II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

A. UNE HAUSSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 123 « CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER »

L'exécution du programme 123 par rapport aux crédits ouverts en LFI s'établit à 1 119 millions d'euros en AE (soit 87,3 % des crédits ouverts en LFI 2024) et à 937,6 millions d'euros en CP (soit 101,9 % des crédits ouverts). Le taux de consommation du programme 123 s'élevait déjà en 2023 à 101,1 % en AE et à 105,8 % en CP. Une telle dynamique de consommation des crédits doit être confirmée en 2025. Il serait souhaitable que l'exécution des AE s'améliore.

Les rapporteurs spéciaux notent que l'exécution des crédits du programme 123 est en hausse de 13 % par rapport à 2023, essentiellement en raison de l'action 6 « Collectivités territoriales », dont l'exécution a augmenté de 59 millions d'euros.

Décomposition par actions de la hausse de l'exécution du programme 123

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. Des subventions en hausse au profit des collectivités territoriales

L'action 6 du programme 123 recouvre 3 types de crédits :

- les dotations aux collectivités territoriales et financements adaptés à leurs spécificités afin de favoriser l'égal accès aux services publics locaux des populations ultramarines, notamment en termes d'éducation, en prenant en compte les particularités de ces collectivités et en répondant, par des crédits spécifiques, aux handicaps structurels des outre-mer. Il s'agit donc de maintenir la capacité financière des collectivités d'outre-mer par le versement de dotations ;

- les secours d'urgence et de solidarité nationale liés aux calamités ;

- les actions de défense et de sécurité civile.

En 2024, l'action 6 a été dotée de 328,4 millions d'euros en CP en LFI. La consommation s'est établie à 351,7 millions d'euros en CP, soit un taux d'exécution de 107 % et une hausse de la consommation de 20 % entre 2023 et 2024.

L'augmentation des crédits de cette action est liée à une subvention versée à la collectivité départementale de Mayotte, pour un montant de 100 millions d'euros, au lieu de 60 millions d'euros en LFI 2024 et de 50 millions d'euros versés en 2023.

Par ailleurs, les crédits liés à la crise de l'eau à Mayotte, débutée en 2023, ont été portés par ce programme, à hauteur de 100 millions d'euros ouverts en loi de fin de gestion pour 202313(*). Au-delà, près de 210 millions d'euros sont prévus pour le plan eau-Mayotte sur toute la période 2024-2027. En 2024, 38,8 millions d'euros en AE et 32,2 millions d'euros en CP ont été portés par l'action 6 « Collectivités territoriales » pour le plan eau-Mayotte. Les rapporteurs spéciaux14(*), dans leur rapport pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes15(*) sur le sujet, insistent sur l'importance d'investir dans la gestion de l'eau et de l'assainissement dans l'ensemble des territoires ultramarins, et à Mayotte en particulier, où près de 30 % de la population n'a pas accès à l'eau potable.

Les rapporteurs spéciaux saluent également la prolongation des contrats de redressement outre-mer (COROM), qui permettent de soutenir les communes ultramarines en situation financière dégradée. Une nouvelle génération de contrats porte sur la période 2023 à 2026, et concerne près de 19 communes. En 2024, 31,6 millions d'euros en AE et 13,9 millions d'euros en CP ont été débloquée.

Toutefois, si les crédits de l'action 6 « Collectivités territoriales » ont augmenté, il est regrettable que ceux dédiés à l'action 2 « Aménagement du territoire » aient diminué de 9 millions d'euros entre 2023 et 2024. L'action 2 cofinance les projets d'investissements structurants portés par les collectivités territoriales d'outre-mer via, notamment, les contrats de convergence et de transformation (CCT)16(*) qui succèdent aux contrats de plan État-Région (CPER) et qui ont pour objectif d'investir en faveur du développement des territoires, tout en prenant en compte les spécificités et les besoins des territoires d'outre-mer.

La première génération de CCT est arrivée à expiration en 2023. Une seconde génération de contrats a été signée en 2024 dans tous les territoires ultramarins concernés.

Le Comité interministériel des outre-mer, organisé en juillet 2023, a annoncé la mobilisation de 2,2 milliards d'euros pour la nouvelle génération des CCT et des CDEV de 2024-2027. Le programme 123 en portera au total 822,2 millions d'euros sur la période, dont 157,3 millions d'euros ont été inscrits en LFI 202417(*).

Au total, ce sont 114,5 millions d'euros en AE et 117,6 millions d'euros en CP qui ont été exécutés pour les CCT et les contrats de développement en 2024, représentant près de 70 % des montants prévus en LFI. À noter, que l'exécution de ces crédits concerne dans une large mesure les contrats conclus pour la période 2019-2023, et non la nouvelle génération de contrats de la période 2024-2027.

