II. LES MESURES DE SOLIDARITÉ ÉTUDIÉES EN CONTREPARTIE PAR LE GOUVERNEMENT
Avant d'examiner les mesures envisagées par le Gouvernement, il est utile au préalable de « faire le point » sur les deux dispositifs aujourd'hui mis en place en matière de retraite pour les anciens d'Afrique du Nord
A. LES DISPOSITIFS DE SOLIDARITÉ DÉJÀ MIS EN PLACE
1. Une mesure générale : la loi du 3 janvier 1995
La loi n° 95-5 du 3 janvier 1995 relative à la pension de vieillesse des anciens combattants d'AFN a pour objet d'éviter que la mise en oeuvre de la mesure d'allongement de la durée minimale de cotisation pour l'obtention d'une retraite à taux plein, introduite en 1993, ait pour conséquence d'obliger certains anciens d'AFN à prendre leur retraite après 60 ans.
Mis en place à la suite d'une demande de votre commission lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1994, ce dispositif devrait permettre à 80.000 anciens combattants d'AFN de prendre leur retraite à 60 ans avec une durée d'assurance minorée, quel que soit leur niveau de revenus.
Pour les anciens combattants ayant accompli des services militaires actifs au titre des obligations légales en Afrique du Nord, entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, sont réduites les durées d'assurance et des périodes reconnues équivalentes requises pour bénéficier d'une retraite au taux plein.
Les services obligatoires visés sont ceux qui ont été accomplis :
- soit dans le cadre de la durée légale du service militaire alors fixée à dix-huit mois ;
- soit au titre des mesures de maintien ou de rappel sous les drapeaux.
Les services d'une durée inférieure à dix-huit mois n'ouvrent droit à aucune réduction.
Les dix-huit premiers mois de services ouvrent droit à une réduction forfaitaire d'un trimestre de cotisations.
Les périodes au-delà des dix-huit premiers mois sont prises en compte intégralement et donnent lieu à une réduction égale à leur durée exprimée en trimestres. Toutefois, les services accomplis à la suite d'un rappel sous les drapeaux ouvrent droit à une réduction dès le premier trimestre de rappel, sans que le minimum de dix-huit mois soit applicable.
Pour les services accomplis au-delà des dix-huit premiers mois ou à la suite d'un rappel sous les drapeaux, la réduction en nombre de trimestres est calculée en divisant le nombre de jours de service militaire actif en Afrique du Nord par 90, le résultat étant arrondi, le cas échéant, au trimestre supérieur.
En toute hypothèse, la réduction ne peut avoir pour effet d'abaisser la durée exigée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes à un nombre de trimestres inférieur à 150. 2 ( * )
Lors de son examen, le coût total de cette loi avait été évalué par le Gouvernement à 2,26 milliards de francs sur la base d'un départ à la retraite de 50 % de chaque contingent à l'âge de 60 ans et d'une pension moyenne de 50.000 francs par an.
Il semble que les résultats soient inférieurs aux prévisions dans un contexte, il est vrai, d'incertitude au début de 1996 sur la perspective de la mise en oeuvre de la retraite anticipée. Au premier trimestre de 1996, le dispositif avait bénéficié à 706 anciens combattants pour un coût global de 11 millions de francs. La dépense prévisionnelle pour 1997 serait de 12 millions de francs.
Il est sans doute encore trop tôt pour procéder de manière pertinente à l'évaluation de la loi du 3 janvier 1995 mais votre rapporteur entend suivre précisément cette question au cours des prochains budgets.
2. Une mesure en faveur des plus en difficulté : le fonds de solidarité des anciens d'AFN
Le Fonds de solidarité pour les anciens combattants a significativement évolué depuis qu'il a été créé par l'article 125 de la loi de finances pour 1992 à la suite de diverses initiatives prises alors par votre commission pour obtenir le bénéfice de la retraite anticipée pour les anciens d'AFN pensionnés à plus de 60 % et pour les demandeurs d'emploi en fin de droit.
