PREMIERE PARTIE : UN CONTEXTE GÉOPOLITIQUE ET STRATÉGIQUE BIEN SPÉCIFIQUE

I. L'ENVIRONNEMENT GÉOSTRATÉGIQUE DE CHYPRE

Chypre est géographiquement située à la frontière de l'Union européenne et du Moyen-Orient.

Depuis les massacres commis par le Hamas le 7 octobre 2023 en Israël et la montée des tensions au Proche-Orient, un risque d'importation à Chypre des conflits de la région est palpable.

En juin 2024, le Secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait pour la première fois menacé l'île, l'accusant de soutenir Israël en permettant l'utilisation de ses bases et aéroports pour des opérations militaires contre le Liban.

Soixante ans après le déploiement des premiers casques bleus à la suite d'affrontements intercommunautaires, puis l'invasion par les troupes turques d'une partie de l'île en juillet 1974, la partition de fait de Chypre demeure une donnée fondamentale structurante. Séparée au sud par une zone démilitarisée orientée sur un axe Est - Ouest sous contrôle des Nations-Unies, Chypre-nord recouvre un territoire de 3 500 km² (36 % du territoire), qui se trouve de facto sous le contrôle de l'armée turque et échappe à la souveraineté de la République de Chypre. Proclamée le 15 novembre 1983, la « République turque de Chypre du Nord » (RTCN), n'est reconnue internationalement que par la Turquie.

Aujourd'hui, l'armée turque y stationne plus de 35 000 soldats possédant des capacités de reconnaissance et de combat. Face à elle, l'armée chypriote génère de la masse (14 000 hommes) par le recours à la conscription et apparaît inférieure numériquement en personnel et en capacités.

Le profond déséquilibre du rapport des forces en présence a incité Chypre à rechercher la « dissuasion par la diplomatie », en concentrant ses efforts sur le droit international et européen ainsi que sur les structures qui l'incarnent (ONU, Union européenne, Conseil de l'Europe). Cela n'empêche nullement les tensions et les incidents (cf. Pyla - août 2023) ainsi qu'une militarisation croissante de la zone tampon (buffer zone) par les deux parties en présence. Cet état de fait est régulièrement relevé dans les rapports établis par la force des Nations Unies sur place (UNFICYP).

En outre, du fait de cette position géographique et de la situation au Proche-Orient, Chypre fait face à une importante pression migratoire. En avril 2024, suite à une hausse des flux migratoires irréguliers depuis le Liban, qualifiée d'« état de crise grave » par le président N. Christodoulides, les autorités chypriotes ont suspendu l'examen des demandes d'asile pour les ressortissants syriens. Les départs de migrants depuis les côtes libanaises ont, par ailleurs, été stoppés depuis la mi-avril 2024 du fait d'une coordination étroite entre les autorités chypriotes et libanaises. Chypre encourage désormais les retours volontaires vers la Syrie en raison de la chute du régime de Bachar el-Assad. De nouvelles arrivées par voie maritime depuis la Syrie, à partir de mars 2025, inquiètent les autorités chypriotes qui craignent une nouvelle vague migratoire.

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