E. UNE CHAÎNE FRANÇAISE INTERNATIONALE D'INFORMATION EN CONTINU ?

1. Le rapport Meyer

Commandé par M. Jean-Paul CLUZEL, président de RFI et M. Georges VANDERCHMITT, président de la SOFIRAD, à l'ancien directeur des antennes de RFI et fondateur, aux côtés de M. Jérôme BELLAY et de Roland FAURE de France-Info, le rapport « Quelle information pour l'audiovisuel extérieur ? Concept, stratégie de contenus, capacités et moyens mobilisables, organisation de la production et de la diffusion » , remis en juillet 1996, s'inscrit dans le prolongement du rapport BALLE et propose la mise en oeuvre d'une chaîne d'information en continu .

L'objectif du rapport, qui se situe dans la perspective de l'exacerbation de la concurrence dans le contexte de la multiplication des chaînes que la révolution numérique va permettre, est d'appliquer à l'audiovisuel ce qui a réussi pour Radio France , à savoir le lancement sur la bande FM d'une station entièrement consacrée à l'information, France Info, dont le succès a enrayé l'érosion de France Inter.

a) Un constat partagé par votre rapporteur

Entre TV5, chaîne multilatérale francophone et CFI, banque de programmes -en théorie- il existe une place pour une chaîne française internationale d'information en continu.

Pour le rapport, « le dessein francophone parfaitement louable qui inspire TV5 a pour conséquence une provincialisation paradoxale de cette antenne » et la mise en place de nouveaux journaux d'information spécifiques à une diffusion internationale reste « en deçà de l'effort éditorial qu'il conviendrait de consentir afin d'atteindre un niveau de professionnalisme à la mesure des enjeux et de la nature de la concurrence internationale que TV5 devra désormais affronter ».

Pour CFI, malgré le dynamisme commercial de sa direction, il existe « un décalage évident entre cette politique de développement performante et la faible identité de l'antenne qui (...) souffre de l'absence de clarté stratégique globale des tutelles (...) en matière de contenus » . Même si sa grille laisse une bonne place à l'information, celle-ci n'est pas considérée comme une priorité absolue : la création de tranches d'informations spécifiques a fait l'objet d'un appel d'offre finalement déclaré infructueux.

Au total, et selon le rapport, CFI et TV5 « se contentent de juxtaposer ou d'enfiler des émissions reprises sur les reprises sur les principales chaînes française ou francophones. Une telle politique de bout à bout, en termes de contenus, a jusqu'à présent pu correspondre au faible niveau d'exigence d'un auditoire satellitaire mondial exposé à une offre limitée. Mais sur la durée et partant d'une exacerbation de la concurrence, on ne peut que s'interroger sur l'attrait de tels programmes » .

Le constat est sévère...

Sans le partager pleinement, votre rapporteur approuve les objectifs recherchés par ce rapport :

- résoudre la redondance due à la juxtaposition de CFI et de TV5,

- proposer en matière d'information, dans le paysage audiovisuel international, un regard sur le monde français, sur le segment du « tout info ».

- valoriser l'expérience et les savoir-faire internationaux de France Télévision et de RFI,

- proposer sur les réseaux câblés ou en diffusion directe en France une chaîne d'information internationale, le traitement de cette dimension de l'actualité restant encore assez négligée par les médias audiovisuels, trop hexagonaux.

b) La solution : une association public - privé axée sur LCI

La chaîne d'information internationale en continu peut prendre deux formes : une formule qui la réserve au secteur public, une autre qui associe ce secteur au secteur privé.


• La formule du secteur public associerait, selon le rapport, les meilleurs éléments du noyau rédactionnel de TV5 à l'exploitation du potentiel rédactionnel et des sources d'images de France Télévision et de RFO aux capacités d'analyse et d'expertise des professionnels de RFI.

Les inconvénients de cette formule seraient nombreux. Une structure lourde et coûteuse serait créée ex nihilo, et le recrutement d'une équipe « suffisamment performante » dans les meilleurs délais serait aléatoire. Il faudrait donc recourir aux agences de France 3 ou de RFO, l'AITV, pour façonner en sous-traitance ces tranches d'information.

Incontestablement, une telle structure serait extrêmement complexe à créer et à gérer.


• La formule associant le secteur public et le secteur privé s'inspire du pragmatisme anglo-saxon : BBC World , chaîne rivale de référence sur le même créneau, associe, de façon paritaire, BBC Worldwide et le groupe privé multimédia Pearson. Elle est financée par de la publicité.

Pour le rapport, il suffirait « d'internationaliser » les segments magazines, les débats et les éditions d'actualité de LCI afin « d'enrichir les journaux, chroniques et reportages d'images et d'émissions en provenance des chaînes et sources du secteur public pour mettre au monde une chaîne tout info capable de s'affirmer sur le même terrain » que la chaîne satellitaire britannique. On pourrait faire également appel au Syndicat des agences de presse télévisée , qui regroupe 25 agences dont celles de la presse quotidienne régionale, et 400 journalistes.

Du côté du secteur public, France Télévision apporterait ses éditions d'information, ses réseaux de correspondant à l'étranger et leur savoir-faire, RFI apporterait ses capacités d'expertise, d'analyse et de mise en perspective. On pourrait également faire appel aux partenaires francophones de TV5 ainsi qu'à Euronews , pour les séquences relatives à l'Union européenne.

La forme juridique de cette association pourrait se traduire soit par une convention de coopération, soit par la création d'une filiale commune, LCI serait un prestataire de services.

Le coût annuel de l'unité rédactionnelle est estimé, sur la base de l'internationalisation de LCI, à 100 millions de francs par an, chaque déclinaison régionale ou linguistique entraînant un surcoût de 25 à 30 millions de francs par an.