Ce fonds a été substantiellement modifié par l'article 79 de la loi de finances pour 1995 introduit par le Gouvernement de M. Édouard Balladur.
Pour présenter une demande d'allocation au titre du Fonds de solidarité, cinq conditions doivent être remplies par l'ancien combattant : avoir participé aux opérations en AFN entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 ; résider habituellement en France ; être âgé d'au moins 55 ans et d'au plus 65 ans ; être privé d'emploi depuis plus d'un an, et disposer de ressources personnelles globales inférieures à 4.500 francs par mois.
Depuis le 1 er janvier 1995, le Fonds de Solidarité assure, non pas de plein droit mais toujours sur demande de l'intéressé, le versement de deux catégories d'allocations optionnelles chronologiques et exclusives l'une de l'autre :
- la première allocation est une allocation différentielle qui complète à concurrence de 4.500 francs par mois le montant total des ressources personnelles dont dispose le demandeur ;
- la seconde allocation, dite allocation de préparation à la retraite (APR), est attribuée aux personnes qui auront bénéficié pendant six mois consécutifs de l'allocation différentielle et qui n'exercent aucune activité professionnelle.
La condition de perception préalable pendant six mois de l'allocation différentielle est relativement restrictive. Elle signifie que l'ancien d'AFN doit, non seulement être en chômage de longue durée, mais encore vivre de ressources inférieurs à 4.500 francs par mois pendant six mois au moins pour prétendre à l'APR. Ce critère est particulièrement pénalisant pour les anciens d'AFN dont les ressources sont de très peu supérieures au seuil de 4.500 francs par mois 3 ( * ) .
L'option pour l'APR ne procède pas vraiment d'un libre choix de l'ancien combattant ; la perception préalable de l'allocation différentielle est un « point de passage obligé » pour lui avant de pouvoir prétendre à l'octroi de l'AFR.
L'APR représente un revenu complet, égal à 65 % de la moyenne des revenus mensuels bruts d'activité professionnelle des 12 derniers mois travaillés avant la privation d'activité. Elle est plafonnée à 7.000 francs brut par mois sans pouvoir être inférieure à 4.500 francs brut mensuel. L'intéressé doit renoncer à exercer toute activité professionnelle. L'APR ne donne pas lieu à précompte de cotisations d'assurance vieillesse ; en revanche, elle supporte le prélèvement au titre de la CSG (2,4 %), du RDS (0,5 %) et une cotisation d'assurance maladie au taux forfaitaire de 5,5 %.
Le versement de l'APR suspend le droit au revenu minimum d'insertion ainsi qu'aux prestations de chômage relevant du régime d'assurance (AUD) ou du régime de solidarité (ASS).
L'allocation différentielle et l'APR ne sont pas cumulables ; elles cessent d'être versées dès que le bénéficiaire reprend une activité professionnelle ou qu'il est en mesure de faire valoir ses droits à une pension de vieillesse au taux plein ou à une pension de vieillesse pour inaptitude au travail au sens de l'article L. 351-7 du code de la sécurité sociale et, au plus tard, à son soixante-cinquième anniversaire.
Au premier semestre 1996, le Fonds enregistrait 38.919 titulaires de l'allocation différentielle et 3.374 titulaires de l'APR.
Le montant moyen du complément mensuel versé au titre de l'allocation différentielle est de 1.826 francs au premier semestre 1996. L'APR, quant à elle, représente, en moyenne, une allocation de 6.081 francs par mois en 1996.
Au total, le coût de fonctionnement du dispositif du fonds de solidarité serait voisin de 1 milliard de francs en 1995 dont 841 millions de francs au titre de l'allocation différentielle et 200 millions de francs environ au titre de l'APR.
Il convient de rappeler que la loi de finances pour 1996 a permis d'abaisser à 55 ans, au lieu de 56 ans, l'âge d'éligibilité au dispositif et de relever le plafond de ressources minimales de 4.000 francs à 4.500 francs. Le coût de ces deux mesures est évalué à 370 millions de francs sur l'exercice 1996.
