- L'ESSENTIEL
- PREMIÈRE PARTIE
LE NÉCESSAIRE RATTRAPAGE ÉCONOMIQUE
DES TERRITOIRES ULTRAMARINS,
SOUMIS À DE FORTES CRISES
- I. UN RATTRAPAGE ÉCONOMIQUE INACHEVÉ
DES TERRITOIRES ULTRAMARINS SUR L'HEXAGONE
- II. DES TERRITOIRES CONFRONTÉS À DE
MULTIPLES CRISES
- I. UN RATTRAPAGE ÉCONOMIQUE INACHEVÉ
DES TERRITOIRES ULTRAMARINS SUR L'HEXAGONE
- DEUXIÈME PARTIE
LA MISSION « OUTRE-MER »
- I. UNE BAISSE MASSIVE DES CRÉDITS DE LA
MISSION LIÉE À LA SUPPRESSION DES EXONÉRATIONS DE
COTISATIONS SOCIALES « LODEOM »
- II. UN SOUTIEN AUX COLLECTIVITÉS EN HAUSSE
EN RAISON DES CRISES RÉCENTES
- A. DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AUX
FAIBLES CAPACITÉS D'INVESTISSEMENT
- B. LES DOTATIONS AUX COLLECTIVITÉS
TERRITORIALES RÉHAUSSÉES DE
105,4 MILLIONS D'EUROS
- 1. Une hausse conséquente des dotations
spécifiques aux collectivités territoriales en raison du
renforcement du soutien à Mayotte
- 2. Le fonds de secours outre-mer
réabondé, malgré le transfert de la part
« collectivités » sur la DSEC
- 3. Un soutien accentué aux politiques
sanitaires et sociales propres aux outre-mer
- 1. Une hausse conséquente des dotations
spécifiques aux collectivités territoriales en raison du
renforcement du soutien à Mayotte
- C. UNE HAUSSE DE LA DOTATION DES CONTRATS DE
CONVERGENCE ET DE TRANSFORMATION POUR 2024-2027 MAIS INSUFFISANTE PAR
RAPPORT AUX MONTANTS CONTRACTUALISÉS
- D. UNE BAISSE DES CRÉDITS DE CERTAINS
DISPOSITIFS D'APPUI À L'INVESTISSEMENT DES COLLECTIVITÉS
- A. DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AUX
FAIBLES CAPACITÉS D'INVESTISSEMENT
- III. DES RÉFORMES DÉFAVORABLES AUX
ENTREPRISES
- A. UNE DIMINUTION DES EXONÉRATIONS SOCIALES
« LODEOM » QUI PÈSERA LOURDEMENT SUR LES
ENTREPRISES ULTRAMARINES
- 1. Un contexte économique peu favorable aux
entreprises
- 2. Un dispositif d'exonérations de
cotisations sociales essentiel à la compétitivité des
entreprises
- 3. Le rabot du dispositif d'exonération
sociale « LODEOM » prévu en PLFSS insoutenable
pour les économies ultramarines
- 4. Une diminution malvenue des crédits de
compensation des exonérations « LODEOM » en raison
de la réforme portée en PLFSS
- 1. Un contexte économique peu favorable aux
entreprises
- B. UN ABONDEMENT DES DISPOSITIFS DE PRÊTS
AUX ENTREPRISES
- A. UNE DIMINUTION DES EXONÉRATIONS SOCIALES
« LODEOM » QUI PÈSERA LOURDEMENT SUR LES
ENTREPRISES ULTRAMARINES
- IV. DES POLITIQUES EN FAVEUR DES POPULATIONS
ULTRAMARINES RELATIVEMENT PRÉSERVÉES
- A. LA POLITIQUE DE CONTINUITÉ TERRITORIALE,
UN BUDGET MAINTENU MAIS NE PERMETTANT PAS DE COUVRIR LES BESOINS
DES 2,8 MILLIONS D'ULTRA-MARINS
- 1. La continuité territoriale : une
nécessité pour tenir compte de l'éloignement
géographique des territoires ultramarins
- 2. Une extension en LFI 2024 pour mieux
prendre en compte les déplacements professionnels qui n'a toujours pas
été mise en oeuvre
- 3. Une hausse bienvenue des dotations de
continuité territoriale
- 4. LADOM, une situation financière
fragilisée par le présent budget
- 1. La continuité territoriale : une
nécessité pour tenir compte de l'éloignement
géographique des territoires ultramarins
- B. UN MAINTIEN DES CRÉDITS ALLOUÉS
AU SERVICE MILITAIRE ADAPTÉ (SMA)
- A. LA POLITIQUE DE CONTINUITÉ TERRITORIALE,
UN BUDGET MAINTENU MAIS NE PERMETTANT PAS DE COUVRIR LES BESOINS
DES 2,8 MILLIONS D'ULTRA-MARINS
- V. UN FINANCEMENT DU LOGEMENT SOCIAL STABLE MAIS
INSUFFISANT PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS
- A. UN MARCHÉ DU LOGEMENT
PARTICULIÈREMENT TENDU EN OUTRE-MER
- B. UN SOUTIEN AU LOGEMENT SOCIAL NE PERMETTANT PAS
D'ATTEINDRE LES OBJECTIFS FIXÉS
- 1. Une budgétisation en hausse
modérée de la ligne budgétaire unique pour couvrir les
engagements passés
- 2. Des efforts significatifs, quoiqu'insuffisants,
accomplis dans le cadre des PLOM 1 et 2
- 3. Un plan logement en outre-mer de
troisième génération (PLOM 3) décliné
localement, en cours de finalisation
- 1. Une budgétisation en hausse
modérée de la ligne budgétaire unique pour couvrir les
engagements passés
- A. UN MARCHÉ DU LOGEMENT
PARTICULIÈREMENT TENDU EN OUTRE-MER
- I. UNE BAISSE MASSIVE DES CRÉDITS DE LA
MISSION LIÉE À LA SUPPRESSION DES EXONÉRATIONS DE
COTISATIONS SOCIALES « LODEOM »
- TROISIÈME PARTIE
LES CRÉDITS EN FAVEUR DE L'OUTRE-MER
HORS MISSION
- A. UNE BAISSE DES FINANCEMENTS DE L'ÉTAT EN
OUTRE-MER AUTRES QUE CEUX DE LA PRÉSENTE MISSION
- B. LES RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS
SPÉCIAUX SUR LES FINANCEMENTS TRANSVERSAUX DE L'ÉTAT EN
OUTRE-MER
- A. UNE BAISSE DES FINANCEMENTS DE L'ÉTAT EN
OUTRE-MER AUTRES QUE CEUX DE LA PRÉSENTE MISSION
- EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
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N° 139 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026, |
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Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de
finances) |
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Rapporteurs spéciaux : MM. Stéphane FOUASSIN et Georges PATIENT |
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(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
I. UNE BAISSE DE 4,5 % DES CRÉDITS DE LA MISSION EN RAISON DE LA RÉFORME DES EXONÉRATIONS « LODEOM »
A. UNE DIMINUTION DE 153 MILLIONS D'EUROS
Les crédits de la mission « Outre-mer » présentés dans le projet de loi de finances pour 2026 s'élèvent à 2,91 milliards d'euros en AE et à 2,83 milliards d'euros en CP, soit une baisse de 21,6 % en AE et de 5,4 % en CP par rapport à la LFI 2025. En volume, la mission « Outre-mer » a perdu 628 millions d'euros en AE et 153 millions d'euros de CP.
Évolution des crédits de la mission « Outre-mer » entre 2025 et 2026
(en euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Le programme 138 « Emploi outre-mer » voit son enveloppe particulièrement réduite, à hauteur de plus de 340 millions d'euros, en raison de la réforme des exonérations spécifiques aux outre-mer portée par l'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Ces exonérations font l'objet d'une compensation à la sécurité sociale budgétée sur ce programme.
À l'inverse, les crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » diminuent de 26,2 % en AE mais augmentent de 18,3% en CP.
Décomposition de l'évolution des
crédits de la mission « Outre-mer »
au PLF
2026
(en millions d'euros et en CP)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
B. UNE BAISSE DES EXONÉRATIONS SOCIALES « LODEOM » INSOUTENABLE POUR LES ENTREPRISES ULTRAMARINES
La réforme des exonérations de compensation sociale dites « LODEOM » spécifiques aux outre-mer prévues par le PLFSS pour 2026 prévoit la suppression du barème « innovation et croissance », appliqué à certaines entreprises, l'alignement des régimes de Saint-Barthélemy et Saint-Martin sur celui des autres départements et régions d'outre-mer (DROM) et enfin la réduction des exonérations sur les rémunérations supérieures à 2 SMIC.
Les entreprises ultramarines subiraient une hausse de 5 % à 8 % de leur masse salariale, pour un coût total de 350 millions d'euros. Il s'agit d'une augmentation massive du coût du travail pour des entreprises parfois en très grande difficulté, notamment à Mayotte et à La Réunion, en raison des catastrophes naturelles récentes, ou encore dans les Antilles frappées par un coût de la vie très élevé.
II. UN SOUTIEN AUGMENTÉ AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
A. DES DOTATIONS EN HAUSSE POUR LES COLLECTIVITÉS EN RAISON DES CRISES RÉCENTES (MAYOTTE, LA NOUVELLE-CALÉDONIE, LA RÉUNION)
Les difficultés des collectivités ultramarines résident dans leurs charges de fonctionnement structurellement élevées, qui ne leur permettent pas de dégager une épargne brute suffisante. Elles ont donc besoin du soutien de l'État pour être en mesure d'investir.
L'action 6 « Collectivités territoriales » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer », qui porte de telles dotations, est dotée de 490,2 millions d'euros en AE et de 452,7 millions d'euros en CP, en hausse de 105,5 millions d'euros en CP par rapport à la LFI pour 2025.
|
Le fonds de reconstruction de Mayotte est doté de |
Suite au passage du cyclone Garance, une dotation de |
Pour la reconstruction de la Nouvelle-Calédonie, |
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en AE et de 125 millions d'euros en CP. |
est prévue pour La Réunion. |
de subvention sont prévus. |
Le fonds de secours outre-mer est doté de 17,84 millions d'euros en CP, soit une hausse de 7 millions d'euros, pour répondre aux demandes d'indemnisation des producteurs de canne à sucre à La Réunion après le passage du cyclone Garance. Il est par ailleurs réformé, puisque la part « collectivité » du fonds est transférée à la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales (DSEC).
B. DES CRÉDITS RÉHAUSSÉS POUR LES CONTRATS DE CONVERGENCE ET DE TRANSFORMATION, MAIS INSUFFISANTS POUR COUVRIR LES ENGAGEMENTS CONTRACTUALISÉS
Les crédits alloués à l'action 2 « Aménagement du territoire » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » finançant les contrats de convergence et de transformation (CCT), s'élèvent à 158,5 millions d'euros en AE et à 181,7 millions d'euros en CP, soit une baisse de 26 millions d'euros en AE, mais une hausse bienvenue de 90,1 millions d'euros en CP par rapport à la LFI 2025.
Toutefois, seuls 46 % des montants contractualisés et 33,7 % des engagements pourront alors être couverts. Cette situation est particulièrement dommageable, alors que la période de contractualisation ne s'étend que jusqu'à 2027.
Montant contractualisé, engagé et
consommé en 2025 et 2026
sur les CCT de deuxième
génération (2024-2027)
(en millions d'euros et en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
III. UNE STABILITÉ DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA CONTINUITÉ TERRITORIALE ET DU LOGEMENT SOCIAL
A. DES DOTATIONS DE CONTINUITÉ TERRITORIALE MAINTENUES, MAIS INSUFFISANTES PAR RAPPORT AUX BESOINS
Les crédits prévus pour 2026 au titre de la continuité territoriale s'élèvent à 76,9 millions d'euros en AE et à 76,8 millions d'euros en CP, soit une hausse de 2,6 %.
Toutefois, les moyens de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) baissent de 2,5 millions d'euros et surtout de 5 équivalents temps pleins (ETP). Cette diminution des emplois est à déplorer au vu de l'importance de LADOM pour les populations ultramarines, d'autant qu'elle devrait mettre en oeuvre en 2026 les nouveaux dispositifs de continuité territoriale adoptés en LFI 2024.
Il est par ailleurs frappant de constater que la dotation de continuité territoriale attribuée à la Corse est de 187 millions d'euros, soit un montant trois fois plus élevé que pour les outre-mer, pour une population nettement moins nombreuse. Une telle situation est particulièrement regrettable.
B. DES CRÉDITS POUR LE LOGEMENT SOCIAL NE PERMETTANT PAS D'ATTEINDRE LES CIBLES DE FINANCEMENT D'HABITATIONS
Entre la LFI 2025 et le PLF 2026, l'action 1 « Logement » enregistre une baisse de 11 % en AE mais une hausse bienvenue de 11,9 % en CP, qui doit lui permettre de couvrir ses engagements passés.
La loi1(*) du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer (EROM) a prévu une cible de construction de 150 000 logements neufs et réhabilités dans les outre-mer entre 2017 et 2027. Pourtant, en sept ans, la cible n'a été atteinte qu'à 61 %.
Évolution du nombre de logements aidés entre 2018 et 2024
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
IV. À L'ÉCHELLE DU BUDGET GÉNÉRAL DE L'ÉTAT, UNE BAISSE DES FINANCEMENTS EN OUTRE-MER
Le montant total des contributions budgétaires pour les outre-mer s'élève, en PLF 2026, à 20,04 milliards d'euros en AE et 21,9 milliards d'euros en CP, soit une diminution de 11,2 % en AE et de 7,3 % en CP par rapport à la LFI 2025.
Cette baisse est essentiellement due à l'affectation de 3,2 milliards d'euros de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), en remplacement de crédits budgétaires. En les excluant, les dépenses de l'État en faveur du budget des outre-mer ne sont réduites que de 4,8 % en AE et de 1,5 % en CP, essentiellement en raison de la mission « Outre-mer », de la mission « Sécurité » et de la Mission « Écologie ».
Évolution des missions dans l'effort total
en faveur de l'outre-mer
entre 2020 et 2026
(en milliards d'euros et en CP)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Réunie le 4 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.
Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.
L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, les rapporteurs spéciaux n'avaient reçu aucune des réponses.
À la date d'examen en commission de la mission le 4 novembre, ils ont obtenu 99 % des réponses.
PREMIÈRE PARTIE
LE
NÉCESSAIRE RATTRAPAGE ÉCONOMIQUE
DES TERRITOIRES ULTRAMARINS,
SOUMIS À DE FORTES CRISES
À titre liminaire, les rapporteurs spéciaux rappellent que le principal objectif de la mission « Outre-mer » du budget général de l'État est le rattrapage des écarts économiques persistants entre les territoires d'outre-mer et l'hexagone, ainsi que la convergence des niveaux de vie. Au vu de la différence de richesse persistante entre les territoires d'outre-mer et l'hexagone, ce rattrapage doit demeurer une priorité.
Par ailleurs, les territoires ultramarins ont été soumis à des multiples crises ces dernières années, à la fois environnementales, politiques et sociales.
En particulier, la nécessité d'un renforcement de la prévention et la gestion des catastrophes naturelles a pris une ampleur nouvelle à la fin 2024 et en 2025 avec le passage du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi à Mayotte et des cyclones Belal et Garance à la Réunion. Des financements pour la reconstruction sont nécessaires dans ces territoires. Plus largement, des investissements d'ampleur pour faire face aux catastrophes naturelles doivent être réalisés dans l'ensemble des territoires ultramarins.
Par ailleurs, la crise institutionnelle en Nouvelle-Calédonie a entrainé de nombreuses destructions, ainsi qu'un ralentissement très important de l'économie calédonienne. Une solution politique doit être trouvée, afin de véritablement entamer la reconstruction de ce territoire.
Enfin, la crise de la vie chère en outre-mer demeure prégnante, en particulier dans les Antilles. Le Gouvernement a déposé un projet de loi de lutte contre la vie chère, qui a été adopté au Sénat et transmis à l'Assemblée nationale. La prise en compte de cet enjeu demeure nécessaire et appelle à des réponses de l'État.
Face à ces différentes crises, la mission « Outre-mer » doit permettre d'apporter des réponses de l'État, en soutien et en coordination avec les acteurs locaux.
I. UN RATTRAPAGE ÉCONOMIQUE INACHEVÉ DES TERRITOIRES ULTRAMARINS SUR L'HEXAGONE
A. UN OBJECTIF DE CONVERGENCE ÉCONOMIQUE NON ATTEINT
1. Un écart de richesse persistant entre l'hexagone et les territoires ultramarins
Les territoires d'outre-mer accusent un écart de développement persistant par rapport à l'hexagone, malgré les politiques de rattrapage mises en oeuvre.
Ainsi, la richesse produite par habitant, représentée par le produit intérieur brut (PIB) par habitant, est plus faible dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) que dans les autres régions de France, y compris la Corse.
Classement des PIB par habitant régionaux de l'hexagone et des DROM en 2023
(en euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après l'INSEE
Le PIB par habitant produit dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) représente en moyenne 57 % de la richesse par habitant de France métropolitaine en 2023. En particulier, la Guyane et Mayotte accusent une richesse par habitant bien inférieure à la valeur métropolitaine. Le PIB par habitant mahorais représente seulement 27,4 % du PIB par habitant métropolitain et celui de la Guyane 42,2 %. La Martinique, La Réunion et la Guadeloupe sont moins désavantagées, avec un PIB par habitant représentant respectivement 68,3 %, 62,6 % et 65,2 % de la valeur métropolitaine.
Part du PIB par habitant des DROM par rapport au
PIB
par habitant métropolitain en 2023
Source : commission des finances du Sénat d'après l'INSEE
Toutefois, malgré l'écart persistant de richesse entre l'hexagone et les outre-mer, celui-ci ne s'est pas davantage creusé depuis 20 ans et s'atténue même légèrement, ce qui montre l'impact des politiques publiques de rattrapage mises en oeuvre. Ainsi, le PIB par habitant a augmenté de près de 70,1 % en France métropolitaine, alors qu'il a augmenté de plus de 81,3 % dans les DROM. Cette tendance doit toutefois être approfondie pour achever le rattrapage économique des outre-mer.
