- L'ESSENTIEL
- PREMIÈRE PARTIE
LES GRANDS ENJEUX BUDGÉTAIRES
DE LA MISSION « SOLIDARITÉ, INSERTION
ET ÉGALITÉ DES CHANCES » EN 2026
- I. LES CRÉDITS DE LA MISSION
« SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES
CHANCES » DIMINUERAIENT EN 2026 POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS
DIX ANS
- A. UNE MISSION PERMETTANT LE FINANCEMENT DE
DIVERSES POLITIQUES DANS LE DOMAINE DE L'INCLUSION SOCIALE, DU HANDICAP ET DE
L'ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
- B. LES CRÉDITS DE LA MISSION ONT FORTEMENT
AUGMENTÉ DEPUIS LE DÉBUT DE LA PRÉCÉDENTE
MANDATURE
- C. EN 2026, LA MISSION
« SOLIDARITÉ » CONTRIBUERAIT POUR LA
PREMIÈRE FOIS À LA RÉDUCTION DU DÉFICIT PUBLIC,
AU-DELÀ MÊME DE LA CIBLE PRÉVUE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION
DES FINANCES PUBLIQUES
- A. UNE MISSION PERMETTANT LE FINANCEMENT DE
DIVERSES POLITIQUES DANS LE DOMAINE DE L'INCLUSION SOCIALE, DU HANDICAP ET DE
L'ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
- II. LES CRÉDITS DE LA PRIME
D'ACTIVITÉ ET DE L'ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS (AAH) SONT
LES PRINCIPAUX DÉTERMINANTS DES DÉPENSES DE LA MISSION
- A. LA DÉPENSE DE PRIME D'ACTIVITÉ,
DONT LA DYNAMIQUE ÉTAIT TRÈS IMPORTANTE CES DERNIÈRES
ANNÉES, DIMINUERAIT EN 2026
- B. MALGRÉ « L'ANNÉE
BLANCHE », L'AAH CONNAITRAIT UNE AUGMENTATION SOUTENUE, NOTAMMENT DU
FAIT DE LA PROGRESSION DE L'AAH-2
- A. LA DÉPENSE DE PRIME D'ACTIVITÉ,
DONT LA DYNAMIQUE ÉTAIT TRÈS IMPORTANTE CES DERNIÈRES
ANNÉES, DIMINUERAIT EN 2026
- I. LES CRÉDITS DE LA MISSION
« SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES
CHANCES » DIMINUERAIENT EN 2026 POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS
DIX ANS
- DEUXIÈME PARTIE
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
- I. VERS UN DÉSENGAGEMENT DE L'ETAT DES
POLITIQUES SOCIALES PORTÉES PAR LES COLLECTIVITÉS ?
- II. MALGRÉ LA BAISSE DES CRÉDITS, LES
MOYENS DÉDIÉS À L'AIDE ALIMENTAIRE SERAIENT
SANCTUARISÉS DANS UN CONTEXTE DE PERSISTANCE DE LA
PRÉCARITÉ
- A. UNE HAUSSE DE L'INSÉCURITÉ
ALIMENTAIRE, QUANTITATIVE COMME QUALITATIVE, CES DERNIÈRES
ANNÉES
- B. L'AIDE ALIMENTAIRE : DES CRÉDITS
PRÉSERVÉS DES COUPES BUDGÉTAIRES
- 1. Les crédits de l'aide alimentaire
progresseraient légèrement par rapport à la
budgétisation initiale pour 2025
- 2. Une légère augmentation en
budgétisation initiale qui masque une diminution faute d'enveloppe
exceptionnelle ouverte en fin d'année
- 3. Une surprogrammation des fonds européens
qui semble porter ses fruits
- 1. Les crédits de l'aide alimentaire
progresseraient légèrement par rapport à la
budgétisation initiale pour 2025
- A. UNE HAUSSE DE L'INSÉCURITÉ
ALIMENTAIRE, QUANTITATIVE COMME QUALITATIVE, CES DERNIÈRES
ANNÉES
- III. LES ÉTABLISSEMENTS
MÉDICO-SOCIAUX FINANCÉS PAR LA MISSION FONT FACE À DES
CHARGES GRANDISSANTES MAIS MAL COMPENSÉES
- IV. UNE HAUSSE DES MOYENS DÉDIÉS
À LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ENTIÈREMENT
CAPTÉE PAR L'AIDE UNIVERSELLE D'URGENCE
- A. L'AUGMENTATION - DÉJÀ FAIBLE -
DES CRÉDITS DU PROGRAMME 137 EST ENTIÈREMENT CAPTÉE
PAR L'AIDE UNIVERSELLE D'URGENCE
- B. DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE DIFFICILE,
LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES DOIT SE CONCENTRER SUR QUELQUES
AXES PRIORITAIRES
- 1. Certains postes de dépenses sont mieux
pourvus et ne nécessitent pas de crédits
supplémentaires
- 2. Quels chantiers prioritaires dans la disette
budgétaire ?
- a) Les dispositifs d'accès aux droits et la
prise en charge des victimes peuvent être améliorées
- (1) Les centres d'information sur les droits des
femmes et des familles (CIDFF) : un réseau crucial mais
fragilisé
- (2) Les lieux d'écoute, d'accueil et
d'orientation (LEAO) et les accueils de jour (AJ) : une refonte
prévue pour 2026
- b) La mise à l'abri et l'hébergement
constituent un axe majeur de progrès
- a) Les dispositifs d'accès aux droits et la
prise en charge des victimes peuvent être améliorées
- 1. Certains postes de dépenses sont mieux
pourvus et ne nécessitent pas de crédits
supplémentaires
- A. L'AUGMENTATION - DÉJÀ FAIBLE -
DES CRÉDITS DU PROGRAMME 137 EST ENTIÈREMENT CAPTÉE
PAR L'AIDE UNIVERSELLE D'URGENCE
- I. VERS UN DÉSENGAGEMENT DE L'ETAT DES
POLITIQUES SOCIALES PORTÉES PAR LES COLLECTIVITÉS ?
- EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
- EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
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N° 139 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026, |
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Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de
finances) |
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Rapporteurs spéciaux : MM. Arnaud BAZIN et Pierre BARROS |
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(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l'État en faveur des personnes les plus fragiles. Elle finance notamment la prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
I. POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS 2017, LES CRÉDITS DE LA MISSION DIMINUERAIENT SENSIBLEMENT
Les crédits demandés au titre de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2026 s'élèvent à 29,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Plus des trois quarts de ce total est consacré respectivement au financement de la prime d'activité (9,3 milliards d'euros) et de l'AAH (14,6 milliards d'euros).
Le niveau des crédits de la mission diminuerait de près d'un milliard d'euros par rapport à 2025 (- 2,7 % en CP par rapport à la LFI 2025).
Pour la première fois depuis 2017, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » diminueraient, de 2,7 %.
Cette diminution des dépenses s'explique par une forte baisse des dépenses de prime d'activité (- 8,8 %), principalement du fait de mesures paramétriques prises en 2025 et à venir en 2026, ce qui compense largement le dynamisme plus maîtrisé de l'AAH (+ 1,7 %). Le principe de « l'année blanche », prévu par l'article 44 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, induit également une stabilisation des dépenses par une neutralisation de « l'effet prix ».
Évolution des crédits de la mission entre 2018 et 2026 (CP)
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les crédits de la mission se caractérisent par une dynamique importante sur la période récente, liée à sa mobilisation face aux crises. Cette situation s'est notamment traduite, ces dernières années, par l'augmentation pérenne de la prime d'activité décidée en réponse à l'urgence sociale exprimée par le mouvement des « gilets jaunes » (+ 4,4 milliards d'euros annuels), et par le versement de plusieurs aides exceptionnelles (en 2020 lors de la crise sanitaire pour 1,9 milliard d'euros), en 2021 avec l'indemnité inflation (pour 3,2 milliards d'euros) et en 2022 avec l'aide exceptionnelle de rentrée (pour 1,2 milliard d'euros).
À rebours de cette tendance, les dépenses de la mission s'établiraient largement en-deçà du plafond de 32,8 milliards d'euros prévu par l'article 13 de la loi de programmation des finances publiques.
Trajectoire prévue pour la mission par la
loi de programmation
des finances publiques pour les années
2023 à 2027
(en milliards d'euros)
Source : commission de finances du Sénat, d'après l'article 13 de la LPFP 2023-2027
II. TROIS POINTS DE VIGILANCE POUR 2026 : LE SOUTIEN AUX TRAVAILLEURS HANDICAPÉS, L'AIDE ALIMENTAIRE ET LA CONTRAINTE QUI PÈSE SUR LES CRÉDITS DÉDIÉS AUX DROITS DES FEMMES
A. L'ARTICLE 79 DU PLF ABOUTIRAIT À PRIVER LES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS DE 170 EUROS PAR MOIS EN MOYENNE
Pour 108 000 allocataires de l'AAH et bénéficiaires de la prime d'activité, le montant de la première allocation est pris en compte comme un revenu professionnel pour le calcul de la seconde, une dérogation favorable aux travailleurs handicapés. L'article 79 du PLF pour 2026 prévoit néanmoins de supprimer cette modalité de calcul dérogatoire, ce qui aurait pour effet de priver de la prime d'activité 87 % des travailleurs handicapés, dont 95 % des travailleurs en ESAT, qui bénéficient aujourd'hui des deux prestations. Le montant moyen de pertes monétaires pour les personnes concernées serait de 170 euros par mois. Cette mesure engendrerait 90 millions d'euros de moindres dépenses en 2026 et 225 millions d'euros en année pleine.
Impact de l'article 79 sur les travailleurs handicapés
|
La proportion de travailleurs en ESAT qui perdraient le bénéfice de la prime d'activité |
Le montant mensuel, en euros, de la perte de prime d'activité pour les travailleurs concernés |
Impact budgétaire de l'article 79 en 2025 |
Source : commission des finances du Sénat
Les rapporteurs spéciaux considèrent toutefois que le montant des économies attendues ne justifie pas d'appauvrir ainsi les travailleurs les plus vulnérables. En outre, la perte de la prime d'activité aura pour effet, pour de nombreux travailleurs handicapés, de les priver d'un complément de ressources et d'une incitation au travail, en totale contradiction avec les objectifs d'intégration des personnes handicapées par le travail poursuivis par les pouvoirs publics.
C'est pourquoi les rapporteurs spéciaux, par leur amendement FINC.1, proposent de supprimer l'article 79. Ils relèvent que cette suppression n'implique pas nécessairement d'abandonner tout objectif d'économies sur la prime d'activité ; un recentrage de cette prime sur les travailleurs les plus modestes via une mesure paramétrique prise par voie réglementaire constitue une solution alternative plus efficace et plus juste pour atteindre l'objectif d'économies initialement prévu.
B. UN RELATIF MAINTIEN DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'AIDE ALIMENTAIRE DANS UN CONTEXTE DE PERSISTANCE DE LA PRÉCARITÉ
L'augmentation de l'insécurité alimentaire continue d'être documentée. D'une part, les associations remarquent un accroissement des besoins en matière d'aide alimentaire : la Fédération française des banques alimentaires (FFBA) a ainsi constaté une forte hausse du nombre de demandeurs depuis 2023, passé de 1,8 à 2,4 millions de personnes. Ensuite, le public concerné change, les actifs précaires et les jeunes étant plus nombreux qu'avant la crise inflationniste. Enfin, la précarité alimentaire qualitative augmente : le taux de personnes déclarant des restrictions sur leur budget alimentaire est passé de 33 % en 2020 à 49 % en 2025.
Évolution du sentiment de restriction sur
le budget alimentaire
dans la population générale
Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport du Crédoc 2024
En 2026, la hausse des crédits dédiés à l'aide alimentaire dans la budgétisation initiale se poursuit : les refus d'apurement à FranceAgriMer se stabilisent à un niveau bas (10,4 millions d'euros), permettant le financement de nouvelles mesures (+ 10 millions d'euros pour l'aide alimentaire déconcentrée). Cependant, plusieurs programmes sont gelés à leur niveau de 2025 : c'est notamment le cas du crédit national des épiceries solidaires (CNES) et du programme « Mieux manger pour tous » alors que, les prix s'étant stabilisés mais n'ayant pas diminué, la situation des associations d'aide alimentaire restait très précaire.
Toutefois, les moyens exceptionnels ouverts en fin de gestion en 2023 et reporté sur l'exercice 2024 ne seraient reconduits ni en 2025, ni en 2026. Pour cette raison, les associations d'aide alimentaire ont alerté les rapporteurs spéciaux sur le fait que la hausse de leurs crédits en budgétisation initiale s'établissait néanmoins à un niveau inférieur à l'exécution des années précédentes.
C. UNE HAUSSE DES MOYENS DÉDIÉS AUX DROITS DES FEMMES INTÉGRALEMENT CAPTÉE PAR L'AIDE UNIVERSELLE D'URGENCE
Les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » s'élèvent à 95,6 millions d'euros en AE et en CP, soit une augmentation de 1,7 % en AE et en CP par rapport à la LFI pour 2025.
Évolution des crédits du
programme 137
« Égalité entre les femmes et
les hommes » entre 2017 et 2026
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Comme l'année précédente, l'augmentation des crédits constatée est entièrement absorbée par la mise en oeuvre de l'aide exceptionnelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales. Les crédits consacrés à cette aide, qui étaient de 20,4 millions d'euros dans la LFI pour 2025 après 13 millions d'euros dans la LFI 2024, seraient de 26,4 millions d'euros pour 2026, soit une augmentation de 29,4 %. Les autres dispositifs de la mission demeurent globalement financés à leur niveau de 2025.
Les rapporteurs déplorent la faible augmentation des crédits dédiés aux dispositifs de soutien et de prise en charge des victimes de violences conjugales, bien qu'ils saluent la décision du Gouvernement de les préserver des baisses de crédits. Ils appellent, dans la lignée de leur récent rapport de contrôle sur le sujet, à orienter les moyens de la lutte contre les violences et de la prise en charge des victimes vers quelques axes prioritaires, comme la refonte des accueils de jours et lieux d'écoute, d'accueil et d'orientation (LEAO) ou le développement de l'hébergement spécialisé.
Réunie le 28 octobre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission. Elle a également décidé de proposer la suppression de l'article 79.
Réunie le 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission confirme définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France de 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », « Sport, jeunesse et vie associative » ainsi que les comptes spéciaux et les articles qui s'y rattachent.