B. LES MESURES DE SOLIDARITÉ PRÉVUES POUR 1997
1. Les mesures déjà prévues à l'article 86 du projet de loi de finances
Compte tenu des évolutions démographiques, le coût du Fonds de solidarité s'établirait tendanciellement à 1,4 milliard de francs pour 1997, toutefois, ce montant est porté à 1,535 milliard de francs pour tenir compte des nouvelles mesures de solidarité décidées par le Gouvernement.
Ces mesures résultent de l'article 86 du projet de loi de finances rattaché au budget des anciens combattants et victimes de guerre.
a) La condition d'âge pour l'accès au Fonds de solidarité est supprimée
Il convient de remarquer que dans la mesure où la dernière classe des militaires appelés, soit la 61/2, atteindra 55 ans au 1er janvier 1997, cette mesure concernera des militaires engagés, pour un coût brut total estimé à 54 millions de francs. Le coût net total serait de 39 millions de francs compte tenu des économies au titre du RMI et des allocations d'assurance chômage.
b) Les anciens combattants d'Indochine ont accès au Fonds
Le bénéfice du Fonds est ouvert à 20.000 anciens combattants d'Indochine, aujourd'hui âgés de 63 à 64 ans et titulaires de la carte du combattant : 5% d'entre eux seraient en situation de chômage de longue durée avec des ressources de moins de 4.500 francs par mois. Le coût de cette mesure est évalué à 24 millions de francs.
c) Le bénéfice de l'allocation différentielle est étendu aux anciens combattants en « situation de travail précaire »
Aujourd'hui, le bénéfice du fonds est réservé aux anciens combattants d'Afrique du Nord en situation de chômage depuis plus d'un an.
Cette condition présente deux inconvénients : tout d'abord, sont exclus du bénéfice du fonds, des anciens d'AFN qui travaillent mais qui, du fait de la faiblesse de leurs revenus professionnels, sont, en réalité, dans une situation très difficile malgré leurs efforts pour ne pas entrer dans le monde de l'exclusion ; d'autre part, le dispositif écarte toutes les personnes pour lesquelles la période de chômage d'un an a été interrompue par un travail temporaire de courte durée.
C'est pourquoi, l'article 86 du projet de loi de finances propose de prendre en compte les « situations de travail précaire », l'objectif étant, selon les informations communiquées à votre rapporteur, de rendre éligibles au Fonds les anciens combattants qui ne sont pas privés d'emploi depuis un an mais qui percevraient des revenus d'activité professionnelle salarié qui ne dépasseraient pas mensuellement 4.500 francs en moyenne au cours des douze derniers mois.
La rédaction proposée par le projet de loi initial n'apparaissait pas très satisfaisante dans la mesure où la notion très vague de « travail précaire » n'a pas fait l'objet jusqu'ici d'une définition au niveau législatif.
L'Assemblée nationale, en première lecture, a modifié cette disposition pour viser les cas « d'activité professionnelle involontairement réduite », le terme « involontairement » ayant été introduit par amendement du Gouvernement.
En tout état de cause, votre rapporteur souhaite que ce dispositif ne soit pas interprété limitativement au bénéfice des seuls salariés, mais qu'il puisse également bénéficier aux anciens d'AFN travailleurs indépendants et en difficulté.
En outre, la période de chômage d'un an ne sera pas considérée comme interrompue lorsque l'ancien combattant aura repris temporairement une activité qui n'aura pas excédé 182 jours ou 1.014 heures de travail, au cours des douze derniers mois. Cette dernière disposition devrait être précisée par arrêté.
