N° 91
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026
Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 octobre 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger la Constitution, en limitant sa révision à la voie de l'article 89,
Par Mme Lauriane JOSENDE,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Marc-Philippe Daubresse, Mmes Laurence Harribey, Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, Lauriane Josende, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, MM. Marc Séné, Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
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 Sénat :  | 
 551 (2024-2025) et 92 (2025-2026)  | 
L'ESSENTIEL
La présente proposition de loi constitutionnelle tend à modifier les articles 11 et 89 de la Constitution de façon à exclure expressément tout recours au référendum législatif d'initiative présidentielle à des fins de révision constitutionnelle.
D'un point de vue juridique, ce texte se borne ainsi à stabiliser la rédaction de ces deux articles de manière à la conformer à l'interprétation qu'en retient la majorité de la doctrine. Son efficacité pratique reste toutefois incertaine, faute de prévoir un contrôle juridictionnel de son application.
Toutefois, en ce qu'elle est susceptible d'être interprétée comme dirigée contre un parti politique particulier (en l'espèce le Rassemblement national), la proposition de loi constitutionnelle est à la fois contestable dans son principe et potentiellement contre-productive quant à ses effets au plan politique. Il apparaît en effet essentiel de préserver la Constitution, notre pacte fondamental, de toute appropriation partisane.
Par ailleurs, les contraintes de la procédure d'adoption des propositions de loi constitutionnelle sont de nature à largement compromettre ses chances d'aboutir. Il paraît hautement improbable que le Président de la République soumette ce texte au référendum, au regard de l'instabilité qui caractérise la situation politique actuelle et à l'approche de l'élection présidentielle. Or, contrairement aux projets de révision, les propositions de révision ne peuvent être approuvées que par cette voie.
Plus fondamentalement, les enjeux de fond que ce texte conduit à soulever ont trait aux équilibres fondamentaux de notre régime politique. À cet égard, l'esprit de la Cinquième République veut que les questions de cette envergure soient tranchées lors de l'élection présidentielle au terme du débat approfondi mené devant les citoyens que seule permet la campagne qui la précède.
Pour ces raisons, la commission des lois, suivant l'avis de sa rapporteure Lauriane Josende, n'a pas adopté cette proposition de loi.
I. UNE INITIATIVE VISANT À STABILISER LA RÉDACTION DU TEXTE CONSTITUTIONNEL POUR LE CONFORMER ÀL'INTERPRÉTATION DE LA MAJORITÉ DE LA DOCTRINE
A. RAPPELS SUR L'ÉTAT DU DROIT EN MATIÈRE DE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE
La procédure de révision de la Constitution est régie par son article 89. Dérogeant à la procédure législative ordinaire, elle se caractérise par une rigidité forte destinée à garantir la stabilité de la norme suprême et prévenir des modifications précipitées ou opportunistes.
L'initiative de la révision appartient concurremment au Président de la République, sur proposition du Premier ministre (projets de loi constitutionnelle), et aux parlementaires (propositions de loi constitutionnelle). Le texte doit ensuite être voté en termes identiques par les deux assemblées. Il doit enfin faire l'objet d'une approbation. Par principe, il est alors présenté au référendum. Par dérogation, s'agissant des seuls projets de loi constitutionnelle, le Président de la République peut décider de soumettre le texte au Congrès qui se prononce à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés (cas le plus fréquent dans la pratique).
Cependant, la procédure du référendum législatif d'initiative présidentielle, prévue à l'article 11 a également pu être utilisée, en une occurrence, pour modifier la Constitution.
Pour mémoire, cette procédure permet au Président de la République, sur proposition du Gouvernement ou sur proposition conjointe des deux assemblées, de soumettre au référendum « tout projet de loi » portant sur une série de matières limitativement énumérées, parmi lesquelles figure « l'organisation des pouvoirs publics ». En 1962, le général de Gaulle y a eu recours pour faire adopter la loi relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel direct.
En outre, il est important de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel juge qu'il n'est pas compétent pour connaître des lois constitutionnelles ainsi que des lois référendaires, c'est-à-dire celles adoptées par le Peuple français.