- L'ESSENTIEL
- AVANT PROPOS
- PREMIÈRE PARTIE
REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS
D'IMPÔTS D'ÉTAT
- I. ENTRE DE MOINDRES RESTITUTIONS DE SOMMES
INDÛMENT PERÇUES ET UNE HAUSSE DES DÉGRÈVEMENTS
LIÉS À LA MÉCANIQUE DE L'IMPÔT ET À DES
POLITIQUES PUBLIQUES, LE NIVEAU GLOBAL DES REMBOURSEMENTS ET
DÉGRÈVEMENTS EST EN BAISSE EN 2026
- A. LA BAISSE MARQUÉE DES RESTITUTIONS DE
SOMMES INDÛMENT PERÇUES ATTENDUE POUR 2026 MASQUE LA HAUSSE
DES AUTRES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS
- B. UNE MÉCANIQUE DE L'IMPÔT
ANTICIPÉE À DES NIVEAUX PROCHES DE CEUX EXÉCUTÉS
EN 2024 ET DES DERNIÈRES ESTIMATIONS POUR 2025
- 1. Une estimation revue à la baisse, depuis
la loi de finances initiale pour 2025, de la progression des demandes
légitimes de remboursement de crédit de TVA (RCTVA)
- 2. Une estimation des restitutions d'impôts
sur les sociétés pour 2026 qui apparaît plus
réaliste, après une nouvelle sur-exécution
en 2025
- 3. Une relative stabilité des restitutions
d'impôt sur le revenu (IR)
- 1. Une estimation revue à la baisse, depuis
la loi de finances initiale pour 2025, de la progression des demandes
légitimes de remboursement de crédit de TVA (RCTVA)
- C. À CÔTÉ D'UN CRÉDIT
D'IMPÔT RECHERCHE QUI SE MAINTIENT À UN NIVEAU
ÉLEVÉ, UNE POURSUITE DE LA HAUSSE DES REMBOURSEMENTS ET
DÉGRÈVEMENTS SUR L'IMPÔT SUR LE REVENU EST ATTENDUE
- D. SI L'ANNÉE 2025 A
ÉTÉ MARQUÉE PAR D'IMPORTANTS REMBOURSEMENTS ET DES
ADMISSIONS EN NON-VALEUR EXCEPTIONNELLES, LES REMBOURSEMENTS ET
DÉGRÈVEMENTS LIÉS À LA GESTION DES PRODUITS DE
L'ÉTAT SONT ATTENDUS EN FORTE BAISSE EN 2026
- 1. Après une année
2025 marquée par d'importantes restitutions de sommes
indûment perçues, un retour à la normale est attendu
en 2026
- a) La modification de la législation en
matière d'exit tax a occasionné des remboursements de près
de deux milliards d'euros en 2024 et 2025
- b) L'année 2025 a vu d'importants
décaissements liés à des contentieux de série qui
ne devraient pas se répéter en 2026
- (1) Le contentieux précompte mobilier
- (2) Le contentieux OPCVM
- (3) Le contentieux « retenues à
la source d'assurance vie »
- c) La nécessité de s'interroger sur
les règles européennes applicables en matière de
fiscalité des entreprises
- a) La modification de la législation en
matière d'exit tax a occasionné des remboursements de près
de deux milliards d'euros en 2024 et 2025
- 2. Après avoir atteint un niveau
exceptionnellement élevé en 2025, les admissions en
non-valeur sont attendues en baisse en 2026, mais à un niveau
structurellement plus élevé que ceux observés par le
passé
- 1. Après une année
2025 marquée par d'importantes restitutions de sommes
indûment perçues, un retour à la normale est attendu
en 2026
- A. LA BAISSE MARQUÉE DES RESTITUTIONS DE
SOMMES INDÛMENT PERÇUES ATTENDUE POUR 2026 MASQUE LA HAUSSE
DES AUTRES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS
- II. LES DÉPENSES FISCALES OCCUPENT UNE PLACE
DE PLUS EN PLUS IMPORTANTE DANS LES REMBOURSEMENTS ET
DÉGRÈVEMENTS, QU'IL CONVIENT DE MIEUX MAÎTRISER
- I. ENTRE DE MOINDRES RESTITUTIONS DE SOMMES
INDÛMENT PERÇUES ET UNE HAUSSE DES DÉGRÈVEMENTS
LIÉS À LA MÉCANIQUE DE L'IMPÔT ET À DES
POLITIQUES PUBLIQUES, LE NIVEAU GLOBAL DES REMBOURSEMENTS ET
DÉGRÈVEMENTS EST EN BAISSE EN 2026
- SECONDE PARTIE
REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS
D'IMPÔTS LOCAUX
- I. PRÉSENTATION DES DÉPENSES
PRÉVUES AU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2026
- II. LES REMBOURSEMENTS ET
DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS LOCAUX DEVRAIENT PEU VARIER
EN 2026
- A. LES REMBOURSEMENTS ET
DÉGRÈVEMENTS SUR LES IMPÔTS ÉCONOMIQUES
ÉVOLUENT PEU
- B. DES REMBOURSEMENTS ET
DÉGRÈVEMENTS DE TAXE FONCIÈRE STABILISÉS À
UN NIVEAU ÉLEVÉ
- C. DES DÉGRÈVEMENTS DE TAXE
D'HABITATION FORTEMENT REVUS À LA HAUSSE DU FAIT DES DIFFICULTÉS
RENCONTRÉES PAR L'APPLICATION « GÉRER MES BIENS
IMMOBILIERS »
- D. LE VOLUME DES ADMISSIONS EN NON VALEUR
ÉVOLUE PEU
- A. LES REMBOURSEMENTS ET
DÉGRÈVEMENTS SUR LES IMPÔTS ÉCONOMIQUES
ÉVOLUENT PEU
- III. APRÈS DES DYSFONCTIONNEMENTS AYANT
GÉNÉRÉ PLUS D'UN MILLIARD D'EUROS DE
DÉGRÈVEMENTS, L'APPLICATION GÉRER MES BIENS IMMOBILIERS
(GMBI) SE MET PROGRESSIVEMENT EN PLACE
- I. PRÉSENTATION DES DÉPENSES
PRÉVUES AU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2026
- EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
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N° 139 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026, |
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Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de
finances) |
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Rapporteur spécial : M. Pascal SAVOLDELLI |
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(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
En PLF 2026, les crédits évalués de la mission « Remboursements et dégrèvements » s'élèvent à 145,4 milliards d'euros, connaissant une légère baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2025 (- 1,9 %) et par rapport à la dernière estimation à date cette année-là (- 0,4 %).
Depuis 2001, les crédits de la mission ont enregistré une hausse de près de 140 % avec une tendance inverse entre les crédits du programme 200 (impôts d'État) qui progressent de 178 % et les crédits du programme 201 (impôts locaux) qui reculent de 54 % du fait de la suppression progressive de la taxe d'habitation sur les résidences principales et des réformes successives des impôts de production.
Évolution des remboursements et dégrèvements (exécution) depuis 25 ans
(en millions d'euros)
* Dernière estimation révisée
Source : commission des finances du Sénat, d'après la documentation budgétaire
I. ENTRE DE MOINDRES RESTITUTIONS DE SOMMES INDÛMENT PERÇUES ET UNE HAUSSE DES DÉGRÈVEMENTS LIÉS À LA MÉCANIQUE DE L'IMPÔT ET À DES POLITIQUES PUBLIQUES, LE NIVEAU GLOBAL DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS D'ÉTAT EST EN BAISSE EN 2026
Le niveau des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État en 2026 connait une légère baisse par rapport à la dernière estimation à date pour 2025 (- 0,4 %), une évolution qui masque des trajectoires contradictoires :
- une forte baisse (- 17,0 %) des remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État et notamment les restitutions de somme indûment perçues ;
- une hausse concomitante et significative des remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques (+ 5,2 %), ainsi qu'une progression proportionnellement moindre des remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt (+ 1,4 %).
Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (2024-2026)
(en millions d'euros)
|
Action |
2024 |
LFI 2025 |
2025 à date |
PLF 2026 |
25/26 |
|
11 - Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt |
107 982 |
108 549 |
105 646 |
107 113 |
+ 1,4 % |
|
12 - Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques |
17 934 |
18 498 |
18 457 |
19 418 |
+ 5,2 % |
|
13 - Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État |
15 657 |
16 530 |
17 242 |
14 314 |
- 17,0 % |
|
Total des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État |
141 574 |
143 577 |
141 345 |
140 845 |
- 0,4 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après la documentation budgétaire
A. APRÈS UNE ANNÉE 2025 MARQUÉE PAR DES REMBOURSEMENTS EXCEPTIONNELS, UNE FORTE BAISSE DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS LIÉS À LA GESTION DES PRODUITS DE L'ÉTAT EST ATTENDUE EN 2026
L'année 2025 a notamment vu d'importants remboursements et dégrèvements liés notamment à l'exit tax et à des contentieux de série.
S'agissant de l'exit tax, la loi de finances initiale pour 2024 a introduit à son article 11 la possibilité pour les contribuables de se voir dégrever ou rembourser les prélèvements sociaux sur des titres cédés avant 2014.
Cette disposition en apparence technique, introduite par amendement à l'Assemblée nationale, sans étude d'impact, et retenue dans le texte sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité, a occasionné des remboursements cumulés de plus de 2 milliards d'euros entre 2024 et 2025.
Le rapporteur spécial dénonce le manque de transparence dans la procédure suivie, l'amendement invitant simplement à « corriger deux difficultés apparues dans la gestion du dispositif d'exit tax » et estime que le Gouvernement aurait dû tenir le Parlement informé de son coût. D'après la DGFiP, ces remboursements ne devraient pas affecter l'année 2026.
Il en va de même en matière de contentieux de série, ou un décaissement d'un milliard d'euros est notamment attendu en 2025 dans le cadre du volet indemnitaire du contentieux « précompte mobilier », pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne a reconnu un manquement du Conseil d'État à son obligation de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'union européenne (CJUE) sur la validité de ce régime fiscal. Dans un contexte financier aussi contraint, le rapporteur spécial ne peut que déplorer le coût de ces manquements reconnus dans la gestion fiscale de notre pays.
B. LA HAUSSE DYNAMIQUE DES REMBOURSEMENTS DE CERTAINES DÉPENSES FISCALES APPELLE UNE ATTENTION RENFORCÉE SUR CES DISPOSITIFS
Les dépenses fiscales forment une composante importante de la mission, revêtant un intérêt particulier dans la mesure où elles échappent à une dimension mécanique et marquent un choix politique. Alors que les remboursements et dégrèvements sont, dans l'ensemble, attendus en baisse en 2026, ceux liés à des politiques publiques connaissent en revanche une hausse (passant de 18,5 milliards d'euros à 19,4 milliards d'euros), sous l'effet notamment d'un recours croissant aux crédits d'impôts : il apparaît nécessaire d'interroger l'opportunité de ce choix.
1. Des dépenses fiscales portant sur l'impôt sur le revenu (IR) relativement dynamiques
Les acomptes, avances et restitutions d'impôt sur le revenu devraient connaître une progression dynamique en 2026 (+ 10,0 % par rapport aux dernières estimations pour 2025), après une hausse déjà soutenue en 2025 (+ 7,7 % par rapport aux crédits exécutés en 2024), occupant chaque année une part croissante de l'impôt sur le revenu collecté (de 8,0 % en 2024 à 8,4 % en 2026).
Le rapporteur spécial estime qu'il est nécessaire d'interroger les fondements et les effets de cette progression, alimentée par une augmentation des versements dans le cadre du « crédit d'impôt contemporain services aux particuliers », qui vient réduire chaque année un peu plus la trésorerie de l'État.
S'appuyant sur les travaux récents de la Cour des comptes et du Conseil des prélèvements obligatoires, le rapporteur spécial s'interroge sur le périmètre d'un dispositif coûteux et peu contrôlable, occasionnant le remboursement de dépenses non-contraintes. Le risque de travail dissimulé ne peut motiver à lui seul le maintien d'une dépense fiscale si conséquente pour les finances publiques. Il convient donc de mettre en débat la nature des dépenses, le taux de prise en charge et le profil socio-économiques des bénéficiaires.
2. Le crédit d'impôt recherche (CIR) constitue la principale dépense fiscale de la mission
Depuis 2022, le crédit d'impôt recherche (CIR) est la première dépense fiscale du budget général de l'État. Son coût était de 7,8 milliards d'euros en 2024 et est projeté à plus de 8 milliards d'euros en 2025 et 2026. Cumulé au crédit d'impôt innovation, les restitutions auxquelles il donne droit ont progressé de 2018 à 2024 (de 4,1 milliards d'euros à 4,9 milliards d'euros, + 19,5 %), à un rythme similaire à celui de ces crédits d'impôt dans leur ensemble (de 6,4 milliards d'euros à 8,1 milliards d'euros, + 26,6 %).
Or la commission d'enquête sénatoriale sur l'aide publique aux entreprises1(*) a pointé différentes limites du CIR, qui bénéfice pour une large part aux grandes entreprises, avec un effet limité en termes d'impact sur l'effort supplémentaire de recherche des entreprises et une faible efficience.
Si à l'initiative de la commission des finances, ce dispositif a déjà été recentré en loi de finances pour 2025, il apparait malgré tout nécessaire au rapporteur spécial d'engager une réforme du CIR qui viserait a minima à établir une véritable différenciation par type d'entreprise et par secteur d'activité. Le CIR ne peut être une baisse d'impôt comme les autres sans effet de levier manifeste sur des investissements additionnels suscités par le dispositif. En outre, dans un contexte où les aides publiques aux entreprises atteignent 211 milliards d'euros, il juge souhaitable de renforcer leur conditionnalité et corrélativement de mettre en oeuvre des mécanismes de restitution totale ou partielle en cas de manquement, suivant les recommandations de la commission d'enquête sur les aides publiques aux entreprises.
Plus généralement, le CIR n'est pas la seule dépense fiscale portée par la mission et qui affecte l'impôt sur les sociétés : l'ensemble de ces dépenses fiscales est estimé à 6,7 milliards d'euros en 2026. Tout comme la commission d'enquête précitée, le rapporteur spécial estime que ces dépenses fiscales foisonnantes doivent faire l'objet d'évaluations plus systématiques, en fonction de leur coût et de priorités politiques fixées, et que le gouvernement doit mieux tenir compte des conclusions de ces évaluations.
II. LES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS LOCAUX DEVRAIENT PEU VARIER EN 2026
A. LES DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS LOCAUX ÉCONOMIQUES SE MAINTIENNENT
Répartitions par action des crédits du programme 201 - Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux
(en milliards d'euros)
|
Action |
2024 |
LFI 2025 |
2025 |
PLF 2026 |
25/26 |
|
|
1 |
Contribution économique territoriale et autres impôts économiques |
1 100 |
1 422 |
1 200 |
1 272 |
+ 6,0 % |
|
2 |
Taxes foncières |
2 111 |
2 069 |
2 069 |
2 111 |
+ 2,0 % |
|
3 |
Taxe d'habitation |
1 255 |
771 |
900 |
745 |
- 17,2 % |
|
4 |
Admission en non-valeur d'impôts locaux |
490 |
467 |
467 |
490 |
+ 5,0 % |
|
Total 201 - Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux |
4 955 |
4 729 |
4 636 |
4 618 |
- 0,4 % |
|
Source : commission des finances du Sénat, d'après la documentation budgétaire
En PLF 2026, les crédits évalués au titre du programme 201 s'élèvent à 4,6 milliards d'euros, en très légère baisse (- 0,4 %) par rapport au montant estimé à date pour l'année 2025 (4,6 milliards d'euros). La plus grande partie du programme 201 porte sur des remboursements et dégrèvements de taxes foncières (46 % du programme en 2026), relativement stables depuis quelques années après plusieurs années de hausses du fait notamment de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales (THRP).
