B. L'INDISPENSABLE ACTUALISATION DE LA TRAJECTOIRE D'AIDE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCE

La loi de finances pour 2025 ayant acté la consolidation des dépenses d'aide publique au développement, respectivement à 5,1 milliards d'euros en AE et à 4,4 milliards d'euros en CP, la trajectoire fixée par la loi de programmation du 4 août 2021 paraît désormais caduque2(*). Cette dernière était apparue excessivement ambitieuse dès le stade de son examen au Sénat. Prenant acte d'une marche budgétaire trop importante pour atteindre l'objectif de 0,7 % d'ici à 2025, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, réuni en juillet 2023, a décidé le report de cet effort à 2030. Si la méthode choisie pour acter ce report, sans aucune information du Parlement, est contestable, cette décision paraissait inéluctable. La réalisation de la trajectoire aurait en effet, selon le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, nécessité une augmentation massive du volume d'APD, de l'ordre de 6,2 milliards d'euros.

Trajectoire de la mission « Aide publique au développement »
pour les années 2023 à 2026

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après les données de la Cour des comptes

Compte tenu de la situation budgétaire et des arbitrages récents rendus sur la mission APD, il est toutefois improbable que l'objectif de 0,7 % du RNB d'ici 2030 soit respecté. L'exécution des dépenses de la mission, en 2023 comme en 2024, s'éloigne de la trajectoire fixée dans les différents textes votés par le Parlement. Il paraît dès lors nécessaire d'envisager une actualisation de la trajectoire d'aide au développement de la France.

Sans préjuger des débats futurs, les rapporteurs spéciaux tiennent à souligner deux facteurs qui contraindront nécessairement les arbitrages budgétaires relatifs à la mission APD dans les années à venir.

En premier lieu, une part conséquente des dépenses de la mission APD résultent d'engagements juridiquement contraignants. Il s'agit notamment, au sein des contributions multilatérales, des contributions obligatoires, qui découlent d'un engagement en droit international public, généralement un traité ou un accord international. L'augmentation continue des contributions internationales depuis 2017 contribue à une rigidification des crédits de la mission « Aide publique au développement » et le renouvellement d'un certain nombre de contributions internationales à l'horizon 2026 sera l'occasion pour le ministère de l'économie et des finances et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères de proposer des arbitrages quant au renouvellement de ces versements.

En second lieu, une proportion croissant des crédits de la mission correspond à des dépenses présentant une dimension symbolique non négligeable, au regard de l'engagement de la parole de la France auprès de ses partenaires. Parmi ces dépenses figurent les contributions internationales volontaires et les crédits de l'aide humanitaire. Ces derniers, en ce qu'ils matérialisent la capacité de la France à apporter une assistance face aux crises internationales comportent une forte portée symbolique.

Le destin de la provision pour crises majeures illustre les contraintes parfois contradictoires auxquelles se trouve exposée la mission. Cet instrument a été conçu comme un outil budgétaire de réaction rapide face aux crises humanitaires. Il permettait d'apporter rapidement un soutien financier de la France aux populations les plus vulnérables par des canaux bilatéraux (notamment les actions du Centre de crise et de soutien) et multilatéraux (par des contributions volontaires aux agences des Nations unies). La provision présentait cependant deux inconvénients majeurs :

- d'une part, son calibrage constituait un exercice complexe en l'absence de prévisibilité des crises internationales. De plus, rien ne garantissait une exécution complète de l'enveloppe initiale ;

- d'autre part, son caractère pilotable en faisait la variable d'ajustement de la régulation budgétaire de la mission. En 2024, la provision pour crises a fait l'objet d'un surgel de 103 millions d'euros.

Si cet instrument, dont la répartition échappait au contrôle parlementaire, paraissait disproportionné au regard de son volume (équivalent à près de 10 % de l'enveloppe totale du programme 209), sa suppression expose le programme 209 à des abondements ou des redéploiements en cours d'année. Dans un contexte international volatil, les rapporteurs soulignent l'utilité d'une réserve de crise dont le montant aurait gagné à être mieux calibré.


* 2 Pour rappel, l'article 2 de la loi de programmation envisageait, « à titre indicatif », que la France consacre 0,7 % de son revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement. Il fixait également des cibles intermédiaires et indicatives à 0,61 % du RNB pour 2023 et 0,66 % du RNB en 2024.

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