Le coût de la prise en compte des situations de travail précaire est évalué à 36 millions de francs dans le budget 1997.
d) Le mode de calcul du revenu professionnel de référence de l'APR simplifié
Actuellement, le montant de l'APR est calculé par référence à 65 % de la moyenne des revenus mensuels d'activité professionnelle au cours des douze derniers mois ayant précédé la cessation d'activité. Il en résulte de nombreuses contestations entre les demandeurs et les services instructeurs qui risquent de devenir insolubles si l'on tient compte par ailleurs des situations de travail précaire. Aussi pour l'avenir, il est prévu de tenir compte des revenus de la dernière année civile « de plein exercice » de l'activité professionnelle du demandeur.
e) Les planchers et les plafonds de l'APR sont fixés, non plus en montant « mensuel brut », mais en « montant mensuel net »
En effet, dès lors que s'imputent sur les 4.500 francs de l'APR, la CSG, le RDS et la cotisation forfaitaire d'assurance-maladie, le montant versé effectivement à l'intéressé est de 4.087 francs par mois. Le coût de cette mesure, importante pour ceux dont les revenus d'activité professionnels ont été très faibles et qui relèvent du plafond de 4.500 francs, représente 12 millions de francs.
f) La situation des veuves des anciens combattants titulaires de l'APR est améliorée
Celles-ci bénéficieront d'un capital décès d'un montant égal à 4 fois le montant mensuel brut de l'APR, assorti d'une majoration égale à 1,5 fois le montant en question par enfant à charge. Cette mesure est évaluée à 7 millions de francs.
g) L'allocation différentielle est maintenue temporairement en cas de reprise du travail
L'allocation différentielle serait maintenue pendant trois mois dans le cas où le bénéficiaire d'une allocation reprendrait une activité professionnelle dès lors que le montant mensuel brut de ses revenus demeure inférieur au plafond de 4.500 francs et ceci pendant une durée de trois mois. Cette mesure dite « d'intéressement » vise à ne pas pénaliser les titulaires de l'allocation qui entreprennent un effort de réinsertion.
2. Les mesures imminentes mais ne relevant pas de la loi de finances
Certaines mesures de solidarité envisagées par le Gouvernement ne relèvent pas du projet de loi de finances mais devraient être mises en place prochainement. Elles sont au nombre de deux :
- tout d'abord, les pensions militaires d'invalidité seront exclues intégralement du calcul des ressources permettant l'accès au Fonds de solidarité. Actuellement, les pensions sont prises en compte dès lors que leur montant dépasse 4.500 francs. Le mécanisme actuel est, en effet, contestable dans la mesure où les pensions constituent un droit à réparation dont l'incidence devrait être neutralisée dans un dispositif d'appréciation de ressources ;
- ensuite, les anciens combattants ayant effectué des stages dans les écoles de rééducation professionnelle de l'ONAC avant le 1er janvier 1969 pourront procéder au rachat des cotisations d'assurance vieillesse correspondant à ces périodes de stage. Une réduction spécifique de durée d'assurance d'un trimestre sera accordée aux intéressés. Cette mesure devra faire l'objet d'un amendement dans un texte législatif approprié.
C. LES DEMANDES ÉCARTÉES PAR LE GOUVERNEMENT OU ENCORE EN ATTENTE
1. Deux revendications des associations d'anciens combattants n'ont pas été retenues
a) Le bénéfice de la campagne double
Les fonctionnaires et assimilés réclament depuis longtemps le bénéfice de la « campagne double ».
À cet égard, le Gouvernement fait valoir qu'un décret de 1957 accorde aux anciens combattants fonctionnaires le bénéfice de la « campagne simple », c'est-à-dire que la période de service sous les drapeaux compte déjà pour deux fois sa durée pour le calcul de la retraite. Accorder le bénéfice de la campagne double reviendrait donc à prendre trois fois en compte cette période pour le calcul de la retraite pour les anciens combattants fonctionnaires et assimilés, alors que pour les anciens d'AFN, salariés de droit privé, cette période ne compte que pour sa durée réelle. Il y aurait donc là un risque d'aggraver la disparité de traitement entre catégories d'anciens combattants.
b) La reconnaissance des pathologies spécifiques
La seconde revendication que le Gouvernement n'a pas retenue, a trait à la meilleure reconnaissance des pathologies spécifiques au conflit d'AFN.