Évolution du PIB par habitant des DROM entre 2000 et 2024
(en euros par habitant)
Source : commission des finances du Sénat d'après l'INSEE
Depuis quatre ans, l'évolution du PIB par habitant est relativement similaire en outre-mer par rapport au reste de la France. En effet entre 2019 et 2023, le PIB par habitant a augmenté de 14,2 % en France hexagonale, contre 15,5 % dans les DROM. Toutefois, ce constat masque des disparités importantes entre les DROM : entre 2019 et 2023, le PIB par habitant a augmenté de 17,8 % à Mayotte, de 18,6 % en Martinique, de 16,9 % à La Réunion et de seulement 13,2 % en Guadeloupe ou encore en Guyane.
Les inégalités de richesse sont plus importantes en outre-mer que dans l'hexagone. L'indice de Gini, d'autant plus élevé que les inégalités sont importantes, y a en effet une valeur supérieure par rapport à l'hexagone. Il est plus élevé de 41 % à Mayotte, de 36 % en Martinique, de 33 % en Guyane et de 31 % en Nouvelle-Calédonie que l'indicateur métropolitain.
Indice de Gini dans les territoires d'outre-mer
L'indice de Gini est un indicateur représentant les inégalités de revenu, 0 représentant une situation parfaitement égalitaire et 1 une situation parfaitement inégalitaire, où tous les revenus seraient aux mains d'une seule personne.
Source : commission des finances à partir des données de l'INSEE, ISPF, ISEE et STSEE
Les natifs des DROM sont ainsi plus souvent d'origine modeste ou très modeste, à hauteur de 70 % pour La Réunion et les Antilles, que les natifs de France métropolitaine, dont la moitié seulement est d'origine modeste ou très modeste. Environ un natif des Antilles et de La Réunion sur dix est d'origine favorisée, contre un sur quatre pour les métropolitains.
2. Malgré une population relativement jeune, un chômage élevé
La hausse démographique des outre-mer est globalement plus importante que la tendance métropolitaine. En 10 ans, la population a augmenté de 5,4 % en outre-mer, alors que la hausse n'a été que de 3,4 % en France métropolitaine. Ce constat masque toutefois à nouveau des disparités importantes entre les territoires d'outre-mer. Ainsi, l'augmentation de la population est particulièrement importante à Mayotte et en Guyane, où la hausse est respectivement de 42,7 % et de 23 % en 10 ans. À l'inverse, la population a décru en Guadeloupe et en Martinique, de respectivement 6,5 % et 9,8 % en 10 ans. Si l'augmentation de population est globalement semblable à celle de la France métropolitaine en Polynésie française, à hauteur de 4 %, elle est plus faible en Nouvelle-Calédonie, où elle ne représente que 1,7 %.
Certains territoires d'outre-mer ont donc une population vieillissante, notamment en Guadeloupe et en Martinique, où la population de plus de 65 ans représente respectivement 97,1 % et 114,3 % de la population de moins de 20 ans. En Martinique, il y a plus de personnes de 65 ans et au-delà, que de jeunes de moins de 20 ans. À l'inverse, Mayotte, la Guyane et la Polynésie française ont une population beaucoup plus jeune, les personnes de plus de 65 ans représentant respectivement 4,9 %, 16,7 % et 32 % de la population de moins de 20 ans. L'indice de vieillissement est globalement plus faible en outre-mer qu'en France métropolitaine, la population de plus de 65 ans ne représentant que 44 % de la population de moins de 20 ans, contre 92,3 % dans l'hexagone.
La part de la population en âge de travailler étant plus importante en outre-mer que dans l'hexagone, les taux de chômage sont particulièrement élevés en outre-mer. En particulier, le taux de chômage est cinq fois plus élevé à Mayotte, où il s'élève à 34 %, qu'en France hexagonale. Il est de 16,8% en Guadeloupe et en Guyane, de 17,4 % à La Réunion, de 12,4 % en Martinique et de 10,9 % en Nouvelle-Calédonie. Le taux de chômage de la France hors Mayotte s'élève à 7,3 % en 2024. Seule la Polynésie française a un taux de chômage proche de celui de la France entière, à hauteur de 7,5 %.
Taux de chômage des 15-64 ans dans les territoires d'outre-mer
Source : commission des finances à partir des données de l'INSEE, ISPF, ISEE et STSEE
Le chômage élevé participe des écarts de développement persistants entre les outre-mer et l'hexagone. Des investissements pour favoriser l'activité économique sont particulièrement nécessaires dans ces territoires. L'importance du chômage explique et alimente de plus l'émigration des populations des outre-mer vers l'hexagone.
3. Des niveaux de vie encore très divergents entre les territoires ultramarins et l'hexagone
Cette différence de richesse par rapport à l'hexagone a des incidences élevées en termes de qualité de vie. Ainsi, l'espérance de vie à la naissance est plus élevée dans l'hexagone, où elle s'élève à 85,3 ans pour les femmes et 79,4 ans pour les hommes, qu'en outre-mer, notamment à Mayotte (74,6 ans pour les femmes et 72,3 ans pour les hommes) et en Polynésie française (76,3 ans pour les femmes et 71,5 ans pour les hommes).
Espérance de vie à la naissance dans les territoires d'outre-mer
Source : données de l'INSEE, ISPF, ISEE et STSEE
Les politiques de rattrapage des écarts socio-économiques entre l'outre-mer et l'hexagone sont donc nécessaires dans ces territoires soumis à des contraintes notamment géographiques et démographiques fortes.
B. LA LUTTE CONTRE LA VIE CHÈRE EN OUTRE-MER, UNE NÉCESSITÉ
1. Un niveau des prix plus élevés dans les outre-mer que dans l'hexagone
L'année 2024 a été marquée par un ralentissement très net de l'inflation, à hauteur de 1,6 % en outre-mer, contre 1,3 % en France hexagonale. L'inflation atteint ainsi 1,8 % en Guadeloupe, 3 % en Guyane, 2,4 % à Mayotte, 1,3 % à La Réunion et 2,8 % à la Martinique. L'inflation ressentie en métropole en 2023 a probablement un impact avec retard en outre-mer en 2024.
Taux d'inflation en outre-mer
Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'IEOM, de l'INSEE, de l'ISEE et de l'ISPF
La crise inflationniste passée des années 2023 et 2024 a été d'autant plus durement ressentie que le coût de la vie est élevé en outre-mer. Les prix sont significativement plus importants dans les territoires ultra-marins que dans l'hexagone. Ainsi, selon l'INSEE2(*), les prix sont plus hauts de 15,8 % en Guadeloupe par rapport à l'hexagone, de 13,8 % en Martinique, de 13,7 % en Guyane et de 10,3 % à Mayotte.
Écarts de prix entre les DROM et la France métropolitaine en 2010, 2015 et 2022
(en %)
Nd : non déterminé. Les données sont exprimées en pourcentage par rapport aux prix constatés en France métropolitaine.
Source : commission des finances du Sénat à partir des données Insee
De multiples facteurs concourent à la cherté de la vie dans les outre-mer : en particulier, l'insularité de la plupart des territoires ultra-marins et la dépendance forte aux importations, renforcent les coûts. Les contraintes géographiques propres aux territoires d'outre-mer, et notamment l'exposition aux catastrophes naturelles telles que les séismes ou les inondations, concourent à renforcer le niveau des prix. Enfin, l'exiguïté du marché dans des territoires souvent isolés constitue un frein aux économies d'échelle.
Limiter la dépendance aux importations permettrait toutefois de lutter contre une partie des phénomènes sous-jacents à la cherté de la vie. Ainsi, l'autonomie alimentaire des territoires ultra-marins, devant être achevée à horizon 20303(*), constitue un objectif particulièrement central en ce sens.
2. Une crise de la vie chère particulièrement forte dans les Antilles
Des manifestations contre la vie chère ont ainsi eu lieu dans les Antilles, en particulier en Martinique, fin 2024, pour protester contre l'important coût de la vie. Un protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère a été signé en Martinique le 16 octobre 2024 en réponse.
Ainsi, par arrêté4(*) du 27 février 2025, l'État a mis en oeuvre en Martinique et en Guadeloupe une exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur 69 familles de produits de première nécessité. À la fin mars 2025, le premier bilan général du protocole fait apparaitre une baisse des prix de 10,8 % en moyenne chez les principaux distributeurs signataires du protocole sur les 54 familles de produits bénéficiant des engagements de la Collectivité Territoriale unique de Martinique (via l'exonération d'octroi de mer) et de l'État (via l'exonération de TVA depuis le 1er mars).
La lutte contre la vie chère en outre-mer doit être poursuivie, afin de rapprocher le niveau des prix de ceux de l'hexagone, en vue de favoriser le pouvoir d'achat des populations ultramarines. Le projet de loi de lutte contre la vie chère, adopté au Sénat en octobre 2025, présente une première tentative timide de réponse à cet enjeu.
II. DES TERRITOIRES CONFRONTÉS À DE MULTIPLES CRISES
A. LA NÉCESSITÉ DU SOUTIEN DE L'ÉTAT FACE À LA CRISE INSTITUTIONNELLE EN NOUVELLE-CALÉDONIE
Dans un contexte de crise institutionnelle, les émeutes de mai 2024 ont entrainé des dégâts importants en Nouvelle-Calédonie. Près de 3 590 sinistres, dont 1 750 concernant des entreprises, ont été dénombrés. Les recettes fiscales ont diminué de 17 % en 2024 par rapport à 2023, et les recettes douanières -de 22 %. La période qui a précédé les émeutes s'est caractérisée par un effondrement des investissements et par la persistance de difficultés dans les différents secteurs (nickel, BTP, tourisme). Plus d'un an après ces émeutes, la situation économique et sociale demeure critique.
En conséquence, les transferts de l'État sont passés de 16 % à 34 % du PIB. Près de 850 millions d'euros ont été mobilisés, dont 530 millions d'euros en soutien exceptionnel aux entreprises, aux collectivités et aux services publics essentiels du territoire et 320 millions d'euros d'aides financières aux entreprises de la filière nickel. Le Gouvernement a déployé un ensemble de mesures pour les entreprises et les salariés, via le fonds de solidarité, l'aide dite « au cas par cas », l'allocation de chômage partiel et le fonds de garantie SOGEFOM (voir infra).
Le projet de loi de finances pour 2026 inclut plusieurs mesures pour la Nouvelle-Calédonie, notamment :
- un soutien à hauteur de 10 millions d'euros de CP pour couvrir les engagements pris en 2025 au titre du fonds de reconstruction ;
- un apport additionnel de 13 millions d'euros pour le fonds SOGEFOM.
L'accord de Bougival, signé le 12 juillet 2025, prévoit par ailleurs un pacte de refondation économique, ainsi qu'un soutien à la filière nickel. Il n'est toutefois pas encore mis en oeuvre, et aucune disposition ne figure en ce sens dans le présent projet de loi de finances.
B. DES CATASTROPHES MÉTÉOROLOGIQUES À LA RÉUNION ET À MAYOTTE, ACCENTUANT LES DIFFICULTÉS DE CES TERRITOIRES
1. Des dégâts très importants à Mayotte suite au passage du cyclone Chido
Suite au passage du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi fin décembre 2024, des dégâts d'un coût supérieur à 3 milliards d'euros ont été occasionnés sur le territoire mahorais.
Les « fonctions vitales » du territoire ont été rétablies dès le mois de février (liaison aérienne, eau, alimentation, sécurité...). À l'exception notable de la question du logement, des établissements scolaires du 1er degré, de l'eau et de la gestion des déchets, où un retour à la situation antérieure se fait attendre, la situation actuelle est proche de celle qui préexistait aux événements climatiques. Dans le 1er degré toutefois, seules 77 % des classes sont ouvertes, ce qui signifie probablement qu'un quart des élèves n'a toujours pas classe de façon continue la semaine.
À la suite du cyclone Chido, l'État s'est doté d'une stratégie quinquennale (2026-2031) pour la reconstruction et le développement de Mayotte, grâce à la loi5(*) de programmation pour la reconstruction de Mayotte, qui prévoit des investissements à hauteur de 4 milliards d'euros sur l'ensemble de la période. Le comité interministériel des outre-mer conduit le 10 juillet 2025 a permis de finaliser la stratégie d'investissements pour Mayotte. Un rapport devrait être remis au Parlement début 2026 sur les débuts de la mise en oeuvre de ce plan d'investissement, auquel les rapporteurs spéciaux seront attentifs.
À cette fin, le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » de la mission « Outre-mer » en PLF 2026 prévoit un financement de 290 millions d'euros en AE et de 160 millions d'euros en CP, qui comprend :
- le fonds de reconstruction, doté de 200 millions d'euros en AE et de 125M€ de CP ;
- la contribution de l'action 1 « Ligne budgétaire unique » au département de Mayotte de 45 millions d'euros en AE ;
- le financement du contrat de convergence et de transformation (CCT) à Mayotte, pour un montant de 20 millions d'euros en AE ;
- le renforcement du plan eau Mayotte, à hauteur de 26 millions d'euros en AE.
Au-delà de la mission « Outre-mer », le PLF 2026 prévoit l'intervention des autres missions dans le cadre du CCT de Mayotte, en particulier de la mission « Enseignement scolaire » pour les établissements scolaires du second degré. Concernant le renforcement du plan eau Mayotte, 68 millions d'euros en AE sont prévus, en provenance des ministères en charge de l'écologie, du développement durable, de la santé et des outre-mer. Une programmation de l'ensemble de ces engagements pourrait intervenir, via la création d'une ligne budgétaire spécifique dans le programme 162 « Interventions territoriales de l'État ».
Les rapporteurs seront attentifs au respect des engagements de l'État envers le territoire mahorais.
2. Le territoire de La Réunion très impacté par le cyclone Garance
Suite au passage du cyclone Garance à La Réunion en février 2025, le montant des dégâts causés a été évalué à 849 millions d'euros au total (en incluant les dégâts causés aux particuliers, aux collectivités et aux entreprises). En réponse, l'État a mis en place en 2025 un fonds de reconstruction, identique à ceux de Nouvelle Calédonie et de Mayotte, doté de 50 millions d'euros en AE et de 20 millions d'euros en CP pour venir en aide aux collectivités locales. Une indemnisation de certaines entreprises a été mise en oeuvre, notamment au travers du fonds de secours pour les outre-mer.
La mission « Outre-mer » prévoit pour 2026 une dotation de 30 millions d'euros pour la reconstruction de La Réunion, qui servira à couvrir les engagements pris en 2025 (voir infra). Cette dotation est bienvenue, même si la situation réunionnaise aurait pu justifier un montant plus élevé.
DEUXIÈME PARTIE
LA MISSION « OUTRE-MER »
I. UNE BAISSE MASSIVE DES CRÉDITS DE LA MISSION LIÉE À LA SUPPRESSION DES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS SOCIALES « LODEOM »
A. UNE MAQUETTE BUDGÉTAIRE STABLE
La mission « Outre-mer » regroupe une partie des moyens budgétaires alloués aux territoires ultramarins :
- le programme 138 « Emploi outre-mer » porte les crédits relatifs au développement économique local et à la création d'emplois en outre-mer, à travers notamment des exonérations spécifiques de cotisations sociales patronales, des aides directes et des actions en faveur de l'insertion, de l'amélioration de l'employabilité et de la qualification professionnelle des jeunes ultramarins ;
- le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » porte les crédits destinés à réduire les écarts de niveaux de vie et d'équipements constatés entre les territoires d'outre-mer et l'hexagone à travers notamment des aides en faveur du logement social et un soutien aux collectivités dans leur politique d'investissements structurants.
La mission « Outre-mer » ne permet toutefois pas d'appréhender globalement la politique de l'État en faveur des outre-mer. En effet, selon le document de politique transversale outre-mer annexé au PLF pour 2026, le montant total des contributions budgétaires de l'État en faveur des outre-mer s'élèverait à 20,04 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 21,94 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). La mission « Outre-mer » concentre ainsi, en 2026, 14,5 % de l'effort budgétaire de l'État en faveur de ces territoires en AE et 12,9 % en CP.
De surcroit, des dépenses fiscales rattachées aux deux programmes de la mission viennent compléter les crédits budgétaires afin de dynamiser l'économie et l'attractivité des territoires d'outre-mer. Elles sont chiffrées en PLF pour 2026 à 4,7 milliards d'euros pour celles rattachées au programme 123 et à 370 millions d'euros pour celles rattachées au programme 138, soit un total de 5,1 milliards d'euros, ce qui représente 3,7 % de plus qu'en 20256(*).
B. UNE PERTE DE 5,4 % EN UN AN DES CRÉDITS DE LA MISSION
1. Une diminution globale de 153 millions d'euros en CP
Les crédits de la mission « Outre-mer » présentés dans le projet de loi de finances pour 2026 s'élèvent à 2,91 milliards d'euros en AE et à 2,83 milliards d'euros en CP, soit une baisse de 21,6 % en AE et de 5,4 % en CP par rapport à la LFI 2025. En volume, la mission « Outre-mer » a perdu près de 628 millions d'euros en AE et près de 153 millions d'euros de CP.
Évolution des crédits de la mission « Outre-mer » entre 2025 et 2026
(en euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Le programme 138 « Emploi outre-mer » est particulièrement impacté, à hauteur de plus de 343 millions d'euros en AE et de 341 millions d'euros en CP, en raison de la réforme des exonérations spécifiques aux outre-mer portée par l'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, qui font l'objet d'une compensation à la sécurité sociale budgétée sur ce programme.
À l'inverse, les crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » diminuent de 26,2 % en AE, représentant 285 millions d'euros d'AE en moins, mais augmentent de 18,3%, soit 188 millions d'euros supplémentaires en CP.
Décomposition de l'évolution des
crédits de la mission « Outre-mer »
au PLF
2026
(en millions d'euros et en CP)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Au total, en CP, la baisse des crédits de la mission est portée essentiellement par l'action 1 « Soutien aux entreprises » du programme 138 « Emploi outre-mer », tandis que l'action 6 « Collectivités locales » et l'action 2 « Aménagement du territoire » du programme 123 « Emploi outre-mer » connaissent une hausse respective de 105 millions d'euros et 60 millions d'euros.
2. Des crédits du programme 123 en hausse de 18 % en crédits de paiement, en baisse en autorisations d'engagement
Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » rassemble les crédits des politiques publiques en faveur de l'amélioration des conditions de vie dans les outre-mer, concernant le logement social, l'aménagement du territoire (contrats de convergence et de transformation), les aides à la continuité territoriale, les dotations spéciales destinées à financer des projets structurants et le fonds exceptionnel d'investissement. Le programme 123 représente 1 087 millions d'euros en AE et 1 026 millions d'euros en CP au PLF 2026.