Quant à la baisse observée sur le programme 201 depuis 2024, elle est le fait des remboursements et dégrèvements liés à la taxe d'habitation, dont la baisse était initialement attendue dès 2024 à la suite de la suppression de la THRP (de 0,7 milliard d'euros en 2022 à 0,3 milliards d'euros), mais qui doit composer chaque année avec le coût important des dégrèvements consécutifs aux défaillances de l'application « gérer mes biens immobiliers » (GMBI).
Évolution des remboursements et dégrèvements de taxe d'habitation
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires
B. APRÈS DES DYSFONCTIONNEMENTS AYANT GÉNÉRÉ PLUS D'UN MILLIARD D'EUROS DE DÉGRÈVEMENTS, L'APPLICATION « GÉRER MES BIENS IMMOBILIERS » (GMBI) SE MET PROGRESSIVEMENT EN PLACE
Si la THRP a été supprimée en 2023, ont été maintenues la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS), la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV) et la taxe sur les logements vacants (TLV). L'identification des redevables de ces taxations impliquait d'affecter un statut d'occupation précis à chacun des 71 millions de locaux connus de la DGFiP.
C'est dans ce but qu'une nouvelle obligation déclarative pesant sur les propriétaires a été instituée par la loi de finances pour 2020 et que l'outil « gérer mes biens immobiliers » (GMBI) a été mis en service en 2021, en vue de recueillir les déclarations rendues obligatoires à partir de 2023. Cette année-là, à l'issue de la première campagne déclarative, en raison notamment de l'incompréhension des contribuables sur ce qui leur était demandé, l'administration fiscale n'a pas pu disposer en temps utile de données robustes sur l'occupation des locaux.
Cette première campagne a donné lieu à d'importantes erreurs de taxation. D'après les estimations de la DGFiP au 15 septembre 2025, les montants mis en recouvrement au titre de la THRS 2023 ont été d'environ 4 milliards d'euros (contre 3 milliards d'euros en 2022) et près de 1,1 milliard d'euros ont été dégrevés. En matière de taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV), les montants mis en recouvrement ont atteint 152 millions d'euros dont 63,2 millions d'euros dégrevés. En application de l'article 1641 du code général des impôts, l'État prend à sa charge les frais de dégrèvement et de non-valeurs de la taxe d'habitation2(*).
Pour corriger la situation en 2024, la DGFiP a défini et mis en oeuvre un plan d'action pour améliorer la démarche déclarative concernant à la fois le parcours, les outils offerts aux agents et aux usagers. Malgré cela, les dégrèvements restent à un niveau élevé, 694 millions d'euros ayant été dégrevés au titre de la THRS 2024 et 107 millions d'euros au titre de la THLV 2024.
L'administration fiscale s'attend néanmoins à un retour à la normale dès 2025, s'appuyant sur diverses dispositions introduites en loi de finances pour 2025, le travail mené de fiabilisation des bases et l'introduction de traitements informatiques pour réduire les effets la défaillance ou les erreurs déclaratives des usagers.
Le rapporteur spécial partage l'objectif que s'est fixé l'administration fiscale. Il note toutefois que cette dernière affichait déjà un optimisme similaire l'an passé, anticipant une normalisation dès l'exercice 2024. Il suivra donc avec attention l'évolution de ce dossier, dont le coût pour l'État se chiffre en centaines de millions d'euros depuis plusieurs années.
Réunie le 6 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.
Réunie à nouveau le 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission confirme définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France de 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », « Sport, jeunesse et vie associative » ainsi que les comptes spéciaux et les articles qui s'y rattachent.
À la date du 10 octobre, date limite prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) pour l'envoi des réponses au questionnaire budgétaire, le rapporteur spécial n'avait reçu aucune réponse.
À la date d'examen en commission du rapport le 6 novembre, il a obtenu 100 % des réponses.
AVANT PROPOS
La mission « Remboursements et dégrèvements » retrace les dépenses budgétaires résultant mécaniquement de l'application des dispositions fiscales prévoyant des dégrèvements d'impôts - c'est-à-dire la prise en charge par l'État de l'impôt dû par un contribuable -, des remboursements, des restitutions de crédits d'impôt ou des compensations prévues par des conventions fiscales internationales. Le caractère mécanique de ces dépenses implique que les crédits de la présente mission soient évaluatifs ; en d'autres termes, ils ne constituent pas un plafond, contrairement à ceux des autres missions budgétaires3(*), et les dépenses correspondantes peuvent s 'imputer au-delà des crédits ouverts.
La mission est composée de deux programmes : le programme 200, consacré aux remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, et le programme 201, consacré aux mêmes opérations pour les impôts directs locaux.
Importance des programmes et actions de la mission dans le PLF 2025
(en millions d'euros et en pourcentage)
|
Programme |
Action |
2026 |
% |
|
|
200 |
11 |
Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt |
107 113 |
73,6 % |
|
12 |
Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques |
19 418 |
13,3 % |
|
|
13 |
Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État |
14 314 |
9,8 % |
|
|
Total 200 - Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État |
140 845 |
96,8 % |
||
|
201 |
1 |
Contribution économique territoriale et autres impôts économiques |
1 272 |
0,9 % |
|
2 |
Taxes foncières |
2 111 |
1,5 % |
|
|
3 |
Taxe d'habitation |
745 |
0,5 % |
|
|
4 |
Admission en non-valeur d'impôts locaux |
490 |
0,3 % |
|
|
Total 201 - Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux |
4 618 |
3,2 % |
||
|
Total général |
145 463 |
|
||
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Sur le plan strictement financier, la mission concerne presqu'exclusivement les impôts d'État et porte très majoritairement sur leur dimension mécanique. Le programme 200 concentre donc les enjeux financiers de la mission (97 % des crédits). Au sein de ce programme, l'action 11 : « Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt » représente à elle seule près des trois quarts des crédits de la mission.
Depuis 2001, les crédits de la mission ont enregistré une hausse de 140 % avec une tendance inverse entre les crédits du programme 200 qui augmentent de 178 % et les crédits du programme 201 qui enregistrent une baisse de 54 % du fait de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales et des réformes successives des impôts de production. Après une rechute à la suite de la crise sanitaire, les crédits ont repris leur mouvement à la hausse. Au total, les remboursements et dégrèvements devraient encore une fois représenter un peu moins de 30 % des recettes fiscales brutes en 2025.
Évolution des remboursements et dégrèvements (exécution) depuis 25 ans
(en millions d'euros)
* Dernière estimation révisée
Source : commission des finances du Sénat, d'après la documentation budgétaire
Ce projet de loi de finances pour 2026 prévoit de maintenir les crédits de la mission à un niveau élevé, avec 147,1 milliards d'euros de demandés au titre de la présente mission, en légère baisse (- 0,4 %) par rapport aux dernières prévisions d'exécution, expliquée par les remboursements et dégrèvements sur les impôts d'État. La documentation budgétaire estime que ces remboursements et dégrèvements représenteront 28 % des recettes fiscales brutes en 2026, une proportion similaire aux dernières estimations pour l'année 2025 (29 %)
Le rapporteur spécial constate que le volume de crédits inscrits, comparé aux autres missions, permet de considérer que les réformes fiscales coûtent davantage que certaines missions publiques y compris régaliennes. Même si plusieurs disparitions d'impôts alimentent une baisse des crédits de la mission, il peut être constaté que certaines pertes de recettes coûtent plus que des dépenses budgétaires stricto sensu.
Poids de la mission « Remboursements et dégrèvements » dans le PLF 2026
Source : direction du budget
La hausse continue des crédits de la mission ne peut qu'appeler à la vigilance. En effet, les politiques fiscales visées grèvent les ressources de l'État et entravent ses possibilités d'action sans être toujours pleinement justifiées. D'autant que si une grande partie des hausses observées est mécanique, une augmentation de près d'un milliard d'euros est anticipée en 2026 pour les remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques (+ 5,2 %). Leur montant très important rendrait nécessaire une revue régulière et détaillée de leur pertinence.
PREMIÈRE
PARTIE
REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS
D'IMPÔTS
D'ÉTAT
Le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » retrace les dépenses budgétaires résultant de l'application des règles fiscales lorsqu'elles conduisent à la mise en oeuvre de dégrèvements d'impôts, de remboursements ou restitutions de crédits d'impôt d'État, ou encore de compensations prévues par des conventions fiscales internationales. De surcroit, il enregistre un certain nombre d'opérations comptables liées aux remises gracieuses, annulations, admissions en non-valeur de recettes ou aux remises de débets.
Il se compose de trois actions :
- l'action 11 « Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt » regroupe les dépenses relevant de la mécanique de l'impôt, telles que les restitutions d'excédents de versement compte tenu de l'impôt dû. Il s'agit essentiellement des excédents de versements d'impôt sur les sociétés et des remboursements de crédits de TVA ;
- l'action 12 « Remboursements et dégrèvements liés aux politiques publiques » regroupe les dépenses relevant des politiques publiques. Les plus importantes en volume sont celles correspondant aux crédits d'impôt sur le revenu et aux crédits d'impôt sur les sociétés ;
- l'action 13 « Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État » retrace notamment les dégrèvements et annulations prononcés après le calcul de l'impôt sur le revenu, afin de rétablir la réalité de l'impôt dû par les contribuables, sur initiative de l'administration ou à la suite de réclamations des contribuables, les dégrèvements au titre de l'impôt sur les sociétés (IS), les dégrèvements recensés au titre des autres impôts directs (les droits dégrevés dans le cadre des contentieux précompte et OPCVM y sont notamment comptabilisés), les dégrèvements liés à la TVA ainsi que les admissions en non-valeur.
I. ENTRE DE MOINDRES RESTITUTIONS DE SOMMES INDÛMENT PERÇUES ET UNE HAUSSE DES DÉGRÈVEMENTS LIÉS À LA MÉCANIQUE DE L'IMPÔT ET À DES POLITIQUES PUBLIQUES, LE NIVEAU GLOBAL DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS EST EN BAISSE EN 2026
A. LA BAISSE MARQUÉE DES RESTITUTIONS DE SOMMES INDÛMENT PERÇUES ATTENDUE POUR 2026 MASQUE LA HAUSSE DES AUTRES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS
Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (2025-2026)
(en millions d'euros)
|
Action |
2024 |
LFI 2025 |
2025 à date |
PLF 2026 |
25/26 |
|
11 - Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt |
107 982 |
108 549 |
105 646 |
107 113 |
+ 1,4 % |
|
12 - Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques |
17 934 |
18 498 |
18 457 |
19 418 |
+ 5,2 % |
|
13 - Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État |
15 657 |
16 530 |
17 242 |
14 314 |
- 17,0 % |
|
Total des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État |
141 574 |
143 577 |
141 345 |
140 845 |
- 0,4 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après la documentation budgétaire
Le niveau des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État dans son ensemble est en légère baisse par rapport à la dernière estimation à date pour 2025 (- 0,4 %). Cette évolution masque des trajectoires contradictoires :
- elle est principalement expliquée par la forte baisse (- 17,0 %) des remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État et notamment les restitutions de somme indûment perçues ;
- elle masque la hausse concomitante et significative des remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques (+ 5,2 %), ainsi qu'une hausse proportionnellement moindre des remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt (+ 1,4 %).
B. UNE MÉCANIQUE DE L'IMPÔT ANTICIPÉE À DES NIVEAUX PROCHES DE CEUX EXÉCUTÉS EN 2024 ET DES DERNIÈRES ESTIMATIONS POUR 2025
Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt (2025-2026)
(en millions d'euros)
|
Sous Action |
2024 |
LFI 2025 |
2025 à date |
PLF 2026 |
25/26 |
|
|
1 |
Impôts sur les sociétés |
18 006 |
15 821 |
17 200 |
17 680 |
+ 2,8 % |
|
2 |
Taxe sur la valeur ajoutée |
75 250 |
78 259 |
74 900 |
75 931 |
+ 1,4 % |
|
4 |
Autres remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l'impôt |
683 |
606 |
496 |
496 |
- |
|
5 |
Impôt sur le revenu |
13 527 |
13 314 |
12 500 |
12 457 |
- 0,3 % |
|
6 |
Restitutions de prélèvement de solidarité |
516 |
550 |
550 |
550 |
- |
|
Total 11 - Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt |
107 982 |
108 549 |
105 646 |
107 113 |
+ 1,4 % |
|
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
1. Une estimation revue à la baisse, depuis la loi de finances initiale pour 2025, de la progression des demandes légitimes de remboursement de crédit de TVA (RCTVA)
a) Des demandes de remboursement de crédit de TVA qui rentrent dans le rang après quelques années de hausses relativement rapides
Les remboursements de TVA constituent l'essentiel des remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt (71 % en 2026). Leur progression modérée par rapport aux dernières estimations pour 2025 (+ 1,4 %) se retrouve donc au niveau de l'action 11 « Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt » dans son ensemble.
Les entreprises sont redevables de la TVA au titre de la TVA qu'elles facturent auprès de leurs clients. Elles peuvent ensuite déduire des montants à payer celui de la TVA qu'elles supportent sur les achats nécessaires à leur activité. La différence entre la TVA collectée et celle déductible constitue la TVA à reverser. Lorsque la TVA à déduire est supérieure à celle perçue, l'entreprise bénéficie d'un crédit de TVA, dont l'utilisation est laissée à l'appréciation des entreprises qui peuvent opter pour l'imputation4(*) ou le remboursement.
Si la prévision 2026 est en forte baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2025 (75,9 milliards d'euros contre 78,3 milliards d'euros), elle est plus en ligne par rapport aux montants exécutés en 2024 (75,3 milliards d'euros) et aux dernières estimations pour 2025 (74,9 milliards d'euros).
Le rapporteur spécial avait pu observer depuis quelques années une croissance des demandes de remboursements de crédits de TVA (RCTVA) plus dynamique que celle de la TVA brute collectée avant reversements, suscitant quelques interrogations sur le potentiel caractère frauduleux de ces versements. Un tel phénomène est notamment observé en 2023 et 2024.
Progressions comparées de la TVA
collectée
et des remboursements de crédit TVA
(RCTVA)
(en base 100)
Source : commission des finances du Sénat, d'après DGFIP
Toutefois, la propension des contribuables à demander le remboursement du crédit dont ils disposent peut en effet varier au cours du temps, l'arbitrage entre report du crédit ou demande de remboursement reflétant des considérations de besoins de trésorerie et des coûts transactionnels générés par les demandes de remboursement.
Les variations observées peuvent ainsi dépendre du cycle économique et, de fait, après deux années à un niveau élevé, la DGFIP a constaté une baisse des demandes légitimes de RCTVA (- 4 %, contre + 4 % en LFI 2025), ce qui explique la forte baisse de la prévision observée entre la LFI 2025 et ce PLF.
b) Une action importante pour lutter contre la fraude à la TVA
Le niveau élevé des remboursements ainsi que la hausse continue, dans des proportions plus élevées que l'évolution de la valeur ajoutée elle-même, impose une vigilance accrue sur les risques de montages frauduleux. En effet, la fraude à la TVA constitue chaque année une perte de recettes particulièrement importante pour les finances de l'État mais dont l'estimation reste délicate.
Par définition, le coût de la fraude à la TVA ne peut être mesuré avec précision. Ses estimations varient fortement. En 2022, l'INSEE estimait le coût total de la TVA non-recouvrée entre 20 et 25 milliards d'euros pour l'année 2012. Plus récemment, en septembre 2024, la DGFIP, en collaboration avec l'INSEE, a continué et approfondi ces travaux5(*) et placé le coût de la sous-déclaration de la TVA entre 6 et 10 milliards d'euros, tout en reconnaissant que ce coût est un minorant du coût de la fraude, qui ne prend pas en compte les entreprises qui ne déclarent pas de TVA. Afin notamment de poursuivre la fiabilisation de ce chiffrage, le département d'études et de statistiques fiscales de la DGFiP (DESF) consacre depuis septembre 2024 trois équivalents temps plein à l'évaluation de la fraude fiscale.
Si le rapporteur spécial se félicite que les dernières estimations amènent à réduire la part estimée de la fraude à la TVA, il note que ces différentes évaluations ne portent pas sur le même périmètre. Il souligne toutefois que, quelle que soit la méthode retenue, son ampleur demeure significative, se chiffrant encore en milliards d'euros.