Il semble, en effet, qu'il soit trop tôt pour tirer le bilan des réformes qui ont été adoptées au cours de ces dernières années.
L'une des premières étapes dans la recherche de l'égalisation des droits des anciens combattants a été la reconnaissance d'une pathologie propre au conflit d'Afrique du Nord. A cet effet, une commission médicale a été instituée en 1983 pour étudier une éventuelle pathologie propre aux anciens militaires ayant participé aux opérations d'Afrique du Nord de 1952 à 1962.
Les travaux de la commission ont permis au législateur d'améliorer la réparation des séquelles de l'amibiase. Tel a été l'objet de l'article 102 de la loi de finances pour 1988, aux termes duquel, sauf preuve contraire, est imputable l'amibiase intestinale présentant des signes cliniques, confirmés par des résultats d'examens de laboratoire ou endoscopiques indiscutables et spécifiques de cette affection, et constatée dans le délai de dix ans suivant la fin du service effectué en Afrique du Nord entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.
Par ailleurs, les troubles psychiques de guerre ont fait l'objet du rapport d'un groupe de travail constitué au sein de la commission médicale. Outre l'extension clinique et les modalités d'expertise de ces troubles, ce rapport, déposé en décembre 1985, mettait l'accent sur le délai très variable de leur apparition. Il soulignait également l'absence de lien spécifique avec un conflit donné, contrairement à ce qui avait pu apparaître à l'origine.
Afin d'approfondir cette étude, une nouvelle commission médicale a été installée en décembre 1989 avec la participation d'éminents praticiens civils et militaires et s'est réunie régulièrement. Un rapport de synthèse a été élaboré à la fin de l'année 1990.
Faisant suite à ces nouveaux travaux, le décret du 10 janvier 1992 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des troubles psychiques de guerre permet de mieux prendre en compte les troubles psychiques, en particulier ceux d'apparition différée. Il marque une avancée importante dans la reconnaissance de certaines affections comme la névrose traumatique de guerre.
Votre rapporteur estime naturel de laisser les médecins juger si les symptômes de troubles psychiatriques qu'ils observent trouvent bien leur origine dans les événements vécus au cours d'un conflit sans instaurer une présomption d'imputabilité a priori.
Il reste que la circulaire d'application du décret du 10 janvier 1992 peut paraître excessivement formaliste, notamment lorsqu'elle prévoit que l'enquête biographique sur laquelle se fonde l'expertise psychiatrique se doit d'être particulièrement soignée et critique, fondée sur l'existence de documents permettant de mettre en évidence l'implication du requérant dans un événement traumatique indiscutable.
Votre rapporteur souligne que certains événements traumatisants ne peuvent pas toujours être prouvés par des éléments « écrits » indiscutables.
Votre rapporteur souhaite que, pour l'avenir, on puisse disposer d'éléments de synthèse sur les demandes acceptées ou rejetées au titre de la névrose traumatique de guerre afin de faciliter le bilan de la réforme du décret de 1992.
2. Des mesures en attente
Deux mesures de solidarité importantes demeurent encore en négociation ou en préparation.
a) La question des retraites complémentaires des titulaires de l'APR
Les négociations sont toujours en cours avec les régimes de retraite complémentaire, membres de l'ARRCO, pour obtenir la suppression de l'abattement, pouvant aller jusqu'à 22 %, appliqué sur les prestations servies par ces régimes aux retraités de moins de 65 ans. En effet, ces régimes versent une retraite complémentaire à taux plein à l'âge de 65 ans et appliquent un coefficient d'anticipation de 4 à 5 % par an entre 60 et 65 ans.
La solution serait d'obtenir que les anciens d'AFN bénéficiaires de l'APR puissent relever d'une stipulation de l'accord ARRCO (annexe E) qui prévoit qu'il n'y a pas d'abattement sur la retraite complémentaire lorsque le préretraité est inscrit comme demandeur d'emploi à l'ANPE depuis au moins six mois. Dans cette hypothèse, l'ancien combattant titulaire de l'APR devrait être reconnu « dispensé de recherche d'emploi ».