L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, les rapporteurs spéciaux avaient reçu 3 % des réponses portant sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
À la date d'examen en commission de la mission, le 28 octobre 2025, les rapporteurs spéciaux ont obtenu 49 % des réponses.
PREMIÈRE PARTIE
LES GRANDS ENJEUX BUDGÉTAIRES
DE LA MISSION
« SOLIDARITÉ, INSERTION
ET ÉGALITÉ DES
CHANCES » EN 2026
I. LES CRÉDITS DE LA MISSION « SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES » DIMINUERAIENT EN 2026 POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS DIX ANS
A. UNE MISSION PERMETTANT LE FINANCEMENT DE DIVERSES POLITIQUES DANS LE DOMAINE DE L'INCLUSION SOCIALE, DU HANDICAP ET DE L'ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l'État en faveur des personnes les plus fragiles.
Les autorisations d'engagement (AE) demandées s'élèvent à 29,5 milliards d'euros en projet de loi de finances (PLF) pour 2026 contre 30,3 milliards d'euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2025, soit une baisse de 2,75 %.
Les crédits de paiement (CP) demandés s'élèvent également à 29,5 milliards d'euros en PLF 2026, contre 30,3 milliards d'euros en LFI 2025, soit une baisse de 2,73 %.
Pour 2026, la mission se décompose en trois programmes :
- le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » porte notamment les crédits de la prime d'activité. Il permet de financer les politiques d'aide alimentaire, les actions relatives à la qualification en travail social, les mesures de protection juridique des majeurs, ou encore le soutien à la politique de l'enfance. Il concourt entre autres au financement du « Pacte des solidarités », qui fait suite à la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté. Les crédits demandés s'élèvent à 13,1 milliards d'euros en AE et en CP, soit une baisse de 7,32 % par rapport à la LFI 2025 ;
- le programme 157 « Handicap et dépendance » porte notamment les crédits de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Il assure également le financement de l'aide au poste versée aux établissements et services d'aide par le travail (ESAT). Les crédits demandés pour 2026 s'élèvent à 16,2 milliards d'euros en AE comme en CP, soit une hausse de 1,25 % par rapport à la LFI 2025 ;
- enfin, le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » vise notamment à financer des actions d'accès au droit, de lutte contre les violences faites aux femmes et destinées à favoriser l'émancipation économique des femmes. Les crédits demandés pour 2026 s'élèvent à 95,6 millions d'euros en AE et en CP, soit une légère hausse de 1,73 % en AE et en CP.
Les crédits des programmes de la mission
« Solidarité, insertion
et égalité des
chances » en LFI 2025 et en PLF 2026
(en millions d'euros et en pourcentage)
|
Programme |
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Variation 2026/2025 |
|||
|
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
|
Programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » |
14 156,0 |
14 157,1 |
13 120,1 |
13 121,3 |
- 7,32 % |
- 7,32 % |
|
Programme 157 « Handicap et dépendance » |
16 062,4 |
16 057,6 |
16 262,8 |
16 265,3 |
+ 1,25 % |
+ 1,29 % |
|
Programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » |
94,0 |
94,0 |
95,6 |
95,6 |
+ 1,73 % |
+ 1,73 % |
|
TOTAL |
30 312,3 |
30 308,7 |
29 478,5 |
29 482,3 |
- 2,75 % |
- 2,73 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
B. LES CRÉDITS DE LA MISSION ONT FORTEMENT AUGMENTÉ DEPUIS LE DÉBUT DE LA PRÉCÉDENTE MANDATURE
Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se caractérisent par un taux de croissance annuel moyen très élevé (11,1 % entre 2018 et 2022). Comme l'illustre le graphique ci-après, cette dynamique est largement liée à la mobilisation de la mission pour financer la réponse à des situations d'urgence économique et sociale. Entre les années 2019 et 2022, les crédits de la mission ont augmenté de 22,3 %, au rythme des crises sociales.
La hausse à 90 euros du bonus individuel de la prime d'activité avait ainsi constitué en 2019 l'un des principaux vecteurs utilisés par le Gouvernement pour répondre à l'urgence sociale exprimée par le mouvement des « gilets jaunes ». Cette mesure représente un coût annuel pérenne d'environ 4,4 milliards d'euros.
L'exercice 2020 avait ensuite été marqué par le financement d'une série de mesures d'urgence en réponse à la crise sanitaire, avec l'ouverture de 2,7 milliards d'euros en lois de finances rectificatives, au premier rang desquelles les aides exceptionnelles de solidarité (AES) en faveur des ménages modestes (1,9 milliard d'euros), ainsi qu'un plan d'urgence en faveur de l'aide alimentaire (94 millions d'euros), de l'aide sociale à l'enfance (50 millions d'euros) et de lutte contre les violences conjugales dans le contexte des confinements (4 millions d'euros).
La seconde loi de finances rectificative pour 20211(*) a d'abord prévu une indemnité inflation de 100 euros devant être versée à toute personne percevant moins de 2 000 euros de revenu net mensuel2(*). Cette indemnité exceptionnelle a concerné 38 millions de personnes et représenté un coût de 3 milliards d'euros sur le périmètre de la mission durant l'exercice 2021.
Durant l'année 2022, de nouveaux crédits ont été ouverts par la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, afin de financer une aide exceptionnelle de rentrée destinée aux ménages les plus modestes bénéficiaires des minima sociaux et de la prime d'activité, représentant un coût de 1 350 millions d'euros. Mise en oeuvre par le décret n° 2022-1234 du 14 septembre 2022, bénéficiant aux allocataires des minima sociaux3(*), celle-ci a été fixée à 100 euros, auxquels s'ajoutent 50 euros par enfant à charge effective et permanente. Elle a concerné environ 10 millions de foyers. Pour les bénéficiaires de la seule prime d'activité, le montant de l'aide s'élève à 28 euros, majoré de 14 euros par enfant à charge.
Si la mobilisation de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » en réponse aux crises sociales a cessé à compter de 2023, ses dépenses ont continué à progresser à périmètre constant, atteignant même un pic de 31,1 milliards d'euros en 2024. Si l'année 2025 a vu l'une des rares diminution de crédits de la mission à périmètre courant (- 1,5 %), elle dissimulait en réalité une hausse des crédits (+ 2,9 %) à périmètre constant.
Ainsi, l'année 2026 constituerait la première année depuis 2017 où les crédits de la mission enregistreraient une véritable diminution, tant à périmètre constant qu'à périmètre courant, par rapport à l'année précédente.
Évolution des crédits de la mission
à périmètre courant et constant
entre 2018 et
2026 (CP)
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
C. EN 2026, LA MISSION « SOLIDARITÉ » CONTRIBUERAIT POUR LA PREMIÈRE FOIS À LA RÉDUCTION DU DÉFICIT PUBLIC, AU-DELÀ MÊME DE LA CIBLE PRÉVUE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES
Le budget demandé pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » représente un total de 29,5 milliards d'euros à périmètre courant. Toutefois, compte-tenu du transfert en LFI 2025 du programme « support » des ministères sociaux à la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » les dépenses de la mission sont légèrement plus importantes à périmètre constant : elles représenteraient ainsi environ 30,9 milliards d'euros en 2026 sans ce transfert.
Les crédits de la mission s'établissent ainsi sensiblement en dessous du plafond des crédits alloués à cette mission pour 2026 par l'article 13 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023-2027, fixé à 32,8 milliards d'euros à périmètre constant.
Trajectoire
prévue pour la mission par la loi de programmation
des finances
publiques pour les années 2023 à 2027
(en milliards d'euros)
Source : commission de finances du Sénat, d'après l'article 13 du projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027
Alors qu'en 2025, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s'établissaient à environ 31,7 milliards d'euros à périmètre constant - soit légèrement en deça du plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 - les rapporteurs spéciaux notaient que « les économies réalisées sur la mission [...] ne serv[aient] pas à améliorer le solde de l'État mais [étaient] immédiatement « recyclées » vers de nouvelles dépenses. »
Ce constat n'est plus valable en 2026 : on constate au contraire une étroite maîtrise de la progression de l'ensemble des dépenses qui, en parallèle de la diminution sensible (environ - 1 milliard d'euros) des dépenses de prime d'activité, permet d'amorcer une baisse des crédits de la mission entre 2025 et 2026.
Évolution des crédits consacrés aux principaux dispositifs portés par la mission
(en millions d'euros et en pourcentage)
|
PLF 2025 |
PLF 2026 |
Évolution 2026/2025 |
||||
|
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
|
Programme 304 - Inclusion sociale et protection des personnes |
14 155,9 |
14 157,1 |
13 120,1 |
13 121,3 |
- 7,3 % |
- 1,5 % |
|
Prime d'activité |
10 215,2 |
10 216,2 |
9 300,0 |
9 300,0 |
- 9,0 % |
- 9,0 % |
|
RSA recentralisé |
1 706,5 |
1 706,5 |
1 764,3 |
1 764,3 |
+ 3,4 % |
+ 3,4 % |
|
Aide alimentaire |
142,5 |
142,5 |
147,4 |
147,4 |
+ 3,4 % |
+ 3,4 % |
|
dont refus d'apurement FEAD, Réact, FSE+ |
10,6 |
10,6 |
22,3 |
22,3 |
+ 110,4 % |
+ 110,4 % |
|
dont achats de denrées |
30,5 |
30,5 |
40,4 |
40,4 |
+ 32,5 % |
+ 32,5 % |
|
dont crédits nationaux épiceries solidaires (CNES) |
11,1 |
11,1 |
13,1 |
13,1 |
+ 18,0 % |
+ 18,0 % |
|
dont "Mieux manger pour tous" |
80,0 |
80,0 |
80,0 |
80,0 |
- |
- |
|
Protection juridique des majeurs |
893,2 |
893,2 |
911,2 |
911,2 |
+ 2,0 % |
+ 2,0 % |
|
Protection de l'enfance |
311,8 |
311,8 |
418,9 |
418,9 |
+ 34,3 % |
+ 34,3 % |
|
dont stratégie protection de l'enfance |
120,0 |
120,0 |
135,0 |
135,0 |
+ 12,5 % |
+ 12,5 % |
|
dont prise en charge des mineurs non-accompagnés (MNA) |
101,3 |
101,3 |
43,8 |
43,8 |
- 56,8 % |
- 56,8 % |
|
Pacte des solidarités |
253,9 |
253,9 |
258,9 |
258,9 |
+ 2,0 % |
+ 2,0 % |
|
dont volet État |
148,9 |
148,9 |
153,9 |
153,9 |
+ 3,4 % |
+ 3,4 % |
|
dont volet contractualisé avec les collectivités |
105,0 |
105,0 |
105,0 |
105,0 |
- |
- |
|
Programme 157 - Handicap et dépendance |
16 062,4 |
16 057,6 |
16 262,8 |
16 265,3 |
+ 1,2 % |
+ 1,3 % |
|
Allocation adulte handicapé |
14 361,0 |
14 361,0 |
14 681,0 |
14 681,0 |
+ 2,2 % |
+ 2,2 % |
|
Financement des ESAT |
1 633,0 |
1 633,0 |
1 558,0 |
1 558,0 |
- 4,6 % |
- 4,6 % |
|
Programme 137 - Égalité entre les femmes et les hommes |
94,0 |
94,0 |
95,6 |
95,6 |
+ 1,8 % |
+ 1,8 % |
|
Lutte contre les violences et la prostitution |
45,8 |
45,8 |
44,8 |
44,8 |
- 2,2 % |
- 2,2 % |
|
dont allocation financière d'insertion sociale (AFIS) |
4,0 |
4,0 |
4,0 |
4,0 |
- |
- |
|
Aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales |
20,4 |
20,4 |
26,4 |
26,4 |
+ 29,4 % |
+ 29,4 % |
Source : commission de finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
II. LES CRÉDITS DE LA PRIME D'ACTIVITÉ ET DE L'ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS (AAH) SONT LES PRINCIPAUX DÉTERMINANTS DES DÉPENSES DE LA MISSION
La prime d'activité (9,3 milliards d'euros) et l'AAH (14,6 milliards d'euros) représentent à elles seules plus des quatre cinquièmes des crédits demandés pour la mission en PLF 2024 (81 %).
Part de la prime d'activité et de l'AAH
dans les crédits demandés pour la mission en PLF
2026 (CP)
(en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat
A. LA DÉPENSE DE PRIME D'ACTIVITÉ, DONT LA DYNAMIQUE ÉTAIT TRÈS IMPORTANTE CES DERNIÈRES ANNÉES, DIMINUERAIT EN 2026
1. La prime d'activité a constitué un puissant instrument de pouvoir d'achat pour répondre à diverses urgences sociales
La prime d'activité, créée par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, a remplacé au 1er janvier 2016 la part « activité » du revenu de solidarité active (RSA) ainsi que la prime pour l'emploi (PPE). Cette prime est versée aux personnes en activité professionnelle dont les ressources sont inférieures à un certain montant garanti. Son montant est revalorisé automatiquement au 1er avril de chaque année en application de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.
La prime d'activité est ouverte aux jeunes actifs dès 18 ans, ainsi qu'aux étudiants et aux apprentis ayant perçu, au cours des trois derniers mois, un salaire mensuel supérieur à 78 % du SMIC. Elle a également été ouverte à compter du 1er juillet 20164(*) aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) qui travaillent en établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ou en milieu ordinaire, le montant de l'AAH étant comptabilisé comme un revenu professionnel pour le calcul de la prime d'activité.
Les dépenses liées à la prime d'activité ont fortement augmenté à compter de 2019, le dispositif ayant constitué l'un des principaux vecteurs utilisés par le Gouvernement pour répondre à l'urgence sociale exprimée par le mouvement des « gilets jaunes ». Les dépenses de prime d'activité ont ainsi connu une forte augmentation ces dernières années, notamment en raison des revalorisations de son montant forfaitaire.
Impact des mesures réglementaires de
revalorisation
de la prime d'activité en masses financières,
tous régimes
(en euros)
Source : réponse au questionnaire budgétaire
2. Après une première inflexion en 2025, les dépenses de prime d'activité diminueraient sensiblement en 2026
À sa mise en place en 2016, la prime d'activité présentait un bilan légèrement supérieur à 5 milliards d'euros de dépenses. En 2019, la hausse du nombre d'allocataires liée aux revalorisations du montant forfaitaire de la prime d'activité a conduit à une augmentation de la dépense à près de 9,8 milliards d'euros. Depuis 2019, les dépenses de la prime d'activité ont connu un taux de croissance annuel moyen de 2,7 %. Les masses financières versées au titre de la prime d'activité atteindraient ainsi plus de 10,5 milliards d'euros en 2024.