Face à ce risque, les outils pour lutter contre la fraude se sont considérablement enrichis au cours des dernières années. La DGFiP est ainsi engagée dans une démarche préventive visant à suspendre le numéro de TVA intracommunautaire (TVAI) de sociétés frauduleuses, en application de l'article 23 du règlement communautaire n° 904/2010 du 7 octobre 2010. Les sociétés identifiées présentant des niveaux de risque majeur font ainsi l'objet de demandes de suspension de leur numéro de TVAI. Il s'agit le plus souvent de sociétés défaillantes ou cessées (opérateurs « éphémères »), susceptibles de réaliser des opérations frauduleuses. Ces suspensions de numéros de TVAI ont ainsi fortement augmenté ces dernières années.
En 2023, la compétence des officiers fiscaux judiciaires (OFJ) du service d'enquête judiciaire des finances (SEJF) a été étendue aux escroqueries liées à la TVA, ainsi qu'aux infractions connexes. Cette extension reprend la recommandation n° 6 de la mission d'information de la commission des finances du Sénat visant à lutter contre la fraude et l'évasion fiscale6(*). Le rapporteur spécial regrette toutefois que cette extension de compétence ne se soit pas accompagnée d'un renforcement à due proportion des moyens humains et financiers. Au 31 mai 2022, sur un total de 314 agents, l'Office national anti-fraude (ONAF, ex-SEJF) comptait 43 agents issus de la DGFiP, dont 40 officiers fiscaux judiciaires qualifiés, parmi lesquels 34 enquêteurs. Pour 2024 et 2025, l'ONAF ne bénéficierait que de 20 renforts annuels.
Dernièrement, deux nouveaux dispositifs ont été introduits par la loi de finances pour 2024. En premier lieu, depuis le 1er janvier 2024, un « dropshipper »7(*) peut être redevable de la taxe due à l'importation mais également sur la vente à distance des biens importés lorsque le prix de vente du bien facturé à l'acquéreur final est supérieur au prix d'acquisition du bien par ce dernier auprès du fournisseur établi hors Union européenne. En second lieu, elle a prolongé l'expérimentation de l'exploitation des données sur les sites internet pour deux années supplémentaires, et en a étendu le champ d'application.
Par ailleurs, la loi de finances a instauré une procédure de « mise en conformité fiscale » pour renforcer la lutte contre la fraude à la TVA dans le cas de prestations de services dans le secteur des services électroniques à des consommateurs français sans recourir à un opérateur de plateforme en ligne. La démarche de mise en conformité fiscale est assortie d'un mécanisme d'injonction au déréférencement, avec la possibilité d'appliquer une sanction pécuniaire.
Le déploiement de l'effort de lutte contre la fraude s'effectue dans un contexte de réduction continue des moyens humains de la DGFiP, ce qui pèse sur son efficience opérationnelle. Ainsi, l'indicateur portant sur l'ancienneté des demandes de RCTVA peine à être respecté : alors que le projet annuel de performances (PAP) pour 2026 indique que la cible de l'indicateur, arrêtée à 60 jours, l'indicateur s'est dégradé en 2024 avec un délai moyen de traitement de 67,1 jours contre 64 jours en 2023, dégradation expliquée par le choix d'orienter davantage de demandes de remboursement en circuit long afin de lutter plus efficacement contre la fraude. Avant de conclure que « si l'objectif fixé à 60 jours n'est pas atteint, le niveau actuel de 67,1 jours permet cependant de limiter les risques sur les demandes les plus significatives et les plus complexes, tout en permettant une restitution rapide aux entreprises de leurs créances. »
2. Une estimation des restitutions d'impôts sur les sociétés pour 2026 qui apparaît plus réaliste, après une nouvelle sur-exécution en 2025
Toute entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés doit verser des acomptes trimestriels. Le montant total des acomptes doit en théorie égaler l'impôt sur les sociétés dû au titre du dernier exercice clos. Lorsque la liquidation de l'impôt sur les sociétés fait apparaître que les acomptes versés sont supérieurs à l'impôt dû, l'excédent est restitué. Les situations d'excédent apparaissent fréquemment, notamment par la consommation de crédits d'impôt ou en période de diminution des résultats fiscaux.
Dans son précédent rapport, le rapporteur spécial observait que le niveau retenu par le PLF pour 2025 était bien inférieur à la dernière révision pour 2024. Quelques mois plus, on constate que le montant budgété en LFI pour 2025 (15,8 milliards d'euros) était bien inférieur à l'exécution de ces crédits en 2024. Le rapporteur spécial alertait alors sur un risque de sous-budgétisation, notant que l'approche retenue « n'est pas sans risque de sous-estimation des crédits inscrits en projet de loi de finances initiale (...) au vu de la sous-estimation criante des remboursements d'IS en loi de finances pour 2024 et du volume significatif des crédits concernés ».
De fait, comme le redoutait le rapporteur spécial les dernières révisions à date font état d'une surexécution significative, avec des restitutions estimées à 17,2 milliards d'euros (+ 8,7 % par rapport à la loi de finances initiale). Chaque sous-estimation de ces restitutions appelle la même explication de la DGFiP : « la dispersion importante de l'évolution du résultat fiscal des entreprises ». Cette dernière insiste surtout sur la difficulté de l'exercice de prévision et note que la tendance à la sur-exécution est récente : « les sur-exécutions de la sous-action 200-11-01 n'ont commencé qu'avec l'exercice 2023, après plusieurs années de sous-exécution (14,7 milliards d'euros réalisés contre 16,4 milliards d'euros prévus en 2021 et 11,8 milliards d'euros réalisés contre 12,5 milliards d'euros prévus en 2022). »
Au regard des éléments fournis par la DGFiP, le rapporteur spécial réitère son appel à ce que ladministration fiscale engage les travaux nécessaires pour analyser les causes de la forte dispersion des bénéfices taxables. Cette étude pourra notamment déterminer si la présence de bases imposables particulièrement faibles ou sous-estimées peut résulter de stratégies doptimisation fiscale mises en oeuvre par certaines entreprises.
Le rapporteur spécial note enfin que contrairement aux années précédentes, ce PLF 2026 prévoit une légère hausse de ces remboursements par rapport à la dernière révision à date (17,7 milliards d'euros, soit une hausse de 2,8 %), limitant le risque d'une nouvelle sous-estimation de ces restitutions.
3. Une relative stabilité des restitutions d'impôt sur le revenu (IR)
Les restitutions en matière d'IR concernent essentiellement les excédents de prélèvement à la source. Ils ont peu évolué entre les crédits exécutés pour 2024 (13,5 milliards d'euros), les crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2024 (13,3 milliards) et les dernières estimations pour 2025 et 2026 (12,5 milliards d'euros).
Par ailleurs, la baisse observée est purement mécanique, fondée sur le fait que l'inflation, sur laquelle est indexé le barème d'imposition 2025, serait inférieure à la croissance des revenus imposables, entraînant une augmentation de l'impôt dû et une diminution des trop-perçus de prélèvement à la source à restituer.
C. À CÔTÉ D'UN CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE QUI SE MAINTIENT À UN NIVEAU ÉLEVÉ, UNE POURSUITE DE LA HAUSSE DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS SUR L'IMPÔT SUR LE REVENU EST ATTENDUE
Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques
(en millions d'euros)
|
Sous Action |
2024 |
LFI 2025 |
2025 à date |
PLF 2026 |
25/26 |
|
|
2 |
Impôt sur le revenu |
2 163 |
2 229 |
2 292 |
2 292 |
- |
|
3 |
Impôt sur les sociétés |
6 593 |
6 702 |
6 718 |
6 718 |
- |
|
4 |
Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques |
2 008 |
1 573 |
1 600 |
1 502 |
- 6,1 % |
|
5 |
Taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel |
64 |
64 |
113 |
113 |
- |
|
8 |
Acomptes de crédits et de réductions d'impôts sur le revenu |
5 762 |
5 729 |
5 800 |
6 248 |
+ 7,7 % |
|
9 |
Taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité |
78 |
128 |
128 |
200 |
+ 55,8 % |
|
10 |
Crédit d'impôt contemporain - Services aux particuliers |
1 267 |
2 072 |
1 806 |
2 345 |
+ 29,9 % |
|
Total 12 - Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques |
17 934 |
18 498 |
18 457 |
19 418 |
+ 5,2 % |
|
Source : commission des finances du Sénat, d'après la documentation budgétaire
Si les remboursements associés à la mécanique de l'impôt constituent l'essentiel en volume des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, la part associée à des politiques publiques renvoie à des choix du gouvernement et mérite à ce titre une attention particulière. Avec des crédits prévus à 19,4 milliards d'euros, soit un peu plus de 13 % de l'ensemble des crédits de la mission, ces crédits affichent une hausse de 5,2 % par rapport à la dernière estimation à date pour 2025.
L'impôt sur le revenu est le premier impôt touché par ces dispositifs, avec 56 % des crédits de l'action 12 qui lui sont consacrés soit directement (12 % des crédits), soit, surtout, à travers les acomptes de crédits et réductions d'impôts (32 % des crédits), soit enfin à travers le crédit d'impôt contemporain versé pour les services aux particuliers (12 % des crédits).
Les crédits versés au titre de l'impôt sur les sociétés sont l'autre versement d'ampleur significative de cette action, avec 35 % des crédits versés en 2026.
1. La hausse observée, et attendue, des avances, acomptes et restitutions d'impôt sur le revenu, explique le dynamisme des remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques
Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques - part IR
(en millions d'euros)
|
Sous Action |
2024 |
LFI 2025 |
2025 à date |
PLF 2026 |
25/26 |
|
|
2 |
Impôt sur le revenu (IR) |
2 163 |
2 229 |
2 292 |
2 292 |
- |
|
8 |
Acomptes de crédits et de réductions d'impôts sur le revenu |
5 762 |
5 729 |
5 800 |
6 248 |
+ 7,7 % |
|
10 |
Crédit d'impôt contemporain - Services aux particuliers |
1 267 |
2 072 |
1 806 |
2 345 |
+ 29,9 % |
|
Avances, acomptes et restitutions d'IR |
9 192 |
10 031 |
9 898 |
10 885 |
+ 10,0 % |
|
|
En proportion de l'IR brut |
8,0 % |
8,2 % |
8,4 % |
|||
Source : commission des finances du Sénat, d'après la documentation budgétaire
Les acomptes, avances et restitutions d'impôt sur le revenu devraient connaître une progression dynamique en 2026 (+ 10,0 % par rapport aux dernières estimations pour 2025), après une hausse déjà soutenue en 2025 (+ 7,7 % par rapport aux crédits exécutés en 2024), occupant chaque année une part de l'impôt sur le revenu en légère croissance (de 8,0 % en 2024 à 8,4 % en 2026).
En volume, les acomptes de crédits et réductions d'impôts sur le revenu représentent la majorité des remboursements et dégrèvements liés à l'IR. La sous-action dédiée (200-12-08) comptabilise l'acompte de 60 % versé en janvier au titre de certains crédits et réductions d'impôts. Cette avance, prévue à l'article 1665 bis du CGI, concerne les dispositifs suivants : crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, crédit d'impôt pour la garde d'enfants de moins de 6 ans, crédit d'impôt pour les cotisations syndicales, réduction d'impôt pour les dons aux associations, réduction d'impôts pour frais d'hébergement en Ehpad, réductions d'impôt pour l'investissement locatif. Après une relative stabilité en 2025 par rapport à 2024 (le crédit d'impôt s'élevant à 5,8 milliards d'euros), une hausse non-négligeable est estimée pour ces crédits en 2026 (+ 7,7 %), principalement expliquée par une augmentation des montants déclarés pour l'emploi d'un salarié à domicile.
L'emploi d'un salarié à domicile affecte aussi la sous-action 200-12-10, qui comptabilise les dépenses d'avances immédiates du crédit d'impôt sur le revenu lié à l'emploi d'un salarié à domicile. Ce dispositif, dit de contemporanéisation, permet aux particuliers de bénéficier immédiatement de l'avantage fiscal. Depuis janvier 2022, les particuliers employeurs peuvent bénéficier d'un nouveau service d'avance immédiate de crédit d'impôt s'ils ont recours à l'emploi direct d'un salarié à domicile. Celle-ci permet de déduire automatiquement, chaque mois, le crédit d'impôt des dépenses effectuées pour l'emploi d'un salarié à domicile. Depuis avril 2022, cette option est accessible aux particuliers employeurs faisant appel à un prestataire (société, association) du secteur du service à la personne. Après une expérimentation dans les départements du Nord et de Paris, ce service est désormais étendu à l'ensemble du territoire.
La généralisation de la contemporanéisation du crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile a été évaluée à 1,1 milliard d'euros en LFI 2022, à 2,5 milliards en LFI 2023, puis revue à la baisse à 1,9 milliard en LFI 2024. L'exécution est restée très nettement inférieure à ces estimations (255 millions d'euros en 2022, 846 millions en 2023, 1 267 millions en 2024). Les dépenses liées à la contemporanéisation du crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile affichent malgré tout une progression dynamique qui donnent de la crédibilité à la très forte hausse attendue en 2026, à mesure que ce dispositif poursuit sa montée en charge (+ 29,9 %).
Enfin, la sous-action 200-12-02 retrace la part restituée de tous les crédits d'impôt sur le revenu telle que calculée au solde. Elle inclut, entre autres, le crédit d'impôt lié à l'emploi d'un salarié à domicile et le crédit d'impôt pour frais de garde de jeunes enfants. Elle exclut les deux sous-actions précédemment évoquées8(*). Ses crédits sont stables et devraient dépasser légèrement les 2 milliards d'euros en 2026, comme en 2024 et en 2025.
2. Des remboursements aux entreprises stables, essentiellement constitués du crédit d'impôt recherche
La sous-action 200-12-03 regroupe les restitutions au titre des crédits d'impôt dont bénéficient les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, principalement les remboursements de créances du crédit d'impôt en faveur de la recherche (CIR). Elle constitue la sous-action la plus importante en volume, avec 34,6 % des remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques.
D'après les informations transmises par la direction générale des finances publiques (DGFiP), si une trentaine de crédits d'impôts est concernée par cette sous-action, le CIR représente les trois quarts des remboursements au titre de cette sous-action, avec 9 % pour le financement des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles et 8 % pour le financement d'investissements outre-mer.
Répartition des crédits d'impôts (CI) restitués aux entreprises en 2024
(en milliards d'euros)
|
Nombre de bénéficiaires (en milliers) |
Part restituée |
% |
Part imputée |
Total |
% |
|
|
CI en faveur de la recherche |
22,1 |
4,9 |
75 % |
3,2 |
8,1 |
76 % |
|
CI au titre des investissements réalisés dans le secteur du logement social en outre-mer |
0 |
0,3 |
5 % |
0 |
0,3 |
3 % |
|
CI pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques |
0,3 |
0,2 |
3 % |
0 |
0,2 |
2 % |
|
CI en faveur des investissements productifs outre-mer |
2,3 |
0,2 |
3 % |
0,1 |
0,3 |
3 % |
|
CI pour dépenses de production d'oeuvres audiovisuelles |
0,4 |
0,2 |
3 % |
0 |
0,2 |
2 % |
|
CI pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles engagées par des entreprises de production exécutives |
0,1 |
0,2 |
3 % |
0 |
0,2 |
2 % |
|
Autres |
0,6 |
8 % |
0,8 |
1,3 |
12 % |
|
|
Total |
6,6 |
4,1 |
10,7 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après la DGFiP
Ces dépenses apparaissent désormais stabilisées : selon les dernières estimations à date, elles s'établiraient à 6,7 milliards d'euros en 2025 en légère hausse par rapport à 2024 (6,6 milliards d'euros), et devraient maintenir ce niveau en 2026.