La hausse des crédits de paiement, de 187,8 millions d'euros, est supportée :
- par l'action 6 « Collectivités territoriales », qui augmente de 105 millions d'euros, en raison de la hausse des dotations pour la reconstruction de Mayotte ;
- par l'action 2 « Aménagement du territoire », qui gagne 90 millions d'euros permettant de financer la 3ème année de mise en oeuvre des contrats de convergence et de transformation (CCT) de deuxième génération.
Évolution entre 2024 et 2026 des crédits des actions du programme 123 « Conditions de vie outre-mer »
(en millions d'euros et en CP)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Toutefois, le niveau des autorisations d'engagement du programme est en baisse par rapport à 2025 :
- sur l'action 6 « Collectivités territoriales » en particulier, qui perd 167 millions d'euros, essentiellement en raison de la baisse des engagements en faveur de la Nouvelle-Calédonie ;
- sur l'action 8 « Fonds exceptionnel d'investissement », sur lequel les engagements baissent de 52 millions d'euros ;
- sur l'action 1 « Ligne budgétaire unique » qui finance le logement social et qui perd 26 millions d'euros en AE ;
- sur l'action 2 « Aménagement du territoire », qui finance les contrats de développement et de transformation, et qui connaitra une baisse de 27 millions d'euros en AE.
Décomposition de l'évolution des autorisations d'engagement des actions du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » entre la LFI 2025 et le PLF 2026
(en millions d'euros et en AE)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
La baisse des engagements de l'État dans les territoires ultramarins est regrettable, au vu des enjeux forts demeurant dans ces territoires. Les rapporteurs spéciaux saluent toutefois la hausse des crédits de paiement, qui permettra d'honorer davantage des engagements indispensables de l'État en outre-mer en 2026.
À noter, d'ailleurs, l'importance des restes à payer sur le programme 123, qui s'élèveront à fin 2025 à 2,73 milliards d'euros, soit plus de deux fois les crédits du programme, en hausse de 13,7 % par rapport à la fin 2024. Il est urgent de provisionner suffisamment de crédits de paiement pour permettre d'honorer tous ces engagements.
3. Une baisse de 343 millions d'euros sur le programme 138
Le programme 138 « Emploi outre-mer » rassemble les crédits des politiques publiques en faveur de la compétitivité des entreprises, de l'amélioration de l'employabilité des jeunes et de la qualification des actifs ultramarins. À ce titre, il porte notamment les crédits relatifs à la compensation des exonérations de cotisations patronales, au financement du service militaire adapté (SMA) et divers dispositifs de financement de l'économie.
Entre la LFI 2025 et le PLF 2026, le programme 138 représente 1,82 milliard d'euros en AE et 1,8 milliard d'euros en CP. Hors l'action 1 « Soutien aux entreprises », impactée par la réforme des exonérations LODEOM, les crédits de l'action 4 « Financement de l'économie » augmentent de 3 millions d'euros. Les prévisions de dépenses des autres actions demeurent stables.
Évolution des crédits du
programme 138 « Emploi outre-mer »
entre
2024 et 2026
(en millions d'euros et en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
C. DES DÉPENSES FISCALES À PRÉSERVER
1. Un outil indispensable au développement des territoires ultramarins
En sus des crédits budgétaires, les dépenses fiscales contribuent à la dynamisation de l'économie, à l'attractivité des territoires et à l'effort général de rattrapage de l'écart de niveau socio-économique entre l'outre-mer et l'hexagone.
Sur les deux programmes de la mission, elles devraient s'établir, en 2026, à 5,2 milliards d'euros, soit quasiment deux fois plus que les crédits budgétaires portés par la mission « outre-mer ».
En raison des montants en jeu, les dépenses fiscales sont cependant des outils contestés, pour plusieurs raisons mises en exergue de manière récurrente, en particulier par la Cour des comptes dans ses rapports sur l'exécution budgétaire et dans son rapport7(*) sur les financements de l'État en outre-mer.
Elle estime, en effet, que l'efficacité de ces dépenses n'est pas avérée et que leur surcoût est important par rapport à d'autres dispositifs en raison notamment :
- des difficultés de chiffrage et, de fait, du coût réel qu'elles représentent pour l'État ;
- des difficultés de pilotage ;
- de l'absence d'évaluation de l'efficacité et de l'efficience des dépenses fiscales et, à tout le moins, des plus significatives ;
- de l'absence de règles précises et formalisées relatives à la définition et à la modification du périmètre des dépenses fiscales.
Malgré les critiques récurrentes, les rapporteurs spéciaux estiment que ces dépenses représentent un outil essentiel pour contribuer à la dynamisation de l'économie, à l'attractivité des territoires et à l'effort général de rattrapage de l'écart de niveau socio-économique entre l'outre-mer et l'hexagone.
À ce titre, elles sont considérées par le droit de l'Union européenne comme des aides à finalité régionale, placées sous le régime du règlement général d'exemption par catégorie8(*), car elles ne représentent pas un avantage concurrentiel massif et sont de nature à compenser les surcoûts liés à cette situation géographique particulière.
Elles ont un effet incitatif notamment sur la construction de logements et répondent ainsi à un besoin prégnant en outre-mer.
Hors dépenses fiscales relatives au logement, elles permettent un maintien du pouvoir d'achat des ultramarins et contribuent aux tentatives de réalignement des niveaux de vie avec l'hexagone. C'est notamment le cas des exonérations ou des taux réduits de TVA.
Elles concourent à l'amélioration de la compétitivité des entreprises ultramarines dans un marché plus contraint que dans l'hexagone et favorisent l'investissement privé.
Les dépenses fiscales ont, enfin, une portée politique dont il ne faudrait pas négliger l'impact en termes de climat social dans les territoires d'outre-mer.
L'évaluation des dépenses fiscales est toutefois particulièrement difficile à réaliser. L'impact sur la création d'emplois est délicat à déterminer dans la mesure où les emplois mentionnés dans les agréments correspondent aux engagements de créations de la société bénéficiaire de l'agrément fiscal et non à une réalité mesurée ex-post.
2. Une hausse modérée des dépenses fiscales en 2026
Entre 2025 et 2026, les dépenses fiscales enregistrent une hausse de 3,5 %, soit 186 millions d'euros. Cette progression est légèrement plus importante que celle constatée entre 2024 et 2025, de 0,2 % soit 11 millions d'euros.
Évolution des dépenses fiscales entre 2024 et 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
En particulier, il est estimé que la réduction d'impôt sur les investissements productifs neufs réalisés dans les départements et collectivités d'outre-mer augmenterait de 6,7 %. Le présent projet de loi de finances prévoit pourtant à son article 7 une réforme du régime d'aide fiscale à l'investissement en outre-mer, pour diminuer les taux de réduction, de crédit ou de déduction d'impôt appliqués, réduire l'assiette et verdir les projets soutenus. Cette réforme, si elle était adoptée, permettrait à l'État d'économiser 10 millions d'euros supplémentaires en 2026, et surtout 200 millions d'euros dès 2027. Une telle réforme pèserait néanmoins très lourdement sur les entreprises ultramarines, sans correspondre aux recommandations du rapport9(*) de l'inspection générale des finances, réalisé en 2023. Le bénéfice de cette aide fiscale avait pourtant été étendu par l'article 34 de la LFI pour 2025 pour bénéficier à la reconstruction d'immeubles en Nouvelle-Calédonie.
Évaluation du régime d'aide fiscale à l'investissement productif
Les ministres chargés de l'économie, des comptes publics, de l'intérieur et de l'outre-mer ont demandé à l'inspection générale des finances de conduire des travaux sur ce régime. Il résulte des travaux de la mission 16 propositions destinées à :
- mieux cibler le RAFIP au bénéfice de l'exploitant, en favorisant notamment la montée en charge des dispositifs désintermédiés (crédit d'impôt) ;
- améliorer le pilotage et le suivi de la dépense fiscale, tout en simplifiant son fonctionnement ;
- renforcer les prérogatives et contrôles assurés par les services de l'État ;
- réorienter le RAFIP vers des actifs productifs, les petites entreprises et le verdissement des économies ultramarines ;
- réguler davantage l'activité des intermédiaires, et singulièrement celle des « monteurs en défiscalisation ».
Source : commission des finances
À noter, que les dépenses fiscales sont très difficiles à évaluer. Ainsi, dans les documents budgétaires relatifs au PLF 2025, le montant des dépenses fiscales pour 2025 était estimé à près de 5,46 milliards d'euros, soit un écart de 590 millions d'euros par rapport à l'estimation actuelle.
S'il est compréhensible que les dépenses fiscales soient difficiles à estimer, il serait souhaitable de stabiliser la méthode de calcul pour éviter de fausser l'analyse d'une année à l'autre.
II. UN SOUTIEN AUX COLLECTIVITÉS EN HAUSSE EN RAISON DES CRISES RÉCENTES
La présente mission permet un soutien réel aux collectivités territoriales, à travers les actions suivantes du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » :
- l'actions 2 « Aménagement du territoire » ;
- l'action 6 « Collectivités territoriales » ;
- l'action 8 « Fonds exceptionnel d'investissement » ;
- l'action 9 « Appui à l'accès des financements bancaires.
A. DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AUX FAIBLES CAPACITÉS D'INVESTISSEMENT
1. Un taux d'endettement relativement peu élevé dans la plupart des collectivités ultramarines
Les collectivités territoriales d'outre-mer sont soumises à des contraintes particulières. Même si les situations sont très variables d'un territoire à l'autre, sur l'ensemble des DROM, elles font face à des difficultés structurelles communes.
L'insularité (exception faite de la Guyane) génère des surcoûts importants sur les charges à caractère général des communes d'outre-mer. Le coût de la vie, plus élevé que dans l'hexagone, pèse sur les dépenses de fonctionnement des collectivités.
Les dépenses de personnel sont également plus élevées en raison d'une faible intégration intercommunale, de la majoration des traitements des fonctionnaires et de taux d'administration élevés. Ainsi, les dépenses de personnel représentent 37,3 % des dépenses de fonctionnement des collectivités ultramarines, contre seulement 30,1 % dans l'hexagone.
Les taux10(*) d'endettement de certaines collectivités d'outre-mer sont élevés dans les Régions de la Guadeloupe et de la Réunion. Ils sont ainsi nettement supérieurs à 100 % de leurs recettes de fonctionnement. La situation de la région de La Réunion s'est toutefois significativement améliorée depuis 2023.
Évolution du taux d'endettement des
départements et régions d'outre-mer
entre 2012 et
2024
(en pourcentage)
Source : commission des finances d'après l'observatoire des finances et de la gestion publique locales
Les taux d'endettement des collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie sont plus élevés que ceux des départements et régions d'outre-mer. L'encours de dette est supérieur aux recettes de fonctionnement en Nouvelle-Calédonie, dont le taux d'endettement a fortement augmenté en 2024 en raison de la forte contraction des recettes de fonctionnement liée à la chute des recettes fiscales. Il est de 88 % en Polynésie française.
Évolution du taux d'endettement des
collectivités d'outre-mer
et de la Nouvelle-Calédonie entre
2019 et 2024
(en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Toutefois, le taux d'endettement des collectivités ultramarines est globalement moins élevé que celui des collectivités hexagonales, y compris pour le bloc communal. Selon la Cour11(*) des comptes, en 2024, ce sont 4,6 années d'épargne brute qui seraient nécessaires pour rembourser leurs dettes, contre 6,5 années en 2018. Ce taux est également plus favorable que pour les collectivités hexagonales.
2. Des contraintes sur les produits de fonctionnement qui obèrent les capacités d'investissement des collectivités ultramarines
Les difficultés des collectivités ultramarines résident davantage dans leur faible capacité à investir. En raison de leurs charges de fonctionnement structurellement élevées, elles ne dégagent pas une épargne brute suffisante et ne s'endettent pas à des fins d'investissement.
Les faibles taux d'épargne brute12(*) du bloc communal en particulier obèrent les capacités de financement de l'investissement. Ainsi, le taux d'épargne brute du bloc communal est en moyenne de 11,7 % en outre-mer, alors qu'il est de 16,3 % dans l'hexagone.
Évolution du taux d'épargne brute du
bloc communal d'outre-mer
et de l'hexagone entre 2017 et
2024
(en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les données de l'observatoire des finances et de la gestion publique locales
La capacité de financement de l'investissement du bloc communal ultramarin s'est toutefois améliorée de 70 % en 7 ans, le taux d'épargne brut s'élevant à seulement 6,7 % en 2017. Les communes réunionnaises, dont le taux d'épargne brute s'élève à 13,2 %, semblent les mieux à même de financer leur investissement parmi les collectivités ultramarines. Toutefois, même si les capacités d'autofinancement de l'investissement des communes guadeloupéennes et martiniquaises sont plus faibles que dans l'hexagone, il faut noter la nette amélioration de leur situation financière. En Guadeloupe en particulier, le taux d'épargne brute du bloc communal est passé de 1,1 % en 2017 à 10,7 % en 2024.
Par ailleurs, une part de l'investissement du bloc communal est financée par les collectivités régionales et départementales.
Évolution du taux d'épargne brute dans les régions d'outre-mer et de l'hexagone entre 2017 et 2024
(en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les données de l'observatoire des finances et de la gestion publique locales
Les régions et les collectivités uniques de DROM disposent de capacités d'autofinancement de l'investissement plus importantes que le bloc communal en moyenne, le taux d'épargne brute s'élevant à 13,3 % en 2024. Il est toutefois plus faible que le taux d'épargne brute des régions hexagonales, qui atteint 19,2 %.
Les faibles taux d'épargne brute des collectivités territoriales uniques de Martinique et de Guyane expliquent largement cet écart ; toutefois, ces collectivités assumant les compétences du département, leur taux d'épargne brute n'est pas étonnant. En moyenne, dans l'hexagone, le taux d'épargne brute des départements n'est que de 6,8 %, alors que celui de la Réunion est de 7,9 % et celui de la Guadeloupe de 10 %, par exemple.
Ainsi, le bloc communal concentre la plus grande part des difficultés de financement de l'investissement en outre-mer. Les départements, régions ou collectivités uniques peuvent constituer des soutiens à l'investissement ; mais un appui propre de l'État aux outre-mer est nécessaire pour permettre de réaliser la convergence économique.
B. LES DOTATIONS AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES RÉHAUSSÉES DE 105,4 MILLIONS D'EUROS
L'action 6 « Collectivités territoriales » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » est dotée de 490,2 millions d'euros en AE et de 452,7 millions d'euros en CP, en baisse de 166,8 millions d'euros en AE mais en hausse de 105,5 millions d'euros en CP par rapport à la LFI pour 2025.
1. Une hausse conséquente des dotations spécifiques aux collectivités territoriales en raison du renforcement du soutien à Mayotte
Les dotations financées par l'action 6 du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » ont pour objet de favoriser l'égal accès aux services publics locaux des populations ultra-marines, notamment en termes d'éducation. Le versement de dotations permet de maintenir la capacité financière des collectivités.
En particulier, des dotations sont prévues pour pallier aux crises survenues à fin 2024 et en 2025, notamment les émeutes en Nouvelle-Calédonie, le cyclone Chido et la tempête Dikeledi à Mayotte et le cyclone Garance à La Réunion :
- ce sont 200 millions d'euros en AE et 125 millions d'euros en CP qui sont programmés pour la reconstruction de Mayotte, contre 100 millions en AE et 35 millions en CP en 2025. La dotation du conseil départemental de Mayotte est de plus maintenue à hauteur de 100 millions d'euros ;
- une dotation de 30 millions d'euros sera attribuée à la Réunion suite au passage du cyclone Garance ;
- une subvention de 10 millions d'euros est prévue pour la Nouvelle-Calédonie, contre 200 millions d'euros l'année dernière. Sur ce point, la direction générale des outre-mer a en effet précisé que l'enveloppe de l'an dernier n'avait pas pu être intégralement consommée. En outre, les besoins du territoire calédonien n'ont été chiffrés qu'à 110 millions d'euros.
Pour la Guyane, une dotation de seulement 15 millions d'euros en CP est prévue pour la collectivité territoriale unique en raison de l'amélioration de sa situation financière, dans la continuité de la signature de l'accord structurel entre l'État et la collectivité territoriale unique de Guyane, alors que l'État s'était engagé à fournir 30 millions d'euros par an de subvention jusqu'en 2025. De plus, les dotations d'équipements scolaires diminuent, puisqu'elles représentent 37,6 millions d'euros en AE et 24,43 millions d'euros en CP, contre 80,5 millions d'euros en AE et 31,9 millions d'euros en CP en LFI 2025. Une telle diminution des subventions d'équipements scolaires est très regrettable, au vu des besoins importants du territoire guyanais.
Évolution des dotations aux
collectivités portée par l'action 6
du
programme 123 « Conditions de vie
outre-mer »
(en millions d'euros)
Note : l'attribution de certaines subventions n'est pas toujours indiquée dans les documents budgétaires, puisqu'elles sont dégelées au cours de l'année.
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
La dotation d'équipements scolaires destinée à Mayotte a également été divisée par deux, ce qui est particulièrement étonnant et regrettable au vu de la situation des écoles mahoraises.
La subvention exceptionnelle pour le syndicat des eaux de Guadeloupe devrait être reconduite, à hauteur de 14,5 millions d'euros. Elle avait été annoncée l'an dernier à 20 millions d'euros, mais sans être inscrite explicitement dans les documents budgétaires. Cette subvention avait été introduite par la loi13(*) de finances pour 2023, avec une enveloppe exceptionnelle de 30 millions d'euros, dans le but de pallier rapidement les difficultés rencontrées en termes de distribution et de desserte en eau potable. Dans ce contexte, un contrat d'accompagnement renforcé pour la période 2023-2025 a été signé avec pour objectif de définir une trajectoire budgétaire financière, de préciser les modalités de mise à disposition des assistants techniques et d'organiser la gouvernance et le suivi du contrat au regard du soutien de l'État.
Les besoins des territoires ultramarins, et de la Guadeloupe en particulier, en termes d'investissements dans la gestion de l'eau et de l'assainissement sont très forts, comme l'ont montré les rapporteurs dans un rapport14(*) récent. En Guadeloupe par exemple, près de 60 % de l'eau potable est perdue en raison d'un entretien insuffisant des réseaux de distribution.