En 2025 néanmoins, une première mesure paramétrique a été prise par décret5(*), visant à modifier la fraction des revenus professionnels pris en compte pour le calcul de la prime d'activité, afin d'en diminuer le coût pour les finances publiques. Cette option permet ainsi une réduction de la « pente », c'est-à-dire de la dégressivité de la prime en fonction des revenus, de 61 % (qui était son niveau jusqu'en 2024) à 59,85 %, ce qui pourrait « rapporter » jusqu'à 500 millions d'euros en année pleine selon l'administration.
La modification de la « pente » de la prime d'activité en 2025
Le montant de la prime d'activité est calculé sur la base d'un montant forfaitaire variable en fonction de la composition du foyer (dont le nombre d'enfants à charge), auquel s'ajoutent une fraction des revenus professionnels, afin de favoriser l'activité. Pour mémoire, le montant forfaitaire de la prime d'activité s'élève à 633,21 euros (depuis le 1er avril 2025) pour un foyer composé d'une personne seule sans enfant.
Le décret n° 2025-292 du 29 mars 2025 relatif au calcul de la prime d'activité a modifié l'article D. 843-3 du code de la sécurité sociale afin de diminuer la fraction des revenus professionnels pris en compte dans le calcul de cette prestation.
Avant 2025, les revenus professionnels était pris en compte à hauteur de 61 % dans le calcul de la prime : celle-ci augmentait donc à mesure qu'augmentaient les revenus professionnels - mais 39 % moins vite. Depuis 2025, les revenus professionnels sont pris en compte à hauteur de « seulement » 59,85 % dans le calcul : celle-ci augmente donc moins vite qu'avant 2025, puisqu'elle progresse désormais 40,15 % moins vite que les revenus.
Source : commission des finances du Sénat
En PLF pour 2026, 9,3 milliards d'euros en AE et CP sont prévus au titre de ce dispositif, soit une baisse de seulement 8,8 % par rapport à la LFI pour 2025.
Évolution des crédits prévus et consommés au titre de la prime d'activité (CP)
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Cette diminution des crédits budgétés au titre de la prime d'activité résulte, selon l'administration, des mesures et hypothèses suivantes :
- d'une hypothèse d'effectif des bénéficiaires de la prime d'activité établie autour de 4,5 millions de foyers tous régimes confondus en 2026 ;
- d'un recentrage de la prime d'activité sur les travailleurs les plus modestes, qui devrait prendre la forme d'une nouvelle mesure paramétrique sur la « pente » de la prime ;
- de « l'année blanche » proposée par le Gouvernement, le V de l'article 44 du PLFSS pour 2026 prévoyant que la revalorisation légale6(*) des prestations sociales n'aurait pas lieu, à titre exceptionnel, en 2026.
- de la suppression de la prise en compte de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) en tant que revenu professionnel dans le calcul de la prime d'activité, mesure qui fait l'objet de l'article 79 du présent PLF, rattaché à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et dont le commentaires figure à la fin du présent rapport spécial (pour une moindre dépense estimée à 95 millions d'euros en 2026, 225 millions d'euros en année pleine).
B. MALGRÉ « L'ANNÉE BLANCHE », L'AAH CONNAITRAIT UNE AUGMENTATION SOUTENUE, NOTAMMENT DU FAIT DE LA PROGRESSION DE L'AAH-2
1. Une dépense structurellement dynamique
L'allocation aux adultes handicapés (AAH) est un minimum social versé, sous conditions de ressources, aux personnes handicapées de plus de vingt ans7(*). Elle est subsidiaire par rapport à d'autres prestations, comme les pensions d'invalidité, les rentes d'accident du travail ou les avantages vieillesse. Elle peut se cumuler avec des ressources personnelles, y compris des revenus d'activité8(*), dans la limite d'un plafond annuel, fixé à 12 192,6 euros pour une personne seule sans enfant depuis le 1er avril 20249(*) (soit 1 016,05 euros par mois). Son montant est revalorisé automatiquement au 1er avril de chaque année en application de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.
Afin de bénéficier de cette allocation, la personne handicapée doit être atteinte, soit d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 % (« AAH- 1 »), soit d'un taux d'incapacité compris entre 50 % et 80 %, et présenter une restriction substantielle et durable10(*) pour l'accès à l'emploi (RSDAE) ne pouvant être compensée par des mesures d'aménagement du poste du travail (« AAH- 2 »).
Ces conditions sont appréciées par les commissions départementales des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) après instruction par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
Les dépenses d'AAH sont structurellement orientées à la hausse. Depuis 2019, la dépense aurait ainsi connu une progression de 44 % pour s'établir à 14,6 milliards d'euros en 2026 selon les dernières estimations de la CNAF, avec un taux de croissance annuelle moyen de 5,3 % (soit + 1,7 % par rapport à 2024).
Cette tendance haussière structurelle résulte principalement :
- des évolutions démographiques, avec le vieillissement de la population. Le risque de survenance d'un handicap et le taux de prévalence de l'AAH augmentent avec l'âge ;
- du faible taux de sortie du dispositif pour l'AAH ;
- de l'extension du champ et de la reconnaissance du handicap, qui a joué un rôle non négligeable dans l'augmentation des dépenses d'AAH.
Croissance de la dépense d'AAH depuis 2019
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
2. Malgré un coût de la déconjugalisation plus faible qu'attendu, une augmentation des crédits tirée par l'effectif des bénéficiaires
a) Un impact relativement faible de la déconjugalisation sur la hausse des dépenses d'AAH
L'impact de la « déconjugalisation » de l'AAH sur les crédits de la mission est plus faible qu'attendu. Cette mesure implique d'exclure les revenus du conjoint des ressources prises en compte pour déterminer l'éligibilité et le cas échéant le montant de l'AAH.
Demandée de longue date par les associations de défense des droits des personnes en situation de handicap, la déconjugalisation « [permet] de clarifier la nature du dispositif en faisant de l'AAH une véritable prestation de compensation de l'éloignement de l'emploi provoqué par le handicap, et d'accès à l'autonomie. »11(*).
La déconjugalisation de l'AAH
L'AAH est une allocation individuelle, toutefois son calcul prenait en compte les éventuels revenus du conjoint du bénéficiaire, une situation que déploraient de nombreuses associations de défense des personnes handicapées.
Depuis le 1er janvier 2022, un abattement forfaitaire de 5 000 euros par an, majoré de 1 400 euros par enfant à charge, s'applique sur les revenus du conjoint du bénéficiaire de l'AAH pris en compte pour le calcul du montant de l'allocation. Cet abattement forfaitaire est venu remplacer l'abattement proportionnel de 20 % qui s'appliquait auparavant, et s'applique sur les mêmes revenus, avec un impact en année pleine de 185 millions d'euros.
Cependant, l'article 10 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat est venu modifier en profondeur ce dispositif en prévoyant une mesure de déconjugalisation de l'AAH, avec une entrée en vigueur au 1er octobre 2023. La déconjugalisation correspond à la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint et à l'application du plafond applicable aux personnes seules pour le calcul de la prestation des bénéficiaires en couple.
Toutefois, le décret n° 2022-1694 du 28 décembre 2022 prévoit un maintien du calcul conjugalisé de la prestation pour les bénéficiaires qui seraient perdants à la déconjugalisation.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Le coût de la mesure, initialement estimée par la CNAF à 83,3 millions d'euros en 2023 et 500 millions d'euros par an à partir de 2024, a été révisée, et s'établit en année pleine à hauteur de « seulement » 280 millions d'euros par an, ce qui est plutôt une bonne surprise pour nos finances publiques.
b) Plusieurs mesures sont proposées par le Gouvernement pour maîtriser la hausse tendancielle de la dépense d'AAH
D'autres mesures ont un impact - plus ou moins important- sur le niveau des dépenses d'AAH :
- l'effectif de bénéficiaires de l'AAH en constitue le principe facteur d'évolution, l'effet volume étant la première cause de l'augmentation des dépenses. En 2026, le nombre de bénéficiaires induirait une évolution des dépenses de + 2,6 % par an sur la période 2026-2028 - dans le détail, c'est surtout le nombre des bénéficiaires de l'AAH-2 qui augmente ;
- l'effet prix induit par la revalorisation légale intervenue au 1er avril 2025 (+ 1,3 % en 2025) ;
- plus marginalement, le non-recouvrement des indus, qui induit une « dépense » supplémentaire de 30 millions d'euros.
L'évolution tendancielle prévisionnelle du coût de la prestation est ainsi de + 4,2 % en 2026.
Pour maîtriser l'évolution tendanciellement haussière des dépenses d'AAH, le Gouvernement propose de mobiliser plusieurs leviers, dont l'impact combiné serait d'environ 150 millions d'euros en 2026 :
- l'harmonisation de la temporalité de la base-ressources pour les allocataires de l'AAH travaillant en ESAT (annuelle) avec la base-ressources applicable au travail en milieu ordinaire (mensuelle), ce qui pourrait générer 20,4 millions de moindres dépenses ;
- la suppression de l'AAH pour les personnes détenues, qui devrait engendrer 10 millions d'euros de moindres dépenses ;
- la mise en oeuvre d'une « année blanche » proposée par le Gouvernement, le V de l'article 44 du PLFSS pour 2026 prévoyant que la revalorisation légale12(*) des prestations sociales n'aurait pas lieu, à titre exceptionnel, en 2026 - pour un montant d'économies attendu de 122,4 millions d'euros.
Enfin, le Gouvernement a annoncé mettre en place des « mesures de juste droit », notamment un entretien d'évaluation par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) pour toutes les personnes susceptibles d'ouvrir un droit à l'AAH-2, afin notamment d'améliorer l'appréciation de la restriction subtantielle et durable d'accès à l'emploi (RSDAE).
Cette mesure n'est pas illogique dès lors que la forte progression des bénéficiaires, qui est elle-même responsable de la hausse des dépenses d'AAH, résulte principalement de l'AAH-2 et de l'extension du champ et de la reconnaissance du handicap, qui permet à certaines personnes de bénéficier aujourd'hui de l'AAH alors qu'elles auraient été considérées comme non-éligibles - car non porteuses d'un handicap - dans le passé.
Si chacun est libre de considérer ou non ces « mesures de juste droit » comme vertueuses, les rapporteurs spéciaux rappellent que la progression du nombre de bénéficiaires de l'AAH est la résultante d'une meilleure compréhension et d'un meilleur repérage du handicap. Il s'agit donc, en dernière analyse, d'un progrès.
De même, les rapporteurs spéciaux relèvent que ces « mesures de juste droit » implique que le programme 157 porte, à l'avenir, des emplois à destination des MDPH afin de réaliser les entretiens envisagés. Dans l'immédiat, cette initiative ne devrait donc pas s'accompagner d'économies, mais de dépenses supplémentaires.
Les rapporteurs spéciaux prennent acte de cette orientation du Gouvernement.
DEUXIÈME PARTIE
LES
PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
I. VERS UN DÉSENGAGEMENT DE L'ETAT DES POLITIQUES SOCIALES PORTÉES PAR LES COLLECTIVITÉS ?
A. LE « PACTE DES SOLIDARITÉS » : UNE BUDGÉTISATION EN SUR-PLACE
La Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté engagée depuis 2018 a, selon l'Association des Départements de France (ADF), impulsé une nouvelle démarche partenariale au plan national, régional et départemental. Le Pacte des solidarités qui en a pris le relai entend approfondir la dynamique d'investissement social impulsée depuis cinq ans. Selon la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), le Pacte des Solidarités « incarne une approche interministérielle de la lutte contre la pauvreté en s'inscrivant sur la durée, via l'engagement du gouvernement sur la période 2024-2027. »
Le « Pacte des solidarités »
Quatre orientations ont été affirmées dès le lancement de la concertation en 2022. Elles sont déclinées en 25 mesures, qui s'inscrivent dans les grandes réformes du quinquennat :
- Axe 1 « Prévenir la pauvreté et lutter contre les inégalités dès l'enfance » : poursuivre et amplifier la politique de prévention de la pauvreté en s'appuyant notamment sur le service public de la petite enfance et en agissant aux âges clés pour prévenir les inégalités touchant les personnes précaires et modestes ;
- Axe 2 « Amplifier la politique d'accès à l'emploi pour tous » : garantir le dernier kilomètre de France travail en touchant les personnes les plus éloignées de l'emploi et développer un choc d'offre pour lever les freins périphériques à l'emploi ;
- Axe 3 « Lutter contre la grande exclusion grâce à l'accès aux droits » : compléter le chantier de la Solidarité à la source, en déployant massivement les démarches d'aller vers et les accueils sociaux pour lutter contre le nonrecours, et du Logement d'abord pour prévenir les expulsion ;
- Axe 4 « Construire une transition écologique solidaire » : lutter contre les dépenses contraintes en matière de logement, de mobilité, d'eau et d'énergie en facilitant l'accès aux aides et permettre l'accès à une alimentation de qualité. Cet axe s'inscrit en cohérence avec la mise en place du fonds vert, le développement de MaPrimeRénov' ou encore le relèvement des obligations du Certificat d'économies d'énergie-précarité.
Source : réponses de la DGCS, entendue par les rapporteurs spéciaux
Sur le programme 304, le Pacte des solidarités représentait 258,9 millions d'euros en 2026, contre 253,9 millions d'euros en 2025, soit une hausse de 2 %. Cette augmentation ne permet pas de financer la progression des crédits dédiés à la contractualisation avec les collectivités territoriales (105 millions d'euros en 2026) ; elle est plutôt, au contraire, dédiée au volet national (154 millions d'euros en 2026, contre 148 millions d'euros en 2025).
La contractualisation avec les conseils départementaux et les métropoles représente ainsi 40,5 % des crédits dédiés au « Pacte », 90 millions d'euros étant destinés à la contractualisation avec les départements et 15 millions d'euros pour les métropoles. Le volet national du Pacte, a vocation à financer divers dispositifs, en particulier le plan pour la santé nutritionnelle des enfants, avec le programme « petits déjeuners à l'école » (18 millions d'euros) et la tarification sociale des cantines scolaires « Cantines à 1 euro » (76,9 millions d'euros).