Le rapporteur spécial rappelle, s'agissant du CIR, que son coût a connu une très forte hausse depuis la réforme de 2008. Ainsi, alors qu'en 2009, il s'établissait à 4,5 milliards d'euros pour un peu plus de 14 000 dossiers, il devrait représenter, en 2026, 8,0 milliards d'euros pour un peu plus de 17 500 entreprises. Le rapporteur spécial s'étonne par ailleurs de la baisse du nombre d'entreprises bénéficiaires, qui s'élevait à 21 695 en 2023.
D. SI L'ANNÉE 2025 A ÉTÉ MARQUÉE PAR D'IMPORTANTS REMBOURSEMENTS ET DES ADMISSIONS EN NON-VALEUR EXCEPTIONNELLES, LES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS LIÉS À LA GESTION DES PRODUITS DE L'ÉTAT SONT ATTENDUS EN FORTE BAISSE EN 2026
Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État
(en millions d'euros)
|
Sous Action |
2024 |
LFI 2025 |
2025 à date |
PLF 2026 |
25/26 |
|
|
1 |
Impôts sur le revenu - Dégrèvements et restitution de sommes indûment perçues |
3 669 |
2 700 |
3 600 |
2 700 |
- 25,0 % |
|
2 |
Impôts sur les sociétés - Dégrèvements et restitution de sommes indûment perçues |
1 234 |
1 300 |
1 300 |
1 300 |
- |
|
3 |
Autres impôts directs et taxes assimilées - Dégrèvements et restitution de sommes indûment perçues |
2 393 |
3 299 |
3 200 |
1 949 |
- 39,1 % |
|
4 |
Taxe sur la valeur ajoutée - Dégrèvements et restitution de sommes indûment perçues |
3 297 |
3 355 |
3 355 |
3 339 |
- 0,5 % |
|
5 |
Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes - Dégrèvements et restitution de sommes indûment perçues |
993 |
1 000 |
800 |
500 |
- 37,5 % |
|
6 |
Autres remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État |
928 |
950 |
1 300 |
1 464 |
+ 12,6 % |
|
7 |
Autres remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État - Admissions en non valeur - Créances liées aux impôts |
2 664 |
3 217 |
3 200 |
2 526 |
- 21,1 % |
|
8 |
Autres remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État - Dations en paiement, intérêts moratoires, remises de débets |
404 |
609 |
387 |
387 |
- |
|
9 |
Prélèvement à la source (PAS) : dégrèvements et restitutions |
75 |
100 |
100 |
100 |
- |
|
Total 13 - Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État |
15 657 |
16 530 |
17 242 |
14 264 |
- 17,3 % |
|
Source : commission des finances du Sénat, d'après la documentation budgétaire
Les crédits de l'action 13 « remboursements et restitutions liés à la gestion des produits de l'État » retracent l'ensemble des restitutions consécutives à une correction du calcul de l'impôt en raison d'une erreur matérielle, de l'application d'une convention internationale en matière fiscale ou d'une réclamation gracieuse ou contentieuse. L'action est composée à près de 70 % de dépenses d'intervention, destinées pour les deux tiers à des entreprises et pour un tiers à des ménages.
Ils enregistrent une baisse marquée de 17,3 % entre le la dernière révision à date pour 2025 et le PLF pour 2026, soit 3,0 milliards d'euros. Cette baisse fait plus que contrebalancer la hausse de 1,6 milliards d'euros observée de 2024 à 2025.
Le principal poste de cette action est expliqué par les dégrèvements et restitutions de sommes indûment perçues (suivis au sein des sous actions 13-01, 13-02 et 13-03), qui représentent près du tiers des crédits estimés de l'action 13 pour 2026 et qui expliquent une grande partie des fluctuations observées. Par ailleurs les admissions en non-valeur (sous-action 13-07), constituent 18 % des crédits estimés de l'action pour 2026 et suivent une dynamique similaire.
Il est noté enfin que la principale sous-action, portant sur les remboursements et dégrèvements de TVA indûment perçue (sous-action 13-04) devrait se maintenir à un peu plus de 3 milliards d'euros, peu ou prou les niveaux observés en 2025 (selon les dernières estimations) et les niveaux exécutés en 2024.
1. Après une année 2025 marquée par d'importantes restitutions de sommes indûment perçues, un retour à la normale est attendu en 2026
a) La modification de la législation en matière d'exit tax a occasionné des remboursements de près de deux milliards d'euros en 2024 et 2025
En matière d'impôt sur le revenu, la première sous-action retrace les dégrèvements prononcés pour rectifier des erreurs constatées sur les impositions initiales ou dans le cadre de réclamations contentieuses et gracieuses10(*).
Alors que l'exécution 2024 et les dernières estimations placent cette dépense à hauteur de 3,6 milliards d'euros, la loi de finances initiale pour 2025 et le projet de loi de finances pour 2026 prévoient des estimations bien inférieures, à hauteur de 2,7 milliards d'euros. Ces écarts importants sont expliqués par la modification du régime de l'exit tax par la loi de finances pour 202411(*).
L'exit tax d'impôt sur le revenu (IR) et de prélèvements sociaux (PS) concerne les résidents fiscaux français changeant de domicile fiscal et possédant un patrimoine de titres ou de droits sociaux important et localisé en France. Lors de leur départ, ces contribuables sont imposables sur les plus-values latentes liées à ces titres et droits sociaux mais bénéficient d'un sursis d'imposition. L'exit tax n'est réellement due que si ces contribuables cèdent les titres et droits sociaux visés par le dispositif avant l'expiration d'un certain délai légal. Lorsque ce délai expire ou que le contribuable revient en France, l'exit tax due peut être dégrevée à la demande du contribuable : ces dégrèvements sont enregistrés en dépenses sur la sous-action 13.01 et une recette d'ordre est également enregistrée en contrepartie.
Aux termes de la loi de finances pour 2024, les contribuables, qui ne pouvaient jusqu'alors bénéficier du dégrèvement ou remboursement de l'exit tax qu'à concurrence de l'impôt sur le revenu, peuvent désormais également se voir dégrever ou rembourser les prélèvements sociaux, y compris s'ils ont cédé leurs titres avant 201412(*). D'après l'administration fiscale, cet élargissement « a permis le dégrèvement des prélèvements sociaux, alors encore pendants, sur de nombreux dossiers, avec un effet de rattrapage en 2024, prolongé dans la prévision 2025, mais amené à se tarir en 2026 », ce qui explique la baisse des crédits prévus pour 2026.
Le rapporteur spécial note que de tels remboursements, qui suscitent des dégrèvements cumulés de plus de 2 milliards d'euros sur deux ans, difficilement anticipables par le Parlement du fait de la technicité du sujet abordé, ont plus leur place dans un projet de loi de finances assorti d'une évaluation préalable que dans un amendement glissé lors du débat parlementaire puis retenu par le gouvernement dans le texte sur lequel il engage sa responsabilité, par application des dispositions de l'article 49-3 de la constitution.
b) L'année 2025 a vu d'importants décaissements liés à des contentieux de série qui ne devraient pas se répéter en 2026
La troisième sous-action, qui porte sur les « autres impôts directs et taxes assimilées » regroupe notamment les dégrèvements, restitutions et décharges opérés en matière de retenues à la source sur certains bénéfices non commerciaux de l'impôt sur le revenu et sur les revenus de capitaux mobiliers et le prélèvement sur les bons anonymes13(*).
Cette sous-action retrace notamment les décaissements de certains droits liés à des contentieux de série, qui expliquent les importantes variations observées : alors que la dépense s'est élevée à 2,4 milliards d'euros en 2024, la dernière révision pour 2025 la place à 3,2 milliards d'euros en 2025, conformément aux estimations figurant en loi de finances initiale, pour retrouver en 2026 un niveau inférieur à 2024, estimé à 1,9 milliards d'euros, suivant la répartition suivante :
Place des contentieux de série dans la sous action 13-03
(en milliards d'euros)
|
2025 à date |
PLF 2026 |
2025 / 2026 |
|
|
Contentieux de série |
2,1 |
1 |
- 52 % |
|
Autres dégrèvements et restitutions |
1,1 |
0,9 |
- 18 % |
|
Total |
3,2 |
1,9 |
- 41 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après la DGFiP
L'importance des dépenses occasionnées en 2025 était anticipée et reflète des décisions définitives relatives au volet indemnitaire du contentieux « précompte » d'un enjeu d'un milliard d'euros, ainsi que des décaissements d'1,1 milliard d'euros au titre des contentieux OPCVM (principalement), Messer14(*) et retenues à la source sociétés d'assurance vie (secondairement).
Le budget de l'État est en effet grevé par des contentieux de série dont les plus importants sont souvent anciens. Pour l'ensemble des contentieux de série, les montants des réclamations pré-juridictionnelles restant à traiter et des instances juridictionnelles non traitées s'élevaient fin juin 2025 à 3,9 milliards d'euros15(*), montant inchangé par rapport à 2024.
(1) Le contentieux précompte mobilier
Le contentieux relatif au « précompte mobilier » est ancien et il n'est pas complètement terminé devant la juridiction interne. Sa durée atypique découle de l'insatisfaction des sociétés requérantes vis-à-vis du règlement juridictionnel fixé par le Conseil d'État en 2012 et des montants élevés en jeu, notamment pour des banques qui ont racheté à des entreprises des « créances de précompte » sur l'État en faisant l'hypothèse que le précompte était une imposition irrégulière dont elles obtiendraient le dégrèvement (cf. encadré infra).
S'agissant du volet fiscal, en 2025, seul un dossier était encore en instance juridictionnelle pour un montant d'environ 6,2 millions d'euros (11,2 millions d'euros avec les intérêts moratoires). Les dossiers déjà traités, au nombre de 160, représentent, quant à eux, plus de 4,3 milliards d'euros (droits et intérêts).
S'agissant du volet indemnitaire, des recours pour excès de pouvoir avaient été déposés dès 2020, reprochant au Conseil d'État de ne pas avoir posé de question préjudicielle à la CJUE. Les dossiers sont traités par les tribunaux administratifs. Si aucun décaissement n'a été constaté en 2023 et 2024, une décision défavorable définitive est attendue pour 2025 portant sur des droit et intérêts à hauteur d'1,1 milliard d'euros.
Le contentieux « précompte mobilier »
Le coût du contentieux « précompte mobilier » résulte d'une décision du 4 octobre 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne qui met un terme à une série de jurisprudences sur le dispositif. Ici, le « précompte mobilier » désigne l'ancien régime fiscal de distributions créé en 1965 et supprimé au 1er janvier 2005. Ce dispositif conduisait à verser un précompte à l'État sur les produits distribués sur des sommes non soumises à l'impôt sur les sociétés et permettait aux entreprises bénéficiaires de ces remontées de dividendes de réduire en conséquence leur assiette d'imposition. Ce dispositif ne s'appliquant qu'aux remontées de filiales françaises, il est entré en contradiction avec le droit européen.
Comme le souligne la Cour des comptes, « la suppression de l'avoir fiscal et du précompte pour les entreprises aura permis de circonscrire l'ampleur de ce contentieux en arrêtant la perception de l'impôt et en limitant, de fait, les délais de réclamation au 31 décembre 2006. »16(*) Après un arrêt du Conseil d'État du 10 décembre 2012 rétablissant une part substantielle des impositions au profit du Trésor, la CJUE, dans un arrêt retentissant, a conclu le litige en donnant raison aux entreprises sur les points les plus importants, et en relevant le manquement du Conseil d'État à son obligation de transmettre une question préjudicielle à la CJUE.
Le contentieux précompte comporte un volet fiscal et un volet indemnitaire. Le volet fiscal correspond aux contestations des contribuables sur le dispositif fiscal en lui-même. Le volet indemnitaire résulte de la responsabilité pour faute de l'État.
Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur
(2) Le contentieux OPCVM
Le contentieux européen relatif aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) est le principal en termes de volume et devrait continuer à peser sur la mission à hauteur de 2,1 milliards d'euros en 2025 (contre 2,2 milliards d'euros en 2024), 2,5 milliards avec les intérêts moratoires. Entre janvier et juin 2025, 375 millions d'euros ont été décaissés pour des crédits inscrits en LFI 2025 à hauteur de 0,8 milliard d'euros (droits et intérêts moratoires). Les prévisions de décaissements pour 2026 s'élèvent également à 0,9 milliard d'euros. Son coût final devrait dépasser 13 milliards d'euros. À la date du 30 juin 2025, 11,7 milliards d'euros ont été dégrevés.
Le contentieux « OPCVM »
Le contentieux « OPCVM » résulte de la décision Santander du 10 mai 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Cette dernière a jugé contraire à la libre circulation des capitaux l'imposition des dividendes de source française payés à des OPCVM résidents dans d'autres États alors qu'ils étaient exonérés pour les OPCVM établis en France. L'article 6 de la loi n° 2012-958 du 16 août 201217(*) met en conformité le droit national avec le droit européen. En ce qui concerne les États non membres de l'Union européenne, l'exonération est désormais conditionnée à la coopération fiscale des États concernés.
Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur
(3) Le contentieux « retenues à la source d'assurance vie »
Le contentieux « retenues à la source d'assurance vie », qui pour l'instant a donné lieu à des décaissements à hauteur de 12,7 millions d'euros, pourrait voir son coût s'accroître fortement, portant sur des droits et intérêts à hauteur de 736,5 millions d'euros, dont environ 600 millions d'euros devraient être décaissés en 2025 et 2026.
Le contentieux « retenues à la source - sociétés d'assurance vie »
Le contentieux « retenue à la source, sociétés d'assurance vie » a été jugé par le Conseil d'État au printemps 2021 (CE, 11 mai 2021, UBS Asset Management Life Ltd). D'après l'arrêt du Conseil d'État, le dispositif de retenues à la source crée une discrimination entre les sociétés d'assurance-vie non résidentes et résidentes. En effet, alors que la retenue à la source est assise sur le montant brut des dividendes pour les non-résidentes, les sociétés résidentes peuvent déduire des provisions techniques de leur résultat soumis à imposition. D'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial « ce contentieux fait l'objet d'un suivi eu égard au risque budgétaire dont il est porteur. »
Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur
c) La nécessité de s'interroger sur les règles européennes applicables en matière de fiscalité des entreprises
Les reversements d'impôts au profit des entreprises sont réalisés en application des principes de libre circulation des capitaux et d'égalité de traitement issus du droit de l'Union européenne. Les différents contentieux énumérés ci-dessus en témoignent : les juges nationaux ou européens tranchent les grands litiges fiscaux en condamnant les États à reverser aux entreprises les impôts perçus au titre des dispositifs contestés.
Les restitutions opérées au profit des entreprises s'alignent sur les dispositifs fiscaux les plus favorables aux entreprises. Le rapporteur spécial considère que ces montants témoignent du caractère ultralibéral des fondements de l'Union européenne. Celle-ci, fondée sur une vision économique, grève sans difficulté les finances de l'État de plusieurs milliards d'euros pour favoriser la circulation des capitaux et l'égalité de traitement entre les entreprises de l'Union.
De plus, les règles de libre circulation des capitaux fixées par le droit de l'Union européenne favorisent la concurrence fiscale entre les États membres qui ont fait du taux d'impôt sur les sociétés un instrument au service de leur attractivité économique. À ce titre, il convient de rappeler que le taux moyen implicite d'impôt sur les sociétés n'a cessé de diminuer depuis plusieurs années dans les États membres de l'Union européenne.
Le rapporteur spécial considère donc qu'il est nécessaire de repenser en profondeur les règles applicables à la libre circulation des capitaux et qu'il est indispensable de trouver des solutions pour limiter la concurrence fiscale entre les États ce qui permettrait, subséquemment, de limiter les contentieux fiscaux.
2. Après avoir atteint un niveau exceptionnellement élevé en 2025, les admissions en non-valeur sont attendues en baisse en 2026, mais à un niveau structurellement plus élevé que ceux observés par le passé
Les admissions en non-valeur se sont élevées à 2,7 milliards d'euros en 2024. En 2025, elles devraient s'élever à 3,2 milliards d'euros conformément à l'estimation votée en loi de finances initiale. Le rapporteur spécial annonçait ainsi l'an dernier « la prise en compte d'une non-valeur à hauteur de 700 millions d'euros, qui pourrait faire suite à une décision de justice attendue18(*) ».