Il est d'ailleurs dommage d'avoir diminué la subvention attribuée au syndicat des eaux de Mayotte, qui est passée de 20 millions d'euros à 2 millions d'euros, au vu des forts besoins et de l'assainissement de la situation financière du syndicat. Ainsi, près de 30 % de la population mahoraise n'a pas d'accès à l'eau potable. Toutefois, l'action 2 « Aménagement du territoire » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » (voir infra) comprend une dotation de 14,3 millions d'euros en AE et de 18 millions d'euros en CP pour le plan eau Mayotte, dont bénéficiera le syndicat des eaux de Mayotte (Les eaux de Mayotte, LEMA).
Répartition des dotations portées par l'action 6 entre les territoires ultra-marins
(en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Ainsi, au total, les dotations portées par l'action 6 du programme 123 bénéficient aux collectivités de Mayotte à hauteur de 56,7 %, à la Polynésie française à hauteur de 14,8 %, à la Guyane à hauteur de 9,5 % et à la Nouvelle-Calédonie, à hauteur de 5,3 %.
L'importance des subventions accordées à Mayotte est parfaitement justifiée, au vu de la crise grave que traverse le territoire mahorais depuis le passage du cyclone Chido. Toutefois, la hausse des dotations pour Mayotte ne doit pas conduire à une diminution des subventions dans les autres territoires, également en difficulté.
Concernant les contrats de redressement outre-mer (COROM), ils sont dotés de 10,5 millions d'euros en AE et de 15,9 millions d'euros en CP, soit un niveau en crédits de paiement équivalent à celui de 2024. En 2025, un amendement avait été adopté en projet de loi de finances pour abonder de 10 millions d'euros supplémentaires les COROM, alors qu'une forte baisse des crédits était prévue par le projet de loi initial.
Le dispositif COROM
Pour aider les communes des DROM présentant des difficultés financières importantes, la loi de finances initiale pour 2021 a introduit par amendement les contrats de redressement outre-mer (COROM). Ce dispositif résulte des constats du rapport « Soutenir les communes des départements et régions d'outre-mer : pour un accompagnement en responsabilité » du député Jean-René Cazeneuve et du sénateur Georges Patient publié en décembre 2019 qui relevait que, sur les 129 communes des DROM, un tiers avait des délais de paiement supérieurs à 30 jours et plus de la moitié étaient inscrites dans le réseau d'alerte des finances publiques. Les critères d'éligibilité, modalités de signature et de suivi des contrats sont définis dans une circulaire conjointe des ministères de l'économie, des finances et de la relance, des collectivités territoriales et de la ruralité et des outre-mer du 2 février 2021.
Les COROM visent à apporter un soutien spécifique de l'État aux communes ultramarines souhaitant assainir leur situation financière et réduire les délais de paiement de leurs fournisseurs locaux. Les communes qui signent un COROM s'engagent, en contrepartie d'un soutien financier de l'État, à redresser leur situation financière. Ce dispositif d'accompagnement est donc basé sur :
- un effort de diagnostic et d'ingénierie préalable qui doit être mené au niveau local avec l'appui de l'agence française de développement (AFD) ;
- un accompagnement afin de mener certaines réformes structurelles indispensables concernant par exemple la fiscalité (meilleure identification des bases), la maitrise de certaines dépenses de fonctionnement, l'amélioration de la gestion de la chaîne de la dépense ou de la sincérité des comptes ;
- la restauration des marges de manoeuvre en section de fonctionnement, notamment sur la maitrise des frais de personnel, qui reste un enjeu majeur dans les collectivités ultramarines ;
- une aide de l'État au processus de redressement, apportée en fonction des efforts de la collectivité ;
- une perspective pluriannuelle afin de redresser la situation financière de la collectivité contractante.
Source : commission des finances du Sénat
Aucun nouveau contrat COROM ne devrait être signé en 2025 ni en 2026, ce qui est regrettable, au vu des effets positifs avérés de ce dispositif, comme en témoignait un rapport15(*) d'information de la commission de juin 2023.
2. Le fonds de secours outre-mer réabondé, malgré le transfert de la part « collectivités » sur la DSEC
L'action 6 « Collectivités territoriales » finance également les secours d'urgence et de solidarité nationale liés aux calamités, à hauteur de 17,27 millions d'euros en AE et de 17,84 millions d'euros en CP. Il s'agit d'une augmentation significative du fonds de secours outre-mer, qui était doté en 2025 de 10 millions d'euros en AE et en CP. L'objectif est en effet de répondre aux demandes d'indemnisation des producteurs de canne à sucre à La Réunion après le passage du cyclone Garance.
Le fonds de secours outre-mer permet :
- pendant une catastrophe, de financer l'acquisition de matériels destinés à protéger les bâtiments endommagés et de traiter les conséquences immédiates et urgentes de la catastrophe, en répondant aux premières nécessités des victimes ;
- après une catastrophe, de fournir une aide directe aux personnes dont les biens très endommagés ne sont pas assurés. Les exploitants agricoles non assurés peuvent par exemple bénéficier du fonds de secours outre-mer.
Le fonds de secours outre-mer a par exemple été mobilisé après le passage du cyclone Garance à La Réunion pour permettre aux préfectures de disposer de fonds immédiats. Il a également servi à accorder des aides exceptionnelles aux agriculteurs de Mayotte et de La Réunion. Le fonds était toutefois insuffisamment doté pour permettre de répondre à l'ensemble des besoins du territoire réunionnais, d'où l'augmentation, bienvenue, des crédits cette année.
Le fonds de secours outre-mer est réformé par l'article 73 du présent projet de loi, puisque la part « collectivité » du fonds va être transférée sur la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales (DSEC), dont la gestion est opérée par la direction générale des collectivités locales (DGCL). Il s'agit d'un transfert de 5 millions d'euros en AE et de 2 millions d'euros en CP. Un tel transfert parait justifié, au sens où la DSEC a déjà permis de soutenir des collectivités hexagonales frappées par des catastrophes naturelles de grande ampleur, comme par exemple les inondations ayant eu lieu dans le Pas-de-Calais en 2024.
3. Un soutien accentué aux politiques sanitaires et sociales propres aux outre-mer
Suite à l'achèvement, en 2020, de la contribution financière au Régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF), une « convention globale de santé 2021-2023 » a été signée le 14 octobre 2021 entre l'État et la Polynésie française. Dans le cadre de cette nouvelle convention, le ministère des outre-mer s'est engagé à verser annuellement sur la durée de la convention 4 millions d'euros en AE et CP à la collectivité de Polynésie Française au-delà des 4 millions d'euros prévus dans le contrat de développement et de transformation de ce territoire. Ces crédits ont été inscrits pour la première fois depuis la signature, en LFI 2023 et sont reconduits en 2026, au titre de l'action 4 « sanitaire, social, culture, jeunesse et sports ». Cette action est dotée de 13,15 millions d'euros en AE et en CP, en hausse de 3 millions d'euros par rapport à 2025, afin de financer des actions de prévention sanitaire.
C. UNE HAUSSE DE LA DOTATION DES CONTRATS DE CONVERGENCE ET DE TRANSFORMATION POUR 2024-2027 MAIS INSUFFISANTE PAR RAPPORT AUX MONTANTS CONTRACTUALISÉS
1. Une première génération de CCT (2019-2023) dont les engagements n'ont pas été intégralement couverts
Prévus par la loi16(*) du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle Outre-mer qui avait pour but de réduire les écarts de développement persistants avec l'hexagone, les contrats de convergence et de transformation (CCT) succèdent aux contrats de plan État-Région (CPER). Ils ont pour objectif d'investir en faveur du développement des territoires tout en prenant en compte les spécificités et les besoins de l'outre-mer et s'inscrivent, par ailleurs, dans la « Trajectoire 5.0 » déclinée pour les territoires ultramarins (zéro carbone, zéro déchet, zéro vulnérabilité au dérèglement climatique, zéro intrant polluant, zéro exclusion).
Une première génération de contrats a été signée le 8 juillet 2019 pour les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, les régions Guadeloupe et La Réunion, le département de Mayotte et les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, ainsi que le 22 juin 2020 pour Saint-Martin. Le contrat de développement et de transformation 2021-2023 a été signé en 2021 par la Polynésie française. La Nouvelle-Calédonie utilise un contrat de développement (CDEV), qui repose sur les dispositions spécifiques de l'article 210 de la loi17(*) organique du 19 mars 1999.
L'ensemble de ces contrats devaient initialement se terminer en 2022 mais ont été prolongés jusqu'en décembre 2023.
Au titre des seuls CCT, le montant contractualisé avec l'État sur le programme 123 s'élève à 417,67 millions d'euros pour la période 2019-2023, et à 580,7 millions d'euros en incluant la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.
Or il est frappant de constater que l'intégralité des montants contractualisés entre 2019 et 2023 n'ont pu être intégralement engagés. Ainsi, au total, le taux d'engagement sur les montants contractualisés fin 2025 est de 94 %, et de 82 % en excluant les engagements relatifs à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie. Le taux de couverture des engagements sur les montants contractualisés n'est que de 75 % en 2025. En 2026, ce sont 49,5 millions d'euros en crédits de paiement qui seront consommés au titre des engagements pris dans le cadre des CCT de première génération (2019-2023).
En particulier, à Mayotte, seuls 64 % des montants contractualisés ont été engagés ; en Guyane la proportion n'est que de 73 % et à La Réunion ce sont 86 % des montants contractualisés qui ont pu être engagés seulement. Par ailleurs, le taux de couverture des engagements est particulièrement faible en Guadeloupe (à hauteur de 29 %), en Martinique (47 %) et à Saint-Martin (43 %).
Exécution des CCT de première génération (2019-2023) entre 2019 et 2025
(en millions d'euros et en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Les faibles taux de consommation en 2020 et 2021 s'expliquaient en partie par l'impact de la crise sanitaire sur la vie économique des territoires d'outre-mer, et par voie de conséquence le ralentissement des chantiers et de la programmation des opérations. Toutefois, la consommation des années 2022 et 2023 n'a pas permis de rattraper ce retard.
Or, les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement étant soumis au principe d'annualité, conformément à l'article 15-I de la LOLF, les AE non engagées à la fin des contrats n'ont donc pas pu être reportées sur des nouveaux contrats et sont normalement annulées. Ce sont donc 36,4 millions d'euros en AE qui n'auront pas été engagées au titre des CCT via le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » et qui sont perdues pour les collectivités ultra-marines.
Concernant spécifiquement le contrat de développement et de transformation de la Polynésie, signé en 2021 et couvrant la période 2021-2023, le taux d'engagement fin 2024, s'élève à 103 % et le taux de couverture des engagements à 92 %.
Au global, en prenant compte l'intégralité des montants contractualisés par l'État dans le cadre des CCT et non uniquement ceux transitant par la mission « Outre-mer », la consommation des crédits contractualisés par l'État est relativement satisfaisante en termes d'engagement, mais reste en-deçà des espérances en termes de consommation des crédits de paiement », comme l'ont montré les rapporteurs dans un rapport18(*) récent.
Ainsi, au total, en tenant compte des contrats de développement signés pour la Polynésie française (2021-2023) et la Nouvelle-Calédonie (2017-2023), le taux d'engagement des crédits s'élève fin 2023 à 76,6 %. Le taux de consommation des crédits n'est que de 48,6 %. En excluant la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, le taux d'engagement des crédits est de 79,6 %. Ce sont 47,1 % des crédits qui ont été consommés.
Part consommée des crédits
contractualisés
dans le cadre des CCT de première
génération (2019-2023)
(en pourcentage)
Source : commission des finances d'après la DGOM
Les rapporteurs préconisent, en vue d'améliorer l'engagement et la consommation des crédits contractualisés dans le cadre des CCT, de mieux associer les collectivités aux décisions d'investissement, et d'augmenter la fongibilité des financements de l'État, afin de favoriser l'adaptation à l'évolution des projets locaux.
2. Une ambition revue à la baisse sur les CCT de deuxième génération (2024-2027)
Une nouvelle génération de CCT a été signée en 2024 dans toutes les collectivités ultramarines. Ces contrats devraient permettre de mobiliser 8,7 milliards d'euros pour les territoires ultra-marins, dont 2,7 milliards d'euros en provenance de l'État. Au total, ce sont 794,7 millions d'euros qui devraient être décaissés au titre du programme 123, entre 2024 et 2027, alors que l'annonce initiale était un engagement de 890 millions d'euros sur les crédits de la mission outre-mer entre 2024 et 2027.
Comme l'ont relevé les rapporteurs dans un rapport précité, en tenant compte de la différence de durée entre les deux générations de CCT, les montants mobilisés dans le cadre de la deuxième génération des CCT (2024-2027) n'ont significativement augmenté par rapport à la période 2019-2023 qu'en Guyane, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin et à Wallis-et-Futuna. En tenant compte de l'inflation, la hausse des crédits est par ailleurs pratiquement nulle à Mayotte et en Guyane.
Une telle diminution des financements contractualisés entre la première et la deuxième génération des CCT pour l'investissement local en outre-mer est regrettable, même si le contexte budgétaire peut l'expliquer en partie. La direction générale des outre-mer a par ailleurs indiqué qu'au vu des contraintes budgétaires fortes, une révision à la baisse de l'engagement de l'État vis-à-vis des collectivités locales au titre du programme 123 pourrait être opérée en 2026, entrainant la signature d'avenants aux CCT.
Montant contractualisé, engagé et
consommé en 2025 et 2026 sur les CCT
de deuxième
génération (2024-2027)
(en millions d'euros et en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Sur cette base, en PLF 2026, les crédits alloués à l'action 2 s'élèvent à 158,5 millions d'euros en AE et à 181,7 millions d'euros en CP, soit une baisse de 26 millions d'euros en AE, mais une hausse de 90,1 millions d'euros en CP par rapport à la LFI 2025. La hausse des crédits de paiement est bienvenue pour permettre de couvrir les engagements passés, surtout que très peu de ces crédits étaient prévus en LFI pour 2025. Au titre de la contractualisation, 113 millions d'euros en AE et 137,4 millions d'euros en CP ont été ouverts, soit une baisse de 139,8 millions d'euros en AE, mais une hausse de 43,7 millions d'euros en CP.
3. Des engagements difficiles à tenir par l'État au vu de la trop faible programmation des crédits
Avec l'apport du PLF 2026, ce sont 46 % des montants contractualisés qui pourront être engagés à fin 2026. Seuls 33,7 % des engagements pourront être couverts par des crédits de paiement. Cette situation est particulièrement dommageable, alors que la période de contractualisation ne s'étend que jusqu'à 2027. Au terme des trois-quarts de la période couverte par les CCT de deuxième génération (2024-2027), la moitié des montant contractualisés a pu être engagée.
Les rapporteurs seront très attentifs à la renégociation possible des CCT. Il serait souhaitable que les crédits de paiement programmés en 2027 permettent au moins de couvrir l'intégralité des engagements, à défaut de l'ensemble des montants contractualisés.
Les autres opérations de l'action 2 « Aménagement du territoire » permettent de financer notamment la convention de fonctionnement de la Nouvelle-Calédonie, à hauteur de 11 millions d'euros en AE et en CP.
D. UNE BAISSE DES CRÉDITS DE CERTAINS DISPOSITIFS D'APPUI À L'INVESTISSEMENT DES COLLECTIVITÉS
1. Malgré une consommation en progrès, le fonds exceptionnel d'investissement raboté de moitié
Le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), créé en 2009 par la loi19(*) dite « LODEOM », a pour objectif d'apporter une aide financière aux personnes publiques qui réalisent des investissements sur des équipements publics collectifs participant de façon déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local.
Les crédits ouverts au titre de fonds exceptionnel d'investissement s'élèvent en 2026 à 50 millions d'euros en AE et à 32 millions d'euros en CP, soit une baisse de 52 millions d'euros en AE et de 30,9 millions d'euros en CP. La baisse du montant des crédits du FEI est regrettable, d'autant que les taux de consommation des crédits du FEI se sont fortement améliorés, tant en 2022 qu'en 2023, où ils ont été consommés à plus de 100 % concernant les CP.
De plus, pour l'année 2025, seuls 75 millions d'euros en AE et 22,33 millions d'euros en CP seront véritablement consommés sur le FEI. En particulier, près de 16 millions d'euros en CP ont été transférés vers le contrat de développement de la Nouvelle-Calédonie.
Montant ouvert et exécuté au titre du FEI entre 2018 et 2025
(en millions d'euros et en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Il est par ailleurs peu pertinent qu'une partie de ces crédits soit fléchée sur les constructions scolaires de Mayotte. Dans ce domaine, les besoins sont considérables et le FEI « scolaire » est devenu une pratique depuis 2017. Il n'en demeure pas moins en contradiction avec le principe de limitation des cofinancements entre le FEI et les autres crédits du budget de l'État. Il est également révélateur des besoins importants dans ce domaine. Sur ce sujet, les rapporteurs spéciaux renvoient au rapport20(*) fait au nom de la commission des finances sur le fonds exceptionnel d'investissement et publié en juin 2022 et à leurs recommandations en vue d'améliorer l'utilisation du fonds et la consommation des crédits. Il serait préférable que les crédits alloués par le FEI aux constructions scolaires de Mayotte soient budgétés dans l'action 6 « collectivités territoriales ».
La baisse globale des crédits dédiés au soutien à l'investissement des collectivités territoriales est particulièrement inquiétante, surtout que le présent projet de loi de finances prévoit une révision des dotations d'investissement relevant de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Les rapporteurs seront particulièrement attentifs à cette question.
2. Des crédits en baisse pour financer des taux bonifiés
L'action 9 « Appui à l'accès aux financements bancaires » du programme 123 vise à favoriser les investissements des acteurs publics en réduisant le coût des ressources empruntées et à assurer l'accompagnement des collectivités ultramarines dans leurs projets d'investissements.
En PLF 2026, les crédits ouverts au titre des financements bancaires et de l'ingénierie s'établissent à 61,3 millions d'euros en AE et 57,9 millions d'euros en CP soit une diminution de 26 % en AE (16 millions d'euros) et 12,2 % en CP (7,1 millions d'euros.
Cette action finance notamment la bonification d'intérêt aux prêts accordés par l'Agence française de développement (AFD) aux collectivités territoriales et aux personnes publiques mais aussi par la mise en oeuvre d'actions d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) dont l'exécution est confiée à l'AFD, via les dispositifs du Fonds outre-mer (FOM).