Les rapporteurs spéciaux relèvent que le « Pacte des solidarités » fait en quelque sorte les frais de la nécessaire maîtrise des comptes publics, dans la mesure où la progression de ses crédits est inférieure au rythme initialement prévu : ainsi, les crédits du plan « Mieux manger pour tous » (cf. infra) sont stabilisés alors que leur montant devait augmenter de 10 millions d'euros en 2026, pour atteindre 90 millions d'euros. De même, le directeur général de la cohésion sociale a indiqué que le respect de la trajectoire des dépenses de l'État en 2025 avait nécessité la clôture du dispositif des cantines à 1 euro aux nouveaux entrants et le recentrage des petits déjeuners à l'école sur l'éducation prioritaire et les outre-mer, à rebours d'ambitions initiales plus larges.
B. LA PROTECTION DE L'ENFANCE : UN DÉSENGAGEMENT DE L'ÉTAT PERMIS PAR UNE DIMINUTION DU FLUX DE MINEURS NON ACCOMPAGNÉS (MNA) PRIS EN CHARGE PAR LES DÉPARTEMENTS
1. L'aide sociale à l'enfance (ASE) : une forte hausse des dépenses départementales d'hébergement et de frais de séjour
En 2024, les dépenses de frais d'hébergement en établissements médico-sociaux et en famille d'accueil des départements (15,7 milliards d'euros) ont progressé de 1 milliard d'euros (soit + 6,6 %). Cette hausse, supérieure à celle des prix à la consommation selon la Cour des comptes13(*), s'explique principalement par de l'arrêté ministériel du 25 juin 2024 portant agrément des accords de branche permettant l'extension des revalorisations dites « Ségur » à l'ensemble des personnels des établissements sociaux et médico-sociaux.
Les dépenses d'hébergement versées au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE), représentent 6,2 milliards d'euros en 2024, soit 41,6 % des frais d'hébergement en établissements médico-sociaux14(*). Leur forte progression (+ 500 millions d'euros, soit + 9,5 %) résulte du nombre croissant d'enfants confiés pour placement à l'ASE, soit plus de 220 000 en 2023 (+ 18,3 % depuis 2018)15(*).
Parmi les enfants confiés à l'ASE, le nombre de mineurs non accompagnés (MNA) confiés par décision judiciaire a toutefois diminué (13 554 fin 2024, contre 19 370 fin 2023, soit - 30,0 %)16(*), ce qui devrait soulager les département après les hausses très importantes intervenues ces dernières années.
2. Une enveloppe stabilisée permises par la diminution du nombre de MNA pris en charge
Les crédits de l'action 17 du programme 304, destinés à concourir à la politique de la protection de l'enfance - notamment en apportant un soutien financier aux départements dont relève cette politique - s'élèvent à 421,6 millions d'euros en 2026. Ces crédits connaissent une légère hausse significative par rapport aux crédits budgétés en 2025, dont le montant s'établissait à 418,8 millions d'euros - ce qui représente une augmentation de 0,7 % entre le PLF pour 2025 et le PLF pour 2026.
Cette hausse s'explique d'abord par une augmentation de 15 millions d'euros (+ 12,5 %) des crédits dédiés à la stratégie nationale de protection de l'enfance, qui devrait notamment permettre d'augmenter l'enveloppe des crédits dédiés à la contractualisation avec les départements dans le cadre des contrats départementaux de prévention et de protection de l'enfance (CDPPE), dans un objectif de renouvellement de l'offre et de soutien à la qualité de la prise en charge, de la protection maternelle et infantile à l'accueil des enfants handicapés.
Elle résulte également d'une augmentation des crédits dédiés au soutien aux communes, prévu par l'article 188 de la LFI 2025, pour l'exercice de leur compétence d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant, créée par l'article 17 de la loi « plein emploi »17(*), ce crédits connaissant une légère augmentation par rapport à 2025 (+ 1,6 %), pour s'établir à 87,4 millions d'euros en 2026.
Elle résulte enfin de la refonte du cadre réglementaire régissant l'accueil des jeunes enfants dans les pouponnières à caractère social, qui a notamment augmenté l'intensité de l'encadrement, induisant des charges supplémentaires pour les départements compensées par l'État. Cette mesure représente ainsi 34,7 millions d'euros pour 2026 alors qu'aucune enveloppe n'était dédiée aux pouponnières en 2025.
Évolution des dépenses de l'action n° 17 entre la LFI 2025 et le PLF 2026
(en millions d'euros et en pourcentage)
|
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution 2026/2025 |
|
|
Stratégie nationale de protection de l'enfance |
120,0 |
135,0 |
+ 12,5 % |
|
Prise en charge des MNA |
101,3 |
43,8 |
- 56,8 % |
|
Actions nationales |
192,6 |
233,0 |
+ 21,0 % |
|
dont plan jeunes majeurs |
50,0 |
50,0 |
0 % |
|
dont Ségur PMI |
20,0 |
20,0 |
0 % |
|
dont soulte Castex |
14,0 |
14,0 |
0 % |
|
dont accompagnement financier des AO sur service public de la petite enfance |
86,0 |
87,4 |
+ 1,6 % |
|
dont refonte de l'accueil en pouponnière à caractère social |
0,0 |
34,7 |
- |
|
GIP "France enfance protégée" |
4,9 |
4,9 |
0 % |
|
Autres dépenses |
0,0 |
4,9 |
- |
|
Total |
418,8 |
421,6 |
+ 0,7 % |
Source : commission des finances du Sénat
Ces hausses substantielles sont compensées par une baisse significative, par rapport à la budgétisation initiale pour 2025, des crédits dédiés au soutien aux départements pour la prise en charge des MNA. Ceux-ci diminuent en effet de 56,8 % par rapport à la LFI 2025, passant de 101,3 millions d'euros à 43,8 millions d'euros.
Selon la directeur général de la cohésion sociale, cette baisse des crédits résulte d'une diminution des effectifs de MNA concernés : les financements de l'État dépendant du nombre de MNA supplémentaires pris en charge par les départements - qu'il s'agisse des financements en faveur de l'évaluation de la minorité (500 euros par MNA) ou de leur mise à l'abri (90 euros par jour pendant 14 jours, puis 20 euros par jour dans la limite de 9 jours), ou de la participation de l'État à l'accueil des MNA supplémentaires (6 000 euros pour 75 % des nouveaux entrants) - la diminution du nombre de « nouveaux » MNA pris en charge par les départements a permis une réduction sensible des financements de l'État.
Cette baisse des financement doit également être appréhendée, selon l'administration, non par rapport à la budgétisation initiale mais par rapport à l'exécution attendue pour 2025, qui s'établit à 60 millions d'euros. La baisse prévue pour 2026 serait ainsi de « seulement » 27 %.
II. MALGRÉ LA BAISSE DES CRÉDITS, LES MOYENS DÉDIÉS À L'AIDE ALIMENTAIRE SERAIENT SANCTUARISÉS DANS UN CONTEXTE DE PERSISTANCE DE LA PRÉCARITÉ
A. UNE HAUSSE DE L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE, QUANTITATIVE COMME QUALITATIVE, CES DERNIÈRES ANNÉES
Dans la période récente, on assiste à une forte aggravation de la précarité alimentaire en France. Avec la crise inflationniste en particulier, les associations entendues par les rapporteurs spéciaux avaient notamment indiqué, en plus de la hausse de la fréquentation de leurs dispositifs, avoir remarqué une évolution inquiétante des profils des personnes s'y présentant.
Insécurité alimentaire, lutte contre
la précarité alimentaire
et aide alimentaire
L'insécurité alimentaire est une notion utilisée dans les enquêtes statistiques. Elle renvoie au manque de moyens pour acheter de la nourriture, pour faire des repas équilibrés, pour manger à sa faim, ou encore à l'obligation de sauter des repas ou de manger moins par manque d'argent. Toutes les personnes en situation d'insécurité alimentaire ne font pas systématiquement appel à l'aide alimentaire.
La lutte contre la précarité alimentaire, au sens de l'article L. 266-1 du code de l'action sociale et des familles, vise à favoriser l'accès à une alimentation sûre, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale. Elle mobilise l'État et ses établissements publics, les collectivités territoriales, les acteurs économiques, les associations, dans le cadre de leur objet ou projet associatif, ainsi que les centres communaux et intercommunaux d'action sociale, en y associant les personnes concernées. L'aide alimentaire constitue le principal dispositif de lutte contre la précarité alimentaire.
L'aide alimentaire, au sens de l'article L. 266-2 du même code a pour objet la fourniture de denrées alimentaires aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale, assortie de la proposition d'un accompagnement. Elle est principalement mise en oeuvre par des associations habilitées ainsi que par les épiceries sociales. Le fonctionnement de ces structures repose sur des moyens privés (dons en nature et numéraires des particuliers et entreprises), des financements publics (aides européennes, dépenses budgétaires de l'État et des collectivités territoriales, dépenses fiscales) et l'action bénévole de leurs membres.
Source : commission des finances du Sénat
Ainsi, l'association nationale des épiceries solidaires (ANDES) a indiqué que le nombre de clients bénéficiaires fréquentant les épiceries solidaires de son réseau était passé de 170 000 personnes en 2019 à 260 000 personnes en 2024 - soit une hausse de 53 % en cinq ans.
Les Restos du Coeur ont également constaté, sur l'exercice 2023-2024, un nombre de 1,3 million de personnes accueillies et 163 millions de repas servis (contre 171 millions l'année dernière et « seulement » 142 millions il y deux ans) dans leurs réseau, ce qui les a contraint à modifier leurs critères d'éligibilité afin de maîtriser leur file active. Le constat est le même chez les Banques alimentaires, leur fédération (FFBA) indiquant une forte hausse du recours à l'aide alimentaire depuis 2023, pour près de 2,4 millions de personnes en 2024 contre 1,8 million de personnes en 2018.
Concernant le profil des bénéficiaires, il a fortement évolué depuis 2022 avec, de façon inquiétante, une hausse de la part des actifs, y compris de salariés en contrat à durée indéterminée (CDI). La FFBA note même que certaines catégories de bénéficiaires sont particulièrement impactées, comme les jeunes de 15 à 25 ans (qui représentent 22 % des personnes accueillies, contre 19 % en 2018) et les très jeunes enfants (157 581 enfants de 0 à 3 ans, soit 15 % d'augmentation depuis 2022.
Pour résumer, malgré le reflux de l'inflation, les prix des denrées alimentaires se sont stabilisés à un niveau élevé qui empêche la diminution du nombre de personnes demandant à bénéficier de l'aide alimentaire.
Évolution du sentiment de restriction sur
le budget alimentaire
dans la population générale
Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport du CRÉDOC 2024
Cette question, qui rejoint de nombreux enjeux de santé publique (71 % des bénéficiaires de l'aide alimentaire déclarent au moins un problème de santé lié à l'alimentation : surpoids, obésité, problèmes cardiovasculaires, diabète) est désormais de plus en plus traitée par les associations.
B. L'AIDE ALIMENTAIRE : DES CRÉDITS PRÉSERVÉS DES COUPES BUDGÉTAIRES
1. Les crédits de l'aide alimentaire progresseraient légèrement par rapport à la budgétisation initiale pour 2025
Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit d'ouvrir 159,3 millions d'euros de crédits sur l'action n° 14 « Aide alimentaire » du programme 304, soit une progression de 8,1 % par rapport à la LFI 2025.
Évolution des crédits nationaux en
faveur de l'aide alimentaire
entre la LFI 2025 et le PLF
2026
(en millions d'euros)
|
|
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
|
P304 - Action 14 |
149,4 |
159,3 |
+ 6,6 % |
|
dont contribution nationale au FSE + |
11,7 |
11,9 |
+ 1,7 % |
|
Prise en charge des dépenses inéligibles au titre des exercices précédents |
10,6 |
10,4 |
- 1,9 % |
|
(exercices 2022 et 2023) |
(exercices 2023 et 2024) |
|
|
|
dont épiceries sociales |
13,1 |
13,1 |
0,0 % |
|
dont subventions aux têtes de réseau associatives nationales |
11,2 |
11,1 |
- 0,9 % |
|
dont aide alimentaire déconcentrée |
19,3 |
29,3 |
+ 51,8 % |
|
dont subvention pour charge de service public à FranceAgriMer |
3,5 |
3,5 |
0,0 % |
|
dont Fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires et Programme "Mieux manger pour tous" |
80,0 |
80,0 |
0,0 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Cette hausse est supérieure à l'augmentation budgétée dans la LFI pour 2025 (+ 3,4 %). Surtout, alors que dans les PLF pour 2023 et 2024 une part significative de l'augmentation des crédits était captée par la participation de l'État aux refus d'apurement au titre du FEAD18(*), cette dépense a fortement diminué en 2025 (- 13,9 millions d'euros) et connaitrait une nouvelle baisse en 2026 (- 200 000 euros).
La baisse des refus d'apurement, qui traduit celle des montants des remboursements demandés à l'Union européenne avec la transition du FEAD au FSE +, permet en compensation de poursuivre l'augmentation de crédits réellements affectés à la lutte contre la précarité alimentaire. Le PLF pour 2026 prévoit ainsi une hausse des crédits dédiés à l'aide alimentaire déconcentrée, qui augmenteraient de 10 millions d'euros.
2. Une légère augmentation en budgétisation initiale qui masque une diminution faute d'enveloppe exceptionnelle ouverte en fin d'année
a) Des montants stables et globalement préservés pour les principaux dispositifs
Les crédits de l'action 14 « Aide alimentaire » seraient globalement préservés des coupes budgétaires en 2026, mais leur montant n'augmenterait pas pour autant.
Ainsi, le projet de loi de finances pour 2026 propose de pérenniser la hausse de 2 millions d'euros des crédits nationaux aux épiceries solidaires (CNES), décidée à l'initiative du Sénat, portant ces crédits à 13,1 millions d'euros - mais sans les augmenter.
De même, les crédits du programme « Mieux manger pour tous », qui s'inscrit dans le « Pacte des solidarités », qui vise à améliorer la qualité des denrées distribuées au titre de l'aide alimentaire ainsi qu'à accroitre et renouveler l'offre sur le territoire, s'établiraient à 80 millions d'euros en 2026, un montant identique à celui prévu pour 2025.
Les rapporteurs relèvent que les associations ont appelé d'une voix unanime, en réponse à un récent rapport de la Cour des comptes19(*), à préserver et augmenter les crédits de ce programme, considérant que « rares sont les politiques publiques qui font l'unanimité » mais que tel est le cas du programme « Mieux manger pour tous »20(*).
