N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N°
29a (Programmes 152 « Gendarmerie
nationale », 176 « Police nationale » COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : CONTRÔLE DE
LA CIRCULATION Rapporteur spécial : M. Bruno BELIN |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
Les principales
observations
du rapporteur spécial
1. L'exécution de l'exercice 2024 s'élève pour l'ensemble de la mission « Sécurités » à 25,4 milliards d'euros en AE (+ 0,2 % par rapport à la loi de finances initiale, soit + 43 millions d'euros) et à 25,5 milliards d'euros en CP (+ 4,8 %, soit + 1,17 milliard d'euros).
2. Les crédits exécutés du programme 152 « Gendarmerie nationale » sont supérieurs de 0,8 % en AE et de 5,9 % en CP (soit respectivement + 87 millions d'euros et + 617 millions d'euros) aux crédits initiaux. Pour le programme 176 « Police nationale », ils sont en hausse en CP de + 3,9 % mais figurent en baisse de - 0,6 % en AE (soit respectivement + 511 millions d'euros et - 85 millions d'euros).
3. L'exécution des crédits en 2024 s'est opérée dans un contexte riche en évolutions et événements pour la mission. Deuxième année d'application de la LOPMI1(*) et année d'aboutissement de la réforme de la police nationale, 2024 a été marquée par une mobilisation particulièrement intense - et plus forte qu'attendue - des forces de sécurité intérieure. Au travail quotidien et à la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024, évènement d'ampleur mondiale, s'est en effet ajoutée la gestion de multiples crises, en particulier celle en Nouvelle-Calédonie.
4. L'exercice 2024 a été caractérisé par une tension budgétaire très forte, en dépit de la hausse des crédits prévue en loi de finances initiale, en raison de la nécessité de financer des dépenses non-budgétées initialement liées à la sécurisation des JOP, pourtant prévisibles, et à la crise en Nouvelle-Calédonie. Si la situation a été résolue pour les dépenses de personnel et de fonctionnement par l'ouverture d'un niveau de crédits nouveaux significatif par la loi de finances de fin de gestion2(*), elle a néanmoins conduit à une forte réduction des engagements en matière d'investissement, et à divers problèmes de trésorerie en cours d'année ayant notamment contraint la gendarmerie nationale à reporter le paiement de ses loyers au dernier quadrimestre.
5. L'exercice 2024 a renforcé la tendance structurelle observée ces dernières années à l'éviction des dépenses d'investissement par les dépenses de personnel (dont la hausse s'est accélérée, essentiellement en raison de mesures salariales) et, dans une moindre mesure, de fonctionnement, en contradiction avec l'esprit de la LOPMI.
6. En 2024, les dépenses exécutées du CAS sont en hausse par rapport à 2023 (+ 6,8 % en AE et + 5,1 % en CP), s'établissant à 1,818 milliard d'euros. Les recettes exécutées s'établissent quant à elles à 1,877 milliard d'euros, permettant de dégager un solde positif.
I. LES PROGRAMMES « POLICE NATIONALE » ET « GENDARMERIE NATIONALE »
A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS EN 2024
Pour l'ensemble de la mission « Sécurités »3(*), les crédits initiaux prévus pour 2024 affichaient une hausse de 3,2 % en autorisations d'engagement (AE, + 788 millions d'euros) et de 5,4 % en crédits de paiement (CP, + 1,244 milliard d'euros), par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Ils s'établissaient à 25,4 milliards d'euros en AE et à 24,3 milliards d'euros en CP.
L'exécution de l'exercice 2024 s'établit, à l'échelle de la mission, à 25,4 milliards d'euros en AE (+ 0,2 % par rapport à la loi de finances initiale, soit + 43 millions d'euros) et à 25,5 milliards d'euros en CP (+ 4,8 %, soit + 1,17 milliard d'euros).