La dotation de l'AFD aux fins de financement de la bonification des prêts aux personnes publiques est de 35,75 millions d'euros en AE et de 27 millions d'euros en CP, soit une hausse de 1,62 millions d'euros en AE par rapport à 2025.
Au moyen des prêts qu'elle octroie au profit du secteur public, mais aussi par son rôle d'appui technique et d'accompagnement, l'AFD favorise le financement des projets d'investissement et la réalisation d'infrastructures et d'équipements publics, notamment dans les domaines de l'adduction d'eau potable, de l'assainissement, de la gestion des déchets mais aussi de la cohésion sociale et de l'aménagement urbain. Au titre de 2024, ce sont 436 millions d'euros d'engagements bonifiés que l'AFD a réussi à conclure, au bénéfice de 66 établissements du secteur public ultramarin. En 2025, la dotation de l'Agence française de développement, de 34,13 millions d'euros en AE, pourraient permettre d'engager 389 millions d'euros dans les territoires ultramarins.
En 2024, les territoires ayant principalement bénéficié de ces prêts sont la Réunion (à hauteur de 168 millions d'euros), la Guadeloupe (à hauteur de 103 millions d'euros) et la Martinique (pour un montant de 76 millions d'euros). Des actions telles que la rénovation d'un EHPAD en Martinique ou les travaux de rénovation du réseau de Punaauia en Polynésie française ont pu être conduites.
Montant des prêts bonifiés par
l'État accordés par l'AFD
aux collectivités
ultramarines en 2023 et 2024
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Si cet outil de financement est particulièrement intéressant au vu de son effet levier alors que de fortes contraintes pèsent sur les finances publiques, il est toutefois difficilement mobilisable par les collectivités disposant de peu de ressources humaines ou à la situation financière fragile. Un maintien d'un dispositif de subventions aux collectivités demeure indispensable.
3. Un soutien renforcé et bienvenu à l'ingénierie des collectivités territoriales
L'action 9 du programme 123 permet également de financer l'assistance à maitrise d'ouvrage fournie par l'Agence française de développement aux entreprises (voir infra) et aux collectivités.
Le contexte du plan de relance a renforcé la nécessité d'un appui à l'ingénierie au profit des collectivités territoriales, afin de leur permettre d'engager rapidement les nombreux projets qu'elles doivent réaliser.
Ainsi, le Fonds 5.0, créé en 2019, a été reconduit sous l'appellation « Fonds outre-mer » (FOM) et doté de crédits issus du plan de relance, à hauteur de 30 millions en AE pour 2021 et 2022.
En LFI 2026, le FOM serait financé à hauteur de 12,6 millions d'euros en AE et de 15,9 millions d'euros en CP, soit une hausse significative par rapport à la LFI 2025, qui prévoyait une dotation de 9,4 millions d'euros. Ce renforcement du soutien à l'ingénierie des collectivités est bienvenu et indispensable, au vu de leurs difficultés en la matière.
III. DES RÉFORMES DÉFAVORABLES AUX ENTREPRISES
La mission « Outre-mer » comprend plusieurs dispositifs de soutien aux entreprises :
- l'action 1 « Soutien aux entreprises » du programme 138 « Emploi outre-mer » porte la compensation des exonérations de cotisations sociales accordées spécifiquement aux entreprises ultramarines (voir infra) ;
- l'action 4 « Financement de l'économie » du programme 138 « Emploi outre-mer » comprend certains dispositifs de facilitation de prêts accordés aux entreprises ultramarines ;
- l'action 9 « Appui à l'accès aux financements bancaires » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » comprend un dispositif permettant de garantir certains prêts pour les entreprises ultramarines, via le fonds de garantie SOGEFOM.
A. UNE DIMINUTION DES EXONÉRATIONS SOCIALES « LODEOM » QUI PÈSERA LOURDEMENT SUR LES ENTREPRISES ULTRAMARINES
1. Un contexte économique peu favorable aux entreprises
Le contexte économique actuel dans les territoires ultramarins rend particulièrement malvenu le renforcement des contraintes financières pesant sur les entreprises. En particulier, les défaillances d'entreprises sont en hausse depuis 2022 en France entière et dans les territoires ultramarins, de manière plus accentuée dans ces derniers, probablement en partie en raison de l'échéance de remboursement des prêts garantis par l'État consentis pendant la période de crise sanitaire.
Évolution du nombre de défaillances
d'entreprises dans la France entière
et dans les territoires
ultramarins
(en base 100 représentant la moyenne sur la période 2004-2025)
Note : les lignes en pointillé représentent la moyenne pour les défaillances d'entreprise, en outre-mer et dans la France entière.
Source : Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM)
2. Un dispositif d'exonérations de cotisations sociales essentiel à la compétitivité des entreprises
Afin de diminuer le taux de chômage en outre-mer (compris entre 9 % et 34 % en 2023, contre 7 % dans l'hexagone) et d'améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines, un dispositif d'allègement et d'exonération de cotisations de sécurité sociale a été mis en place par la loi21(*) du 25 juillet 1994 et la loi22(*) du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer. Ce dispositif d'exonérations de cotisations de sécurité sociale spécifiques aux outre-mer, dit « LODEOM », résulte des dispositions de l'article L. 752-3- 2 du code de la sécurité sociale en ce qui concerne les entreprises implantées outre-mer et des articles L. 756-4 et L. 756-5 de ce même code pour les travailleurs indépendants ultramarins.
Il a fait l'objet de plusieurs modifications depuis sa création. En effet, la loi23(*) de finances pour 2014 et la loi24(*) de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2016 ont ainsi abaissé les niveaux de salaires concernés par les exonérations de charges patronales afin de recentrer l'application de celles-ci sur les bas et moyens salaires, compte tenu de l'importance plus grande que joue, à ce niveau, le facteur du coût du travail sur l'emploi. Par ailleurs, la loi25(*) de financement de la sécurité sociale pour 2017 a poursuivi ces recentrages, cette fois, sur le dispositif d'exonérations applicables aux cotisations dont les travailleurs indépendants sont redevables.
Enfin, le dispositif d'allègements et d'exonérations de charges patronales de sécurité sociale spécifiques aux outre-mer a été modifié par la loi26(*) de financement pour la sécurité sociale de 2019 afin de compenser la suppression du CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) au 1er janvier 2019 en renforçant les exonérations de charges patronales. Cette réforme avait entrainé, en 2019, une augmentation de plus de 42 % des crédits affectés à la compensation de ces exonérations de charges.
Le régime des exonérations de cotisations patronales en outre-mer
Les niveaux d'exonération de cotisations patronales se déclinent ainsi :
• Barème dit de « compétitivité » : une exonération totale jusqu'à un seuil de 1,3 SMIC suivie d'une dégressivité de cette exonération avec un point de sortie désormais fixé à 2,2 SMIC pour toutes les entreprises de moins de 11 salariés et pour les employeurs occupant plus de onze salariés et relevant des secteurs du bâtiment et des travaux publics, de la presse, de la production audiovisuelle, du transport aérien, maritime et fluvial pour les personnels assurant la desserte des départements d'outre-mer, de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
• Barème dit de « compétitivité renforcée » : une exonération totale jusqu'à un seuil de 1,7 SMIC suivie d'une dégressivité avec un point de sortie fixé à 2,7 SMIC pour les employeurs occupant moins de 250 salariés, ayant réalisé un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros et qui :
- soit relèvent des secteurs de l'industrie, de l'environnement, de l'agronutrition, des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de l'information et de la communication, des centres d'appel, de la pêche et des cultures marines, de l'aquaculture, de l'agriculture, du tourisme y compris les activités de loisirs s'y rapportant, du nautisme, de l'hôtellerie, de la recherche et du développement ;
- soit sont situés en Guyane et exercent une activité principale relevant de l'un des secteurs d'activité éligibles à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, ou correspondant à l'une des activités suivantes : comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques.
• Barème dit « innovation et croissance » : une exonération totale jusqu'au seuil de 1,7 SMIC, le maintien de l'exonération calculée pour un salaire de 1,7 SMIC jusqu'au seuil de 2,5 SMIC, seuil à partir duquel elle décroît avec un point de sortie fixé à 3,5 SMIC pour la catégorie des employeurs occupant moins de 250 salariés et ayant réalisé un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros, au titre de la rémunération des salariés concourant essentiellement à la réalisation de projets innovants dans le domaine des technologies de l'information et de la communication.
Source : commission des finances à partir des documents budgétaires
3. Le rabot du dispositif d'exonération sociale « LODEOM » prévu en PLFSS insoutenable pour les économies ultramarines
Les exonérations de compensation sociale dites « LODEOM » spécifiques aux outre-mer pourraient être profondément réformées par l'article 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, qui prévoit une réforme de ces exonérations, sur deux aspects :
- la suppression du barème « innovation et croissance », considéré par un récent rapport27(*) comme peu lisible ;
- l'alignement des régimes de Saint-Barthélémy et Saint-Martin sur celui des autres départements et régions d'outre-mer ;
- la réduction des exonérations sur les rémunérations les plus élevées, supérieures à 2 SMIC.
Tableau des évolutions des exonérations « LODEOM » en 2026
|
Avant réforme |
Après réforme |
||
|
Barème « compétitivité » |
Seuil d'exonération totale |
1,3 SMIC |
1,2 SMIC |
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Seuil de dégressivité de l'exonération |
1,3 SMIC |
1,2 SMIC |
|
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Seuil d'annulation de l'exonération |
2,2 SMIC |
1,6 SMIC |
|
|
Barème « compétitivité renforcée » |
Seuil d'exonération totale |
2 SMIC |
1,5 SMIC |
|
Seuil de dégressivité de l'exonération |
2 SMIC |
1,5 SMIC |
|
|
Seuil d'annulation de l'exonération |
2,7 SMIC |
1,9 SMIC |
|
|
Barème « innovation et croissance |
Seuil d'exonération totale |
1,7 SMIC |
Exonération supprimée |
|
Seuil de dégressivité de l'exonération |
2,5 SMIC |
Exonération supprimée |
|
|
Seuil d'annulation de l'exonération |
2,5 SMIC |
Exonération supprimée |
|
Source : commission des finances d'après l'annexe 9 du PLFSS 2026
Cette réforme aurait pour effet de diminuer de 350 millions d'euros les exonérations dont bénéficient les entreprises ultramarines éligibles, ce qui représente une baisse de 22 % du coût de l'exonération. Les entreprises ultramarines subiraient une hausse de 5 % à 8 % de la masse salariale, selon les territoires et les barèmes concernés. Il s'agit d'une hausse massive du coût du travail pour des entreprises parfois en très grande difficulté, notamment à Mayotte et à La Réunion en raison des catastrophes naturelles récentes ou encore dans les Antilles frappées par un coût de la vie très élevé.
Les dispositifs d'exonérations de charge sont pourtant essentiels pour soutenir l'emploi en outre-mer. Dans un contexte économique difficile pour les territoires ultramarins, mettre en oeuvre une telle réforme parait nocif pour l'emploi, surtout sans l'avoir suffisamment préparée en amont. Le rapport précité relevait d'ailleurs que « ces scénarios supposent, notamment dans un contexte de vives tensions en Martinique, une mise en oeuvre progressive et concertée avec les acteurs économiques locaux, au regard de l'ampleur de l'évolution qu'ils constituent ».
Ce dispositif bénéficie à 223 468 salariés en 2024, soit près de 8,5 % de la population ultramarine, provenant de 44 680 entreprises différentes. Les exonérations dans les DROM sont principalement accordées au titre du barème compétitivité (61 % du total des exonérations) et du barème de compétitivité renforcée (37 % du total). Les secteurs principalement bénéficiaires sont le commerce, la construction, l'hébergement-restauration et les activités administratives et de soutien. Il s'agit souvent de secteurs composés de petites et moyennes entreprises, indispensables au tissu local ultramarin.
L'effet de déport vers la réduction générale dégressive unique (RGDU) qui deviendrait plus favorable que les barèmes spécifiques aux ultramarins selon les rémunérations pratiquées par les entreprises éligibles réduirait en effet cet impact de 100 millions d'euros. Mais les entreprises subiraient également un coût de 90 millions d'euros en raison la suppression de la réduction du coût des exonérations proportionnelles de cotisations d'assurance maladie et d'allocations familiales qui avaient été maintenues au 1er janvier 2026 pour les entreprises bénéficiant de l'exonération « LODEOM » par le PLFSS 2025. La compensation à ce titre pour les entreprises ultramarines ne serait que de 10 millions d'euros.
Les rapporteurs s'opposent donc à la réforme des exonérations de cotisations sociales dites « LODEOM » prévues en PLFSS, qui a des répercussions sur la présente mission.
Par ailleurs, la réforme prévue à l'article 7 du présent projet de loi de finances aura également des conséquences négatives importantes pour les entreprises ultramarines, rendant d'autant plus malvenues les mesures proposées (voir supra).
4. Une diminution malvenue des crédits de compensation des exonérations « LODEOM » en raison de la réforme portée en PLFSS
En PLF 2026, les crédits ouverts s'élèvent à 1,82 milliard d'euros en AE et à 1,8 milliard d'euros en CP, soit une baisse de 19 % par rapport à la LFI 2025, représentant 343 millions d'euros en AE et 340 millions d'euros en CP. Il s'agit du résultat des économies anticipées liées à la réforme des exonérations de cotisations sociales dites « LODEOM ».
À noter, la dépense budgétisée dans le PLF 2026 s'appuie sur les prévisions produites par l'ACOSS lors des groupes de suivi. Elles se construisent sur la base d'un relevé mensuel des déclarations nominatives des entreprises ainsi que des données statistiques et des réalisations comptables intégrées a posteriori, auxquels l'ACOSS applique un pourcentage correspondant à la part outre-mer. Les prévisions de dépenses de compensation des exonérations progressent essentiellement du fait des hypothèses d'évolution de la masse salariale des salariés des entreprises privées, retenues par l'Urssaf-Caisse nationale pour ses prévisions techniques.
Les variations constatées ces dernières années témoignent cependant de la difficulté à établir des prévisions fiables, s'agissant de dépenses de guichet qui sont tributaires de la conjoncture économique et ne sont confirmées qu'à l'issue des exercices budgétaires. Ainsi, par exemple, en 2024, la LFI avait sous-estimé de 95 millions d'euros les crédits nécessaires à la compensation des exonérations sociales.
Une telle situation est regrettable, puisqu'elle conduit l'État à s'endetter auprès de l'ACOSS. Une fiabilisation de la prévision des compensations dues à la Sécurité sociale au titre du dispositif « LODEOM » est nécessaire.
B. UN ABONDEMENT DES DISPOSITIFS DE PRÊTS AUX ENTREPRISES
1. Un doublement des crédits des prêts de développement outre-mer (PDOM)
L'action 4 « Financement de l'économie » du programme 138 « Emploi outre-mer » porte plusieurs dispositifs de soutien aux entreprises et associations ultramarines qui ont pour objectif d'accompagner le développement économique et l'attractivité des territoires ultramarins :
- le prêt de développement outre-mer (PDOM), prêt sans garantie à destination des petites et moyennes entreprises et opéré par Bpifrance, à hauteur de 10 millions d'euros, soit le double de la dotation prévue en LFI 2025 (5 millions d'euros) ;
- les subventions d'investissement, à hauteur de 1,5 million d'euros ;
- le soutien au microcrédit outre-mer (2,66 millions d'euros en AE et 2,62 millions d'euros en CP).
Les crédits ouverts au titre de cette action s'élèvent à 21,1 millions d'euros en AE et à 20,1 millions d'euros en CP, soit une hausse de 1 million d'euros en AE et de 3 millions d'euros en CP. Les rapporteurs saluent cette évolution.
Concernant les PDOM, un total de 940 prêts a été réalisé par BPI France entre le 1er janvier 2019 et le 30 juin 2025, représentant 273,22 millions d'euros. Ce sont 163 prêts qui ont été réalisés en 2024, et 62 prêts au premier semestre de 2025.
Depuis 2023, le périmètre du PDOM a été étendu pour couvrir l'augmentation du besoin en fonds de roulement généré par les problématiques de logistique et d'approvisionnement. Un « PDOM transmission » a également été créé afin d'accompagner financièrement les transmissions d'entreprises.
L'aide au fret, créée par la loi28(*) du 27 mai 2009 dite « LODEOM », également financée par cette action, est dotée de 5,4 millions d'euros en AE et 4,4 millions d'euros en CP, soit le même niveau qu'en 2024. Elle a pour objectif de couvrir les surcoûts de transport de marchandises au profit d'entreprises situées dans les DROM, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna. Les subventions versées en 2024 ont majoritairement bénéficié aux entreprises de l'industrie manufacturière (35 % des subventions octroyées), ainsi qu'à la production et la distribution d'eau, l'assainissement, la gestion des déchets et la dépollution, et l'administration publique.
2. Un rôle accru de la SOGEFOM dans la reconstruction de la Nouvelle-Calédonie
La SOGEFOM, détenue à 58,7 % par l'AFD, a pour but d'apporter une garantie partielle à des opérations de financement engagées par les établissements de crédit en faveur des TPE et PME intervenant dans les collectivités d'outre-mer du Pacifique. Elle est dotée en PLF 2026 de 13 millions d'euros en AE et de 15 millions d'euros en CP.
La SOGEFOM a joué un rôle notamment pour accompagner les TPE et PME calédoniennes dans leurs investissements de reconstruction, suite aux émeutes de 2024. 695 entreprises en ont bénéficié entre août 2024 et avril 2025, pour un montant total de 83 millions d'euros. Le maintien d'une dotation élevée à cet instrument est bienvenu, au vu des besoins forts et persistants du territoire calédonien.
En revanche, aucun nouvel abondement n'a été prévu pour l'initiative Kiwa, qui a été lancée par l'AFD en mars 2020. Elle vise à faciliter l'accès aux financements de porteurs de projets (incluant les collectivités locales) avec pour objectif de lutter contre les effets du changement climatique.
IV. DES POLITIQUES EN FAVEUR DES POPULATIONS ULTRAMARINES RELATIVEMENT PRÉSERVÉES
La mission « Outre-mer » porte certaines actions bénéficiant directement aux populations ultramarines :
- l'action 3 « Continuité territoriale » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer », qui finance les dispositifs d'aide à la continuité territoriale ;
- l'action 2 « Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle » du programme 138 « Emploi outre-mer », qui porte à la fois les financements dédiés au service militaire adapté et la subvention pour charge de service publique de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité.