Ils prennent toutefois acte de la stabilisation des crédits de ce programme, qui témoigne de la volonté du Gouvernement de préserver - à défaut de développer - ce programme plébiscité.
b) Une diminution des moyens en l'absence d'ouverture d'une enveloppe exceptionnelle
La comparaison avec les crédits budgétés dans les lois de finances initiales précédentes est cependant trompeuse dans la mesure où la forte inflation constatée sur les exercices 2023 et 2024 avait conduit à ouvrir, en fin d'année par le biais de lois de finances de fin de gestion21(*), des enveloppes exceptionnelles dont les crédits, reportés sur les exercices suivants, permettaient de compléter des montants budgétés en faveur de l'aide alimentaire.
En loi de finances de fin de gestion pour 2023, ce sont ainsi 40 millions d'euros - dont la moitié à l'initiative du Sénat - qui ont abondé les crédits à destination de l'aide alimentaire.
En 2025 et en 2026 cependant, aucune enveloppe de cette sorte n'a été prévue, ce qui implique, en termes concrets et si l'on tient compte de la hausse de 10 millions d'euros prévue pour 2026, une diminution de 30 millions d'euros par rapport au dernier exercice ayant bénéficié d'une enveloppe exceptionnelle.
3. Une surprogrammation des fonds européens qui semble porter ses fruits
Pour la programmation 2022-2027, le fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) a été intégré au nouveau Fonds social européen plus (FSE +). La France a ainsi reçu une dotation de 647 millions d'euros dans le cadre du nouveau FSE +, contre 587 millions d'euros pour la campagne 2014-2020 du FEAD.
Entre 2020 et 2022, le FEAD français s'est également vu allouer 132 millions d'euros de crédits financés à 100 % par l'Union européenne, dans le cadre de l'initiative React-EU, permettant à l'opérateur FranceAgriMer (FAM), en charge de la passation des marchés d'achats publics de denrées pour le compte des associations d'aide alimentaire éligibles au FSE +, d'effectuer des achats complémentaires de denrées.
Les rapporteurs spéciaux ne peuvent que se féliciter de l'important effort national et européen annoncé en faveur de l'aide alimentaire pour la programmation 2022-2027. Toutefois, la programmation a été adoptée avant la poussée inflationniste qui a débuté fin 2021.
Programmation 2022-2027 du FSE + pour l'aide alimentaire
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat
En termes réels, la dotation annuelle diminuerait donc de 10 % à l'horizon 2027 d'après les hypothèses d'inflation figurant au rapport économique, social et financier (RESF) annexé au présent projet de loi de finances, réduisant donc d'autant les quantités de denrées pouvant être achetées. Les associations entendues par les rapporteurs spéciaux ont ainsi indiqué que la diminution en termes réels des fonds européens était l'une des causes de leurs difficultés.
Enfin, l'accès aux fonds européens est encore, comme l'ont à de multiples reprises relevé les rapporteurs spéciaux22(*), trop souvent obéré par un cadre normatif excessivement contraignant. Les contrôles de conformité aux normes européennes aboutissent à ce que d'importants montants engagés par FranceAgriMer soient rendus inéligibles au financement FSE +, devant en conséquence faire l'objet d'une compensation par l'État. Ces situations, dites « d'auto-apurement », peuvent représenter jusqu'à plusieurs dizaines de millions d'euros pour l'État.
Pour faire face à la diminution des crédits européens liés à l'érosion monétaire, et compte tenu des sous-consommations régulières des crédits européens du fait des montants non négligeables faisant l'objet de refus d'apurement, l'administration s'est résolu à « sur-programmer » l'aide versée au titre du FSE +. Concrètement, l'administration prévoit chaque année de consommer 20 millions d'euros supplémentaires pour limiter l'impact de leur sous-consommation prévisible. Ce véritable « sur-booking budgétaire », comme il a été malicieusement désigné par les associations auditionnées, devait permettre de solliciter jusqu'à 80 millions d'euros de crédits européens sur quatre ans.
En 2026, les dépenses liées à cette prise en charge des dépenses inéligibles au titre des exercices précédents (2023 et 2024) sont restées maîtrisées, à 10,4 millions d'euros (soit une diminution de 1,9 % par rapport à 2025). La stratégie de « sur-booking budgétaire » semble donc plutôt prometteuse, mais les rapporteurs spéciaux se montreront particulièrement attentifs à l'évolution des refus d'apurement pour les exercices suivants.
III. LES ÉTABLISSEMENTS MÉDICO-SOCIAUX FINANCÉS PAR LA MISSION FONT FACE À DES CHARGES GRANDISSANTES MAIS MAL COMPENSÉES
A. LE « SÉGUR POUR TOUS » EST FINANCÉ EN THÉORIE, MAIS PAS EN PRATIQUE
À la suite de l'avis favorable émis par la commission nationale d'agrément (CNA) le 20 juin 2024, l'arrêté du 25 juin 2024 a apporté son agrément à la convention collective nationale unique élargie (CCNUE) de la branche de l'action sanitaire et sociale (BASS) du 4 juin 2024. Ces accords prévoyaient notamment l'octroi de la prime « Ségur », soit une indemnité de 238 euros bruts par mois, à tous les professionnels qui n'en bénéficiaient pas encore dans le cadre de la politique salariale, à compter du 1er janvier 2024, quel que soit leur secteur d'activité.
L'application, rétroactive au 1er janvier 2024, de cette convention aux structures financées par la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » provoque un besoin de financement de 38 millions d'euros sur le programme 304, dont 32 millions d'euros pour les services mandataires de la protection juridique des majeurs, qui sont des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) agréés et tarifés par l'État - pour la seule année 2024.
Lors de l'examen du PLF 2025, les services de l'Etat et le Gouvernement avaient assuré que ce financement aurait bien lieu en 2025.
Si les rapporteurs spéciaux ont pu, au cours de leurs auditions, constater que le financement pérenne de la prime Ségur pour les mandataires de la protection juridique des majeurs était bien assuré par le programme 304, la fédération nationale des associations tutélaires (FNAT), qui défend les intérêt des services mandataires à la protection juridique des majeurs, a indiqué que, bien que l'État ait rendu cette prime opposable par arrêté au 1er janvier 2024, les services de protection des majeurs ont dû avancer les montants sans qu'aucune compensation budgétaire effective ne leur soit versée à ce jour.
Il semble en effet que les montants versés en 2025 ne couvrent que les surcoût induits par le Ségur en 2025, laissant en revanche non compensés les surcoûts pour 2024.
S'agissant des structures médico-sociales financées par les départements, la situation semble encore plus complexe. À l'automne 2024, l'Assemblée des départements de France (ADF) a ainsi appelé ses membres, quitte à se mettre en délicatesse avec la législation, à ne pas mettre en oeuvre l'extension de la prime « Ségur » tant que l'État ne leur en compensait pas les conséquences financières23(*).
Malgré l'accord du 29 avril 2025 entre le Gouvernement et Départements de France qui a permis un financement à 50 % par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA - c'est-à-dire la Sécurité sociale), pour un montant de 85 millions d'euros en 2025, les difficultés de financement persistent pour les départements et les structures qui dépendent de leur tarification.
Enfin, la compensation de la prime pour l'année 2024 est également une source d'inquiétude, puisque plusieurs départements auraient déjà annoncé que celle-ci ne serait pas versée.
B. LES ÉTABLISSEMENTS ET SERVICES D'AIDE PAR LE TRAVAIL (ESAT) SONT TOUJOURS CONFRONTÉS À D'IMPORTANTES DIFFICULTÉS FINANCIÈRES
Les associations entendues par les rapporteurs spéciaux les ont également alertés sur les difficultés que rencontreront à l'avenir les établissements et services d'aide par le travail (ESAT). L'ESAT est en effet un milieu de travail particulier et protecteur : les travailleurs n'y sont pas des salariés, mais des usagers d'une structure médico-sociale ; en conséquence, ils ne bénéficient pas des droits afférents au salariat.
Le programme 157 porte, outre les crédits dédiés à l'allocation adulte handicapé (AAH), les crédits alloués à l'aide aux postes des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) au titre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH). Cette enveloppe, budgétée sur la même action que l'AAH, s'élèverait à 1 558 millions d'euros pour 2026, soit une baisse de 2,6 % par rapport à 2025.
Cette aide au poste, versée à l'ESAT, permet à ces établissements de couvrir les charges, cotisations sociales, contributions au compte personnel de formation et de la prévoyance des travailleurs en ESAT. L'autre part de la GRTH est financée par l'ESAT. Plus de 14 000 ESAT accompagnent ainsi quelque 120 000 personnes
Depuis 2021, le Gouvernement a mis en oeuvre un plan de transformation des ESAT, visant à réduire la spécificité du modèle de l'ESAT au regard du « milieu ordinaire ». Ce plan a consisté :
- s'agissant des droits fondamentaux, à ouvrir aux travailleurs en ESAT des droits individuels et collectifs des salariés : extension du droit à congé, élection d'un délégué des travailleurs, etc. ;
- s'agissant du rapprochement entre le milieu protégé - l'ESAT - et le milieu ordinaire, la mesure phare du « plan ESAT » consiste en la mise en oeuvre d'un parcours renforcé en emploi, visant à favoriser les « sorties » d'ESAT tout en sécurisant de potentiels « retours ». À ce titre, le travailleurs en ESAT peuvent depuis 2023 travailler à mi-temps en milieu ordinaire, et ce sans perdre le bénéfice de l'AAH.
Entendues par les rapporteurs spéciaux, l'ensemble des associations du secteur du handicap est convenu que la convergence des droits des travailleurs en ESAT avec le droit commun du travail « va dans le bon sens. » Toutefois, ces associations ont regretté que les moyens alloués dans le PLF pour 2026 ne soient pas à la hauteur des enjeux.
En 2025, les inquiétudes trouvaient leur source dans le financement de la moitié de la part employeur de la complémentaire santé, désormais obligatoire pour les travailleurs en ESAT. Cette mesure, décidée dans le cadre de la loi pour le plein emploi24(*) et pleinement approuvée par les associations et les rapporteurs spéciaux dans son principe, aurait eu un impact délétère sur les finances des ESAT, un rapport des inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas) publié en février 202425(*) ayant indiqué que la part des ESAT en déficit passerait de 29 % avant la réforme à entre 41 et 43 % après la réforme sans soutien financier de l'Etat.
L'année dernière, le Sénat avait adopté un amendement avec un avis favorable des rapporteurs spéciaux26(*) visant à faire financer par l'Etat 50 % de la part « employeur » de la complémentaire santé - qui représente elle-même 50 % du total. Cette prise en charge de « la moitié de la moitié » de la complémentaire santé des travailleurs en ESAT était financée à hauteur de 18 millions d'euros par l'Etat.
Aujourd'hui, toutefois, les rapporteurs spéciaux apprennent avec agacement que le décret d'application des modalités de compensation de l'État vis-à-vis des dépenses engagées par les ESAT n'a été publié qu'en août 2025, soit très tardivement après l'adoption de la loi de finances. De nombreux ESAT ont donc fait des avances de trésorerie, dans l'attente de la publication du décret, les fragilisant d'autant plus.
En outre, cette compensation devait être financée au sein de l'aide au poste, versée par l'Agence de services et de paiement (ASP), qui connait malheureusement des retards récurrents de versement depuis plusieurs années, mettant en tension les trésoreries des établissements, parfois jusqu'à bloquer l'activité. Selon une enquête réalisée par Nexem, représentant les employeurs du secteur médico-social et non-lucratif, 71 % des ESAT sondés indiquaient être concernés par des retards de versement de l'aide au poste par l'ASP, pour des montants moyens de 391 000 euros et un montant total de 98 millions d'euros.
En outre, les associations de défense des droits des personnes handicapées ont indiqué que les ESAT auraient bientôt à assurer une nouvelle charge spécifique, puisque l'article 14 de la loi pour le plein emploi précitée rend obligatoire pour les ESAT la participation à hauteur de 50 % au financement des frais de transport en commun correspondant aux déplacements de leurs travailleurs entre leur domicile et leur lieu de travail.
Ceci est rendu, bien évidemment, plus dommageable encore par le situation déficitaire d'environ un tiers des ESAT.
En conclusion, les rapporteurs spéciaux notent, non sans regret, que leurs observations passées quant aux « dangers » du rapprochement entre le statut de travailleurs en ESAT et le statut de salarié restent d'actualité.
IV. UNE HAUSSE DES MOYENS DÉDIÉS À LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ENTIÈREMENT CAPTÉE PAR L'AIDE UNIVERSELLE D'URGENCE
A. L'AUGMENTATION - DÉJÀ FAIBLE - DES CRÉDITS DU PROGRAMME 137 EST ENTIÈREMENT CAPTÉE PAR L'AIDE UNIVERSELLE D'URGENCE
1. La hausse des crédits du programme 137 ralentit considérablement en 2026
Les politiques de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les violences faites aux femmes sont retracées, pour ce qui relève de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », sur le programme 137. Celui-ci intervient principalement par des subventions versées à des associations assurant des missions de service public ou d'intérêt collectif, qui interviennent tant en matière de lutte contre les violences sexistes que pour promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes. Depuis 2024, il porte également les crédits dédiés à l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences (AUUVV).
Les rapporteurs spéciaux relèvent une légère augmentation des moyens en 2026. Les crédits demandés s'élèvent en effet à 95,6 millions d'euros en AE et en CP, soit une faible hausse de 1,7 % en AE et en CP par rapport à la LFI pour 2025.
Évolution des crédits du programme 137 entre 2020 et 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les crédits du programme 137 sont toujours majoritairement composés de subventions à divers organismes ou associations pour le développement de l'accès aux droit ou la lutte contre les violences, et, marginalement, de dépenses de communication ou favorisant la culture de l'égalité. Toutefois, les crédits destinés à financer les organismes et associations sont stables, la hausse des crédits entre 2024 et 2025 étant exclusivement due à la montée en charge de l'aide universelle d'urgence.
Cette progression a été particulièrement rapide avec la mise en oeuvre de plusieurs mesures.
La première hausse sensible des crédits a eu lieu entre 2020 et 2021 (+ 115,3 % en AE et + 65,2 % en CP) et s'explique notamment par le financement de deux mesures du Grenelle de lutte contre les violences conjugales du 25 novembre 2019 :
- l'ouverture de 30 centres de prise en charge psychologique et sociale des auteurs de violences conjugales (CPCA), financés à hauteur de 5,9 millions d'euros par le programme 137 en 2025. En termes d'affichage, les associations entendues par les rapporteurs ont regretté que son financement soit assuré par le programme 137 - qui devrait être dédié uniquement aux victimes - et non par la mission « Justice », dans la mesure où le placement dans ces structures relève dans la majorité des cas de décisions judiciaires (92 %) ;
- le financement du passage, depuis 2021, à un fonctionnement 24h/24 et 7j/7 de la plateforme d'écoute « 39.19 - Violences femmes infos » gérée par la Fédération nationale solidarité femmes FNSF). Cette extension a notamment permis de renforcer son accessibilité pour les femmes victimes outre-mer.