Passé le traitement de cette situation exceptionnelle, les admissions en non-valeur sont attendues à 2,6 milliards d'euros en 2026. Ce niveau reste malgré tout élevé, par rapport à ce qui a pu être observé dans un passé proche (2,0 milliards d'euros en 2022, 2,2 milliards d'euros en 2024).
Cette hausse apparaît structurelle, au moins pour partie, faisant suite à l'entrée en vigueur au 1er janvier 2023 de la réforme de la responsabilité des gestionnaires publiques qui modifie les modalités d'admission en non-valeur. Aux termes de cette réforme, la suppression de la responsabilité de plein droit des comptables publics est remplacée par une plus grande liberté personnelle de l'admission en non-valeur, sous le contrôle direct des juridictions financières. Ainsi, aux termes de l'article R. 276-1 du livre des procédures fiscales, « Le comptable public admet [désormais] en non-valeur les créances fiscales dont il est chargé du recouvrement, lorsqu'il constate leur irrécouvrabilité ». Si une part est conjoncturelle, des orientations stratégiques ayant été diffusées aux services de la DGFiP afin d'apurer et de rajeunir le stock des créances les plus anciennes, ce nouveau pouvoir du comptable peut conduire à une hausse du niveau des ANV.
II. LES DÉPENSES FISCALES OCCUPENT UNE PLACE DE PLUS EN PLUS IMPORTANTE DANS LES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS, QU'IL CONVIENT DE MIEUX MAÎTRISER
Les dépenses fiscales forment une composante importante de la mission « Remboursements et dégrèvements », particulièrement intéressante dans la mesure où ces dépenses échappent à une dimension mécanique et marquent un choix politique. Alors que les remboursements et dégrèvements sont en baisse dans leur ensemble (de 148 milliards d'euros dans la loi de finances initiale pour 2025 à 145 milliards d'euros dans le PLF 2026), ceux liés à des politiques publiques sont en hausse (de 18,5 milliards d'euros à 19,4 milliards d'euros), sous l'effet notamment d'un recours croissant aux crédits d'impôts : il apparaît nécessaire d'interroger l'opportunité de ce choix.
Selon l'annexe « Voies et moyens, tome II », qui accompagne chaque projet de loi de finances, les dépenses fiscales sont les « dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en oeuvre entraîne pour l'État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allègement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l'application de la norme, c'est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ».
Cette même annexe rappelle la distinction à opérer avec les remboursements et dégrèvements, la première renvoyant à un écart à la norme fiscale là où la seconde porte sur une modalité de recouvrement de l'impôt. « À titre d'exemple, la dépense fiscale « Crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile », qui constitue un crédit d'impôt, se traduit pour une part par une minoration des recettes d'impôt sur le revenu au regard de la quotité d'impôt qui aurait résulté de l'application de la norme. Cette minoration n'est pas retracée par la comptabilité budgétaire. Le crédit d'impôt donne lieu d'autre part, pour la part excédant l'impôt effectivement dû, à un remboursement en numéraire au profit de contribuables. Seul ce remboursement, à l'instar de l'ensemble des remboursements et dégrèvements sur impôts d'État, constitue une « dépense en atténuation de recette » imputée sur les recettes fiscales brutes de l'État. Le coût de la dépense fiscale constitue la somme de ces deux composantes. »
A. LE CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE (CIR) CONSTITUE LA PRINCIPALE DÉPENSE FISCALE DE LA MISSION « REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS »
1. Le coût du crédit d'impôt recherche (CIR) a progressé de façon dynamique
Les remboursements au titre du crédit d'impôt recherche
En application de l'article 199 ter B du code général des impôts, les entreprises imputent leurs créances de CIR sur leur impôt sur les sociétés de l'année N + 1.
Si, après prise en compte de cette créance, elles sont toujours déficitaires, elles pourront mobiliser à nouveau cette créance pour payer leur impôt en année N + 2 et N + 3, sans donner lieu à une restitution de la part de l'administration fiscale. Le reliquat de créance qui n'aura pas été utilisé en N+ 4 pourra ainsi donner lieu à une restitution.
Plusieurs types d'entreprises peuvent demander le remboursement immédiat des dépenses éligibles au CIR :
- les petites et moyennes entreprises au sens du droit européen19(*) ;
- les entreprises nouvelles durant les cinq années suivant leur création ;
- les entreprises ayant fait l'objet d'une procédure de conciliation ou de sauvegarde, d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire ;
- les jeunes entreprises innovantes.
Source : article 199 ter B du code général des impôts
Depuis 2022, le crédit d'impôt recherche (CIR) est la première dépense fiscale du budget général de l'État. Son coût était de 7,8 milliards d'euros en 2024 et est projeté à plus de 8 milliards d'euros en 2025 et 2026. D'après les données de la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) du ministère chargé de la recherche et de l'enseignement supérieur, le CIR a bénéficié en 2021 à 16 341 entreprises dont 13 665 petites et moyennes entreprises (PME).
En 2024 il a bénéficié à 17 593 entreprises (après 21 695 en 2023) et son coût total en exécution s'est établi à 7,8 milliards d'euros. Comme l'illustre le graphique ci-dessous, le coût du dispositif a connu une croissance moyenne de près de 3 % par an depuis 10 ans.
Évolution du coût du crédit d'impôt recherche depuis 2014
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial
Cette tendance haussière continue malgré la suppression par la loi de finances pour 2021 du doublement des dépenses sous-traitées à des organismes publics20(*) en matière de CIR à compter du 1er janvier 2022. En remplacement de cette règle, la loi de finances pour 2022 crée un nouveau crédit d'impôt en faveur de la recherche collaborative, codifié à l'article 244 quater B bis du CGI, qui s'applique aux dépenses facturées par des organismes de recherche et de diffusion des connaissances (ORDC). Les entreprises ne peuvent toutefois pas, au titre des mêmes dépenses, bénéficier à la fois du crédit d'impôt en faveur de la recherche collaborative et du CIR.
S'agissant plus spécifiquement de la mission remboursements et dégrèvements, on observe que depuis 2018, la part restituée du CIR augmente presqu'aussi vite que le dispositif dans son ensemble :
Croissances comparées des parts restituées et imputées du CIR
(en milliards d'euros)
Note : les données représentées concernent le crédit d'impôt recherche et le crédit d'impôt innovation, dont il n'est pas possible de distinguer les parts respectivement restituée et imputée.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial
2. Un dispositif couteux qui doit être mieux ciblé et plus efficace
Créé en 1983, le CIR avait initialement pour objet d'apporter un soutien proportionnel à la croissance de la recherche et développement des entreprises. Depuis la réforme de 2004, le montant du CIR est calculé proportionnellement à celui de l'ensemble des dépenses de recherche et développement éligibles engagées et non plus sur la base des dépenses nouvelles réalisées par les entreprises.
La principale réforme du CIR a été portée par la loi de finances initiale pour 2008 et a consisté à porter le crédit d'impôt à 30 % des dépenses de recherche et développement en deçà de 100 millions d'euros et à 5 % au-delà. Entre 2007 et 2008, l'effort financier en faveur de la recherche privée est ainsi passé de 1,7 milliard d'euros à 4,1 milliards d'euros. Le taux était, de surcroit, doublé lorsque la recherche était confiée par l'entreprise à un organisme public de recherche ou qu'elle correspondait à l'embauche d'un jeune docteur21(*).
Si le CIR constitue une aide transversale qui irrigue l'ensemble du territoire français et bénéficie à de nombreuses entreprises, la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants22(*) (ci-après : « la commission d'enquête sur l'aide publique aux entreprises ») relève que « pour autant, au regard des montants de la créance moyenne qui est largement plus élevée pour les grandes entreprises que pour les PME, les grandes entreprises représentent 42 % des créances du crédit d'impôt recherche en 202123(*). »
Cette même commission observe que ce sont ces grandes entreprises qui exploitent le mieux, fiscalement, le bénéfice de ce dispositif : « les crédits d'impôt en faveur de l'activité des entreprises ont permis de réduire le taux d'imposition des bénéfices des entreprises en portant le taux d'impôt sur les sociétés net24(*) supportés effectivement par les entreprises à 80 % pour les grandes entreprises et à 95 % pour les petites et moyennes entreprises ».
La concentration des montants du CIR s'explique par le volume de dépenses de R&D engagé par certaines entreprises. Aussi, 28 groupes déclarent le tiers des dépenses de R&D et bénéficient de 27 % de créances de CIR. Les petites et moyennes entreprises (PME), représentent 80 % des bénéficiaires mais seulement 27 % des montants de CIR.
Or d'après les différentes études passées en revue par la Cnepi, l'effet d'additionnalité du CIR sur les PME se situerait entre 0,90 et 1,5 euro de dépenses de recherche et développement par euro de CIR dépensé, soit une dépense de R&D des entreprises qui n'augmenterait qu'à due concurrence du bénéfice que celles-ci tirent du dispositif.
Ce constat a été renouvelé par la commission d'enquête sur l'aide publique aux entreprises : lors de son audition le 11 février 2025 de M. Evens Salies, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ce dernier s'est ainsi montré critique sur l'efficience du CIR, considérant qu'il était « crucial d'insister sur l'efficience, sur le rapport efficacité-coût » car « le CIR a désormais plus d'effets, mais il coûte plus cher » qu'avant la réforme de 2008. La question de l'efficience de l'argent public mis dans cette politique doit donc être posée.
Autrement dit, l'effet du CIR sur l'effort supplémentaire de recherche fourni par les entreprises se limite à un réinvestissement égal au bénéfice du dispositif. L'indicateur 2.2 du programme 172 « Recherche scientifique et technologies pluridisciplinaires » arrive d'ailleurs à la même conclusion puisque la réalisation 2023 (égale à la cible), comme celle des années précédentes, atteint le ratio de 1 concernant les dépenses de recherche et développement privées supplémentaires par euro de CIR. Comme chaque année, la cible pour les années suivantes est indiquée comme devant être supérieure à 1. Cet indicateur affiche aussi un indice de rotation en baisse en 2023 (18,9 %) par rapport à 2022 (19,5 %), sous la cible affichée de 20 %, montrant une stabilité des bénéficiaires de ce crédit d'impôt.
Enfin, le CIR est un crédit d'impôt particulièrement difficile à contrôler qui nécessite une coordination entre les services de la DGFIP et ceux du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il est, par ailleurs, générateur de nombreux contentieux relatifs au caractère éligible ou non des dépenses d'innovation.
Dans le cadre de l'exercice des revues de dépenses engagées pour contribuer au redressement des finances publiques, l'Inspection générale des finances (IGF)25(*) a dégagé des pistes de réforme du CIR pour recentrer son assiette. À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, et alors que le Gouvernement n'avait pas retenu les propositions formulées par l'IGF dans le projet de loi de finances initiale déposé en octobre 2024, la commission des finances du Sénat a déposé un amendement, adopté en séance, ayant pour objet de rationaliser le CIR conformément aux recommandations de l'IGF : recentrement de l'assiette sur les dépenses de R&D, suppression du dispositif jeunes docteurs, réforme paramétrique du calcul des frais de fonctionnement.
Cette première étape est un pas dans la bonne direction, mais il apparait néanmoins au rapporteur spécial, qu'il est toujours indispensable d'engager une réforme du CIR qui viserait a minima à établir une véritable différenciation par type d'entreprise et par secteur d'activité. Le CIR ne peut être une baisse d'impôt comme les autres sans effet de levier manifestes sur des investissements additionnels suscités par le dispositif.
Cette réforme parait d'autant plus nécessaire que l'une des justifications du CIR était, notamment le taux nominal de l'impôt sur les sociétés, considéré pour certains comme particulièrement élevé. Or, depuis plusieurs années les entreprises bénéficient de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés décidée par le Gouvernement et votée en 2019 par le Parlement. Le taux normal d'imposition est ainsi passé de 33,3 % en 2018 à 25 % en 2022. Cette baisse de l'impôt sur les sociétés a, par ailleurs, été accompagnée par celle des impôts dits « de production » (cf. infra).
En contrepoint de la multiplication des aides publiques aux entreprises, pour un coût total estimé à 211 milliards d'euros par la commission d'enquête sénatoriale, le rapporteur spécial estime que ces aides devraient être assorties de conditions pour, à tout le moins, s'assurer de leur effectivité, en veillant à ce qu'elles stimulent bien la recherche réalisée en France, par exemple en les déduisant du résultat net pouvant être distribué sous forme de dividendes. Il appelle par ailleurs à faire évoluer le dispositif de manière à contrôler les licenciements pour les entreprises bénéficiaires d'aides. En cas de manquement avéré à ces conditions, il paraîtrait justifié, conformément aux recommandations formulées par la commission d'enquête, d'instaurer un mécanisme de restitution, totale ou partielle, des aides perçues.
3. Un soutien aux entreprises qui dépasse le seul crédit d'impôt recherche
La commission d'enquête n'a pas limité ses travaux au CIR et a constaté qu'il existait un nombre foisonnant de dépenses fiscales en faveur des entreprises. Si ces dépenses fiscales ne donnent pas toutes lieu à des remboursements ou des dégrèvements, le constat général de foisonnement peut néanmoins être transposé à la mission.
Dépenses fiscales en faveur des entreprises en 2023
(en millions d'euros)
|
Ministère de tutelle |
Nombre de dispositifs |
Coût annuel |
|
Agriculture et souveraineté alimentaire |
28 |
2 217 |
|
Aménagement du territoire et décentralisation |
42 |
6 810 |
|
Armées |
1 |
2 |
|
Culture |
25 |
1 498 |
|
Économie, finances et souveraineté industrielle et numérique |
55 |
7 823 |
|
Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche |
9 |
8 971 |
|
Justice |
1 |
7 |
|
Outre-Mer |
17 |
4 092 |
|
Services du Premier ministre (Affaires maritimes, pêche et aquaculture) |
3 |
5 617 |
|
Sports, jeunesse et vie associative |
3 |
141 |
|
Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche |
52 |
5 194 |
|
Travail, santé, solidarités et familles |
19 |
1 155 |
|
TOTAL |
255 |
43 527 |
Source : commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, d'après les données du Gouvernement
Le législateur a pourtant tenté de longue date de juguler la multiplication des dépenses fiscales. Ainsi, la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2009-2012 avait conduit à la mise en place d'un « comité d'évaluation » en vue d'évaluer le stock existant avant le 30 juin 2011 (soit 470 dépenses fiscales et 68 niches sociales). La Cour des comptes considère néanmoins que les lois de programmation ont été ensuite moins ambitieuses, et que « les outils de pilotage des dépenses fiscales n'ont pas permis de réduire le coût des différents dispositifs ni d'en réduire significativement le nombre » 26(*).
Afin de ne retenir que les dépenses fiscales les plus efficaces, la commission d'enquête recommande de « Subordonner, dans la prochaine loi de programmation des finances publiques, la prolongation au-delà de quatre ans d'une dépense fiscale supérieure à 50 millions d'euros par an à la production d'une évaluation publique, et à une simple revue de dépenses pour les dépenses fiscales inférieures à ce seuil. »
La commission d'enquête sur les aides publiques aux entreprises constate en effet un déficit général d'évaluation et déplore l'absence de structure administrative chargée de suivre et d'analyser régulièrement les aides publiques versées aux entreprises. Alors que le montant des aides publiques aux entreprises n'a cessé d'augmenter depuis les années 2000, aucune structure pérenne n'a garanti leur suivi, qui a donné lieu seulement à des rapports ponctuels à la demande du Gouvernement. Elle recommande donc de « confier au Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) le soin de réaliser tous les trois ans une évaluation pour chaque dépense fiscale supérieure à 50 millions d'euros, et une revue de dépenses pour les dépenses fiscales inférieures à ce seuil. »
Dans le cadre de ce projet de loi de finances, le rapporteur spécial a pu auditionner des magistrats de la première chambre de la Cour des comptes, dont Guilhem Blondy, le secrétaire général du CPO. En tant que praticiens des évaluations des politiques publiques, les magistrats financiers ont pointé que le nombre de dépenses fiscales ne permettrait pas la réalisation d'évaluations systématiques et nécessiterait une priorisation, par exemple selon leur coût. Le rapporteur spécial estime que cette priorisation peut être plus politique, privilégiant par exemple certaines politiques publiques comme la santé.