Les négociations avec le régime de l'ARRCO avaient été annoncées par le ministre des anciens combattants dans sa réponse à la question orale posée par votre rapporteur le 5 mars dernier 4 ( * ) . Depuis, cette mesure n'a toujours pas été prise pour des raisons qui ne sont pas particulièrement imputables au ministère puisque les parties prenantes en cause sont les partenaires sociaux, d'une part, et le ministère des affaires sociales, d'autre part.
Votre commission souhaite que le ministre des anciens combattants soit spécialement mandaté par le Premier ministre pour négocier en priorité et isolément la question de la retraite complémentaire des titulaires de l'APR auprès des gestionnaires du régime ARRCO ou, à défaut, que le ministre des affaires sociales soit habilité à régler en priorité absolue ce dossier dans un délai de trois mois.
b) L'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant
La seconde mesure en attente est celle qui a été annoncée au cours des entretiens avec le Premier ministre puis le Président de la République, les 1 er août et 18 septembre derniers, concernant l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant.
4,4 millions de cartes du combattant ont été délivrées au titre du Premier conflit mondial, 2,6 millions au titre de la Seconde Guerre Mondiale et 2,1 millions au titre des événements en AFN.
Au regard du nombre de soldats mobilisés, le taux de délivrance des cartes du combattant, qui reflètent la valeur au combat, est plutôt favorable pour les anciens d'AFN puisqu'il atteint 63 % pour ceux de la Troisième génération du Feu contre 51,6 % pour la guerre de 1939-1945 et 55,5 % pour la guerre de 1914-1918. Le Front Uni fait néanmoins observer que, par rapport aux demandes présentées, le taux de rejet est beaucoup plus élevé pour les anciens d'AFN que pour leurs aînés, à savoir 77 % demandes acceptées contre 81 % pour la Seconde guerre mondiale et 92 % pour la Première guerre mondiale.
Plusieurs mesures ont déjà été prises pour améliorer la situation.
Il convient de rappeler, à cet égard, que l'attribution de la carte du combattant aux anciens d'Afrique du Nord a été prévue à l'origine par la loi du 9 décembre 1974. La loi du 4 octobre 1982 a permis qu'un effort sensible et significatif soit réalisé en matière de simplification et d'élargissement des conditions d'attribution de cette carte, les décisions d'attribution étant elles-mêmes fonction de la publication des listes d'unités combattantes par l'autorité militaire.
La circulaire ministérielle du 10 décembre 1987 prévoit d'étendre le droit à la carte du combattant aux titulaires d'une citation individuelle homologuée, sauf cas d'exclusion prévus par le Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Ces dispositions s'appliquent aussi bien aux civils qu'aux militaires.
Puis une circulaire ministérielle DAG/4 n° 3592 du 3 décembre 1988 a abaissé de 36 à 30 le nombre de points permettant l'attribution de la carte à titre individuel.
L'étude menée en liaison avec le ministère de la défense, en vue d'exploiter les archives de la gendarmerie pour comparer le positionnement des unités dans lesquelles étaient affectés les militaires du contingent par rapport aux unités de la gendarmerie, a abouti. Sur cette base, le Ministre de la défense, seul compétent en la matière, a modifié la liste des unités combattantes pour intégrer l'ensemble des unités de soutien d'un bataillon de service qui s'est vu reconnaître la qualité d'unité combattante. La liste modifiée a été publiée au mois de mars 1993 au Bulletin officiel des Armées.
Parallèlement, la loi n° 93-7 du 4 janvier 1993 relative aux conditions d'attribution de la carte du combattant, publiée au Journal Officiel du 5 janvier 1993, a abaissé à 5 le nombre d'actions de feu ou de combat nécessaire (au lieu de 6 actions de combat antérieurement) pour pouvoir prétendre à la carte du combattant au titre des opérations menées en Afrique du Nord.
Enfin, en 1994, un arrêté du 30 mars a accordé à tous les anciens d'AFN une majoration de points en fonction du temps de service accompli.