La seconde hausse de l'enveloppe budgétaire correspond à la mise en place d'une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences à compter de 2024. Les crédits dédiés à la lutte contre les violences ont ainsi augmenté de 33,7 % entre 2024 et 2023.
2. Seuls les crédits dédiés à l'aide universelle d'urgence connaitraient une véritable progression
a) Une progression continue de l'aide universelle d'urgence
L'aide universelle d'urgence est versée depuis le 28 novembre 202327(*) aux victimes de violences conjugales pour leur permettre de faire face aux dépenses immédiates pour quitter leur conjoint violent, qu'il soit leur conjoint, leur concubin ou partenaire lié à elles par un pacte civil de solidarité (PACS).
Pour bénéficier de l'AUU, la personne doit attester de la situation de violences conjugales par un document de moins de 12 mois pouvant être un dépôt de plainte, une ordonnance de protection ou un signalement adressé au procureur de la République. L'aide est alors versée par la caisse d'allocations familiales de rattachement (CAF ou CMSA), dans un délai de trois à cinq jours ouvrés (selon que la personne est affiliée ou non) à compter de la réception de la demande.
Elle peut être attribuée sous forme d'aide non-remboursable, sous conditions de ressources28(*) ou sous forme de prêt ; dans ce second cas, elle peut être remboursée par l'auteur des violences si celui-ci a été condamné définitivement par la Justice.
Dès sa mise en oeuvre, le recours à cette aide a été plus important qu'envisagé. En effet, en décembre 2023, le taux de recours à l'aide universelle d'urgence s'était établi à plus de 30 %. Le recours à cette nouvelle aide a ensuite connu une diminution progressive, à mesure que « l'effet stock » se tarissait : il s'est ainsi élevé à « seulement » 14 % en juin et juillet 2024, pour un nombre total de bénéficiaires potentiels estimé à environ 220 000 par an29(*).
Depuis l'entrée en vigueur de l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, 63 000 aides ont été versées par les CAF et les CMSA de décembre 2023 à septembre 2025. Le montant moyen des aides versées de décembre 2023 à juillet 2024 s'élève à 883 euros.
b) En 2026, la hausse de l'aide universelle d'urgence semble avoir contraint le reste des dépenses de la mission
La création de l'aide universelle d'urgence implique que le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » soit désormais doté d'une dépense structurellement dynamique. Ainsi, les dépenses liées à cette aide s'établirait à 26,4 millions d'euros en 2026, soit un augmentation de 5,9 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2025. Dans un contexte budgétaire difficile, cela tend à contraindre l'évolution des autres enveloppes du programme.
Afin de maîtriser la croissance des dépenses du programme 137, l'administration s'est ainsi retrouvée contrainte de diminuer d'autres lignes budgétaires. Elle a d'abord choisi de faire porter les réductions de crédits sur les dépenses de communication, afin de les faire revenir à un niveau proche des montants exécutés en 2024.
Ensuite, le choix a été fait de préserver au maximum les structures associatives sur lesquelles reposent la prévention des violences faites aux femmes et la prise en charge des victimes. Ainsi, les minorations de crédits porteraient sur les actions en faveur de l'égalité professionnelle ou sur les actions en faveur de la culture de l'égalité, ces dispositifs étant jugés moins structurants.
Enfin, les « coupes » portant spécifiquement sur les crédits dédiés à la lutte contre les violences épargneraient complètement les structures d'accueil et de prise en charge des victimes (accueil de jours, LEAO - cf. infra) ou d'accompagnement aux parcours de sortie de la prostitution, l'effort portant principalement sur les centre de prise en charge des auteurs de violences (CPCA), dont les crédits diminueraient d'1 million d'euros.
B. DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE DIFFICILE, LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES DOIT SE CONCENTRER SUR QUELQUES AXES PRIORITAIRES
1. Certains postes de dépenses sont mieux pourvus et ne nécessitent pas de crédits supplémentaires
a) Le déploiement des dispositifs de protection est satisfaisant
Les travaux récents des rapporteurs spéciaux30(*) ont permis de souligner plusieurs réussites dans la mise en oeuvre du Grenelle des violences conjugales.
Ainsi, ils ont noté que le déploiement des « téléphones grave danger » (TGD) semble répondre aux besoins identifiés sur le terrain et atteindre ses objectifs, ajoutant que le nombre relativement important de TGD inactifs (environ un cinquième de l'ensemble des TGD) paraît également satisfaisant à ce stade et ne rend pas nécessaire un nouvel investissement massif dans ce dispositif.
De même, le nombre de bracelets anti-rapprochement (BAR) actifs a fortement augmenté, passant de 267 en septembre 2021 à 784 en avril 2025. Dès lors, il est possible de considérer que le nombre de dispositifs disponibles est actuellement suffisant pour répondre aux besoins des juridictions.
Les rapporteurs spéciaux en ont conclu que, compte-tenu du coût des BAR, de nouveaux investissements dans de tels dispositifs peuvent être considérés comme non prioritaires.
b) L'amélioration de la prise en charge par les CPCA doit passer par une meilleure allocation des moyens
Les rapporteurs spéciaux ont également considéré que le financement des CPCA, qui apparaissent comme un levier de prévention de la récidive, ne devrait pas nécessairement être augmenté, mais devrait être rationalisé en allouant les ressources aux centres selon leur file active.
En effet, le financement des CPCA demeure largement forfaitaire, l'enveloppe de 1,06 million d'euros allouée ces dernières années ne représentant qu'une part marginale des subventions versées en 2024 (5,8 millions d'euros). Il conviendrait d'allouer au maximum les financements en fonction des besoins (les critères utilisés pour répartir l'enveloppe supplémentaire étant à cet égard pertinents).
2. Quels chantiers prioritaires dans la disette budgétaire ?
a) Les dispositifs d'accès aux droits et la prise en charge des victimes peuvent être améliorées
Si les crédits dédiés aux diverses structures d'accueil et de prise en charge ont sensiblement augmenté ces dernières années, ces structures demeurent précaires et insuffisamment déployées.
Évolution des crédits
dédiés
au titre des CIDFF, EVARS, LEAO et AJ
entre 2020 et 2024
(en millions de crédits de paiement exécutés)
Note : centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), espaces de vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS), lieux d'écoute, d'accueil et d'orientation (LEAO) et accueils de jour (AJ).
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
(1) Les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) : un réseau crucial mais fragilisé
Les CIDFF ont accompagné plus de 200 000 femmes en 2024, dont près de 70 % des victimes de violences. Ils constituent à ce titre la première solution d'accueil et d'accompagnement des femmes, qu'elles soient ou non victimes de violences - et donc bien au-delà des seules victimes de violences conjugales. Ils ont à ce titre assuré plus de 2 598 permanences.
Les financements alloués aux CIDFF peuvent être divisés en trois parts :
- d'abord, le financement consacré, via une convention pluriannuelle d'objectifs (CPO), au soutien à l'action de la fédération nationale des CIDFF (FN-CIDFF), qui représente 1,43 million d'euros en 2025 ;
- les financements dédiés aux CIDFF et à leurs fédérations régionales, qui s'élèvent à 6,6 millions d'euros en 2025 ;
- les financements dédiés à des projets spécifiques portés par les CIDFF en complément de leurs missions d'information des femmes sur leurs droits (pour lesquelles ils sont agréés par les préfets de région) : ainsi, les 98 CIDFF ont à ce titre bénéficié, au total, de 9,6 millions d'euros sur le programme 137 en 2022, dont - par exemple - 543 895 euros au titre d'actions de lutte contre les violences, 200 400 euros pour des actions de lutte contre la prostitution ou encore un peu plus d'un million d'euros pour des actions d'accueil de jour (cf. infra).
Si les CIDFF constituent un réseau crucial pour la politique d'égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les violences faites aux femmes, force est de constater qu'il est financièrement fragile.
C'est pourquoi les rapporteurs spéciaux se sont montrés particulièrement attentifs, en entendant la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), à ce que les surcoûts occasionés par la généralisation de la prime dite « Ségur » ne mettent pas les employeurs associatifs en difficultés. Il est ressorti de l'audition de l'administration que les surcoûts liés au « Ségur » ont été couverts par l'État à hauteur de 80 % - c'est à dire au-delà de la part du financement des CIDFF provenant ordinairement de l'Etat.
(2) Les lieux d'écoute, d'accueil et d'orientation (LEAO) et les accueils de jour (AJ) : une refonte prévue pour 2026
Les LEAO et accueils de jour sont des dispositifs spécialisés dans l'accueil et l'accompagnement des femmes victimes de violences. Ils constituent bien souvent un dispositif de première prise en charge dans le parcours de sortie d'une situation de violences conjugales et dispensent un accompagnement : permanences juridiques, bureaux d'aide aux victimes, etc. Ils interviennent aussi en complémentarité des hébergements pour les femmes victimes de violences.
Il est donc indispensable que ces ressources soient facilement et rapidement identifiables, tant pour les victimes elles-mêmes que pour les professionnels ou partenaires concernés afin de bien orienter les victimes.
La distinction entre
les lieux d'écoute,
d'accueil et d'orientation (LEAO) et les accueils de jour (AJ)
Les accueils de jour (AJ) sont un dispositif permettant un primo-accueil inconditionnel des femmes victimes de violences, en individuel et en collectif, visant à mettre à la disposition des victimes un lieu de proximité ouvert sans rendez-vous durant la journée pour les accueillir, les informer et les orienter ;
Les lieux d'écoute d'accueil et d'orientation (LEAO), permanences associatives sur rendez-vous assurent des missions spécifiques d'accueil, d'information, d'accompagnement et d'orientation des femmes victimes de violences.
Source : SDFE
En 2021, on dénombrait 166 LEAO, répartis dans 95 départements, et 128 accueils de jour. Le montant des crédits exécutés en 2024 pour les deux dispositifs s'élève à 10,5 millions d'euros (soit une augmentation de 4 millions d'euros depuis 2020), dont 5,2 millions d'euros pour les LEAO et 5,3 millions d'euros pour les accueils de jour. Ces moyens avaient légèrement diminué dans le PLF 2025.
Afin de renforcer le pilotage de ce dispositif, un chantier de refonte des AJ et des LEAO a été lancé en novembre 2024. L'objectif est de clarifier les missions de ces deux dispositifs complémentaires, afin de les faire évoluer vers un dispositif commun, dans un souci de meilleure visibilité de l'offre, de lisibilité des interventions et de qualité de la prise en charge.
Les rapporteurs relèvent avec satisfaction que la mise en oeuvre effective de ce nouveau dispositif, qui devrait aboutir en 2026, est l'occasion pour le Gouvernement d'augmenter sensiblement les crédits dédiés aux AJ et aux LEAO : alors que les deux dispositifs représentaient respectivement 3,6 et 5,9 millions d'euros en PLF 2025, le présent projet de loi de finances porte leurs moyens combinés à 13,4 millions d'euros, soit une hausse de 3,9 millions d'euros (+ 40 %) incluant la couverture de la prime Ségur.
b) La mise à l'abri et l'hébergement constituent un axe majeur de progrès
Si la création d'un parc d'hébergement dédié aux femmes victimes de violences est une réalité et s'il s'agit d'un indéniable progrès pour la mise à l'abri et la prise en charge des victimes, les rapporteurs spéciaux ont souligné que la progression du nombre de places dans le parc spécialisé semble avoir été partiellement obtenue par la conversion de places de droit commun préexistantes.
Évolution du nombre de places d'hébergement dans l'ensemble du parc et dans le parc spécialisé pour les femmes victimes de violences
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par le SDFE
La progression du nombre de places d'hébergement dédiées aux victimes de violences conjugales n'est donc sans doute pas complètement sans incidence sur les tensions sur le parc, les victimes de violences patissant souvent elles-mêmes du manque de places d'hébergement disponibles, a fortiori dans des structures spécialisées.
C'est pourquoi les rapporteurs spéciaux considèrent que le développement de solutions de mise à l'abri, d'hébergement et d'accompagnement des victimes dans la durée doit être une priorité, les associations ayant indiqué que l'écrasante majorité des victimes était demandeuse d'un tel accompagnement.
Dans cette optique, le développement et la généralisation du « pack nouveau départ », expérimenté dans cinq départements pilotes, dont celui du Val d'Oise où les remontées de terrain sont particulièrement positives, devrait constituer une priorité.
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
ARTICLE 79
Suppression de la prise en compte de
l'allocation aux adultes handicapés (AAH) en revenu professionnel dans
le calcul de la prime d'activité
Aujourd'hui, les bénéficiaires de l'AAH peuvent bénéficier de la prime d'activité ; dans ce cas l'AAH est comptabilisé comme un revenu professionnel. Le présent article vise à supprimer cette dérogation favorable aux personnes concernées, ce qui aboutirait à priver de la prime d'activité 87 % des bénéficiaires actuels des deux prestations.
Considérant que cette mesure est incohérente au regard de l'objectif d'intégration des personnes handicapées dans le monde du travail, la commission des finances propose de supprimer cet article.
I. LE DROIT EXISTANT : L'ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS EST COMPTABILISÉE COMME UN REVENU PROFESSIONNEL POUR LE CALCUL DE LA PRIME D'ACTIVITÉ
A. LA PRIME D'ACTIVITÉ EST OUVERTE AUX BÉNÉFICIAIRES DE L'AAH QUI EXERCENT UNE ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE
La prime d'activité est ouverte aux jeunes actifs dès 18 ans, français ou européen, ainsi qu'aux personnes titulaires d'un titre de séjour depuis au moins cinq ans les autorisant à travailler. Elle est également ouverte aux étudiants, aux stagiaires et aux apprentis ayant perçu, au cours des trois derniers mois, un salaire mensuel supérieur à 78 % du SMIC.
Elle a également été ouverte à compter du 1er juillet 201631(*) aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) qui travaillent en établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ou en milieu ordinaire.
Le montant de l'AAH est comptabilisé comme un revenu professionnel pour le calcul de la prime d'activité.
En 2024, 108 000 personnes ont ainsi cumulé l'AAH et la prime d'activité. Parmi ces allocataires, 67 % travaillent au sein d'un établissement ou service d'aide par le travail (ESAT), et 33 % travaillent en milieu ordinaire.