L'originalité de ce projet de chaîne, France Télévision Internationale, réside, en outre, dans ses méthodes de travail .

La rédaction de la chaîne aura pour mission d'éditer, donc de sélectionner et hiérarchiser, avant leur mise sur antenne, les sujets et séquences, produits par les fournisseurs, LCI et France Télévision principalement, qui ensuite s'intégreront aux journaux télévisés. Les équipements techniques pourraient s'harmoniser avec ceux de la rédaction tout-info de RFI qui fonctionne sous le système informatique Basys.

2. La création de journaux télévisés spécifiques à la diffusion internationale apparaît cependant prioritaire

Pour développer la présence audiovisuelle française, il manque à l'évidence une pièce dans le dispositif de notre action audiovisuelle extérieure.

Néanmoins, votre rapporteur n'estime pas opportun de rajouter une pièce dans un dispositif déjà complexe et que l'on souhaite rationaliser, en rapprochant les principaux acteurs.

La création d'une chaîne d'information en continu, le troisième opérateur avec CFI et TV5, ne s'impose pas.

En effet, qui veut rationaliser doit d'abord raisonner .


• Le rapprochement entre LCI et CFI paraît de prime abord séduisant pour créer une chaîne internationale d'information en continu .

Mais il ne faut pas oublier que les images dont dispose LCI ne sont mises à sa disposition qu'à la condition expresse qu'elles soient diffusées uniquement en France.


• On ne comprend pas ensuite pourquoi le secteur public devrait rechercher dans le secteur privé ce dont il dispose déjà ! En effet, Euronews et l'Agence internationale d'images de télévision, respectivement diffuseur d'informations européen et prestataire de service, sont alimentées par des fonds publics qu'il serait sans doute plus judicieux de rentabiliser plutôt que de créer une nouvelle structure.

Il vaudrait mieux créer des modules d'information destinés à la diffusion internationale au sein des structures existantes, pour atteindre le même objectif, et à un moindre coût .

Au sein de la chaîne francophone TV5 et de la banque de programmes CFI, il existe en revanche une place pour un module de journaux télévisés internationaux en multidiffusion qui ponctueraient la diffusion de ces chaînes.

L'Asie orientale pourrait constituer le banc d'essai de cette nouvelle formule.

Compte tenu de la situation de nos finances publiques, celle-ci ne devrait pas être financée par le budget de l'État, ni par la redevance.

Ce journal télévisé international pourrait être réalisé pour moitié à partir des images provenant de toutes les chaînes publiques et privées françaises, et le cas échéant d'Euronews. Cette partie aurait pour mission de faire le point de l'actualité en France et en Europe. Ce journal pourrait également être réalisé pour moitié par les correspondants locaux des chaînes publiques et privées françaises afin de faire part du point de vue français sur l'actualité nationale et régionale. Cette nouvelle formule offrirait aux téléspectateurs une vision moins franco-française de l'actualité internationale et permettrait de faire disparaître des journaux télévisés les plaisanteries vaseuses d'un tel, la suffisance de tel autre, le narcissisme et le nombrilisme de la plupart, ce que ne comprennent absolument pas et ne supportent pas les téléspectateurs de ces pays. Mais, pour qu'il en soit ainsi, il faudrait que nos journalistes visent un public habitant au-delà de quelques arrondissements intrapériphériques parisiens....

Le journal pourrait être multidiffusé dans la journée, par TV5 et CFi, chaînes généralistes, avec un renouvellement du journal d'information le matin et le soir, afin de viser une clientèle active et mieux répondre aux attentes d'un public de plus en plus exigeant. Les frais de diffusion pourraient être couverts par la technique du bartering , qui associe dès l'origine la production d'une émission et la vente d'une partie de l'espace publicitaire qu'elle supporte, l'offrant ensuite aux diffuseurs gratuitement ou en contrepartie d'une compensation modique, justifiée par la valeur des espaces laissés à leur disposition ( ( * )35) . Cette technique permettrait la promotion des grandes marques françaises, mais également des collectivités locales, qui pourraient y recourir pour favoriser les investissements étrangers en France.

Le rapprochement entre les opérateurs de l'Action audiovisuelle extérieure et France Télévision, grâce à la création du holding « TéléFI » (Télévision France Internationale) pourrait fortement contribuer à accroître les synergies entre audiovisuel public national et audiovisuel public international.

L'utilisation des ressources d'Euronews valoriserait l'investissement du secteur public dans cette chaîne, qui rencontre des difficultés financières sérieuses, mais dont l'audience n'est plus négligeable. Ce rapprochement favoriserait également « l'arrimage » de cette chaîne au pôle public, au moment où la pérennité de la participation de son principal actionnaire privé n'est plus assurée...

Outre cette diffusion « directe », la reprise de nos programmes par des opérateurs étrangers devrait être activement recherchée sur tous les supports . Il faudrait jouer la carte européenne pour la diffusion par satellite, qui permet aux chaînes françaises ou francophones d'assurer une bonne complémentarité. Cette stratégie européenne pourrait également être adaptée pour la radio, comme à Taïwan.

Il faudrait associer dans cet effort secteur public et secteur privé, même si l'on doit, jusqu'à présent, regretter une trop grande discrétion de la part des opérateurs audiovisuels privés.

Cette association public - privé semble indispensable pour affronter la concurrence mondiale, compte tenu du coût d'un tel projet et de l'état des finances publiques. De même, TF1, préoccupé de diminuer le coût global de son information (1 milliard de francs par an), n'est pas prêt à consentir à un effort en matière d'information internationale.

* (32) Un parc de décodeurs propriétaires empêcherait les téléspectateurs disposant du décodeur numérique de CanalSatellite de recevoir les chaînes diffusées sur TPS, et réciproquement

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