A. LA POLITIQUE DE CONTINUITÉ TERRITORIALE, UN BUDGET MAINTENU MAIS NE PERMETTANT PAS DE COUVRIR LES BESOINS DES 2,8 MILLIONS D'ULTRA-MARINS
1. La continuité territoriale : une nécessité pour tenir compte de l'éloignement géographique des territoires ultramarins
La politique nationale de continuité territoriale est définie à l'article L. 1803-1 du code des transports comme « tendant à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de l'hexagone, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d'outre-mer ».
Cette politique prend la forme de plusieurs aides financières portées par le fonds de continuité territoriale créé par l'article 50 de la loi29(*) du 27 mai 2009. Ce fonds de continuité territoriale globalise les crédits destinés au financement des trois catégories suivantes d'aide :
- l'aide à la continuité territoriale (ACT) qui concourt au financement d'une partie des titres de transport entre la collectivité de résidence outre-mer et le territoire métropolitain et dans les deux sens pour les personnes rendant une dernière visite à un proche ou se rendant à ses obsèques ;
- l'aide au rapatriement de corps qui permet la contribution au financement du transport du corps, que ce transport ait lieu vers l'hexagone ou vers l'outre-mer, et dans certains cas entre collectivités d'outre-mer ;
- les passeports pour la mobilité.
Ensuite, par décret30(*) du 28 juin 2021 et par arrêté du 28 juin 2021, quatre mesures plus favorables ont été mises en oeuvre :
- la fusion de l'aide simple et de l'aide majorée sur la base du montant plus favorable : dorénavant, pour le dispositif d'aide à la continuité territoriale et pour le dispositif d'aide obsèques dans le cadre de la continuité funéraire, un montant d'aide unique existera pour chaque territoire ultramarin. Ce montant représente environ 50 % du prix moyen d'achat du billet d'avion constaté sur chaque liaison ;
- la simplification et fixation d'un plafond unique de ressources ;
- la création d'un dispositif spécifique en faveur des trois nouveaux publics bénéficiaires : les doctorants et post-doctorants, les artistes et les acteurs culturels et les jeunes espoirs sportifs ;
- l'extension des droits d'accès à la continuité funéraire : les frères et soeurs des défunts sont dorénavant éligibles, les déplacements peuvent se faire dans le cadre d'une dernière visite à un proche et ils deviennent possibles entre outre-mer.
Par ailleurs, la loi de finances pour 2023 a permis d'augmenter une nouvelle fois les montants forfaitaires de prise en charge de l'aide à la continuité territoriale afin de mieux couvrir le prix moyen du billet d'avion aller/retour des usagers, pour une dépense annuelle supplémentaire de 6 millions d'euros.
En 2024, 92 024 ultramarins ont pu bénéficier des dispositifs du fonds de continuité territoriale, soit plus du double par rapport à 2018. En particulier, l'aide à la continuité territoriale a vu un triplement de ses bénéficiaires entre 2018 et 2022, sans doute en raison des simplifications mises en oeuvre en 2021, qui ont donc été particulièrement utiles aux populations.
La hausse du nombre de bénéficiaires, de 16,8 %, a été particulièrement importante entre 2023 et 2024. Les demandes de subvention ont pu être couvertes grâce à la progression significative de 31 % de la dotation de continuité territoriale entre 2023 et 2024.
Évolution du nombre de
bénéficiaires des dispositifs de continuité
territoriale
entre 2018 et 2024
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
2. Une extension en LFI 2024 pour mieux prendre en compte les déplacements professionnels qui n'a toujours pas été mise en oeuvre
La LFI 2024 a prévu la création de trois nouveaux dispositifs d'aide à la continuité territoriale.
Le premier vise à accompagner les projets individuels d'installation professionnelle dans l'une des collectivités mentionnées à l'article L. 1803-21 du code des transports.
Le deuxième est destiné aux personnes morales de droit privé implantées dans l'une des collectivités susmentionnées afin de financer des déplacements de leurs salariés en vue d'une formation professionnelle.
Le troisième, enfin, prévoit une aide destinée aux personnes morales de droit privé implantées dans l'une des collectivités susmentionnées au titre du caractère innovant de l'entreprise afin de financer tout ou partie du coût des titres de transport liés à certains déplacements professionnels nécessaires au développement de son activité.
Le coût estimé de ces trois nouvelles mesures est de 21,6 millions d'euros en AE et CP. Toutefois, si le décret31(*) d'application a été publié en septembre 2025, l'arrêté fixant le montant et les conditions d'attribution des trois nouvelles aides créées en LFI pour 2024 ne l'a pas été. Ces dispositifs n'ont donc toujours pas été mis en oeuvre. Il est urgent que cette mesure d'application soit mise en oeuvre, près de deux ans après le vote de la loi afférente.
3. Une hausse bienvenue des dotations de continuité territoriale
Les crédits prévus en PLF 2026 au titre de la continuité territoriale s'élèvent à 76,9 millions d'euros en AE et à 76,8 millions d'euros en CP, soit une hausse de 2,6 %, représentant 2 millions d'euros, par rapport à la LFI 2025. Il est à noter de plus que ces crédits sont supérieurs de 26,4 millions d'euros par rapport aux crédits ouverts en LFI 2023, qui n'ont d'ailleurs pas été consommés. Ils sont d'un montant pratiquement équivalent à la dotation prévue en LFI 2024. Les dispositifs de continuité territoriale ont toutefois été largement étendus depuis 2023. Ainsi, une fois que les différents passeports pour la mobilité prévue par la LFI pour 2024 entreront en vigueur, il n'est pas certain que la dotation soit suffisante pour couvrir les besoins.
Ainsi, le fonds de continuité territoriale est doté de 63,82 millions d'euros en AE et de 63,42 millions d'euros en CP.
Il est toutefois frappant de constater que la dotation de continuité territoriale attribuée à la Corse est de 187 millions d'euros, soit un montant trois fois plus élevé que les crédits de la continuité territoriale en outre-mer, pour une population nettement moins nombreuse. Une telle situation est particulièrement regrettable.
4. LADOM, une situation financière fragilisée par le présent budget
L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) est, depuis le 1er janvier 2016, un établissement public administratif (EPA). Elle a pour objet de mettre en oeuvre la politique de continuité territoriale à travers les dispositifs de mobilité détaillés supra. LADOM a notamment pour objectif de verser les aides associées à la continuité territoriale aux populations qui lui en font la demande, selon les critères d'éligibilité fixés par voie législative et réglementaire.
Le financement en provenance de l'État de l'agence provient des deux programmes de la mission « Outre-mer » :
- des crédits du programme 123 » Conditions de vie outre-mer » via l'action 3 pour le financement des dispositifs du fonds de continuité territoriale (FCT). Ces crédits s'élèvent à 49,7 millions d'euros en AE et CP en 2026, au même niveau qu'en LFI 2025 ;
- des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer » : l'action 2 du programme 138 porte la subvention pour charges de service public (SCSP) allouée à l'établissement. Cette subvention s'élève en 2065, à 17,05 millions d'euros en AE et à 14,3 millions d'euros en CP, soit une baisse modérée de 2,5 millions d'euros par rapport à 2025.
Au total, les subventions de LADOM s'élèvent à 66,7 millions d'euros en AE et à 63,8 millions d'euros en CP. La raison de la baisse de la subvention est la participation de LADOM au redressement des finances publiques, ainsi que la dématérialisation de l'ensemble de ses procédures.
Enfin, l'agence est dotée de 134 équivalents temps pleins travaillés (ETPT) sous plafond et 15 ETPT hors plafond en 2026, soit une perte de 5 ETPT sous plafond par rapport à 2025.
Cette diminution des emplois est à déplorer au vu de l'importance de LADOM pour les populations ultramarines, d'autant qu'elle devrait mettre en 2026 les nouveaux dispositifs de continuité territoriale adoptés en LFI 2024.
B. UN MAINTIEN DES CRÉDITS ALLOUÉS AU SERVICE MILITAIRE ADAPTÉ (SMA)
Les crédits de l'action 2 « Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle » du programme138 « Emploi outre-mer » financent, à titre principal, le service militaire adapté (SMA).
1. Un dispositif visant à faciliter l'insertion des jeunes éloignés du marché du travail
Le service militaire adapté (SMA) est un dispositif militaire d'insertion socioprofessionnelle créé en 1961 au profit des jeunes ultramarins, de 18 à 25 ans, éloignés de la qualification et du marché de l'emploi qui permet d'apporter une réponse ciblée à l'exclusion et au chômage dans les territoires d'outre-mer. Sa mission principale est de faciliter l'insertion dans la vie active de jeunes adultes, volontaires, en situation d'échec ou en voie de marginalisation résidant dans les départements et collectivités d'outre-mer.
À cette fin, le SMA propose, sous statut de volontaire dans les armées, un parcours complet pour développer et renforcer les compétences sociales et professionnelles des bénéficiaires. Il est articulé autour d'une formation militaire initiale, d'une remise à niveau dans les savoirs de base, d'une éducation civique, d'une formation aux premiers secours et d'une préformation professionnelle. Ce parcours est sanctionné par un certificat d'aptitude personnelle à l'insertion et complété par l'obtention du permis de conduire.
Déployé en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, ainsi qu'à Périgueux avec un centre dédié à la mobilité et à la formation, le SMA, est en capacité d'accueillir chaque année 6 000 bénéficiaires. Deux nouvelles compagnies ont été ouvertes en juillet 2022 : une en Polynésie, sur l'île de Hao et deux à Mayotte.
En 2025, le plan « Horizon 2030 » est mis en oeuvre dans l'ensemble des unités du SMA, dans la suite du plan « SMA 25 + ». Il planifie l'extension de l'ensemble des projets à tous les territoires ultramarins, pour un coût de 117 millions d'euros sur 5 ans.
2. Des difficultés de recrutement globalement résorbées
Le recrutement de 6 000 bénéficiaires, cible fixée au SMA dès 2017 ; a été confronté à plusieurs difficultés :
- un décalage de la croissance démographique entre les différents territoires d'outre-mer avec une baisse démographique en Guadeloupe et à la Martinique (respectivement - 7,1 % et - 9,5 % entre 2011 et 2021) et une croissance importante en Guyane et à Mayotte ce qui est venu perturber la répartition territoriale des recrutements en compensant les moindres recrutements des Antilles par des sur recrutements dans d'autres territoires. Afin de remédier à cette difficulté, une modification des critères de recrutement a été actée dès 2020 avec un abaissement de l'âge des recrutés (16 ans au lieu de 18 ans) ;
- la crise sanitaire a affecté les recrutements à compter de 2020.
Ces difficultés semblent toutefois s'être résorbées, puisque le nombre de volontaires au SMA a retrouvé en 2023 le niveau qu'il avait en 2016.
Évolution du nombre de volontaires
stagiaires et de volontaires techniciens
entre 2016 et 2024
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
3. Des taux d'insertion qui attestent l'efficacité du SMA
Depuis 2018, et à l'exception de l'année 2020 en raison des confinements, le taux d'insertion des volontaires en fin de contrat, est supérieur à 80 %. En 2024, le taux d'insertion est de 80,1 %. Les rapporteurs spéciaux saluent cette progression mais s'interrogent sur la capacité à tenir le taux d'insertion cible en 2025 et en 2026 dans un contexte de difficultés économiques.
Évolution des taux d'insertion entre 2017 et 2026
(en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
4. Des crédits maintenus pour le SMA
En PLF 2026, les crédits de l'action 2 du programme 138 « Emploi outre-mer » s'élèvent à 318,4 millions d'euros en AE et 297,8 millions d'euros en CP, soit un niveau stable par rapport à la LFI 2025.
Au titre du seul SMA, les crédits s'élèvent à 74,24 millions d'euros en AE et 59,27 millions d'euros en CP soit une hausse de 1,3 million d'euros en AE De 1 million d'euros en CP, en raison du rythme d'achèvement des principales opérations sur les infrastructures d'accueil, par rapport à l'année précédente.
Évolution de l'ensemble des crédits finançant le SMA entre 2012 et 2025
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
De plus, l'ensemble des crédits consacrés au SMA, qui comprennent notamment la subvention du ministère des Armées, a augmenté de 25 % depuis 2018.
V. UN FINANCEMENT DU LOGEMENT SOCIAL STABLE MAIS INSUFFISANT PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS
La Ligne budgétaire unique (LBU), portée par l'action 1 du programme 123, finance :
- le développement du logement locatif social (PLS32(*) et LLS33(*)) et du logement locatif très social (LLTS34(*)) et la réhabilitation de ces logements (SALLS35(*)) ;
- l'accession sociale - via le dispositif « logement évolutif social » (LES), mais également le PTZ36(*) et le PSLA37(*) - ainsi que l'amélioration de l'habitat des propriétaires via l'aide à l'amélioration de l'habitat (AAH) ;
- la résorption de l'habitat insalubre (RHI) et spontané (RHS) ainsi que l'aménagement et la viabilisation des terrains en vue d'assurer la constitution de réserves foncières grâce au fonds régional d'aménagement foncier et urbain (FRAFU)38(*).
A. UN MARCHÉ DU LOGEMENT PARTICULIÈREMENT TENDU EN OUTRE-MER
1. Des besoins importants structurellement en logements sociaux
Hormis la Guyane, les DROM sont des îles et archipels dans lesquels le foncier est rare et qui se prêtent parfois difficilement à la construction de logements. La situation géographique de ces territoires les expose également à des risques naturels importants générant ainsi une limitation, de fait, des terrains constructibles, renchérissant le coût de la construction et rendant nécessaire un effort permanent de construction, de réhabilitation et d'adaptation des logements.
De surcroit, les évolutions démographiques liées soit au vieillissement de la population (Martinique, Guadeloupe), soit à la forte croissance de la population (Guyane, Mayotte) et à un niveau de vie inférieur à l'hexagone créent un besoin de logements sociaux considérable. Ainsi, en dix ans, la population en outre-mer a augmenté de 5,4 %, alors que la hausse n'a été que de 3,4 % dans l'hexagone. En particulier, la hausse démographique a été de 42,7 % à Mayotte et de 23,3 % en Guyane (voir infra).
Il en résulte que 80 % de la population des DROM serait éligible au logement locatif social (LLS), contre 66 % dans l'hexagone, et que 70 % de la population serait même éligible au logement locatif très social (LLTS), contre 29 % dans l'hexagone.
2. Un parc social insuffisant
Les demandes annuelles en logement sociaux sont évaluées par le ministère des outre-mer entre 19 680 et 21 481 logements au total, dont plus de 6 500 pour la Province sud de Nouvelle-Calédonie, entre 3 300 et 3 900 logements en Guyane ou encore près de 1 200 à Mayotte.
Besoins annuels en logements sociaux dans les territoires ultramarins en 2024
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Or les logements sociaux disponibles restent insuffisants par rapport à la demande, malgré la construction année après année de nouveaux logements financés par l'action 1. Ainsi, le parc social et le logement intermédiaire correspondent à 20 % du volume total des résidences principales des territoires des départements et régions d'outre-mer (DROM). S'il est plus difficile de disposer de données actualisées pour les COM, au total, le parc social représente 17,8 % des résidences principales des territoires ultramarins.
À Mayotte en particulier, le parc social ne représente que 5 % des résidences principales disponibles, alors que les besoins annuels en logement sont évalués à au moins 1 000 logements. En Polynésie française également, le parc social est particulièrement peu important, puisqu'il ne représente que 5 % des résidences disponibles.
Part des logements sociaux en 2024 dans les départements et régions d'outre-mer
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
3. Un nombre très élevé de logements insalubres
Les DROM présentent une proportion de logements indignes et insalubres nettement supérieure à l'hexagone. La direction générale des outre-mer a estimé qu'en 2022, les DROM comptaient près de 150 000 logements indignes et insalubres. Ainsi, 16,8 % des logements des DROM sont en réalité des logements indignes et insalubres, contre moins de 2 % dans l'hexagone. En particulier, Mayotte et la Guyane sont caractérisés par de grandes poches de logements indignes et informels, constituant de véritables bidonvilles. Près de 40 % des logements en Guyane et de 60 % à Mayotte sont indignes et insalubres.
Nombre de logements indignes et insalubres dans les DROM en juillet 2022
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Cette situation s'explique en partie par la construction d'un habitat informel important, notamment dans un contexte de pénurie de logements. La nature même de ces logements informels (auto-constructions sans déclaration et titres de propriété) rend leur recensement très complexe et peu fiable avec une multitude de situations hétérogènes allant de l'habitat dégradé à indigne voire insalubre.
En ce sens, le Plan logement en outre-mer de troisième génération (PLOM 3) prévoit un plan de redynamisation de la lutte contre l'habitat indigne dans les DROM, ce que les rapporteurs saluent.
B. UN SOUTIEN AU LOGEMENT SOCIAL NE PERMETTANT PAS D'ATTEINDRE LES OBJECTIFS FIXÉS
1. Une budgétisation en hausse modérée de la ligne budgétaire unique pour couvrir les engagements passés
Entre la LFI 2025 et le PLF 2026, l'action 1 « Logement » enregistre une baisse de 11 %, soit 25,7 millions d'euros, en AE et une hausse de 11,9 %, soit près de 25,1 millions d'euros, en CP. L'action compte ainsi 236,3 millions d'euros en AE et 211,3 millions d'euros en CP au PLF 2026.
Il s'agit du niveau le plus élevé jamais programmé de crédits de paiements, qui a vocation à couvrir des engagements passés. Les restes à payer s'élèvent en effet sur la LBU à 800 millions d'euros en 2024. Les rapporteurs saluent cette progression des crédits de paiement, même s'ils se montrent attentifs à la baisse en autorisations d'engagement. Les enveloppes budgétaires se répartissent ainsi :
- 104,92 millions d'euros en AE et 107,04 millions d'euros en CP sont consacrés au logement locatif social et aux logements locatifs spécifiques dans les DROM ;
- 39,52 millions d'euros en AE et 27,22 millions d'euros en CP sont consacrés à l'amélioration du parc locatif social. Ce dispositif a vocation à financer la réhabilitation de 3 800 logements ;
- 32,54 millions d'euros en AE et 29,31 millions d'euros en CP financent le Fonds régional d'aménagement confier urbain (FRAFU) à destination du logement social et de la viabilisation des quartiers d'habitat spontané. Ces fonds financent également les établissements publics fonciers et d'aménagement de Guyane, le nouvel établissement public de reconstruction et de développement de Mayotte et les opérations d'intérêt national en Guyane et à Mayotte ;
- 23,25 millions d'euros en AE et 25,13 millions d'euros en CP sont consacrés à la résorption de l'habitat insalubre, notamment grâce à des emprises foncières nécessaires à la réalisation de programmes d'infrastructures publiques et de logement ;
- 31,38 millions d'euros en AE et 18,39 millions d'euros en CP financent des aides à l'amélioration de l'habitat, versées annuellement aux propriétaires modestes et très modestes qui doivent réaliser des travaux visant à rendre leur habitat salubre. Par ailleurs, grâce à la mise en place d'un Programme d'intérêt général (PIG) spécifique, l'État renforce son soutien à la rénovation des logements des particuliers sinistrés suite au passage du cyclone Chido à Mayotte, dans le cadre de la stratégie quinquennale pour la reconstruction et le développement de Mayotte 2025-2031.