L'exécution des crédits en 2024 s'est opérée dans un contexte riche en évolutions et événements pour les programmes 152 « Gendarmerie nationale » et 176 « Police nationale », qui regroupent 95,9 % des CP consommés en 2024 au sein de la mission.
Exécution des crédits des programmes
152 « Gendarmerie nationale »
et
176 « Police nationale » en 2024
(en millions d'euros)
Programme |
Crédits exécutés 2023 |
Loi de finances initiale (LFI) pour 2024 |
Crédits exécutés 2024 |
Évolution des crédits exécutés 2024-2023 |
Exécution 2024 par rapport à la LFI 2024 |
|
Police nationale |
AE |
12 542,8 |
13 362,0 |
13 276,8 |
+ 5,9 % |
99,4 % |
CP |
12 376,2 |
12 932,7 |
13 443,2 |
+ 8,6 % |
103,9 % |
|
Gendarmerie nationale |
AE |
10 406,5 |
11 031,5 |
11 118,3 |
+ 6,8 % |
100,8 % |
CP |
10 136,9 |
10 393,0 |
11 009,9 |
+ 8,6 % |
105,9 % |
|
Total |
AE |
22 949,4 |
24 393,6 |
24 395,1 |
+ 6,3 % |
100,0 % |
CP |
22 513,1 |
23 325,7 |
24 453,1 |
+ 8,6 % |
104,8 % |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
En effet, c'était tout d'abord la deuxième année d'application de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur4(*) (LOPMI).
La loi
du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation
du
ministère de l'intérieur
La LOPMI présente les orientations financières et stratégiques pour le ministère de l'Intérieur pour les années 2023 à 2027, notamment pour la police et la gendarmerie nationales. Le budget du ministère de l'Intérieur, qui porte sur plusieurs missions budgétaires5(*), passerait, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions », de 20,78 milliards d'euros en CP en 2022 à 25,35 milliards d'euros en CP en 2027 (+ 4,57 milliards d'euros des crédits annuels, soit + 22,0 %). Au total, la hausse de budget cumulée sur les cinq années 2023-2027 atteindrait environ 15 milliards d'euros.
S'agissant des axes stratégiques, le rapport annexé au projet LOPMI présente différents objectifs et décisions pluriannuelles pour les forces de sécurité intérieures. Ils sont orientés par plusieurs objectifs principaux : être à la hauteur de la révolution numérique, doubler la présence des forces de sécurité sur le terrain à l'horizon 2030 et mieux anticiper les menaces et les crises.
Il est notamment prévu, s'agissant des forces de sécurité :
- la création de nouvelles brigades de gendarmerie et d'unités de forces mobiles ;
- leur transformation numérique qui vise à la fois à développer les outils numériques des forces de sécurité intérieure, à développer les moyens de lutte contre la cybercriminalité et à renforcer la relation numérique avec les citoyens ; en outre, est actée la création d'une Agence du numérique des forces de sécurité, ainsi qu'une école de formation cyber ;
- de doter les policiers et les gendarmes de matériels plus performants et innovants ;
- une réforme de la direction générale de la police nationale (DGPN) et de ses implantations départementales ;
- des mesures en faveur de la filière d'investigation et l'augmentation de ses effectifs ;
- un effort sur la formation des forces de sécurité intérieure, avec une augmentation de 50 % du temps de formation initiale et un doublement de la formation continue ;
- une professionnalisation de la fonction immobilière du ministère ainsi que de la politique d'achats, avec de nouveaux outils ;
- de moderniser la gestion des ressources humaines de la police et de la gendarmerie nationales, notamment dans le cadre des protocoles signés avec les organisations syndicales en mars 20226(*).