Le secrétaire général du CPO a pointé par ailleurs que si les effectifs réduits de cette instance (1,5 équivalent temps plein) ne lui permettaient pas de mettre en oeuvre un tel programme d'évaluation, sa composition pluraliste (élus, fonctionnaires, chercheurs, etc.) en faisait une structure toute indiquée pour assurer la coordination d'un tel programme d'évaluation.
Surtout, les magistrats financiers ont estimé que pour être utile, ce programme doit être porté sur le plan politique et administratif, citant en exemple le conseil de modernisation des politiques publiques, placé sous l'autorité du Président de la République, pour piloter la mise en oeuvre de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) de 2007. Sans souscrire aux conclusions de la RGPP, le rapporteur spécial partage cette volonté de faire en sorte que la décision publique s'appuie mieux sur la recherche.
Enfin, comme préconisé par les magistrats financiers auditionnés, le rapporteur spécial estime que le programme d'évaluation des dépenses fiscales ne devrait pas se limiter aux seuls dispositifs en faveur des entreprises mais devrait aussi concerner ceux bénéficiant aux particuliers.
B. LES REMBOURSEMENTS DES CRÉDITS ET RÉDUCTIONS D'IMPÔT SUR LE REVENU (IR) SONT RELATIVEMENT DYNAMIQUES ET MÉRITENT D'ÊTRE QUESTIONNÉS
Comme vu précédemment, les acomptes, avances et restitutions d'impôt sur le revenu devraient connaître une progression dynamique en 2026 (+ 10,0 % par rapport aux dernières estimations pour 2025), après une hausse déjà soutenue en 2025 (+ 7,7 % par rapport aux crédits exécutés en 2024), occupant chaque année une part croissante de l'impôt sur le revenu collecté (de 8,0 % en 2024 à 8,4 % en 2026).
Le rapporteur estime qu'il est nécessaire d'interroger les fondements et les effets de cette hausse, alimentée notamment par une augmentation dynamique des versements dans le cadre du crédit d'impôt contemporain services aux particuliers qui vient détériorer chaque année un peu plus la trésorerie de l'État. Le rapporteur spécial rappelle notamment le rapport accablant publié par la Cour des comptes en 2024 sur ce dispositif27(*) :
- sur le plan stratégique : « son objet même est un ensemble hétéroclite d'activités exercées selon des modalités d'emploi et des régimes juridiques divers (...) Cette hétérogénéité fragilise la définition d'une stratégie d'ensemble, au point que la pertinence même d'une politique en faveur des services à la personne peut être discutée (...) Le développement du secteur tend progressivement à en devenir la justification principale » ;
- en termes d'efficacité : « l'analyse de l'évolution du secteur tend à montrer que ces soutiens produisent des résultats décevants. (...) Les résultats en termes de création d'emploi sont donc insignifiants (environ 70 000 équivalents temps plein supplémentaires depuis 2005), alors que l'augmentation du nombre de personnes âgées ayant besoin de recourir à des services à domicile devrait contribuer au dynamisme naturel du secteur » ;
- en termes de justice fiscale : « parmi les 75 premiers centiles de revenu, le taux de recours aux services à la personne est inférieur à 10 %, alors qu'il est supérieur à 50 % parmi les 3 % de foyers les plus aisés. »
Une recommandation a minima pourrait être de réduire le taux de ce crédit d'impôt. La Cour observe ainsi que son taux actuel, combiné à d'autres soutiens publics, aboutit à rendre le travail déclaré substantiellement moins coûteux (9,35 euros de l'heure) que le travail dissimulé (estimé à 11,38 euros de l'heure). En d'autres termes, un crédit d'impôt au taux de 40 % (au lieu de 50 %) suffirait à remplir l'objectif de décourager le travail non déclaré.
Plus fondamentalement, c'est la logique même d'un crédit d'impôt contemporain sur les services à la personne qui peut être interrogée. C'est ce que fait le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO)28(*), qui note que « le choix de recourir à un crédit d'impôt avec avance immédiate revient à rapprocher la dépense fiscale d'une logique de dépense budgétaire, sans présenter les mêmes avantages en termes de contrôle. »
Partant de ces multiples constats, le rapporteur spécial s'interroge sur le périmètre d'un dispositif aussi coûteux, régressif et peu contrôlable. Par ailleurs, pour certains contribuables ce crédit d'impôt peut générer un effet d'aubaine, en sollicitant le remboursement de dépenses non-contraintes. Le risque de travail dissimulé ne peut motiver à lui seul le maintien d'une dépense fiscale si conséquente pour les finances publiques, et dont le dynamisme est marqué. Il convient donc de mettre en débat la nature des dépenses, le taux de prise en charge et le profil socio-économiques des bénéficiaires.
SECONDE PARTIE
REMBOURSEMENTS ET
DÉGRÈVEMENTS
D'IMPÔTS LOCAUX
I. PRÉSENTATION DES DÉPENSES PRÉVUES AU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2026
Le programme 201 « remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » retrace les dépenses résultant de l'application des règles fiscales conduisant à la mise en oeuvre de dégrèvements d'impôts locaux. Il enregistre, de surcroit, un certain nombre d'opérations comptables liées aux remises gracieuses, annulations, admissions en non-valeur de recettes.
Il se compose de quatre actions :
- l'action 1 « Taxe professionnelle et contribution économique territoriale et autres impôts économiques » retrace les dégrèvements et crédits d'impôts effectués sur la contribution économique territoriale et les reliquats de dégrèvements de taxe professionnelle. Ces dégrèvements, accordés sur demande des contribuables ou d'office lors de l'établissement du rôle, constituent donc des mesures de correction ou d'incitation par rapport à un contexte économique particulier, que doivent cependant justifier les redevables ;
- l'action 2 « Taxes foncières » regroupe les dégrèvements de taxes foncières (d'office, pour jeunes agriculteurs, vacances d'un bien...) tels que prévus par le code général des impôts ainsi que les dégrèvements destinés à rectifier une erreur ou à la suite d'une procédure contentieuse non directement liée à un des dispositifs règlementaires de dégrèvements ;
- l'action 3 « Taxes d'habitation » retrace notamment les dégrèvements de taxes d'habitation. À l'issu de la réforme relative à la suppression de cette taxe, les dégrèvements ne concerneront plus que la taxe sur les résidences secondaires ;
- l'action 4 « Admissions en non-valeur » retrace les dépenses consécutives aux constats d'irrécouvrabilité des impôts locaux en raison de la disparition des redevables ou de l'absence de gage et concerne les trois taxes locales (CET, TH, et TF).
En PLF 2026, les crédits évalués au titre du programme 201 s'élèvent à 4,6 milliards d'euros, en très légère baisse (-0,4 %) par rapport au montant estimé à date pour l'année 2025 (4,6 milliards d'euros) qui devraient sous-exécuter de peu l'estimation votée en loi de finances initiale pour 2025 (4,7 milliards d'euros). Une baisse tendancielle se dessine depuis 2024 (5,0 milliards d'euros en crédits exécutés)
Répartitions par action des crédits du programme 201
(en milliards d'euros)
|
Action |
2024 |
LFI 2025 |
2025 |
PLF 2026 |
25/26 |
|
|
1 |
Contribution économique territoriale et autres impôts économiques |
1 100 |
1 422 |
1 200 |
1 272 |
+ 6,0 % |
|
2 |
Taxes foncières |
2 111 |
2 069 |
2 069 |
2 111 |
+ 2,0 % |
|
3 |
Taxe d'habitation |
1 255 |
771 |
900 |
745 |
- 17,2 % |
|
4 |
Admission en non-valeur d'impôts locaux |
490 |
467 |
467 |
490 |
+ 5,0 % |
|
Total 201 - Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux |
4 955 |
4 729 |
4 636 |
4 618 |
- 0,4 % |
|
Source : commission des finances du Sénat, d'après la documentation budgétaire
La plus grande partie du programme 201 porte sur des remboursements et dégrèvements de taxes foncières (46 % du programme en 2026), relativement stables désormais.
La baisse tendancielle observée est le fait des remboursements et dégrèvements liés à la taxe d'habitation, qui font plus que compenser la hausse de ceux liés à des impôts économiques.
II. LES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS LOCAUX DEVRAIENT PEU VARIER EN 2026
A. LES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS SUR LES IMPÔTS ÉCONOMIQUES ÉVOLUENT PEU
L'action 1 retrace les dégrèvements et crédits d'impôts effectués sur la contribution économique territoriale (CET) (composée de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)) ainsi que les reliquats de dégrèvement de taxe professionnelle. Elle comprend en particulier le plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée, les restitutions de taxe additionnelle à la CVAE et les dégrèvements en matière de CET ou de taxe professionnelle.
Les dépenses de cette action ont été fortement marquées par la suppression progressive de la CVAE, suivant les modalités définies en loi de finances pour 2023 et revues successivement dans les lois de finances initiales suivantes en 2024 et 2025.
Cette dépense est désormais stabilisée et connaît une légère progression : elle s'est élevée à 1,1 milliard d'euros en 2024, et est prévue à 1,2 milliard d'euros en 2025 et 1,3 milliard d'euros en 2026.
Ces estimations comprennent un volet constant de dégrèvements accordés à la suite de réclamations contentieuses (0,3 million d'euros) et une part de plafonnement de la CET en légère hausse (0,9 million d'euros en 2025, 1,0 milliard d'euros en 2026).
S'agissant de potentiels dégrèvements sur cette action, il est noté enfin, qu'à la suite d'une décision du 5 février 2025 du Conseil d'État rejetant le pourvoi de la société Bouygues, l'administration a rejeté toutes les réclamations reçues dans le cadre d'un contentieux de série sur l'imposition forfaitaire des entreprises de réseau (IFER) des stations radioélectriques (prévue à l'article 1519 H du CGI). Ce contentieux portait l'an passé des enjeux à hauteur de 645 millions d'euros.
Le contentieux IFER - droit communautaire
Des opérateurs intervenant dans le secteur des communications électroniques ont contesté la légalité de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseau (IFER) appliquée aux stations radioélectriques aux motifs qu'elle serait contraire au droit de l'Union européenne (UE). Dans le cadre de l'instance juridictionnelle ouverte, la société requérante estime que l'IFER relève de la directive (UE) 2002/20 du 7 mars 2002 (dite directive « Autorisation »), laquelle n'autorise la perception par les États membres (ou collectivités publiques) que des taxes dites « administratives » (art. 12 de la directive) et des redevances pour les droits d'utilisation des radios fréquences, l'IFER des stations radioélectriques n'étant pas au nombre de ces deux exceptions.
Le traitement de ces réclamations a été suspendu dans l'attente de la décision du Tribunal administratif de Poitiers, désigné par le Conseil d'État comme juridiction pilote. Par jugement du 23 avril 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête aux motifs que l'IFER en litige n'entrait ni dans le champ de la directive Autorisation, ni dans celui de la directive établissant le code des communications électroniques européen. La société s'est pourvue en cassation contre cette décision le 24 juin 2024, pourvoi rejeté par le Conseil d'État dans une décision du 5 février 2025.
Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur
B. DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS DE TAXE FONCIÈRE STABILISÉS À UN NIVEAU ÉLEVÉ
L'action 2 du programme 201 retrace les dégrèvements de taxes foncières. Elle concerne pour l'essentiel des remboursements consécutifs à des réclamations contentieuses ou gracieuses et, à titre subsidiaire, à des dégrèvements correspondant à des politiques publiques (facilitation de l'accessibilité pour personnes handicapées, travaux dans le cadre de la prévention de risques technologiques, travaux d'économie d'énergie pour les organismes HLM et les SEM, pertes de récoltes s'agissant du non bâti...).
En l'absence de nouvelles mesures législatives susceptibles d'avoir un impact significatif sur le niveau des dépenses de cette action, la prévision de la dépense en PLF 2026 est stable par rapport aux dernières estimations à date pour 2025, qui étaient elles-mêmes conformes au montant budgété en loi de finances initiale. En effet, l'action enregistre une hausse de 42 millions d'euros pour s'établir à 2,1 milliards d'euros, retrouvant le niveau des crédits exécutés en 2024.
Cette relative stabilité ne doit pas faire oublier l'importante progression que ces remboursements ont connu depuis 2018 :
Évolution des remboursements et
dégrèvements de taxes
foncières
entre 2018 et 2026
(en milliards d'euros)
*PLF 2026 ; crédits votés en loi de finance initiale pour les autres années.
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires
Cette hausse continue s'explique par la progression des montants de taxes foncières au fil du temps en raison de l'augmentation des taux appliqués par les collectivités d'une part, et de la revalorisation des valeurs locatives cadastrales d'autre part.
Le rapporteur spécial observe par ailleurs que le nombre de dispositifs d'exonérations et de dégrèvements est important avec un reste à charge des collectivités de plus en plus élevé.
En matière de taxe foncière, le montant de la valeur locative peut, avant application du taux et de manière permanente ou temporaire, être totalement ou partiellement réduit, par trois mécanismes dont l'origine ou les modalités de mises en oeuvre sont différentes : l'abattement, l'exonération et le dégrèvement
Les abattements et exonérations sont décidés, soit en application de dispositions législatives, soit par les collectivités territoriales. Lorsqu'ils résultent de délibérations des collectivités, ils restent à leur charge. A contrario, lorsqu'ils résultent de dispositions législatives, ils peuvent faire l'objet d'une compensation totale ou partielle par l'État.
D'après les réponses transmises au rapporteur spécial, en 2024, le coût total de ces dispositifs s'élève à 5,5 milliards d'euros dont 3,3 milliards d'euros pris en charge par l'État et 2,2 milliards d'euros laissés à la charge des collectivités, un montant en légère baisse par rapport à l'année précédente (- 4,3 %).
Ces exonérations et dégrèvements ne pourront qu'augmenter, dans un contexte où les taxes foncières sont le dernier levier fiscal du bloc communal. La suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales a notamment eu comme effet de bord une hausse des taux de taxes foncières, les communes activant ce dernier levier fiscal pour augmenter leurs ressources. Or, plus le montant de taxes foncières sera important, plus les remboursements et dégrèvements de ces taxes seront élevés.
C. DES DÉGRÈVEMENTS DE TAXE D'HABITATION FORTEMENT REVUS À LA HAUSSE DU FAIT DES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR L'APPLICATION « GÉRER MES BIENS IMMOBILIERS »
La taxe d'habitation sur les résidences principales (THRP) a été définitivement supprimée en 2023. Ne subsiste que la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale (THRS) pour lesquels communes et groupements peuvent fixer librement les taux.
Les crédits de la sous-action 03 ont connu deux évolutions divergentes : alors que la suppression de la THRP devait entraîner une baisse structurelle des remboursements et dégrèvements de taxe d'habitation (les crédits de la sous-action sont ainsi passés de 0,7 milliard d'euros dans la LFI pour 2022 à 0,3 milliard d'euros dans la LFI pour 2024), ces crédits ont dû être largement revus à la hausse en 2024 pour financer d'importants dégrèvements consécutifs à la mise en place de l'outil Gérer mes biens immobiliers (GMBI), qui ont particulièrement affecté les crédits exécutés en 2024. Ainsi, les remboursements et dégrèvements de taxe d'habitation se sont finalement élevés à 1,3 milliards d'euros en 2024. La DGFiP met en oeuvre un plan pour résorber progressivement ces difficultés, qui devraient néanmoins se faire sentir sur les prochains exercices (cf. détail ci-après). Les crédits de cette sous-action sont estimés à 745 millions d'euros en 2026 par ce projet de loi de finances.