B. BIEN QU'ELLE S'ACCOMPAGNE D'EFFETS DE BORD, LA PRISE EN COMPTE DE L'AAH COMME UN REVENU PROFESSIONNEL EST FAVORABLE AUX PERSONNES CONCERNÉES
1. Une prise en compte de l'AAH dans le calcul de la prime d'activité
Aux termes de l'article L. 842-3 du code de la sécurité sociale (CSS), le calcul de la prime d'activité est égal à la différence ci-dessous :
Le montant forfaitaire de la prime d'activité, fixé à 633,21 euros en 2025, est revalorisé chaque année. La prise en compte des revenus professionnels de part et d'autre de la soustraction - assorti d'un coefficient de 59,85 % d'un côté, permet au montant de la prime d'augmenter avec la hausse des revenus, bien que moins rapidement. C'est cette « pente » qui permet d'éviter que la prime d'activité ne constitue un frein au travail.
En tant que prestation sociale, l'AAH est naturellement prise en compte dans les ressources du foyer. Or l'article L. 842-8 du CSS prévoit également une prise en compte - dérogatoire - de cette allocation au titre des revenus professionnels, à condition que les revenus qu'ils tirent de cette activité soit au moins égaux à 29 fois le montant du salaire minimum de croissance (SMIC) horaire, soit environ un quart de SMIC mensuel.
Cette prise en compte permet d'aggrandir la différence entre les deux termes de la soustraction et d'augmenter le niveau de la prime d'activité pour les bénéficiaires de l'AAH.
2. Une dérogation qui n'est pas sans créer quelques incohérences
Dans l'évaluation préalable du présent article, le Gouvernement souligne des incohérences dans les situations de cumul de la prime d'activité et de l'AAH.
Le Gouvernement indique d'abord que la prime d'activité visait initialement les travailleurs non-handicapés, éligibles si leurs ressources sont trop faibles au revenu de solidarité active (RSA) et non à l'AAH. Le montant du RSA étant purement différentiel (il diminue à due concurrence de l'augmentation des revenus du bénéficiaire), cette prestation aurait risqué de constituer une trappe à inactivité et à pauvreté en l'absence de la prime d'activité (qui augmente avec les revenus, bien que plus faiblement). Cette justification n'existerait pas s'agissant de l'AAH, qui intègre elle-même cette dimension d'intéressement au travail par le biais d'abattements spécifiques, si bien que le cumul AAH-prime d'activité fait, selon le Gouvernement, « conceptuellement double emploi ».
Le Gouvernement ajoute que, dans le système actuel, le cumul entre AAH et prime d'activité peut souffrir d'effets de bord, dans la mesure où il ne permet pas de garantir que les ressources globales du foyer augmentent bien à mesure que progresse la rémunération.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA SUPPRESSION, POUR LE CALCUL DE LA PRIME D'ACTIVITÉ, DE LA COMPTABILISATION DE L'AAH PARMI LES REVENU PROFESSIONNELS
Le présent article abroge l'article L. 842-8 du code de la sécurité sociale à compter du 1er avril 2026.
Il précise toutefois que, pour les personnes qui bénéficiaient de l'AAH et de la prime d'activité au 31 mars 2026, ce bénéfice leur serait conservé pendant le trimestre suivant ; il s'éteindrait donc au plus tard au 30 juin 2026.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION : LA SUPPRESSION D'UNE MESURE INJUSTE ET INCOHÉRENTE AVEC L'OBJECTIF D'INTÉGRATION DES PERSONNES HANDICAPÉES DANS LE MONDE DU TRAVAIL
A. LES ÉCONOMIES ATTENDUES DE CETTE MESURE SUR LES FINANCES NE JUSTIFIENT PAS D'APPAUVRIR DES PERSONNES VULNÉRABLES
La mesure proposée, en retirant le montant de l'AAH des revenus professionnels, va diminuer la différence entre les deux termes de la soustraction sur laquelle est fondé le calcul de l'AAH et va, dans les faits, réduire les revenus de nombreuses personnes en situation de handicap, alors même que beaucoup vivent déjà sous le seuil de pauvreté.
Outre des arguments techniques déjà évoqués supra, le Gouvernement justifie cette mesure par son impact budgétaire positif : les moindres dépenses attendues de sa mise en oeuvre s'établissent ainsi à 90 millions d'euros en 2026, soit 225 millions d'euros en année pleine.
Toutefois, les rapporteurs spéciaux estiment que le montant des économies attendues ne justifie pas d'appauvrir des personnes parmi les plus vulnérables de notre société.
En effet, le Gouvernement estime à 108 000 le nombre de personnes qui bénéficieraient à la fois de la prime d'activité et de l'AAH à fin 2024. Parmi eux, plus de 72 000 (soit 67 %) travaillent au sein d'un ESAT, et 36 000 (soit 33 %) travaillent en milieu ordinaire. L'impact de la mesure proposée sur ces travailleurs handicapés cumulant l'AAH et la prime d'activité serait dévastateur : pour ces bénéficiaires, la suppression de la prise en compte de l'AAH comme un revenu professionnel entraîne la perte du bénéfice de la prime d'activité en raison de ressources qui seraient alors trop élevées.
Selon le Gouvernement, 87 % des bénéficiaires cumulant les deux prestations perdraient ainsi le bénéfice de la prime d'activité du fait de cette réforme, dont 95 % des travailleurs en ESAT.
Le Gouvernement estime les pertes monétaires à hauteur de 174 euros par mois en moyenne par personne. Cette estimation rejoint les simulations réalisées par les associations de défense des droits des personnes handicapées.
Estimation des pertes monétaires pour plusieurs cas-types
Simulation APF France Handicap : pour un travailleur en ESAT qui touche 1285 euros par mois (844 euros de rémunération ESAT et 441 euros d'AAH), la prime d'activité pourrait être réduite significativement voire purement et simplement supprimée, sachant qu'elle représente entre 150 et 170 euros par mois pour les travailleurs en ESAT.
Simulation FNATH : comparaison entre deux travailleurs en ESAT avec une rémunération directe égale à 10 % du SMIC (cas représentatif de la majorité des travailleurs) :
- pour un travailleur en ESAT sans carte mobilité inclusion (CMI) : pas de droit à la prime d'activité ; perte de 168 euros par mois.
- pour un travailleur en ESAT bénéficiaire de la CMI : diminution du montant de la prime d'activité ; perte de 77 euros par mois.
Source : commission des finances du Sénat, après les auditions conduites par les rapporteurs spéciaux
Ces montants représentent une part importante du revenu global des personnes en situation de handicap concernés, dont les ressources sont déjà modestes.
B. UNE MESURE INJUSTE MAIS ÉGALEMENT INCOHÉRENTE AVEC LES OBJECTIFS DÉFENDUS PAR AILLEURS PAR LES POUVOIRS PUBLICS
Les associations de défense des droits des personnes handicapées ont également souligné que le calcul dérogatoire de la prime d'activité, une exception favorable aux travailleurs handicapés afin de ne pas les décourager d'exercer une activité professionnelle, ne constituait pas un privilège, mais une double reconnaissance : de la valeur du travail, d'une part, et de la situation de handicap, d'autre part.
Le mécanisme d'intéressement de l'AAH ne compensant que partiellement la perte de ressources liée à la reprise d'un emploi, le cumul avec la prime d'activité permet de corriger les effets de seuil et de rendre le travail réellement plus rémunérateur.
Les rapporteurs spéciaux rejoignent pleinement ce constat. Ils relèvent en outre que la mesure proposée par le Gouvernement est totalement incohérente avec son discours sur la nécessaire incitation à l'emploi des personnes handicapées. Il est en effet incompréhensible de pénaliser l'emploi des personnes handicapées alors que les pouvoirs publics affichent l'objectif inverse.
Enfin, les effets désincitatifs dénoncés par le gouvernement résultent davantage de la complexité des barèmes et du manque de coordination entre aides (AAH, prime d'activité, aides au logement, etc.), dont la résolution nécessiterait une réflexion d'ensemble plutôt qu'une mesure de régression sociale.
Enfin, cette mesure injuste pour les personnes concernées paraît d'autant plus superflue que les économies qui en sont attendues pourraient aisément être atteintes par un autre moyen, moins discriminatoire pour les personnes en situation de handicap : une nouvelle mesure paramétrique de baisse de la « pente » de la prime d'activité. En effet, le décret du 29 mars 2025 (diminution de la pente de 1,15 point) ayant généré 290 millions d'euros de moindres dépenses en 2025, une baisse supplémentaire d'environ 0,35 point permettrait aisément de compenser la suppression du présent article, en recentrant la prime d'activité sur les travailleurs les plus modestes.
Une rapide simulation sur le logiciel LexImpact tend à confirmer qu'il s'agit d'une perspective crédible pour une mesure de nature réglementaire, qui peut donc être prise directement par le Gouvernement.
Les rapporteurs spéciaux invitent ainsi la commission à adopter leur amendement FINC.1 de suppression de l'article 79.
Proposition de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.
EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 28 octobre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de MM. Arnaud Bazin et Pierre Barros, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et l'article 79.
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons maintenant le rapport de nos collègues Arnaud Bazin et Pierre Barros sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ainsi que sur l'article 79.
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » demandés pour 2026 s'élèvent à 29,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Comme chaque année, plus des trois quarts de ces crédits sont destinés au financement de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
Ces crédits diminuent sensiblement - de 2,9 % - par rapport à ceux qui étaient inscrits dans la loi de finances initiale (LFI) de 2025. C'est la première fois depuis 2017 que l'on observe une baisse.
Cette évolution s'explique par une forte diminution des dépenses liées à la prime d'activité - de l'ordre de 8,8 % -, principalement du fait de mesures paramétriques prises en 2025 et à venir en 2026. Cette baisse, d'environ 1 milliard d'euros par rapport aux montants budgétés l'année dernière, compense largement le dynamisme des crédits de l'AAH, qui reste toutefois plus maîtrisé que lors des exercices précédents, avec une hausse de 1,7 %. Le principe de « l'année blanche », prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, induit effectivement une stabilisation des dépenses versées au titre de ces prestations par une neutralisation de l'effet prix.
Ainsi, alors que la mission avait été fortement sollicitée pour répondre aux urgences sociales ces dernières années, le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 marque une rupture avec cette tendance : les crédits budgétés pour 2026 s'inscrivent sensiblement en deçà du plafond de 32,8 milliards d'euros prévu pour l'année 2026 par la loi de programmation des finances publiques.
Je souhaiterais, avant de passer la parole à mon collègue Pierre Barros, mentionner l'article 79 du PLF 2026, rattaché à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». En effet, il vise à mettre fin à une modalité dérogatoire de calcul de la prime d'activité, destinée à avantager les travailleurs handicapés. L'adoption de cet article entraînerait ainsi la perte de la prime d'activité pour 87 % des travailleurs handicapés et pour 95 % des travailleurs en établissement et service d'accompagnement par le travail (Ésat), ce qui représente une perte moyenne d'environ 170 euros par mois pour les personnes concernées.
Cette mesure ne nous paraît pas acceptable. Le rendement qui en est attendu, à hauteur de 90 millions d'euros en 2026 et de 225 millions d'euros en année pleine, ne justifie pas d'appauvrir ainsi les travailleurs les plus vulnérables. De plus, cet article s'inscrit à rebours de l'objectif d'émancipation par le travail pour les personnes handicapées.
Nous vous proposerons donc de supprimer l'article 79. Pour autant, nous ne souhaitons pas renoncer à une économie sur la prime d'activité ; c'est pourquoi nous ne proposons pas de rehausser le plafond des crédits du programme 304. Il reviendra au Gouvernement de prendre, par voie réglementaire, une mesure paramétrique, afin d'atteindre l'objectif d'économies initialement prévu.
Enfin, je vous précise que je vous invite, en responsabilité, à adopter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », malgré la morosité du climat social.
M. Pierre Barros, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Je souhaiterais développer quelques points de vigilance qui ont été les nôtres durant ces travaux. Le contexte d'année blanche, dans lequel s'inscrit le présent projet de budget, implique que les crédits de nombreux programmes financés par la mission soient stables d'une année sur l'autre, et donc en légère diminution en termes réels.
C'est le cas, par exemple, des crédits consacrés à l'aide alimentaire, qui augmentent, dans le PLF pour 2026, de seulement 10 millions d'euros par rapport à la LFI de 2025. Si ces nouveaux moyens permettront de conforter l'aide alimentaire déconcentrée, d'autres programmes sont gelés à leur niveau de 2025 : c'est notamment le cas du Crédit national des épiceries sociales (Cnes) et du programme Mieux manger pour tous, alors que, comme les prix se sont stabilisés, mais qu'ils n'ont pas diminué, la situation des associations d'aide alimentaire reste très précaire.
De même, la budgétisation du pacte des solidarités, qui a pris, à compter de 2024, la suite de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté définie en 2018, aboutit à faire du sur-place, dans la mesure où le volet contractualisé avec les collectivités territoriales est maintenu à son niveau de 2025, tandis que le volet national a été recentré, en cours d'année, afin d'éviter d'excéder les objectifs de dépenses votés dans le budget de 2025.
Enfin, les crédits destinés à financer la politique d'égalité entre les femmes et les hommes n'augmenteraient que de 1,7 % par rapport à 2025, alors que la hausse de ces crédits était de 10 % entre 2024 et 2025.
Comme l'année précédente, l'augmentation des crédits est entièrement absorbée par la mise en oeuvre de l'aide exceptionnelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, qui est versée en une fois, dans un délai de trois à cinq jours, aux femmes qui quittent leur foyer pour fuir leur conjoint violent. Les crédits consacrés à cette aide, qui étaient de 20,4 millions d'euros dans la LFI de 2025 et de 13 millions d'euros dans la LFI de 2024, seraient de 26,4 millions d'euros en 2026, en augmentation de 29,4 %.
Les autres dispositifs de soutien et de prise en charge des victimes de violences conjugales demeurent globalement financés à leur niveau de 2025. Nous le déplorons, même s'il convient de préciser que le Gouvernement a choisi de préserver au maximum ces dispositifs des coupes budgétaires.
À titre personnel, le statu quo me semble foncièrement insuffisant. C'est pourquoi j'appelle, dans la lignée de notre récent rapport de contrôle sur le sujet, à orienter les moyens de la lutte contre les violences et de la prise en charge des victimes vers quelques axes prioritaires, comme la refonte des accueils de jours et des lieux d'écoute, d'accueil et d'orientation (LEAO) ou le développement de l'hébergement spécialisé.