Source : LOPMI et commission des finances
En outre, l'année 2024 a connu une mobilisation particulièrement intense - et plus forte qu'attendue - des forces de sécurité intérieure. Au travail quotidien et à la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024, évènement d'ampleur mondiale, s'est en effet ajouté la gestion de multiples crises, en particulier celle en Nouvelle-Calédonie (qui a nécessité d'y déplacer 32 escadrons de gendarmerie mobile et des effectifs du groupement d'intervention de la gendarmerie nationale et de l'unité du RAID de la police nationale), mais également dans d'autres territoires ultramarins, parmi lesquels Mayotte, à la suite du passage du cyclone Chido. Le durcissement des situations d'intervention se reflète par ailleurs sur le niveau d'engagement des forces de sécurité intérieure. En 2024, pour ce qui concerne les gendarmes, 13 d'entre eux sont décédés, 9 995 ont été blessés et 5 463 ont subi des agressions physiques.
Enfin, c'est en 2024 que la mise en oeuvre concrète de la réforme de la police nationale s'est achevée. Cette réforme a consisté, en 2023, en la création des nouvelles directions nationales par filière métier et de l'Académie de police, ainsi que dans la mise en place, en 2024, des directions interdépartementales et départementales unifiant quatre filières (sécurité publique, police judiciaire, renseignement territorial et police aux frontières), placés sous un commandement unique, dans l'objectif de favoriser une meilleure allocation des ressources et une plus grande efficacité.
En 2024, la loi de finances initiale prévoyait, pour les deux programmes, un montant de crédits de 24,4 milliards d'euros en AE et de 23,3 milliards d'euros en CP, en hausse respectivement de 5,7 % et de 4,7 % par rapport à 2023. Si les CP sont sur-exécutés, à hauteur de 4,8 % (+ 1,13 milliard d'euros), les AE connaissent en revanche une exécution globale conforme à la prévision initiale (+ 1,5 million d'euros). En un an, le montant des crédits exécutés a nettement augmenté, de 6,3 % en AE (+ 1,45 milliard d'euros) et de 8,6 % en CP (+ 1,94 milliard d'euros).
Écarts entre la loi de finances
pour 2024 et l'exécution
2024
pour les programmes 152 « Gendarmerie
nationale » et 176 « Police
nationale »
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
Les deux programmes connaissent une exécution différente. Les crédits exécutés du programme 152 « Gendarmerie nationale » sont supérieurs de 0,8 % en AE et de 5,9 % en CP (soit respectivement + 87 millions d'euros et + 617 millions d'euros) aux crédits initiaux. Pour le programme 176 « Police nationale », ils sont en hausse en CP (+ 3,9 %) mais sont en baisse de - 0,6 % en AE (soit respectivement + 511 millions d'euros et - 85 millions d'euros).
En 2024, les crédits de la mission, y compris les programmes 176 et 152, ont connu d'importants mouvements en cours d'exécution. Au-delà d'une régulation budgétaire ayant pris des proportions importantes avant que les crédits ne soient intégralement dégelés7(*), l'année 2024 a été marquée par des reports de crédits significatifs de 2023, une annulation significative de crédits par le décret du 21 février 20248(*), des apports de fonds de concours et d'attributions de produits, des virements et transferts et, enfin, l'ouverture de crédits nouveaux importants par la loi de finances de fin de gestion pour 20249(*).
Exécution budgétaire de la mission en CP pour l'exercice 2024
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des données du rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024
* 1 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
* 2 Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.
* 3 La mission « Sécurités » est composée de quatre programmes : 176 « Police nationale », 152 « Gendarmerie nationale », 161 « Sécurité civile » et 207 « Sécurité et éducation routières ».
* 4 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
* 5 Il couvre trois missions (« Sécurités », « Administration générale et territoriale de l'État », et « Immigration, asile et intégration »), le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et les taxes affectées à l'ANTS (Agence nationale des titres sécurisés). Sont toutefois exclus du périmètre de la LOPMI le programme 232 « Vie politique » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », les programmes 754 et 755 du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », et les programmes « Outre-mer ».
* 6 Voir infra.
* 7 Voir infra.
* 8 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 9 Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.