Évolution des remboursements et dégrèvements de taxe d'habitation
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires
D. LE VOLUME DES ADMISSIONS EN NON VALEUR ÉVOLUE PEU
Les admissions en non-valeur (ANV) sont constituées des créances irrécouvrables, celles dont le paiement effectif n'a pu être obtenu en raison notamment de l'insolvabilité ou de la disparition du redevable. Elles ont pour but de relever le comptable public de sa responsabilité mais n'éteignent pas pour autant la créance du redevable qui pourra à tout moment être recouvrée en cas de retour à meilleure fortune du redevable insolvable.
L'enregistrement des ANV sur le programme 201 concerne les trois taxes locales (contribution économique territoriale, taxe d'habitation et taxe foncière), avec la répartition suivante (dernières données disponibles) :
Répartition par impôt des admissions en non-valeur d'impôts locaux
(en millions d'euros)
|
2023 |
2024 |
|
|
Taxe d'habitation |
140 |
117 |
|
Taxes foncières |
194 |
192 |
|
TP ou de CFE |
3 |
5 |
|
Autres |
130 |
176 |
|
Total |
467 |
490 |
Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire
En 2026, les ANV sont estimées à 490 millions d'euros, en légère hausse par rapport à l'année précédente (+ 4,9 %).
III. APRÈS DES DYSFONCTIONNEMENTS AYANT GÉNÉRÉ PLUS D'UN MILLIARD D'EUROS DE DÉGRÈVEMENTS, L'APPLICATION GÉRER MES BIENS IMMOBILIERS (GMBI) SE MET PROGRESSIVEMENT EN PLACE
A. « UNE CAMPAGNE 2023 CHAOTIQUE AUX TRÈS LOURDES CONSÉQUENCES FINANCIÈRES POUR L'ÉTAT »29(*)
En 2023, la taxe d'habitation sur les résidences principales a été supprimée. Néanmoins, la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS), la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV) et la taxe sur les logements vacants (TLV) ont été maintenues.
L'identification des redevables de ces taxations maintenues implique d'affecter un statut d'occupation précis (résidence principale ou secondaire, local vacant ou loué) à chacun des 71 millions de locaux connus de la DGFiP. C'est dans ce but qu'une nouvelle obligation déclarative pesant sur les propriétaires a été instituée : aux termes de l'article 16 de la loi de finances pour 2020, codifié à l'article 1418 du code général des impôt, une nouvelle obligation incombe aux propriétaires de locaux d'habitation, celle d'en déclarer leurs conditions d'occupation. La taxation des résidences secondaires s'est appuyée pour une large part sur cette déclaration, rendue obligatoire pour la première fois sur l'année 2023.
À cet effet, l'outil « gérer mon bien immobilier » (GMBI) a été déployé progressivement. En réflexion depuis 2015 et mis en service en 2021, GMBI est un outil de l'administration fiscale conçu pour moderniser la déclaration des biens immobiliers des propriétaires en France et les modalités d'occupation de ces biens, offrant aux contribuables la possibilité d'avoir accès en temps réel aux informations dont dispose l'administration sur leurs biens et de pouvoir les corriger, assurant également la gestion des déclarations foncières et des taxes d'urbanisme.
Pour initialiser ce système déclaratif, l'ensemble des 34 millions de propriétaires (personnes physiques ou morales) devaient effectuer au premier semestre 2023 une déclaration d'occupation. La première campagne de collecte des déclarations d'occupation a donné lieu à une importante défaillance déclarative. En raison notamment de l'incompréhension des contribuables sur ce qui leur était demandé, l'administration fiscale n'a pas pu disposer en temps utile de données robustes sur l'occupation des locaux30(*).
Dans ces conditions, la première campagne TH « en mode GMBI » a donné lieu à des erreurs de taxation. De nombreux avis ont été émis à tort du fait des erreurs des propriétaires, au titre de leur déclaration d'occupation ou des locataires n'ayant pas signalé leur changement d'adresse dans leur déclaration de revenus.
Dégrèvements accordés au titre de la campagne 2023 (au 4 octobre 2024)
(en euros)
|
Nombre de contentieux |
Montants dégrévés |
|
|
Taxe d'habitation sur les résidences secondaires |
906 202 |
995 141 282 |
|
Taxe d'habitation sur les logements vacants |
94 887 |
58 697 112 |
|
Taxe sur les logements vacants |
226 011 |
252 882 285 |
|
Total |
1 227 100 |
1 306 720 676 |
Source : commission des finances du Sénat d'après la Cour des comptes
La Cour des comptes relève que ce montant d'1,3 milliard d'euros représentait 34 % du produit de ces trois taxes en 2023.
D'après les dernières estimations communiquées par l'administration fiscale (situation au 15 septembre 2025), les montants mis en recouvrement au titre de la THRS 2023 ont été d'environ 4 milliards d'euros (contre 3 milliards d'euros en 2022) et près de 1,1 milliard d'euros ont été dégrevés. En matière de taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV), les montants mis en recouvrement ont atteint 152 millions d'euros dont 63,2 millions d'euros dégrevés.
En application de l'article 1641 du code général des impôts, l'État prend à sa charge les frais de dégrèvement et de non-valeurs de la taxe d'habitation31(*). La totalité de ces nouvelles recettes fiscales a été reversée aux collectivités locales et leur est définitivement acquise pour l'année 2023.
À la suite de cette mise en oeuvre, qui a suscité de multiples défaillances ou erreurs déclaratives, la direction générale des finances publiques a été amenée à dégrever un montant important de taxation sur les résidences secondaires, estimé à date d'1,2 milliard d'euros pour l'année 2024.
B. UNE NORMALISATION PROGRESSIVE
Pour corriger la situation en 2024, la DGFiP a défini et mis en oeuvre un plan d'action pour améliorer la démarche déclarative concernant à la fois le parcours, les outils offerts aux agents et aux usagers. Les mesures de communication et d'accompagnement des usagers ont également été renforcées32(*).
Néanmoins les dégrèvements restent à un niveau élevé même si la situation s'améliore. Au 15 septembre 2025, 694 millions d'euros ont été dégrevés au titre de la THRS 2024 (soit une diminution de 30 % par rapport à la situation à la même date en 2024 ; le nombre d'avis dégrevés est en diminution de plus de 42 %). En matière de THLV, les montants dégrevés au titre de l'année 2024 sont de 107 millions d'euros33(*), soit un montant en hausse par rapport à 2023.
La DGFiP explique le dynamisme maintenu de ces chiffres par la progression des taux votés par les collectivités pour la THRS 2024 et par l'élargissement du périmètre des communes ayant instauré la THLV en 2024 (6 417 communes concernées en 2024 contre 5 447 en 2023).
L'administration fiscale s'attend néanmoins à un retour à la normale dès 2025, s'appuyant sur diverses dispositions introduites en loi de finances pour 202534(*), le travail mené de fiabilisation des bases et l'introduction de traitements informatiques pour réduire les effets de la défaillance ou des erreurs déclaratives des usagers.
Le rapporteur spécial partage l'objectif que s'est fixé l'administration fiscale. Il note toutefois que cette dernière faisait déjà montre d'un optimisme similaire l'an passé, anticipant une normalisation dès l'exercice 2024. Il suivra donc avec attention l'évolution de ce dossier, dont le coût pour l'État se chiffre en centaines de millions d'euros.
EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 4 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Pascal Savoldelli, rapporteur spécial, sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».
M. Claude Raynal, président. - Nous commençons nos travaux ce matin par l'examen du rapport spécial sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial de la mission « Remboursements et dégrèvements ». - La mission « Remboursements et dégrèvements » occupe une place particulière dans le budget : c'est la plus importante en volume, puisqu'elle représente 17 % des crédits dans ce projet de loi de finances pour 2026.
Pour mémoire, la mission retrace les dépenses budgétaires résultant de l'application de dispositions prévoyant des dégrèvements, des remboursements ou des restitutions d'impôt. Elle comprend deux programmes, le programme 200, centré sur les impôts d'État, et le programme 201, qui couvre les impôts locaux.
Les trois quarts des dépenses suivies par la mission reflètent simplement des remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt. Ce caractère mécanique implique notamment que les crédits de la présente mission sont évaluatifs, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas soumis à un plafond de dépense pour le Gouvernement.
Les crédits de la mission sont évalués à plus de 145 milliards d'euros en 2026, soit une baisse légère de 0,4 % par rapport à la dernière estimation à date pour 2025. Cette stabilité vient toutefois ponctuer un quart de siècle de croissance, les crédits de la mission ayant progressé de 85 milliards d'euros depuis 2001, soit une hausse de 140 %.
Cette progression résulte, d'une part, de la hausse des recettes fiscales brutes de l'État, dont le corollaire est une augmentation des remboursements et dégrèvements, et, d'autre part, des différentes modifications de politiques fiscales, qui, à cause de la multiplication des exonérations, contribuent à la perte de recettes fiscales.
La mission s'est progressivement « étatisée ». Avec la suppression progressive de la taxe d'habitation sur les résidences principales et les réformes successives des impôts de production, les remboursements et dégrèvements sur les impôts locaux sont passés de 23 milliards d'euros en 2020 à 5 milliards d'euros en 2023, un montant désormais stabilisé. Sur la même période, l'évolution des remboursements et dégrèvements sur des impôts d'État a plus que compensé cette baisse, passant de 121 milliards d'euros à 141 milliards d'euros, soit désormais 97 % des crédits de la mission.
Je commencerai par examiner les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État. Les 141 milliards d'euros estimés pour 2026 représentent une baisse de 0,4 % par rapport à la dernière estimation à date pour 2025. Cette baisse masque toutefois deux évolutions contradictoires : si les remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État diminuent de 17 %, ceux qui sont corrélés à la mécanique de l'impôt et à diverses politiques publiques augmentent sensiblement.
Les remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État passent donc de 17,2 milliards d'euros en 2025 à 14,2 milliards d'euros en 2026. En pratique, il s'agit principalement du remboursement de sommes indûment perçues, dont la baisse en 2026 s'explique principalement par quelques dépenses importantes en 2025.
La première porte sur des remboursements d'exit tax. Pour mémoire, lors de leur départ, les contribuables visés par cet impôt sont imposables sur les plus-values latentes liées à des titres et droits sociaux, mais ils bénéficient d'un sursis d'imposition : l'exit tax n'est réellement due que si les contribuables cèdent lesdits titres et droits sociaux avant l'expiration d'un certain délai légal, bénéficiant dans le cas contraire d'un remboursement.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, un député de la majorité, aujourd'hui au gouvernement, avait déposé un amendement d'apparence technique visant à étendre le remboursement d'exit tax aux prélèvements sociaux, y compris pour les titres cédés avant 2014, alors qu'il se limitait auparavant à l'impôt sur le revenu. Cet amendement, repris par le gouvernement de l'époque dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, a entraîné des remboursements à hauteur de plus de 2 milliards d'euros sur les années 2024 et 2025.
Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, j'estime que le gouvernement avait pour responsabilité de mieux informer le Parlement sur le coût aussi élevé d'une mesure d'apparence technique, les services de la direction générale des finances publiques (DGFiP) étant assurément capables d'estimer les volumes en question. Ce déficit d'information est d'autant plus dommageable qu'il est ensuite aisé pour l'exécutif de masquer ces 2 milliards en exécution budgétaire, noyés dans les milliards de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
Je passe rapidement sur les autres remboursements et dégrèvements de sommes indues, en signalant simplement un versement de 1 milliard d'euros en 2025 induit par une décision définitive relative au volet indemnitaire du contentieux « précompte immobilier ». Il s'agit ici d'un dispositif fiscal que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé contraire au droit européen. Le Conseil d'État ayant manqué à son obligation de transmettre une question préjudicielle à la CJUE sur ce dispositif, les contribuables lésés ont engagé la responsabilité pour faute de l'État. Ces décisions sont anciennes, elles ont plus de dix ans et portent sur un régime créé en 1965, mais elles illustrent les coûts significatifs que peut entraîner une gestion approximative de la fiscalité de l'État.
S'agissant de la mécanique de l'impôt, sur la base des dernières estimations pour 2024, j'avais pointé, pour le PLF 2025, un risque de sous-estimation des crédits d'impôt sur les sociétés (IS) et de surestimation des crédits de TVA. Ces deux risques se sont effectivement matérialisés. À mes yeux, la DGFiP pourrait mieux communiquer sur les causes de la forte volatilité observée sur les remboursements d'impôt sur les sociétés. Toutefois, en termes de crédits budgétaires, les estimations proposées pour 2026 sont proches des crédits exécutés et n'appellent pas d'observation particulière.
J'en viens enfin aux remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques, qui, contrairement aux crédits précédemment évoqués, reflètent de vrais choix politiques.
Alors que les remboursements et dégrèvements diminuent dans l'ensemble en 2026, ceux qui sont liés à des politiques publiques sont en hausse, passant de 18,5 milliards à 19,4 milliards d'euros, sous l'effet notamment d'un recours croissant aux crédits d'impôt : il m'est apparu nécessaire d'interroger l'opportunité de ce choix.
Premièrement, les acomptes, avances et restitutions d'impôt sur le revenu devraient connaître une progression dynamique en 2026 - + 10 % par rapport aux dernières estimations pour 2025 -, après une hausse déjà soutenue en 2025 - + 8 % par rapport aux crédits exécutés en 2024 -, occupant chaque année une part croissante de l'impôt sur le revenu collecté - 8,4 % en 2026, contre 8,0 % en 2024.
Je note en particulier qu'en matière d'impôt sur le revenu, les remboursements et dégrèvements progressent notamment sous l'effet de la montée en charge du crédit d'impôt contemporain pour l'emploi d'un salarié à domicile : 1,8 milliard d'euros en 2025, 2,3 milliards d'euros en 2026.
Partant des derniers travaux de la Cour des comptes et du Conseil des prélèvements obligatoires (COR), je m'interroge sur le périmètre d'un dispositif aussi coûteux et peu contrôlable, portant sur des dépenses non contraintes pour certains contribuables. Le risque de travail dissimulé ne peut motiver à lui seul le maintien d'une dépense fiscale si conséquente pour les finances publiques. Il convient donc de mettre en débat la nature des dépenses, le taux de prise en charge et le profil socioéconomique des bénéficiaires.
L'autre crédit d'impôt coûteux auquel, vous le savez, je prête une grande attention est le crédit d'impôt recherche (CIR), qui continue de croître et qui est désormais projeté à plus de 8 milliards d'euros en 2025 et 2026.
Je peux m'appuyer cette année sur les travaux de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, qui a pointé plusieurs limites de ce dispositif. Premièrement, les grandes entreprises représentent 42 % des créances du crédit d'impôt recherche. Deuxièmement, ce sont ces grandes entreprises qui exploitent le mieux, fiscalement, le bénéfice de ce dispositif et font le plus diminuer leur IS net. Troisièmement, les économistes interrogés par la commission d'enquête estiment que le rapport efficacité-coût du CIR est très perfectible.
L'an passé, grâce à un amendement voté par la commission, nous avons pu commencer à recentrer ce dispositif. C'est un pas dans la bonne direction, mais il m'apparaît néanmoins toujours indispensable d'engager une réforme du CIR qui viserait a minima à établir une véritable différenciation par type d'entreprises et secteur d'activité.
Par ailleurs, sachant que la commission d'enquête estime leur montant à 211 milliards d'euros, les aides publiques aux entreprises devraient être assorties de conditions pour s'assurer de leur effectivité, en veillant à ce qu'elles stimulent effectivement la recherche réalisée en France. En cas de manquement avéré à ces conditions, il me paraîtrait justifié, conformément aux recommandations formulées par la commission d'enquête, d'instaurer un mécanisme de restitution, totale ou partielle, des aides perçues.
J'en viens maintenant au deuxième programme de cette mission, qui concerne les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux. Les crédits évalués pour 2026 s'élèvent à 4,6 milliards d'euros et sont stables par rapport à la dernière évaluation à date pour 2025.
Comme je vous l'indiquais en introduction, ce programme a été vidé d'une grande partie de sa substance avec la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales et les baisses d'impôts de production.