Cette dernière mesure avait été proposée à la suite de la demande du Front Uni de l'introduction d'un critère de territorialité reposant sur une comparaison géographique, unité par unité, entre la situation des unités régulières et celles des brigades de gendarmerie. Or, il semble que les moyens en personnel et en informatique du ministère de la Défense soient insuffisants pour procéder à l'exploitation systématique des archives de la gendarmerie que nécessiterait la mise en oeuvre de cette réforme. L'arrêté du 30 mars 1994 devait permettre l'attribution de 120.000 cartes supplémentaires ; 35.000 ont été accordées à ce jour et les effets de la mesure semblent s'épuiser.
Un groupe de travail a été réuni sur cette question par le ministre des anciens combattants les 17 et 24 septembre dernier. L'orientation qui se dégage serait d'attribuer aux titulaires du titre de reconnaissance de la Nation et de la médaille commémorative un certain nombre de points qui seraient pris en compte dans le calcul des 30 points requis pour l'obtention de la carte.
Votre commission souhaite que cette concertation débouche rapidement sur des avancées concrètes et souhaite, par ailleurs, qu'une distinction honorifique particulière soit décernée aux titulaires du titre de Reconnaissance de la Nation.
*
Cet exposé relativement complet semble particulièrement se justifier aux yeux de votre rapporteur, car cette année a été celle de l'évaluation du coût de la retraite anticipée. Dans la mesure où ce chiffrage a malheureusement conduit le Gouvernement à refuser une mesure dont la charge financière est apparue beaucoup trop lourde, il était important de faire le point sur les efforts consentis pour les anciens d'Afrique du Nord qui n'ont pas démérité et dont le sort mérite toute notre vigilance.
Qu'il soit permis, à cet égard, à votre rapporteur de rapporter ici les paroles fortes du Président de la République, prononcées le lundi 11 novembre dernier, à l'occasion de l'inauguration à Paris d'un monument à la mémoire des victimes civiles et militaires tombées en Afrique du Nord de 1952 à 1962.
«Dix longues années d'épreuves ont montré le courage des forces régulières et des formations supplétives, unies fraternellement dans les plis du drapeau français.
« Intégrés à l'armée d'active, appuyés par les volontaires venus des douars et des villages d'Algérie, près de deux millions de jeunes appelés ont participé à ces engagements. Soldats de métier, jeunes du contingent, Français, Musulmans ont défendu côte à côte les mêmes idéaux, ceux de la République et de la liberté.
« La vie de ces jeunes gens en a été bouleversée, jusque dans sa réalité la plus ordinaire. Il y avait, bien sûr, l'âpreté des combats, la rudesse des opérations dans le djebel, le spectacle de la souffrance ou de la mort ; il y avait aussi le choc du quotidien le plus banal, les choses simples de la vie, l'attente plutôt que l'angoisse, l'ennui ; il y avait l'isolement et le dépaysement, la rigueur des reliefs et du climat, la beauté des sites et de la lumière, la violence des situations, celle des gestes, des paroles et des brèves actions, la brutalité des affrontements et l'indolence de certains instants... C'était, pour beaucoup, le premier grand voyage de leur vie et, soudain, le face-à-face avec un adversaire invisible, dans un horizon hostile et splendide.
De cette expérience-là, nul n'est revenu vraiment indemne. Près de trois millions d'hommes l'ont vécue. 25.000 ont disparu. »
* 2 Décrets n° 95-643 et 95-644 du 9 mai 1995 relatifs à la pension de vieillesse des anciens combattants d'AFN et modifiant le code de la sécurité sociale.
* 3 Au cours du débat à l'Assemblée nationale, le 15 novembre dernier, M. Pierre Pasquini a indiqué que le passage de six mois à trois mois de la période minimale de perception de l'allocation différentielle représenterait un surcoût qui ne serait «pas loin de 10 milliards de francs ».
* 4 Journal Officiel, Débats Sénat, séance du 5 mars 1996, pages 985 et suivantes.