N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 16 Rapporteur spécial : Mme Marie-Carole CIUNTU |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
LES PRINCIPALES
OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. L'exercice 2024 est marqué par une sur-exécution apparente des crédits par rapport aux crédits votés en loi de finances, de l'ordre de 5,9 % en AE (+ 104 millions d'euros) et de 1,6 % en CP (+ 34 millions d'euros). En un an, le montant des crédits exécutés a en revanche baissé de - 33 % en AE (- 920 millions d'euros) et de - 3,4 % en CP (- 78 millions d'euros).
2. Pour la troisième année consécutive, la mission porte les crédits liés à la mise en oeuvre de la protection temporaire en faveur des personnes déplacées d'Ukraine. Au total, le coût de cet accueil, dans le périmètre de la mission, aurait été de 231 millions d'euros en CP en 2024, en baisse par rapport à 2023 (322 millions d'euros) et 2022 (482 millions d'euros). Ces crédits n'avaient malheureusement pas été intégrés à la loi de finances initiale, nuisant tant à la sincérité du budget de la mission qu'à l'efficacité de l'exécution budgétaire. Cette situation explique la sur-exécution des crédits en 2024.
3. Le niveau des demandes d'asile s'est établi en 2024 à un niveau en légère baisse par rapport à 2023, tout en restant historiquement élevé. Le nombre de demandes d'asile présentées en préfecture a ainsi été de 133 955 en 2024, en baisse de 9 % par rapport à 2023.
4. Les crédits de lutte contre l'immigration irrégulière ont connu une sous-exécution en 2024, dans un contexte de nette hausse des crédits initiaux prévus en LFI 2024 par rapport à la LFI 2023. Les efforts fournis dans le cadre du plan d'extension du nombre de places en CRA et les moyens permis par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration1(*) devraient permettre de remédier à cette difficulté.
I. I. UNE SOUS-EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2024, HORS ACCUEIL DES PERSONNES DÉPLACÉES D'UKRAINE
A. DES CRÉDITS INITIAUX EN HAUSSE EFFECTIVE DE 5,4 % EN 2024
En 2024, la mission est restée composée de deux programmes2(*) :
- le programme 303 « Immigration et asile », qui porte les crédits de garantie du droit d'asile et d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que les crédits relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière ;
- le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », qui porte les crédits d'intégration des étrangers primo-arrivants et des réfugiés, notamment la subvention à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) et celles aux associations oeuvrant en la matière.
La loi de finances initiale3(*) prévoyait pour 2024 une baisse des autorisations d'engagement (AE, - 34,0 % soit - 910 millions d'euros) et une hausse des crédits de paiement (CP, + 7,3 % soit + 147 millions d'euros). Les crédits initiaux pour l'ensemble de la mission s'élevaient ainsi à 1,76 milliard d'euros en AE et 2,16 milliards d'euros en CP. Ce niveau de crédits apparaissait légèrement supérieur à la trajectoire prévue par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur4(*).
Trajectoire budgétaire indicative
prévue pour les années 2023 à 2027
par la LOPMI pour
la mission « Immigration, asile et
intégration »
(en millions d'euros, en crédits de paiement) |
||||||
CRÉDITS DE PAIEMENT hors compte d'affectation spéciale « Pensions » |
2022 (pour mémoire) |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Mission « Immigration, asile et intégration » |
1 931 |
2 009 |
2 058 |
2 074 |
2 163 |
2 163 |
Évolution du programme (N / N - 1), en millions d'euros |
- |
78 |
49 |
16 |
89 |
0 |
Source : commission des finances du Sénat (d'après la LOPMI : rapport annexé).
Les deux programmes connaissaient des évolutions contrastées. Le programme 303 « Immigration et asile » concentrait la plus grande part de la baisse des AE (- 799 millions d'euros) mais connaissait une hausse de ses CP (+ 259 millions d'euros) par rapport à 2023. Le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » connaissait quant à lui une baisse aussi bien de ses AE (- 112 millions d'euros) que de ses CP (- 112 millions d'euros).
Ces données brutes concernant la mission doivent néanmoins être interprétées avec précaution, pour deux raisons.
D'une part, la mission a connu en 2024 deux évolutions de périmètre.
En premier lieu, l'action n° 15 « Accompagnement des réfugiés » du programme 104, qui recouvrait en particulier le financement des places d'hébergement pour réfugiés vulnérables (centres provisoires d'hébergement, CPH, ou similaires), a été supprimée par la loi de finances initiale (LFI) pour 2024. Les crédits correspondants, d'environ 126 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), ont été rattachés au programme 303, essentiellement au sein de l'action n° 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile ».
En second lieu, l'action n° 4 « Soutien » du programme 303 a connu une rétrocession de crédits du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » (rattaché à la mission « Administration générale et territoriale de l'État ») d'un montant de 38 millions d'euros en AE=CP.
Au total, les mesures de périmètre conduisent à une augmentation artificielle des crédits du programme 303 de 164 millions d'euros en AE=CP. En sens inverse, elles aboutissent à une baisse artificielle des crédits du programme 104 de 126,2 millions d'euros en AE=CP.
D'autre part, la comparaison en données brutes de la LFI 2024 par rapport à la LFI 2023 mérite d'être corrigée s'agissant des autorisations d'engagement. En effet, budgétairement, l'année 2023 a notamment été marquée par un renouvellement des conventions pluriannuelles avec les gestionnaires s'agissant de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA), d'une part, et des centres d'accueil et d'examen des situations (CAES)5(*), d'autre part. Ces renouvellements ont conduit à une forte hausse ponctuelle des AE engagées en 2023. Cela explique une partie conséquente de la baisse des dépenses en 2024 sur ces deux postes, laquelle atteint respectivement 857 millions d'euros et 187 millions d'euros, soit 1,044 milliard d'euros au total.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les crédits de paiement apparaissaient comme le meilleur indicateur de l'évolution des crédits initiaux en 2024. En neutralisant les effets de périmètre, ils étaient en hausse d'environ 5,4 %, soit une augmentation de 109 millions d'euros.
* 1 Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
* 2 Les effectifs de la mission sont portés par le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », rattaché à la mission « Administration générale et territoriale de l'État » ; il n'y a donc pas de dépenses de personnel sur les programmes 303 et 104 de la mission. Le personnel des deux opérateurs rattachés à la mission est rémunéré directement par ces derniers.
* 3 Les crédits adoptés en loi de finances initiale sont calculés hors fonds de concours et attributions de produits.
* 4 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
* 5 Dédiés également aux demandeurs d'asile.