Les remboursements de taxe foncière, qui ont presque doublé de 2018 à 2024, se stabilisent depuis cette date autour de 2 milliards d'euros et constituent désormais près de la moitié des crédits du programme.
Quant aux remboursements de taxe d'habitation, ils auraient dû connaître une trajectoire à la baisse encore plus marquée, mais ils ont dû être largement revus à la hausse pour financer d'importants dégrèvements consécutifs à la mise en place de l'outil Gérer mes biens immobiliers (GMBI) : après un premier dégrèvement massif de 1,3 milliard d'euros en 2024, un an plus tard, les dégrèvements s'élevaient toujours à plus de 800 millions d'euros. Si la DGFiP s'attend désormais à un retour à la normale, elle était déjà rassurante l'an passé. Je continuerai donc de suivre ce dossier avec attention, s'agissant tout de même de dégrèvements annuels de plusieurs centaines de millions d'euros.
Mes chers collègues, en conclusion, je vous invite à voter en faveur des crédits de la mission.
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Je m'interroge sur la régularité de la rétroactivité fiscale du dispositif que vous avez évoqué s'agissant de l'exit tax, et sur le fait qu'il n'ait donné lieu à aucun contentieux.
Je partage par ailleurs vos observations sur le CIR. Chaque année, je dépose un amendement pour le réaménager. Je vous engage, mes chers collègues, à franchir le pas cette année et à considérer qu'au-delà de 100 millions d'euros, il faut flécher le CIR vers les PME, PMI et ETI. Je vous rappelle que 1 euro de CIR dans une PME ou une ETI représente un effet de levier de 1,2 euro, contre 0,6 dans un grand groupe.
J'aimerais également que nous favorisions la recherche publique au travers de ce dispositif. On parle d'une niche fiscale de 7,8 milliards d'euros ; il serait bon qu'une grande partie de cette somme nous aide à financer nos laboratoires publics, pour instaurer une sorte de cercle vertueux.
M. Michel Canévet. - Je ne suis pas opposé à des évolutions sur le CIR - on peut essayer de mieux le cibler -, mais il faut rester prudent. Mardi matin, les dirigeants d'une entreprise de chauffage et de froid industriel de 400 personnes dans le Finistère m'ont rappelé combien le CIR leur était utile pour maintenir leur dynamique d'innovation et avoir toujours un coup d'avance, car les pays étrangers s'approprient rapidement les technologies.
Le CIR nous aide aussi pour tenter d'atteindre l'objectif de la stratégie de Lisbonne d'affecter 3 % du PIB à la recherche. Nous ne pourrons pas y parvenir en nous appuyant seulement sur des fonds publics, compte tenu de l'état extrêmement dégradé de nos finances.
Je veux aussi interroger le rapporteur spécial sur les dégrèvements de taxe d'habitation. Correspondent-ils à chaque fois à un décaissement de la part de l'État ou parfois à une simple opération comptable, par exemple si un contribuable ne s'est pas acquitté d'un avis d'imposition qu'il a décidé de contester ?
Le crédit d'impôt contemporain me semble utile pour permettre à des familles qui n'en ont pas les moyens de recourir à des services à la personne. Ne serait-il pas envisageable de fixer un seuil de revenus au-dessus duquel on ne pourrait pas prétendre immédiatement à ce crédit d'impôt ?
Enfin, l'importance des dégrèvements de TVA suggère certainement un problème de fraude, identifié par la commission d'enquête précitée. Des actions complémentaires ne devraient-elles pas être envisagées ? Qu'en pense le rapporteur ?
M. Pierre Barros. - La suppression de la taxe d'habitation coûte beaucoup à l'État, mais aussi aux collectivités, car l'évolution de la compensation par l'État est illisible et insuffisante. Parviendrons-nous un jour, lorsqu'un impôt est supprimé, à ce qu'il soit durablement compensé dans des conditions satisfaisantes pour les territoires ?
Voilà quelques années, les collectivités locales et l'État ont renoncé à percevoir temporairement un certain nombre de contributions et d'impôts pour inciter l'entreprise FedEx à s'installer sur le hub de Roissy. Le dégrèvement est donc aussi un outil utilisé pour attirer des entreprises, souvent d'envergure internationale. Sommes-nous capables de quantifier ce genre de pratiques ?
Mme Christine Lavarde. - Les grands gagnants de la mise en place de l'outil GMBI ont été les collectivités. Les contribuables ont payé l'impôt, l'État l'a reversé aux collectivités sur la base de données qu'il considérait comme correctes, puis les contribuables ont attaqué l'État, qui les a remboursés. D'où les montants très significatifs que le rapporteur a cités. Comme lui, j'estime que les choses vont s'améliorer. En réalité, tout le travail de mise à jour de la base de données réalisé après l'erreur de 1 milliard d'euros en 2023 a été effacé, et certains contribuables ont pu être imposés à tort deux années de suite. C'est le cas par exemple des pompiers de Paris, considérés comme étant en résidence secondaire dans leur caserne, car la Ville de Paris avait annulé la correction des bases effectuée par l'État. Le système a désormais été consolidé, et le nombre d'erreurs devrait logiquement diminuer.
Cette plateforme GMBI présente par ailleurs un intérêt assez puissant pour la mise à jour des valeurs locatives des locaux d'habitation. Les propriétaires-bailleurs ont été contraints, il y a près de deux ans, de déclarer le niveau de loyer qu'ils demandaient à leurs locataires, dans l'idée de pouvoir réviser les valeurs locatives. Nous devrons délibérer, dans le cadre du projet de loi de finances, d'une nouvelle prorogation de cette réforme. La DGFiP envisage-t-elle une collecte annuelle des informations sur le niveau des loyers ?
M. Thierry Cozic. - Un certain nombre de difficultés pointées dans le rapport ne s'expliquent-elles pas par un manque d'études d'impact et de préparation des décisions prises par le Gouvernement ? Dans ce contexte, je m'étonne des nouvelles suppressions d'emplois à la DGFiP prévues dans le budget pour 2026.
M. Jean-Raymond Hugonet. - À l'heure où l'on traque activement le milliard d'euros d'économies dans le projet de budget, certains points évoqués par le rapporteur ont en effet de quoi agacer, quelles que soient nos sensibilités.
Si je comprends bien la tonalité générale du rapport, la DGFiP travaille de façon très cohérente. Nous sommes très innovants dans notre pays pour créer des dispositifs qui s'enchevêtrent, auxquels plus personne ne comprend rien, en revanche, et pour paraphraser La Fontaine, nous nous hâtons avec lenteur pour les corriger.
Face à cette usine à gaz fiscale, les moyens de contrôle de la DGFiP vous paraissent-ils suffisants, monsieur le rapporteur ? Comme dans les préfectures, on a le sentiment que les personnels n'arrivent plus à répondre à la demande.
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. - Madame Paoli-Gagin, pour ce qui est des remboursements d'exit tax, ils étaient limités aux cessions antérieures à 2014. La question de la rétroactivité ne se posait pas au cas présent, s'agissant d'une mesure favorable aux contribuables, qui ne porte pas atteinte à des situations légalement acquises.
Sur le CIR, je pense à titre personnel que nous aurions pu mener une mission flash pour croiser les avis. Nous mobilisons 8 milliards d'euros d'argent public chaque année et nous voulons des résultats en termes de recherche appliquée, d'industrie, etc. Le débat ne manquera pas d'avoir lieu prochainement, à l'occasion du PLF, y compris sur son éventuel fléchage vers la recherche publique.
Pour répondre à M. Canévet, le dégrèvement de la taxe d'habitation est bien à la charge de l'État.
Concernant les crédits d'impôt contemporains, il s'agit d'une invitation plutôt qu'une directive. Il convient de regarder les taux de prise en charge et les profils économiques des bénéficiaires. Se pose la question de ce qui doit relever d'un crédit d'impôt ou d'une prestation ; je pense notamment à l'accompagnement pour la petite enfance, les personnes handicapées et isolées.
Concernant la fraude à la TVA, je ne peux pas donner de garanties à 100 %, mais la DGFiP a réalisé de réels progrès ; il s'agit d'encourager leur travail.
Sur l'utilisation de la plateforme GMBI pour aider à la révision des valeurs locatives cadastrales d'habitation, c'est une piste très prometteuse et d'ailleurs, la Cour des comptes a fait une recommandation similaire dans son rapport sur GMBI. Comme vous le savez toutefois, sur cette question centrale de la révision des valeurs locatives cadastrales, les blocages sont autant politiques que techniques.
Pour répondre à M. Cozic sur les études d'impact, les crédits de la mission sont évaluatifs et comportent une grande part d'incertitude. Pour que les estimations réalisées soient mieux contrôlées, les décisions, sans doute trop nombreuses, devraient être précédées d'études d'impact. Il s'agit de développer notre esprit critique à partir d'éléments fiables.
La DGFiP aurait sans doute besoin d'un temps supplémentaire dédié à la formation. Sachant l'évolution fréquente de nos dispositifs fiscaux et financiers, il n'est pas évident pour une administration de s'adapter aussi vite. Par ailleurs, certains emplois ont été supprimés.
Enfin, je ne dispose d'aucune information sur les dégrèvements favorisant l'implantation d'entreprises sur le territoire français.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
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Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
M. Olivier RIETMANN et M. Fabien GAY, président et rapporteur de la Commission d'Enquête du Sénat sur la transparence et l'évaluation des aides publiques aux entreprises
Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique - Direction générale des finances publiques (DGFiP)
- M. Denis BOISNAULT, sous-directeur des professionnels et de l'action en recouvrement au sein du service de la gestion fiscale ;
- Mme Carole MAUDET, sous-directrice du contrôle fiscal, du pilotage et de l'expertise juridique ;
- Mme Sophie MAILLARD, cheffe du département des études et statistiques fiscales.
Cour des comptes - Magistrats de la 1ère chambre
- M. Guilhem BLONDY, conseiller maître ;
- Mme Fabienne ROSENWALD, conseiller maître en service extraordinaire ;
- M. Pierre FAROUILH, conseiller référendaire en service extraordinaire.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html
* 1 Commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, Sénat, rapport n° 808 (2024-2025) du 1er juillet 2025.
* 2 À l'exception des dégrèvements de la majoration de la taxe d'habitation pour les résidences secondaires résultant de l'application du II de l'article 1407 ter du code général des impôts.
* 3 En application de l'article 10 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, ont un caractère évaluatif les crédits relatifs aux charges de la dette de l'État, aux remboursements, restitutions et dégrèvements et à la mise en jeu des garanties accordées par l'État.
* 4 Il s'agit de reporter un crédit de TVA sur les périodes d'imposition suivantes. Le crédit est alors imputé dès que possible sur un solde de TVA à reverser, constaté sur les déclarations déposées ultérieurement.
* 5 La simulation de l'INSEE se fondait pour une large part sur les données issues des contrôles sur place qui, par biais de sélection, tendent à surestimer le niveau de fraude. La DGFiP s'est attachée à mieux exploiter les données à sa disposition en matière de contrôle sur place, mais aussi de contrôle sur pièces, où l'importance relative de la fraude est plus réduite, en réalisant par ailleurs des contrôles aléatoires.
* 6 Rapport d'information n° 72 (2022-2023), déposé le 25 octobre 2022, « Fraude et évasion fiscales : faire les comptes et intensifier la lutte ».
* 7 Le dropshipping ou « livraison directe » est une vente sur internet dans laquelle le vendeur ne se charge que de la commercialisation et de la vente du produit. C'est le fournisseur du vendeur qui expédie la marchandise au consommateur final. Le consommateur n'a généralement ni connaissance de l'existence du fournisseur ni de son rôle.
* 8 Soit les sous-actions 200-12-08 et 200-12-10.
* 9 Crédit d'impôt innovation.
* 10 Ainsi que les versements au titre de conventions fiscales bilatérales avec la Belgique, le Maroc et la Suisse.
* 11 Loi du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, article 11.
* 12 La LFI 2024 étend le dégrèvement de prélèvements sociaux dont bénéficient les contribuables sur les plus-values latentes sur les droits ou valeurs conservés pendant un certain nombre d'années, lorsque le transfert de leur domicile fiscal est intervenu à compter du 1er janvier 2014, aux contribuables ayant transféré leur domicile fiscal avant cette date.
* 13 Ainsi que ceux portant sur l'impôt sur la fortune immobilière et ceux portant sur la taxe sur les salaires.
* 14 Le contentieux Messer France est relatif à la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Dans ses conclusions du 25 juillet 2023, la CJUE a considéré que la CSPE, dans sa version d'avant 2016, ne devait pas avoir des finalités de cohésion territoriale et sociale et des finalités administratives. Les contribuables peuvent donc prétendre à un remboursement partiel de CSPE. Son traitement par la commission de régulation de l'énergie ne consiste pas en l'application de décisions de justice, mais en des transactions visant à permettre le désistement de requêtes déposées devant le TA Paris.
* 15 Hors part transactionnelle et reliquat juridictionnel du contentieux Messer France.
* 16 Cour des comptes, référé du 30 mai 2013 sur les contentieux précompte mobilier et OPCVM.
* 17 Loi de finances rectificatives pour 2012, n° 2012-958 du 16 août 2012.
* 18 Le jugement d'un contentieux individuel est attendu, concernant une fraude de type carrousel. La société incriminée avait formé en 2019 un pourvoi devant le Conseil d'État, qui a renvoyé l'affaire devant la Cour administrative d'appel.
* 19 Entrant dans la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.
* 20 La règle dite du « doublement de l'assiette » du crédit d'impôt recherche (CIR) qui permet à un donneur d'ordre privé, externalisant une activité de R&D à une entité publique de recherche, de déclarer à l'administration fiscale le double des dépenses facturées par l'entité.
* 21 Règle remplacée en 2022 par la création d'un crédit d'impôt en faveur de la recherche collaborative.
* 22 Commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, Sénat, rapport n° 808 (2024-2025) du 1er juillet 2025.
* 23 Projet de loi de finances pour 2025, annexe générale, « Rapport sur les politiques nationales de
recherche et de formations supérieures ».
* 24 Le « taux d'IS net » est calculé en divisant l'IS net (effectivement payé par la société) par l'IS brut (calculé sans prendre en compte les crédits et réductions d'impôt).
* 25 IGF, mars 2024, Revue de dépenses : les aides aux entreprises, fiche n° 7.
* 26 Cour des comptes, Analyse de l'exécution budgétaire 2024, avril 2025.
* 27 « Le soutien de l'État aux services à la personne », mars 2024.
* 28 « Conforter l'égalité des citoyens devant l'imposition des revenus », octobre 2024.
* 29 Selon le sous-titre du rapport publié par la Cour des comptes à ce sujet : Gérer mes biens immobiliers, Cour des comptes, janvier 2025.
* 30 D'après la DGFiP, 82 % des locaux des « petits propriétaires » (moins de 200 biens) et 45 % de ceux des « grands propriétaires » (bailleurs sociaux et privés, grandes collectivités territoriales...) ont fait l'objet d'une déclaration d'occupation en 2023.
* 31 À l'exception des dégrèvements de la majoration de la taxe d'habitation pour les résidences secondaires résultant de l'application du II de l'article 1407 ter du code général des impôts.
* 32 D'après la DGFiP, le taux de locaux déclarés pour la campagne 2024 s'est ainsi élevé à 88 % pour les « petits propriétaires », et à 78 % pour les « grands propriétaires ».
* 33 En matière de taxation, les montants mis en recouvrement ont été de 3,9 milliards d'euros pour la THRS 2024 et 194 millions d'euros pour la THLV 2024.
* 34 L'article 110 de la loi de finances pour 2025 a simplifié la taxation en recentrant, d'une part, le champ d'application de la THRS par l'exclusion des locaux à usage professionnel et, d'autre part, en excluant plus largement certains logements liés à l'hébergement des personnes en difficulté.
L'article 115 de la loi de finances pour 2025 prévoit que les locataires d'une résidence secondaire doivent la déclarer sur leur déclaration de revenus en ligne.








