitées ; Il s'agit d'une notion reposant sur une approche hydrogéologique correspondant aux surfaces sur lesquelles l'eau qui s'infiltre ou ruisselle participe à l'alimentation de la ressource en eau prélevée. À l'intérieur de ces périmètres, des zones de protection (ZP-AAC) peuvent être délimitées, au sein desquelles un programme d'actions spécifiques a pour vocation d'assurer la protection quantitative et qualitative des aires d'alimentation des captages d'eau potable d'une importance particulière pour l'approvisionnement actuel ou futur. La définition de ces zones n'est toutefois pas obligatoire.
Les collectivités territoriales peuvent aussi, de leur propre initiative, intégrer des prescriptions de protection des captages dans leur plan local d'urbanisme (PLU), à travers le mécanisme des servitudes de protection, l'interdiction de certaines activités sur des terrains privés ou l'acquisition des terrains autour des captages pour assurer leur protection.
Le caractère foisonnant et l'empilement de ces dispositifs constitue, comme l'a relevé le rapport inter-inspections précité, « un facteur indiscutable d'illisibilité et de complexité, notamment pour établir et mettre en oeuvre les actions de prévention de la dégradation de la qualité des ressources en eau. Elle entraîne aussi une dispersion des moyens humains des services de l'État. »
Source : Agences de l'eau et Dreal Rhône-Alpes
Des stratégies spécifiques ont également été élaborées afin de résorber la dégradation de la qualité des eaux au niveau des captages, à l'instar du millier de « captages prioritaires » identifiés lors du Grenelle de l'environnement en 2009, les plans Écophyto qui ont tenté de réduire l'usage des produits phytosanitaires, le « Plan eau » qui comporte une mesure visant à ce que tous les captages soient dotés d'un plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE) - conformément à la directive Eau potable de décembre 2020 qui impose cette obligation d'ici juillet 2026 et enfin la feuille de route présentée le 28 mars dernier en faveur de l'amélioration de la qualité de l'eau par la protection de nos captages.
Cet empilement normatif et cette superposition de stratégies est le signe indéniable de la prise de conscience des enjeux de la reconquête de qualité des eaux brutes, mais également la démonstration de l'impuissance collective à atteindre les objectifs.