Au titre des contrats de développement (CDEV), tous achevés en 2020 à l'exception de celui de la Nouvelle-Calédonie18(*) qui courait jusqu'à fin 2023, des CP ont été consommés en 2024 à hauteur de 55,5 millions d'euros en CP.

En effet, l'intégralité des montants contractualisés entre 2019 et 2023 n'ont pu être intégralement engagés. Ainsi, au total, le taux d'engagement sur les montants contractualisés fin 2024 est de 87 %. Le taux de couverture des engagements sur les montants contractualisés n'est même que de 57 % en 2024. Qu'ils s'agissent des CDEV ou des CCT, la sous-exécution globale des engagements pris lors de la première génération de contrats de convergence témoigne notamment de moyens d'ingénierie insuffisants pour mobiliser l'intégralité des fonds prévus. Une nouvelle méthodologie serait souhaitable à cette fin.

2. Une baisse des crédits consacrés au logement

Les rapporteurs spéciaux regrettent également la sous-consommation de l'action 1 « Logement », qui comprend la Ligne budgétaire unique, à hauteur de 11 %. Après une hausse des crédits en 2022, dans une tentative de rattrapage suivant la forte diminution des subventions entamée en 2013 et ce jusqu'en 2021, les dépenses consacrées à cette action semblent stagner entre 2022 et 2024.

Évolution des crédits ouverts et consommés de la ligne budgétaire unique
entre 2011 et 2024

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les rapporteurs spéciaux regrettent que le rattrapage du niveau de dépenses sur le logement jusqu'au niveau de 2012 ne soit pas plus marqué, alors que les populations ultramarines n'ont pas accès à un nombre suffisant de logements. Il serait par ailleurs souhaitable d'exécuter totalement les crédits de l'action, en livrant un nombre de logements plus élevés.

3. Une diminution du fonds exceptionnel d'investissement (FEI)

Les dépenses du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) s'élèvent à 56,1 millions d'euros en CP en 2024, soit une baisse de 20 % des crédits exécutés depuis 2023. Par ailleurs, l'exécution des crédits demeure trop faible : près de 61,2 millions d'euros en AE et de 31,1 millions d'euros en CP n'ont pas été consommés, alors qu'ils étaient prévus en LFI. Une telle sous-exécution est regrettable, et témoigne probablement à la fois d'un manque d'ingénierie dans les collectivités et d'une maturité insuffisante des projets présentés.

Près de 13,4 millions d'euros ont été annulés sur le FEI via le décret précité, la direction générale des outre-mer anticipant une faible demande de mobilisation de ce fonds.

De plus, dans le rapport sur le FEI19(*), il avait été souligné que « le choix était régulièrement fait de redéployer des crédits ouverts au titre du FEI sur d'autres dépenses d'investissements structurants. Ainsi, 7 millions d'euros ont été mobilisés chaque année depuis 2019, pour le financement du volet « sport » des CCT ». Ce constat est toujours vérifié aujourd'hui. De même, 18,3 millions d'euros en provenance du FEI ont été mobilisés au titre du plan eau-Mayotte.

Dans ce contexte, les rapporteurs spéciaux réaffirment que le FEI ne peut être considéré comme une variable d'ajustement lors des arbitrages ministériels et recommandent de mettre fin aux redéploiements récurrents en cours de gestion.

Ainsi sur les 7 dernières années, 730 millions d'euros d'AE ont été ouvertes et seuls 513,5 millions d'euros ont été engagés.

Évolution de la consommation des crédits FEI ouverts en LFI
entre 2018 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires


* 13 Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.

* 14 Rapport d'information n°440 (2024-2025) fait au nom de la commission des finances pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur la gestion de l'eau potable et de l'assainissement en outre-mer, par MM. Georges Patient et Stéphane Fouassin.

* 15La gestion de l'eau potable et de l'assainissement en outre-mer, Cour des comptes, 12 mars 2025.

* 16 Ces contrats ont été signés le 8 juillet 2019 pour les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, les Régions Guadeloupe et La Réunion, le Département de Mayotte et les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, le 22 juin 2020 pour Saint-Martin. Le contrat de développement et de transformation 2021-2023 a été signé le 14 avril 2021 pour la Polynésie. La Nouvelle-Calédonie utilise un contrat de développement (CDEV) jusqu'en 2023.

* 17 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 18 Un nouveau contrat de développement a par ailleurs été signé avec la Nouvelle Calédonie.

* 19 20Rapport d'information n° 727 (2021-2022) du 22 juin 2022 des sénateurs Georges Patient et Teva Rohfritsch : « Le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) : un outil souple et utile dont la gouvernance doit être améliorée ».

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