Enfin, considérant que la baisse de 1 milliard d'euros des crédits de la mission n'est pas acceptable, je vous invite, en cohérence avec la position du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-K), comme mon prédécesseur Éric Bocquet le faisait avant moi, à ne pas adopter les crédits de cette mission, qui s'inscrit dans un contexte de régression sociale généralisée.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je note que nos deux rapporteurs spéciaux ont des avis divergents en ce qui concerne l'adoption des crédits de la mission.
Je voudrais vous interroger sur les crédits de l'aide alimentaire. Il y a quelques années, le secteur avait connu des difficultés en raison des problèmes d'accès aux financements européens. Nous avions alors rencontré les principales associations : les Restos du Coeur, le Secours populaire, le Secours catholique, les banques d'aide alimentaire, etc. Celles-ci nous avaient indiqué qu'elles allaient s'efforcer de mieux coordonner leurs actions entre elles et de procéder à des réorganisations en interne - je pense notamment à une meilleure articulation entre les centres logistiques et les plateformes. Ce sujet a-t-il de nouveau été évoqué lors de vos auditions ? La bonne volonté affichée alors s'est-elle traduite en actes ?
Mme Christine Lavarde. - Je voudrais également vous interroger sur l'aide alimentaire. Les députés ont adopté hier soir, sur l'initiative du groupe socialiste, un amendement visant à augmenter le crédit d'impôt dont bénéficient les entreprises de la grande distribution lorsqu'elles donnent leurs invendus à des associations. Je m'étonne toutefois que, dans notre pays, de la nourriture encore consommable puisse être encore détruite. Les associations d'aide alimentaire rencontrent-elles des difficultés - de nature logistique par exemple - pour récupérer les invendus ? Le crédit d'impôt n'aura en tout cas que peu d'effets, car ces produits n'ont plus de valeur marchande.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je suis aussi surpris de l'ampleur de ces destructions de produits alimentaires. Des initiatives ont pourtant vu le jour pour les limiter. Je pense par exemple à l'application Too Good To Go, qui incite les commerçants à regrouper les denrées périssables invendues dans des paniers qui sont vendus à faible prix, à la fin de la journée : les étudiants ou les personnes modestes peuvent venir les récupérer, et cela permet d'éviter de détruire les denrées.
M. Marc Laménie. - Les masses financières en jeu dans cette mission sont importantes, mais le volet humain est également crucial. Les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » augmentent très faiblement alors qu'il concerne des sujets de société d'une grande actualité. Beaucoup de bénévoles oeuvrent dans les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). Comment envisagez-vous l'avenir de ce programme ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Il faut rappeler que 85 % des achats de denrées alimentaires que FranceAgriMer réalise pour les distribuer aux associations sont financés par l'Europe. Un problème chronique se posait, au moins depuis 2017, année où je suis devenu rapporteur spécial de cette mission : un grand nombre de factures ne pouvaient pas être remboursées par l'Europe, pour des raisons d'authentification et de certification des dépenses. Il faut savoir qu'il existe en effet sept niveaux de contrôle et que les denrées sont réceptionnées par des bénévoles. Le système est donc très complexe. Nous perdons en tout cas, chaque année, plusieurs millions d'euros de crédits européens pour cette raison. On prévoit ainsi que les refus d'apurement à FranceAgriMer s'élèveront à 10,4 millions d'euros l'an prochain, qui sont comptabilisés dans les crédits de la mission. Cependant, ce montant est très inférieur à celui qui a été enregistré les années précédentes. En outre, l'administration fait du « surbooking » depuis deux ans : elle achète davantage de denrées que les besoins ne le nécessitent, pour être certaine que les crédits européens ne soient pas perdus, quitte à ce que l'État français dépense un petit peu plus. C'est une initiative intéressante.
Les associations déplorent des problèmes liés à la baisse de la ramasse, c'est-à-dire la récupération d'aliments donnés par les particuliers à la sortie des supermarchés. Cela s'explique très simplement par une baisse du pouvoir d'achat des familles. Les associations n'ont pas évoqué de difficultés avec les entreprises de la grande distribution, mais celles-ci ont de plus en plus tendance, dans une démarche de bonne gestion, à s'efforcer de vendre les produits dont la date limite de consommation approche, en procédant à des démarques importantes.
Le sujet principal, c'est celui de l'inflation des denrées alimentaires que l'on a connue ces dernières années. Les budgets n'ont pas baissé, mais ils n'ont pas progressé à due proportion. Le projet de loi de finances pour 2024 avait prévu deux enveloppes supplémentaires de 20 millions d'euros - l'une adoptée sur l'initiative de l'Assemblée nationale, l'autre sur celle du Sénat. Cette année, ces deux enveloppes ne sont pas inscrites dans le projet de loi de finances, même si ce dernier prévoit un effort de 10 millions d'euros : au total, les crédits baisseront donc de 30 millions d'euros.
Des progrès ont été réalisés dans l'achat des denrées. L'établissement FranceAgriMer s'est professionnalisé et s'est - enfin ! - doté de logisticiens et de spécialistes pour intervenir sur les marchés alimentaires. La situation s'est globalement améliorée, et nous n'avons pas entendu de critiques à ce sujet de la part des associations. Celles-ci ont toutefois dû revoir leurs barèmes et sont donc plus strictes avec les ménages les moins défavorisés.
Vous avez fait allusion à l'instauration d'un crédit d'impôt en faveur des entreprises qui donnent aux associations leurs invendus alimentaires plutôt que de les détruire. Ce n'était pas du tout une revendication des associations, en tout cas pas à notre connaissance. Le système actuel fonctionne ; je suis donc surpris. En revanche, le doublement du crédit d'impôt Coluche prévu dans le projet de loi de finances semble intéressant pour soutenir la générosité du public : ce dispositif permet de déduire de ses impôts 75 % des sommes versées à des associations dans la limite de 1 000 euros. Il s'agit de porter ce plafond à 2 000 euros.
Enfin, monsieur Laménie, le réseau CIDFF connaît en effet des difficultés financières. En ce qui concerne l'avenir de la politique en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes, plusieurs éléments importants sont à souligner. Je pense par exemple aux parcours de sortie de la prostitution. L'an dernier, nous avions obtenu l'alignement de l'aide financière à l'insertion sociale (Afis) sur le revenu de solidarité active (RSA). De même, l'aide exceptionnelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales est un dispositif utile, qui permet de faciliter les décohabitations rapides, en aidant les femmes à se mettre en sécurité le plus rapidement possible.
M. Pierre Barros, rapporteur spécial. - En ce qui concerne l'accès aux financements européens, les structures d'aide alimentaire ont, semble-t-il, su élever leur niveau de technicité afin de pouvoir mieux les capter.
La collecte des denrées alimentaires se heurte à des difficultés logistiques liées au transport ou au stockage. Les banques alimentaires doivent investir dans des réfrigérateurs et des chambres froides. Cela coûte cher en électricité et cela pèse sur leurs frais de fonctionnement. Les associations vont collecter l'aide, mais elles doivent toujours penser à leur capacité à garantir la chaîne du froid. Elles doivent sans cesse veiller à trouver le bon équilibre entre, d'une part, le développement de leur système de logistique et le coût que cela représente, et, d'autre part, les bienfaits d'une telle opération pour leur activité.
M. Claude Raynal, président. - Je vous rappelle que nos rapporteurs ont des positions divergentes sur les crédits de cette mission.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.1 vise à supprimer l'article 79.
M. Pierre Barros, rapporteur spécial. - Je le soutiens.
L'amendement de suppression FINC.1 est adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat de supprimer l'article 79.
*
* *
Réunie le 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission confirme définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France de 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », « Sport, jeunesse et vie associative » ainsi que les comptes spéciaux et les articles qui s'y rattachent.
LISTE DES PERSONNES
ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)
- Mme Jean-Benoît DUJOL, directeur général ;
- Mme Katarina MILETIC-LACROIX, adjointe à la sous-direction des Affaires financières et de la modernisation ;
- Mme Romane DE LA SEIGLIÈRE, chargée de mission sur les questions budgétaires des parlementaires, sous-direction des Affaires financières et de la modernisation ;
- Mme Fanny VERMOREL, cheffe du bureau Budgets performance ;
- Mme Catherine PETIT, cheffe du Service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes ;
- Mme Catherine MORIN, adjointe à la cheffe du Service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes ;
- Mme Camille BOYER, cheffe de bureau - Service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes ;
- M. Benoît BOUSSINESQ, chef de bureau.
Fédération nationale des associations tutélaires (FNAT)
- M. Hadeel CHAMSON, délégué général ;
- M. Antoine PÉRALDI, vice-président ;
- M. Gabin CHAPELET, consultant.
Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)
- M. Emmanuel BOUGRAS, responsable de service ;
- Mme Raphaëlle CHAMPEAU, chargée de mission droits des femmes / Prostitution.
Nexem
- Mme Dorothée BEDOK, directrice générale adjointe ;
- M. Charles RENARD, responsable des relations institutionnelles.
Table ronde avec les associations d'aide alimentaire
Les Restos du Coeur
- M. Yves MERILLON, membre du bureau national ;
- M. Louis CANTUEL, responsable des relations institutionnelles.
Fédération Française des Banques Alimentaires
- Mme Barbara MAUVILAIN, directrice des relations institutionnelles.
Secours populaire français
- M. Pascal DEHAESE, membre du Comité national ;
- M. Michael POZO, directeur des solidarités en France.
Croix-Rouge française
- Mme Audrey BOURSICOT, responsable du programme « Lutte contre la précarité alimentaire ».
Association nationale de développement des épiceries solidaires (ANDES)
- M. Yann AUGER, directeur général.
Table ronde avec les associations de défense des droits des femmes
Observatoire départemental des violences envers les femmes de la Seine-Saint-Denis
- Mme Alice CASAGRANDE, responsable.
Fédération nationale solidarité femmes (FNSF)
- Mme Mine GÜNBAY, directrice générale.
Fondation des femmes
- Mme Floriane VOLT, directrice des affaires publiques et juridiques ;
- Mme Faustine GARCIA, chargée de la force juridique et de plaidoyer ;
- Mme Laura SLIMANI, directrice du pôle projets.
Collectif féministe contre le viol
- Mme Alexandra MARTEL, co-coordinatrice
- Mme Françoise BELLOT, trésorière.
Table ronde avec les associations de défense des droits des personnes handicapées
APF France handicap
- Mme Carole SALERES, conseillère nationale travail, emploi, formation et ressources.
Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei)
- M. Patrick MAINCENT, vice-président.
Association des accidentés de la vie - Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés
- Mme Sophie CRABETTE, secrétaire générale ;
- M. Raphaël LENOIR, chargé de plaidoyer.
*
* *
- Contribution écrite -
FranceAgriMer
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html
* 1 Article 13 de la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021.
* 2 Conformément à l'article 13 de la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021 et au décret n° 2021-1623 du 11 décembre 2021.
* 3 Bénéficiaires d'une aide personnelle au logement (APL), de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), de la prime forfaitaire pour reprise d'activité, de l'allocation équivalent retraite (AER), du revenu de solidarité active (RSA), du revenu de solidarité (RSO), de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et des anciennes allocations du minimum vieillesse, de l'aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine (AVFS), de l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) et de l'allocation simple pour personnes âgées.
* 4 À compter rétroactivement du 1er janvier 2016.
* 5 Décret n° 2025-292 du 29 mars 2025 relatif au calcul de la prime d'activité.
* 6 Prévue par l'article L. 161-25 du CSS.
* 7 Ou plus de 16 ans pour un jeune qui n'est plus considéré à la charge des parents pour le bénéfice des prestations familiales.
* 8 Les modalités de cumul de l'allocation avec des revenus d'activité sont précisées par le décret n° 2010-1403 du 12 novembre 2010, et visent à encourager l'accès durable à l'emploi : pendant six mois au maximum à compter de la reprise d'un emploi, puis partiel sans limite dans le temps.
* 9 Ce plafond est multiplié par 1,81 pour un couple et majoré de 50 % par enfant à charge.
* 10 Elle est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à partir du dépôt de la demande.
* 11 MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, Annexe n° 30 « Solidarité, insertion et égalité des chances » au Rapport général n° 163 (2021-2022) - 18 novembre 2021.
* 12 Prévue par l'article L. 161-25 du CSS.
* 13 Cour des comptes, Les finances publiques locales 2025, Fascicule n° 1, juin 2025.
* 14 Ibid.
* 15 Ibid.
* 16 Ibid.
* 17 Loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi.
* 18 Ces dépenses visent à permettre à FranceAgriMer de rembourser ses emprunts non couvert par les fonds européens, faute de certification.
* 19 Cour des comptes, L'aide alimentaire financée par l'Etat et les fonds européens, juillet 2025.
* 20 Communiqué inter-associatif, « Le programme Mieux manger pour tous, une approche globale vertueuse pour l'accès à l'alimentation », 8 octobre 2025.
* 21 Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023
* 22 « Aide alimentaire : un dispositif vital, un financement menacé ? Un modèle associatif fondé sur le bénévolat à préserver », rapport d'information d'Arnaud Bazin et Éric Bocquet, fait au nom de la commission des finances du Sénat octobre 2018.
* 23 ADF, Communiqué de presse : « L'ADF appelle ses membres à ne pas mettre en oeuvre l'extension de la prime « Ségur » tant que l'État ne leur en compense pas les conséquences », 13 septembre 2024.
* 24 Loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi.
* 25 IGF-Igas, Convergence des droits des travailleurs handicapés en établissement et services d'aide par le travail (ESAT) vers un statut de quasi-salarié, février 2024.
* 26 Amendements identiques II-102, II-1734, II-1964, II-2167 et II-2170.
* 27 Loi n° 2023-140 du 28 février 2023 créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales.
* 28 Voir notamment le décret n° 2023-1088 du 24 novembre 2023 relatif à l'aide universelle d'urgence pour les personnes victimes de violences conjugales, qui en a fixé le barème.
* 29 Sur la base du nombre de dépôts de plainte pour violences conjugales, des ordonnances de protection, des signalements au parquet pour violences conjugales.
* 30 Rapport d'information n° 814 (2024-2025), fait par MM. Pierre Barros et Arnaud Bazin au nom de la commission des finances du Sénat, sur l'évolution du financement de la lutte contre les violences faites aux femmes.
* 31 À compter rétroactivement du 1er janvier 2016.




