Répartition des financements de la ligne budgétaire unique en 2026
(en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
La moitié des financements de la ligne budgétaire unique sont consacrés au logement locatif social et au logement locatif spécifique dans les DROM.
Pour l'année 2026, un objectif de construction de 2 500 logements et d'amélioration du parc social de 2 608 logements ont été fixés.
Objectifs de construction de logements pour 2026
|
Nbre de logements |
|
|
Construction de logements locatifs sociaux (LLS), très sociaux (LLTS), très sociaux adaptés (LLTSA) et spécifiques (logements-foyers, villages relais, etc.) |
2 500 |
|
Accession à la propriété |
40 |
|
Amélioration du parc social |
2 608 |
|
Amélioration du parc privé |
824 |
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
2. Des efforts significatifs, quoiqu'insuffisants, accomplis dans le cadre des PLOM 1 et 2
La loi39(*) du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer (EROM) a prévu, dans son article 3, une cible de construction de 150 000 logements neufs et réhabilités dans les outre-mer entre 2017 et 2027, soit près de 15 000 logements neufs et réhabilités par an. L'objectif de production de logements directement subventionnés par l'État s'établit, pour sa part, à environ 130 000 logements sur 10 ans.
Cette exigence a notamment guidé le Plan logement outre-mer 2019-2023 (PLOM 2), qui suivait le PLOM 1 de 2015-2019. Des objectifs chiffrés de production de logements par territoire ont été fixés dans ce cadre.
Objectifs annuels territorialisés de
production de logements
bénéficiant de subventions de
l'État
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Ces objectifs n'ont pas été remplis jusqu'à présent. Ainsi, entre 2017 et 2024, au total dans les DROM, 79 365 logements ont été construits grâce à une aide de l'État, dont 45,6 % grâce aux dispositifs fiscaux. En sept ans, la cible de 130 000 logements produits subventionnés par l'État sur 10 ans n'a été atteinte qu'à 61 %. Il apparait donc assez peu probable que l'objectif soit atteint en 2027. En 2024 en particulier, 8 982 logements ont été produits, dont 3 513 logements neufs et 1 372 logements réhabilités financés grâce à la LBU.
Évolution du nombre de logements
aidés, annuellement et en cumulé,
entre
2018 et 2024
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Aucun des DROM ne parvient d'ailleurs à remplir les objectifs annuels de construction de logements neufs, même La Réunion, qui a pu en construire 1 796 en 2024, pour un objectif estimé entre 2 000 et 2 500. C'est Mayotte qui a construit le moins de logements neufs, en 2024, avec 73 logements livrés, en raison des crises diverses traversées par le territoire.
Nombre de logements neufs livrés entre 2017 et 2024
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
De surcroit, le PLOM 2 ne faisait aucune mention des objectifs de la stratégie40(*) nationale du Logement d'abord (LDA), alors que certains territoires ultra marins, en particulier Mayotte et la Guyane, comptent un grand nombre de personnes sans domicile.
À contre-courant même de cette stratégie, le Plan prévoyait la construction d'hébergements temporaires en Guyane et à Mayotte pour accueillir transitoirement les occupants des bidonvilles dont les modalités d'évacuation et de destruction ont été accélérées par la loi41(*) ELAN.
3. Un plan logement en outre-mer de troisième génération (PLOM 3) décliné localement, en cours de finalisation
Le PLOM 2 (2019-2023) comportait 77 mesures, autour de 4 axes : mieux connaître et mieux planifier pour mieux construire, adapter l'offre aux besoins des territoires, maîtriser les coûts de construction et de réhabilitation et accompagner les collectivités territoriales en matière de foncier et d'aménagement.
Le PLOM 3 comprend deux axes :
- un axe territorial : les PLOM territoriaux, pilotés par les préfets, visent à élaborer une stratégie et à définir dans chaque territoire les priorités d'action en termes de logement, au regard des enjeux territoriaux qui leur sont spécifiques. La mise en oeuvre de la stratégie territoriale fait l'objet d'un suivi attentif dans le cadre du conseil départemental (ou territorial) de l'habitat et de l'hébergement (CDHH ou CTHH) ;
- un axe transversal, qui comprend 5 objectifs, dont notamment l'accélération de la production de logements locatifs abordables et adaptés aux besoins des habitants ultramarins dans le respect de la mixité sociale, la maitrise des coûts et l'adaptation aux normes de construction tout en veillant aux enjeux climatiques, de sécurité et de décence, l'amélioration de l'habitat privé destiné aux ménages modestes et très modeste et l'adaptation aux risques liés au changement climatique.
Les PLOM territoriaux ont été finalisés, celui de la Guadeloupe devant encore être validé d'ici la fin de l'année. Les axes transversaux des PLOM sont encore en cours de négociation et devraient être finalisés d'ici la fin de l'année 2025.
Les objectifs transversaux du PLOM ne semblent pas très opérationnels. Laisser de la souplesse à l'échelon local pour construire le PLOM le plus adapté aux réalités territoriales parait toutefois cohérent. Les rapporteurs seront attentifs au contenu finalisé des différents PLOM.
TROISIÈME PARTIE
LES CRÉDITS EN FAVEUR DE L'OUTRE-MER
HORS
MISSION
En complément des crédits portés par la mission « Outre-mer » et des dépenses fiscales rattachées aux programmes 138 et 123, les territoires d'outre-mer bénéficient de crédits en provenance d'autres programmes du budget général qui sont retracés dans le document de politique transversale « Outre-mer ».
Ce document, bien que permettant d'avoir une vision exhaustive des crédits alloués à l'outre-mer, a été largement critiqué par les parlementaires (notamment dans un rapport42(*) d'information faisant suite au rapport de la Cour des comptes sur les financements de l'État en outre-mer) en raison d'insuffisances et de biais structurels.
Le DPT comprend 5 axes, comme en 2024 (développer l'emploi, la production et l'investissement outre-mer ; promouvoir l'égalité des chances en outre-mer ; valoriser les atouts et favoriser les conditions de vie en outre-mer ; promouvoir l'aménagement durable et la transition écologique des territoires ultramarins ; accompagner les collectivités territoriales).
A. UNE BAISSE DES FINANCEMENTS DE L'ÉTAT EN OUTRE-MER AUTRES QUE CEUX DE LA PRÉSENTE MISSION
1. Une forte diminution de la dotation budgétaire pour l'outre-mer liée à la diminution des crédits de la mission « Écologie »...
Le montant total des contributions budgétaires s'élève, en PLF 2026, à 20,04 milliards d'euros en AE et 21,9 milliards d'euros en CP, soit une baisse de 11,2 % en AE et de 7,3 % en CP par rapport à la LFI 2025, représentant une diminution en volume respectivement de 2,2 milliards d'euros et de 1,6 milliard d'euros.
Cette baisse est essentiellement due à la diminution de la contribution de la Mission « Écologie », à hauteur de 1,5 milliard d'euros en AE et de 1,4 milliard d'euros en CP.
Évolution des missions dans l'effort total
en faveur de l'outre-mer
entre 2020 et 2026
(en milliards d'euros et en CP)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
En sus de la mission « Outre-mer » les missions contributrices sont essentiellement les missions « Enseignement scolaire », « Relations avec les collectivités territoriales », « Écologie », « Solidarité, insertion et égalité des chances », et « Sécurités ». Ces 6 missions représentent environ 72 % du total de l'effort financier de l'État, soit une baisse par rapport aux années précédentes où elles représentaient plutôt 75 % de l'effort du budget général de l'État en faveur des outre-mer.
En y ajoutant les dépenses fiscales outre-mer, les dépenses de l'État en faveur du budget des outre-mer seront d'environ 25,14 milliards d'euros en AE et de 27 milliards d'euros en CP. Le budget consacré aux outre-mer représente ainsi 5,4 % des dépenses de l'État.
Depuis 2019, l'effort total en faveur des outre-mer n'a augmenté que de 2,1 %, malgré une inflation plus élevée de 17,5 % entre début 2019 et fin 2025.
2. ... en partie compensée par une affectation d'assise
La baisse des crédits de la mission « Écologie » résulte de la réduction du financement de l'action 11 « Soutien dans les zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain » du programme 345 « Service public de l'énergie » qui finance les charges résultant de deux missions de service public de l'énergie complémentaires :
- d'une part, la transition énergétique des territoires ;
- d'autre part, la péréquation tarifaire qui permet aux consommateurs de ces territoires de bénéficier de prix de l'électricité comparables à ceux applicables dans l'hexagone alors que les coûts de production de l'électricité dans ces zones sont sensiblement supérieurs à ceux de l'hexagone.
Les coûts correspondants à la péréquation tarifaire ont été évalués de façon prévisionnelle par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) à 3,02 milliards d'euros.
Toutefois, l'affectation de 3,2 milliards d'euros de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) doit permettre de financer le surcoût lié à la production d'électricité dans les territoires ultramarins ou zones non interconnectées (ZNI), sauf pour Saint-Martin et Saint-Barthélémy. Il en résulte que l'action 11 ne comprend plus que 114 millions d'euros.
Si on exclut les dépenses liées à l'action 11 du programme 345 du périmètre de la LFI 2025, alors les dépenses de l'État en faveur du budget des outre-mer ne baissent que de 4,8 % en AE et de 1,5 % en CP, soit une baisse respective de 962 millions d'euros en AE et de 318 millions d'euros en CP, essentiellement portée par la mission « Outre-mer » en raison de la baisse de la compensation des exonérations « LODEOM » et dans une moindre mesure par la mission « Sécurité » et la Mission « Écologie ».
Ventilation de la baisse des financements de
l'État en outre-mer
entre 2025 et 2026, hors
programme 345
(en millions d'euros et en AE)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
B. LES RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX SUR LES FINANCEMENTS TRANSVERSAUX DE L'ÉTAT EN OUTRE-MER
1. Des crédits pluriministériels qui permettent notamment le financement des plans thématiques outre-mer
Il existe cinq plans thématiques outre-mer :
- le plan d'actions pour les services d'eau potable et d'assainissement en Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte et Saint-Martin (Plan eau DOM) ;
- le plan séismes Antilles ;
- le plan Sargasses II ;
- le plan logement outre-mer (PLOM) ;
- le plan chlordécone.
a) Le plan d'action pour les services d'eau potable et d'assainissement (plan Eau DOM)
Le plan Eau DOM (PEDOM), adopté en 2016 pour une période de 10 ans, accompagne l'amélioration du service rendu aux usagers en matière d'eau potable et d'assainissement, en faveur de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte et Saint-Martin. Ainsi, entre 2016 et 2024, le ministère a engagé 293,1 millions d'euros et consommé 188,1 millions d'euros à partir des crédits de la mission « Outre-mer » :
- via le FEI : 116,1 millions d'euros et 61,72 millions d'euros ;
- via les contrats de plan État-Régions : 37,9 millions d'euros en AE et 34,5 millions d'euros en CP ;
- via les CCT : 37,9 millions d'euros en AE et 34,5 millions d'euros en CP.
D'autres partenaires cofinancent des opérations d'investissement en eau et assainissement dans le cadre de ce plan :
- le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires : il a investi 36 millions d'euros en AE et 16 millions d'euros en CP ;
- l'office français de la biodiversité (OFB) qui pilote le dispositif de solidarité interbassins (187,8 millions en AE et 111,4 millions d'euros en CP) et les crédits du Plan de relance alloués au plan Eau (46,2 millions d'euros en AE et 32,8 millions d'euros en CP) ;
- l'agence française de développement (AFD) qui octroie des prêts long terme bonifiés par le ministère des outre-mer (209,7 millions d'euros depuis 2016) et des préfinancements de subventions via des prêts court terme (166,8 millions d'euros depuis 2016). Par ailleurs, elle subventionne aussi des études, en direct et via le fonds outre-mer à partir de 2020 (11,1 millions d'euros en AE et 7,6 millions d'euros en CP) ;
- la banque des territoires qui octroie des prêts pour un montant total de 214 millions d'euros depuis 2016.
Au total, entre 2016 et 2024, 946,4 millions d'euros se décomposant en 356 millions d'euros de subventions et 590,4 millions d'euros de prêts ont été mis à disposition des collectivités ultra-marines par l'État ou ses opérateurs bancaires sur les thématiques de l'adduction en eau potable et de l'assainissement.
Le plan eau DOM a été l'objet d'un rapport récent, les rapporteurs appelant en particulier à une meilleure adaptation des normes aux réalités locales.
b) Le plan séismes Antilles
Les Antilles sont les territoires où l'aléa et le risque sismique sont les plus forts à l'échelle nationale (classement en zone de sismicité 5, dite « forte »). Dans ce contexte, le Gouvernement a adopté, en 2007, le plan séisme Antilles (PSA), prévu pour une durée de 30 ans, dont l'objectif est d'améliorer la sécurité de la population. Pour la période 2007-2019, plus d'un milliard d'euros ont été consacrés à la construction aux normes parasismiques dans les Antilles.
Le troisième volet du plan séisme Antilles (PSA3) a été arrêté le 22 avril 2021. Il prévoit la construction ou la mise aux normes de bâtiments et infrastructures de gestion de crise, d'établissements d'enseignement, d'établissements de santé et de logements sociaux, et des actions de prévention à l'attention des populations, pour un montant global de 1,2 milliard d'euros entre 2021 et 2027. Le ministère de la transition écologique en est le principal contributeur, à hauteur de 654,9 millions d'euros. La consommation des crédits issus de ce ministère est de 130,9 millions d'euros en AE et de 69,6 millions d'euros en CP seulement pour la période 2021-2024, soit un retard certain dans l'engagement des montants prévus.
c) Le plan Sargasses II
Le plan Sargasses II (2022-2025) a été publié le 14 mars 2022. Le montant annuel total prévu par le plan Sargasses II s'élève à 7,6 millions d'euros et le montant total du plan sur la période 2022-2025 est de 36,5 millions d'euros.
Le financement du plan repose :
- d'une part, sur l'action 13 du programme des interventions territoriales de l'État (PITE - programme 162), qui regroupe depuis 2023 les contributions des ministères de l'intérieur, des outre-mer, de la transition écologique et de la santé ;
- d'autre part, sur des crédits portés directement par d'autres programmes budgétaires : programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » (dotation d'équipement des territoires ruraux), programme 102 « Accès et retour à l'emploi » (parcours emploi compétences et chantiers d'insertion), ADEME (appels à projets) et fonds d'intervention maritime (FIM).
Hors volet recherche et contrats aidés, les crédits mobilisés au titre de la lutte contre les sargasses ont été consommés à hauteur de 23 millions d'euros en AE et 15,6 millions d'euros en CP au 31 décembre 2024, soit un montant bien inférieur à la prévision de 34,5 millions d'euros pour la période 2022-2025.
d) Le plan chlordécone
Ce plan a été lancé le 24 février 2021 pour la période 2021-2027 pour un montant total de 92,3 millions d'euros. Il vise à informer les populations sur les risques et les solutions, à protéger leur santé et à réparer les impacts liés à cette pollution.
Entre 2021 et 2024, au total, plus de 48 millions d'euros ont été engagés, soit un niveau honorable par rapport à la prévision. Les financements du plan sont portés essentiellement par le programme 162 « Interventions territoriales de l'État : 31 millions d'euros, à hauteur de 45 % du montant total engagé. La mission « Outre-mer » représente 10 % de l'enveloppe engagée.
2. Un fonds vert bien approprié par les territoires ultramarins, dont les financements en baisse inquiètent
Les territoires d'outre-mer se sont saisis du fonds vert et ont déposé 309 dossiers en 2024, dont 196 ont été acceptés.
Au regard du nombre de projets, les territoires d'outre-mer ont ciblé en priorité la rénovation énergétique des bâtiments publics locaux, l'appui à l'ingénierie, le recyclage foncier, la renaturation des villes et des villages et le renforcement de la protection des bâtiments contre les vents cycloniques.
Fin 2024, ce sont 87,1 millions d'euros en AE et 30,1 millions d'euros en CP qui ont été consommés au titre du Fonds vert dans les outre-mer.
Des projets ont été retenus dans chaque territoire d'outre-mer. À titre d'exemple, une subvention de 300 000 euros a été accordée en Guadeloupe pour faire face à l'irruption de l'iguane commun dans la faune locale. À La Réunion, ce sont 96 092 euros qui ont été alloués pour la construction d'une cuisine autonome desservant deux écoles maternelles à Vieille Place, le bâtiment pouvant ainsi servir de centre d'accueil en cas d'événement cyclonique.
Le fonds vert a donc été fortement sollicité par les territoires ultramarins et constitue un outil particulièrement pertinent, dont les crédits devraient être maintenus. La baisse des crédits annoncée pour le fonds vert en général est donc inquiétante et regrettable.
EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Outre-mer ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 4 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de MM. Georges Patient et Stéphane Fouassin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Outre-mer ».
M. Claude Raynal, président. - Nous terminons nos travaux par l'examen du rapport spécial sur la mission « Outre-mer ». Nous accueillons Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je vous prie d'excuser l'absence de notre collègue Teva Rohfritsch, rapporteur pour avis de la commission des lois.
M. Stéphane Fouassin, rapporteur spécial de la mission « Outre-mer ». - Mes chers collègues, je vous prie d'excuser mon collègue rapporteur spécial Georges Patient, qui est souffrant ; il sera parmi nous la semaine prochaine.
Le principal objectif de la mission « Outre-mer » du budget général de l'État est le rattrapage des écarts entre les territoires d'outre-mer et la métropole.
