III. ... QUI, PROGRESSIVEMENT, VONT MODIFIER NOTRE FAÇON DE CONCEVOIR LES SERVICES AUX PERSONNES

L'ouverture aux entreprises des services aux personnes va sans doute bouleverser, beaucoup plus qu'il n'y paraît, l'ordonnancement de cette activité, traditionnellement réservée aux secteurs publics et parapublics et au secteur associatif. Le particulier pourra désormais faire appel pour l'exécution de ses tâches ménagères et familiales à trois types d'interventions : le contrat de gré à gré, le recours à une association mandataire ou prestataire ou le recours à une entreprise prestataire. Dans tous les cas, l'activité ouvrira droit a l'aide de l'État, avec la réduction d'impôt, et à des aides indirectes de 1 État, les collectivités territoriales ou des caisses de sécurité sociale sous forme d'allocations versées le plus souvent à la personne demanderesse de services.

Une concurrence s'instaurera qui aura sans doute des effets bénéfiques sur les coûts et la qualité des services. L'exemple américain de « marchandisation » des services, qui s'est traduit par une forte dégradation de la qualité de ces services, ne devrait pas se retrouver en France, en raison des habitudes culturelles et de la forte implication des collectivités territoriales et des caisses de sécurité sociale dans ce secteur.

Il n'empêche qu'il est difficile de prévoir l'évolution de ce « marché ». De grands groupes industriels se préparent à créer des filiales qui solliciteront l'agrément de l'article L. 129-1 du code du travail. Leur stratégie est décrite dans les études citées en première partie du présent rapport : il y est envisagé de conclure des conventions avec les collectivités territoriales afin de prendre en charge des activités de services aux personnes. De telles conventions permettront très certainement d'améliorer les coûts de ces services, leur qualité et, en raison du professionnalisme des dirigeants et des intervenants, de répondre à des besoins non couverts, permettant ainsi de créer de nouveaux emplois. Mais cette efficacité, si les conventions avec les collectivités locales couvraient un champ d'intervention très large, pourrait se faire au détriment du secteur associatif qui s'en trouverait marginalisé. Dans ce cas, évidemment, les collectivités territoriales réduiraient leurs subventions et feraient moins appel aux associations ; le tissu associatif risquerait alors de s'étioler. Il pourrait donc y avoir transfert d'emplois et non création et peut-être même suppression. Car il n'est pas absolument sûr que le marché des services grandira à proportion de l'arrivée des entreprises et que les mesures de solvabilisation des ménages seront suffisantes.

La question se pose aussi de savoir ce que deviendraient, en cas de réduction du tissu associatif, les interventions en faveur de catégories très peu solvables ou marginales, difficiles à prendre en compte dans un système lucratif.

Tout est évidemment une question de mesure. Mais il est évident que les choix qui seront faits n'iront pas sans modifier progressivement quelques-unes de nos caractéristiques sociales et culturelles, dans un sens plus libéral et moins administré.

Aussi, votre rapporteur se doit-il de souligner l'importance du rôle des élus locaux, à qui il appartient de prendre la mesure de ces changements potentiels et, le cas échéant, de les accompagner au mieux des intérêts de nos concitoyens.

Au terme de rapides consultations, imposées par une inscription à l'ordre du jour anticipée, votre commission a constaté que le projet de loi faisait l'objet d'une large approbation. Elle-même souscrit aux mesures de simplification des formalités liées à l'emploi, de solvabilisation de la demande et de structuration de l'offre. Elle souhaite que les changements annoncés se fassent sans marginalisation du secteur associatif, part importante de notre patrimoine social. Les amendements qu'elle vous propose dans la seconde partie de ce rapport ne bouleversent pas l'économie du projet mais apportent des précisions et des garanties qu'elle juge nécessaires.

Page mise à jour le

Partager cette page