Il est d'autant plus important qu'un grand nombre de territoires ultramarins traversent actuellement une crise aiguë. Ainsi, le passage du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi, à Mayotte, a entraîné des dégâts chiffrés à 3,4 milliards d'euros sur les infrastructures, accompagnés de pertes d'activité économique s'élevant à près de 500 millions d'euros. À La Réunion, le cyclone Garance a causé des dégâts d'un montant proche de 850 millions d'euros. En Nouvelle-Calédonie, les émeutes de 2024 ont entraîné des destructions d'un coût supérieur à 2 milliards d'euros.
La crise de la « vie chère » frappe également un grand nombre de nos concitoyens ultramarins, en particulier en Martinique. Selon l'Insee, en 2022, les prix sont plus élevés en outre-mer que dans l'Hexagone : de 15,8 % en Guadeloupe, de 13,7 % en Guyane ou encore de 8,9 % à La Réunion. Cette situation n'est pas viable et engendre des frustrations fortes parmi les populations. L'État peut contribuer à trouver des remèdes face à cette situation, conjointement avec les collectivités. Un projet de loi relatif à ce sujet a d'ailleurs été récemment discuté ici, au Sénat.
Dans ces conditions, le budget proposé pour la mission « Outre-mer » ne permet pas, dans sa version actuelle, de répondre aux enjeux des territoires ultramarins.
Il s'élève à 2,91 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 2,83 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une baisse de 5,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Le budget spécifique aux Ultramarins perd ainsi 628 millions d'euros en AE et 183 millions d'euros en CP.
La difficulté principale est la baisse de 340 millions d'euros sur le programme 138 « Emploi outre-mer », qui porte les compensations d'exonérations sociales spécifiques aux outre-mer, dites exonérations « Lodéom ». Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 prévoit en effet, à l'article 9, une réforme de ces exonérations, qui entraîne une baisse de la compensation portée par le programme 138. Ainsi, le barème d'« innovation et croissance » appliqué à certaines entreprises serait supprimé ; le régime spécifique de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin serait aligné sur celui des départements et régions d'outre-mer (Drom) ; enfin, les exonérations prévues sur les rémunérations supérieures à 2 Smic seraient réduites.
Une telle réforme occasionnerait une hausse de 5 % à 8 % de la masse salariale pour les entreprises, pour un coût total évalué à 340 millions d'euros. Dans le contexte qui prévaut actuellement à La Réunion, à Mayotte ou encore dans les Antilles, la réforme est difficilement soutenable pour les entreprises. Nous espérons que les discussions à venir permettront de faire évoluer le projet de loi de financement de la sécurité sociale et, par voie de conséquence, la budgétisation du programme 138.
Concernant le reste de la mission, mon collègue Georges Patient et moi-même saluons la hausse des dotations aux collectivités territoriales, qui s'élèvent à 453 millions d'euros.
En particulier, le présent projet de loi prévoit une dotation de 200 millions d'euros en AE et de 125 millions d'euros en CP pour Mayotte. Cette dotation est opportune pour financer la reconstruction du territoire et mettre en oeuvre la stratégie quinquennale de refondation, adoptée par notre assemblée au mois de juin dernier.
Par ailleurs, 30 millions d'euros sont destinés à financer la réponse aux dégâts occasionnés par le passage du cyclone Garance à La Réunion au mois de février dernier.
Enfin, ce sont 10 millions d'euros qui sont prévus pour la Nouvelle-Calédonie. Les besoins du territoire calédonien ont été évalués à 110 millions d'euros au total, soit un montant inférieur à la dotation de reconstruction de 200 millions d'euros adoptée en loi de finances initiale pour 2025. Toutefois, les crédits de paiement prévus pour 2025 et 2026 ne sont pas suffisants pour couvrir ces besoins.
Nous déplorons également la baisse des dotations spéciales d'équipement scolaire et de construction et d'équipement des établissements scolaires qui sont versées à Mayotte et à la Guyane - cette dernière perd à elle seule 43 millions d'euros en AE et 7 millions d'euros en CP à ce titre.
Par ailleurs, la dotation du fonds de secours outre-mer est largement rehaussée, ce que nous saluons : elle passe de 10 millions à 17 millions d'euros, en partie pour répondre aux besoins des producteurs réunionnais de canne à sucre, qui ont largement souffert du passage du cyclone Garance. Le fonds de secours outre-mer est d'ailleurs réformé, puisque sa part consacrée aux collectivités relèvera désormais de la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques.
Concernant les contrats de convergence et de transformation (CCT), que nous avons évoqués ensemble au mois d'octobre par un rapport de contrôle, nous saluons la hausse de 90 millions d'euros des CP qui leur sont alloués. Nous notons toutefois qu'à la troisième des quatre années de contractualisation seuls 46 % des montants contractualisés auront été engagés. Une renégociation des CCT serait d'ailleurs envisagée, ce que nous suivrons avec attention. Nous regrettons en tout cas que l'État ne tienne pas ses engagements, alors que les collectivités et les porteurs de projets se sont investis localement.
Le fonds exceptionnel d'investissement, le fameux FEI, perd quant à lui 31 millions d'euros, dans une optique de redressement des comptes publics. Ce sont autant de projets d'investissements locaux nécessaires à la population qui ne pourront être réalisés.
J'en viens maintenant aux crédits dédiés à la politique de continuité territoriale, qui augmentent de 2,5 millions d'euros, ce que nous saluons. Nous notons toutefois que les dispositifs de mobilité votés en loi de finances initiale pour 2024 n'ont toujours pas été mis en oeuvre, faute de publication du texte d'application. Les crédits prévus pourraient ne pas suffire à répondre à l'ensemble des demandes. Par ailleurs, les moyens de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) sont rabotés de 2,5 millions d'euros et surtout de 5 emplois, alors que la situation financière de l'agence est déjà fragile, celle-ci ne parvenant pas à répondre à l'ensemble des demandes de subvention qui lui sont adressées.
Je relève par ailleurs, comme chaque année, que la dotation de continuité territoriale de la Corse est de 187 millions d'euros, soit un montant trois fois supérieur à celui dont bénéficient les 2,8 millions d'Ultramarins.
Enfin, la ligne budgétaire unique (LBU), qui finance le logement social outre-mer, est diminuée de près de 5 millions d'euros en AE, mais augmentée d'un montant équivalent en CP, ce qui permettra de couvrir une partie des engagements passés.
L'objectif de la LBU est de financer la production de logements sociaux et la résorption de l'habitat indigne ainsi que de venir en aide aux ménages modestes qui doivent mener des travaux de réhabilitation de leur habitation. En particulier, la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer de 2017 avait prévu un objectif de construction de 150 000 logements d'ici à 2027, dont 130 000 logements financés par l'État. Or, en 2024, seuls 80 000 nouveaux logements ont été construits, soit 61 % de la cible. Les efforts en faveur du logement social en outre-mer doivent donc être poursuivis.
En sus des crédits budgétaires, les dépenses fiscales contribuent à la dynamisation de l'économie, à l'attractivité des territoires et à l'effort général de rattrapage de l'écart de niveau socio-économique entre l'outre-mer et la métropole.
Sur les deux programmes de la mission, lesdites dépenses fiscales devraient s'établir, en 2026, à 4,7 milliards d'euros, soit presque deux fois plus que les crédits budgétaires portés par la mission « Outre-mer ». Entre 2025 et 2026, elles enregistrent une hausse de 3,2 %. Cette hausse est sensiblement identique à celle qui fut constatée entre 2024 et 2025.
Nous saluons cette évolution, les outils fiscaux étant indispensables pour permettre le développement économique des territoires ultramarins, ainsi que pour compenser les déséquilibres avec l'Hexagone concernant notamment les prix des biens. Nous suivrons d'ailleurs avec attention les modifications qui pourraient être apportées par le présent projet de loi de finances au régime d'exonérations fiscales dont bénéficient notamment les collectivités ultramarines.
De surcroît, en complément des crédits portés par la mission « Outre-mer » et des dépenses fiscales, les territoires d'outre-mer bénéficient de crédits en provenance d'autres programmes du budget général. Le montant total des contributions budgétaires afférentes s'élève ainsi à 21,9 milliards d'euros. Si l'on exclut la diminution des crédits budgétaires du programme « Service public de l'énergie », qui est compensée par une affectation de taxe, l'effort de l'État ne baisse que de 1,5 % par rapport à 2025.
Cette baisse est essentiellement due à la diminution des crédits de la mission « Outre-mer », dont nous venons de parler, et, dans une moindre mesure, à celle des crédits de la mission « Écologie ».
En particulier, les crédits du fonds vert, dont bénéficient les territoires ultramarins, suscitent des interrogations. Il s'agit d'un financement sur projet, qui est largement utilisé en outre-mer : ainsi, en 2024, 309 dossiers avaient été déposés, pour un montant total de plus de 87 millions d'euros de subventions en AE. À cet égard, la baisse annoncée des crédits abondant le fonds vert est regrettable, alors que les territoires ultramarins sont soumis à des contraintes particulièrement fortes d'adaptation au réchauffement climatique.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous sommes très opposés à la réforme des exonérations sociales dites « Lodéom », qui affecte les crédits de la mission. Toutefois, comme cette réforme relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale et non du présent projet de loi de finances, nous nous en remettons à l'avis de la commission concernant l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».
Je me permets néanmoins cette dernière précision : compte tenu de la baisse globale et significative des crédits, Georges Patient et moi-même, rapporteurs spéciaux, ne pourrons pas les voter en l'état.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Outre-mer ». - Comme beaucoup d'autres, la mission « Outre-mer » voit ses crédits diminuer pour 2026 dans le contexte du nécessaire redressement de nos finances publiques. Contrairement à mes collègues rapporteurs spéciaux de la commission des finances, j'ai néanmoins décidé de soutenir ce budget, et je proposerai à la commission des affaires économiques d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
En effet, plus qu'au niveau de la dépense, je m'intéresse à son adaptation aux enjeux. À cet égard, j'attends beaucoup de la mise en application, l'année prochaine, du troisième plan Logement outre-mer et de sa logique territorialisée.
Je souhaite mettre l'accent sur la question normative, que la délégation sénatoriale aux outre-mer connaît bien. Les acteurs du logement nous parlent certes de la LBU et des dispositifs fiscaux, mais ils évoquent aussi les normes d'urbanisme et de construction, ainsi que les normes environnementales, qu'elles soient européennes ou françaises. Oui, nous avons besoin de normes, mais celles-ci doivent s'adapter à l'environnement auquel elles s'appliquent et à l'urgence des situations à traiter.
L'idée d'un marquage « régions ultrapériphériques » dérogeant au marquage « CE » dans le domaine de la construction a connu de récentes avancées, mais doit encore trouver une concrétisation à des échelles plus globales pour aboutir, le cas échéant, à une baisse des coûts de construction des logements. Je compte sur le Gouvernement pour appuyer, en la matière, la démarche de la délégation aux outre-mer au sein de l'Union européenne.
Du reste, un autre sujet me paraît primordial s'agissant de compenser le manque d'investissement dans nos territoires ultramarins, à savoir la trop faible mobilisation des crédits européens ; nous devons approfondir cette piste.
À titre purement personnel, je souhaite appeler l'attention de nos collègues sur l'impact que pourrait avoir la modification des exonérations de charges patronales spécifiques à Saint-Barthélemy sur le budget global. Il faut savoir que ces exonérations tiennent compte du coût des loyers à Saint-Barthélemy, seule collectivité d'outre-mer à ne percevoir aucune dotation globale de compensation, puisqu'elle verse chaque année à l'État une dotation négative de 3 millions d'euros. Le taux de chômage y est en outre de 1,9 % : cette collectivité fonctionne bien. En voulant faire 15 millions d'euros d'économies, on risque de la faire basculer dans la dynamique qui est celle des autres territoires ultramarins.
J'appelle donc la commission à la plus grande prudence à propos de ce dispositif.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'espère que ma crainte ne se justifiera pas, mais j'ai le sentiment que le point de tension que l'on observe pour ces crédits, entre le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), constitue un mauvais signe pour ce qui risque d'arriver à l'échelle de tout le pays. D'après les remarques du rapporteur spécial, ce point de tension semble avoir une incidence sur son avis.
Je souhaite que les crédits soient adoptés. Cependant, il nous faut être vigilants, sans quoi plus personne n'y comprendra rien, qu'il s'agisse des habitants, des médias ou de nos collègues. Nous ferons ce qu'il faut pour prendre en compte les demandes présentées par les deux rapporteurs spéciaux. Dans le climat actuel, tout à fait inédit sous la Ve République, nous devons veiller à ce que le sérieux budgétaire puisse être compris et observé depuis l'extérieur.
M. Thierry Cozic. - Nos collègues élus d'outre-mer éprouvent une grande inquiétude, voire de la colère, devant ce budget, dont certains annoncent qu'il serait « cataclysmique » s'il était adopté en l'état.
Étranglés budgétairement, les outre-mer pourraient perdre près de 628 millions d'euros en AE, soit 18 % de leur budget, qui repasserait sous la barre des 3 milliards d'euros. Selon le bleu budgétaire, la programmation est plus sombre encore puisque la baisse des autorisations d'engagement dévolues à ces territoires atteindrait 24 % d'ici à 2028 par rapport à 2025. Si rien n'est fait pour enrayer cette logique mortifère, ce budget retrouverait son niveau d'il y a cinq ans d'ici à trois ans, ce qui signifierait huit ans perdus !
Le Gouvernement présente un budget indigent, rognant de 10 % les aides au logement et de 23 % en AE les crédits alloués aux collectivités locales et à l'aménagement du territoire, et divisant par deux le montant du FEI, qui finance les projets structurants.
Par ailleurs, il faut ajouter à ces baisses les 300 millions d'euros d'économies pour 2028 obtenus avec la réforme des dispositifs de défiscalisation, prévue par l'article 7 du PLF, et la réforme du dispositif d'exonération des charges sociales et des allégements généraux, inscrite à l'article 9 du PLFSS, qui impacte le programme 138.
En l'état, nous ne voterons pas les crédits de la mission.
M. Stéphane Fouassin, rapporteur spécial. - Georges Patient et moi nous en remettons à l'avis de la commission, mais nous voterons contre l'adoption des crédits de la mission.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je propose de voter favorablement, sachant que certains points doivent être améliorés.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Outre-mer ».
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Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Direction générale des Outre-mer (DGOM)
- M. Olivier JACOB, préfet, directeur général ;
- M. Étienne GUILLET, sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État ;
- M. Baptiste LE NOCHER, adjoint au sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État.
Fédération des entreprises d'outre-mer
- M. Laurent RENOUF, délégué général ;
- Mme Melinda JERCO, responsable des affaires économiques et de la fiscalité indirecte - Référente océan Atlantique ;
- Mme Ameline NOGAL, responsable des affaires économiques et fiscales - Référente océan Pacifique.
Union sociale de l'habitat outre-mer (USHOM)
- Mme Sabrina MATHIOT, directrice.
Union sociale de l'habitat (USH) - Direction des outre-mer
- M. Brayen SOORANNA, directeur.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html
* 1 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
* 2 Enquête de comparaison spatiale des prix 2022, INSEE première n° 1958, juillet 2023.
* 3 D'après une annonce du Président de la République en 2019.
* 4 Arrêté du 27 février 2025 modifiant la liste des produits repris à l'article 50 duodecies de l'annexe IV au code général des impôts.
* 5 Loi n° 2025-797 du 11 août 2025 de programmation pour la refondation de Mayotte.
* 6 En utilisant pour 2025 les données du PLF pour 2026.
* 7 Les financements de l'État en outre-mer, Cour des comptes, 24 mai 2022.
* 8 Règlement (UE) no 651/2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.
* 9 Évaluation du régime d'aide fiscale à l'investissement productif outre-mer, inspection générale des finances, juillet 2023.
* 10 Le taux d'endettement est défini ici comme le ratio entre l'encours de dette et les recettes de fonctionnement des collectivités.
* 11 Rapport sur les finances publiques locales, fascicule 1, Cour des comptes, juin 2025.
* 12 Le taux d'épargne brute mesure le rapport entre l'épargne dégagée par la section de fonctionnement des collectivités locales et les recettes de fonctionnement.
* 13 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.
* 14 La gestion de l'eau potable et de l'assainissement en outre-mer, rapport d'information n° 440 (2024-2025) de MM. Stéphane Fouassin et Georges Patient, pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes.
* 15 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances par les rapporteurs Georges Patient et Teva Rohfritsch sur « Les contrats de redressement outre-mer (COROM) : pour des moyens à la hauteur des enjeux.
* 16 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
* 17 Loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
* 18 Soutien de l'État à l'investissement ultramarin : mieux écouter les collectivités, rapport d'information n° 5 (2025-2026) de MM. Stéphane FOUASSIN et Georges PATIENT, déposé le 1er octobre 2025.
* 19 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et relatif au fonds exceptionnel d'investissement outre-mer.
* 20 Rapport d'information n° 727 (2021-2022) du 22 juin 2022 - par MM. Georges Patient et
Teva Rohfritsch, fait au nom de la commission des finances.
* 21 Loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte.
* 22 Loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer.
* 23 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.
* 24 Loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.
* 25 Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.
* 26 Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.
* 27 Évaluation des mesures d'exonération de cotisations sociales spécifiques aux outre-mer, inspection générale des finances et des affaires sociales, novembre 2025.
* 28 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.
* 29 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.
* 30 Décret n° 2021-845 du 28 juin 2021 modifiant le code des transports en matière de continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et le territoire métropolitain.
* 31 Décret n° 2025-907 du 6 septembre 2025 pris pour application des articles 236 et 237 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 et portant diverses dispositions relatives à la continuité territoriale
* 32 Prêt locatif social.
* 33 Logement locatif social.
* 34 Logement locatif très social.
* 35 Subvention à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale.
* 36 Prêt à taux zéro.
* 37 Prêt social de location accession.
* 38 Le Fonds régional d'aménagement foncier et urbain (FRAFU) coordonne les interventions financières de l'Union européenne, de l'État, des collectivités territoriales, en vue d'assurer la constitution de réserves foncières et la réalisation d'équipements.
* 39 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
* 40 Lancé en septembre 2017 à Toulouse par le Président de la République, le plan pour le Logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme fait de l'accès direct au logement une priorité pour la réinsertion des personnes sans domicile.
* 41 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.
* 42 Les financements de l'État en outre-mer, rapport n°637, déposé le 24 mai 2022 par les Sénateurs G. Patient et T. Rohfritsch.














































